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21 juillet 2025
LA GAMBIE PERD SON PREMIER PRESIDENT
Dawda Jawara a tiré sa révérence, hier, à l’âge de 95 ans. L’homme décrit comme le père de la nation gambienne est le premier président de ce pays et a conduit les destinées de la Gambie indépendante entre avril 1970 et juillet 1994
Dawda Jawara a tiré sa révérence, hier, à l’âge de 95 ans. L’homme décrit comme le père de la nation gambienne estle premier président de ce pays et a conduit les destinées de la Gambie indépendante entre avril 1970 et juillet 1994.
Mardi 27 août 2019. Cette date restera gravée à jamais dans les pages tristes de l’histoire de la Gambie indépendante. Son premier président est décédé, hier, dans sa résidence de Bakau vers 8heures. Dawda Kairaba Jawara est né le 28 avril 1924 dans une famille mandingue musulmane, à Barajally, dans le centre du pays, où son père tenait un commerce. Il a fait ses études au Ghana, puis en Grande-Bretagne, à Glasgow. Etudiant en Écosse, le futur chef de l’Etat gambien commence à s’intéresser à la politique, en côtoyant le mouvement des jeunes du parti travailliste britannique, ainsi que de futurs responsables politiques d’État du Common wealth. Revenu en Gambie en 1953, il exerce la fonction de vétérinaire et se convertit au christianisme pour épouser en février 1955 Augusta Mahoney, fille d’un influant homme politique, d’origine aku et de confession chrétienne. Jawara entre en politique en 1960 et devient le dirigeant du Parti populaire progressiste (PPP), et ministre de l’Éducation au sein du gouvernement autonome gambien, sous la tutelle de la Couronne britannique. En 1962, il devient le chef du gouvernement autonome gambien. En février 1965, la Gambie devient la dernière colonie britannique à acquérir son indépendance.Toujours la même année, Jawara divorce de sa première épouse, se reconvertit à l’Islam et se marie à nouveau, en 1967, avec la fille de Momodu Musa N’Jie, d’origine peule. N’Jie était un homme politique et l’un des bailleurs du parti gambien,l’United Party. Dawda Jawara, en 1970, proclame la République dont il devient le premier président. Il est ensuite réélu tous les cinq ans, de façon démocratique et avec une majorité nette, par l’Assemblée nationale jusqu’en 1982, puis au suffrage universel après la réforme constitutionnelle de 1982.Daouda Jawara a fait face durant son règne à trois tentatives de coup d’Etat. Les deux premiers ont eu à échouer grâce à l’intervention des troupes sénégalaises..32
TROIS COUPS D’ETAT SOUS SON REGNE
La première tentative de Putsch s’est déroulée à Banjul en octobre 1980. Le président gambien Dawda Jawara avait fait appel à Dakar qui lui a aussitôt envoyé, en novembre 1980, des militaires lourdement armés pour neutraliser les Fields Forces. Cette opération du nom de Fodé Kaba I permettra à Dawda Kaïraba Jawara d’arrêter tous ses opposants, de réduire les libertés individuelles et d’interdire toutes les formations politiques. Pour justifier l’intervention des Diambars, Léopold Sedar Senghor avait prétexté anticiper sur une déstabilisation du Sénégal fomentée par la Libye. Pour beaucoup de spécialistes, les prémices de l’insurrection du mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) avaient poussé Senghor à agir.La deuxième tentative de coup d’Etat a eu lieu le 30 juillet 1981. En l’absence du président Jawara, un coup de force est encore organisé par des opposants radicaux dirigés par un certain Kukoy Samba Sagna.Apres avoir pris possession des principaux sites stratégiques de la Gambie de la capitale gambienne, ils ont créé un conseil suprême de la révolution. Le Sénégal déclencha l’opération Fodé Kaba II. « Le but de l’opération était de débarrasser Banjul des putschistes qui avait perpétré un coup d’état contre le président Daouda Jawara.L’opération fut une réussite. Le président Jawara a été remis rapidement sur son fauteuil. A partir du 06 Aout toute la Gambie passa sous le contrôle de l’Armée sénégalaise», a expliqué le colonel Seyni Diop dans son livre «Fodé Kaba II, les Jambars dans le vent». A l’en croire, le Sénégal n’avait fait que jouer son rôle de puissance dans son cercle intérêt stratégique, faisant ainsi respecter la légitimité internationale. Il faut dire que Fodé Kaba II a été une véritable opération de guerre. Le Sénégal y laissera 33 morts dont 2 officiers, et 84 blessés. La confédération sénégambienne mise sur pied à l’issue des événements ne survivra pas aux «différences de compréhension des objectifs de la confédération». Le Sénégal y mettra fin officiellement le 21 septembre 1989.
En définitive, le 22 juillet 1994, un nouveau coup d’État militaire, mené par Yahya Jammeh,réussit et renverse le régime démocratique. Jawara embarque avec sa famille et ses proches sur un navire de guerre américain, en escale technique à Banjul, pour venir s’installer à Dakar et Londres plus tard. Il sera amnistié par son successeur en 2010, et ce dernier n’épargnera rien pour fêter le retour du père de la nation le 31 décembre 2010. Il va vivre dans son pays natal paisiblement jusqu’à son décès hier à l’âge de 95 ans.
par Jean-Pierre Corréa
COURAGE POLITIQUE REQUIS
Le Sénégal retombe dans la chronique quotidienne des accidents de la route mortels. Mais puisque nos vies ne valent pas tripette, les autorités refusent de prendre en charge les véritables questions auxquelles il convient d’urgence d’apporter des réponses
« La Lucidité est la Brûlure la plus proche du Soleil » - René Char.
Les cadavres s’amoncellent sur nos routes mortifères, des vies sont définitivement brisées, et pourtant les accidents de la route continuent d’ensanglanter les pages de nos journaux. Passées les émotions, les discours incantatoires sur la discipline routière, et parfois les condoléances télévisées du chef de l’Etat aux parents des victimes, quand vraiment là, y a trop de morts, et que ça fait voyant, le Sénégal retombe dans la chronique quotidienne des accidents de la route mortels. Mais puisque nos vies ne valent pas tripette, les autorités de notre pays refusent de regarder les choses en face et d’évoquer, puis de prendre en charge les véritables questions auxquelles il convient d’urgence d’apporter des réponses fermées à une coupable faiblesse.
Les autorités concernées par ce drame national, réajustent chaque jour leurs œillères, afin de ne pas regarder dans quelles directions il est impératif de sévir.
Le Directeur du CETUD, Monsieur Cheikh Oumar Gaye est apparemment tranquille lorsqu’il déclare un jour que « plus de 90 pour cent des accidents incriminent le facteur humain la fatigue, l’indiscipline. C’est pourquoi l’Etat a mis en œuvre des projets dont le permis à points ». Sur ce point précis, il fait remarquer que beaucoup de documents de transport circulent au Sénégal. Par exemple il y a officiellement 996 000 permis de conduire qui ont été délivrés régulièrement par l’administration des transports routier alors qu’il y a plus de 3 millions de permis qui circulent dans le réseau. Ce qui fait qu’il y a près de 2millions de faux permis qui circulent au Sénégal. C’est pourquoi, dira-t-il, nous allons numériser et sécuriser les titres de transport en introduisant la biométrie avec des cartes à puce ». A la bonne heure ! Il y aurait donc un sénégalais sur quatre qui aurait le permis de conduire, vrai ou faux, pour le moment, c’est pas la question, ce qui tendrait à dire qu’ils sont sensés posséder une voiture… Cela fait sourire. Mais avec plus de 2.000.000 de faux conducteurs, on s’étonne encore de convoquer le facteur humain. Mais la réponse est dans la question. Comment, par quel circuit de corruption adossé, un réseau d’influences, autant de faux documents ont-ils été délivrés ? Leurs détenteurs ipso facto ne connaissent rien au code de la route, ce qui nous offre à voir des charretiers emprunter l’autoroute à péage et se présenter tranquille à la file « Rapido ». Puisqu’il pense que c’est juste un chemin ! Comme au bled !
Autre cécité de nos autorités, qui est à la base même du problème, c’est le contrôle technique. Tâchons d’évacuer la question avec une métaphore : S’il était fait dans les règles de l’Art et sans pression de quelconque lobby, nos villes seraient-elles embouteillées ? Encore une fois, la réponse est dans la question.
Prenons nos cars rapides. Ils sont souvent immatriculés « DK A », ce qui date leur existence aux années 70. Refaits, soudés de partout, soudures qui en fait provoquent plus de dégâts que le choc lui-même, il était convenu de renouveler ce parc antique par de nouveaux véhicules de transports en commun. C’était plus qu’un projet, c’est un programme, financé, piloté dans la douleur par le CETUD, mais qu’il est impossible de dérouler, parce que des lobbies veulent continuer à prospérer tranquillement dans le désordre actuel. L‘ordre empêche les sénégalais de prospérer, et cela n’arrange pas de réorganiser ce secteur aux milliers d’emplois informels… Mais silence… Ils peuvent continuer à tuer.
Ils achètent des bidons de liquide-freins, dont ils savent que ces bidons ne contiennent que du « Savon de Marseille » pilé, et alors ? Ils disent à haute voix « Bissimillah » avant de démarrer, ils ont convoqué par là-même Dieu, leur plus efficace, selon eux, « Garçon Commissionnaire », ils ont en réassurance absolue, collée sur le pare-brise, la photo de leurs marabouts, si par extraordinaire ils devaient commettre un accident mortel, c’est que vraiment Dieu n’est pas dans un bon jour !
Cela dit, des infrastructures ont été réalisées, les routes sont bonnes, mais cela prouve juste que l’on ne peut parler des Infrastructures sans mettre à niveau la superstructure, l’éducation, la réflexion, la citoyenneté, le civisme et la probité.
Mais rien ne sera possible sans la lucidité nécessaire pour le pouvoir, de devoir s’attaquer au tréfonds de notre ADN et de nos habitudes qui a pour nom : CORRUPTION.
Le permis à points est la dernière histoire drôle. Comment ôter des points sur un faux permis ? Pliés en quatre de rire, nous attendons la réponse.
LA BALLE DANS LE CAMP DU PROCUREUR DANS L'AFFAIRE PETROTIM
Serigne Bassirou Guèye peut classer l’affaire sans suite ou ouvrir une information judiciaire puis saisir un juge d’instruction (probablement le Doyen des juges d’instruction Samba Sall)
L’affaire Petro-Tim mettant en cause le frère du président de la république, Aliou Sall, a été bouclée par la Brigade des affaires générales (Bag) de la Division des Investigations criminelles (Dic) pendant la période de la Tabaski. La balle est désormais dans le camp du procureur de la république Serigne Bassirou Guèye qui peut ouvrir une information judiciaire et confier le dossier à un juge d’instruction. Le maître des poursuites peut aussi classer l’affaire sans suite. Le premier choix semble être plus probable.
L’enquête sur le scandale des 10 milliards de dollars dans l’affaire Petro-Tim finalement bouclée par la Brigade des affaires générales (Bag) de la Division des investigations criminelles (Dic) depuis environ trois semaines, quelles possibilités s’offrent au procureur de la République qui avait saisi les enquêteurs et à qui le dossier a été transmis?
Serigne Bassirou Guèye peut classer l’affaire sans suite ou ouvrir une information judiciaire puis saisir un juge d’instruction (probablement le Doyen des juges d’instruction Samba Sall).En effet, la loi lui permet d’ouvrir une information contre X, donc l’affaire ira en instruction. Il a également la possibilité de faire enrôler le dossier devant le Tribunal des flagrants délits mais les conditions de la flagrance ne semblent pas être réunies pour lui.
«La voie la plus opportune pour le Procureur est l’information contre X, mais cela peut être un danger pour lui. Les régimes n’étant pas éternels, s’il y a information et qu’il part, le prochain gouvernant peut reprendre le dossier là où il l’a laissé. Dans tous les cas, il ne peut classer le dossier sans suite à cause de tout le tollé que cela pourrait soulever. Je pense qu’il va laisser traîner et attendre un contexte favorable pour poser des actes», a soutenu un avocat qui requiert l’anonymat.
Premier à avoir été convoqué devant les enquêteurs après la conférence de presse du Procureur Serigne Bassirou Guèye, Babacar Mbaye Ngaraf, proche de Karim Wade, s’étonne que des «témoins clés» n’aient pas été auditionnés. Il fait allusion au journaliste Baba Aidara, à l’ancien président de la République Me Abdoulaye Wade qui a levé le lièvre, à Karim Wade qui a été le ministre en charge du secteur au moment du contrat et qui avait signé le premier protocole.
Il y a aussi le bénéficiaire du contrat Frank Timis, l’Inspectrice générale d’Etat(Ige) Nafi Ngom Keïta, le ministre Aly Ngouille Ndiaye, etc. Dans tous les cas, souligne Babacar Mbaye Ngaraf, la responsabilité du procureur de la République est engagée. Pour rappel, dans le cadre de cette enquête ont été entendus, entre autres, Babacar Mbaye Ngaraf, Aliou Sall, Pierre Goudiaby Atépa, Birahim Seck, Samuel Sarr, Abdoul Mbaye, El Hadji Hamidou Kassé.
A sa sortie, le leader du Mouvement Tekki Mamadou Lamine Diallo a demandé que le Président Macky Sall soit auditionné. Quant à Thierno Alassane Sall, ancien ministre de l’Energie, il a refusé de répondre aux questions des enquêteurs. Ousmane Sonko et Abdoulaye Wade, qui ont fait plusieurs sorties sur cette affaire, n’ont pas été auditionnés.
LE COULOIR DE LA MORT
Au Sénégal, pour se faire consulter par un spécialiste, il faut un rendez-vous sur deux, trois, six mois, voire un an. Un long délai d’attente qui ressemble à un couloir de la mort dans lequel les patients sont tués à petit feu par la maladie
Au Sénégal, pour se faire consulter par un spécialiste, il faut un rendez-vous sur deux, trois, six mois, voire un an. Un long délai d’attente qui ressemble à un couloir de la mort dans lequel les patients sont tués à petit feu par la progression de leur maladie. Reportage
“Revenir dans deux mois, je ne peux pas. Donnez-moi une date plus proche. Je souffre !’’, proteste la patiente. “Maman, c’est la seule date disponible. Je ne peux rien faire. Revenez dans deux mois, c’est mieux. Il y a une longue liste d’attente. S’il vous plait, ne faites pas de bouquant, je vous en prie’’, supplie la secrétaire.
L’ambiance est délétère. Les murmures et les chuchotements font échos dans la salle d’attente. Les commentaires vont bon train. En fait, la dame n’a fait que dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Cette ambiance grincheuse se passe au Service de neurologie de l’hôpital Aristide Le Dantec. Fatou Djiba est une sexagénaire. Elle marche à l’aide d’une canne. Elle a quitté Yeumbeul, à l’aube, accompagnée de sa petite-fille, pour voir son médecin traitant. Mais toutes ses précautions n’ont servi à rien. Non seulement elle n’a pas vu le médecin, mais la secrétaire lui fixe un rendez-vous dans deux mois.
Désespérée, elle entre dans une colère noire. Déversant sa bile sur la pauvre secrétaire, au demeurant très calme, essayant de la rassurer. Mais maman Fatou ne veut rien entendre. Elle a besoin de soin coûte que coûte, car se sentant affaiblie et convaincue que la grande faucheuse peut taper à sa porte à tout instant. Sa petite-fille Fatou Diouf, également son homonyme, semble dépassée par la situation. “Grand-mère, arrête de crier. Ce n’est pas bon pour ta santé. Viens, s’il te plait. Arrête de parler’’, tente-t-elle, gênée, de calmer sa mamie. La réplique ne se fait pas attendre. “Hééé Fatou ! Laisse moi tranquille. Tu sais bien que je n’ai pas dormi toute la nuit, à cause de mon mal. Je suis la seule à savoir combien je souffre. Si je ne vois pas le médecin aujourd’hui, ça sera demain. Je ne pourrais pas vivre plus d’une semaine, si le médecin ne vient pas me voir’’, lance-t-elle.
Touchée par ce cri de désespoir, la jeune fille sanglote. Elle avance d’un pas sûr vers la secrétaire. “Madame, ma grand-mère a vraiment mal. Vous-même vous la connaissez, parce qu’elle se fait soigner ici. Essayez, s’il vous plait, de lui trouver un rendez-vous pour demain. On a quitté à 5 h du matin’’, implore Fatou Diouf, tout en pleurs.
Au fur et à mesure, l’atmosphère devient plus tendue, car la dame ne veut pas quitter les lieux. Les vigiles interviennent alors pour l’évacuer de force. La dame se met à terre. Une partie des patients s’en mêle. La situation commence à dégénérer. La vieille dame ne cesse de hurler. “Je veux me soigner ! Lâchez-moi ! Je ne sortirai pas de cet hôpital’’, scande Mme Djiba. Tout d’un coup, le médecin sort de sa cabine. Il essaie de comprendre ce qui se passe en s’adressant à sa secrétaire. Un autre médecin sort, puis un troisième.
Finalement, le médecin traitant ordonne à sa secrétaire de lui trouver un rendez-vous pour le lendemain, après avoir calmé la dame. Il lui fait comprendre que tous ceux qui sont sur les lieux sont malades comme elle. Que son cas n’est pas plus grave que ceux des autres. L’incident est clos. Fatou Diouf aide alors sa grand-mère à se relever. Rendez-vous est ainsi pris pour le lendemain.
«Les longs rendez-vous tuent les malades »
Si Fatou Djiba a dû créer tout un tintamarre pour décrocher un rendez-vous anticipé, beaucoup de malades souffrent dans le silence, du fait de rendez-vous très lointains. Dans les hôpitaux sénégalais, une personne peut mourir facilement, faute de spécialistes pour la prendre en charge à temps. En effet, pendant qu’on attend la date du rendez-vous, la maladie progresse. Oumar Ndiaye soutient que l’Etat est le seul responsable de tous ces décès. Parce qu’il n’a pas mis les moyens qu’il faut afin qu’il y ait assez de spécialistes dans le pays. “On a investi des centaines de milliards pour le Ter. Si on avait injecté cet argent dans le système de santé, cela aurait réglé le problème. Mais les gouvernants ne font rien, parce que, quand leurs enfants ou parents tombent malades, ils se soignent à l’étranger. Donc, qu’on ait des spécialistes ou pas, qu’on ait un bon plateau médical ou pas, cela leur fout au pôle nord’’, fulmine le quinquagénaire.
A l’en croire, la situation est plus compliquée chez les orthopédistes. “J’ai même pensé qu’il n’y avait pas d’orthopédistes au Sénégal. C’est vraiment désolant. Là-bas, on te donne des rendez-vous sur 9 mois, 11 mois, voire 1 an. Dans ce pays, il faut toujours prier Dieu d’être en bonne santé. Sinon, c’est la catastrophe. Les longs rendez-vous tuent les malades. C’est une honte, pour un pays comme le Sénégal, d’être confronté à un déficit de spécialistes. Pendant ce temps, on pille notre argent’’, se désole-t-il. Une thèse que partage mère Khady Diakité, une autre patiente. Cette dernière pense même que ceux qui habitent Dakar sont en réalité des privilégiés. “La situation est plus alarmante dans les régions.
Les populations ne réclament que des spécialistes en gynécologie, parce qu’elles savent qu’il est impossible d’en avoir d’autres. Par exemple, pour tout le Sénégal, il n’y a que 18 neurochirurgiens et ils sont tous à Dakar. Et ce n’est pas de leur faute’’, plaide celle dont le fils est pneumologue. Elle ajoute : “J’ai du mal à croire à certaines choses qu’il me raconte. Ce n’est pas pour rien que l’on entend souvent que tel spécialiste dans telle région a démissionné de son poste. On affecte les gens dans les régions sans moyens. Pas de matériel qu’il faut pour exercer. Donc, le spécialiste qui ne veut pas prendre le risque préfère quitter pour ne pas tuer ou causer de préjudices à qui que ce soit. L’Etat gaspille notre argent pour des foutaises. Pendant ce temps, les gens meurent dans des hôpitaux comme des mouches, à cause des longs rendez-vous, d’un mauvais plateau technique, du matériel obsolète. Ce déficit est une catastrophe’’, tonne Mme Diakité.
«Ma femme est décédée trois mois avant son rendez-vous »
Saliou Samb embouche presque la même trompette. Lui qui fait partie des patients du jour. Ce vieux a perdu sa femme qui souffrait d’un cancer du sein, à cause de ces longs rendez-vous. “Quand elle a senti que ça n’allait pas, nous sommes venus voir le médecin dans ce même hôpital. Ce dernier lui a diagnostiqué un cancer du sein. Il nous a signifié qu’on doit commencer le traitement le plus rapidement possible.
Paradoxalement, il nous donne rendez-vous dans 6 mois. Parce qu’il y avait beaucoup de personnes sur la liste d’attente’’, explique le vieux avec une voix mélancolique. Trois mois avant son rendez-vous, sa femme est décédée. Ne pouvant pas digérer la pilule, le vieux Samb est retourné à l‘hôpital pour menacer le médecin d’assassinat. Il est convaincu que c’est une négligence, persuadé que s’il était riche, on allait la prendre en charge.
De ce fait, contrairement à Mme Diakité, lui estime qu’on ne peut épargner le manque de conscience professionnelle de certains médecins. “Ils accordent plus de privilèges aux hommes riches. Ces derniers sont mieux traités que nous qui sommes issus de familles modestes. J’ai constaté qu’à chaque fois que j’ai un rendez-vous, il y a des gens qui se font consulter sans rendez-vous. On se lève à 6 h pour être premier, eux viennent à 10 h, passent avant nous. Même si on a mille spécialistes dans chaque domaine, la situation ne va jamais changer.
C’est une question de comportement’’, dénonce-t-il. Le plus écœurant, ajoute-t-il, c’est qu’à partir d’une certaine heure, tous les spécialistes sont dans les cliniques. “Ils abandonnent les patients pour les structures privées. Parfois, au lieu de vous prendre en charge, ils vous orientent vers ces cliniques. C’est vrai qu’il nous faut des spécialistes, mais ils doivent respecter leur travail. Ils ont choisi d’être médecins. Le patient est roi, dans un hôpital. Qu’ils arrêtent ce qu’ils font. Je ne parlerai pas trop de l’Etat, parce que nous n’en n’avons pas. Nous avons des gens qui cherchent à s’enrichir avec l’argent du peuple’’, vocifère M. Samb.
500 SPÉCIALISTES INSCRITS PAR AN : Seul le 1/3 des Sénégalais
Faute de spécialistes et de plateau technique, les victimes de l’accident du 17 août faisant 5 morts et 66 blessés dans le département de Bignona, ont doublement souffert. Le centre de santé où sont acheminés certains blessés ne dispose même pas de service de radiologie, encore moins d’Irm. En plus de cela, le bloc opératoire n’a jamais fonctionné depuis son ouverture, parce que, informe-ton, l’Etat ne parvient pas à trouver un chirurgien à y affecter. Pourtant, paradoxalement, il y a chaque année, 1 500 diplômés en études spécialisées (Des) inscrits à l’université. Mais, malheureusement, seuls les 500 sont sénégalais. “Quand on sait que la formation d’étudiants en médecine coûte excessivement cher, le Sénégal se permet le luxe de former des étrangers à la place de ses propres enfants’’, se désole un médecin. Cela est dû, à son avis, d’abord, au fait que les frais d’inscription ont augmenté à 500 mille par année. Il s’y ajoute le fait que les professeurs demandent beaucoup de services pour décourager les jeunes Sénégalais et les obligent à une année probatoire. C’est-àdire, au lieu de faire 4 ans de formation, tu fais 5 ans. “C’est un deal sur le dos du peuple sénégalais. Parce que l’université gagne750 millions par an avec l’inscription à 500 mille des 1 500 Des. Sur les 5 années de formation, c’est 3 milliards 750 millions. Cet argent ne rentre pas à l’université, mais dans la poche des professeurs’’.
Les chiffres du ministère confirment le déficit
Selon les normes de la carte sanitaire du Sénégal, il faut 750 médecins spécialistes dans les hôpitaux. Mais le pays est à 647. Donc, un gap de 103 spécialistes. Pour les urologues, le Sénégal en compte 37 sur les 51 demandés ; l’écart est de 14. Les radiologues sont au nombre de 44 sur 51 demandés ; il en manque 7. Il y a 42 orthopédistes sur 61 ; soit 19 de moins. Il y a 31 ophtalmologues sur la norme 39. Ce qui fait un gap de 8 spécialistes. S’agissant des neurologues, ils sont 20 ; la norme, c’est 102. Le manque à combler est de 82. Pour ce qui est des néphrologues, c’est 20 sur 39. Le gap est de 19. Il y a 37 généralistes, alors que le pays a besoin de 33 autres. Concernant les biologistes, sur la norme de 83, le Sénégal ne dispose que de 72 ; l’écart est de 11. Toutefois, il faut préciser que ces normes sont domestiques. Elles ne regardent que le Sénégal. Concernant les normes édictées par l’Organisation mondiale de la santé (Oms), le pays est très en dessous. Mais pour le chef du Service de parasitologie et mycologie de l’hôpital Aristide Le Dantec, Professeur Daouda Ndiaye, on ne peut pas parler de déficit de spécialistes au Sénégal. “En matière de qualité et de quantité, ils existent. Le seul souci que nous rencontrons, c’est parfois l’utilisation de ces spécialistes qui fait défaut. Nous savons qu’il y a des médecins en chômage’’, plaide-t-il.
PAR YORO DIA
L’ÉLOGE DES TROTTOIRS
C’est un bonheur d’être un piéton à Paris alors qu’à Dakar, les piétons n’ont pas de place dans notre schéma urbain. Je dois dire ils n’ont plus de place, car l’Etat a laissé les automobilistes et les commerçants privatiser les trottoirs
Mon ami, le brillant philosophe et écrivain El Hadji Hamidou Kassé, le sage de Mogo, avait dit du fameux «l’an 2000, Dakar comme Paris de Senghor» que c’était un poème non écrit d’un autre grand écrivain : Léopold Sédar Senghor.
Quand on se promène dans Paris comme j’ai eu à le faire la semaine dernière, on se rend compte de la beauté de la formule de El Hadji Hamidou Kassé, mais surtout de sa véracité. Quand on vit à Dakar, une muse qu’on a envie de délaisser parce qu’elle a capitulé en termes d’esthétique et même de coquetterie, et on se rend pendant quelques jours à Paris, on ne peut que faire l’éloge des trottoirs.
L’an 2000 est passé, Dakar n’est pas comme Paris. Dakar ne s’en rapproche pas. Dakar s’en éloigne de jour en jour. Quand on vit à Dakar et qu’on arrive à Paris, le charme de la ville n’est plus dans son architecture, son histoire ou sa culture, mais dans des choses élémentaires pour une ville : les trottoirs.
Contrairement à Dakar, les trottoirs sont réservés aux piétons. C’est un bonheur d’être un piéton à Paris alors qu’à Dakar, les piétons n’ont pas de place dans notre schéma urbain. Je dois dire ils n’ont plus de place, car l’Etat a laissé les automobilistes et les commerçants privatiser les trottoirs. Dakar a un projet urbain original et unique au monde : une ville sans piétons.
A Dakar, les piétons sont considérés comme des encombrements humains et urbains, car ils sont obligés de disputer le goudron aux véhicules à défaut de trottoirs. A Paris, on peut remonter plusieurs boulevards et avenues sans s’en rendre compte alors qu’à Dakar, quitter le rond-point Sandaga pour la Place de l’Indépendance relève des travaux de Hercule. Heureusement que l’an 2000 Dakar comme Paris est un poème non écrit du poète visionnaire Senghor qui permet ainsi aux autres générations d’avoir l’ambition de l’écrire.
Nous commencerions à avoir l’ambition de concrétiser cette vision le jour où nous estimerons que, comme toutes les grandes villes, nous avons droit à des trottoirs, mais aussi à un cadre de vie qui commence par la verdure. A Paris, on ne peut pas remonter une avenue à un boulevard sans tomber sur des jardins ou des parcs ou des squares à l’exception de l’avenue de l’Opéra, mais même-là c’est volontaire parce que pour la petite histoire, le grand architecte Charles Garnier avait exigé et obtenu qu’aucun arbre ne soit planté sur l’avenue afin de ne porter ombrage au sens propre à son chef d’œuvre, l’opéra Garnier, qui devait être visible de n’importe où de l’avenue.
Chez nous, comme nous n’avons pas de Garnier qui nous interdit de planter des arbres, il est temps de reverdir Dakar, car notre belle presqu’île s’appelait Cap Vert. Reverdir le Cap Vert et avoir des trottoirs serait déjà un grand bond en avant pour commencer à écrire le poème non écrit de Senghor. Reverdir le Cap Vert devrait commencer par la Vdn où il est presque trop tard pour arrêter l’invasion du béton et surtout à Diamniadio où nous avons encore une marge de manœuvre. Quand on est à Paris, on constate aussi une autre règle non écrite : le racisme cesse de plus en plus d’être ethnique, mais devient de plus en économique.
En Occident dans les années 60, il était de bon aloi de s’inquiéter du péril jaune, mais aujourd’hui les trains de l’aéroport Charles de Gaulle «parlent» en français, en anglais et en chinois et peut être dans quelques années en arabe quand on voit comment les Saoudiens colonisent la nuit les ChampsElysées et Saint Germain des Près sans que personne ne dénonce le bruit parce que l’argent n’a pas d’odeur.
Les Africains devraient en tirer la leçon et quitter le mur des lamentations et se jeter à fond dans la bataille de la création de richesse et de la croissance.
L’EGOÏSME DES SENIORS MIS A NU
Alors que l’Etat est toujours mis au banc des accusés, les médecins en spécialisation affirment que les professeurs agrégés devraient aussi se retrouver à la barre, car responsables, en bonne partie, de ce déficit criant
Face à l’émergence de certaines maladies, le manque de spécialistes et leur mal répartition à travers le territoire sont plus que jamais inquiétants. Alors que l’Etat est toujours mis au banc des accusés, les médecins en spécialisation affirment que les professeurs agrégés devraient aussi se retrouver à la barre, car responsables, en bonne partie, de ce déficit criant. Mais ces derniers battent tout en brèche
Pour bon nombre de médecins, les professeurs en médecine ont une part de responsabilité sur la question du déficit des spécialistes, même si l’Etat est en grande partie responsable. Après la “révolte’’ de l’opinion publique sur le déficit de spécialistes et la faiblesse de la bourse, le président Macky Sall avait décidé de doubler celle-ci, qui passe désormais de 150 000 à 300 000 F Cfa. Cette décision prise, beaucoup ont pensé que le problème serait résolu. Loin de là. Parce que chaque jour, le Collectif des médecins en spécialisation (Comes), une convergence de tous les docteurs en médecine, s’insurge contre le non-paiement des bourses. Cependant, ce retard de paiement n’est que la partie visible de l’iceberg. Les problèmes internes à la profession sont plus frustrants et font partie des racines du mal. Docteur Ibrahim Thioub* ouvre le débat. Ce dernier est victime d’une injustice. Après son doctorat, il a décidé de se spécialiser en hématologie. Il s’en est ouvert à un de ses professeurs qui lui signifie que cette spécialité est très difficile. “Vous perdrez du temps avec cette spécialisation. Vous avez fini vos études, cherchez du travail pour subvenir à vos besoins et aider vos parents. Je connais votre famille. Faites ce que je vous dis, vous ne le regretterez pas, demain’’, lui conseille le professeur. Le médecin a cru que ce dernier lui voulait du bien. Il a décidé de suivre ses conseils. Mais un jour, lors d’une discussion avec des collègues, alors qu’il était de garde à l’hôpital Aristide Le Dantec, il apprend que ce même professeur a dissuadé beaucoup de médecins à se spécialiser en hématologie. “Je suis une de ses victimes. J’ai compris finalement qu’il le faisait pour ne pas qu’il y ait beaucoup d’hématologues. Il pense que nous venons pour le concurrencer ou prendre sa place. Il l’a fait à beaucoup de personnes’’, confie-t-il. De guerre lasse, le docteur s’est finalement spécialisé en radiologie.
“Certains professeurs refusent de recevoir des Sénégalais dans leur spécialité’
Le cas du Dr Thioub est similaire à celui du docteur Maxim Diouf*. Sauf que, dans son cas, on ne veut pas voir de Sénégalais dans cette spécialité. Il n’a pas voulu dire laquelle. Parce que, argue-t-il, s’il la donne, tout le monde saura de qui il s’agit. “C’est le seul spécialiste au Sénégal dans ce domaine. C’est egocentrique, en tant que sénégalais de dire : je ne veux pas voir de Sénégalais dans ma spécialité. Il se glorifie, tout le temps, dans les médias qu’il est le seul au Sénégal. Je l’ai une fois entendu dire que l’Etat doit encourager les jeunes à se spécialiser dans cette spécialité. Mais il ne croit pas à ce qu’il dit’’, fustige-t-il. Pour ce médecin généraliste, le seul argument que donne ce professeur est qu’il n’a pas assez de temps pour former les gens. En plus, ajoutet-il, il nous dit que la spécialité est complexe et mal payée. “Il nous dit aussi qu’il a vraiment regretté son choix et il ne veut pas que nous commettions la même erreur. Il ne forme que les étrangers, parce que, à son avis, ils ont les moyens dans leurs pays. Il est vraiment méchant. A cause de lui, je n’ai pas pu choisir une autre spécialité’’. Docteur Jérôme Dionne, lui, n’y va pas avec le dos de la cuillère.
A l’en croire, même si l’Etat donnait gratuitement la spécialisation, il n’y aurait pas assez de spécialistes. Parce que, soutient-il, les professeurs sont “sectaires et orgueilleux’’. A son avis, le fait que les gens disent que tel est le seul spécialiste en tel domaine, c’est glorifiant pour eux. “Le rêve de beaucoup de médecins s’est brisé, juste à cause de la méchanceté de certains. Si vous voulez faire une spécialité et que les professeurs qui forment ne veulent pas vous voir, ne forcez pas. Sinon, vous allez mourir dedans. Ils feront tout pour vous faire reprendre les années. C’est ce qui explique parfois qu’on voit un médecin en spécialisation en âge très avancé avec des cheveux blancs. Quand les gens disent qu’il faut plus de spécialistes, nous qui sommes dans le système préférons nous taire’’, informe le Dr Dionne.
“Le temps des barons de la médecine est révolu’’
Ces propos ne sont ni confirmés ni rejetés par le chirurgien urologue à l’hôpital Aristide Le Dantec et à l’hôpital militaire de Ouakam, Professeur Babacar Diao. “A ma connaissance, il n'y a pas de responsables d'enseignements qui refusent l'inscription de Sénégalais dans leur discipline. Si les médecins inscrits au Des connaissent des professeurs qui le font, je leur conseille fortement de les dénoncer. Ils peuvent envoyer des courriers aux autorités académiques de la faculté ou même de l'université’’, conseille le chirurgien urologue. Car, pour lui, il est important que les médecins comprennent que le coordonnateur des enseignements n'est pas le chef des autres enseignants de la discipline. “Le temps des barons de la médecine est révolu. Les décisions sont prises de manière collégiale au sein des comités pédagogiques. Si un professeur coordonnateur d'enseignement parvient à refuser des inscriptions de médecins sénégalais, c'est parce que les autres enseignants de la discipline l'ont accepté’’, soutient-il. Avant d’ajouter que les enseignants ont le devoir de former et d'aider les autorités à combler le déficit de spécialistes : “Ce n'est guère un privilège, pour un médecin sénégalais, d'être accepté dans une discipline médicale, pour des études spécialisées.’’
Pour sa part, le chef du Service de parasitologie et mycologie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et de l’hôpital Aristide Le Dantec, Professeur Daouda Ndiaye, est ferme. Pour lui, cela n’existe pas. Au contraire, les responsables favorisent même les Sénégalais. En atteste, selon lui, le nombre de Sénégalais recrutés par rapport aux disciplines qui est bien au-dessus du nombre réservé aux autres nationalités. “Je ne vois pas comment et pourquoi nous bloquerions les nationaux à s’inscrire en Des. Nous cherchons à avoir le maximum de spécialistes dans notre pays. C’est pour l’intérêt du Sénégalais lambda, du système et du Sénégal. Donc, ces propos ne sont pas du tout exacts. Ce sont des informations erronées et qui ne relèvent pas de la vérité’’, juge le Pr. Ndiaye, persuadé que personne ne pourra en apporter les preuves. Il poursuit : “Vous n’aurez pas d’exemple pour confirmer cette hypothèse qui n’est pas du tout en phase avec ce qui est fait au Sénégal.’’ Le parasitologue estime que les Sénégalais sont privilégiés, aussi bien pour les spécialisations que dans le recrutement à l’université, dans le système de santé et dans les projets de recherche. Toutefois, précise-t-il, “nous sommes dans un système de Cames. Le Cames ne reconnait pas un pays, mais des pays. Nous suivons la supervision du système du Cames, à travers nos formations de base, notre système Lmd et la spécialisation. Donc, il serait inconcevable que l’on ne voie dans les spécialisations que des Sénégalais. Il faut qu’il y ait une certaine pluralité dans ces formations, en termes d’étudiant’’.
“Les professeurs menacent de nous faire reprendre la spécialité’’
Autre fait soulevé par les médecins, c’est le favoritisme dans la formation. Par exemple, un diplômé en spécialisation (Des- qui a déjà son doctorat) n’est pas traité de la même façon qu’un interne (qui a réussi à son concours à sa 5e année de spécialisation). Ce dernier est mieux valorisé par les professeurs que le Des. Binta Sèye* est médecin en 4e année de spécialisation en ophtalmologie. Pendant 3 ans, elle a dû se montrer endurante. La première difficulté est liée aux rapports avec les professeurs. Ces derniers, soutientelle, pensent que les Des ne méritent par leur bourse. Pour eux, les méritants, ce sont ceux qui ont passé des concours, qui les ont réussis. Pas des gens comme les Des qui ont soutenu leur doctorat et font une demande pour se spécialiser. “C’est pour cela que, déjà, le fait qu’on nous donne la bourse les énerve. Quand on nous donne la bourse, ils ont l’impression qu’on est payé au même niveau que les internes qui touchent un net de 325 000 F, mais qui ont leurs indemnités, leurs motivations… Ce qui fait qu’ils peuvent avoir jusqu’à 500 ou 600 mille’’, explique Dr Binta Sèye. Docteur Aliou Samb*, Des en cardiologie, ne dit pas le contraire. Pour lui, les internes que forment les professeurs sont des gens qui vont finalement les remplacer dans les structures, à Dakar. Or, ces derniers ne sont pas nombreux, puisqu’on en prend 30 par année. Pendant ce temps, les Des sont au moins au nombre de 600. “Déjà, pour le concours en interne, pour 30 sélectionnés, les 15 ou 20 sont des fils de professeurs ou de leurs amis. On a besoin de nous pour aller dans les régions. Mais les professeurs sont tellement contre la bourse que si jamais on se permet d’aller en grève pour réclamer la bourse, ils sont prêts à nous sacrifier’’, souligne le cardiologue en formation. D’après lui, les médecins en spécialisation sont, tout le temps, menacés par leurs professeurs. Ce qui fait qu’ils ont parfois peur de réclamer leurs bourses. “On est resté 4 mois sans bourse, mais certains n’osent pas sortir, par peur d’être coincés. Les professeurs menacent de nous faire reprendre la spécialité, si jamais on quitte notre stage pour réclamer nos bourses. Par conséquent, on a peur de reprendre l’année, parce que tout simplement on a raté un jour de stage. C’est dommage’’, confie le Dr Samb. Docteur Maty Mbaye* est de garde à l’hôpital Général de Grand-Yoff. Elle suit une spécialisation en cardiologie. Elle pense que le Sénégal est le seul pays qui ne respecte pas les médecins en spécialisation. Car, même pour percevoir leurs bourses, il faut faire du bruit. Pour avoir une bonne formation, il faut être interne. Les professeurs sont ainsi accusés de faire du favoritisme jusque dans la formation pratique. Dès lors, la frustration est d’autant plus grande que les médecins en spécialisation se croient plus diplômés que les internes qui n’ont pas encore le doctorat et qui sont donc, à leurs yeux, des étudiants.
“Les internes et les Des ont des statuts différents’’
Pour le professeur Daouda Ndiaye, il faut que les gens comprennent qu’un interne n’est pas une personne qui a été recrutée comme ça. Selon lui, tous ceux qui font les Des ont eu à faire le même concours que les internes. Ces derniers ont été choisis parmi les meilleurs. “Donc, c’est normal que le traitement ne soit pas égal entre les internes et les autres étudiants. Mais il n’y a pas de favoritisme, d’inégalités dans le recrutement en matière de spécialisation ou dans la Fonction publique. Si deux personnes sont dans la même corporation et que l’une a pu réussir à travers un système de tri, notamment un concours, c’est normal que cette personne soit beaucoup plus privilégiée que l’autre’’, témoigne le Pr. Ndiaye. Une position que partage le chirurgien urologue, Professeur Babacar Diao. Il précise que l'interne et les médecins inscrits aux diplômes d'études spécialisées (Des) ont des statuts différents. Parce que, dit-il, les internes sont issus d'un concours sélectif et sont affectés dans les hôpitaux par le Msas (ministère de la Santé et de l’Action sociale), tandis les "Des" sont des médecins inscrits à la faculté de Médecine pour la spécialisation. Donc, précise le professeur, les internes font partie du personnel de l'hôpital et reçoivent des émoluments payés par le Msas, ce que les médecins inscrits au Des n’ont pas. Ainsi, les internes devront s'acquitter de certaines responsabilités dans l'organisation des activités des services, ce qui pourrait être mal interprété par certains Des. “Internes et médecins inscrits aux Des ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, dans le cadre de la formation. Tout interne qui veut obtenir un diplôme d'études spécialisées s'acquittera des mêmes droits d'inscription que les Des et subira les mêmes épreuves au cours des évaluations’’, précise le Pr. Diao.
*Noms d’emprunts
« LES AUTORITES SONT CONSCIENTES DE CETTE PROBLEMATIQUE »
Selon Malick SEYDI, Si le déficit de spécialistes était une maladie, on dirait qu’elle est endémique.
Dans cet entretien, le chef de la Division de la gestion du personnel au ministère de la Santé, Malick Seydi, explique les causes de la situation et étale les politiques mises en place pour combler le gap.
Nous avons constaté un déficit en spécialistes au Sénégal. Quelles sont les spécialités où il y a plus de gap ?
C’est vrai nous avons constaté un déficit criard en spécialistes. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Nous avons élaboré un plan national de développement des ressources humaines (Pndrhs) 2011-2018 qui vient de finir en décembre 2018. Nous sommes en train d’élaborer le prochain Pndrhs qui va concerner la période 2020-2028, arrimé au Plan national de développement sanitaire et social Pndss 3e génération. Alors, dans ce premier Plan national de développement des ressources humaines, nous avons constaté un gap énorme en spécialistes. Par rapport à cette situation, nous avons fait une planification pour résorber ces gaps. C’est vrai, la planification en est une, mais elle devrait être accompagnée par la mise à disposition de moyens suffisants qui permettent la résorption significative et progressive de ces gaps. Les spécialités qui ont un effectif précaire dans le système de santé sont nombreuses. Le système a un grand manque en anesthésistes réanimateurs (techniciens supérieurs et médecins). Ce sont eux qui assistent les chirurgiens sur tout ce qui constitue des actes opératoires. Sans l’anesthésiste réanimateur, le bloc ne peut pas fonctionner, parce que personne ne peut opérer. Le gouvernement a fourni un effort considérable dans le relèvement du plateau technique. Presque toutes les régions ont un bloc opératoire fonctionnel. Ce qui fait que nous avons besoin de résorber ce gap en anesthésistes aussi bien en techniciens qu’en médecins. Les autres spécialités qui posent problème sont, entre autres, la pédiatrie, la gynécologie, la néphrologie, la chirurgie, l’imagerie médicale… Vous avez entendu, l’année dernière, les difficultés que nous avons avec la radiothérapie. Au moment où l’on parle, nous n’avons que deux radiothérapeutes au Sénégal. C’est vrai, ce n’est pas une spécialité qui court les rues, mais c’est un besoin qui est là et les efforts nécessaires sont fournis pour combler ce gap. Bien sûr, des difficultés, nous en aurons toujours, mais dans la chaine de décision, tout le monde travaille au renforcement du système de santé, à travers le relèvement de la qualité de l’offre de services de santé dans toutes les régions du pays. Au-delà des spécialités que nous venons de citer, nous avons ce que nous appelons le personnel de soutien et les paramédicaux qui jouent également un rôle très important dans le processus de prise en charge des malades. Il faudra donc veiller à combler le déficit enregistré, pour permettre aux structures de santé de fonctionner correctement.
Qu’est-ce qui explique cette situation ?
Il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer cette situation. Il y a deux ou trois leviers sur lesquels il faudra se focaliser. La première explication, c’est par rapport à la formation. Vous n’êtes pas sans savoir que le gouvernement a fait des efforts en doublant la bourse de la spécialisation de 150 et 300 mille F Cfa. C’est pour permettre à davantage de Sénégalais de s’inscrire dans ces spécialités, de permettre à ces derniers d’avoir de meilleures conditions d’études. Nous avons constaté que par rapport au nombre de médecins qui s’inscrivent en spécialisation, en tout cas jusqu’en 2018, nous avons 60 % d’étrangers et 40 % de Sénégalais. C’est pour répondre aux exigences de la couverture maladie universelle, que le gouvernement a fait en sorte que les médecins sénégalais qui veulent se spécialiser puissent bénéficier d’une prise en charge correcte. En contrepartie, ils s’engagent, à la fin de leur formation, à servir le système de santé partout où besoin est. L’autre levier est celui de l’utilisation. La politique, aujourd’hui, est que toutes les régions dotées d’un plateau technique permettant d’accueillir un spécialiste doivent pouvoir en avoir. La situation, entre 2017 et 2018, s’est véritablement améliorée en matière de couverture en spécialistes. Il faut également une politique d’incitation pour permettre à ces agents d’aller servir dans les zones dites difficiles. Pour y arriver, il faudra vraiment qu’on tienne compte aussi bien des conditions d’existence et d’exercice de la profession. Les autorités sont conscientes de cette problématique et des dispositions sont en train d’être prises pour y remédier. Nous agissons en fonction des possibilités que nous avons, ayant en ligne de mire l’ensemble des gaps et des préoccupations.
Concrètement, que fait l’Etat pour inciter les spécialistes à aller dans les régions ?
Il y en n’aura jamais assez de moyens pour satisfaire la demande légitime des travailleurs. Mais l’effort qui est en train d’être fait, c’est d’abord la discussion qui est menée entre l’ensemble des acteurs du ministère de la Santé, les partenaires techniques et financiers autour de ces questions. En ce qui concerne la politique de rétention et les mesures incitatives, nous avons enclenché le processus d’élaboration du second Pndrhs et, dans ce processus, nous avons l’ensemble des acteurs du système qui réfléchissent aussi bien sur la résorption des gaps, mais également sur les conditions de travail. Ce document relèvera tous les manquements et proposera des mesures correctives. Toutefois, les questions financières ne règlent pas, à elles seules, le problème. Quand on parle d’amélioration des conditions d’existence dans une région, il faut aborder la question de l’accessibilité, par exemple, et c’est le ministère des Infrastructures qu’il faudra indexer. S’il s’agit de l’électricité, c’est celui de l’Energie qui s’en charge. C’est dire donc que c’est le gouvernement dans son entièreté qui doit participer à l’effort d’incitation pour que le personnel de santé, aussi bien spécialistes que non spécialistes, puisse servir dans des conditions minimales.
Les médecins quittent leur fonction pour continuer la spécialisation. Mais, en cours de formation, ils se retrouvent avec des retards de paiement des bourses. Est-ce que cela n’est pas de nature à les décourager ?
C’est vrai, on peut connaitre des retards du paiement des bourses. Mais comme vous le savez, c’est un budget de l’Etat que le ministère de la Santé mobilise. Il y a des procédures de mobilisation. Pour des raisons x ou y, on peut accuser des retards de paiement. Mais il n’est pas dit que si ces retards subviennent, les médecins sont dans des difficultés. La question fondamentale est de savoir comment faire pour qu’il n’y ait pas de retard de paiement des bourses. Au moment où je vous parle, nous n’avons accusé aucun retard. Le ministère est suffisamment conscient et travaille tous les jours pour que ce genre de situation ne soit pas vécu. Nous connaissons les difficultés auxquelles font face les spécialistes en formation. C’est la raison d’ailleurs pour laquelle le président de la République a doublé la bourse. Tous les spécialistes seront mis après formation à la disposition des structures qui en auront besoin.
Sur quelle base se font les recrutements ?
Les recrutements se font sur la base des gaps persistants. Si j’ai un pédiatre, un chirurgien et un gynécologue avec deux postes à pouvoir du point de vue budgétaire, je dois faire un arbitrage. Si une localité demande un spécialiste, ce qui est très légitime, nous regardons les possibilités que nous avons et combler ce gap le plus rapidement possible. Parfois, nous sommes confrontés à des retards de résorption de ces gaps, parce que nous n’avons pas la possibilité de recruter du personnel. Si nous avions les moyens de nos ambitions, on ne parlerait jamais de gap de spécialistes dans une région du Sénégal. Nous fonctionnons sur la base du budget qui nous est alloué. Sur cette base, nous faisons une répartition que nous pensons être juste par rapport aux urgences. Il y a des besoins beaucoup plus pressants. Une région ne peut pas fonctionner sans gynécologue. Si tel est le cas, nous avons failli. Nous faisons en sorte de doter les structures qui manquent de spécialistes en premier. Maintenant, au fur et à mesure que l’on avance, en fonction des normes de la carte sanitaire, nous gérons les déficits.
Certains médecins évoquent une nébuleuse dans la spécialisation, du fait que des professeurs refusent des Sénégalais dans leur spécialité. Qu’en pensez-vous ?
Je ne parlerais pas de nébuleuse. A mon avis, je ne pense pas qu’il y ait une nébuleuse. Parce qu’à la faculté, toutes les formations sont payantes. Si vous êtes solvables et que vous voulez embrasser une carrière de spécialiste, vous êtes libre de le faire. Je ne pense pas qu’il y ait des restrictions par rapport à cela. Cela m’étonnerait d’ailleurs que des professeurs sénégalais interdisent leurs fils ou leurs futurs collègues de s’inscrire dans des spécialités. Au contraire. Ce qui se passe est que la plupart des médecins en spécialisation (Des) sont issus des familles à revenus moyens. Or, l’inscription à la spécialisation est de 500 mille. Réunir cette somme peut poser problème pour beaucoup de personnes, sans compter les frais de formation que le médecin doit assurer. Cela est lourd. Peut-être, c’est ce qui explique ce faible taux de représentation de Sénégalais dans les spécialisations. L’autre frein est que, quand les médecins choisissent de faire une spécialisation, la plupart regardent deux choses : est-ce que c’est une vocation ? D’autres se disent qu’estce que j’ai à y gagner après ? Parce que, lorsqu’un médecin fait la gynécologie, il est sûr qu’après la formation, il peut ouvrir sa clinique ou travailler dans le privé pour gagner plus. Vous pouvez voir des spécialités qui enregistrent beaucoup plus de candidats que d’autres. C’est en fonction de ce qui est réservé à la fin de la formation. Mais il n’y a aucune nébuleuse.
«ON NE PEUT PAS METTRE DES MÉDIOCRES À LA MAIRIE»
Robert Sagna multiplie des discours dans lesquels il annonce à ses militants son désir de décrocher de la politique. Mais avant, l’ancien édile de Ziguinchor souhaite laisser son parti, le RSD, entre de bonnes mains
Depuis quelques temps, Robert Sagna multiplie des discours dans lesquels il annonce à ses militants son désir de décrocher de la politique et de se reposer. Mais avant de décrocher, l’ancien édile de Ziguinchor souhaite laisser son parti, le RSD, entre de bonnes mains et reprendre la mairie.
L’heure de la retraite va bientôt sonner pour Robert Sagna. Le leader du Rsd/Tds l’a fait savoir, il y a quelques jours, à ses militants lors d’une rencontre. Il a réaffirmé cela hier, devant ses partisans. Mais, l’ancien maire de Ziguinchor, qui se dit fatigué, a rappelé à ses ouailles la quintessence de la création de son parti, le Rassemblement pour le Socialisme et la Démocratie (Rsd). «Le parti, ce n’est pas l’ambition d’un individu, mais celle de toutes et de tous. Dans ce parti, nous nous battons pour le développement. Nous devons voir comment aider les plus jeunes, les femmes et les hommes âgés. Il faut que nous travaillions la main dans la main pour être là où on prend les décisions. C’est pourquoi, nous devons être unis pour agir ensemble et réussir ensemble», affirme Robert Sagna qui appelle ses partisans à aller à la conquête de la mairie de Ziguinchor «Il faut qu’on reprenne cette mairie pour développer la commune et faire avancer les choses», soutient l’ancien ministre de l’Agriculture qui estime qu’on ne peut pas mettre des médiocres à la tête de la municipalité.
Pour arriver à leurs fins, indique l’ex-édile de Ziguinchor, les militants doivent observer la discipline de parti et se donner la main. «Il faut que les gens acceptent de se parler, de s’expliquer et de se pardonner s’il y a des offenses», indique t-il tout en rendant, au passage, un vibrant hommage ,à la jeunesse du Rsd. «Ce qui fait notre force, c’est notre jeunesse qui est dynamique, travailleuse et qui s’est battue pour la massification du parti. Donc, je rends un vibrant hommage aux jeunes du parti et leur dis que l’avenir du parti est entre leurs mains», lance Robert Sagna.
LE FORUM CIVIL PLAIDE POUR DES SANCTIONS CONTRE GRIMALDI ET DAKAR TERMINAL
Le Forum civil, demande au gouvernement de prendre des mesures exemplaires contre la compagnie Grimaldi, armateur des navires convoyeurs de la drogue, et la société Dakar Terminal, cosignataire desdits navires
Le Forum civil, section sénégalaise de Transparency International, demande au gouvernement sénégalais de prendre des “mesures exemplaires’’ contre la compagnie Grimaldi, armateur des navires convoyeurs de la drogue, et la société Dakar Terminal, cosignataire desdits navires, à la suite des saisies effectuées récemment.
Le Forum civil attire l’attention du gouvernement et du peuple sénégalais sur les désastres multiformes que le trafic de drogue peut provoquer sur l’économie réelle, la santé des jeunes, la stabilité institutionnelle et politique. Mais aussi sur la sécurité de la sous-régionale en général et celle du Sénégal en particulier.
“Considérant les efforts consentis depuis l’éclatement de cette affaire, le Forum civil, section sénégalaise de Transparency International, demande au gouvernement de prendre des mesures exemplaires contre la compagnie Grimaldi, armateur des navires convoyeurs de la drogue, et la société Dakar Terminal, cosignataire desdits navires.(…)
Le Forum civil soutient l’action des pouvoirs publics, notamment ceux en charge de la conduite des enquêtes et veille à la manifestation de la vérité et à l’imputation totale et entière des responsabilités dans cette affaire’’, lit-on dans une déclaration reçue hier à “EnQuête’’.
Le Forum civil rappelle aussi que “le trafic illicite’’ de stupéfiants et de substances psychotropes, et la participation à un groupe “criminel organisé’’, font partie des “catégories désignées d’infraction’’. Qui, selon eux, sont susceptibles de favoriser le “blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme’’, en vertu de la loi n°2018-03 du 23 février 2018 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Toutefois, le Forum civil félicite l’Administration douanière pour l’opération de saisie de la drogue et pour avoir pris les mesures conservatoires de saisie du second navire convoyeur de plus de 700 kg de drogue. Ceci, en plus de la saisie équivalent pour le premier navire convoyeur des 200 kg de drogue pour la police. Le Forum civil salue, en même temps, la justice, pour avoir conduit les investigations avec professionnalisme.
Cependant, il demande aux autorités administratives de “ne point faire obstruction’’ à l’enquête enclenchée par les autorités judiciaires. Dans cette optique, la section sénégalaise de Transparency International encourage les autorités administratives et judiciaires en charge de l’enquête à “rester solides et solidaires’’ pour faire face aux “éventuelles tentatives de corruption’’.
Dès lors, il appelle l’Organisation des Nations Unies contre la drogue et le crime (Onudc) à intensifier ses actions en matière de prévention contre la criminalité transfrontalière.
Par Alioune GUEYE
ENFIN LA LUMIERE SUR LES DROITS DE L’ETAT DU SENEGAL
Eu égard à l’ampleur du débat public et des enjeux nationaux et internationaux afférents auxdits contrats : il y a lieu d’éclairer juridiquement l’État du Sénégal et l’opinion publique sur ses droits suivant sept points
Eu égard à l’ampleur du débat public et des enjeux nationaux et internationaux afférents auxdits contrats : il y a lieu d’éclairer juridiquement l’État du Sénégal et l’opinion publique sur ses droits suivant sept points :
- La question de la renégociation des contrats pétroliers et gaziers (1) ;
- Le comportement à observer lors d’une demande éventuelle de renégociation des contrats pétroliers et gaziers (2) ;
- La résolution de la question supposée de l’”avantage excessif” relatif aux contrats pétroliers et gaziers (3) ;
- La question de la modification unilatérale des contrats pétroliers et gaziers par l’État du Sénégal (4) ;
- La résiliation des contrats pétroliers et gaziers (5) ;
- Le règlement des litiges (différends) contractuels en matière pétrolière et gazière (6) ;
- Le cas spécifique de M. Aliou Sall (7).
1. Sur la question de la renégociation des contrats pétroliers et gaziers :
En droit, le principe de la liberté de négocier un contrat demeure. Par conséquent, la question même de la renégociation des contrats pétroliers et gaziers ne poserait aucune difficulté d’ordre juridique, si l’État du Sénégal souhaiterait emprunter cette voie de droit. Dans cette hypothèse, la seule obligation qui pèserait à la fois sur l’État du Sénégal et sur son cocontractant, est l’obligation de loyauté et de bonne foi dans les renégociations contractuelles. En droit, il est toujours possible d'adapter un contrat (que ce soit un contrat d’État, un contrat de commerce international, un contrat administratif, entre autres), de le modifier ou de le réviser, dès lors que la réalisation devient très onéreuse du fait d'un changement de circonstances, ou si le contrat est excessivement déséquilibré de telle sorte que cela altère fondamentalement l'équilibre des prestations. Dans toutes ces hypothèses, la partie qui se prétend lésée a le droit de demander l'ouverture de nouvelles négociations. Étant entendu que, la demande de nouvelles négociations doit être faite sans délai et doit être motivée. S'il n'y a pas de réponse dans un délai raisonnable : la partie qui s’estime lésée a la possibilité de saisir le juge. Ce dernier a le pouvoir de réviser le contrat pour rétablir l'équilibre des prestations. Le juge peut aussi mettre fin au contrat. Le juge peut enfin octroyer des dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi par la partie lésée. Au demeurant, contrairement à ce que soutient donc certains auteurs, juridiquement on n’a pas besoin ici qu’il y ait une clause spécifique dans les contrats pétroliers et gaziers pour ouvrir de nouvelles négociations contractuelles.
2. Sur le comportement à observer au cours d’une demande éventuelle de renégociation des contrats pétroliers et gaziers :
Dans cette hypothèse, il ne faut pas perdre de vue le fait qu’en droit sénégalais : le contrat est “un accord de volontés générateur d'obligations”. Par conséquent, la règle juridique importante à respecter ici est qu’au cours de la demande de renégociation du contrat, la partie qui s’estime lésée ne doit pas mettre fin immédiatement audit contrat, ni en suspendre l'exécution de son obligation contractuelle. La renégociation doit donc se faire dans le respect de l’obligation de loyauté et de bonne foi. Et en cas de difficultés afférentes à ces renégociations contractuelles : c’est le juge qui doit trancher en rétablissant l’équilibre des prestations.
3. Sur la question supposée de l’avantage excessif des contrats pétroliers et gaziers :
Dans l’hypothèse où l’État du Sénégal estimerait qu’il y a eu un “avantage excessif” dans les contrats pétroliers et gaziers au profit de ses cocontractantes (les entreprises étrangères). Il doit démontrer qu’au moment de la conclusion des contrats pétroliers et gaziers, son cocontractant se serait vue accorder un avantage excessif, en profitant par exemple de la dépendance ou de l’inexpérience de l’État du Sénégal en matière pétrolière et gazière. Si l’État du Sénégal en apporte la preuve : il pourra obtenir la réparation de ce préjudice par le biais de dommages et intérêts, et même un rééquilibrage des prestations contractuelles.
4. Sur la question de la modification unilatérale des contrats pétroliers et gaziers par l’État du Sénégal :
L’Etat du Sénégal doit être parfaitement conscient de ses droits. C’est-à-dire que juridiquement, l’État du Sénégal dispose de plein droit d’un pouvoir de modification unilatérale des contrats pétroliers et gaziers déjà conclus. À cet égard, la jurisprudence française plus proche de la tradition juridique sénégalaise en fournit une illustration parfaite, Voir par exemple, arrêt CE., 17 mars 1864, Paul Dupont. En droit, l’Etat du Sénégal dispose aussi d’un pouvoir de sanction de son cocontractant en cas de défaillances contractuelles, Voir, arrêt CE., 31 mai 1907, Deplanque c/Ville de Nouzon. Tout cela contribue à donner un “effet relatif aux Conventions” signées par l’Etat ou par l’administration. D’ailleurs, l’arrêt du Conseil d’État sénégalais du 8 août 2007, SONATEL c/ ARTP et Etat du Sénégal, faisait même référence à ce “principe d’effet relatif des Conventions”. Dans l’hypothèse où L’Etat du Sénégal déciderait de modifier unilatéralement les contrats pétroliers et gaziers, il doit simplement vérifier s’il y a lieu d’appliquer ou non l’équation financière à son cocontractant.
5. Sur la question de la résiliation des contrats pétroliers et gaziers :
Que cela soit précisée ou non sur les contrats pétroliers et gaziers, l’État du Sénégal a le droit de résilier ces contrats pour un motif d’intérêt général, Voir par exemple, arrêt CE., 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval. D’ailleurs, toute clause contractuelle qui priverait l’État du Sénégal de ce droit de résilier un contrat serait nulle et inopposable, Voir par exemple, arrêt CE., 6 mai 1985, Association Eurolat c/Crédit foncier de France. L’État du Sénégal a même la possibilité d’évincer les entreprises cocontractantes, etc. De telle sorte que, lorsqu’un Etat conclut un contrat, il “ne se dépouille pas de ses attributs de puissance publique”, Voir par exemple, Conclusions Jacomet sous l’arrêt CE., 1954, Soulier. L’État du Sénégal dispose donc de prérogatives exorbitantes dont il peut faire application sur les contrats pétroliers et gaziers remis en cause (dans le but de préserver l’intérêt supérieur du peuple sénégalais dans le cas où il serait mis en péril).
6. Sur le règlement éventuel des litiges inhérents aux contrats pétroliers et gaziers :
Afin d’éviter des incertitudes sur la loi applicable et le juge compétent pour trancher les litiges relatifs aux contrats pétroliers et gaziers, il faut préciser dans ce type de contrats des clauses attributives de juridiction ou de choix de loi applicable. En principe, le lieu d'exécution du contrat est aussi un critère pour déterminer la loi applicable au contrat… Toutefois, en général les litiges relatifs à ces contrats pétroliers et gaziers sont confiés soit, à des organes arbitraux (arbitrage), soit à des médiateurs (médiation). La transaction et la conciliation, entre autres, constituent aussi autant d’outils juridiques utilisés pour régler ce genre de conflits inhérents aux contrats internationaux…
7. Sur la question spécifique de M. Aliou Sall :
Là, il faut examiner deux hypothèses :
- Hypothèse 1 :
Si les faits qui sont reprochés à M. Aliou Sall à propos des contrats pétroliers et gaziers sont avérés : il s’exposera à des sanctions administratives et pénales (notamment, sous l’angle du délit de corruption, délit de favoritisme, etc.). Dans ce cas, le droit pénal sanctionne sévèrement un tel agent public : qu’il soit dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service public, ou encore, investi d’un mandat électif. De la même manière, les entreprises pétrolières et gazières cocontractantes et présumées bénéficiaires d’un “avantage injustifié”, dans le cadre d’un présumé délit de favoritisme dans l’attribution desdits contrats, peuvent être poursuivies pénalement pour recel. L’”avantage injustifié” peut résider dans l’obtention d’un Marché public, or, l’application normale de la législation ou de la réglementation n’aurait pas permis au bénéficiaire de l’obtenir. Le délit de recel serait constitué dès lors que les entreprises cocontractantes auraient bénéficiées en connaissance de cause, de l’attribution d’un Marché public irrégulièrement passé. Le délit de recel est également caractérisé à l’égard de celui qui bénéficie en connaissance de cause du produit provenant de l’attribution irrégulière d’un Marché public…
- Hypothèse 2 :
Si les faits qui sont reprochés à M. Aliou Sall ne sont pas avérés : là, ce serait très grave et la situation inverse se produirait. C’est-à-dire que, les accusateurs s’exposeront à des sanctions pénales et leur responsabilité sera engagée dans le sens de la réparation des préjudices subis par l’éventuelle victime. En conclusion, rien n’est encore perdu à propos des contrats pétroliers et gaziers. L’État du Sénégal dispose encore de tous les outils juridiques nécessaires pour protéger et sauvegarder l’intérêt des citoyens sénégalais. Certes, il faut rester vigilant, mais, il ne faut pas être pessimiste ; en ce sens qu’en droit, la question du pétrole et du gaz n’a pas encore atteint un niveau irréversible sur le plan juridique. Donc, il est encore possible de tout refaire dans l’intérêt supérieur du peuple sénégalais et des générations futures...
Alioune GUEYE,
Professeur de Droit public,
Expert auprès du F.R.S. – FNRS (Belgique),
Membre du Comité scientifique à la Revue juridique et politique des États francophones (France),
Membre (évaluateur) au Comité scientifique de la Revue québécoise de Droit international (Canada),
Ancien Professeur/Chargé de cours en Droit public à l’Université de Montréal (Canada),
Ancien A.T.E.R en Droit public en France, Rang 1er…