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23 juillet 2025
MACKY SALL NOMME EVA MARIE COLL SECK
C’est au tour de Eva Marie Coll Seck de présider le Comité national de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (Itie). Ainsi en a décidé, par décret, le Président de la République.
Après Ismaïla Madior Fall, ancien Garde des Sceaux, devenu ministre d’Etat auprès du Président de la République, et Mankeur Ndiaye, ancien ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, nommé récemment Représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu pour la République centrafricaine, c’est au tour de Eva Marie Coll Seck de présider le Comité national de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (Itie). Ainsi en a décidé, par décret, le Président de la République.
Le Président de la République vient de pourvoir au remplacement de l’ancien ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, qu’il avait nommé, en septembre 2017, à la tête du Comité national de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (Itie). En effet, depuis le 09 février dernier, le Secrétaire général de l’Onu, António Guterres, a nommé Mankeur Ndiaye Représentant spécial pour la République centrafricaine et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (Minusca). Et c’est sur Eva Marie Coll Seck que Macky Sall a jeté son dévolu. Ministre de la Santé cinq ans durant, de 2012 au terme des Législatives de juillet 2017, elle était devenue depuis ministre d’Etat auprès du Président de la République. Une fonction qui a cessé depuis le 05 avril dernier, lorsque Macky Sall a dissous tout son Cabinet. Aujourd’hui, alors que le Sénégal est entré dans l’ère du pétrole et du gaz avec d’importants gisements qui seront très bientôt exploités, Eva Marie Coll Seck se retrouve aux commandes d’un organisme très important. L’Itie qui a été lancée il y a quinzaine d’années à l’initiative de l’Angleterre, repose sur une déclaration de principes d’une cinquante de pays ayant des industries extractives dont le but est de favoriser plus de transparence sur les paiements et revenus du secteur à travers la publication de leurs montants exacts sous une forme complète et compréhensible. Un exercice auquel le Sénégal s’est livré avec brio, pour être classé, l’année dernière, aux rangs de premier pays africain, et de quatrième au niveau mondial à satisfaire la norme dans les industries extractives.
Une femme brillante aux états de service exceptionnels
A la tête du Comité national de l’Itie, qui regroupe l’Etat, des entreprises, des investisseurs et la Société civile, Eva Marie Coll serat-elle à la hauteur des bilans de ses prédécesseurs, Ismaïla Madior Fall et Mankeur Ndiaye ? Son pedigree et ses états de service fondent à répondre par l’affirmative. Soixante-huit (68) ans, mariée et mère de quatre enfants, Eva Marie Coll Seck est l’un des médecins sénégalais les plus réputés, qui a à son actif une carrière internationale des plus reluisantes. Infectiologue, cette ancienne sociétaire de l’équipe de basket-ball de la Jeanne d’Arc de Dakar, fut en effet, en 1984, à 33 ans, la première femme agrégée de médecine au Sénégal. Deux ans plus tard, elle enregistre une autre performance singulière : elle diagnostique, en 1986, le premier cas de sida, au Sénégal. Cependant, les études et la recherche, pour ne pas dire les nombreuses formations en méthodologie et pédagogie qu’elle enchaîne, ne l’éloignent pas d’un autre terrain de prédilection, le syndicalisme, pas éloigné de la politique : elle est membre fondateur du Syndicat unique des travailleurs de la santé et de l'action sociale (Sutsas).
En 1989, elle est nommée professeur titulaire de la chaire de maladies infectieuses à l’université de Dakar et chef du service des maladies infectieuses au centre hospitalier universitaire de Fann (Dakar). Ensuite, s’ouvre pour elle une brillante carrière internationale qui culminera avec sa nomination, en 2004, comme Directrice exécutive du Partenariat «Roll Back Malaria» (Faire reculer le paludisme). Organisme créé par l’Organisation mondiale de la santé (Oms), le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), l’Unicef et la Banque mondiale (Bm), aux commandes duquel elle restera jusqu’en 2012.
Entretemps, à la faveur de la première alternance politique au Sénégal, elle est rappelée pour devenir ministre de la Santé (2001- 2003). Très vite déçue par le Président Wade qu’elle accuse, début 2012, dans les colonnes de Walf, d’avoir trahi «le nouveau souffle du 19 mars 2000 qui fut une des plus grandes réussites démocratiques en Afrique noire», indexant «la corruption et l'impunité qui sont devenues la règle» et «une menace plus vicieuse qui nous guette, à savoir la candidature illégale pour un troisième mandat avec comme seul dessein inavoué une dévolution dynastique du pouvoir», Eva Marie Coll s’était rapprochée de Macky Sall. Ce dernier élu en mars 2012, la ramène à la tête du ministère de la Santé qu’elle quittera cinq ans plus tard, au terme des Législatives de 2017, pour devenir ministre d’Etat auprès du Président de la République.
«LA MODERNISATION DU SITE VA SE POURSUIVRE»
Le chef de l’Etat, Macky Sall, a réaffirmé, hier, son «intention de continuer la modernisation du site du daaka» et de faire en sorte que les «besoins des pèlerins soient satisfaits au maximum».
La retraite spirituelle de Médina Gounass a eu un invité de marque hier, en la personne du chef de l’Etat Macky Sall. Ce dernier a, à la veille de la clôture des 10 jours du Daaka, demandé aux figures religieuses de «poursuivre les prières pour la paix, la prospérité» et un bon hivernage et réitéré son intention de poursuivre la modernisation du site de la retraite spirituelle.
Le chef de l’Etat, Macky Sall, a réaffirmé, hier, son «intention de continuer la modernisation du site du daaka» et de faire en sorte que les «besoins des pèlerins soient satisfaits au maximum». Il a demandé aux guides religieux et à la communauté de fidèles de poursuivre les prières pour la paix, la prospérité, la sécurité des populations et un hivernage pluvieux. Le Président de la République, à la tête d’une forte délégation gouvernementale, a exprimé son bonheur de communier avec les pèlerins du Daaka de Médina Gounass, louant Dieu de lui avoir permis de «vivre cette édition, ces instants présents dans la ferveur religieuse». Il a dit, dès le début de son propos, avoir «le cœur apaisé et très heureux de retrouver le site et les pèlerins». «Je suis venu, l’année dernière, solliciter vos prières et votre aide. Qu’Allah soit loué, vos prières ont été entendues et exaucées», a-t-il souligné à l’attention du Khalife Amadou Tidiane Bâ, faisant allusion à l’élection présidentielle.
Le Président a salué les figures et familles religieuses qui perpétuent la tradition de la retraite spirituelle : celles d’El Hadji Mamadou Seydou Bâ, d’El Hadji Aly Thiam, de Thierno Barro et de Thierno Hamet Baba Talla. Il a remercié l’initiateur du Daaka pour cette «belle œuvre» qui, au fil des ans, «attire des fidèles et révèle une véritable dimension religieuse». Il a aussi salué les pèlerins, toutes origines confondues, insistant particulièrement sur ceux qui sont venus de la Gambie, de la République de Guinée, de la Guinée-Bissau, du Mali et de la Mauritanie. Le Khalife de Gounass, Thierno Amadou Tidiane Bâ, s’est réjoui de la présence de cet hôte de marque et de sa délégation. Il a rendu grâce à Dieu et l’a imploré en ces termes : «Qu’Allah guide le Président de la République et le protège pour tous les actes qu’il continue d’accomplir pour les fidèles et pour le Daaka. Ses actions sont, du reste, très visibles». Il n’a pas manqué d’inviter les chauffeurs à la prudence et de prier pour que les pèlerins «rentrent et retrouvent leurs familles en paix». Thierno Ibnou Bâ, frère du Khalife qui fait office d’Imam, a, sur instruction de celui-ci, prié pour «l’unité du pays et pour le Président afin qu’il remplisse sa mission dans les meilleures conditions et pour le bien-être collectif».
Abdoul Aziz Bâ, autre jeune frère du Khalife, avait salué la création d’une usine de fabrique de glace sur instruction du Président, sans omettre de lui faire part des «problèmes d’approvisionnement en eau à Médina Gounass où les populations de certains quartiers vivent le calvaire douze mois sur douze». La délégation gouvernementale comprenait les ministres des Forces armées, Me Sidiki Kaba, de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, des Finances et du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo, de la Justice, Me Malick Sall, de l’Economie, du Plan et de la Coopération, Amadou Hott, de l’Agriculture, Moussa Baldé et de l’Education nationale, Mamadou Talla.
PAR RÉMI CARAYOL
L’ARMEE MALIENNE À L’ÉPREUVE DU FEU
Alors que « l’horizon 2019 » est bientôt atteint, force est de constater que les objectifs recherchés, tant en matière d’efficacité opérationnelle que de respect des droits humains, sont loin d’avoir été accomplis
L’agence française de développement a annulé la publication d’un dossier sur le Mali qui devait paraître dans sa revue Afrique contemporaine. En cause, des articles qui ont déplu, mettant à mal la stratégie de la France ou les autorités du Mali. Mediapart publie l’un d’eux, consacré aux accusations visant l’armée malienne.
La polémique a éclaté fin mars. Elle a pour origine la démission de Marc-Antoine Pérouse de Montclos, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), de ses fonctions de rédacteur en chef d’Afrique contemporaine, une revue trimestrielle éditée par l’Agence française de développement (AFD). En cause : l’AFD a refusé la publication d’un dossier consacré au Mali.
Pourtant, les articles de ce numéro spécial, « écrits par des chercheurs réputés, qui connaissent le terrain et écrivent depuis longtemps sur le Mali et l’Afrique, avaient été acceptés et approuvés par le comité de rédaction de la revue », indique Bruno Charbonneau, qui a dirigé ce travail (et qui est lui-même professeur d’études internationales au collège militaire royal de Saint-Jean au Québec).
L’un des textes du dossier, détaille-t-il, analyse les faiblesses de l’approche militaire du contre-terrorisme actuellement privilégiée par les puissances occidentales. Il montre « comment cette approche qui l’emporte sur tout peut être contre-productive et être elle-même génératrice de violences ». Un autre évoque « l’impunité générale et généralisée dont jouissent des représentants de l’État malien dans la mesure où leurs actions illégales, criminelles et autres ne sont pas ou que rarement punis ».
Il semble que ce sont ces deux articles qui ont posé problème à l’AFD, laquelle édite la revue mais la dirige aussi, puisque le directeur de la rédaction, Thomas Melonio, est un de ses agents. Ce dernier est le directeur exécutif du département innovation, recherche et savoirs de l’AFD, et a été conseiller Afrique du président François Hollande, après avoir été délégué national responsable de l’Afrique au parti socialiste. Il était en poste à l’Élysée lors du lancement de l’opération militaire française Serval au Mali, en 2013.
Auteur de l’article consacré aux défaillances de l’armée malienne, le journaliste indépendant Rémi Carayol a confié à Mediapart l’intégralité de son texte, que nous publions ici avec son autorisation.
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Sept ans après sa déroute dans le nord du Mali face aux combattants du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), l’armée malienne se reconstruit difficilement. Les résultats des importants moyens mis en œuvre pour lui permettre d’assumer ses missions sont pour l’heure peu probants. Il est vrai qu’elle revient de loin. En 2012, ses défaites successives dans le septentrion avaient révélé d’importantes faiblesses structurelles : manque de moyens matériels, déficit de cohésion au sein des différents corps, mauvaise gestion des ressources humaines, pratiques clientélistes, commandement défaillant, patriotisme à géométrie variable des soldats…
Très vite après la perte d’une partie du territoire national, les partenaires du Mali ont entrepris d’aider les autorités à reconstruire une armée digne de ce nom. Il s’agissait alors de lui permettre, avec le soutien d’une force onusienne, la Mission internationale de soutien au Mali (Misma), de reconquérir au plus vite les régions tombées sous le joug des groupes armés djihadistes, lesquels avaient profité de l’offensive du MNLA pour prendre le contrôle des principales villes du nord. Cette mission a finalement été accomplie par l’armée française, avec l’appui des armées africaines, après le déclenchement de l’opération Serval en janvier 2013.
Lancée dans la foulée de l’intervention française, en février 2013, la mission de formation de l’Union européenne au Mali1 avait pour fonction initiale de former quatre Groupements tactiques interarmes (GTIA), soit un total de 2 600 hommes, destinés à se battre dans le nord. Prolongée à trois reprises en 2014, 2016 et 2018, cette mission en a formé bien plus : environ 12 500 soldats maliens ont officiellement suivi des cours et des entraînements dans le centre de Koulikoro, où sont basés les instructeurs européens. Prévue pour durer au minimum jusqu’en mai 2020, cette mission a pour l’heure coûté près de 133 millions d’euros2.
L’EUTM a pour mandat de fournir des conseils en matière militaire et de contribuer à rétablir les capacités opérationnelles des Forces armées maliennes (Fama). L’instruction des militaires maliens comporte plusieurs volets, dont une formation en matière de droit international humanitaire, de protection des civils et de droits de l’homme. Depuis sa création, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), qui a succédé à la Misma, a elle aussi prodigué des formations en matière de droits humains aux soldats maliens. La France et les États-Unis mènent de leur côté des programmes de formation destinés aux armées de la sous-région, dont celle du Mali.
Parallèlement à ces initiatives financées par les partenaires du Mali, le gouvernement malien a fait voter une loi d’orientation et de programmation militaire ambitieuse en mars 2015, dont l’objectif était « de se doter à l’horizon 2019 d’une organisation et d’un plan d’équipements, de disposer d’un outil de défense adapté aux besoins de sécurité, et capable en toutes circonstances de défendre l’intégrité du territoire national tout en contribuant à la consolidation de la démocratie ».
D’un coût total estimé à plus de 1 230 milliards de francs CFA (près de 1,9 milliard d’euros) sur une période de cinq ans, ce qui représente un effort colossal pour l’État malien, cette loi visait notamment à recruter près de 10 000 hommes, afin de porter les effectifs des forces de sécurité à 20 000 éléments, et à acquérir du matériel de guerre.
Alors que « l’horizon 2019 » est bientôt atteint, force est de constater que les objectifs recherchés, tant en matière d’efficacité opérationnelle que de respect des droits humains, sont loin d’avoir été accomplis. Plus que la guerre dans le nord, le conflit multiforme qui secoue le centre du Mali illustre cet échec relatif.
Si les Fama ont participé à la reconquête du nord, elles ne sont intervenues qu’en second rideau, une fois que les djihadistes avaient été chassés du terrain par les troupes françaises et africaines. Les soldats maliens ont très vite été amenés à reprendre leurs positions dans les villes de Tombouctou et de Gao, mais ils n’ont pas été en mesure de s’installer durablement plus au nord, notamment dans la ville de Kidal. Aujourd’hui encore, l’armée malienne est relativement peu présente dans les zones jadis occupées par les djihadistes. La plupart du temps cantonnée dans ses bases, elle ne sort que rarement des centres urbains. Son rôle est en outre dilué du fait de la multiplication des acteurs armés.
L’armée française poursuit ses manœuvres dans le cadre de l’opération Barkhane (4 500 hommes), qui a succédé à l’opération Serval en 2014, et dont la base principale se situe à Gao4. Elle se concentre sur les dirigeants des groupes terroristes, qu’elle traque dans l’ensemble de la sous-région avec une totale liberté d’action.
La Minusma, qui dispose de plus de 12 000 soldats, est également présente sur l’ensemble du territoire septentrional (à Tombouctou, Gao, Tessalit, Aguelhok, Kidal, Goundam, Ber, Gossi, Ansongo et Menaka), ainsi que dans le centre (à Douentza, Sévaré et Diabaly). Si les Casques bleus sortent peu de leurs bases, au grand dam des populations, ils constituent une force non négligeable dans ces villes.
Enfin, les groupes armés signataires de l’accord de paix issu du processus d’Alger, membres de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui réunit d’anciens rebelles, ou de la Plateforme, dans laquelle se retrouvent des groupes qualifiés (parfois à tort) de loyalistes à l’égard de Bamako, jouent eux aussi un rôle dans la sécurisation du territoire. Le MNLA, le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) ou encore le Groupe autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia) assurent le contrôle de certaines zones rurales d’où sont absentes les Fama, en lien parfois avec les forces française et onusienne.
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1 European Union Training Mission (EUTM)
2 Le budget de l’EUTM Mali n’a cessé d’augmenter au fil des ans : 12,3 millions d’euros en 2013, 27,7 millions en 2014-2016, 33,4 millions en 2016-2018 et 59,7 millions pour la période 2018-2020. Cette dernière hausse spectaculaire s’explique par une extension du mandat de l’EUTM, qui, désormais, forme également des éléments de la Force conjointe du G5-Sahel. Source : EUTM Mali.
3 427,59 milliards FCFA pour les investissements ; 442,57 milliards CFA pour le fonctionnement ; et 360,38 milliards CFA pour le personnel.
4 Le quartier général de l’opération est basé à N’Djamena (Tchad).
Le centre du Mali, foyer des violences
Dans le centre du pays, par contre, les Fama sont en première ligne, et ont même longtemps été un peu seules. Cette zone, qui englobe la région de Mopti et une partie de la région de Ségou, est aujourd’hui considérée comme l’épicentre des violences au Mali, et est désormais perçue à New York, au siège des Nations unies, comme l’enjeu principal du moment. 40 à 50 % des violences recensées dans le pays en 2018 l’ont été dans ces deux régions.
Selon un décompte de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et de l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH), environ 1 200 personnes y ont été tuées ces deux dernières années, dont au moins 500 entre les mois de janvier et août 20185. Or l’armée malienne n’est pas étrangère à un tel bilan.
En 2012, le centre du Mali, zone géographique relativement vague, marquait la séparation entre le nord, placé sous le joug des djihadistes, et le sud, administré par l’État. Ses habitants n’ont pas été exposés aux violences au même degré que ceux du nord, mais ils en ont subi les conséquences de manière plus ou moins directe : désertion des représentants de l’État, y compris des militaires dans certaines zones, multiplication des actes de banditisme, détérioration de la situation économique…
En 2013, dans la foulée des troupes françaises et africaines, les Fama ont réinvesti la zone. Alors que les Français, dont les objectifs se situaient plus au nord, ne faisaient qu’y passer, et que la Minusma s’y implantait timidement, l’armée malienne, elle, y a repris ses positions. Cette reconquête s’est accompagnée d’exactions contre les populations locales, et plus particulièrement les Peuls, victimes d’amalgames en raison du ralliement de certains d’entre eux aux groupes djihadistes, souvent pour des raisons autres que religieuses 6.
Plusieurs dizaines de personnes ont été exécutées et jetées dans des puits par des soldats maliens à Sévaré7. Des cas de tortures ont également été mentionnés8. De nombreuses personnes ont en outre été portées disparues après avoir été arrêtées par l’armée malienne 9.
Ce retour « musclé » n’a pas permis pour autant de restaurer la sécurité, et encore moins la confiance entre les populations et l’armée. Outre les violences attribuées aux soldats maliens, des tueries (impunies jusqu’à présent) ont aussi été commises par des bandits armés10, et les pillages n’ont pas cessé.
« Une fois que les Fama sont revenues, les vols de bétail se sont multipliés, précise un élu local de la commune de Nampala. Les gens sont allés voir les militaires pour leur demander de sécuriser les déplacements des troupeaux, mais ils n’ont rien obtenu. Certains se sont alors tournés vers les groupes armés ou ont décidé de s’armer eux-mêmes. » 11
C’est dans ce contexte de méfiance à l’égard des représentants de la force publique et de violences diffuses qu’est apparu début 2015 un nouveau mouvement djihadiste : la katiba Macina, affiliée au groupe dirigé par Iyad Ag-Ghaly, Ansar Eddine. Sa première attaque a eu lieu à Nampala, deux ans presque jour pour jour après la bataille de Konna, qui avait vu l’armée française entrer en action.
Le 5 janvier 2015, plusieurs dizaines d’hommes armés lancent l’assaut sur le camp de l’armée malienne, puis investissent la ville et y font flotter leur drapeau noir pendant quelques heures, avant de se replier vers leur base. Depuis lors, les membres de cette katiba n’ont cessé d’étendre leur zone d’influence. Ils ont multiplié les attaques contre l’armée malienne et la Minusma, tuant des dizaines de soldats maliens et onusiens. La plupart du temps, ils profitent du passage d’un convoi pour lancer l’assaut12. Ils attaquent également des bases militaires ou des barrages de la gendarmerie à l’entrée des villes, et s’en prennent à des soldats isolés ou en permission.
Après avoir chassé l’armée malienne des zones les plus difficiles d’accès dès les premiers mois de l’année 2015, les « hommes de la brousse » (c’est ainsi que les habitants de la zone ont pris l’habitude de les dénommer) ont mené une stratégie d’exécutions ciblées et d’enlèvements contre des représentants de l’État, des chefs religieux, des notables locaux et des élus soupçonnés de s’opposer à leur projet ou de collaborer avec l’État.
Aujourd’hui, ils contrôlent une grande partie des zones rurales du centre du pays, où ils rendent justice, règlent les contentieux, imposent des règles de vie aux populations, gèrent l’accès aux ressources… Des centaines d’écoles publiques (dites « françaises ») ont été fermées, et parfois saccagées, ces dernières années13.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la facilité avec laquelle les djihadistes se sont implantés dans le centre, et ont parfois gagné les cœurs de ses habitants : un État perçu depuis longtemps comme prédateur, notamment en raison de la corruption de certains de ses agents ; une économie vacillante, qui a subi de plein fouet les sécheresses des années 1970 et que la guerre au nord a encore un peu plus affaiblie ; la récurrence des litiges liés à l’utilisation des ressources naturelles, qui aboutissent parfois à des conflits communautaires ; la prolifération des armes…
Mais si l’État a perdu le contrôle de pans entiers de cette zone, c’est aussi parce que l’armée malienne s’est jusqu’ici révélée incapable de faire face aux incursions djihadistes, et encore moins de gagner la confiance des populations. À Nampala, une semaine après l’attaque du 5 janvier 2015, un élu rapporte que « les [soldats des] Fama sont revenus. Ils ont dit que les Peuls étaient responsables. Ils ont arrêté des suspects, les ont tabassés. Certains ont été amenés à Bamako, et libérés après avoir dû verser de l’argent. Après ça, la population ne collaborait plus avec eux. » Les djihadistes en ont immédiatement profité : « Ils sont venus dans les villages et ont dit : “On ne vous demande rien, sauf de ne pas nous dénoncer.” Ils ont exécuté plusieurs informateurs de l’armée. »14
Passée cette première phase de repli début 2015, au cours de laquelle elles se sont réfugiées dans les camps situés dans les grands centres urbains, les Fama ont mené des opérations anti-terroristes d’envergure, mais souvent sans lendemain. « Ils venaient, ils passaient quelques heures dans le village, ils arrêtaient des gens, puis ils repartaient, et nous laissaient à la merci des groupes armés », explique un élu local du cercle de Tenenkou15.
International Crisis Group notait en 2016 que « ce type d’intervention vise à contenir l’expansion des groupes armés plutôt qu’à agir sur les sources de l’insécurité »16. L’opération Seno, lancée à l’automne 2015 dans le cercle de Bankass, a permis d’arrêter un certain nombre de suspects. Mais elle a également abouti à des arrestations violentes de personnes n’ayant rien à voir avec la katiba Macina, à des détentions arbitraires, parfois très longues, à des actes de torture17 et à des vexations, dont certaines, filmées et postées sur les réseaux sociaux, ont alimenté un sentiment victimaire chez nombre de Peuls.
Début 2018, sous l’impulsion du nouveau gouvernement dirigé par Soumeylou Boubèye Maïga, un « Plan de sécurisation intégré des régions du Centre » a été élaboré. Ce plan, toujours en vigueur, prévoit le renforcement du dispositif sécuritaire dans les régions de Mopti et Ségou, et des mesures en matière de gouvernance et de développement économique et social. Des aides d’urgence ont été annoncées par le premier ministre lors de divers déplacements sur le terrain. Des représentants de l’administration, dont des sous-préfets, ont repris possession de leur poste dans quelques villes secondaires.
Cependant, nombre de services publics sont toujours inaccessibles aux habitants des zones rurales, et l’État reste un mirage pour une grande partie d’entre eux. Au-delà des quelques promesses opportunément annoncées peu de temps avant l’élection présidentielle (à l’issue de laquelle le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, a été réélu), seul le volet militaire a été réellement mis en œuvre.
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5 « Dans le centre du Mali, les populations prises au piège du terrorisme et du contre-terrorisme », Rapport d’enquête n° 727 de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et de l’Association malienne des droits de l’homme, novembre 2018.
6 Sangare Boukary, « Le centre du Mali : épicentre du djihadisme ? », note d’analyse du GRIP, mai 2016.
10 Le 18 mars 2013 à Doungoura (cercle de Tenenkou), au moins 20 personnes, essentiellement des Peuls, ont été tuées et jetées dans un puits par des hommes armés apparentés au MNLA. D’autres exactions ont été rapportées les jours suivants dans la même zone. Sources : entretiens avec l’auteur, Bamako, avril 2016.
11 Entretien avec l’auteur, Bamako, mai 2018.
12 Le premier semestre de l’année 2017 a été particulièrement sanglant. Le 19 janvier 2017, la pose d’une mine, suivie d’une fusillade, aurait provoqué la mort d’au moins dix soldats maliens dans la zone de Diabaly. Le 5 mars, l’attaque d’une patrouille des Fama à Boulikessi a fait 11 morts et 5 blessés. Le 2 mai, une embuscade entre Nampala et Dogofri a tué neuf soldats et en a blessé cinq autres.
13 À la fin de l’année scolaire 2018, deux écoles sur trois de l’académie de Mopti étaient fermées. Source : ONU.
14 Entretien avec l’auteur, Bamako, mai 2018.
15 Entretien avec l’auteur, Bamako, mars 2018.
16 « Mali central, la fabrique d’une insurrection ? », International Crisis Group, Rapport Afrique n° 238, juillet 2016.
17 « Mali : Les abus s’étendent dans le sud du pays », rapport de Human Rights Watch, février 2016.
Des massacres laissés impunis
Dès le mois de janvier 2018, les Fama ont repris le contrôle des camps qu’elles avaient abandonnés trois ans plus tôt, et dans lesquels elles n’étaient revenues qu’occasionnellement. Elles ont en outre mené plusieurs opérations de lutte anti-terroriste, parfois sous commandement du G5-Sahel. Mais ce retour en force n’a pas permis de reprendre le contrôle des territoires perdus, qui restent encore aujourd’hui des zones de non-droit.
Les éléments de la katiba Macina l’ont bien compris : ils évitent soigneusement les patrouilles et se cachent dans leurs repères, souvent situés dans des forêts, jusqu’à ce que les militaires repartent. Le reste du temps, ce sont eux qui dictent leur loi aux habitants. Cette situation empêche ces derniers de collaborer avec les forces de sécurité.
Un sous-officier de l’armée malienne qui a mené plusieurs opérations en 2018 dans le centre du pays admet qu’il est compliqué de créer un lien avec les populations : « Quand on entre dans un village, on voit bien que les gens ont peur. Ils ne nous regardent même pas. Comme l’État n’est pas là la plupart du temps, ils doivent faire avec les djihadistes. Si on passe dans la journée, ils savent que le soir même les djihadistes viendront dans le village et attraperont ceux qui nous ont parlé . »18
Outre cette menace décrite comme omniprésente par les habitants, d’autres raisons sont avancées pour expliquer cette défiance. Des Peuls déplorent notamment l’absence de dialogue avec les militaires maliens. D’autres évoquent la réputation qui les précède. Les opérations de l’armée malienne ont en effet été marquées par de nombreux abus en matière de droits humains ces derniers mois : l’enquête de la FIDH et de l’AMDH a démontré que des unités de l’armée avaient exécuté au moins 67 personnes, des Peuls dans leur grande majorité, au cours de six opérations menées entre février et juillet 2018, la plupart dans le cadre de l’opération « Dambe »19.
D’une tuerie à l’autre, le scénario est sensiblement le même : une colonne de l’armée malienne installe un camp provisoire pendant quelques jours dans une zone considérée comme étant « infestée » de djihadistes ; elle procède à des arrestations sur la base de dénonciations villageoises ou du simple fait de l’appartenance à la communauté peule ; certaines des personnes arrêtées sont passées à tabac avant d’être libérées ou envoyées à Bamako, d’autres sont exécutées et enterrées dans une fosse commune…
Le 21 février 2018 par exemple, dans les environs de Sokolo, les Forces armées maliennes patrouillent dans plusieurs villages et campements peuls. Elles y arrêtent neuf personnes : sept Peuls et deux Bambaras, qui sont relâchés le soir même. Quelques jours après le départ des militaires, des villageois se rendent dans leur campement pour tenter de retrouver les disparus. Sur les lieux, ils trouvent ce qui pourrait être une fosse de 3 mètres sur 2,5 mètres. « Il y avait des petits trous dans la terre, et des traces de sang, comme quand on égorge un mouton », indique un témoin20.
Selon toute vraisemblance, les sept Peuls ont été exécutés et enterrés par des soldats maliens, sur les lieux mêmes où la colonne avait installé son camp provisoire, dans une forêt. Une enquête a été ouverte et très vite refermée. Elle n’a abouti à aucune arrestation21.
Les méthodes employées par les soldats maliens semblent relever de la politique de la terre brûlée. « On a parfois l’impression qu’ils arrêtent n’importe qui, du moment qu’il est peul, et qu’ils ont pour consigne d’en tuer un certain nombre pour effrayer les populations », souligne un observateur onusien déployé dans la région22.
Un officier de l’armée en poste à Bamako, loin du théâtre des opérations, pense pour sa part qu’au contraire, ces pratiques sont liées à l’absence de consignes de la part de la hiérarchie : « On envoie des jeunes éléments sur un terrain très difficile, sans consigne claire sur ce qu’il faut faire. Ils ne connaissent pas le contexte, ni parfois la langue des habitants, ils ont peur, ils sont nerveux, et donc parfois ils tirent dans le tas. »23
Il paraît cependant difficile d’expliquer certaines opérations autrement que par une volonté manifeste de terroriser les populations. Le 5 avril, les Fama ont arrêté 14 hommes dans le hameau de Nelbal, situé à une quinzaine de kilomètres de Dioura. Selon des témoins, les militaires ont encerclé le campement peul, ils ont rassemblé tous les habitants, hommes, femmes et enfants, ont bandé les yeux à tous les hommes valides et les ont emmenés avec eux24. Le lendemain, l’armée a publié un communiqué indiquant que 14 hommes, présentés comme de présumés terroristes, étaient morts en tentant de s’évader de la prison de Dioura25.
Deux mois plus tard, le 13 juin, les soldats maliens ont tué 25 hommes qu’ils avaient arrêtés dans les villages de Nantaka et Kobaka, situés tout près de Mopti, et les ont enterrés dans trois fosses communes à quelques kilomètres des deux villages. Dans un communiqué publié le 19 juin, le ministère de la défense a confirmé « l’existence de fosses communes impliquant certains personnels Fama dans des violations graves ayant occasionné mort d’hommes à Nantaka et Kobaka », et annoncé l’ouverture d’une enquête judiciaire26. Celle-ci n’a pour l’heure abouti à aucune arrestation ni à aucune sanction officielle.
D’autres massacres commis par les Fama paraissent pouvoir répondre d’un esprit de vengeance. Ce qui s’est passé à Boulikessi le 19 mai 2018 en fournit une illustration. En 2015, face à la menace des djihadistes, l’armée avait quitté le camp qui jouxte cette ville. Le 28 décembre 2017, un détachement de l’armée malienne, sous commandement du G5-Sahel, a réinvesti le camp. Quelques jours après son arrivée, un lieutenant a organisé une réunion avec les habitants, au cours de laquelle il aurait annoncé que si les militaires subissaient une attaque, ils s’en prendraient aux habitants. « Pour un mort de notre côté, on en tuera vingt de votre côté », aurait-il dit à plusieurs reprises, selon des notables locaux27.
Le 19 mai, jour de foire à Boulikessi, les militaires ont mis leur menace à exécution. Ce jour-là, un soldat qui patrouillait près du marché a été tué par un homme venu à moto et reparti aussitôt. Trente minutes plus tard, les militaires sont revenus en nombre. Ils ont tiré de manière indiscriminée sur les gens qui étaient restés sur les lieux, tuant dix hommes, puis ils sont allés chercher deux autres personnes dans la maison d’un commerçant, qu’ils ont exécutées sous les yeux du chef de village28.
À l’évidence, les formations en matière de droits humains promulguées par l’EUTM et la Minusma n’ont pas eu l’effet escompté. Quant aux efforts consentis par l’État malien pour renforcer l’armée, ils ne lui ont pas permis pour l’heure d’engranger les victoires. Certes, des caches de la katiba Macina ont été découvertes et des combattants ont été arrêtés ou parfois tués. Un important travail a également été mené au niveau du renseignement.
Mais la lutte anti-terroriste ne peut se résumer à ce seul tableau de chasse. Jusqu’à présent, les forces de sécurité se sont montrées incapables de protéger les civils, comme en témoigne ce chiffre de l’ONU : lors des seuls mois d’avril, mai et juin 2018, au moins 287 personnes ont été tuées dans le centre du pays29.
Les Fama n’ont pas été plus efficaces face aux différentes milices qui se sont constituées ces trois dernières années dans cette zone. Afin de remédier à l’absence de l’État, des mouvements armés dits « d’autodéfense » ont été créés de manière plus ou moins spontanée, sur la base de l’appartenance communautaire : dogon, peul, bambara. Mais ils ne protègent que leur propre communauté, et s’en prennent plus souvent aux civils issus de la communauté « concurrente » qu’aux combattants de la katiba Macina.
Ces milices ont commis de nombreux massacres en 2018, plus particulièrement à l’approche de la saison des pluies30. Elles ont incendié des villages et ont obligé des milliers de personnes à se déplacer. Certaines d’entre elles ont agi au nez et à la barbe des soldats maliens, et parfois avec le soutien de responsables politiques et militaires.
Il semble notamment que les Dozos (chasseurs traditionnels), qui jouent un rôle majeur dans les milices bambara et dogon, ont été dans un premier temps utilisés par les Fama comme éclaireurs ou informateurs, avant de participer plus activement aux combats. Or cette stratégie a d’ores et déjà montré ses limites : au fil du temps, ces groupes armés ont gagné en autonomie ; ils menacent désormais de s’en prendre à l’armée si elle se met en travers de leur route31 et mènent des expéditions meurtrières d’une ampleur inédite au Mali32.
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18 Entretien avec l’auteur, Ségou, mars 2018.
19 Rapport d’enquête n° 727 de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et de l’Association malienne des droits de l’homme, novembre 2018.
29 Rapport du Secrétaire général des Nations unies, S/2018/866, 25 septembre 2018.
30 « “Avant, nous étions des frères”. Exactions commises par des groupes d’autodéfense dans le centre du Mali », rapport de Human Rights Watch, décembre 2018.
32 Le 23 mars 2019, une attaque menée par des Dozos sur le village peul d’Ogossagou, dans le centre du Mali, a fait au moins 160 morts.
Par Ousmane SENE
PÉRENNISER DANS LE CŒUR DES SÉNÉGALAIS LE CULTE ET L'AMOUR DES COULEURS NATIONALES
Vert, jaune, rouge, une injonction permanente pour le don de soi sur un parcours de citoyen illuminé par les cinq branches scintillantes de l'amour de la Patrie.
Alors que le vert plante en nous l'espoir de lendemains nourriciers, le jaune du fruit mûr lui emboite le pas pour nous assurer cette nourriture à même de nous féconder de l'énergie, de la vigueur et de l'endurance au labeur qui, avec la sueur qui dégouline sur nos fronts, ne sont pas sans rappeler cet autre sacrifice, celui de la vie qui offre son sang pour l'inscription de notre pays le Sénégal sur les tablettes de l'éternité. Vert, jaune, rouge, une injonction permanente pour le don de soi sur un parcours de citoyen illuminé par les cinq branches scintillantes de l'amour de la Patrie. D’où le nom de ce projet : Civicus, un adjectif latin renvoyant à la fois à l’état de citoyen, aux obligations civiques du citoyen et aux affaires de la cité. Dès lors, il importe de cultiver la permanence du fanion tricolore dans la vie de tout un Sénégalais et à tout instant. Mais, force est de le reconnaître, notre tricolore est très peu présent dans notre vie de tous les jours. Chacun et chacune d'entre nous peuvent passer toute une journée sans l'apercevoir nulle part dans la capitale ou dans le village le plus enclavé du pays. A l’indépendance en 1960, quand le drapeau était levé, tout le monde s’arrêtait, y compris les véhicules. Les commerçants arboraient notre tricolore dans leurs boutiques et échoppes avant, pendant et après le 4 Avril et les drapeaux des écoles étaient d’une propreté immaculée. Il ne reste presque plus rien de ces bonnes habitudes et pratiques et il est arrivé même, il y a de cela quelques années dans la ville de Kébémer, que des hommes politiques mécontents en viennent à déchirer tout bonnement le drapeau symbole de notre existence commune.
Déchirer ou brûler le vert, jaune, rouge frappé de l’étoile verte, c’est réduire en cendres sa propre existence et se montrer indigne de responsabilités locales ou nationales
Il faut alors que mille drapeaux flottent et fleurissent partout au Sénégal pour que les koras soient pincées, les balafons frappés et que le lion rugisse dans sa majestueuse dignité. Or, nos rues sont nues, nos bâtiments administratifs nus, nos écoles nues, nos places publiques nues. Nulle part - ou presque - nous ne pouvons retrouver ce symbole de notre fierté et de nousmêmes : les représentations symboliques de notre patrie, il faut le dire et le reconnaître, sont chroniquement absentes de notre paysage de tous les jours. Cette situation fort regrettable jure d'avec l'ambition du président de la République de donner un coup de fouet au patriotisme et à l'engagement civique au Sénégal. Lui-même, tous les premiers lundis de chaque mois de l'année, ne sacrifie-t-il pas avec l'ensemble de son gouvernement à la cérémonie de levée des couleurs partout où il se trouve sur le territoire national? Ce rituel doit assurément faire tâche d'huile mais il doit aussi être accompagné par cette autre initiative devant assurer sur la durée l'omniprésence du drapeau national. Comparaison pourrait ne pas être raison, mais au sortir de certains aéroports dans certains pays (Turquie, Tunisie, Etats-Unis), la première chose qui frappe le visiteur est la multitude de drapeaux nationaux aux dimensions impressionnantes et à la propreté immaculée qui flottent allégrement au bout de mâts tout aussi bien astiqués. Le drapeau nous dit tout de suite dans quel pays nous sommes et nous donne aussi une certaine idée du patriotisme ambiant. Le vert jaune rouge, frappé de l'étoile verte à cinq branches, doit être manifeste partout dans le pays de la Téranga.
II - Premiers sites porteurs de l'étendard national à Dakar et environs
A Dakar, outre le palais présidentiel, les ministères et autres bâtiments administratifs, certains lieux publics devraient très rapidement changer de visage par la visibilité des couleurs nationales :
1 - L'Aéroport international Léopold Sédar Senghor : ce site ne porte pratiquement le drapeau que lorsque des chefs d'Etat sont attendus à Dakar pour des visites officielles ou des conférences internationales. Or, c'est la première porte d'accès sur le territoire national. Autant que l'éclairage très vif que l'on y note une fois la nuit tombée, les couleurs nationales devraient aussi y être très visibles en plusieurs points névralgiques.
2 - Le Monument de la Renaissance africaine : situé en hauteur, ce site devrait se particulariser par la présence des couleurs nationales qui devraient y être visibles de partout dans la capitale sénégalaise. De la même façon, ce monument, qui célèbre l'ensemble du continent africain, devrait voir se déployer en bien des endroits sur son périmètre les fanions des différents pays africains ainsi que les drapeaux de l'Union africaine et de la Cedeao à côté du symbole national de la République du Sénégal.
3 - La Place de l'Obélisque et la Place de l'Indépendance : en ces deux lieux emblématiques de l'indépendance nationale, l'omniprésence du drapeau devrait être de règle. « A nos Morts, la Patrie Reconnaissante. » Le premier symbole auquel tout soldat s'attache et auquel tout soldat est prêt à sacrifier sa vie, c'est le drapeau national. Sur ces deux lieux, la montée et la descente des couleurs nationales, avec arrêt complet du trafic, devraient être de rigueur tous les jours ouvrables.
4 - Tous les autres lieux publics de la capitale sénégalaise et de ses extensions devraient faire flotter le drapeau.
III - Dans le reste du pays
Le bon citoyen se pétrit dès le jeune âge avec, en particulier, une mémorisation parfaite de l'hymne national, l'apprentissage du salut à la montée et à la descente des couleurs nationales et l'inoculation de bonnes habitudes civiques : enlèvement des ordures, discipline, respect du bien public etc. En conséquence, tous les lieux d'apprentissage et d'éducation - garderies d'enfants, écoles primaires, collèges, lycées, universités etc…- devraient arborer le drapeau et veiller à son respect en tout temps. Il devrait en être de même au niveau des gouvernances, des préfectures, sous-préfectures, hôpitaux, centres et cases de santé, services administratifs régionaux, stades régionaux et municipaux etc.
IV - Autres symboles africains qui devraient être rendus visibles
L'Union africaine et la Cedeao ont des drapeaux et des hymnes...que presque personne ne connait au moment même où les gouvernements et la société civile africaine parlent de plus en plus d'intégration sous-régionale et régionale. Il ne serait peut-être pas une mauvaise idée que dans tous les palais présidentiels de la Cedeao, le fanion de cette organisation sous-régionale soit visible à côté des symboles du pays concerné dans le bureau du président autant que dans les différents ministères. Il devrait aussi en être de même pour le drapeau de l'Union africaine au moment même où les hymnes de ces deux institutions sous-régionale et régionale devraient être mémorisés par tous les jeunes apprenants des pays membres. Nous ne sommes pas obligés de reprendre des modèles venus d’ailleurs, mais les bonnes pratiques le sont habituellement par tout le monde. A cet égard, le drapeau de l’Union européenne est visible partout en Europe. Pourquoi celui de la Cedeao et celui de l’Union africaine restent invisibles ?
Le drapeau national, c'est notre âme. Le planter et l'arroser de notre respect et de notre amour, c'est faire preuve du devoir et de l'engagement civiques garants d'un Sénégal éternel !
SIBETH NDIAYE, GRANDE GUEULE, GRANDE MUETTE
Elle était cerbère de la communication élyséenne, elle est désormais porte-parole du gouvernement - Son défi : dépasser les réserves des journalistes avec qui elle a entretenu des relations tumultueuses ces deux dernières années
Les Échos |
Elsa Freyssenet |
Publication 15/04/2019
Il faut imaginer la scène dans la salle des fêtes rénovée du palais de l'Elysée. Dix-sept conseillers démissionnaires écoutent le chef de l'Etat leur rendre hommage devant leurs familles. Une page se tourne et Emmanuel Macron « n'aime pas quand les gens partent ». L'existence de cette cérémonie, au soir du 8 avril, a été révélée par « Le Parisien ». Mais pas les mots que le président a réservés à Sibeth Ndiaye, son ancienne conseillère presse et communication récemment nommée porte-parole du gouvernement . « Tu devais retenir les informations et entretenir le mystère, maintenant il va te falloir petit-déjeuner, déjeuner et dîner avec les journalistes , » a-t-il dit, selon plusieurs témoins. A l'évocation de ses relations tumultueuses avec les médias, peut-être Sibeth Ndiaye a-t-elle ri (c'est ce qu'elle fait lorsqu'un interlocuteur touche juste). Elle était cerbère de la Macronie, elle doit devenir un porte-voix pédagogue. Emmanuel Macron aime lancer des défis à ses collaborateurs.
« Porte-parole du gouvernement, c'est un boulot de chien, » nous disait-elle fin janvier. Deux mois et demi plus tard, elle n'a pas changé d'avis : « En ce moment, j'ai l'impression de repasser mon BAC. J'apprends des fiches et des fiches. » Bosser les dossiers et manier les éléments de langage, elle sait faire… Mais à trente-neuf ans, l'ancienne conseillère ne passe pas seulement de l'ombre à la lumière. Elle va devoir incarner de la façon la plus avenante possible pour les Français un pouvoir, longtemps jugé arrogant, qui espère rebondir avec la sortie du grand débat national. Elle parle simplement, elle sait avoir l'oeil rieur et le sourire désarmant… « Il faut un porte-parole rond et enveloppant, pas exclusivement dans la riposte , » lui a conseillé Edouard Philippe. « Les gens ont besoin de générosité et de proximité, » lui a glissé Emmanuel Macron.
Cette promotion à ce poste exposé - « on est une cible, » dit-elle - a été la surprise du dernier remaniement. Elle était donnée partante depuis trois mois, dans le sillage d'Ismaël Emelien et de Sylvain Fort, les deux autres conseillers pilotant la communication de l'Elysée, et la voilà en première ligne. Cette « remontada » traduit à la fois un caractère - « Sibeth, c'est une warrior, » glisse Stanislas Guerini, le délégué général de LREM - et trois mois d'hésitation de la part du chef de l'Etat.
Macron y avait songé en 2017
L'idée n'a pourtant pas surgi à la dernière minute : en 2017 déjà, Emmanuel Macron avait songé à la nommer porte-parole de l'Elysée car il avait été « marqué », dixit un proche, par la manière dont elle « crevait l'écran ». Puis, au début de l'année 2019, il a envoyé un émissaire la sonder sur le porte-parolat du gouvernement. Elle n'avait pas répondu, elle voulait rester à l'Elysée pour s'occuper de stratégie.
Si bien que le jeudi 28 mars - soit trois jours avant le remaniement - le chef de l'Etat hésitait encore entre la confirmer dans ses fonctions auprès de lui ou en faire une secrétaire d'Etat. Il a tranché entre le vendredi et le samedi, en fonction des équilibres à respecter dans le gouvernement. « En une nomination, il a résolu trois problèmes : la parité, la diversité et sa communication, » résume un membre du premier cercle. Voilà pour la version terre à terre.
Il y aurait aussi une dimension affective : « A l'Elysée, elle était en bout de course, mais le président voulait montrer que ceux qui l'ont aidé peuvent rebondir, » dit un autre. Plus globalement, Emmanuel Macron a allié son confort (en l'occurrence la maîtrise de la communication gouvernementale via une fidèle) et son goût du symbole. Formulé par lui en privé, cela ressemble à un mea culpa : « Dans les deux premières années, j'ai insuffisamment réussi à changer le profil des gens lors des nominations, on a beaucoup reproduit les parcours classiques, plutôt masculins et issus des grands corps de l'Etat. »
« On s'est embourgeoisé, » a-t-il aussi regretté auprès d'un de ses amis. Il voulait déroger aux profils technos pour tenir compte de la crise des « gilets jaunes » et personnifier, via le choix d'une porte-parole franco-sénégalaise, son bras de fer avec le RN - un clivage central, pour lui, en période électorale.
Quelques semaines avant sa nomination, Sibeth Ndiaye a troqué ses tresses pour une coiffure afro, cheveux libérés et visage auréolé. Dans les années 1970, il se serait agi d'un geste politique, à la manière d'une Angela Davis. Aujourd'hui, la secrétaire d'Etat évoque un choix « beaucoup esthétique et un peu provocateur car je sais que cela interroge ». Il y a une dimension casting dans son entrée au gouvernement. Elle le sait, elle l'assume - il faut bien des rôles modèles - mais elle espère bien « apporter quelque chose au-delà du symbole . »
Elle a entendu les paroles rassurantes du juppéiste Gilles Boyer :« Dans ce job, tu feras des conneries et ce n'est pas grave. » Il y a eu aussi un avertissement décisif, celui d'Ismaël Emelien, qu'elle a consulté avant d'accepter le poste : « La marche va être super-haute, ne pense pas du tout que cela va être facile. » Elle a aimé l'idée : « Comme j'ai souvent l'esprit de contradiction, cela m'a beaucoup motivé. »
Melting-pot à elle toute seule
« Même pas peur » pourrait être sa devise si elle n'en avait hérité une autre, plus poétique, de sa famille : « Là où tu es, tu es à ta place. » Sibeth Ndiaye a grandi à Dakar dans la très grande bourgeoisie, avec domestiques et chauffeur, élevée par une mère présidente de la Cour constitutionnelle et un père numéro deux du parti d'Abdoulaye Wade. Ils s'étaient connus à Paris dans les cercles indépendantistes.
Sa mère était métisse (germano-togolaise), d'une famille riche et catholique ; son père, fils d'un tirailleur mort au combat, était pupille de la nation et musulman. Leurs quatre filles pouvaient choisir leur religion : Sibeth s'est fait virer des deux enseignements et finira athée. A la maison, on vénère d'abord les livres et on parle politique tout le temps. Quand elle arrive en France à quinze ans pour poursuivre sa scolarité au lycée Montaigne, dans le huppé 6earrondissement de Paris, elle est déjà un melting-pot à elle toute seule.
Le choc n'en est pas moins rude lorsque ses camarades de classe l'imaginent avoir grandi dans une case. Elle vient d'apprendre que son père se meurt d'un cancer. Elle bûche (beaucoup, toujours) et trébuche. Elle excelle en français mais ne fera pas la prépa scientifique à laquelle son père la destinait. Ce sera la fac et le syndicalisme étudiant, à l'Unef comme chef de file de la tendance strauss-kahnienne minoritaire.
Elle y fait ses classes et s'y constitue un réseau avant de rejoindre le PS en 2002. En 2008, Claude Bartolone la repère et l'appelle au Conseil général de Seine-Saint-Denis. De ces années là, l'ancien député PS Christophe Borgel garde un souvenir : « Les discriminations et la question sociale, ces sujets-là comptaient vraiment pour elle. » Et Mathieu Hanotin, l'ancien directeur de campagne de Benoît Hamon, avec qui elle est restée amie, affiche une certitude : « Le gouvernement est de droite mais pas elle. »
La misère, Sibeth Ndiaye en prend conscience dès l'enfance lorsque son père l'emmène distribuer des vivres aux mendiants et aux lépreux. Aujourd'hui encore, au fur et à mesure qu'elle raconte ces expéditions, qu'elle se remémore le tintement des pièces de monnaie dans les boîtes de conserve des enfants des rues, l'émotion monte. Sa voix s'étrangle et ses yeux s'embuent. « Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi j'avais tout et d'autres n'avaient rien, j'étais scandalisée. »
Pro-Macron avant tout
L'indignation est toujours présente, mais on ne saurait conclure sur la nature de ses convictions économiques et sociales. Ce n'est pas son passage sans transition, à Bercy, du cabinet d'Arnaud Montebourg à celui d'Emmanuel Macron qui est troublant (tout le monde a besoin de travailler). C'est sa manière de défendre bec et ongles toutes les initiatives du chef de l'Etat. Sans nuances et au-delà du raisonnable parfois.
Comme la séquence du « pognon de dingue » qu'elle a postée l'an dernier sur son compte Twitter, après validation au sommet. Polémique, la vidéo a plombé l'annonce du reste à charge zéro, mesure sociale du quinquennat. Mais, dans les mois qui ont suivi, la questionner sur le sujet, c'était s'entendre dire qu'on avait une écoute réductrice de la « pensée complexe » - l'expression vient d'elle - du président.
« Mon job c'était de tenir la ligne. Si moi je ne le fais pas, qui le fait ? » dit-elle aujourd'hui. Sa collègue de gouvernement Marlène Schiappa avance une explication complémentaire : « Sibeth et moi sommes issues de la gauche, mais on est En marche et pro-Macron avant tout. »
Entre Sibeth Ndiaye et Emmanuel Macron, « une relation personnelle » s'est nouée en 2015 par un cadeau et une attention. Le cadeau, c'est un livre de Roland Barthes offert par le ministre à sa conseillère qui venait de perdre sa mère. Et l'attention a eu lieu après une crise de larmes au Salon du Bourget. Sibeth Ndiaye se faisait systématiquement barrer la route par le service de sécurité, contrairement aux conseillers blancs en costume ; elle, la conseillère presse, ne pouvait accéder à son ministre. « Tu portes toute ta vie le fait d'être une femme noire , » dit-elle à son patron. Il lui a alors longuement serré la main en la regardant intensément et « je me suis attachée à lui , » dit-elle.
Rigolote et tranchante
Sibeth Ndiaye est un curieux mélange d'indignation et de discipline, tour à tour rigolote et tranchante, à la fois attachante et énervante. Pendant la campagne présidentielle puis à l'Elysée, c'est elle qui maquillait une à deux fois par jour Emmanuel Macron. Dans ces moments-là, elle lui parlait sans détour (elle est réputée pour cela).
On le sait peu mais le très polémique dîner de la Rotonde, où le candidat a semblé célébrer sa victoire dès le soir du premier tour de la présidentielle, avait été très discuté dans l'équipe de campagne. Lors d'un déjeuner quelques jours avant le premier tour, ils sont plusieurs à monter au créneau dans l'espoir de faire annuler la fête. Au dire des participants, Ismaël Emelien est le plus cassant - « c'est une faute » - et Sibeth Ndiaye la plus acharnée, revenant plusieurs fois à la charge face à un candidat qui cherche à clore le sujet. Les souvenirs de Nicolas Sarkozy et du Fouquet's sont évoqués en vain.
Et pourtant, quand le dîner fait effectivement scandale, l'équipe d'Emmanuel Macron engueule les journalistes. Franchise en interne mais tolérance zéro à l'égard des critiques externes. « On a rejeté la gauche, la droite, les syndicats et les médias , » reconnaît un ancien membre de l'équipe. Tous des corps intermédiaires impopulaires, rien que des survivances de l'ancien monde…
Le chef de l'Etat ne veut pas de récits coulisses (pour rompre avec la présidence Hollande et imposer une image jupitérienne), son stratège Ismaël Emelien ne jure que par le passage par les réseaux sociaux et la production d'images maison et Sibeth Ndiaye est en première ligne. Elle distille au compte-gouttes même les informations les plus basiques. « Le verrouillage, c'est vrai, j'assume complètement , » dit-elle.
Tous les médias et tous les journalistes ne sont pas logés à la même enseigne (en fonction des sujets et des utilités), mais nombre d'accrédités à l'Elysée, ceux qui suivent le chef de l'Etat au jour le jour, enragent. Ils doivent se battre pour conserver leur salle de presse avec vue sur la cour de l'Elysée.
Mensonges et défiance
La défiance s'installe… « L'ennui quand les oppositions sont à la ramasse, c'est que les opposants c'est vous , » dit-elle un jour à une journaliste. « Vu ton papier, tu n'es pas près de faire partie du prochain pool , » lance-t-elle une autre fois à un accrédité. Souvent, on a entendu que « ces histoires n'intéressent pas les Français ». Peut-être, tant que tout va bien. Mais plus après l'affaire Benalla et la crise des « gilets jaunes ».
La nouvelle porte-parole en est consciente : « Je vais devoir me faire connaître des Français en ayant un passif. » Le journalisme politique n'a jamais été un monde de Bisounours : les pressions et même le mensonge - « assumé » par Sibeth Ndiaye « pour protéger le président » - existaient déjà sous d'autres mandatures. Si l'on excepte les mensonges d'Etat (hors catégories), tout est affaire de gradation dans cette relation où personne n'est dupe et chacun joue sa crédibilité.
Et dans la soirée du 5 décembre 2018, en pleine crise des « gilets jaunes », alors que des journalistes cherchent à savoir si la taxe carbone est « suspendue » jusqu'au printemps ou « abandonnée » pour toute l'année - Edouard Philippe a utilisé les deux termes à quelques heures d'intervalle -, la conseillère du président leur transmet une citation du Premier ministre où figure un mot en lettres capitales : annulée. C'est alors la ligne du chef de l'Etat mais absolument pas le mot utilisé par Edouard Philippe.
Publier une citation contrefaite aurait été une faute professionnelle pour ces journalistes (qui ont vérifié et se sont abstenus). Sibeth Ndiaye plaide « une erreur dans les échanges de SMS avec Matignon à la fin d'une journée de folie ». Et cette journée avait, il est vrai, été chaotique. Mais s'est-elle ensuite excusée auprès des destinataires qu'elle a failli décrédibiliser ? Alors qu'on lui pose la question, elle sursaute. Elle n'y avait pas songé.
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BARGNY AU CŒUR DES DYNAMIQUES DE DÉVELOPPEMENT
EXCLUSIF SENEPLUS - Comment la commune s'organise pour bénéficier des retombées du pôle urbain de Diamniadio ? Quelle perpsective pour la jeunesse, les femmes ? Quid de la délocalisation du village de Miname ? ENTRETIEN AVEC ABOU SECK
Il ne faut jamais faire l’amalgame entre les zones d’aménagement, les villes nouvelles et les communes existantes devant le maire de Bargny. Abou Seck érige des frontières entre sa municipalité et la nouvelle ville mais veut saisir toutes les opportunités que le pôle urbain de Diamniadio offre au quatre communes qui gravitent autour de lui.
Par conséquent, il se prépare pour que sa commune soit la plus attractive possible afin de capter les fruits de cette dynamique urbaine. ‘’Le pôle urbain de Diamniadio est sur quatre communes dont : Bargny, Diamniadio, Sébikotane et Bambilore. L’enjeu maintenant c’est l’attractivité. La commune la plus attractive réussira à capter les fruits de cette dynamique de développement urbain. C’est pourquoi nous articulons notre politique avec ce qui se fait dans le Pôle de Diamniadio ’’, déclare Abou Seck. Pour le maire, le gros chantier est d'établir une cohérence entre ce que la mairie fait et les projets de l’Etat chez lui.
Voir l'intégralité de son entretien en vidéo.
"SAKHO ET MANGANE" AU TRIBUNAL DE DAKAR
La série pourrait-elle continuer à être diffusée ? Un producteur indépendant accuse Canal+ Afrique d’avoir plagié un de ses scénarios pour en créer la trame
La série Sakho et Mangane sur Canal+ Afrique pourrait-elle continuer à être diffusée ? Le tribunal de commerce de Dakar examine ce lundi 15 avril un référé en vue d'interdire la diffusion des épisodes. C’est un producteur indépendant dans la capitale sénégalaise qui est à l’origine de la procédure. Il accuse la chaîne d’avoir plagié un de ses scénarios pour créer la trame de la série.
Le 25 mars, date de la première diffusion de Sakho et Mangane, le rappeur Mass Seck découvre de « fortes ressemblances », d’après lui, entre la série et le scénario de « Division X Dakar », le nom du projet qu’il avait envoyé à Canal+ en 2013. Il note des similitudes entre ses personnages et ceux du programme : « Si on prend Aziz, pour moi, Division X, qui est l’équivalent à Mangane et surtout ancien militaire, ils sont tous deux des play-boys, donc ils aiment les femmes, ils sont tous deux fanas d’armes, c’est vraiement eux trait pour trait. Et quand vous regardez le casting, ils se ressemblent ».
« On allait pas mettre des boulangers à la place des criminologues… »
Une rencontre avec la chaîne, un accord de principe, l’envoi d’un pilote : Mass Seck affirme que son projet était déjà bien abouti. Mais en 2015, plus de nouvelles : « Ils ont tout fait pour que, moi, je ne sois pas au courant. Peut-être ils pensaient que je ne réagirais pas ».
Le Sénégalais Augustin Diomaye Ngom est un des cinq co-scénaristes de Sakho et Mangane. Pour lui, les accusations de plagiat sont infondées : « Les aspects de sa série sont vraiment très différents de ce qu’on a fait. Qu’est-ce qu’il espérait? Que les gens qui veulent faire une série policière au Sénégal mettent des boulangers à la place des criminologues, à la place de médecins légistes ? Il faut une cohérence. Le genre policier n’appartient à personne. Personne ne peut verrouiller un genre policier. Et l’histoire de plagiat, où est-ce qu’elle peut avoir lieu? ».
Contactée, Canal+ n’a pas souhaité faire de commentaires avant la décision du tribunal de commerce.
MBOUR EXIGE UNE INDEMNISATION AINSI QU’UNE REINSERTION SOCIALE POUR SAËR KEBE
L’élève Saër Kébé, privé de liberté quatre ans durant pour une grotesque affaire d’apologie du terrorisme, est libre depuis mercredi dernier.
Etienne Ndiaye (Correspondant permanent à Mbour) |
Publication 15/04/2019
Il a été lavé de toutes les accusations portées contre lui par la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar. Une grande victoire symbolique pour bon nombre de Mbourois. Maintenant que leur fils est revenu auprès d’eux, les habitants de la capitale de la Petite côte initient un autre combat, celui de la réinsertion sociale du jeune élève de 19 ans au moment de son arrestation, aujourd’hui âgé de 23 ans. Un élève qui doit poursuivre ses études et reprendre sa vie normale tout simplement.
Quartier Diamaguène 1 de Mbour hier dimanche après-midi. Situé dans une ruelle anonyme, le domicile des Kébé refuse du monde. Pas de signe particulier à l’extérieur. A l’intérieur, des va-et-vient incessants. Dans le vaste salon bien aménagé, le père de Saër Kébé ainsi que l’oncle du jeune élève, devisent tranquillement en présence des journalistes qui attendent le début du point de presse auquel ils ont été conviés.
Une importante déclaration de Saër Kébé est attendue. Une réunion de coordination se tient dans une chambre. Elle tire en longueur. Après plusieurs heures, le groupe se met face aux caméras et micros de la presse dans la grande véranda de la maison. On attendait le héros du jour et il n’a pas tardé à faire son apparition. Saër Kébé, vêtu d’un tee-shirt blanc avec des inscriptions noires au devant, ainsi que d’un pantalon tout blanc, le tout accompagné de chaussures en cuir de couleur marron, de fabrication artisanale, arobe une mine très joyeuse.
A l’arrivée, pourtant, ce sont des membres du mouvement « Mbour Justice », présents en masse et qui ont porté le combat pour la libération du jeune élève des années durant, qui se prêtent à l’exercice des questions-réponses avec les journalistes. Abou Ndiaye, son président, d’abord, vêtu d’un tee-shirt rouge à l’effigie du mouvement, aligne remerciements sur remerciements à tous les Mbourois ainsi qu’à tous les compatriotes qui se sont investis de quelque manière que ce soit pour la libération de Saër. Interpellé sur le projet de requête pour indemnisation de l’ancien élève du lycée Demba Diop, il préfère refiler la question au collectif des avocats du jeune héros. Bacary Diémé, autre membre du groupe, invite les Mbourois de tous bords à faire bloc autour de Saër Kébé.
Le jeune infortuné est candidat au baccalauréat cette année. Il confirme lui-même avoir déposé son dossier de candidature. Bacary Diémé invite aussi l’Etat à trouver une formule d’accompagnement psychologique pour Saër Kébé. Toutes les autorités du département de Mbour sont interpelées au premier plan dans cette dynamique. Pour permettre aux habitants de la capitale de la Petite côte à mieux exprimer leur élan de solidarité envers Saër Kébé, un numéro de compte Orange est communiqué, celui du grand frère du tout nouvel élargi. D’ailleurs, les Mbourois que nous « Le Témoin » a rencontrés se disent très pressés de contribuer à cette action de solidarité, de bienfaisance pour un jeune dont l’envol prometteur s’était brisé subitement en 2015 sous des accusations ridicules, qui a perdu quatre années de sa vie et qui revient de loin assurément !
La 2e édition du Marathon Eiffage, qui s’est déroulée hier à Dakar, a été encore une fois remportée par un athlète étranger ; avec l’Ethiopien Hiribo Shano Share qui a survolé l’épreuve longue de 42 km.
Désormais un des grands rendez-vous des événements sportifs sur le plan national, le Marathon Eiffage de Dakar a une fois de plus pu réunir la famille sportive le temps d’une matinée ensoleillée dans la capitale sénégalaise avec plus de 11 000 coureurs au départ. Un bon moment de communion pour une bonne dose d’endurance, de combativité, de spectacle ou encore de convivialité.
Au final, l’épreuve phare des 42 km a finalement été remportée par l’Ethiopien, Hiribo Shano Share, avec un temps 2h 14 mn 15 s. il devance le second, Alex Chesakit, de 2 minutes (2 h 16 mn 06 s). La troisième place est revenue à Boaz Kipkorir Kipyego avec quasiment le même temps (2 h 16 mn 06 s).
Du côté des Dames, la course a été remportée par Saliba Jabet avec un temps de 2h 43 mn17 s. Elle est suivie par Beata Naigambo (2h 43 mn 55 s) et de Zeddi Jerop Limo (2h 44 mn 09 s). Une épreuve largement dominée par les étrangers. Il a fallu attendre près d’une demi-heure après le premier pour assister à l’arrivée du premier Sénégalais.
L’Asfa avec Christian Manga, Samba Faye…
Le premier à franchir la ligne sera Christian Manga de l’Asfa en 2h 31 mn 20s. Le militaire sera accueilli par une salve d’applaudissements, d’un public venu très nombreux à la Place de l’Obélisque, malgré l’heure matinale et le brouillard, l’un des grands invités de ce dimanche. Et cela, sous les yeux du ministre des Sports, Matar Ba, de la maire de Dakar, Mme Soham El Wardini, de la championne ivoirienne, Marie-Josée Ta Lou, spécialiste des épreuves de sprint, vice-championne du monde 100 m et 200 m à Londres en 2017. Mais aussi, des boxeurs français d’origine sénégalaise, Souleymane Mbaye et Souleymane Cissokho, ou encore de l’ancienne championne du monde, la Sénégalaise Amy Mbacké Thiam. Vainqueur de la précédente édition, Samba Faye est arrivé à la deuxième place avec un temps de 2h 39 minutes, 37 secondes. Une grosse déception pour celui qui a remporté la première édition, côté sénégalais. Arona Khouma occupe la troisième place. A noter la nette domination de l’Asfa sur les différentes épreuves, à l’exception de la grande course du 42 km où l’Afrique de l’Est a une fois de plus survolé la distance avec une nette avance.
Bassirou Diop et Adama Barry Ba au 21 km
L’épreuve du 21 km Hommes a été remportée par Bassirou Diop de l’Asfa (1h 12 mn 29 s), suivi par les deux coureurs de l’As Douanes, Benjamin Gérard Guid (1h 13 mn 33 s) et de Jonas Kaly (1h 13 mn 42 s). Du côté des Dames, c’est Adama Barry Ba de l’Inseps qui est arrivée en tête (1h 25 mn 08s). Elle est suivie de sa coéquipière, Clarisse Diatta et de Madjiguène Mbaye. Pour le 10 km Hommes qui s’est couru en une demi-heure, Mor Fall (31, 25) est arrivé en tête, suivi de Abdou Aziz Diop (32,13) et de Amadou Dramé (32, 37). Alors que pour les Dames, c’est Madeleine Marie Ndiaye (39, 57) qui a remporté la course, suivie de Fatou Sy (43, 14) et de Fatou Saidy (44,12), cavalière de l’Escadron montée de la Présidence. En plus d’une voiture Citroën pour le vainqueur du 42 km, d’un scooter pour le 21 km, les lauréats sénégalais ont reçu de fortes primes ou encore des billets d’avion Dakar Paris et sont tous invités à prendre part au prochain Marathon Eiffage du Viaduc de Millau, en mai prochain, en France. Très satisfaits de la seconde édition, malgré les quelques couacs enregistrés dans la distribution du matériel aux coureurs ou la cacophonie sur la ligne d’arrivée, les organisateurs se disent prêts pour la troisième édition en 2021. Un bon test avant les Jeux Olympiques de la Jeunesse de 2022 que Dakar va accueillir.
DEJA DE TERRIBLES RAVAGES AU NIVEAU DU CHEPTEL
Les terribles ravages en cours de la maladie de la gourme au niveau du cheptel dans les départements de Tivaouane et de Thiès, risquent de prendre des proportions dramatiques si l’on n’y prend garde.
Cheikh CAMARA, Correspondant permanent à Thiès |
Publication 15/04/2019
Rien que dans le département de Tivaouane, déjà plus de 600 cas sont avérés chez les chevaux et 71 ânes touchés dont cinq cas de décès dans la commune de Niakhène.
L’apparition de la maladie de la gourme dans les départements de Tivaouane et Thiès empêche les populations de dormir du sommeil du juste. Une maladie surtout spécifique du cheval, caractérisée par une inflammation des voies respiratoires, donnant lieu à une toux constante, à une forte fièvre, une abondante sécrétion catarrhale (un écoulement nasal abondant), des douleurs musculaires, une perte d’appétit, de l’énervement… « Sont déjà affectés dans le département de Tivaouane 609 chevaux et 71 ânes dont 5 cas de décès dans la commune de Niakhène », selon le chef du service départemental de l’Elevage, Ndary Diop.
A l’en croire, « des dispositions sont en train d’être prises par les autorités compétentes pour circonscrire le mal ». N’y ayant pas encore de vaccin pour prévenir la maladie de la gourme qui du reste est très contagieuse entre équins et asines, les agents vétérinaires dans cette dite circonscription, par rapport aux dispositions d’urgence pratique à prendre sur le terrain, disent avoir reçu les « instructions nécessaires » pour des « traitements à base d’antibiotiques et anti-inflammatoires ». Tous les chefs de poste vétérinaire du département se trouvent à présent sur le terrain, pour l’application desdits soins aux animaux atteints de la malade. Lesquels traitements, d’après le vétérinaire en chef du département, « donnent, pour le moment, de très bons résultats ». Une situation alarmante suivie de très près par les autorités administratives départementales. Ce à l’image de leurs homologues du département de Thiès qui font également face à cette maladie équine bactérienne des foies respiratoires extrêmement contagieuse et potentiellement mortelle.
Très inquiètes, ces autorités administratives ont vite fait d’alerter le Ministère de l’Elevage, lequel, par la voix de son Conseiller technique n°1, Khadim Guèye, a été catégorique : « toutes les dispositions ont été prises pour circonscrire la maladie ». Il s’agit, souligne-t-il, « d’une maladie que le Ministère connait et qui intervient chez le cheval. Elle est infectieuse, contagieuse et grave, et apparait de temps en temps sous forme d’une épidémie ». Il a tenu à remercier le gouverneur de la région de Thiès, Amadou Sy, qui, « dès qu’il a appris la maladie, a donné des instructions à ses services compétents, notamment le service régional de l’Elevage, pour enclencher les investigations nécessaires et les traitements ».
Et de rassurer : « nous, au niveau du Ministère, nous attendons les confirmations du labo sur les prélèvements qui ont été faits. Mais toutes les dispositions nécessaires ont été prises ». En tout état de cause, au Sénégal où l’on compte un million d’équidés dont 550 mille chevaux et 450 mille ânes, l’admirable rôle économique du cheval, considéré comme un outil de travail dans le transport, la traction et l’approvisionnement en eau aussi bien en ville qu’en milieu rural, n’est plus à démontrer.