Elles sont une petite trentaine en grève et habitent hors ou aux portes de Paris. Elles viennent du Sénégal, du Mali ou du Congo et sont chargées de faire le ménage dans les 700 chambres de l’hôtel depuis 2, 5 ou 10 ans
Bondy Blog |
Latifa Oulkhouir |
Publication 27/08/2019
En grève depuis mi-juillet pour l'amélioration de leurs conditions de travail, les femmes de chambre de l'hôtel Ibis Batignolles ne comptent rien lâcher. On vous raconte l'histoire de Mama N'Diaye, femme de chambre gréviste et avec elle celui de leur combat et de leur quotidien.
Cela fait plus de cinq semaines qu’elles occupent le devant de l’hôtel Ibis imposant et gris des Batignolles. Elles sont là chaque jour entre 9h et 17h environ. Elles ont installé une petite table sur laquelle trônent une caisse de solidarité, des tracts en français et en anglais à en-tête de la CGT, quelques poêles dont elles se servent comme cymbales et une sono qui crache, entre autres, un tube du chanteur ivoirien DJ Kerozen. « Tous ceux qui ont gagné sont des gens qui ont bataillé », clame-t-il. La bande son est choisie.
Une grande partie des femmes de chambre de l’hôtel sont en grève et il est difficile de ne pas les entendre. Demandez aux agents de sécurité à l’entrée ou aux touristes qui entrent et sortent de l’hôtel toute la journée. Parmi leurs seize revendications : une diminution de la cadence, un arrêt des mutations et l’embauche des salariés de la sous-traitance STN par l’hôtel Ibis Batignolles.
Métier : femme de chambre
Elles sont une petite trentaine en grève et habitent hors ou aux portes de Paris. Elles viennent du Sénégal, du Mali ou du Congo et sont chargées de faire le ménage dans les 700 chambres de l’hôtel depuis 2, 5 ou 10 ans. Parmi elles, il y a Mama N’Diaye. Elle fait partie de ceux que l’on appelle pudiquement « travailleurs pauvres » dans les rapports économiques ou les médias. Mais elle fait surtout partie des ces femmes que l’on croise tous les jours même sans les voir. Elles nettoient les bureaux, refont les lits, aseptisent les toilettes. Et ont une histoire.
Mama N’Diaye a 40 ans, elle habite Montreuil et est arrivée en France en décembre 1995. Elle a commencé à travailler en 1996. Elle faisait des tresses. Puis est devenue gouvernante à Saint-Mandé, chez des particuliers. Elle le dit avec fierté. Elle a aussi fait de la garde d’enfants, de personnes âgées. Elle a été animatrice dans des écoles. Elle rappelle qu’elle, son métier, c’est aide-soignante mais « il n’y avait pas beaucoup de places au concours ». Elle est devenue femme de chambre car c’est plutôt facile de trouver une place. « C’est un métier où l’on ne chôme pas ». Avant l’Ibis Batignolles, où elle est arrivée grâce à une amie, elle avait travaillé dans deux autres hôtels.
Je ne suis pas une machine
Cela fait maintenant dix ans qu’elle officie là, dans ce gigantesque hôtel qui est un des plus grands de la chaîne. Et l’année qui vient de s’écouler n’a pas été simple. Mama N’Diaye a eu une tendinite qui l’a obligée à rester chez elle durant plusieurs semaines avant de reprendre à mi-temps. Un mi-temps thérapeutique, sa tendinite ayant été reconnue comme maladie professionnelle. « Les draps que l’on change, les vitres que l’on nettoie, les poussières, tout ça jusqu’à ce que nos muscles, ça n’aille plus ». Au lieu des 21, Mama N’Diaye ne fait donc plus que 9 à 10 chambres en trois heures. Mais elle se bat pour les autres et leur cadence à réduire. Aujourd’hui, elle est à 3 chambres et demi à l’heure, les femmes de chambres réclament un passage à 2 chambres et demi à l’heure. Faire une chambre en 17 à 20 minutes, c’est impossible selon elle. « Enlever les serviettes et les draps sales, mettre les produits, aérer, passer l’aspirateur, la serpillière. Tout ça, ça prend du temps, rappelle-t-elle.Je ne suis pas une machine. »« Le problème aussi, c’est qu’il y a des filles ici, qui font jusque 50 chambres par jour et on ne leur paie jamais les chambres supplémentaires ou on leur propose de poser des jours. Ils profitent trop de nous. »
Elle raconte également comment le travail l’a épuisée à l’époque où avant de venir travailler à l’hôtel, aux alentours de 9h, elle se levait à 4h, prenait le premier métro pour se rendre à la Défense et faire le ménage dans les bureaux entre 7h et 8h. « J’ai arrêté car j’ai eu des problèmes de tension, je ne dormais pas assez ». Ce rythme-là, certaines autres femmes de chambre le tiennent encore pour des raisons financières. En moyenne, une femme de chambre perçoit une rémunération comprise entre 800 et 1100 euros.
Mama N’Diaye fait partie des femmes de chambre que le sous-traitant STN veut muter dans un autre hôtel, à Marne-la-Vallée. « Ils me disent que je leur fais perdre de l’argent car je ne fais plus que 9 chambres mais c’est le médecin du travail qui m’a dit ça ». C’est la troisième des revendications des femmes de chambre : « arrêt des mutations des salariées partiellement inaptes et des mutations non justifiées de manière générale ».
6 semaines de grève et une détermination intacte
La femme de chambre remarque que la situation s’est détériorée depuis l’arrivée du sous-traitant STN il y a trois ans et analyse la situation de manière simple et lucide : « eux, ils ne connaissent pas notre souffrance, et ils se disent qu’on est des Africains et qu’on ne connaît rien à part l’argent, mais ici on est dans un pays de droits et de loi ».
Ce jour-là, leurs délégués étaient en réunion de négociation. Lorsque des membres de la STN apparaissent, les femmes de chambre les accueillent à coups de « STN voleurs » ou « STN dégage ». Aucun accord n’a pour l’instant été trouvé. « Et toi, qui va payer ton loyer ? » s’interrogent les femmes entre elles et en riant.
Leur inquiétude n’a aucune prise sur leur détermination. « On va jusqu’au bout, même si on doit rester là jusqu’en 2022, on va jusqu’au bout, on est déterminés quoi ». Le rire dans lequel Mama N’Diaye a dit cette phrase ne laisse aucune place au doute. « Si je travaille, si je me bats, c’est pour mes enfants de 12 et 19 ans et ils me soutiennent ».
Les finances et la santé de Mama N’Diaye sont un peu trop fragiles pour se permettre des vacances. Ça fait 6 ans qu’elle n’est pas allée au Sénégal. Elle et son mari travaillent pourtant et lui aussi la soutient, « il fait à manger quand je rentre et que je suis trop fatiguée. Ce travail, ça rend KO ».
Les femmes de chambre de l’Ibis Batignolles entrent dans leur sixième semaine de grève, sans que rien ne semble les déstabiliser, pas même la devanture grise du Pôle Emploi situé juste en face de l’entrée de l’hôtel. « Il y a des gens qui sont en haut, qui ne nous aiment pas et qui disent qu’on ne va pas gagner mais rien ne peut nous arrêter ».
Sur le sol, devant l’hôtel, des milliers de petits confettis rectangulaires « faits maison ». Les grévistes ont patiemment découpé des dizaines de magazines aux ciseaux. Une autre idée, s’il en fallait une, de leur détermination.
VIDEO
L'AFRIQUE, L'AUTRE TERRE DU REGGAE
Même si la philosophie héritée de Bob Marley - se libérer de l'esclavage mental, résister à l'oppression, se battre pour ses droits - a largement infusé le reggae africain, celui-ci a réussi à trouver sa propre voie
Entre l'Afrique et le reggae, l'histoire d'amour musicale dure depuis près de quarante ans. Le reggae africain a ses stars : Alpha Blondy, Lucky Dube, Tiken Jah Fakoly, et ils sont nombreux à vouloir leur emboîter le pas. Même si la philosophie héritée de Bob Marley - se libérer de l'esclavage mental, résister à l'oppression, se battre pour ses droits - a largement infusé le reggae africain, celui-ci a réussi à trouver sa propre voie, notamment grâce aux sonorités africaines et à l'emploi des instruments du continent.
L'ALCOOL, NOUVELLE PLAIE DE L'AFRIQUE, POURSUIT SA PROGRESSION
Jusque-là, l'Afrique consommait peu d'alcool, protégée notamment par les interdits religieux. Mais le continent est le dernier terrain à conquérir pour les alcooliers, et ils mettent la pression
France Télévisions |
Jacques Deveaux |
Publication 27/08/2019
La consommation d’alcool en Afrique ne cesse de s’accroître et inquiète autorités locales et instances internationales. Même si, comme le dit l'Agence Ecofin,"contrairement aux idées reçues, l’Afrique, dans son ensemble, n’est pas un continent très porté sur la bouteille. Bien moins que les Européens."
En effet, quand la moyenne européenne se situe à 10/12 litres d’alcool pur par an et par habitant, le champion africain, le Gabon, ne consomme "que 9 litres". Mais, premier bémol, si on exclut les populations abstinentes, notamment pour des critères religieux, le chiffre s’emballe. Du coup, les pays musulmans deviennent de mauvais élèves. Il y a peu de buveurs, mais de très gros buveurs. Au Tchad, cela frôle les 34 litres par personne non abstinente.
L’alcoolisme en Afrique est totalement ignoré. On parle d’Ebola, du sida, du paludisme, mais très peu des risques de la consommation d’alcool. Et l’industrie l’a bien compris qui fait du continent un marché à conquérir. Une zone de développement dans un marché mondial qui stagne. A côté de programmes de responsabilisation sociale, les brasseurs créent des gammes "low-cost" ou des bières moins alcoolisées. La filière met en avant des bières locales, jouant ainsi sur la corde sensible du nationalisme.
Ainsi en 2017, la croissance du secteur de la bière a été trois fois plus élevée en Afrique que dans le reste du monde. Cette année-là, Heineken, associé au distributeur CFAO, investit 150 millions d’euros à Abidjan (Côte d'Ivoire) dans une immense brasserie, prévue pour produire à terme 1,6 millions d’hectolitres. Le marché ivoirien est porteur.
"L'Afrique est notre source principale de croissance à l'avenir avec le développement de la classe moyenne", explique à l’époque le président Afrique du groupe néerlandais, Roland Pirmez. Ajoutez à cela la jeunesse de la population, le faible coût de la publicité et la réglementation assez lâche, vous avez un terrain idéal de développement.
Santé publique
Face à cela, les enjeux de santé publique semblent peser bien peu. Ainsi, dans les années 2010, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et centrale ont vu se développer la vente d’alcool en sachet. Des doses de 5 ml de whisky, vodka ou gin sont vendues entre 100 et 150 francs CFA (entre 0,15 et 0,22 euros) à la porte des établissements scolaires. Selon plusieurs médias, les lycéens consomment entre deux cours. Accoutumance garantie, les alcooliers préparent ainsi le terrain.
La plupart des pays ont réagi en interdisant la vente de ces produits. Au Cameroun, l’interdiction remonte à 2014. C’est l’un des premiers pays à avoir réagi face à cette menace d’addiction. Pourtant à en croire le site internet Actu Cameroun, "cinq ans après cet arrêté ministériel, la vente de ces produits se porte toujours bien."
Les professionnels avaient deux ans pour écouler leur stock. Force est de constater, selon les journalistes sur place, que les produits sont toujours disponibles. "Il n’y a pas de contrôle", explique une vendeuse du marché de Yaoundé à Géraldine Ivaha, de Cameroon-info.net. Si des salariés du ministère du commerce passent, "on leur fait savoir qu’on n’est pas au courant de l’interdiction et s’ils insistent on s’arrange et ils s’en vont."
Le Sénégal également a interdit la vente de l’alcool en sachet. Et ici aussi, la consommation continue. Pour Alioune Samb, le chef du service régional du commerce de Thiès (ouest), il s’agit d’un trafic à petite échelle. Une revente d’alcool en bouteille reconditionné dans des sachets afin de toucher un public jeune. Selon Alioune Samb, cela ne constitue pas "une production industrielle". Sans doute pas une production industrielle, mais en tout cas un véritable trafic.
PAR MOMAR DIENG
LE REFOULÉ D'UN SCANDALE MORAL ET DÉMOCRATIQUE
«Désir» et «volonté» traduisent effectivement chez Macky, la jouissance à centraliser à son niveau un conflit politique dont il tire les ficelles avec évidence depuis l’origine - Il «promet» de faire du dossier Khalifa ce qu’il voudra
" La grâce est un pouvoir constitutionnel du président de la République. Ça ne dépend que de lui, et de lui tout seul, et de son appréciation. Donc je ne peux pas discuter de ce que dit la presse par rapport à la grâce. Le jour où j’en aurai la volonté ou le désir, je le ferai comme j’ai eu à le faire. »
Notre confrère de RFI qui a interviewé le chef de l’Etat sénégalais a sans doute eu froid dans le dos en entendant Macky Sall recourir à des mots aussi peu innocents que « volonté » et « désir » pour exprimer le caractère omnipotent de sa posture comme Administrateur général du dossier Khalifa Ababacar Sall. Dans les dédales de la littérature scientifique autour de ces deux vocables, les équivalents les plus fréquents sont : motivation cachée, insatisfaction, jouissance, besoin, manque à combler, etc. Et quand le sujet principal touche à l’adversité politique, cette association de mots a néanmoins le don de fournir des éléments de confirmation.
Dans aucun pays démocratique digne de ce nom, un président de la République ne prononcerait en public de tels mots à l’endroit d’un adversaire qui, à bon escient, se définit comme prisonnier politique du pouvoir régnant. «Désir» et «volonté» traduisent effectivement chez le président sénégalais la jouissance à centraliser à son niveau un conflit politique dont il tire les ficelles avec évidence depuis l’origine.. Ça ne dépend que de lui, et de lui tout seul, et de son appréciation. Donc je ne peux pas discuter de ce que dit la presse par rapport à la grâce. Le jour où j’en aurai la volonté ou le désir, je le ferai comme j’ai eu à le faire. »
Notre confrère de RFI qui a interviewé le chef de l’Etat sénégalais a sans doute eu froid dans le dos en entendant Macky Sall recourir à des mots aussi peu innocents que « volonté » et « désir » pour exprimer le caractère omnipotent de sa posture comme Administrateur général du dossier Khalifa Ababacar Sall. Dans les dédales de la littérature scientifique autour de ces deux vocables, les équivalents les plus fréquents sont : motivation cachée, insatisfaction, jouissance, besoin, manque à combler, etc. Et quand le sujet principal touche à l’adversité politique, cette association de mots a néanmoins le don de fournir des éléments de confirmation.
Dans aucun pays démocratique digne de ce nom, un président de la République ne prononcerait en public de tels mots à l’endroit d’un adversaire qui, à bon escient, se définit comme prisonnier politique du pouvoir régnant. «Désir» et «volonté» traduisent effectivement chez le président sénégalais la jouissance à centraliser à son niveau un conflit politique dont il tire les ficelles avec évidence depuis l’origine.
Ils sont l’expression d’une posture de puissance qui rappelle au monde politique sénégalais, en particulier aux récalcitrants opposés à la démocrature qui s’est installée depuis 2012, qu’il y a un chef à la barre. L’exposition d’un moi surdimensionné échafaudé dans l’accoutumance aux délices du pouvoir ressort de l’inflation de «je» : 4 à la suite dans une phrase de 21 mots, ce doit être un record mondial en la matière. Avec un tel environnement mental qui fait de l’épicerie politique une activité normale intégrée à la gouvernance du pays, il y a de quoi s’inquiéter.
Dans un genre plus prosaïque, le président Macky Sall «promet» de faire du dossier Khalifa Sall ce qu’il voudra bien en faire. C'est-à-dire un objet de marchandage qui fera partie de son agenda politique. Au-delà de la mauvaise foi qui consiste à faire croire que tous les prisonniers de Rebeuss sont politiquement et socialement égaux, le chef de l’Etat semble considérer l’ex maire de Dakar comme une monnaie d‘échange et un moyen de pression dans le cadre des campagnes politiques à l’horizon. De quelles façons ? Lui seul le sait. Mais au final, ce ne pourrait être qu’un scandale démocratique. Un de plus, et certainement pas le dernier. L’avenir de Khalifa Ababacar Sall lui appartient, estime-t-il. Mon Dieu !