Quand elle s’assoit en bout de table, visage fermé, on mesure vite que N’Goné Fall n’aime pas trop qu’on lui vole ce temps précieux après lequel elle court depuis juillet 2018. « Dans un an, la Saison Africa 2020 sera lancée. J’y travaille depuis un an. Nous sommes exactement à mi-parcours », campe-t-elle de sa voix grave et puissante.
De la Saison Africa 2020, on ne saura donc pas tout, car le chantier en est aux fondations. Mais l’architecte sénégalaise en charge de ce projet hors normes, qui se déclinera partout en France (Guadeloupe, Guyane et Réunion compris), entre juin et décembre 2020, se félicite déjà des 450 « marques d’intérêt » reçues. Autant de musées, de centres d’art, de centres chorégraphiques ou de villes qui ont fait savoir à la commissaire de la Saison Africa 2020 qu’ils souhaitaient organiser un événement qui fasse dialoguer la France et le continent africain. Juste ce qu’elle cherchait. Même s’il ne va pas de soi de faire travailler ensemble un pays d’un côté, et cinquante-quatre de l’autre.
Peu connue du grand public, N’Goné Fall est une figure du monde de l’art. Cette Sénégalaise de 52 ans est commissaire d’expositions indépendante, consultante dans l’ingénierie culturelle. Diplômée de l’Ecole spéciale d’architecture de Paris, elle a assuré la direction éditoriale de Revue noire, un magazine d’art contemporain, entre 1994 et 2001, a écrit beaucoup et enseigne à l’université Senghor d’Alexandrie, en Egypte.
Appréhender les Afriques
Cette conversation entre un pays et un continent est le défit de la Saison Africa 2020. Elle veut aller au-delà des traditionnelles saisons croisées qui, depuis 1985, mettent en valeur un pays. Africa 2020 se glisse, certes, dans le cadre des saisons classiques. Comme elles, elle ambitionne de tisser des liens durables, favoriser des coproductions, développer les échanges et renforcer la coopération. Mais la Saison Africa 2020 explose aussi ce carcan, car la vieille France et ses 67 millions d’habitants auront face à elle le 1,2 milliard d’habitants du continent le plus jeune de la planète. C’est toute l’originalité du projet, mais c’est aussi l’écueil qui le guette s’il ne permet pas d’appréhender les Afriques du continent.
Pour comprendre la genèse de l’opération, il faut se replonger dans le discours de Ouagadougou qu’Emmanuel Macron avait prononcé le 28 novembre 2017 au Burkina Faso. C’est là qu’il a pour la première fois avancé l’idée de la Saison (au départ seulement artistique), présentée comme un maillon indispensable d’une nouvelle relation avec le continent.
Il estimait que nos relations sont fondées sur des a priori, des clichés, et qu’il fallait commencer par déconstruire. D’où l’idée de ce moment destiné à mieux se connaître. « Tout sera montré en France, avec un effet miroir sur le continent. Le principe de co-construction de toute la programmation est essentiel et des professionnels africains issus de tout le continent vont travailler avec des institutions françaises », rappelle N’Goné Fall, qui voit ces six mois de remue-méninges comme le début de cette nouvelle relation.
D’ailleurs, elle se réjouit déjà de compter « en décembre 2020 le nombre de petites graines plantées », les relations pérennes qui se seront établies entre les deux continents. Et, en attendant, se fait fort de mettre en lien chaque institution française qui veut participer avec un artiste, une école ou un musée dans un des cinquante-quatre pays africains.
Cinq thèmes principaux
La toute première réunion du comité de programmation aura lieu début juillet. « Nous allons présélectionner des projets d’envergure. Surtout dans les domaines du spectacle vivant et de l’art contemporain qui ont besoin de temps de production plus long. La littérature, le sport, l’innovation et le cinéma viendront ensuite. Et je pense qu’en décembre on aura tout bouclé », rappelle l’architecte.
Pour que ce grand événement évite de partir dans tous les sens, l’intellectuelle a d’abord commencé par une retraite à Saint-Louis du Sénégal, son fief, avec quatre personnes de confiance. « Ma question était : quels messages, nous Africains, voulons-nous adresser à la France et au reste du monde ? De quelles questions, qui nous tiennent à cœur, voulons-nous discuter ? Car il s’agit bien pendant six mois de productions intellectuelles et artistiques. On n’est pas là, nous les Africains, pour vous divertir, mais pour réfléchir ensemble », rappelle-t-elle.
Et d’enchaîner : « Ça m’agace qu’on assimile la Saison Africa 2020 à une saison culturelle. C’est bien plus que ça ! On n’est pas dans de l’événementiel ! Pour changer le regard, il faut que la France montre qu’elle n’est plus dans la Françafrique, qu’elle prouve qu’elle a changé de logiciel. De leur côté, les Africains doivent être capables de montrer le potentiel de leur continent et qu’eux aussi se défassent des clichés et de leur amertume », explique-t-elle.
Et si c’est un pari fou, c’est justement ce qui lui plaît. « Parce que l’Elysée m’a parlé géopolitique et que j’aime la géopolitique. Changer l’image que la France a de l’Afrique et que l’Afrique a de la France… Sacré défi », médite-t-elle, s’égarant juste un instant dans ses pensées.
Et justement, pour que tout cela tienne intellectuellement, de sa retraite à Saint-Louis ont émergé cinq thèmes qui constituent la colonne vertébrale du projet. Des titres qu’elle a voulus très poétiques « pour éviter de tomber dans la pensée unique », dit-elle. Le premier axe sera donc « l’oralité augmentée ». Il porte sur la transmission des connaissances aujourd’hui. A ceux qui se demande comment on met en scène un tel thème, N’Goné Fall explique à titre d’exemple que « le Centre des monuments nationaux a proposé l’organisation d’un campus des mots qui prendra le français comme point de départ pour aborder les langues, les questions liées à l’illettrisme et à la traduction ».
« Donner la parole à ceux qui font bouger les lignes »
Le deuxième thème, intitulé « l’économie et la fabulation », portera sur la redistribution des 6 % de croissance de l’Afrique… « A qui profitent-ils ? », demande-t-elle, avant de citer le travail d’une plasticienne qui a lancé un projet de recherche sur les concessions minières pour essayer de comprendre à qui appartient l’Afrique. Le troisième thème sera centré sur « l’archivage des histoires imaginaires », le quatrième intitulé « fiction et mouvements (non) autorisés », une façon politiquement correcte d’ouvrir le dossier des déplacements et des migrations et de rappeler que « les Africains bougent, certes, mais bougent d’abord sur leur continent ». Une façon aussi de souligner que les plus grands camps de réfugiés sont en Afrique, « et que l’Europe doit se calmer un peu sur ce point », ajoute N’Goné Fall. Quant au cinquième thème, plus politique encore, il portera sur les « systèmes de désobéissance », pour éclairer comment bougent les sociétés.
Pour les temps forts, c’est déjà tout vu. « Le mois de juin sera un temps d’ouverture, avec la Philharmonie d’abord dès le 1er juin. Ensuite, le 6 juin, une dizaine de festivals organiseront des plateaux de musiques actuelles, en même temps sur tout le territoire », précise-t-elle. Septembre sera un moment de débats et décembre refermera la Saison avec des focus sur les entrepreneurs, les start-up et un forum sur l’innovation. Une demi-année largement pensée pour la jeunesse qui est le cœur de cible.
« Il faut donner la parole aux innovations, à ceux qui font bouger les lignes sur le continent et ailleurs. Ce sont les leaders de demain. Alors arrêtons de leur donner des leçons et écoutons-les, dialoguons. En tout cas, ce sont eux qui m’inspirent le plus. Ils sont en résonance, en dialogue permanent avec le monde », explique N’Goné Fall. C’est pour eux déjà qu’elle avait participé à la création à Dakar du collectif GawLab, une plate-forme de promotion de l’art numérique, qui tourne notamment grâce au soutien financier d’une grande entreprise.
L’argent étant là encore le nerf de la guerre, c’est le financement, bouclé en décembre prochain, qui fixera l’ampleur de la manifestation. Les entreprises françaises sont réunies au sein d’un comité des mécènes dirigé par Stéphane Richard, PDG d’Orange, et les africaines dans un autre dirigé par l’homme d’affaires nigérian Aliko Dangote. L’argent privé est le bienvenu, même si la Saison Africa 2020 bénéficiera de financements de villes, de régions et de fonds étatiques puisque le budget de l’Institut français a été prévu à la hausse pour accueillir ce projet hors normes. A l’heure où tout est encore en construction, une seule chose est sûre : l’opération doit être réussie, car elle est éminemment politique.
ALIOU SALL INVITE A DEMISSIONNER DE LA CDC
Jacques Abib Sy est formel ! Aliou Sall ne devrait plus continuer à présider aux destinées de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Interpellé par non confrères de la Rfm et repris par le site Pressafrik, sur l’enquête réalisé par la Bbc, le spécialiste en politique publique, a souligné qu’Aliou Sall doit démissionner de son poste de Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, le temps d’élucider les accusations contenues dans l’enquête de la BBC.
«Nous sommes dans une sorte de nébuleuse. Le problème, c’est qu’on ne devrait pas arriver à ce niveau de conflit d’intérêts. Un président de la République n’a pas à nommer son propre frère à des postes aussi importants», a dénoncé Jacques Abib Sy avant d’appeler le maire de Guediawaye à rendre le tablier de son poste de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Loin de s’en tenir là, le spécialiste en politique publique a également invité le chef de l’Etat, qui selon lui, «a commis l’erreur de nommer son frère» a publié tous les contrats et autres pièces relatives à ces transactions. «Il faudrait qu’il (président Sall) apporte des éclaircissements. Il faut simplement sortir tous ces contrats-là et les rendre publics. C’est ça qu’il faudrait faire pour éviter toute controverse.
Pour planifier le débat, il faudrait que toutes les pièces relatives aux transactions concernant la vente, etc., soient publiées. Les contrats qui ont été publiés sur le site de l’Etat, ne sont pas très clairs. Ils ne comportent pas des clauses de confidentialité. Cela est un très grand problème».
LA RÉACTION DU GOUVERNEMENT AU DOCUMENTAIRE DE LA BBC EN EXERGUE
Dakar, 6 juin (APS) - Les quotidiens parvenus jeudi à l’APS traitent en priorité de la réaction du gouvernement à la sortie du documentaire de la BBC relayant des accusations de corruption en lien avec l’attribution de contrats pétroliers et gaziers au Sénégal, au lendemain de la célébration de la fin du jeûne musulman, sujet qui n’intéresse que très peu les journaux.
"Le gouvernement contre-attaque", à travers son porte-parole qui a rendu public mercredi "un mémorandum qui démonte les accusations fallacieuses" de la chaîne publique britannique, rapporte le quotidien Le Soleil.
"Les autorités sénégalaises sont surprises du reportage de la BBC en date du 3 juin intitulé : +Sénégal : scandale à 10 milliards de dollars+. Dans une déclaration à la presse, le porte-parole du gouvernement a dénoncé un +parti pris et une intention manifeste de nuire+", écrit le journal.
Le documentaire affirme démontrer comment la société de Frank Timis s’était vue retirée puis réattribuée son autorisation après l’accession au pouvoir du président actuel Macky Sall.
Ces concessions revendues par Frank Timis à la société britannique BP permettraient à Timis de gagner plus de 10 milliards de dollars par an.
Le film de la BBC cite un paiement d’un montant de 250.000 dollars soit 146 millions de francs CFA destiné à la société Agritans Sarl qui aurait appartenu à Aliou Sall, présenté comme un facilitateur de Frank Timis de Timis Corporation pour l’attribution de contrats d’exploitation.
Cette somme représenterait selon un courriel des taxes de la société offshore de Timis dues à l’origine à l’Etat sénégalais.
Des paiements sont également cités, qui auraient été accordés à Aliou Sall par Pétrotim pour des services de consultance.
Vox Populi, citant le gouvernement, indique : "C’est un tissu de contrevérités destinées volontairement à manipuler l’opinion". Le journal ajoute que le président Macky Sall "dénonce une volonté de +soulever la colère des populations
La porte-parole du gouvernement, "accusant BBC d’avoir produit un +reportage, manifestement tendancieux, ponctué de graves et fausses allégations sur la gouvernance des ressources pétrolières du Sénégal+, a indiqué que le contrat signé entre l’Etat du Sénégal et Frank Timis sur les blocs appelés Saint-Louis offshore profond et Cayon offshore profond, a été conduit conformément au Code pétrolier", relève de son côté Sud Quotidien.
"Grosse frayeur à bord", estime plutôt Walfquotidien via sa manchette, le journal ajoutant que le gouvernement "explique sans convaincre", alors qu’il était attendu pour des explications "sur la somme de 25 mille dollars mensuelle durant 5 ans qu’aurait reçu le frère du président dans la transaction entre Timis Corporation et BP".
"Sans arguments convaincants, Aliou Sall d’abord, Macky Sall ensuite, enfin le gouvernement, le système éprouve un grand mal à éteindre le feu allumé par la BBC", qui accuse "le frère du chef de l’Etat d’avoir nagé dans la marée noire du pétrole sénégalais avec la complicité de Frank Timis", écrit Walfquotidien.
"Ces nombreuses sorties n’ont fait que relancer l’affaire. Et les menaces de plainte feront durer le plaisir", indique le même journal. L’Observateur souligne que le gouvernement "lance l’opération +Sauver le soldat Aliou !+".
L’opération déminage est lancée’’, avec notamment le ministre de la Justice Malick Sall et la porte-parole du gouvernement Ndèye Tické Ndiaye Diop, qui "ont ouvert la +voix+ de l’absolution pour le frangin du chef de l’Etat. Tous ont tenté de disculper le directeur de la Caisse des dépôts et consignation (CDC)", ajoute L’Observateur.
"Une levée de boucliers qui semble présager du futur de cette affaire à 6.000 milliards CFA, qui défraie la chronique depuis la publication de l’enquête par la BBC", la chaîne publique anglaise, poursuit le journal.
Ce sujet relègue au second plan la célébration de la Koriste, commémorant la fin du jeûne musulman, une fête très peu évoquée dans la livraison du jour de la presse quotidienne.
"Les imams prêchent le retour à Dieu", à l’occasion de la Korité, note toutefois Le Soleil. "La colère des imams et khalifes", dont les sermons ont essentiellement porté sur la récurrence des accidents, les violences et la perte des valeurs, rapporte Sud Quotidien.
UNE VINGTAINE DE « LIONS » AU CAMP DE SALY
L’équipe nationale a démarré ce mardi sa préparation pour la Coupe d’Afrique des nations qui se déroule du 21 juin au 19 juillet 2019 en Egypte.
Une vingtaine de joueurs ont répondu présents au premier jour de stage d’entrainement. Après l’entraînement effectué dans la matinée d’hier, mercredi 5 juin, jour de la Korité, l’équipe nationale de football a bénéficié d’un quartier libre avant de reprendre ce jeudi à l’académie Diambars, sa préparation.
Un groupe de 21 sur les 25 Lions présélectionnés ont foulé ce mardi, 4 juin, le camp d’entrainement de l’académie Diambars pour le début de la préparation en direction de la Can 2019 en Egypte. En attendant Sadio Mané, Alfred Ndiaye et du capitaine Cheikhou Kouyaté, le milieu de terrain d’Everton, Idrissa Gana Guèye a rejoint le premier groupe pour le stage qui va se poursuivre jusqu’au 7 juin prochain.
Fraîchement couronné du trophée de la Ligue des champions, l’attaquant de Liverpool ainsi que Alfred Ndiaye, le milieu de Malaga vont rejoindre le groupe en Espagne qui va abriter la deuxième étape de la préparation du Sénégal. Les Lions resterons à Saly jusqu’au vendredi 7 juin et viendront le même à Dakar pour la cérémonie de remise du drapeau national au Palais Présidentiel. Ils prendront dans la foulée la direction de l’Espagne. L’équipe du Sénégal est attendue le 15 juin en Egypte. Les Lions joueront deux matchs amicaux notamment un contre le Nigeria le 16 juin à Ismaïlia en Egypte. Logé dans la poule C, l’équipe du Sénégal fera son entrée dans cette compétition le 23 juin contre la Tanzanie avant de croiser les équipes du Kenya et de l’Algérie.
La mère de la jeune fille est ivoirienne mais son père est sénégalais - Il n’en fallait pas plus pour exciter certains esprits prêts à remettre en cause la légitimité de sa victoire
Le Monde |
Cyril Bensimon |
Publication 05/06/2019
La gagnante Tara Gueye, dont le père est sénégalais, a été attaquée sur ses origines. Un signe des divisions qui persistent et inquiètent à l’approche de la présidentielle de 2020.
Tara Gueye est une ravissante jeune femme. Samedi 1er juin, la demoiselle de 22 ans, qui portait déjà pour couronne celle de Miss Yamoussoukro, s’est vue sacrée Miss Côte d’Ivoire 2019. Le jury, le public de l’hôtel Ivoire comme les électeurs n’ont rien trouvé à redire à sa plastique parfaite ou à sa moralité, comme il est coutume de le faire dans ce genre de concours de beauté. Le seul accroc de la soirée, croyait-on : Suy Fatem, la Miss 2018, s’est éclipsée au cours de la cérémonie et n’a pas pu remettre son écharpe à la nouvelle élue dont le quotidien était jusque-là consacré à des études d’économie au Maroc.
Bref, tout semblait coller à la promesse des organisateurs qui, sur leur site Internet, assurent à l’endroit de toutes celles qui rêvent de devenir reine de beauté et plus prosaïquement d’empocher 10 millions de francs CFA (15 000 euros) : « Tu apprendras beaucoup de valeurs, de principes et tu t’y feras beaucoup de nouvelles amies ! Si tu gagnes, alors là, c’est le conte de fée : voyages, découverte du monde et bien d’autres merveilles. Tente ta chance, tu n’as rien à perdre ! »
Jusqu’à ce qu’une vilaine polémique apparaisse sur les réseaux sociaux. En question : la nationalité de Tara Gueye, ou plutôt ses origines. La mère de la jeune fille est ivoirienne mais son père est sénégalais. Il n’en fallait pas plus pour exciter certains esprits prêts à remettre en cause la légitimité de sa victoire. Si l’immense majorité des commentaires ont salué le sacre de Tara « née dans une marmite de beauté », d’autres internautes se sont évertués à dénoncer la victoire d’« une étrangère », interrogeant faussement si « une Ivoirienne peut désormais concourir à l’élection de Miss Côte Sénégal ? »
Des rancœurs non dissipées
La polémique pourrait paraître anodine si elle ne ramenait pas sur le devant de la scène un débat qui a largement contribué à mener le pays vers la guerre (2002-2011). Qui est ivoirien et qui ne l’est pas ? Cette question dans une nation largement construite par une immigration venue des voisins du Sahel s’est avérée particulièrement nocive, servant notamment à marginaliser les populations du nord du pays, culturellement proches de celles du Burkina Faso, du Mali ou de la Guinée.
L’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara en 2011, la victime la plus emblématique de cette exclusion, aurait pu mettre un terme à ces disputes identitaires. Mais les rancœurs ne se sont pas dissipées, notamment car le pouvoir, dans une logique de « rattrapage ethnique », a confié la majeure partie des postes de décision à des personnalités originaires du septentrion. Aujourd’hui, la présidentielle de 2020 approche et fait craindre une résurgence des violences alors que le paysage politique, sans changer de têtes d’affiche, est en pleine recomposition.
Pour résumer la situation en l’état : alors que le chef de l’Etat sortant garde le mystère sur ses intentions, un front anti-Ouattara se dessine, composé de ses anciens alliés, l’ex-président Henri Konan Bédié et l’ancien chef rebelle Guillaume Soro, qui font tous deux les yeux doux à Laurent Gbagbo, installé à Bruxelles dans l’attente de voir son cas devant la Cour pénale internationale (CPI) définitivement réglé. Ses rapprochements ont pu donner lieu à des résurgences d’un discours nationaliste, certains n’hésitant pas à parler de retrouvailles entre « vrais Ivoiriens ». Sous-entendu : les tenants du pouvoir, pour l’essentiel originaires du nord, ne le sont pas.
Preuve des tensions qui bouillonnent dans le pays, à Béoumi, dans le centre, des affrontements entre communautés baoulé et malinké à la mi-mai ont fait 22 morts. Si tout est parti d’une fausse rumeur sur la mort d’un chauffeur de moto-taxi, les discours du moment n’ont rien fait pour prévenir cette éruption de violence. Les démons ivoiriens ne sont pas morts.
par Cheikh Tidiane Dieye
LA FAILLITE MORALE D'UN PRÉSIDENT
POINT DE MIRE SENEPLUS - Non content d'avoir cédé une partie de notre pétrole à son frère Aliou Sall, il l'a aussi mis à la tête de la plus grande banque de l'État, la CDC, après avoir parrainé son élection à la mairie de Guédiawaye
Le message du Président de République à la fin de la prière de la Korite est encore plus pathétique que la conférence de presse de son frère. Une grande arrogance et un semblant de sérénité qui cachent en réalité un profond malaise.
Macky Sall n'a pas parlé en Président de la République mais en frère d'Aliou Sall. C'est ce qui fait qu'il n'a pas la dignité de cette charge.
Nous lui avions conseillé, dès le début, d'éloigner sa famille des affaires publiques mais il n'a rien écouté. Non content d'avoir cédé une partie de notre pétrole à son frère Aliou Sall, il l'a aussi mis à la tête de la plus grande banque de l'État : la Caisse des Dépôts et Consignations, après avoir parrainé son élection à la mairie de Guediawaye. Je ne parle même pas de son beau-frère avec son super ministère dont le budget frôle les 1000 milliards. Toutes les ressources destinées aux politiques sociales et à la solidarité nationale entre ses mains, pour une redistribution ciblée dans les reseaux parrainées par le Clan. Dautres scandales de corruption en perspective?
Aliou Sall, depuis que nous le connaissons en 2012, n''a qu'une seule ligne dans son CV, c'est d'être frère du Président de la République du Sénégal.
Croyez-vous une seule seconde que le prédateur Frank Timis l'aurait recruté si Macky n'avait pas remporté l'élection en 2012?
Croyez- vous une seule seconde qu'il aurait eu le courage et les moyens de se présenter la mairie de Guediawaye en 2014 si son frère était resté dans l'opposition?
Imaginez-vous ses chances de diriger la CDC si on avait demandé à tous les sénégalais de déposer leur candidature pour ce post ?
Non Macky Sall, je ne laisserai personne me prendre pour un imbécile. Et c'est ce que jai ressentis en vous écoutant.
Nous vous avons confié la garde de notre bien public. Il ne peut en aucun cas appartenir à votre famille. Vous avez l'obligation de nous rendre des comptes et vous le ferez. Je vous le promet, vous ne pourrez pas nous snober. Pas cette fois-ci. Le Sénégal ne sera pas de ces Républiques bananières détruites par des bandes claniques soutenues par leurs réseaux de courtisans locaux et étrangers.
J'invite les acteurs politiques, la société civile, les organisations de lutte contre la corruption et de défense des droits de l'homme, les syndicats et mouvements de jeunes et de femmes, bref toutes les forces vives de notre Nation à se mobiliser, à s'indigner et à s'organiser.
Cette effroyable corruption au sommet doit cesser.
GLOBAL WITNESS DEMANDE UNE ENQUÊTE SUR BP ET FRANK TIMIS
C'est l'un des scandales de corruption les plus graves qui ait jamais frappé l'industrie pétrolière - Les forces de l'ordre britanniques et américaines devraient enquêter pour savoir si Timis a acquis ou conservé les blocs en raison de pots-de-vin
Global Witness demande aux juridictions britanniques et américaines d'enquêter sur le géant pétrolier BP et l'un de ses partenaires au Sénégal, le célèbre homme d'affaires Frank Timis, au sujet d'un accord estimé à 10 milliards de dollars sur des blocs de gaz offshore. Les détails de l'accord ont été révélés par la BBC lundi.
Les paiements secrets soulèvent des inquiétudes quant au fait que l'une des plus grandes entreprises britanniques s'est rendue complice de corruption, en récompensant des pots-de-vin antérieurs.
Des entreprises liées à l'homme d'affaires Frank Timis ont été accusées de corruption, de mensonges à des investisseurs et de liens avec des violations des droits humains. Au Sénégal, il a été controversé pendant des années avant son accord d'avril 2017 avec BP, en raison d'une relation prétendument corrompue avec Aliou Sall, le frère du président.
Les sociétés Timis ont payé Aliou Sall en tant que consultant pendant plusieurs années avant l'opération BP. Global Witness estime qu'il existe un risque qu'Aliou Sall utilise sa relation familiale avec le président pour promouvoir ses intérêts commerciaux et ceux de Timis.
"C'est l'un des scandales de corruption les plus graves qui ait jamais frappé l'industrie pétrolière. Les forces de l'ordre britanniques et américaines devraient enquêter pour savoir si Timis a acquis ou conservé les blocs en raison de pots-de-vin et si BP a fini par récompenser la corruption à hauteur de plusieurs milliards de dollars ", a déclaré Daniel Balint-Kurti, chef des enquêtes chez Global Witness.
En tant que société britannique dont les actions sont cotées à la Bourse de Londres et à New York, les services répressifs du Royaume-Uni et des États-Unis seraient chargés d'enquêter sur les activités de BP. Timis a d'étroites relations avec le Royaume-Uni, possédant un Penthouse dans la riche région de Knightsbridge, à Londres, et ayant fait valoir ses compétences en faisant entrer deux sociétés à la bourse de Londres, l'Alternative Investment Market.
British Petroleum connaissait la relation entre Timis et Sall
BP a versé à Timis 250 millions de dollars d'avance pour une participation de 30% dans les champs gaziers en avril 2017, et en plus de cela lui a promis au moins 9,3 milliards de dollars en redevances sur environ 40 ans, selon le Panorama de la BBC et Africa Eye. Pour mettre ces chiffres en contexte, le budget du Sénégal l'an dernier était de 6,3 milliards de dollars, et environ 40 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. BP était au courant de la relation de Timis avec Aliou Sall.
BP a déclaré à la BBC qu'elle "rejette toute implication selon laquelle elle aurait agi de manière inappropriée". Elle a déclaré qu'elle avait " effectué une vérification diligente approfondie et appropriée " dans des domaines tels que " le respect de l'éthique et la lutte contre la corruption " et que son investissement apporterait des " bénéfices substantiels " au Sénégal.
Frank Timis a déclaré que les allégations de la BBC "sont totalement fausses" et qu'"il n'y a eu aucun acte répréhensible". Il a nié les allégations de pots-de-vin. La déclaration complète de Timis peut être consultée ici : https://bbc.in/313NIvj.
Le documentaire de la BBC Panorama et de son unité d'investigation Africa Eye, intitulé "The $10 Billion Energy Scandal", est diffusé aujourd'hui (lundi 3 juin) à 20:30 GMT. Un clip en avant-première a été publié ce matin.
par Momar Dieng
DÉMISSIONNER ET AFFRONTER DES JUGES INDÉPENDANTS
Il reste à Aliou Sall le devoir de renoncer à toutes ses fonctions afin de favoriser, l’émergence d’un contexte favorable à l’entrée en scène de Dame justice - Face à des accusations documentées, la réplique par des mots renvoie presque à de l’impuissance
Après les révélations du consortium BBC-Panorama-AfricaEye sur les agissements délictuels présumés de la compagnie BP et de Franck Timis, la justice anglaise fera certainement son contre-travail d’enquête pour dire si oui ou non l’affaire mérite d’être enrôlée devant les tribunaux britanniques. Les éléments d’enquêtes que voilà sont si gravissimes pour BP, pour Franck Timis, pour Aliou Sall ainsi que pour Macky Sall, le président de la République du Sénégal, que l’unique porte de sortie qui serait offerte aux mis en cause réside dans le scénario si improbable que les documents brandis par la BBC soient finalement considérés comme faux, c’est-à-dire « fake news ».
La justice anglaise fera donc son travail, on l’espère ! Mais la nôtre, que fera-t-elle ? Bougera-t-elle enfin ? Non, elle ne fera rien, du moins dans les circonstances actuelles où le pouvoir exécutif administre la machine judiciaire de l’Etat d’une main d’acier qui ne se dément pas. Depuis l’arrivée de Macky Sall en 2012, les conditions scandaleuses d’octroi de blocs pétroliers à une mystérieuse société pétrolière sortie de nulle part ont été si pertinemment explicitées devant l’opinion qu’il ne reste quasiment plus grand-chose à faire à part suggérer que prévalent en fin de compte le bon sens et l’esprit de responsabilité de tous. L’Ofnac a certes fait semblant de prendre ses responsabilités en tant qu’organe de lutte anti-corruption, mais il a très vite démontré qu’il n’est en réalité qu’un machin du décorum appelé bonne gouvernance.
Dans tous les cas, il reste à Aliou Sall le courage et le devoir de démissionner de toutes ses fonctions publiques afin de favoriser, par son geste, l’émergence d’un contexte favorable à l’entrée en scène de Dame justice. Il a fait un grand pas dans ce sens lundi en soulignant sa disponibilité à répondre, s’il le fallait, à des juridictions internationales. Soit. Mais il pourrait déjà coopérer avec la justice de son pays pour commencer.
Dans cette volonté, Aliou Sall doit être accompagné par le sens de l’intérêt général qui doit animer son frère, le président de la République. Macky Sall a été élu au moins une fois sur deux sur des principes d’engagement simples qu’il a lui-même édictés au Sénégal et aux quatre coins de la planète : gestion sobre et vertueuse, bonne gouvernance, reddition des comptes… Des millions de Sénégalais ont sûrement atteint un point de désespérance sans retour par rapport au respect de sa parole, mais il y a sans doute en lui et en son frère cette envie innée de résister à l’opprobre qui peut frapper toute une famille.
Dans la foulée de son appel au dialogue national et auquel bien des Sénégalais ont répondu en dépit des déceptions accumulées depuis sept ans, il a l’obligation fondamentale de démettre Aliou Sall de toutes ses fonctions actuelles : directeur général de la Caisse de Dépôts et Consignations (CDC), le plus puissant bras financier de l’Etat sénégalais, maire de la ville de Guédiawaye, président de l’Association des maires du Sénégal (AMS), etc. Pour lui et pour son frère, la posture d’accusé-soupçonné dans laquelle cette affaire les a placés devait être intenable et insupportable.
En attendant, cette affaire pétro-gazière nous rappelle, avec une simplicité qui nous dépasse, notre état de pays pauvre potentiellement livré à la sainte alliance des politiciens alimentaires et des criminels économiques qui, très souvent, tue les aspirations au développement de nos populations.
Le point de presse qu’Aliou Sall a organisé lundi pour être dans le tempo de la communication de crise n’aura finalement servi à rien. Face à des accusations documentées, la réplique par des mots renvoie presque à de l’impuissance. Et cela n’est pas bon signe en dépit du principe sacro-saint de l’innocence présumée.