DE LA POLITIQUE AUTREMENT À L'OPPOSITION AUTREMENT
EXCLUSIF SENEPLUS - Qu'un Premier ministre signe un décret, pour revenir deux ans plus tard se dédouaner, arguant du fait qu'un ministre chargé d'introduire le décret l'avait induit en erreur, cela pose problème
Ibe Niang Ardo de SenePlus |
Publication 02/07/2019
L'on se souvient que le 14 Mai 2016 Abdoul Mbaye lançait à grande pompe le slogan "la politique autrement", s'arrogeant au passage une marque méritoire de citoyen modèle distinct des autres politiciens de la place, tous étiquetés d'emblée de corrompus.
Une marque de distinction lui était effectivement nécessaire en tant que novice dans la politique pour se différencier des autres postulants, cependant il y a une bonne différence entre le fait de justifier ses divergences avec les autres et celui de se prendre pour un spécimen génétiquement supérieur aux autres. Ce genre de jupiterianisme relève de l'imposture. Heureusement, le peuple ne s'y est pas trompé, lui qui lors des différentes élections qui se sont déroulées depuis, a clairement rétabli par le vote la position de chaque prétendant sur l'échiquier politique. Si tant est que le sieur Mbaye avait eu à faire tilt avec ce slogan en 2016, tel n'est plus le cas à présent. Il suffit de se rendre au siège de son parti pour constater que l'engouement des premiers jours s'est rétréci comme une peau de chagrin et le parti croupit actuellement dans une cantine où il se plait à concocter à longueur de journée des farces et cocktails politiciens insipides.
"Autrement", un slogan synonyme d'échecs continuels
La "politique autrement" prônée n'a pas su résister au moindre test électoral. Elle aurait en désespoir de cause cédé place à une hideuse abjuration aux lendemains d'un premier échec cuisant, plutôt que de justifier la préséance du protagoniste.
En effet, en allant se chercher une voie de résurgence auprès de Me Abdoulaye Wade, puis d’Idrissa Seck lors des présidentielles, le sieur Mbaye se serait en clair résigné à renier ses chers principes. L'on savait qu'auparavant son credo favori était : « jamais de compromis avec ces deux, devrais-je abandonner la politique tant s'en faut ».
Aujourd'hui qu'il lui est clair que gouverner ce pays par l'heur des urnes lui est impossible, le mieux qu'il a à faire est d'arrêter de faire de la politique mais cela ne lui est pas simple. Il est connu qu'il est plus facile d'entrer en politique que d'en sortir. Du moment qu'il est devenu accro à son projet chagrinant qui ne lui réserve que discrédit et déclin, son choix tactique se résume à une double alternative : la superstition et la subversion !
Cependant, on peut duper une personne quelque temps, mais pas le monde, tout le temps.
L'on ne peut pas constamment se camoufler dans ses arguments tels fléaux sans que cela ne soit décelé un jour. Et il est question de cela dans ce qui suit.
De la signature de Premier ministre et de ses conséquences.
Apposer sa signature sur un décret à l'effet de le valider relève à l'évidence d'une grande responsabilité personnelle, liée à une fonction prestigieuse dotée de privilèges et prérogatives exceptionnels, que le président de la République confie à un homme digne de sa confiance.
Par ailleurs, l'on sait qu'une signature a une haute signification universelle. Rien n'est plus sérieux qu'une signature dans toutes les sociétés en ce qu'elle permet d'authentifier et à contrario d'établir le faux au cas échéant.
Dès lors, le fait de voir une notoriété de la communauté badiner avec sa propre signature en la reniant, suscite à l'endroit de ce dernier de la suspicion par rapport à la production et l'usage du faux.
Qu'un Premier ministre appose sa signature sur un décret, pour revenir deux ans plus tard se dédouaner totalement, arguant du fait qu'un ministre de son gouvernement chargé d'introduire le décret, en l'occurence Aly Ngouille Ndiaye, l'avait induit en erreur, cela pose problème. Il y a là une insidieuse entorse à la raison, car au vu de la hiérarchie des fonctions, c'est la signature du Premier ministre qui en dernier ressort, valide le décret et par voie de conséquence tout le travail antérieur fait par quelque ministre du gouvernement. La raison voudrait alors que ce soit Aly Ngouille Ndiaye qui puisse arguer du fait qu'il est quitte de ce dossier vu qu'il a été complètement validé par ses supérieurs et non le contraire. Cependant, lui Aly demeure serein et imperturbable convaincu que la raison finira par avoir le dessus. C'est l'autre qui extravague alors que ses arguments sont irrecevables car fondés sur l'abdication de notre raison. Au-delà, le fait de se défausser sur son collaborateur au lieu d'assumer ses responsabilités révèle en la personne l'absence de toutes vertus de leadership. Cette supercherie de la substitution est inacceptable : être pris en défaut et vouloir tourner la situation en sa faveur en introduisant dans le processus de la subversion est tout à fait chimérique.
De la lettre ouverte adressée à son excellence monsieur le président de la République:
Le motif de cette lettre nous dit-on, est une première lettre adressée directement au président de la République et demeurée sans suite.
Lorsqu'on remonte à la première lettre l'objet en était :
donner des recommandations d'engager des enquêtes,
récupérer des droits consentis quatre ans auparavant à un investisseur et enfin
sanctionner des fonctionnaires éventuellement fautifs.
Autrement dit, tout ce qu'il devait faire de par les prérogatives de ses fonctions et qu'il n'avait pas fait, aveu de carence fourni par cette même lettre, il le fait tardivement et l'adresse au président de la République, soit deux ans après qu'il ait perdu sa position.
Sidérant ! Pourquoi est-ce que le président devrait-il suivre des recommandations provenant d'une source par lui même disqualifiée ? N'est-ce pas illusoire d'y croire !
Ces recommandations du reste suspicieuses n'avaient d'intérêt que pour lui, accablé qu'il était par l'évidence de son implication en cas de prévarication.
De même pour cette seconde lettre publique loin d'être fortuite dans le contexte post-électoral que l'on vit. Elle n'a qu'un seul objectif fondé sur la superstition charlatanesque qui veut que le président ne termine pas son mandat, emporté qu'il sera par un événement funeste : c'est celui de servir d'étincelle ou de combustible pour embraser le pays. Dieu nous en préserve, car lorsque l'étincelle à proximité fait feu de tout bois, elle ne se doute pas des vents d'horizon divers qui viendront l'attiser. Ce qu'il faut souhaiter c'est d'être encore tous là et en pleine santé pour les présidentielles de 2024, parce qu'il y a une opposition sereine convaincue que la voie de la paix, du respect mutuel et des urnes est le bon choix et s'y prépare sérieusement.
Quant à demander publiquement au président Macky Sall, si au regard des éléments aujourd'hui connus, l'attribution des permis en question aurait oui ou non violé la loi et les règlements de notre pays - la question est qualifiable de triviale et infantile.
Pourquoi ? Parce que l'établissement d'un viol de la loi n'est pas du ressort du président, mais plutôt des institutions judiciaires. Cette vicieuse question est posée en connaissance de cause du fait que le président ne peut y donner de réponse satisfaisante. Cette fourberie consiste à biaiser une situation en posant des questions de détail de toutes sortes à son adversaire à l'effet d'éloigner les gens de l'essentiel et cyniquement le confondre par tant d'amalgames. C'est la mauvaise foi et l'absence de vertu qui entraine quelqu'un à recourir à ces tactiques envers un adversaire politique que l'on a fini de confondre avec la haine, du fait d'une illusoire damnation génétique.
Il est admis qu'il faut du tout pour faire un monde d'où la nécessité d'être indulgent les uns envers les autres. J'y ajoute qu'il est bon à chaque membre d'une société, de ce tout qui fait un monde, de savoir la partie à laquelle il appartient.
Victime de sa situation géographique privilégiée, la capitale sénégalaise est depuis longtemps une zone de transit de choix pour les cartels criminels, notamment d’Amérique du Sud, branchés sur les marchés de consommation européens
En juin, les cartels de narcotrafiquants ont été en grande forme dans leur détermination à faire parvenir leurs cargaisons de cocaïne à diverses destinations. A ce jeu mortel, le port de Dakar est clairement une cible de choix, entre autres raisons pour son emplacement stratégique sur la route de l’Europe.
Mercredi 26 juin, la Douane mettait la main sur 238 kilos de cocaïne dissimulés dans des véhicules arrivés au Môle 1 du Port de Dakar. La drogue provenait du port brésilien de Paranagua et était en route pour Luanda, capitale de l’Angola. Trois jours plus tard, c’est du même port brésilien qu’est arrivé un navire avec 798 kilos de cocaïne dissimulés à bord. Le port togolais de Tema était une destination de la « marchandise ».
En février dernier, la police de Guinée Bissau avait découvert 800 kilos de cocaïne dans un camion frigorifique immatriculé au Sénégal. Plusieurs trafiquants présumés avaient été arrêtés dont 2 Nigérians, 1 Sénégalais et 1 Bissau-guinéen.
Il y a quelques jours, c’est un militaire de la délégation du chef de l’Etat brésilien qui était arrêté à l’aéroport de Séville, dans le sud de l’Espagne, avec 39 kilos de cocaïne découverts dans sa valise. Ce militaire faisait partie de l’équipe avancée du président Jaïr Bolsonaro en route pour Osaka où il devait prendre part au Sommet du G20. Bolsonaro a ensuite dégagé toute responsabilité en indiquant à la police espagnole qu’elle pouvait enquêter avec la pleine coopération des autorités brésiliennes.
Il est à croire que le mois de juin est une période propice au trafic de drogue pour les compagnies criminelles qui alimentent le marché mondial. Des gendarmes français ont récemment arraisonné dans les eaux de la Polynésie française un voilier transportant 436 kilos de cocaïne et venant de Panama. Les autorités américaines ne sont pas en reste également avec la saisie de 16 tonnes de cocaïne sur un cargo dans le port de Philadelphie. Elles ont estimé la valeur marchande de la drogue à la somme de 570 milliards de francs Cfa (1 milliard de dollars Us).
Au mois de mai dernier, un Japonais voyageant à bord d’un avion assurant la liaison entre le Japon et le Mexique est mort après avoir avalé 246 sachets de cocaïne.
2 mille tonnes de production mondiale
Le côté lucratif du trafic de drogue ne se dément pas, d’où l’insistance des cartels à densifier leurs réseaux de transports et de distribution à travers le monde, en dépit des renforcements de contrôle et de la coopération entre Etats. Selon le dernier Rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) publié ce 26 juin, environ 2 000 tonnes de cocaïne ont été produites au cours de l’année 2017, ce qui est un record mondial. Dans le même temps, les saisies ont atteint 1275 tonnes.
Selon le Rapport 2018 de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), le continent africain tend à devenir une base importante en tant que « région de transit pour le trafic de cocaïne ». Auparavant zones de transit préférées pour l’itinéraire de la cocaïne, l’Afrique de l’ouest et l’Afrique centrale sont en train d’être supplantées par l’Afrique du Nord. Celle-ci « a représenté 69% de l’ensemble de la cocaïne saisie en Afrique » au cours de l’année 2016.
À NAPLES, LES IMMIGRÉS EN PROIE À LA MONTÉE DU RACISME
Avec la campagne, puis l'élection, de Matteo Salvini, le regard de la population italienne sur l'immigration a changé. «Le plus choquant dans ces agressions, c'est quand les Italiens autour ne réagissent pas.»
Slate.fr |
Marie Brière de la Hosseraye et Yoram Melloul |
Publication 02/07/2019
Impossible de s'intégrer dans une ville où l'économie informelle règne et le racisme croît. La situation s'est encore détériorée depuis l'entrée de la Ligue au gouvernement.
«Maintenant, Salvini va te jeter dehors!»
Accompagné de ces quelques mots et d'un sucre, le serveur, dans la vingtaine, apporte son café à Youssouf. Le client a deux fois l'âge de l'employé. Habitué du lieu, Youssouf Rampa a vu grandir le garçon depuis vingt ans qu'il habite dans le quartier. Le jeune Italien se marre, ravi de lui avoir rappelé qu'il sera bientôt«renvoyé chez lui», au Burkina Faso.
Youssouf, jusqu'alors en pleine conversation, rit trop fort. Puis se tait. Et se referme. Seule la voix des commentateurs d'un match du championnat italien retentit, crachée par la télévision de ce bar de quartier de Naples. Les passant·es, hypnotisé·es par l'écran accroché sur la devanture, sont indifférent·es à la scène qui vient de se dérouler. Le temps s'étire.
Youssouf finit par rompre le silence. «Des insultes, j'en reçois tous les jours. Psychologiquement, c'est dur.»
Avec la campagne, puis l'élection, de Matteo Salvini, le regard de la population italienne sur l'immigration a changé. L'attention médiatique s'est focalisée sur les étrangers. «Ça empire ici depuis vingt ans, la référence aujourd'hui c'est Salvini.»
«On voit plus l'immigration maintenant qu'avant, explique Camille Schmoll, sociologue à l'Université Paris Diderot. Naples n'est pourtant pas submergée. Il faut déconstruire cette idée de vague migratoire.» Cette impression de submersion est en train de transformer certains quartiers, comme à la gare où plusieurs centres d'accueil ont été ouverts.
Rabby Nougtara est un «ancien», un des premiers immigrés d'Afrique de l'Ouest. Installé chez lui, une cigarette à la main, il prépare un thé vert concentré «à la manière de chez nous» qui, promet-il, «vous libérera les intestins». Il arrive dans la ville, à la fin des années 1990, avec son visa de touriste. Youssouf, venu juste avant lui, le «force» à rester en Italie, en cachant sa valise. Rabby n'a d'yeux que pour la France. Naples compte alors peu d'immigré·es. En rencontrant des Africain·es, «les Napolitains voyaient une autre misère, c'était une manière d'oublier la leur».
L'immigration est un phénomène plutôt récent à Naples, selon Salvatore Strozza, démographe au sein du master sur l'immigration de l'Université de Napoli Federico II. Les Érythréens sont les premiers à être arrivés, dans les années 1980, à cause de la guerre civile. Au 1er janvier 2017, un peu plus de 93.000 étrangers non communautaires étaient enregistrés. Ce chiffre inclut les réguliers hors Union européenne. L'Italie en comptait, à la même date, autour de 3.700.000. À Naples, 3,3% des résidents sont des étrangers non européens, bien loin des 11,6% de Milan, qui arrive en tête du classement.
Naples, ville ouverte
Naples se veut ville ouverte et terre d'accueil, comme le rappellent les acteurs de son réseau associatif et la couleur de ses élu·es. À l'image de ses rues étroites et de ses façades tout à la fois décrépites et magnifiques, la ville est anarchique et anarchiste. Les habitant·es ne manquent pas de rappeler qu'en 1943, la ville se libéra, seule, de l'occupant nazi et qu'à l'heure actuelle, elle résiste à la politique du gouvernement central.
«Aujourd'hui, heureusement que nous avons Luigi de Magistris, un maire progressiste!» commente Claudia, militante d'un mouvement antifasciste local nommé Insurgencia. Ce dernier a été élu avec 66% des voix. Le 5 janvier dernier, Claudia a participé aux manifestations organisées dans la ville pour soutenir le bateau de sauvetage Sea Watch, à qui le maire a ouvert les portes de la ville, déclarant que Naples était un «port ouvert». Matteo Salvini, le ministre de l'Intérieur, interdisait l'accès aux côtes pour les quarante-sept migrant·es qui se trouvaient à bord, tandis que leur errance était relayée par les médias, au rythme des nombreux refus d'accoster.
Naples, comme Palerme ou Florence, a refusé d'appliquer les dispositions du décret Salvini relevant de la compétence des communes, et permet aux demandeurs d'asile de continuer d'y résider légalement. Promulgué en novembre 2018, le texte de loi interdit entre autres aux personnes titulaires d'un permis de séjour d'obtenir le droit de résidence en Italie, nécessaire pour accéder aux service de santé ou aux centres d'emploi. «Certains Napolitains honorent l'idée d'hospitalité, résume Pierre Preira, à la tête de la communauté sénégalaise de la ville. Mais j'ai peur que la majorité ne soit pas encore prête.»
D'après Salvatore Strozza, les Sri Lankais·es forment la communauté la plus intégrée. C'est la seconde plus importante, après les Ukrainien·nes, avec près de 15.000 personnes comptabilisées par le ministère de l'Intérieur en 2017. Elles s'installent sur le long terme, vivent entre elles, dans le quartier de Savona, «un petit Colombo» –en référence à la capitale du Sri Lanka. Mais les membres de toutes les communautés ne bénéficient pas d'un tel soutien.
Le racisme, fait social
Incapable de donner spontanément son âge («1977… ça fait combien?»), Youssouf se souvient parfaitement de la date de son arrivée en Italie: c'était il y a vingt ans. Le 10 décembre 1998, Bruxelles. Le 24 décembre, Naples.«J'ai tellement duré ici que j'en ai oublié mon âge.»
En 2001, une Italienne qu'il fréquente lui apprend qu'elle est tombée enceinte d'une petite fille. Mais la famille de la maman ne veut pas que l'enfant porte son nom. «Chez nous, si l'enfant ne porte pas le nom du papa, c'est pas ton enfant.» La situation est humiliante. «Quand je l'ai appris, j'ai pleuré. J'ai compris que je ne retournerais jamais vivre au Burkina.» Pour sa fille, il reste.
Youssouf n'est pas un cas isolé. Rabby Nougtaratou se souvient de son mariage, avec Anita. «Aucun membre de sa famille n'est venu à la mairie. Ils viennent d'un village autour de Naples où ils n'ont jamais vu d'immigré.»
Le racisme n'est pas un fait nouveau, mais pour Youssouf, c'est «devenu un fait social». La multiplication des petites et grandes humiliations à l'encontre de la population immigrée a distendu le lien avec les Italien·nes. Les amitiés se font rares. «Depuis que je suis dans ma maison, aucun Italien n'est rentré boire une bière.»
À part celui-ci, qui passe en scooter. La trentaine, il s'arrête et saute sur le trottoir. Le dos raide, il se tient face au Burkinabé, toujours assis. Son bras droit se lève. Il forme un pistolet avec ses doigts et tire. La balle imaginaire vient se loger dans la tête de Youssouf. «J'te fusille.» Youssouf fonce sur lui, l'invective puis l'embrasse. «Lui, c'est mon ami, indique-t-il dans un sourire. Mais en me disant ça, il affirme sa supériorité. Il me rappelle qu'il peut le faire, même si je sais qu'il s'amuse.»
Les membres de communautés étrangères ne sortent plus trop des quartiers qui leur semblent autorisés. «La plupart des jeunes Africains de la gare ne viennent plus au centre-ville», confirme Rafaella, qui a créé une association d'aide aux immigré·es à Avellino, une ville de la région de Naples. «Vingt ans plus tôt, il y avait beaucoup plus de contacts avec eux. Les Nigérians faisaient la fête dans les bars du cœur historique et se mêlaient aux étudiants et aux locaux.» C'est comme ça qu'elle a rencontré nombre de ses amis étrangers. Et, sans cesse, elle observe le racisme dont ils sont victimes: «Mes amis noirs doivent toujours prouver qu'ils sont meilleurs.» Youssouf se souvient que «le centre était plein d'Africains avant, c'était le seul coin où on savait qu'on était libres».
Progressivement, des résident·es se sont mis·es «à faire circuler des pétitions pour chasser les étrangers des quartiers, se plaignant de violences» selon Abraham Kouadio, interprète à la préfecture. «Je ne rencontre plus de Français ou d'étudiants maintenant: j'y vais jamais, c'est réservé aux touristes», se résigne Youssouf.
Terre de passage
Arrivé à Naples pour faire des affaires, Youssouf pensait ne rester que deux à trois ans. «La marginalité de Naples a longtemps poussé à n'y voir qu'une terre de passage», écrit Camille Schmoll, dans sa thèse Dynamiques migratoires et circulations commerciales à Naples. Et non une ville d'intégration.
Il enchaîne les petits boulots, au noir. Avec cet argent, il parvient tout juste à survivre. Pendant ce temps, Rabby commence par attendre à la place centrale au petit matin pour des travaux de maçonnerie avec d'autres précaires, «alignés comme des prostituées», avant de vendre des CD contrefaits sur la Via Roma.
D'autres travaillent pour la Camorra, la mafia napolitaine. «Si tu veux être tranquille, tu choisis de l'intégrer. Mais il est plus simple d'y entrer que d'en sortir», confie Bouyagui Konate, un Malien de 21 ans. «Bien sûr qu'on m'a proposé de vendre de la drogue…»,ajoute Youssouf sans préciser s'il est passé à l'acte.
Illégalité chronique
Désormais, Youssouf exporte des pièces de voitures usagées dans son pays d'origine. Cela fait un mois que ses «papiers sont périmés», mais il «compte les faire renouveler».
Tous le disent, pour les étrangers en situation irrégulière, les contrôles de police sont rares. Ce que confirme Chris, un vendeur de beignets arrivé il y a cinq ans du Cameroun. «J'attends que la police passe puis je reviens. Mais ils savent que sans les beignets, je pourrais faire des choses illégales pour survivre. Sans papiers, la porte est ouverte à toute mauvaise option…»
Le gouvernement délivre de moins en moins de titres. 70.000 personnes risquent de basculer dans l'irrégularité d'ici à 2020 à la suite du décret Salvini, qui a supprimé la protection humanitaire –un statut propre à l'Italie– des réfugié·es, selon Matteo Villa, chercheur à l'Institut italien de Science Politique Internationale. Alors que 60% des dossiers sont habituellement rejetés, ce permis représentait un tiers des demandes d'asile. Cela va affecter les 107.500 requêtes en attente actuellement, ainsi que les peronnes en ayant bénéficié auparavant, dont le cas va être évalué.
Les immigré·es, ancien·nes ou récent·es, se retrouvent happé·es par la ville, dans une illégalité chronique de laquelle il est impossible de sortir, ce qui pose problème dans leurs recherches d'emploi. Les «patrons» refusent de produire des contrats de travail pour éviter les taxes. Et sans contrat, pas de papiers. «J'ai dû acheter un contrat 4.000 euros, puis payer moi-même les taxes que le patron était censé payer, s'indigne Youssouf. Cela m'est arrivé plusieurs fois! Vous imaginez?»
Même pour ceux qui parviennent à se régulariser, des obstacles à l'intégration continuent à se dresser sur leur route. Abraham Kouadio arrive en 2009 après avoir été exfiltré de Côte d'Ivoire du jour au lendemain. Il est instituteur et s'implique en politique. Pendant la guerre, trois de ses proches sont tués. «J'ai vu des atrocités, des gens ont été exécutés devant moi.»
Mais sa demande de protection internationale n'est pas acceptée immédiatement après son arrivée en Italie. Il faut parfois jusqu'à trois ans pour que les dossiers soient traités. Après son passage dans un camp d'hébergement, il refuse de taire la violence à laquelle il a assisté de la part de militaires à l'encontre de demandeurs d'asile, et témoigne au tribunal. Après cette affaire, la commission aurait «nié [sa] demande de protection». «L'avocat, raconte-t-il, m'a conseillé de quitter le camp et j'ai dû refaire une demande à Rome.» Il travaille aujourd'hui en tant qu'interprète au sein de la Commission de demandes d'asile.
Depuis Salvini, la légitimation des actes racistes
Abraham a lui aussi constaté l'augmentation en nombre et en intensité des actes racistes dans la ville, au sein de son travail, dans la vie quotidienne. Il s'est fait attaquer pour la première fois fin octobre 2018, dans le quartier populaire de Vasto, près de la gare. «J'avais déjà été agressé, et on m'avait tout pris. Là, on ne m'a rien volé. Preuve que ce n'est pas le but de l'agression.»
Au moment de l'attaque, Abraham discute avec un demandeur d'asile qu'il accompagne dans ses démarches administratives. «Tout à coup, des jeunes sont venus et m'ont insulté.» Une batte de baseball est sortie. Un troisième arrive sur une moto. «J'ai appelé la police, ils n'ont rien fait. Les agresseurs ont dit que j'avais provoqué.» Sur sa feuille de prise en charge des urgences, le médecin indique: «Trauma thoracique, trauma au genou. Cause: agression physique.» Dix jours de repos lui sont prescrits.
«Avant, le racisme existait mais on le gardait pour soi», confirme Antoniella Zarrilli, de l'association LESS, qui vient en aide aux demandeurs d'asile. Bouyagui Konate, jeune homme de 21 ans arrivé mineur à Naples a lui aussi vécu la recrudescence de la violence. Chef cuisinier, il est l'exemple d'une intégration réussie. Après avoir monté un restaurant nommé Kikana grâce à l'aide de LESS, il a été invité à l'émission «MasterChef Italia». Selon lui, «les choses ont changé depuis Salvini». «Il y a quatre ans, c'était plus facile de s'intégrer dans le pays.»
Le 21 juin 2018, alors qu'il rentre chez lui après le travail, une voiture passe. Il est 00h20, Corso Umberto. Elle ralentit, ses occupants baissent la fenêtre et tirent des plombs avec un fusil. En décrivant la scène, Bouyagui Konate soulève son t-shirt et effleure sa cicatrice du doigt. Les Italiens qui l'ont touché «ont beaucoup ri».
Le 3 août suivant, un vendeur ambulant sénégalais de 22 ans sera atteint par une balle tirée par deux jeunes Italiens à scooter. «Maintenant, je me retourne dans la rue quand j'entends une voiture, reprend Bouyagui. J'ai un peu peur.»
«Le plus choquant dans ces agressions, c'est que les Italiens autour ne réagissent pas», commente Antoniella Zarrilli. Au lendemain de cette agression, des manifestations de soutien aux immigré·es ont été organisées dans la ville par des associations et des partis politiques. «La semaine dernière, un Béninois s'est fait agresser. Il est resté quinze minutes à terre avant que quelqu'un ne se décide à réagir.»
D'un air las, Abraham confie: «Toutes ces attaques… si c'était en France, le quartier serait déjà en feu. Pour le moment, la communauté étrangère qui est en Italie résiste à la violence. Mais si ça continue comme ça… On va être obligé de commencer à se défendre.»
QUI SONT LES ENTRAÎNEURS LES MIEUX PAYÉS D'AFRIQUE ?
D'un sélectionneur à l'autre, les différences sont significatives... Ainsi, le Burundais Niyungeko gagne 240 fois moins que le Mexicain Aguirre en Égypte. Jeune Afrique a mené l'enquête
Jeune Afrique |
Alexis Billebault |
Publication 02/07/2019
On peut être le sélectionneur d’une des 24 équipes qualifiée pour la phase finale Coupe d’Afrique des nations (CAN) et être le moins bien payé du continent. Le Burundais Olivier Niyungeko, avec ses 450 euros mensuels (295 200 francs CFA), illustre ce paradoxe. Cela représente environ quinze fois le salaire moyen du Burundi, mais cela en dit long sur les différences qui existent entre les différents pays.
Les rémunérations sont, à quelques exceptions près, prises en charge directement par les États. Les gouvernements ne peuvent pas dépasser certaines limites, même si, comme cela s’est déjà vu, le salaire d’un entraîneur est partiellement pris en charge par un sponsor.
es chiffres que Jeune Afrique a pu se procurer montrent également que tous les étrangers ne touchent pas des salaires princiers. La plupart d’entre eux bénéficient malgré tout de rémunérations confortables, mais c’est également le cas de plusieurs sélectionneurs africains. Les salaires que nous divulguons ici nous ont, dans certains cas, été communiqués par les sélectionneurs eux-mêmes. Il faut ajouter à ces rémunérations les différentes primes et avantages en nature négociées par les intéressés : logement, voiture, téléphone, billets d’avion…
Javier Aguirre, le mieux payé
Avec un salaire mensuel de 108 000 euros (70 843 000 francs CFA), le Mexicain Javier Aguirre (Égypte) est le coach le mieux rémunéré en Afrique. Son prédécesseur, l’Argentin Hector Cuper, était encore mieux payé : 125 000 euros par mois.
Si l’on s’en tient aux seuls finalistes de la CAN égyptienne, Javier Aguirre devance le duo néerlandais Clarence Seedorf-Patrick Kluivert (Cameroun), rémunéré à hauteur de 96 000 euros par mois, suivi par le Français Hervé Renard (Maroc), qui touche mensuellement quelque 80 000 euros. C’est un autre étranger, l’Écossais Stuart Baxter, qui occupe la 3e marche du podium, avec des émoluments estimés à 62 300 euros.
Premier Africain de la liste : Belmadi
Le premier africain à apparaître sur cette liste est l’Algérien Djamel Belmadi qui, grâce à ce seul poste, voit son compte en banque s’épaissir tous les mois d’environ 55 000 euros.
Derrière ce top 5, l’Allemand Gernot Rohr (Nigeria) se situe dans la fourchette haute, avec 49 700 euros par mois.
Derrière, le Belge Paul Put, finaliste de la CAN 2013 avec le Burkina Faso, a signé un contrat avec la Guinée lui assurant un salaire mensuel de 30 000 euros. Le Congolais Florent Ibenge, sélectionneur des Léopards, le Français Alain Giresse en Tunisie et le Ghanéen James Kwesi Appiah émargent quant à eux à 25 000 euros, juste devant le Français Michel Dussuyer, dont le salaire a été revalorisé après la qualification du Bénin, et qui perçoit désormais 24 000 euros chaque mois.
Aliou Cissé, qui était il y a un an le coach le moins bien payé de ceux participant à la Coupe du monde en Russie, a vu son revenu mensuel passer de 16 600 euros à 23 000 euros, soit autant que Corentin Martins en Mauritanie.
Niyungeko, 450 euros par mois au Burundi
Sous la barre des 20 000 euros mensuels apparaissent les FrançaisSébastien Migné (Kenya) et Sébastien Desabre (Ouganda), avec environ 18 000 euros chacun par mois, comme l’Ivoirien Ibrahim Kamara.
Le Serbe Srdjan Vasiljevic, à la tête des Palancas Negras de l’Angola, perçoit quant à lui 15 000 euros par mois. Le Nigérian Emmanuel Amunike, sélectionneur de la Tanzanie, touche 9 000 euros par mois, autant que Baciro Candé (Guinée-Bissau) et Sunday Chidzambwa (Zimbabwe) – soit un peu plus que le Français Nicolas Dupuis à Madagascar (7 000 euros).
En queue de classement, on retrouve les techniciens à la tête de petites fédérations sans gros moyens. C’est le cas de Ricardo Manetti en Namibie, qui culmine à environ 5 000 euros par mois. Quant au Burundais Olivier Niyungeko, son salaire mensuel est de 450 euros, qu’il peut améliorer grâce aux primes de match. Le coach des Hirondelles a fait une proposition pour que ses émoluments soient revus à la hausse : 5 000 euros pour lui, et 3 000 euros pour ses deux adjoints. Soit, au total, ce que percevait son prédécesseur, l’Algérien Ahcène Aït-Abdelmalek.
Quant au Malien Mohamed Magassouba, sa situation est particulière. Il bénéficie de son salaire de Directeur technique national (DTN), estimé à environ 1 500 euros par mois, amélioré par les primes de match et de qualification. Mais il doit signer très prochainement un contrat de sélectionneur, qui comprendrait un salaire revu à la hausse.
Et ailleurs en Afrique ?
Claude Le Roy, qui n’a pas réussi à qualifier le Togo, émarge à 38 000 euros par mois. Fraîchement nommé au Gabon, Patrice Neveu touchera autant que Daniel Cousin, son prédécesseur, soit environ 30 000 euros par mois.
Le Portugais Paulo Duarte (Burkina Faso) et le Brésilien Valdo(Congo) gagnent 25 000 euros par mois, un peu plus que l’Espagnol Angel Lopez Ruano en Guinée équatoriale (20 000 euros).
De son côté, le Portugais Abel Xavier atteint 13 500 euros au Mozambique. Plusieurs sélectionneurs gagnent environ 10 000 euros par mois : le Suisse Raoul Savoy (Centrafrique), le Rwandais Vincent Mashami, le Belge Tom Saintfiet en Gambie, le Portugais Rui Aguas au Cap-Vert et le Libyen Fawzi Al-Issawi.
Le Croate Zdravko Logarusic est payé à hauteur de 6 300 euros par mois au Soudan. Mais beaucoup gagnent moins de 5 000 euros par mois.
En dessous de 5000 euros par mois
C’est le cas du Serbe Kosta Papic à l’eSwatini (4 500 euros), d’Abraham Mebratu en Éthiopie, d’Amir Abdou aux Comores et de John Keister en Sierra Leone avec 4 000 euros.
Avec 3 500 euros par mois, on retrouve le Français Julien Mette(Djibouti), le Ghanéen Bashir Hayford (Somalie) et Mogomotsi Mpote (Botswana).
Adam Siddorn (Lesotho), Make Mwase (Malawi), Thoma Kojo(Liberia), et le Camerounais Gustave Clément Nyoumba à São Tomé-et-Príncipe émargent quant à eux entre 2 500 euros par mois et 3 000 euros. Aux Seychelles, Gavin Jeanne touche autant qu’Akbar Patel à Île Maurice, soit 2 000 euros, alors que Ramsey Sebit(Soudan du Sud), et Alemseged Efrem (Érythrée), sont payés environ 1 000 euros par mois.
Au Niger, l’Ivoirien François Zahoui n’a pas de contrat, alors qu’il dirige Le Mena depuis 2015, et il est donc difficile d’établir son niveau de rémunération moyen. Il perçoit une rétribution à chaque rassemblement de son équipe.
En Zambie, la fédération a confié l’intérim à Beston Chambeshi,l’entraîneur de Nkana FC (Division 1) pour les matchs amicaux de juin, pour quelques milliers d’euros. Enfin, deux sélections n’ont pas de sélectionneur pour le moment. Il s’agit du Tchad, où l’enveloppe est réduite (environ 6 000 euros par mois pour le futur coach des Sao, soit 3 936 millions de francs CFA). Avant son limogeage fin mars, Daniel Cousin encaissait 30 000 euros/mois (18 679 000 francs CFA) au Gabon.
LE CAS MESSI
Depuis le début de la Copa América, Messi n’est pas utile à l’Argentine pour presser l’adversaire quand il faut récupérer le ballon, et l’Argentine n’est pas en condition de faire fructifier le talent du meilleur joueur du monde
So Foot |
FLORIAN LEFÈVRE |
Publication 02/07/2019
À l'heure d'affronter le Brésil chez lui, les Argentins ne rêvent que d'une chose et ils le répètent dans la chanson qui résonnait déjà lors de la Coupe du monde au Brésil en 2014 : « À Messi lo vas a ver... la Copa nos va a traer... » ( « Tu vas voir Messi... La Coupe est pour nous. » ) La réalité de cette Copa América 2019, c'est que Lionel Messi ne s'épanouit pas avec la sélection d'Argentine. Et inversement.
Mine de rien, l’Argentine est la seule équipe qui a marqué des buts (sans que la VAR ne les annule) lors des quarts de finale de la Copa América. La seule équipe qui, en battant 2-0 un Venezuela inoffensif, s’est hissée dans le dernier carré au terme du temps réglementaire, quand le Brésil - son prochain adversaire -, le Chili et le Pérou ont dû remporter une séance de tirs au but après un 0-0. Mais, dans le contenu de ses prestations, l'Argentine déçoit. « Nous sommes devenus une équipe moyenne, on peut gagner ou perdre contre n'importe qui. Avec Messi, nous avions un avantage, alors imaginez-vous après lui... » , s’inquiétait Coco Basile, l’ancien sélectionneur de l'Argentine, dans le dernier SO FOOT. C’est là tout le problème de l’Albiceleste : Messi est là, mais on ne le voit pas sur le terrain.
Le passeport et la boussole
En quart de finale, face à la Vinotinto, Messi a dû redescendre à hauteur du rond central pour toucher son premier ballon dans le jeu. C’était dos au but, juste histoire de rendre le cuir à Leandro Paredes (8e). Il a fallu attendre une passe en retrait de Lautaro Martínez juste après l’ouverture du score - dont Messi est à l'origine en tirant le corner - pour le voir tenter une première frappe (12e). Hors coups de pied arrêtés, c'était le désert jusqu’à une combinaison avec Di María, quand le match était déjà plié (88e). En somme, on a rarement vu le quintuple Ballon d’or aussi effacé. « Il a le passeport et le maillot argentin, mais on dirait un étranger tellement il est déboussolé sur le terrain » , résume Omar da Fonseca, avec de la tristesse dans la voix depuis l’aéroport au Brésil, lui qui commente la Copa América sur place pour beIN Sports.
Le 22 mars 2019 marquait la fin de la coupure de Messi avec la sélection. Presque neuf mois après l’élimination en huitièmes de finale de la Coupe du monde en Russie, il fait son retour en sélection. Ce soir-là, au Wanda Metropolitano de Madrid, l’Argentine s’incline 3-1 contre le Venezuela justement. Messi est l’une des seules satisfactions de son équipe. « Toutes les occasions que nous avons engendrées sont grâce à lui » , reconnaît alors le sélectionneur Lionel Scaloni. Il déclare surtout : « Ce sont les autres qui doivent faire un pas en avant vers Messi, pas l’inverse. » Reste que trois mois plus tard, la Pulga ne s’épanouit toujours pas avec l'Argentine. « Le schéma de jeu de la sélection ne lui convient pas, analyse Omar da Fonseca. En sélection, les milieux et les latéraux sont derrière lui quand il touche le ballon. Ce n’est pas le cas quand il mène le jeu à Barcelone. »
Les mots du Pélican
Le jeune entraîneur retraité Louis van Gaal voit les choses autrement. Dans une interview pour le quotidien espagnol El País parue la semaine dernière, le Pélican disait : « J'aime Neymar et Messi en tant que joueurs individuels, pas en tant que joueurs d'équipe. (...) Guardiola a fait jouer Messi pour le bien de l’équipe [le Barça], mais les récents entraîneurs se sont trop adaptés à Messi au lieu de protéger l'esprit d’équipe. » Serait-ce le cœur du problème de l'Argentine ? Depuis le début de la Copa América, Messi n’est pas utile à l’Argentine pour presser l’adversaire quand il faut récupérer le ballon, et l’Argentine n’est pas en condition de faire fructifier le talent du meilleur joueur du monde. Aujourd’hui, le constat est déchirant, mais avoir Messi n’est plus un avantage pour l'Argentine.
DANS LE VILLAGE DE SADIO MANÉ
Avec près de 2 000 habitants, Bambali n’est pas encore une station touristique mais affiche déjà le visage de Sadio Mané partout, sous-titré « La fierté de toute une nation »
L’attaquant de Liverpool et des Lions de la Teranga s’est illustré lundi soir avec un doublé qui a permis à son équipe d’accéder aux huitièmes de finale.
Piste en latérite bordée de manguiers, poules et moutons dans les cours, maisons aux toits de tôle ou de chaume. Bambali ressemble a priori aux autres villages sénégalais avec ses grappes d’enfants pieds nus dans la poussière. Pourtant, à y regarder de plus près, il y a aussi ce lycée flambant neuf, cette grande bâtisse à colonnes et moulures, et surtout tous ces maillots au numéro 10 écarlate de Liverpool… Bienvenue sur les terres de Sadio Mané.
Aujourd’hui, en pleine Coupe d’Afrique des nations, la star de l’équipe nationale est pressentie pour le Ballon d’or. Ce serait le deuxième Africain à l’obtenir après George Weah.« Tout ce qu’il sait aujourd’hui, il l’a appris ici, à Bambali », lance Ibrahim Touré, l’oncle de l’international sénégalais, en sirotant son thé devant l’imposant manoir offert aux quarante-cinq membres de la famille Mané. Le vainqueur cette année de la Ligue des champions avec Liverpool et meilleur buteur de la Première ligue ex aequo avec vingt-deux buts « a développé son talent sur ce terrain derrière la maison », rappelle M. Touré, pointant vers une étendue de terre où dribblent quelques enfants perdus dans leurs maillots trop grands.
Ibrahim a dû très tôt s’occuper de Sadio, dont le père, imam du village, est décédé précocement. Ses plus jeunes années, le footballeur les a passées entre l’école coranique et les champs de mil ou d’arachide. « Un jour qu’il refusait de se lever pour la récolte, je lui ai crié dessus », se souvient Ibrahim. « Il m’a dit : “Toi, mon oncle, tu me fatigues. Je vais devenir un footballeur international et je ferai en sorte que vous ne travaillez plus aux champs.” Je lui ai dit merde ! Comment tu veux réussir ? Je ne suis pas un richard, je n’ai pas d’argent pour t’envoyer en formation. Je ne croyais pas en son rêve… », confie l’oncle, aujourd’hui rattrapé par la réalité.
Sur les fugues du jeune Mané, parti dès 15 ans vivre sa passion, la famille ne s’attarde pas. Il y a un peu prescription. Mais à l’ombre de sa villa rénovée par le neveu prodigue, la tante conteste. « Certaines personnes disent qu’on l’a empêché de jouer au foot, mais ce n’est pas vrai », rétorque Tiana Cissé. Evidemment, elle aurait aimé le voir entrer en religion mais, sous le portrait du patriarche, l’imam Fodé Mama Mané dans la grande mosquée de Bambali, qu’un financement de Mané a permis d’achever, elle estime que « c’est très certainement Dieu qui l’a envoyé jusqu’en Europe ». Pour elle, Sadio « a toujours été un enfant gentil, timide qui respecte sa famille ». A peine se souvient-elle avoir dû le gronder lorsqu’il roulait ses chaussettes en boule pour jongler sur le chemin de la boutique, tardant à lui rapporter les courses.
« Son regret d’avoir arrêté l’école en 3e »
A Bambali, la famille Mané n’est pas la seule à bénéficier du succès du prodige casamançais. Depuis son 4 x 4 rutilant, Modou Ndiaye, le maire, raconte aussi les grands projets qu’il nourrit pour le lieu, un œil sur les ouvriers de la compagnie nationale d’électricité qui dressent des poteaux de raccordement pour le lycée que Sadio Mané a fait construire en 2015. « Dans dix ans, je veux que Bambali soit connu partout !, lance-t-il. Nous avons des arbres fromagers centenaires et le fleuve Casamance. Nous cherchons des investisseurs pour construire des hôtels. »
Avec près de 2 000 habitants, Bambali n’est pas encore une station touristique mais affiche déjà le visage de Sadio Mané partout, sous-titré « La fierté de toute une nation ». Le footballeur a déjà posé la première pierre d’un stade et d’un hôpital qui servira les villages environnants. « J’espère qu’il nous aidera aussi pour bituminer la route », glisse le maire qui se décrit comme « le premier nanti ».
Dans la cour de l’établissement scolaire, les filles bavardent pendant que les garçons rejoignent les terrains de foot. De quoi agacer Omar Abdou Mendy, l’ancien professeur d’espagnol de Sadio Mané, qui regrette que « trop d’élèves ont du retard car ils veulent faire comme lui », certains préférant les terrains aux cours. Plus Sadio Mané gagne en prestige international, plus le phénomène s’amplifie. « L’année passée, il a pourtant précisé à tous les élèves l’importance d’étudier et dit son regret d’avoir arrêté l’école en 3e, soutient M. Mendy. En plus du talent, Sadio a eu de la chance. Tous n’en auront pas, mais ils veulent quand même tenter. » A Bambali comme ailleurs, c’est « Barça ou Barzakh »(« Barcelone ou la mort »). Le rêve de réussite prime sur tout.
Moussa Ndione a conscience du destin hors normes de Mané. Professeur d’EPS, il est aussi depuis 2018 l’entraîneur du FC Mansacounda de Bambali, le premier club dans lequel l’international a évolué. « Mané est l’exception, mais il faut d’abord parler de la règle. Sur cent footballeurs de sa génération, il est le seul qui a réussi. Mon but ici, c’est que 90 % réussissent. Et le secret du sport, ce sont les infrastructures. On ne peut pas prospérer sans, martèle-t-il. Ici, le travail est difficile. On a un terrain accidenté traversé par les enfants, les vaches et réquisitionné pendant les périodes de circoncision. » La région est productrice de talents. « S’il y avait plus de moyens, on verrait d’autres Sadio Mané, Krépin Diatta ou Jules Bocandé », jure-t-il.
Pour l’oncle de Mané, ce qui a forgé son ambition, c’est justement cette rusticité. « Nous sommes des campagnards. C’est de là qu’il tient sa force de caractère, appuie Ibrahim Touré. Il a dû souffrir pour en arriver là. Quand il revient, une fois par année, il me sert le thé en guise de respect. C’est son humilité et sa générosité dans le collectif qui font qu’il est le plus grand joueur du monde devant Messi et Ronaldo. »
« 2019 sera l’année Sadio Mané, clame son cousin Babacar Cissé, au sortir du premier match de la CAN où les Lions de la Teranga ont battu Madagascar 2-0, malgré l’absence de leur attaquant star resté sur le banc à cause d’un carton. Je pense que le Sénégal a la meilleure équipe d’Afrique, mais il faut que les joueurs s’entendent entre eux. Si Sadio Mané réussit à les guider, nous gagnerons cette compétition. » Comme tous les jeunes du village, il espère avoir l’occasion de féliciter en personne « l’enfant de Bambali » et, pourquoi pas, caresser la coupe de la CAN après celle de la Ligue des champions, comme on caresserait un rêve matérialisé.
VIDEO
LE GHANA BAT LA GUINÉE-BISSAU
Grâce à un bon début de seconde période, et des buts de Jordan Ayew et Thomas Partey, le Ghana est venu à bout de la Guinée-Bissau (2-0). Avec le nul du Cameroun, les Black Stars s'emparent de la tête du groupe F
France Football |
Alexandre Aflalo |
Publication 02/07/2019
Tout s'est joué à un but. Un petit but, qui a permis au Ghana, victorieux 2-0 de la Guinée-Bissau, de souffler la première place du groupe F au Cameroun, qui l'occupait avant le coup d'envoi. Alors que les Lions Indomptables ont été tenus en échec par le Bénin (0-0), les deux équipes se sont retrouvées avec le même nombre de points (5, chacun une victoire et deux nuls), la même différence de buts (+2), et la même différence de buts particulière (0-0 lors de leur confrontation). Il a donc fallu invoquer le septième critère dans la hiérarchie pour départager les deux équipes, à savoir le nombre de buts inscrits : 4 pour le Ghana, 2 pour le Cameroun. L'opération parfaite pour les Black Stars.
Le Ghana a eu chaud
Ce n'était pourtant pas forcément bien parti pour la fratrie Ayew et ses coéquipiers. Les Lycaons bissaoguinéens, derniers du groupe F avec 1 point avec le coup d'envoi, pouvaient encore espérer se qualifier en cas de victoire et poussaient fort dans les premières minutes pour ouvrir la marque. 17e minute, Piqueti envoyait une mine qu'Ofori déviait de justesse sur sa barre. Les Bissaoguinéens auraient même pu espérer obtenir deux penalties, le premier sur une faute non sifflée dans la surface en tout début de match et le second sur une main d'André Ayew à la réception d'un corner.
Mais le Ghana s'en tirait bien, et allait petit à petit prendre le contrôle de ce match. Après trente minutes apathiques, les Black Stars mettaient enfin la pression sur le but adverse. Au retour des vestiaires, les Ghanéens démarraient pied au plancher : trente secondes après le coup d'envoi, Baba lançait parfaitement Jordan Ayew côté gauche, lequel éliminait Soares et ajustait Jonas Mendes d'une superbe frappe en finesse lucarne opposée (1-0, 46e). Les Bissaoguinéens, malheureux, touchaient deux fois les montants en l'espace de dix minutes (52e, 65e) et butaient sur Ofori, décisif sur un coup franc puissant botté par Cande (64e), avant de finalement encaisser un deuxième but. Baba, encore lui, était parfaitement trouvé par André Ayew côté gauche et servait Thomas Partey devant le but (2-0, 72e). Le but de la première place pour le Ghana.