Le meilleur mode de gouvernement porte un nom bien connu sous tous les cieux : la démocratie - Il s’agit d’instaurer un contrat social qui repose sur un minimum de confiance, en autorisant des débats internes et en renforçant les institutions
Depuis plusieurs décennies, certains dirigeants s’accrochent à leur fauteuil grâce à des manipulations constitutionnelles ou électorales, quand ce n’est pas par la répression.
Depuis plusieurs décennies, la démocratie libérale s’est installée dans de nombreux pays d’Afrique. Pour autant, certains dirigeants s’accrochent à leur fauteuil grâce à des manipulations constitutionnelles ou électorales, quand ce n’est pas par la répression. Ces « présidents à vie », la plupart francophones, peuvent souvent compter sur la bienveillance ou le silence embarrassé de la France…
Énième mandat ou énième putsch ? Le sujet relève du brigandage politique, comme le montre le référendum constitutionnel du 25 octobre 2015 au Congo-Brazzaville, émaillé d’incidents et boycotté par l’opposition. Au pouvoir depuis 1979 – avec une interruption entre 1992 et 1997 –, le président Denis Sassou Nguesso a voulu prolonger son règne. Obtenu au forceps, ce tripatouillage constitutionnel, qui s’apparente à un coup d’État, lui a permis de briguer un troisième mandat et d’être réélu le 20 mars 2016, dès le premier tour (plus de 60% des voix), au terme d’un scrutin contesté.
Pourtant, les solutions simples ne manquent pas : que les règles soient respectées, et la paix civile pourra prévaloir. Que l’on tienne au contraire les Constitutions pour des chemises à coudre et recoudre en fonction de la taille et de l’ego du président en exercice, et ce sont des pays entiers qui glisseront vers le chaos. Tout se passe comme si le discours de La Baule (1), les conférences nationales souveraines des années 1990 et les alternances démocratiques n’avaient rien apporté dans certains pays. Entre les indépendances et la fin de la guerre froide, les présidents exerçaient très souvent leur mandat à vie. Aujourd’hui encore, nous sommes confrontés aux mêmes pratiques.
Avancées et scléroses
Cependant, les progrès de la démocratie à travers l’Afrique, on l’oublie souvent, sont plus significatifs que les échecs ou les reculs. Des élections à peu près normales se tiennent du Cap-Vert à l’Afrique du Sud. Mais de mauvaises habitudes persistent, avec des régimes régressifs qui risquent d’en inciter d’autres à glisser sur la même pente. Comme on le dit en Guinée, «une mauvaise graine dans la bouche peut gâter toute la poignée d’arachides ». Au Cameroun, le régime de M. Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, incarne une sclérose qui n’augure rien de bon (2). Au Gabon, M. Ali Bongo a été reconduit au pouvoir après un scrutin visiblement truqué en 2016 (3). Le Burkina Faso, au contraire, fournit un motif d’espoir remarquable, avec le soulèvement populaire contre toute modification de la Constitution, en octobre 2014, puis la lutte victorieuse contre le coup d’État du général Gilbert Diendéré, en septembre 2015. Au Sénégal, les rouages démocratiques paraissent bien huilés, avec des alternances qui se produisent sans remise en cause de l’unité nationale depuis l’an 2000. En février 2019, si la réélection, dès le premier tour, du président Macky Sall, a fait grincer des dents, elle fut acceptée par tous les candidats.
De même, les institutions du Bénin, premier à organiser une conférence nationale souveraine en 1990, semblent stables. Ce pays est aussi le seul à avoir réussi l’exploit de «recycler » son dictateur. Arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1972, Mathieu Kérékou s’était incliné en 1991 face au verdict des urnes, pour mieux revenir cinq ans plus tard. Les entraves mises au dépot des listes d’opposition pour les législatives du 28 avril 2019 et la répression de la contestation constituent une nouveauté au Bénin. La tradition a beau être statique et rétrograde, elle peut aussi servir de garde-fou : au Sénégal ou au Bénin, où les chefs traditionnels sont écoutés, aucun massacre n’est à déplorer dans les stades quand l’opposition se rassemble, ce qui n’est pas le cas en Guinée, où Ahmed Sékou Touré a cassé toutes les structures des chefferies traditionnelles dès l’indépendance, en 1958. Les Guinéens sont en quelque sorte deux fois barbares, parce qu’ils n’ont ni tradition ni modernité dans leurs institutions. L’Afrique repose encore sur des sociétés rurales et peu instruites, où l’instrumentalisation politique de l’ethnie peut avoir des effets dévastateurs. Pour autant, on observe un effort surhumain pour créer une « société civile » capable d’agir comme un contrepouvoir, sur des bases non ethniques. Au Burundi, ce n’est qu’après le coup d’État manqué contre lui, en mai 2015, que le président Pierre Nkurunziza a tribalisé son discours afin de se maintenir en place. En 2010, il en a été de même en Guinée, où le parti du président Alpha Condé a accusé les Peuls d’avoir distribué de l’eau empoisonnée dans un meeting politique – une manipulation pure et simple pour diviser l’électorat. En octobre 2015, M. Condé a décidé de se faire réélire dès le premier tour. Les truquages ont été couverts par les ambassades occidentales et les observateurs de l’Union européenne. Dans les pays d’Afrique anglophones, il paraît impensable d’accuser le Royaume-Uni de peser d’un poids quelconque dans une élection. Paternalisme, copinage, petits projets concoctés entre amis : la « Françafrique », mariage de deux fléaux, réunit toutes les tares de la France et de l’Afrique. Comment faire avancer la démocratie dans des pays sous tutelle, qui subissent la double ou triple injonction des institutions financières internationales, des Nations unies et des anciennes puissances coloniales ? En zone francophone, les interventions extérieures restent permanentes, malgré toutes les ruptures avec les pratiques du passé solennellement annoncées à Paris. La France tient encore à être très présente en Afrique.
Le plus gênant, c’est que ses relations avec ses ex-colonies ont été dévoyées dès le départ, après les indépendances. Elles se jouent sur un registre personnel, entre amis, et non entre États soucieux du bien commun. En 2004, M. Jacques Chirac avait ainsi fait libérer le chef de la police congolaise, arrêté en France pour «crimes contre l’humanité », sur un simple appel de son ami Sassou Nguesso. L’ex-chef de l’État français Nicolas Sarkozy est quant à lui un proche du président ivoirien Alassane Ouattara. Aux bons soins des parrains français Des coteries existent dans une mafia de Blancs et de Noirs qui ne travaillent que pour eux-mêmes. Ces cartels ruinent aussi la France, même si la presse hexagonale ne s’y intéresse pas. Aux velléités de recolonisation qui persistent à Paris, l’Afrique n’a d’autre réponse que la corruption de ses élites avides de pouvoir. Les sites français d’information sur l’Afrique se multiplient, sans pour autant couvrir avec sérieux les élections, les scandales ou les luttes d’influence. Qui a remarqué que les résultats de la présidentielle d’octobre 2015 en Côte d’Ivoire n’étaient pas crédibles ? M. Ouattara a été réélu dès le premier tour avec 83,6 % des voix. Un score à la soviétique...
La France ne manque pas de militants, d’intellectuels et de journalistes. Il est urgent que des reportages honnêtes soient publiés sur la corruption, sur la manière dont se déroulent les scrutins, ou sur l’influence qu’acquièrent les fils de président, comme on l’a vu au Togo, au Gabon et au Sénégal, mais aussi au Mali et en Guinée. Ils semblent tellement sûrs de leurs parrains qu’ils peuvent tout se permettre. «C’est seulement après l’élection de François Hollande que j’ai commencé à dormir tranquille », aurait confié le président Condé lors d’un meeting à Paris le 1er juillet 2012 (Conakrytime.com, 2 juillet 2012). En octobre 2015, l’alors président français félicitait publiquement son poulain guinéen pour sa réélection avant même l’annonce des résultats officiels.
Renforcer les institutions
L’argument de la stabilité des régimes, invoqué par les chancelleries occidentales, se révèle contre-productif dans la mesure où, à terme, il mène tout droit à la crise. La stabilité des institutions est certes recommandable, mais en Afrique, faute d’États dignes de ce nom, c’est l’homme du jour qui fait l’institution. «L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes », plaidait en juillet 2015 le président des États-Unis Barack Obama devant l’Union africaine. Son homologue burkinabé Blaise Compaoré lui avait répondu avec un peu trop d’assurance, trois mois avant d’être chassé de son palais : « Il n’y a pas d’institutions fortes s’il n’y a pas d’hommes forts. » Qu’untel arrive au pouvoir, et tout le monde se courbe : la Cour suprême, l’armée, la gendarmerie, etc. La sacro-sainte «stabilité » a été invoquée en 1978 par Paris pour justifier l’opération « Léopard», une intervention militaire au Zaïre (actuelle République démocratique du Congo) qui visait à libérer des otages européens aux mains de rebelles opposés à Joseph-Désiré Mobutu. Dans les faits, la France était venue au secours d’un allié. Mais lorsque Mobutu est tombé, en 1997, après trente-deux ans au pouvoir, tout le Congo est tombé avec lui. Le monde moderne évolue plus vite que nos anciens systèmes, qui reposent sur des archaïsmes postcoloniaux. Le meilleur mode de gouvernement porte un nom bien connu sous tous les cieux : la démocratie. Il faut construire des systèmes politiques à la fois forts et souples, comme les architectures conçues pour résister aux séismes. L’objectif n’a rien de révolutionnaire. Il s’agit d’instaurer un contrat social qui repose sur un minimum de confiance, en autorisant des débats internes et en renforçant les institutions.
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UN ÉLECTRON LIBRE ENFIN !
EXCLUSIF SENEPLUS - Famara Ibahima Sagna aura la lourde tâche de conduire le dialogue national lancé ce mardi 28 mai 2019 - Son choix semble faire l'unanimité au regard des nombreuses félicitations recues après sa désignation
Famara Ibahima Sagna aura la lourde tâche de conduire le dialogue national lancé ce mardi 28 mai 2019 dans la salle des banquets du palais de la République. Ce matin, l’ancien ministre de l’Intérieur sous le régime socialiste, a eu tous les honneurs. Le choix porté sur sa personne semble être unanime vu les nombreuses félicitations des personnalités qui se sont succédées au micro. Même le Front national de résistance, par la voix de son porte-parole Mamadou Diop Decroix, en est convaincu. L'intéressé de son côté, s'en réjouit : ''j’espère que mon expérience et avec l’aide du tout puissant, nous allons pouvoir répondre aux attentes de tout le monde'', a-t-il laissé entendre.
L’ancien président du Conseil économique et social promet également de s’engager dans une mission collective et ne désespère pas de faire changer d’avis ceux qui n’ont pas participé à la séance d’ouverture. "Je suis un électron libre. Je ne fais pas un travail partisan. Toute ma vie, j’ai travaillé en équipe et je vais continuer à le faire. Nous allons réfléchir ensemble. Je ne sais pas pourquoi Abdoulaye Wade et ses partisans ne sont pas venus mais j’espère qu’ils vont nous rejoindre. Je ne sais pas combien de temps les travaux vont durer. Il faut une première réunion pour arrêter un protocole de travail'', a-t-il déclaré.
par l'éditorialiste de seneplus, demba ndiaye
POUR TOUTES LES BINTA CAMARA, CONTRE LES HYPOCRISIES !
EXCLUSIF SENEPLUS - C’est dans les familles d’abord, les écoles qu’on « dispense » une éducation qui fait du garçon un petit monstre aux comportements « masculins », un violent en puissance vis-à-vis des jeunes filles
Tout à nos fanfaronnades, on se voit plus beaux qu’on est ; plus vertueux alors que nos actes et comportements dessinent le contraire ; on se dit croyant, voire pieux, alors que nous sommes les plus grands pécheurs devant l’Eternel ; on plaide la droiture alors qu’on ment comme des arracheurs de dents et que, souvent, trop souvent, notre rapport au bien publique est d’une légèreté coupable. Bref, nous sommes, nous vivons dans une société d’hypocrisies.
Nos larmes de pleureuses, nos indignations aussi sélectives qu’éphémères, nos hauts-le-coeur face aux crimes des nôtres, nos crimes, définissent une société de ...faussetés, d’hypocrites assumées, de mensonges intégrés comme des vérités. Violences, viols, meurtres, bref toutes ces violences qui relèvent de l’état animal qu’on pense, non, qu’on espère, plus encore, qu’on conjure, tout cela, ces « déviances » là, sont notre humanité.
Quand une société, à force d’altération de son être profond, fondateur, se dissout dans les oukases de prétendues valeurs religieuses, pourquoi elle ne secrèterait pas des gens qui ont grandit dans les mensonges. D’une prétendue supériorité morale et physique ; de celui par qui lequel la femme ira au paradis ou en enfer selon qu’elle aura été l’esclave ou non de son maître de mari. Pourquoi une telle « dé-éducation » ne formaterait-elle pas des esprits pour qui, les violences, les viols, la déshumanisation des femmes, relèveraient de décrets et droits devins ?
C’est dans les familles d’abord, les écoles (toutes les écoles) qu’on « dispense » (que je déteste ce mot !) une éducation qui fait du petit garçon un petit monstre aux comportements « masculins », c’est à dire, violent et violeur en puissance vis-à-vis des jeunes filles qui deviendront les victimes expiatoires de leurs frères à qui on a attribué (octroyé) le permis de brimades, oppression, voire de tuer si on résiste à leurs envies de viols.
La petite fille balaie, fait le ménage et le linge, la popote pour toute la famille (en générale très élargie), celle à qui on ne demandera pas son avis (pourquoi on lui reconnaîtrait cette humanité ?) pour lui imposer des co-épouses auxquelles (jusqu'à quatre) son homme et maître a droit du fait « d’autorisations divines ». Souvent, trop souvent, presque toujours, on oublie la condition : « si tu peux (économiquement), et surtout, si tu peux mettre les quatre sur le même pied d’égalité ! Or, aucun humain ne peut garantir et prétendre à cette « égalité » vis-à-vis de « ses épouses-esclaves ». Même entre ses enfants, il arrive qu’un parent ait plus d’ « amour » que l’autre, que les autres. Nous parlons là de liens de sangs et non de choix, désir-décision de vie commune, d’amour qui n’est pas filiale.
Si tu peux ! Si tu peux subvenir à tous leurs besoins (matériels et sexuels) de la même manière ; si tu peux prendre en charge correctement les produits de tes semences et non les « fabriquer » et puis les confier, les jeter à la rue, ou les mètre en gage (cage) chez l’usurpateur, l’usurier, le marabout, marchand de jeunesses et à l’occasion, violeur et pédophile.
L’hypocrisie de ces « parents » qui, sous prétexte de « nos valeurs », de « nos traditions », d’une « morale » puisée dans des délires religieux, voire dans des interprétations utilitaires pour les hommes, ces parents donc, ruent dans les brancards quand on suggère de considérer leurs enfants comme des êtres humains et qui donc, doivent connaître leur corps, son fonctionnement, ses organes leur usage, leur utilité, mais aussi leur nocivité, donc d’introduire cette éducation là, cette formation là, cette ouverture d’esprit-là.
Il se trouve même des imbéciles drapés dans des réputations surfaites d’intellectuels, ...d’ex révolutionnaires, de toujours (hélas) leaders d’opinions, qui justifient le viol par le chômage ! Sur quelle étude sociologique ou statistique s’appuie-t-il pour assener de telles contre vérités, de telles monstruosités ? Parce que, en dehors de statiques fiables, les comptes rendus de presse et d’audience ne tracent pas de tels profils de violeurs, tortionnaire de femmes.
Ils sont ouvriers, paysans, maçons, pêcheurs, enseignants (instituteurs ou professeurs), cadres, hauts fonctionnaires, ministres, députés et même chefs d’Etat, vrais et faux marabouts, médecins dans le secret de leurs cabinets, mêmes des PCA qui se tapent des bagnoles de 46 millions alors que leur société est incapable de payer les salaires à temps, de s’acquitter des cotisations sociales (Ipm, Ipres), on trouve ces salopards partout dans cette société d’hypocrisies. Oui, on trouve ces prédateurs un peu partout dans les ténèbres et pénombres d’une société qui se croit policée alors qu’elle se comporte comme le dernier des incultes !
Une société où de dangereux obscurantistes, prédateurs, qui se terrent le jour et sortent de son terrier quand un être humain en tue un autre, pour toutes les raisons possibles (détraqués ou saints d’esprits), pour nous chanter le retour de la peine capitale comme antidote aux pulsions de violences, viols, voire de mort. Courageusement, ils invoquent DIEU, pour entuber la populace, enfumer son esprit et justifier en vérité leurs penchants sanguinaires ! Ce sont des rebuts de l’Histoire et falsificateurs des Saintes écritures.
Il est cependant illusoire de croire qu’on peut solutionner la question des violences faites aux femmes, et toutes les autres violences du reste, par des gadgets produits des émotions devant la barbarie humaine. Oui, l’humain peut être barbare, sanguinaire, sauvage, tueur ! Il est très rarement ange, et plus souvent le diable.
Non, on ne fera pas l’économie d’une éducation réformée où on n’apprend plus différemment la vie en société aux jeunes filles et aux jeunes garçons ;
On bannira les exégèses à l’emporte pièces des saintes écritures destinées à perpétuer la supposée « mâle supériorité-domination » ; on éduquera filles et garçons dans une fraternelle égalité et mutuel respect. Bref, l’humanité et ses attributs positifs se fabriquent dans la famille, l’école (les écoles), les traditions positifs et non dans la nostalgie des archaïsmes de temps révolus.
L’Etat s’acquittera de son rôle de régulateur et de formateur impartial des citoyens. Il dispensera l’éducation et la formation. Des filles et des garçons de la même façon, sans discrimination ; ses démembrements, forces de sécurité, de répression et de justice montreront le même respect pour les hommes comme pour les femmes. Ils s’abstiendront de traitement selon le sexe, les réflexions sexistes, voire dégradantes dans leurs services.
Bref, une société qui ne ferme pas les yeux sur ses tares, ne promeut pas filouterie, vols, détournements. Une société d’humains, égaux devant elle, sans petits monstres ni fillettes futures esclaves.
Notre société est-elle capable d’une (de) telle(s) révolution(s) ? Peut-elle trouver en elle, dans ce qu’elle a de mieux comme valeurs non corrompues, le courage de faire face à ces tares et dérives pour nettoyer ses déchets ...sociétaux ? Quoi qu’il en soit, il est évident qu’aucun raccourci juridique ou barbarie légale ne résoudront nos problèmes de société.
Pour paraphraser l’autre, l’humanité ne se pose que les questions dont elle a les réponses. J’ajoute que les solutions à nos problèmes de société se trouvent dans cette même société ; dans le génie humain. Utilisons-le à bon escient. Avec bien sûr, une très bonne et grosse dose de courage politique et sociale face à l’obscurantisme des obscurantistes, aux vraies-fausses pesanteurs supposées immuables.
Les objectifs assignés par Macky à ce dialogue ne vont pas dans le sens du renforcement de la démocratie, non plus d’une reddition de comptes et des comportements indispensable à la restauration de l’état de droit - COMMUNIQUÉ DE PRESSE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du Congrès de la Renaissance Démocratique (CRD), daté du 28 mai 2019, relatif au dialogue national lancé par Macky Sall ce jour.
"Nonobstant la réception tardive les 7 et 8 mai 2019 du courrier par lequel le Ministre de l’Intérieur (MINT) conviait les partis politiques à une première réunion annonçant la mise en place d’un Dialogue politique, le Congrès de la Renaissance Démocratique (CGD) a été représenté lors de cette réunion qui s’est tenue le 9 mai, soit 48 heures plus tard. Le principe d’une contribution des partis d’opposition aux termes de référence (Tdr) du Dialogue ayant été accepté, l’initiative de la définition des propositions de l’opposition a été laissée au Front de Résistance Nationale (FRN).
Les membres du CRD ont participé à la rédaction du courrier adressé par le FRN au MINT en date du 14 mai 2019. Par ce courrier, après avoir confirmé sa pleine disposition à participer au Dialogue, l’opposition a formulé des propositions portant sur les modalités de son organisation dans l’objectif de lui donner le sérieux qui sied à une initiative de cette nature et de portée nationale.
Ces propositions portent sur la conduite des travaux par une commission cellulaire non partisane, et sur l’obtention d’un engagement à mettre en œuvre les conclusions qui seront adoptées dans le cadre du Dialogue.
Ce jour 28 mai 2019, soit une semaine plus tard, ledit courrier n’a toujours pas reçu de réponse de la part du MINT.
Un autre dialogue qualifié de « national » s’est superposé à cette démarche traditionnelle de l’Autorité en charge de l’organisation des élections au Sénégal dont la cérémonie de lancement s’est tenue ce jour 28 mai 2019 sous la présidence de M. Macky Sall, chef de la coalition BBY.
Les organisations du CRD rappellent à l'attention du Citoyen que, depuis le Référendum de 2016 où il avait soumis à l'approbation des Citoyens la Constitution en vigueur, celle- ci pourtant promise à une stabilité durable, a subi deux modifications substantielles sans concertation. La première a violé le principe de l’intangibilité du mode d’élection du Président de la République en introduisant le parrainage. La dernière en date, intervenue après l'élection présidentielle, a été perpétrée alors même que Macky Sall s'était engagé à un dialogue sur France24, avant la présidentielle.
Les organisations du CRD membres du FRN considèrent à ce jour que les objectifs assignés par Macky Sall à ce dialogue ne vont pas dans le sens du renforcement de la démocratie sénégalaise, non plus d’une reddition de comptes et comportements indispensable à la restauration de l’état de droit au Sénégal.
Les éléments constitutifs de termes de référence dudit dialogue national et le texte introductif de M. Macky Sall qui ont été distribués révèlent à suffisance que les objectifs recherchés sont de trouver des solutions aux problèmes qu’il a lui même créés à notre Nation sans bien entendu envisager les sanctions qui devraient s’imposer.
Ainsi concernant le volet politique :
Le non alignement des mandats des députés et du Président de la République est
la conséquence directe du non respect de son engagement à limiter son premier mandat à cinq ans (5) ; Il a le dessein de reporter les élections législatives ainsi que celles des élus locaux une seconde fois.
La parrainage qu’il a imposé pour faciliter sa réélection en réduisant le nombre de candidats à l’élection présidentielle, unique au monde dans sa conception, a toujours été dénoncé par l’opposition comme inapplicable, au point de pousser à des contrevérités le Conseil Constitutionnel en charge de son contrôle lorsque ce dernier a affirmé avoir examiné 1 414 792 signatures sur fiches papier de parrainage en moins de 30 jours. Son objectif essentiel ayant été atteint, ila le projet de maintenant le réaménager afin de le rendre opérationnel.
La réflexion tardive sur le statut du Chef de l’opposition apparaît comme un malicieux appât pour attirer et diviser l’opposition. L’argument qu’il présente portant sur des critères qui n’existaient pas au début de 2016 pour permettre la mise en œuvre de dispositions constitutionnelles n’a aucune crédibilité.
En ce qui concerne le volet économique :
Une politique économique désastreuse, centrée sur des dépenses d’investissement n’allant pas dans le sens d’une transformation structurelle de l’économie sénégalaise, privilégiant les grands projets réalisés par des entreprises étrangères, basée ces deux dernières années sur un gaspillage de ressources publiques à des fins politiciennes dans une démarche de réélection, a eu recours à de fausses statistiques de croissance pour masquer son échec.
Là également, Macky Sall cherche à « partager » par son dialogue national les mesures d’ajustement structurel devenues indispensables, et qui accroitront la souffrance des populations sénégalaises les plus démunies.
Par contre rien n’est prévu sur la reddition des comptes qui fut pourtant si chère au candidat Macky Sall de 2012. Elle doit pourtant concerner les attributions de permis de pétrole et de gaz en violation de la loi et en conflit d’intérêt, de même les nombreux scandales qui sous son magistère ont coûté d’innombrables milliards à la Nation sénégalaise sans donner lieu à ce jour à des poursuites mais parfois à des promotions. Rien non plus sur les sanctions qui doivent frapper les auteurs de fraudes à l’état civil qui mettent en danger la sécurité des citoyens au delà de la corruption du fichier électoral, ou les Autorités administratives coupables de forfaiture jusqu’au jour du vote du 24 février 2019.
Ce dialogue pourrait donc ressembler à n’en point douter à ceux qui furent organisés par Macky Sall en 2016 puis en 2018, manquant de sérieux, rassemblant des laudateurs en tout genre, et transformant l’opposition en faire valoir pour des décisions déjà prises et qui seront imposées à la classe politique et à l’ensemble du peuple sénégalais. Car c’est bien cette technique qui a été utilisée lors de précédents organisés en 2016 puis 2017- 2018.
Le CRD refuse de servir de faire valoir et de participer à une autre grotesque mascarade.
Le CRD refuse de cautionner :
Un report quasi certain des élections locales et/ou des élections législatives, et
considère que les mandats politiques achevés doivent être renouvelés,
Un processus électoral qui serait simplement réaménagé sans que les personnes ayant commis de graves délits à l’occasion de l’élection présidentielle ne fassent l’objet de poursuites afin d’empêcher que de telles pratiques ne se renouvellent. Il en est ainsi des fraudes à l’état civil et des actes de forfaiture ayant consisté à
modifier le régime de vote le jour même de l’élection présidentielle,
Toute modification de notre Constitution qui irait dans le sens du maintien du Président en exercice (Macky Sall) au terme de son second mandat actuellement
en cours.
En outre, le CRD rejette dès à présent tout ajustement structurel qui serait mis en œuvre aux seuls dépens des masses laborieuses de notre pays.
Le refus d’augmenter les salaires des travailleurs ne saurait aller de pair avec une augmentation des prix du reste déjà effective comme conséquence du relèvement des droits de douane.
Dans la même souci, le caractère prioritaire ou pas de certaines dépenses d’investissement devra être réexaminé, et en particulier le projet de construction d’un nouveau palais présidentiel annoncé à plus de cent (100) milliards de Fcfa. "
PAR Arthur Stein
L'ÉCHEC AFGHAN SE RÉPÈTE-T-IL AU MALI ?
Les pays intervenants ont peu appris des erreurs passées - Ils n’ont pas pris conscience de la contradiction entre la volonté de stabiliser un espace et de créer des institutions stables, et la délégation de missions de maintien de l’ordre
Les points communs entre le conflit qui touche aujourd’hui violemment le centre et le nord du Mali et la guerre en Afghanistan depuis 2001 sont nombreux. En voulant rétablir de solides institutions étatiques, et la légitimité politique de gouvernements peu populaires, les forces intervenantes venues de l’étranger ont, au contraire, participé à une exacerbation des fragmentations ethniques et communautaires. Dans les deux cas, les conséquences semblent désormais durables.
La volonté de « gagner les cœurs et les esprits »
Le Mali, tout comme l’Afghanistan auparavant, sont des cas d’école d’une tendance observée depuis le début des années 2000 : en matière de résolution des conflits, la ligne est de plus en plus difficile à tracer entre ce qui relève d’un maintien de la paix traditionnel, non-discriminant et universel, et ce qui s’apparente à de simples outils de politique étrangère utilisés par des États puissants au sein de l’ordre international.
Bien qu’anciennes et légitimement décriées, les stratégies dites « contre-insurrectionnelles » ont été réhabilitées comme modèle privilégié d’intervention lors de conflits. Elles font intervenir des acteurs aux capacités très asymétriques : d’un côté de puissants États et de l’autre, des groupes aux implantations localisées et peu dotés en ressources de combat.
Observées en Afghanistan d’abord puis au Mali, ces doctrines mêlent des activités civiles et militaires, et visent essentiellement à acquérir le soutien majoritaire des populations locales pour prendre le dessus sur l’adversaire désigné.
Comme l’objectif est d’exercer une forme de gouvernementalité sur un territoire, de gagner « les cœurs et les esprits», ces méthodes impliquent des coûts exorbitants pour les pays impliqués.
Assurer le maintien de l’ordre et l’entretien d’infrastructures défaillantes nécessitent une mobilisation massive de ressources humaines, économiques ou logistiques. Le coût politique est tout aussi important. Ces interminables interventions militaires sont perçues comme des échecs par l’opinion publique des pays déployés, des guerres illégitimes et non reliées à des intérêts immédiats.
Sous-traitance douteuse
Pour pallier à un manque certain de ressources pouvant être mobilisées, les pays intervenants ont souvent adopté une même solution : ils ont délégué à d’autres les tâches qu’ils ne pouvaient assumer eux-mêmes. En Afghanistan et au Mali, ils ont notamment sous-traité des opérations de maintien de l’ordre à des groupes armés non-étatiques, des milices définies selon des clivages communautaires, ethniques ou tribaux.
Par ce mouvement décrié de « miliciarisation », des organisations armées souvent dénuées de toute légitimité politique au niveau national ont pu accéder à des ressources importantes.
Le problème est que les conflits sont des périodes de transformations des identités. Recruter des milices de cette manière a une influence réelle sur la durée et la gravité des hostilités.
En choisissant les groupes soutenus, et ceux exclus, les forces étrangères tracent arbitrairement des lignes entre les « bons » et les « méchants », les milices fréquentables et celles à combattre. Des tensions communautaires anciennes sont potentiellement réactivées.
De plus, comme les groupes recrutés tirent des ressources inédites de leurs nouvelles alliances, ils ont tendance à favoriser le maintien d’une zone grise entre un règlement complet du conflit et des hostilités ouvertes.
Une histoire qui se répète ?
L’Afghanistan a bien été un exemple cinglant de cette « miliciarisation ». Des logiques contre-insurrectionnelles ont été mises en place dès 2001 dans le pays, dans le but de stabiliser les institutions ad hoc créées à la chute du régime taliban. La Police locale afghane (PLA) a été en partie construite sur des bases ethniques pour appuyer les intérêts de l’armée américaine, offrant à des milices tribales des ressources dont elles ne pouvaient se prévaloir auparavant.
Dans la province de Kunduz notamment, dans le nord du pays, de nombreuses milices tadjikes, ouzbeks ou encore turkmènes ont été entraînées, armées et soutenues pour défendre les intérêts de la lutte anti-talibans. Il était impossible à l’armée américaine et ses alliés d’assurer une présence continue sur l’ensemble du territoire afghan.
Les ressources distribuées ont cependant été rapidement manipulées par leurs récipiendaires pour servir leurs intérêts propres. Les tensions communautaires préexistantes ont peu à peu été renforcées, quand la sécurité des populations locales s’est rapidement dégradée. Cet exemple symbolique de l’échec des doctrines contre-insurrectionnelles n’a malheureusement pas entrainé leur abandon.
Au Mali, plusieurs rapports récents ont démontré l’appui du gouvernement central et de la force Barkhane à des groupes armés non-étatiques dans le nord du pays, et à la frontière avec le Niger. Le but, une fois encore, est de pallier l’incapacité des forces armées à évoluer dans des territoires vastes et inconnus.
Près de six ans après les premiers combats contre les groupes armés, la mission des soldats français n’est pas près de s’achever.
Repenser la construction de la paix
« Diviser pour mieux régner », disait l’adage. Mais gagner la guerre a peu de sens, si la paix qui lui succède est si fragile. Les pays intervenants ont finalement peu appris des erreurs passées. Ils n’ont pas pris conscience de la contradiction entre la volonté de stabiliser un espace et de créer des institutions stables, et la délégation de missions de maintien de l’ordre.
Les groupes armés ont des intérêts nécessairement éloignés de ceux des armées étrangères. Ils sont très difficilement contrôlables, même par les structures qui les financent et les arment. Leur démobilisation après les conflits est un enjeu de taille, trop mal gérée dans les cas afghans et maliens pour permettre un retour à la stabilité. Le risque de résurgence des violences augmente inéluctablement.
Aujourd’hui, tant l’Afghanistan que le Mali sont des échecs de luttes anti-insurrectionnelles, pour lesquelles la polarisation des identités empêche un règlement solide et durable des conflits.
Après 18 ans de guerre, les talibans semblent plus puissants que jamais, tandis que les tensions intercommunautaires déchirent toujours plus le Mali. Faisant plus de 130 morts parmi les civils, la terrible attaque du 23 mars dernier dans la région de Mopti est tragiquement venue nous rappeler le besoin urgent de repenser la construction de la paix.
Arthur Stein est doctorant au Département de science politique de l’Université de Montréal, travaillant sur les guerres civiles et la reconstruction post-conflits en Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient.
texte collectif
LE MALI NE DOIT PAS DEVENIR UN FONDS DE COMMERCE POUR LES APPRENTIS SORCIERS DE LA GÉOPOLITIQUE
On est en droit de s’interroger sur les intérêts que servent ces « experts » des plateaux de télévision, peu soucieux des conséquences potentiellement désastreuses de leurs propos dans une zone comme le centre du pays
Dans un débat sur le Sahel, le 14 mai sur la chaîne française LCI, Alexandre del Valle, qui se présente comme géopolitologue, consultant et essayiste, a jugé que le fond du problème au Mali n’est autre que « les gens du nord non noirs, non africains, ne veulent pas vivre avec leurs anciens esclaves du sud. Et les anciens esclaves du sud veulent se venger des anciens esclavagistes du nord. C’est comme si on oblige deux personnes qui veulent divorcer, se battent régulièrement, à rester mariées. » Auparavant, le 12 mai, le général Jean-Bernard Pinatel avait déclaré que « la situation ne se stabilisera que si Bamako consent à faire évoluer le statut de l’Azawad, car les Touareg et les Peuls refusent toujours de se soumettre aux Noirs du sud ».
On est en droit de s’interroger sur les intérêts que servent ces « experts » des plateaux de télévision, peu soucieux des conséquences potentiellement désastreuses de leurs propos dans une zone comme le centre du Mali. On note d’ailleurs chez eux une certaine obsession à donner des connotations ethniques, raciales, à des événements politiques ou sociaux. En avril, à l’annonce de la démission de l’ancien premier ministre malien, Soumeylou Boubèye Maïga, et dans un contexte de fortes suspicions entre communautés peule et dogon, on pouvait lire des titres de dépêches comme « Mali : le premier ministre démissionne à la suite du massacre de Peuls. » Les jours suivants, c’était l’appartenance ethnique – peule – du nouveau premier ministre qui était en avant pour justifier le choix du président Ibrahim Boubacar Keïta.
Les questions liées aux frontières, aux relations inter et intracommunautaires ainsi que les hiérarchisations en leur sein, sont complexes et n’ont cessé d’évoluer au fil de l’histoire. Comprendre les dynamiques qui animent les rapports sociaux nécessite une profondeur historique et sociologique qui manque à certaines analyses et donc fatalement à la compréhension des moteurs de violence au nord comme au sud du pays.
Des populations très diverses
Ainsi, le prisme racial selon lequel un antagonisme entre populations blanches du nord et noires du sud serait le principal moteur de l’histoire de l’espace sahélo-saharien est daté et incorrect, car largement coupé des définitions de soi locales. Il émane notamment de l’historiographie coloniale, raciste et pseudo scientifique, qui tendait à considérer le nord du Sahara comme plus « civilisé », proche de l’Europe et de l’Occident, en opposition avec un sud considéré plus noir et authentiquement africain.
Par ailleurs, il ne s’agit pas de nier la réalité de systèmes esclavagistes au Mali. Ceux-ci ont existé sur l’ensemble du territoire, pas seulement au nord. Au sud du pays, des Noirs ont asservi d’autres Noirs. Au nord, des Noirs, majoritaires, ont asservi des Noirs. Ainsi, il n’est pas vrai de décrire un état de fait où les Noirs seraient tous descendants d’esclaves, où seuls les Arabo-Berbères vivraient au nord du pays, où les Noirs du nord seraient tous des descendants d’esclaves des Arabo-Berbères. De plus, les notions de race, de couleur de peau, et d’autoperception dans ces sociétés ne peuvent être calquées sur des modèles coloniaux racistes. Le Mali, à l’instar d’autres pays du Sahel, est une zone de contact entre des populations très diverses.
Les différences ou les similitudes communautaires ne se situent pas nécessairement dans la couleur de peau. Ainsi, il est faux de regrouper Peuls et Touareg ou Arabes et Touareg, là où l’on pourrait regrouper dans certains contextes Songhaï et Touareg, Peuls et Dogon, selon le critère d’identification commune retenu (langue, filiation, culture, religion, etc.).
Complexité des griefs et des revendications
Par ailleurs, comment peut-on attribuer comme seule logique aux mouvements indépendantistes et rébellions une aversion des uns envers les autres sur la base de relations d’esclavage ? Une analyse sérieuse des discours de rébellion à travers les âges démontre la complexité des griefs et des revendications.
Les rivalités entre communautés au Mali ne doivent pas devenir un fonds de commerce pour les apprentis sorciers de la géopolitique. Leurs interprétations sont dangereuses et contre-productives. A entretenir l’amalgame et la stigmatisation, elles finiront par imposer le récit selon lequel une communauté serait moins considérée que d’autres. C’est de là que naissent des récits artificiels nourrissant de manière toxique des antagonismes fondamentaux entre des peuples.
L’analyse des faits ne doit être ni émotionnelle, ni exagérée, ni opportuniste. Les propos de MM. Del Valle et Pinatel reflètent une tendance vers une forme d’essentialisme dans l’analyse et l’interprétation des enjeux de notre monde. Si la seule préoccupation de ces « spécialistes » est de plaquer sur la situation malienne une grille de lecture qui satisfait leurs fantasmes sur le « choc des civilisations », ils sont alors des rhéteurs incendiaires qui compliquent la tâche de Sahéliens qui œuvrent sans relâche à bâtir des sociétés meilleures. Si leur préoccupation était au contraire de comprendre cette crise, qu’ils commencent par lire et se renseigner avant de parader sur les plateaux de télévision. Les enjeux sont importants.
Sega Diarrah, politologue ; Bokar Sangaré, journaliste et chercheur ; Madina Thiam, historienne ; Aboubacar Ibrahim, journaliste ; Mohamed Maïga, ingénieur social et consultant sur les questions territoriales ; Alhoudourou Maïga, journaliste et analyste sur les questions de sécurité au Sahel ; Boubacar Salif Traoré, consultant, directeur d’Afriglob ; Yvan Guichaoua, chercheur ; Fatouma Harber, militante ; Dougoukolo Alpha Oumar Ba-Konaré, psychologue ; Ismaïla Samba Traoré, écrivain et éditeur ; Fatoumata Keïta, écrivaine ; Mahamadou Cissé, politologue ; Benbere, plate-forme de blogueurs maliens.
IRON BIBY, COLOSSE SANS COMPLEXE
Ce Burkinabé de 27 ans est devenu champion du monde de « log lift » en soulevant une charge de 220 kilos - Rencontre chez lui, à Bobo-Dioulasso
Le Monde Afrique |
Sophie Douce |
Publication 28/05/2019
Un mètre 90, 183 kilos, 66 centimètres de tour de bras… Iron Biby est un géant. Dans la cour de sa maison de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, s’entassent pierres d’Atlas, troncs d’arbres et pneus de tracteurs, à côté d’une dizaine d’haltères et de bancs de musculation.
« Vous voyez ça ? C’est un eucalyptus que j’ai transformé en “log press”, explique-t-il en montrant une bûche de 200 kilos. Il faut plus de dix personnes normalement pour le soulever. » Mais pour Iron Biby l’haltérophile, deux biceps suffisent. Il est l’un des hommes les plus forts du monde. « Je peux y ajouter des poids de cinq à dix kilos, il n’y a pas de limite tant que ça passe ! », crâne-t-il, son visage juvénile s’illuminant d’un large sourire.
A 27 ans, le Burkinabé a réussi un exploit le 6 avril à Leeds, en Angleterre : il a été sacré champion du monde de log lift en soulevant une charge de 220 kilos au-dessus de ses épaules. Depuis, Iron Biby, premier Africain à avoir remporté ce titre, fait figure de fierté nationale au Burkina.
Premier Burkinabé dans le Guinness Book
Longtemps, pourtant, Cheick Ahmed Al-Hassan Sanou – son vrai nom – a souffert de ne pas être un petit garçon « normal ». Complexé par sa corpulence, il subit les moqueries de ses camarades de classe. « Trop gros », « trop lent », lui répète-t-on. « J’ai toujours fait beaucoup de sport et j’ai essayé de nombreux régimes, mais rien ne marchait », raconte ce passionné de basket-ball et de football américain. Il rêve d’être un grand athlète et d’intégrer la NBA, mais son poids l’entrave.
Ce timide fils de directeur d’école « encaisse » jusqu’à ce jour où, à 9 ans, il ne peut s’empêcher de repousser un mauvais plaisantin, de cinq ans son aîné. « C’est la seule fois. Je n’ai jamais été violent, mon père m’a toujours appris à respecter mon prochain », regrette-t-il encore. Mais ce banal accident de cour d’école provoque chez lui un déclic. Ce corps qu’il a tant de mal à aimer va devenir sa « force », réalise-t-il.
A 17 ans, Cheick Ahmed Al-Hassan Sanou part étudier au Canada, où il obtiendra un master en administration des affaires. « J’ai commencé à m’entraîner à la salle de gym entre les cours, mais au lieu de maigrir je devenais chaque jour plus fort », se rappelle celui qui travaillait comme vigile de casino, la nuit, pour payer son logement.
En 2013, on lui parle du « powerlifting » (force athlétique, en français), un sport qui consiste à soulever et déplacer des charges très lourdes. Il n’en a jamais entendu parler mais il se lance et, très vite, le Burkinabé gagne ses premières compétitions. L’année suivante, il se qualifie déjà au niveau mondial. « Tout le monde était impressionné, je voulais être le meilleur », confie l’autodidacte. Repousser ses limites devient une passion, tirer des camions et soulever des roches, un « hobby ».
Iron Biby sera le premier Burkinabé à figurer dans le Guinness Book des records, en 2018 d’abord puis en 2019, en soulevant 82 fois une personne de 60 kilos en une minute. « Une fierté pour mon pays », glisse-t-il, modeste.
Tirer un avion de la compagnie nationale
Dans la maison de la famille Sanou, les trophées et les médailles encombrent désormais les étagères et les murs du salon. Assis sur le canapé, le père les regarde avec une pointe d’émotion. « Biby n’était pas un bébé comme les autres. Nous l’avons toujours encouragé à croire en ses rêves, mais on ne s’attendait pas à ce qu’il aille si loin. Je suis fier », commente Lancina Sanou, encore surpris par la célébrité fulgurante de son fils.
Du tarmac de l’aéroport de Ouagadougou, où il a été accueilli en héros par une foule de fans à son retour d’Angleterre, jusque dans les rues de Bobo-Dioulasso, difficile désormais de passer incognito. « Iron Biby, un selfie ! », l’acclament des passants en le voyant circuler au volant de sa voiture de sport bleue. « Dès que je mets un pied dehors, on me reconnaît, explique-t-il, gêné. Alors je préfère rester travailler à la maison et mener ma petite vie tranquille. »
Quand il ne s’entraîne pas, il aide à gérer l’administration des trois écoles du « papa » à la retraite, lui « donne un coup de main » sur ses chantiers ou construit de nouveaux appareils de musculation. « Il y a toujours quelque chose à faire. Je viens d’une famille aisée, mais on m’a appris à travailler très dur. Je ne crois pas au divertissement, chaque jour j’essaie d’être meilleur que la veille », prêche-t-il.
Iron Biby, qui laisse toujours sa porte « ouverte aux enfants du quartier », espère devenir un modèle pour la jeunesse de son pays. « Ils passent souvent me demander des conseils ou essayer les machines. Je les encourage à être fiers de leur corps et de leurs différences », explique-t-il. Son prochain projet : ouvrir un centre sportif à Bobo-Dioulasso. « Il y a plein de talents ici, mais ils sont délaissés et s’éteignent. Je veux les réveiller. A leur tour de me dépasser ! »
En attendant, Iron Biby continue de s’entraîner dur, trois à quatre heures par jour, sous un soleil de plomb. Son secret, un régime de champion : au moins cinq repas par jour et jusqu’à huit « poulets bicyclettes » en phase de préparation. Il a promis à son public de battre son propre record cette année en soulevant 230 kilos au log lift– une charge encore jamais soulevée. Et « l’homme de fer », comme certains le surnomment, ne compte pas s’arrêter là. Son rêve : tirer un avion de la compagnie nationale Air Burkina. Pour l’exploit, bien sûr, mais surtout « pour faire plaisir aux Burkinabés et mettre un peu d’extraordinaire dans leur quotidien », ajoute en riant celui qui se verrait bien jouer dans des films d’action.