«Bant ya» est une dibiterie bien réputée se trouvant dans les dédales de Sandaga. On y sert quelques prisés morceaux de viande agrémentés de «kankan» au beau milieu d’un espace qui n’est pas des plus salubres
Le lieu, fourré dans l’avenue Jean Jaurès, passe presque inaperçu. Dans un immeuble noirci par la fumée, l’odeur de la viande grillée titille les narines des passants venus faire leurs emplettes. Il est bien connu par les « nandités » (connaisseurs). Une envie de viande grillée ! Et vite aux « Bant ya », « temple » de prédilection des amateurs de brochettes. Sur le pas de la porte, quelques clients, sandwich en main, préfèrent manger à l’air libre pour éviter la fumée à la fois appétissante et incommodante se dégageant de la dibiterie. La chaleur y est tout aussi étouffante. Des tas d’épluchures d’oignons, de pommes de terre et de détritus jonchent le sol. Les clients se délectent d’un bon appétit sans se soucier des ordures qui traînent par terre. Le plaisir de déguster quelques morceaux de viande est, semble-t-il, ici, plus fort. Bureaucrates, étudiants ou encore commerçants viennent y prendre leurs aises en savourant une brochette de viande, environ trois petits morceaux à 50 FCfa.
Assise dans un coin de la dibiterie, Ndèye Fatou, accompagnée de sa petite sœur, se donne un grand plaisir à « dévorer » un sandwich. Habituée des lieux, elle discute gaiement. La fumée ne semble point l’importuner. Venue effectuer quelques achats, elle en a profité pour faire ripaille. « J’adore la viande grillée, les prix sont variés. Je viens ici depuis bientôt quinze ans », déclare-t-elle, toute souriante. Pourtant, cette dame, la quarantaine, fustige l’insalubrité des ces lieux bien prisés : « la fumée et l’hygiène sont vraiment déplorables », se désole-t-elle.
En ce qui concerne la qualité de la nourriture, elle préfère ne pas s’y attarder. « Après tout, c’est Dieu qui nous protège», se limite-t-elle à dire, un peu trop fataliste. Grâce et sa mère, Nathalie, quant à elles, ont été aiguillées par les échos favorables sur « Bant ya ». D’origine ivoirienne, elles y viennent pour la première fois. « J’apprécie bien la cuisine », s’enthousiasme Grâce, qui croque dans son sandwich. « Malgré l’hygiène qui fait défaut, cela change de ce que l’on mange d’habitude », tempère Nathalie.
Sophie Ndiaye n’est pas non plus une habituée. Assise sur l’un des bancs avec sa fille, elle attend sa grillade de viande qu’elle épie avec avidité et circonspection. Cette quinquagénaire a dû céder aux caprices de sa fillette. « Je viens pour la première fois afin de faire plaisir à ma fille ». Mais, la belle dame ne souhaite pas s’y éterniser. « La fumée est étouffante. J’attends ma commande à emporter », explique-t-elle. Sophie n’est pas la seule à vouloir quitter les lieux au plus vite. En compagnie de ses enfants, Alioune a hâte de repartir. « Ce n’est vraiment pas agréable de manger dans ces conditions », s’offusque-t-il, en confiant y faire souvent un tour à chaque fois qu’il vient au marché Sandaga « car c’est plus pratique et plus rapide », admet-il.
Le «Kankan», l’ingrédient ,magique !
Les « tenanciers » de cette dibiterie sont à pied d’œuvre. Certains vendeurs servent les clients tandis que d’autres préparent les brochettes crues de manière presque machinale. L’endroit est bien rempli en cette fin d’après-midi. Les brochettes de viande et de poulet sont grillées à grand feu. La réputation de ce lieu, les vendeurs la doivent, en partie, au « kankan ». Ce mélange de gingembre, de piment, de poivre et d’une « poudre secrète » fait la notoriété de ces vendeurs nigériens communément appelés « Haoussas ». Lors de la préparation, ils se saisissent des brochettes, les saupoudrent de « kankan » avant de les mettre sur le feu. Difficile de parler à ces âmes besogneuses occupées à satisfaire la clientèle. Les Haoussas n’ont pas l’air d’être dérangés par la fumée, encore moins par la saleté.
Préparant les brochettes destinées à la cuisson, Daouda Diawara, tout droit venu du Niger, est dans le métier depuis bientôt dix ans. « Je ne me plains pas. Grâce à ce travail, je gagne bien ma vie et envoie de l’argent à la famille », indique-t-il. Dans un coin de la dibiterie, Souleymane Barry se charge de fabriquer le «kankan» en grosse quantité. A l’aide d’un pilon et d’un mortier, il concocte la mixture en y ajoutant un bouillon après quelques manœuvres. « Cette poudre est destinée à la vente et fait notre réputation. Il y a beaucoup de secrets dans la préparation », avoue ce jeune homme âgé tout juste de 20 ans. Le « kankan » est bien apprécié par les amateurs de brochettes. Dior, belle dame à la silhouette bien affinée, n’en est pas moins férue. Elle est spécialement venue pour se procurer la poudre. « J’ai acheté le kilogramme à 3.000 FCfa », dit-elle, heureuse d’en trouver. Cette « manne » vaut bien de garder secrète la recette.
ET SI LE PS CHANGEAIT DE NOM ?
Barthélemy Dias a émis récemment, le souhait de voir le Parti socialiste changer de nom pour mieux coller à l’évolution des choses. Si l’opportunité d’une telle proposition est remise en cause, les « verts » ont changé plusieurs fois de noms par le passé
Moussa DIOP et Oumar Fédior |
Publication 19/08/2019
Barthélemy Dias a émis, récemment, le souhait de voir le Parti socialiste changer de nom pour mieux coller à l’évolution des choses. «Le socialisme ne suffit plus… il faut aller vers la sociale démocratie », prêche-t-il. Si l’opportunité d’une telle proposition est remise en cause, les « verts » ont pourtant changé plusieurs fois de noms sur les 70 dernières années grâce à des alliances et des fusions.
« Le PS n’a pas toujours été le PS. Avant il était l’UPS (Union progressiste sénégalaise), le BDS (Bloc démocratique sénégalais) et tout au début la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière). Je pense que nous devons changer le nom de ce parti », a rappelé Barthélemy Dias dans l’émission Le Grand Jury de RFM du dimanche 18 août. En effet, si le Parti socialiste existe sous cette appellation depuis 1976, il y a eu plusieurs changements de noms avant. En 1948, il y a eu l’avènement du Bloc démocratique sénégalais impulsé par Senghor, qui donnera, en 1957, le Bloc populaire sénégalais à la suite de fusions avec d’autres mouvements. Un an plus tard, le BPS va disparaître au profit de l’Union progressiste sénégalaise. Et cette dernière qui a enfanté le Parti socialiste d’aujourd’hui.
« Pas la priorité »
Pour certains observateurs du jeu politique sénégalais, un changement de nom n’est pas un tabou mais est-ce le bon moment. La suggestion de Barthélemy Dias est émise au moment où le Parti socialiste fait le deuil de son Secrétaire général Ousmane Tanor Dieng disparu le 15 juillet 2019 avec en sourdine une bataille des potentiels héritiers.
Pour Abdoulaye Thiam, ancien journaliste politique au Soleil, cette proposition n’est « que » le point de vue d’un membre du parti. «Un changement aussi sérieux, il se fait à la base. Et puis au Ps, il y’a d’autres priorités comme le nom du futur successeur de Tanor. C’est aussi une question qui se règle à la base. Il y a également le renouvellement des instances… et d’autres questions annexes », estime l’ancien chef du service politique du quotidien national.
S’il est vrai que le PS est un parti historique, force est de reconnaître qu’il est à un nouveau tournant de son histoire. C’est pourquoi, le journaliste et analyste politique Momar Diongue pense que les priorités sont ailleurs. Selon lui, l’idée « n’est pas mal du tout ». Mais il y’a une certaine rivalité dans ce parti et personne ne peut l’occulter.
Le jeu des alliances
«Il y a les fidèles de Tanor d’un côté, de l’autre il y’a les pro Khalifa. On ne peut pas parler de changement de nom au moment où le parti est fissuré. D’un côté, il y a la direction du Ps constitué autour de Aminata Mbengue Ndiaye, Sérigne Mbaye Thiam, Abdoulaye Wilane… C’est-à-dire ceux qui sont restés fidèles à Tanor jusqu’à sa disparition récente. C’est eux qui estiment être les héritiers légitimes de Ousmane Tanor », analyse Momar Diongue qui estime que la bataille de la succession est ouverte. Ce qui fait que les anciens ne sont pas «enclins à ouvrir les portes du Parti pour des retrouvailles. Parce que cela compliquerait leur prise en main du parti. Si aujourd’hui tous ces soutiens rejoignaient le Ps, cela pourrait amoindrir les chances de Aminata Mbengue Ndiaye et consorts à succéder à Tanor ».
Revenant sur la proposition de « Barth », Momar Diongue estime qu’elle permettrait une profonde refondation du parti. «Elle passerait par une redistribution des cartes qui les propulserait au devant de la scène. C’est ce qui explique, qu’au-delà du changement de nom du parti, il (Barthélemy Dias) propose une vaste plateforme qui irait au delà du Ps et qui permettrait de capter des forces de la société civile pour entrer dans une logique de blocage de l’autre camp », poursuit M. Diongue.
Historiquement, la loi des alliances a toujours été au coeur des changements de noms du BDS de 1948 au PS de 1976.
AUDIO
LA CONCURRENCE DÉLOYALE DU LAIT RÉENGRAISSÉ
D'après des spécialistes, 2/3 des sacs de lait en poudre vendus au Sénégal sont en fait réengraissés avec des matières grasses végétales comme, par exemple, l'huile de palme. Mais les consommateurs en sont rarement informés
Au Sénégal, 70 % du lait vendu est du lait importé. Dans l'immense majorité des cas, il s'agit de lait en poudre expédié en container depuis l'Union européenne, premier exportateur au monde. D'après des spécialistes, 2/3 des sacs de poudre sont en fait réengraissés avec des matières grasses végétales comme, par exemple, l'huile de palme. Les consommateurs sont, quant à eux, rarement informés.
par Ousmane Sonko
SÉNÉGAL OU LE DÉNI D’ÉTAT EN CONTINU
Aucune région n’est épargnée par la faiblesse voire quelquefois l’inexistence de plateau médical adéquat, de personnel médical en nombre suffisant. Pas même la Capitale, Dakar !
Le drame survenu à Bignona ce week-end avec l’accident d’un bus de transport public, au-delà du lourd bilan en pertes humaines (5 morts, 65 blessés dont 35 toujours dans un état critique), remet à nu la faillite de l’État du Sénégal dans les secteurs où il est le plus attendu (éducation, sécurité, chômage, réduction de la pauvreté et, en l’espèce, santé publique).
L’accident a eu lieu le samedi 17 août au matin à hauteur du village de Badiouré. Les premiers secours ont constaté deux morts sur le coup et ont transporté les blessés vers Bignona, chef-lieu du département, qui ne dispose que d’un seul et unique centre de santé dont la capacité d’accueil est quasi nulle: il ne dispose pas de service de radiologie ni d'IRM. Ce qui fait office de « bloc opératoire » n’a jamais fonctionné depuis son ouverture parce que simplement l’État ne parvient pas à trouver un chirurgien à y affecter. Pire, il n’a pas été pourvu à la suppléance du médecin-chef, absent depuis plusieurs semaines pour raison de pèlerinage à la Mecque.
Sur place, les blessés sont installés dans les couloirs à même le sol. Deux autres d'entre eux perdront la vie dans ces conditions, absence de prise en charge autre que celle des sapeurs sapeurs-pompiers vaillants mais désarmés.
Les 66 blessés restants ont ainsi été acheminés vers Ziguinchor, capitale régionale dotée d’un hôpital qui ne l’est que de nom : faible capacité d’accueil, bloc opératoire fermé depuis plus d’un mois pour cause de …. fuite d’eau. Aujourd’hui à Ziguinchor, face à l’état comateux de l’hôpital régional et en l’absence de structures privées disposant d’un plateau médical, pour une intervention chirurgicale les patients doivent s’inscrire sur la longue liste d’attente de l’ « Hôpital de paix ». Entre temps, beaucoup souffrent et meurent stoïquement chez eux.
C’est dans cet hôpital régional de Ziguinchor qu’un cinquième blessé succombera et 65 autres galèrent toujours en ce moment.
Au moment où je rédige ces lignes, j'apprends avec tristesse qu’une énième tragédie routière vient de se produire sur l’axe Kaolack-Mbour avec déjà 7 victimes (bilan provisoire). Mes pensées et mes prières à toutes ces victimes, aux blessés et à leurs familles.
Ce tableau est celui du Sénégal de la Santé, de TOUT le Sénégal. Aucune région n’est épargnée par la faiblesse voire quelquefois l’inexistence de plateau médical adéquat, de personnel médical en nombre suffisant. Pas même la Capitale, Dakar !
Bien sûr, pour nos gouvernants (ou gouverneurs de…), la priorité ce n’est pas d’éduquer, de soigner et de garantir le bien-être des Sénégalais, non !
Leurs priorités sont orientées vers des investissements de prestiges ne répondant à aucune urgence nationale, prétextes pour enrichir des pays et entreprises étrangers sur fond de surfacturation et autres commissions occultes.
Leur coup de grâce au peuple, c’est le vol éhonté des ressources pétrolières, gazières, minières, halieutiques, foncières… par le truchement du clan dirigeant.
Le plus dramatique est qu’une partie de ce peuple a fini par considérer que tout ce qui se passe dans ce pays est normal, si ça ne relève tout bonnement de la fameuse « volonté divine ».
C'est sans doute la raison de l'assurance du gouvernement qui, malgré une situation sécuritaire, économique, sociale, pluviométrique et humanitaire des plus délétère et les scandales à répétition, trouve du temps pour la villégiature : le premier flic du pays est avec les lions à Fathala et le « lion » lui dort à … Biarritz. Allez demander au paysan inquiet de la tournure de l’hivernage 2019 où se trouve Biarritz !
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LES LABORATOIRES CONTRE LA MÉDECINE TRADITIONNELLE ?
L'artemisia est consommée depuis deux millénaires en Chine pour soigner le paludisme. Ni toxique, ni une drogue, elle est pourtant déconseillée par l'OMS et interdite dans certains pays, dont la France et la Belgique
Alors que le paludisme fait 500 000 morts par an, principalement en Afrique, et que les parasites développent des résistances aux molécules anti-paludiques, les autorités sont toujours réticentes à recourir à l'Artemisia annua. Cette plante, l'armoise annuelle, est consommée depuis deux millénaires en Chine pour soigner le paludisme. Ni toxique, ni une drogue, elle est pourtant déconseillée par l'OMS et interdite dans certains pays, dont la France et la Belgique.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
PARLER DE TANOR SANS ÉMOTION
EXCLUSIF SENEPLUS - Le mérite de l’homme politique, c’est d’avoir sombré le PS dans l'abîme et de s’être débarrassé sans état d’âme de tous ses contradicteurs qui ont refusé toute collusion avec Macky
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 19/08/2019
« Ne souhaitons pas que tout le monde pense comme nous. L’uniformité des sentiments serait odieuse. » - Anatole France
Paraphrasant André Maurois parlant des théories de Docteur James dans son ouvrage Les Mondes impossibles, nous avouons, nous aussi, que nous avons longtemps hésité avant d’écrire ce texte. Nous savons qu’il étonnera, voire déplaira ceux qui sont endoloris par la disparition d’Ousmane Tanor Dieng. Quelques-uns douteront de notre bonne foi, les autres de notre bon sens. Nous aurions nous-même pensé comme eux si l’analyse ne tirait pas son essence de l’histoire politique de l’illustre disparu et de son parti. Aussi, loin de passer pour un iconoclaste blasphémateur, avons-nous jugé honnête, à travers une trajectoire de pensée différente mais non discordante et au risque de susciter des réactions épidermiques et primesautières de certains apologistes « diengolâtres », de parler, hors de la transe hagiographique, de la facette sue et tue de l’homme politique Tanor, brut de décoffrage.
Dès l’annonce du décès d’Ousmane Tanor Dieng le 15 juillet dernier, l’ensemble du champ politico-médiatique, comme un rituel, s’est exprimé pour lui rendre un hommage unanime. Belle tradition républicaine, sans doute, mais teintée d'un total pharisaïsme. En politique, la mort élève mystérieusement les hommes et les femmes même les plus piètres au grade panthéonesque. En pareille occurrence, il est facile d’imiter les éloges funèbres au cours desquels on célèbre la gloire de l’illustre disparu. Il ne s'agit pas pour nous de pleurer non plus, pour ne pas nous confondre avec tous ces tartuffes qui ont ouvert leur robinet lacrymal, histoire de faire croire que la mort de Tanor a provoqué en eux une certaine tristesse. Nous ne voulons pas tomber dans cette compétition d’hommages démesurés et d’encensement hypocrite que seule la circonstance de la mort dicte ; chacun essaie d'affirmer et d'afficher sa consternation par des larmes dont nous pouvons interpréter leur juste portée.
Ainsi des confidences, des témoignages des anecdotes pleuvent de tous côtés car beaucoup (les vrais amis comme les contempteurs), à travers cette mort, cherchent afficher ostensiblement les beaux et excellents rapports qu’ils entretenaient avec le célèbre disparu. On a pu voir pour Ousmane Tanor Dieng comment certains se sont précipités pour crier qu’il était « un homme d’Etat, un Républicain, un socialiste convaincu, un visionnaire, un génie politique, un visionnaire, un homme élégant, un énigmatique gentleman taciturne, beau et discret, le meilleur des meilleurs et tutti quanti. » S’agit-il de témoignages sincères ? Nous restons sceptique. On sait que les Sénégalais nécrolâtres vénèrent les morts et les sacralisent. Nous savons combien ils peuvent dissimuler ce qu’ils ont dans la tête et dans le cœur en pareille circonstance. C’est le summum de l’hypocrisie.
Ainsi en quelques jours, le florilège de beaux témoignages qui a plu sur la tombe de Tanor peut faire l’objet d’une hagiographie post-mortem qui pourra trôner dans les rayons de la bibliothèque de la Maison du Parti. Mais une telle unanimité pour un homme politique controversé ne peut guère passer inaperçue et être exempte de critiques. Que vaut donc cet élan de sympathie et de compassion subit pour celui qui a été toujours critiqué par plusieurs de ses camarades de parti, ses alliés d’aujourd’hui et ses adversaires politiques de toujours ?
Ayant vécu l’ère de l’ascension politique d’Ousmane Tanor Dieng (OTD), connaissant ses amis et ses ennemis, ses adversaires et ses thuriféraires, nous savons très bien qui est triste et qui ne l’est pas pendant la période de deuil. On sait qu’en politique, les actes ne sont jamais gratuits. Plus les paroles sont belles, plus les actes qu’elles cachent sont plus nuisibles, plus les larmes coulent, plus la souffrance qu’elles expriment est moindre. Au risque de briser cette mise en rang et de nous attirer les foudres jupitériennes de ses amis et autres sympathisants (posthumes pour la plupart), nous nous objectons aux thèses fantaisistes qui veulent faire croire que OTD figure parmi les rares hommes d’Etat que le Sénégal ait jamais produit. Les hommes d’Etat sont une espèce rarissime en voie même de disparition tandis que les hommes politiques, distingués par leurs actions politiciennes ou engendrés par la propagande médiatique, fourmillent. Et Tanor n’en est pas un. A ce jour, seul Mamadou Dia, le président du Conseil gouvernemental au début des années 60, demeure l’unique et véritable homme d’Etat du Sénégal.
Tanor homme politique et non homme d’Etat
Aujourd’hui Tanor mort, tout le monde, ses alliés de circonstances, ses ouailles, ses partisans, ses adversaires, ses ennemis se fondent et se confondent en éloges posthumes pour louer sur fond d’hypocrisie pour la plupart ses qualités d’homme d’Etat exceptionnelles. Mais rien dans son cursus politicum n’autorise à qualifier Tanor d’un homme d’Etat. Tout le monde s’accorde à dire qu’il est mort avec un tombeau de secrets qui auraient secoué la République en cas de déballage. Et rien qu’en cela, Tanor est un homme d’Etat. Si garder un secret d’Etat jusqu’à la tombe certifie la qualité d’homme d’Etat, alors le Sénégal en regorge parce qu’ils sont plusieurs, morts en emportant des secrets qui concernent l’Etat. Si Tanor est un homme d’Etat, que devrait-on dire du tout-puissant Jean Collin, son mentor inspirateur et formateur ? Et il est de notoriété publique que jamais, le Sénégal n’a produit un politicien aussi machiavélique que l’homme de Ndiaffate tant dans sa vie privée que publique. Il a utilisé sa posture dans l’Etat comme une épée de Damoclès pour tenir en respect ou éliminer plusieurs hommes politiques sous le régime socialiste. Tanor s’est abreuvé à la source collinesque et a fini par assimiler les méthodes machiavéliques du maître. Sa position de force dans les années 90 lui a permis d’asseoir son autorité et d’écarter tous ces prétentieux qui ont songé guigner le fauteuil d’Abdou Diouf à la présidence du parti et à celle de la République. Tout ce qui pouvait endiguer son projet successoral était farouchement combattu. Mais un homme d’Etat n’a pas de temps à perdre pour des intérêts politiciens personnels. Seul le destin collectif le passionne.
Toutefois, avoir été ministre d’Etat pendant une certaine partie de sa carrière politique ne confère pas la qualité d’homme d’Etat. Dans la gestion des affaires de l’Etat, Tanor n’a jamais excellé. Pendant qu’il était aux responsabilités, il n’a jamais osé diriger un ministère technique qui mettrait en exergue ses compétences d’homme politique, voire d’homme d’Etat. Toujours sous l’édredon du cabinet présidentiel faisant les carrières des soumis et défaisant celles des insoumis. L’homme d’Etat procède du monde des réalités, c’est-à-dire d’un mérite, d’une vision, d’une action, d’un bilan. Par conséquent, la qualité d’homme d'État suppose la capacité de tenir un cap au service d’une vision, mais aussi celle d’obtenir des résultats concrets et durables. Un ministère des Services et Affaires présidentiels, cette grande trouvaille d’Abdou Diouf au service exclusif de sa personne, ne pouvait pas permettre à OTD de déployer ses talents d’homme d’Etat.
L’homme d’Etat doit être guidé, en toute circonstance, par l’intérêt commun et non les calculs politiciens, calibrer ses décisions à l’aune des intérêts de sa société. Il doit savoir dynamiser son parti tout en ayant le souci de ne jamais le diviser pour des intérêts personnels ou groupusculaires. Si aujourd’hui le PS se trouve dans un état dégénératif de collapsus, c’est à cause de l’héritier putatif à qui Diouf a légué le Parti un certain 30 mars 1996. A partir de cette date, Ousmane Tanor Dieng, qui n’a rejoint le bureau politique du PS qu’en 1988 et dont le court parcours politique n’est caractérisé par aucun haut fait d’arme, dispose de tous les pouvoirs au sein du parti et tous les attributs afférents. Ainsi, après plus de deux décennies, le PS, sous le magistère de Tanor, a entamé une descente irréversible aux enfers ponctuée par des scores qui fondent comme beurre au soleil d’élection présidentielle en élection présidentielle. De 2000 (41,51%), en passant par 2007 (13,5%) jusqu’en 2012 (11,30 %), le parti fondé par Léopold Sédar Senghor en 1948 semble être arrivé en fin de cycle avec Tanor. Nonobstant cette batterie de défaites successives, jamais Tanor, politiquement ménopausé, n’a songé se retirer au profit des jeunes comme Khalifa Sall apte à donner un nouveau souffle au Parti socialiste évanescent, voire moribond. Lui-même avait déclaré qu’il ne serait plus candidat à une autre présidentielle après 2012. Révolté, le jeune Malick Noël Seck vociféra : « Il a été confié à Tanor une mission à la réussite de laquelle il a failli. Il est aujourd’hui au Parti socialiste ce que l’écharde est à la blessure, et il ne partira pas tant que nous ne l’aurons pas nous même extirpé. Il est nécessaire, urgent et impératif qu’il soit destitué. Convergence socialiste ne saurait soutenir une liste qui n'a plus rien de socialiste. » Mais en dépit de son dernier échec à la présidentielle, et d’une contestation de son leadership qui sourd au sein du PS, Tanor se dédit et annonce sa candidature au XVe congrès du 5 juin 2015 qui le réélit comme Secrétaire général du PS dans des conditions littéralement non transparentes. Finalement, les instances du parti de Colobane ne fonctionnent plus et l’instance faitière a fini par le transformer en wagon à la remorque de la locomotive apériste.
Tanor, un leader contesté
La descente aux enfers du PS a commencé depuis ce fameux congrès de mars 1996 sans débat où Abdou Diouf, arbitrairement, a adoubé Tanor comme numéro 2 du parti et son potentiel successeur à la tête de l’Etat. Et cela a eu comme conséquences désastreuses la déconfiture du PS et sa déchéance en 2000. Et ceux qui pensaient que la perte du pouvoir était le moment opportun pour rabibocher la formation socialiste en capilotade, auront vite fait de déchanter, puisque Tanor devenu le seul capitaine à bord, Abdou Diouf ayant tiré sa révérence, n’a pas fait preuve d’ouverture et de rassemblement. Conséquence : des apparatchiks du parti tels que Robert Sagna, Mamadou Diop, Souty Touré, Abdou Khadre Cissokho (qui a opéré un come-back spectaculaire), Moustapha Kâ, Madia Diop, Amath Cissé, Abdoulaye Makhtar Diop et Mamadou Diop, réunis au sein du courant contestataire « Démocratie-Solidarité », claquent la porte pour prendre leur destin en main. L’homme d’État visionnaire, maîtrisant la complexité de son parti et percevant l’intérêt commun de ses partisans, doit savoir calibrer son action en fonction de l’évolution des circonstances politiques et non de son avenir personnel. Ce que Tanor n’a pas pu réussir quand le PS a perdu le pouvoir. Certes, après la chute de Diouf, il a eu le mérite de tenir solidement le gouvernail au moment où le navire vert tanguait et drossait vers les récifs de la désagrégation. Mais à la Pyrrhus puisque des mammouths du parti cités supra ont été braconnés pour laisser la place au cornac Dieng.
L’homme d’Etat ne prend jamais une décision sans au préalable recueillir l’avis de ses proches. Sa force réside dans la connaissance des hommes et des femmes qui l’entourent. Et il ne souffre pas de leur déléguer des responsabilités dans un esprit de prudente confiance. Ce qui n’a jamais été le cas avec Tanor. Lui, c’était le superman du Parti socialiste et de la présidence de la République qui décidait de tout sans consulter personne avec la complicité du président Abdou Diouf. Habib Thiam, dans ses mémoires, parle de la confiscation tanorienne du parti. En 1998, après les législatives, quand l’idée de reconduire Habib Thiam à la Primature est agitée, Tanor a imposé Mamadou Lamine Loum au grand énervement d’Abdou Diouf qui n’a eu à dire à son dauphin : « Faites ce que vous voulez !»
L’homme d’Etat n’est jamais infatué de sa personne et imbu de son savoir politique. Il n’a peur ni de la contradiction, ni des insultes, ni de la caricature. Tanor n’a jamais accepté la contradiction au sein du PS. Soit on se soumet, soit on se démet. C’était la règle austère héritée de Jean Collin. Si Djibo Ka et Moustapha Niasse ont été poussés à la sortie du PS, c’est parce que l’alors Premier secrétaire ne souffrait pas de la contradiction politique. Les divergences doctrinales d’OTD avec Khalifa Sall ont conduit ce dernier à subir un séjour carcéral de cinq ans. Seules ses décisions avaient une valeur décrétale. Ces anti-qualités, il se les partageait avec son allié de circonstance Macky Sall qui n’hésite pas à emprisonner à la moindre incartade ceux qui ne partagent pas ses schèmes de pensée.
Tanor insensible à l’incarcération de Khalifa Sall
Un homme d’Etat accepte les contradictions internes au sein de sa formation politique. Il doit transcender les contingences et les divergences partisanes et ne doit jamais être habité par l’esprit vindicatif. Dans l’affaire Khalifa Sall, l’indifférence de Tanor a été patente et effarante. Certains voudront nous faire accroire que la diplomatie est une activité souterraine que l’on ne déploie pas dans la rue mais la réalité est que l’embastillement de Khalifa fait le bonheur de plusieurs de ses camarades de parti même si certains n’hésitent pas à déclarer au forceps ou hypocritement toute leur solidarité et leur compassion à l’endroit du leader de Taxawu Dakar.
Aujourd’hui, pour on ne se sait quel sombre objectif, des socialistes distillent l’information selon laquelle le dernier vœu de Tanor a été la libération de Khalifa. C’est là un mensonge cru qui voudrait faire accréditer le côté humaniste de l’ex-Secrétaire général du PS. Cette thèse mensongère ne résiste pas à la réalité des entourloupes et manœuvres qui ont présidé à l’arrestation et l’incarcération de l’ex-maire de Dakar. Pas une seule fois, durant 28 mois et 15 jours d’incarcération, Tanor tout comme ses zélotes n’a rendu visite à son frère de parti qui séjourne à Rebeuss depuis le 7 mars 2017. Pas une seule fois, Tanor n’a rendu visite à la mère nonagénaire du Secrétaire à la vie politique du PS pour partager avec elle la douleur qu’occasionne l’embastillement de son fils. Pire au moment où l’on s’attendait à plus de compassion de Tanor, ce dernier et ses bénis oui-oui du politburo socialiste ont donné le coup de grâce à Khalifa et à plus de 60 de ses proches en leur notifiant leur exclusion du PS. Même la morale de la guerre recommande d’utiliser des armes conventionnelles.
Tanor déconsidère ses camarades de parti
Il faut toutefois signaler que le dernier acte posé par Tanor met en exergue une certaine déconsidération à l’endroit de ses camarades de parti. Son dernier regret, en tant que chef d’un parti historique qui a dirigé le pays pendant 40 ans et qui court derrière la reconquête depuis presque 20 ans, devrait être de n’avoir pu permettre au PS de reconquérir le pouvoir pendant qu’il le dirigeait mais pas de pouvoir continuer la mission à la tête de cet ovni du HCCT qui est une véritable APR (agence des politiciens recasés). L’autre déconsidération, c’est de disqualifier ses proches camarades de parti et de confier sur son lit de mort l’avenir du PS à un autre chef de parti, Macky Sall qui, rappelons-le, a été plus d’une décennie l’adversaire politique farouche de Tanor avant que les contingences d’une alliance opportuniste et conjoncturelle ne les réunisse. Pourtant ce Macky Sall, première institution de la République, n’a jamais fait un déplacement en France pour s’enquérir de l’état de santé du président du HCCT agonisant alors qu’il n’a pas hésité un tantinet, à se rendre à Mariann pour marcher, au nom de la liberté d’expression (cette liberté d’expression qu’on nie à Adama Gaye, Guy Marius Sagna, Idrissa Fall Cissé, Clédor Sène et autres activistes), en faveur des insulteurs du Prophète Mahomet (PSL), première Institution de la Oummah islamique.
Aujourd’hui, contre toute attente, ce sont des hommes du pouvoir qui louent les qualités du républicain Tanor. On colporte des rhétoriques hypnagogiques sur le républicanisme pleutre tanorien en parallèle avec ces hommes politiques téméraires comme Wade, Dansokho, Bathily, Diop Decroix, Guy Marius Sagna qui, dans la bataille démocratique, ont intrépidement eu la hardiesse de battre le macadam sans avoir peur de s’enivrer des effluves des gaz lacrymogènes ou de passer la nuit au violon.
Tanor comme Cronos
Certes Tanor a été un homme politique de son temps assujetti aux exigences d’un parti en déliquescence et aux contingences d’une alliance avec un président obnubilé par la préservation de son pouvoir par tous les moyens. Le mérite de l’homme politique Tanor, c’est d’avoir sombré, depuis ce 30 mars 1996, le PS dans un abîme insondable et de s’être débarrassé sans état d’âme de tous ses contradicteurs qui ont refusé toute compromission et collusion avec le président Sall. Et Khalifa « Icare » Sall qui a voulu s’approcher pouvoir-soleil a vu ses ailes de cire fondre à mesure qu’il affichait de plus en plus son ambition présidentielle. Ainsi, en refusant pour la première fois, de mener le PS à une présidentielle après sept décennies d’existence, Tanor a saccagé l’héritage idéologique de Senghor qui s’est révélé être, pour lui, un véritable faix politique. Jamais, il n’a pas su refonder le PS et lui impulser une nouvelle dynamique de conquête du pouvoir. Las de ses défaites successives, il a choisi de mettre à l’encan la formation de Senghor pour jouir des prébendes du HCCT. Sachant qu’il n’a plus un avenir politique prometteur, il a refusé de passer le flambeau aux jeunes loups ambitieux. In fine, l’ex-directeur de cabinet, ministre d’Etat, ministre des Services et Affaires présidentiels, Secrétaire général du parti socialiste, vice-président de l’Internationale socialiste, président du HCCT, n’a jamais été cet homme d’Etat que tentent de nous le faire gober certains thuriféraires spécialisés dans les hommages post-mortem. Son image nous renvoie à l’incarnation du dieu Cronos qui mangeait ses enfants pour ne pas avoir d’héritier. Mais la mythologie enseigne qu’un de ses enfants, Zeus, a échappé à son autophagie et lui Cronos finit ses jours dans le Tartare...
SÉRIES SÉNÉGALAISES, PHÉNOMÈNE DE MODE OU DÉBUT D'UNE VRAIE INDUSTRIE ?
Malgré certaines volées de bois vert sur le contenu, jugé souvent inadapté à nos réalités culturelles et sociologiques, et pourtant ces productions audiovisuelles rencontrent un grand succès aux yeux du public
Elles s’appellent Pod et Marichou, Idoles, Wiri Wiri, Maitresse d’un homme marié, Mbettel, Mœurs ou Sama Woudiou Toubab la : toutes ces séries connaissent un véritable succès depuis leur apparition à la télé. Elles attirent énormément de personnes, s’emparent de notre petit écran et se développent à vitesse grand V. La période des dramatiques semble être révolue pour céder la place aux séries. Ces productions audiovisuelles permettent de captiver les téléspectateurs en proposant des scénarios qui s’étalent sur plusieurs semaines.
« Que le chat soit gris ou blanc, l’essentiel c’est qu’il attrape des souris ». Un proverbe chinois qui a bien son sens avec les séries sénégalaises. Malgré certaines volées de bois vert sur le contenu, jugé souvent inadapté à nos réalités culturelles et sociologiques, et pourtant ces productions audiovisuelles rencontrent un grand succès aux yeux du public. Ce qui semble être un paradoxe. Leurs audiences explosent. En attestent le nombre de publicités et les placements de produits dans les télés au moment de leurs diffusions. Chaque chaine télé tient sa série à des heures de grande audience. Et à côté, les réseaux sociaux ont, sans doute, eu un effet amplificateur d’autant plus que beaucoup de foras s’organisent pour débattre des épisodes. On en parle, on en discute à chaque fois qu’un épisode est diffusé.
Dans l’air du temps
Le format (série) n’est pas du tout nouveau, il est presque aussi vieux que la télé. Au Sénégal, pendant presque deux décennies, les Novelas qui, nous venaient du Mexique, du Brésil et de l’Inde, étaient mieux cotées. A titre illustratif, l’on se rappelle les succès retentissants de « Marimar », « Rubi » ou bien Vaidéhi. Mais le foisonnement des séries « Made in Sénégal » est très récent. En un temps record, elles se sont imposées comme le programme vedette. C’est en général des histoires que l’on raconte et qui sont adaptées à notre quotidien selon Oumy Régina Sambou, journaliste culturelle et Présidente de l’association de la presse culturelle du Sénégal. Elle affirme que « de plus en plus, on note une envie chez les jeunes de produire du contenu par nous et pour nous et pour parler au monde. Nous avons nos séries « couleur locale » qui nous rappellent un peu les Novelas par moment. On voit à la télé des gens qui nous ressemblent. C’est important». Un point de vue qui contraste avec celui de Makhete Diallo, directeur artistique et technicien de cinéma. Il préfère minimiser ce succès. Il parle de « phénomène de mode ». Ce que conteste Astou Fall qui interprète le rôle d’Amsa, la binôme de Marieme Dial dans « Maitresse d’un Homme marié ». Elle estime que c’est le résultat d’ « un long travail professionnel ». En tout cas, sur les chaines Youtube, parfois un seul épisode dépasse le million de vues. Ce qui est un baromètre fiable de l’engouement autour de ces séries. Ce qui renfloue considérablement les caisses de ces jeunes maisons de production. Oumy Régina Sambou ajoute que : « on parle actuellement d’industrie. Ces jeunes ne sont pas pour sensibiliser. Ils veulent que ça produise de l’argent. On le voit avec Marodi. Ils gagnent beaucoup avec le nombre de vues sur les plateformes numériques »
Quid de la qualité technique
Ce n’est pas seulement le contenu de ces séries qui suscitent débats et polémiques. L’aspect technique également intéresse tous ceux qui gravitent autour de ces métiers du cinéma et de l’audiovisuel. Entre autres passionnés de ce secteur, Makhete Diallo qui a collaboré avec les grands noms du cinéma africain notamment Sembene Ousmane dans plusieurs longs métrages comme son dernier film Moolaade en 2004 et Abdourahmane Sissako dans Bamako etc. Il compte à son actif plus de 100 films avec plus de 40 ans de carrière. Il ne respire que de cinéma. Chez lui où il nous a reçus à Guediawaye, vit une vraie mine d’archives cinématographiques. Mais à la question de savoir, comment il trouve les séries. Cette bibliothèque du 7e art est catégorique : « Sur le plan technique, les séries sont mal faites. C’est toujours la même chose : un salon, des murs blancs sans décors comme dans un hôpital. On ne fait pas vivre le décor. Les séries, presque tout est fait à l’intérieur. Tout se passe dans un salon. Il y a une sorte de coq à l’âne d’un épisode à l’autre ». Pour lui, tous ces manquements sont dus à un déficit de formation qui peut être assimilé parfois à de l’ignorance. Il est cash : « On ne s’improvise pas réalisateur, scénariste ou producteur ». Propos jugés trop durs par certains. C’est le cas d’Aida Soumare Badji, photographe qui collabore avec certaines maisons de production notamment Marodi, passionnée d’images qui estime que des efforts sont à souligner : « Il y a des progrès qui sont faits en ce moment car on est en train d’avoir du Senewood (ndlr : industrie cinématographique sénégalaise comme Hollywood, Nollywood ou Bollywood). En termes de qualité d’images, ils s’y investissent avec du matériel de dernière génération ». La journaliste spécialisée des questions culturelles Oumy Régina Sambou prend le contrepied de Makhete Diallo. Elle constate que la donne commence à changer. « Ils commencent à s’entourer de professionnels. Ils commencent à accorder de l’importance au cinéma. Quand on prend l’exemple de Marodi, ce qu’il fait avec « Pod et Marichou » ou « Nafy » n’a rien à voir avec ce qu’il a fait avec « Maitresse d’un homme marié ».», affirme-t-elle. Une analyse confirmée par l’actrice de la série Mœurs Charmelle Dieng qui estime que « c’est des œuvres bien faites. La preuve : le public a tourné le dos aux Novelas »
Perspectives
L’industrie des séries fait fortune. Donc des lendemains meilleurs sont à prévoir car c’est devenu l’un des produits phare du commerce culturel mondial. De l’optimisme, on en rencontre dans le discours d’Astou Fall, pour qui « les séries sénégalaise se professionnalisent de mieux en mieux et ont un bel avenir malgré nos faibles moyens comparés à ceux des Novelas, et pourtant nos séries sont bien appréciées. En atteste le succès de « Maitresse d’un homme marié » qui a dépassé nos frontières ». Oumy Régina Sambou, confirme. Selon elle : « Les productions sénégalaises commencent à être consommées de plus en plus dans la sous-région. Avec le succès du sous titrage, il y a de quoi espérer ». Un point de vue que ne semble pas partager Makhete Diallo. Derrière la caméra, Il considère que ces séries restent un phénomène de mode. Très philosophique, même s’il accepte que le présent soit glorieux, il voit des lendemains en pointillé de ces séries. « Tout s’use, s’érode et s’élimine. S’il y a pas de vivrier, ces séries ne vont pas survivre », formule-t-il. De toute façon l’avenir nous édifiera. Mais déjà ce qui est vrai, c’est que beaucoup préfèrent regarder une série que d’aller au cinéma. Dans un contexte où les jeunes réalisateurs se tournent de plus en plus vers les séries en délaissant les longs métrages, les acteurs du milieu sont à couteaux tirés concernant l’avenir de ces productions audiovisuelles en vogue.