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27 juillet 2025
par couro wane
MESSAGE AU PRÉSIDENT DE L’APR
EXCLUSIF SENEPLUS - Il serait peut-être temps, Excellence, d’envisager, avant les élections locales, une forme d’Etats Généraux du parti afin que chacun se sente revigoré, allégé des doutes, frustrations et meurtrissures qui annihilent les énergies
Depuis la réélection du Président Macky Sall au soir du 24 février 2019, c’est le branle-bas de combat au sein de l’Alliance pour la République et la coalition Bennoo Bokk Yakaar pour un jeu de positionnements.
Entre les responsables politiques revendiquant des scores importants dans leurs différentes localités, les appels du pied et les menaces à peines voilées, il était évident que le remaniement effectué le dimanche 07 avril 2019 ne pouvait être chose aisée pour le Président Macky Sall.
L’annonce de la nouvelle équipe gouvernementale a suscité diverses réactions au sein de la coalition Bennoo Bokk Yakaar. Entre la joie des entrants, la déception des sortants, la stupéfaction liée à certaines nominations et les attentes des militants de la première heure, nous assistons depuis quelques jours à des velléités de fronde dans le parti comme dans la coalition, car les élections locales qui pointent à l’horizon scelleront définitivement le glas de la recomposition politique si attendue au sein de l’appareil politique de l’Alliance pour la République.
Nous pouvons comprendre la frustration de certains, mais tout le monde ne peut être Ministre, Directeur Général, Président de Conseil d’Administration ou tout simplement ‘’Recasé’’ !
Nous nous devons d’être vigilants par rapport à nos réactions et comportements, surtout à l’image que nous renvoyons aux sénégalais qui ont élu le Président Macky Sall et qui nous observent. Certes nous avons été le vaisseau qui a servi de point d’appui au Président mais tout le mérite revient au peuple souverain. Perdre cela de vue, c’est fragiliser le Président, le parti la coalition et s’exposer au durcissement du regard des sénégalais à notre égard.
Ce nouveau gouvernement qui obéit au tempo Fast Track et aux orientations définies par le Président de la République devrait en même temps être apte à aller à l’assaut des collectivités territoriales en décembre 2019.
Gardons-nous surtout de donner l’image d’un parti divisé, dont les responsables sont avides de pouvoir et de sinécures. Sinon quel est le sens de notre engagement politique ? Si les Sénégalais devaient, au lendemain de la constitution du gouvernement Macky II, penser que nous ne sommes mus que par nos intérêts particuliers, ils pourraient être tentés de nous réserver quelques surprises lors des échéances à venir.
Dès lors, certains responsables seraient plus inspirés d’accepter les décisions du Président de la République et l’aider à accomplir sa mission dans la sérénité. Ne plus être ministre n’est pas une fin en soi si l’on a un métier et que l’on est capable de donner un nouvel élan à sa carrière professionnelle. Avoir été ministre représente déjà un gros avantage sur un CV ! Rappelons le cas de Ségolène Royal, qui a créé une fondation pour continuer à servir la cause écologique, après avoir quitté le gouvernement. Donc Ministre ou rien, ne peut être un exemple pour nous jeunes responsables politiques qui sommes sur le terrain au contact des populations pour expliquer les programmes et projets du Président. Soyons plus solidaires, cultivons le sens du sacrifice et faisons part de plus de générosité.
Au Président Macky Sall,
Excellence, beaucoup de vos militants et responsables politiques sont sereins, continuent de mouiller le maillot et sont confiants quant aux bonnes décisions que vous ne manquerez pas de prendre à la base. Ils attendent de vous davantage d’attention et d’équité face aux dures réalités qu’ils affrontent sans relâche sur le terrain.
Nous pouvons comprendre la frustration de certains hauts responsables, néanmoins il faudrait tenir compte du sentiment d’injustice et d’abandon qui couve à la base, l’idée répandue étant que certains segments sont favorisés au détriment d’autres, pas forcément plus méritants ou plus engagés.
Il serait peut-être temps, Excellence, d’envisager, avant les élections locales, une forme d’Etats Généraux du parti afin que chacun se sente revigoré, allégé des doutes, frustrations et meurtrissures qui annihilent les énergies. Vous seul en avez le pouvoir et l’initiative car somme toute, les militants sont très attachés à votre personne et au parti. Ne pas agir, serait ouvrir le parti à tous les vents, aux alliances contre nature et risquer de voir les medias être l’exutoire et les arbitres de nos batailles internes lors des prochaines investitures.
Respectueusement,
Couro Wane est responsable politique de L’Alliance pour la République (APR)
«NOUS DEVONS REVISITER NOTRE HISTOIRE POUR AFFRONTER LE FUTUR»
Fatou Sow Sarr qui avait engagé, au mois de janvier dernier, une réflexion sur la famille sénégalaise, qu’elle considère comme la première institution politique, plaide pour une restauration d’une identité forte afin de construire un Sénégal rêvé par tous
La directrice du laboratoire genre de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), Fatou Sow Sarr, qui avait engagé, au mois de janvier dernier, une réflexion sur la famille sénégalaise, qu’elle considère comme la première institution politique, plaide pour une restauration d’une identité forte afin de construire un Sénégal rêvé par tous.
Vous avez lancé, au mois de janvier dernier, à la veille de la présidentielle, une campagne pour la sauvegarde de la famille sénégalaise en déliquescence selon vos explications. Qu’est ce qui fonde cette opinion ?
« Nous avons effectivement mené une campagne pour rappeler aux acteurs politiques et aux dirigeants que l’institution la plus importante, c’est la famille. L’échec de cette institution entraînera, à coup sûr, la faillite de la société dans sa totalité. Nous nous sommes appuyés sur des statistiques qui montrent que la crise est profonde. Nous n’avons même pas besoin d’en convoquer pour le prouver. Les foyers sont déstabilisés. Ils sont devenus le lieu des violences, des assassinats. Beaucoup d’enfants vivent sans un de leurs ascendants. C’est cette image que nous renvoie la presse tous les jours. Pour nous, c’est bien beau de discuter de programmes, mais si personne ne se penche sur le premier espace de production et de formation des citoyens qu’est la famille, les politiques seront vouées à l’échec. Car la République exige aussi une forme de citoyenneté. Mais nous n’avons pas investi suffisamment, jusqu’ici, sur la production de cette citoyenneté. Il s’y ajoute que des valeurs fondatrices de notre société se sont effilochées, sont tombées en désuétude. C’est un cri du cœur que nous avons lancé aux acteurs politiques. Nous voulons leur rappeler que c’est un problème fondamental auquel ils doivent s’attaquer. Nous avons fait le travail de sensibilisation, posé le débat, rassemblé des informations et nous comptons soumettre un document au chef de l’Etat comme contribution »
Vous estimez également qu’une réflexion sur notre trajectoire historique contribuerait à une bonne définition des repères sociaux et, par là, une société de valeurs ...
« Il serait judicieux qu’on ramène dans l’imaginaire collectif ce qui s’est passé, par exemple, dans le royaume du Djolof où sont sortis le Baol et le Cayor. C’est par exemple le Walo qui a montré le mode de gouvernance politique, mais il n’y a aucun signe pour rappeler à la mémoire des jeunes générations que nous avons une histoire très riche. C’est là où il faut interpeler à nouveau le gouvernement du Sénégal, le ministère de la Culture, celui de la Femme, mais aussi les autorités, les collectivités territoriales. Ce n’est pas normal qu’on ait une richesse culturelle, matérielle aussi importante, qui peut nous aider dans la reconstruction du Sénégal, et qu’on en fasse abstraction. Si on rappelle également aux générations actuelles, que l’histoire de nos sociétés traditionnelles a été construite par des femmes, cela pourra, entre autres, renforcer la confiance des femmes en elles-mêmes et leur obligation à participer à la construction de leur pays. Il est tout aussi important de rappeler que la France qui nous a colonisés, ne reconnaissait aucun droit aux femmes. C’est ce droit français, notamment le code napoléon de 1904, qui est notre code civil, notre code de la famille, qui a écarté les femmes des sphères de décision. »
Faut-il en déduire que la femme occupait une place centrale dans la société traditionnelle ?
« Les femmes étaient à la tête de royaumes. C’est une femme qui a ouvert la confrontation avec Faidherbe. Du jour au lendemain, on veut nous faire croire qu’elle n’a plus droit à la parole, qu’elle ne doit pas participer à la gouvernance. Notre culture et notre histoire regorgent de femmes qui ont incarné le leadership politique. Des reines comme Ndaté Mbodj et Ndieumbeut Mbodj ont arraché le pouvoir aux hommes. Le Walo était dirigé par un homme quand la France l’a conquis. Dans ce royaume, le brack avait sa « linguère ». Les « linguères », qui avaient de forte personnalité, ont pris le pouvoir en 1795. Elles ne l’ont plus lâché jusqu’en 1855. Elles étaient également influentes dans la répartition des terres. Le pouvoir était masculin et féminin. Le pouvoir absolument masculin a été introduit par le modèle colonial. Ce sont les institutions françaises, que nous reproduisons de façon mécanique, qui ont conduit à cette situation. Il nous faut convoquer notre histoire pour puiser la force d’affronter les nombreux défis qui nous attendent »
Vous pensez que c’est le système colonial qui a bouleversé des réalités alors que d’autres imputent cette situation à la religion musulmane. Qu’en est-il ?
« On a tendance à faire la confusion entre la religion musulmane et la culture arabe. L’Islam ne décline jamais au masculin, l’homme générique n’existe pas dans l’Islam. Il s’adresse aussi bien aux croyants qu’aux croyantes. Chacun est responsable devant Dieu. Quand je prends l’exemple de l’héritage, on nous dit toujours que c’est deux parts pour l’homme contre une pour la femme. Je pense que le Coran ne s’intéresse pas au sexe mais à la fonction dans la société. Il nous donne tous les cas de figure où l’homme est égal à la femme, parfois où l’homme a plus, ou la femme a plus. Il prend aussi en considération la responsabilité de prise en charge, ce que nous appelons le gap différentiel, donc la religion est équitable. Son système repose sur une cohérence, il est juste et équitable. Mais aujourd’hui, beaucoup interprètent selon leur espace. Et parfois nous avons le malheur d’imiter les arabes. Ce sont nos propres cultures qui les influencent. Il ne faut pas oublier que nous devons l’essentiel des connaissances tirées de l’Islam à Aïcha. Dans la communauté mouride, si on fait l’historique dans la transmission des connaissances, Mame Astou Walo occupe une place prépondérante. Des hommes lui doivent leurs connaissances. Quand elle a perdu son mari, c’est elle qui a formé les disciples de ce dernier. Et pourtant, on ne parle pas beaucoup de cette femme qui a joué un rôle central dans la formation. Les femmes ont été écartées par l’école mais l’Islam est une religion d’équilibre, de respect de la femme »
Qu’est-ce qu’il faudrait pour une restauration collective de nos valeurs ?
« Les politiques publiques ont une responsabilité, car elles sont au cœur de ce qui se passe dans les écoles. C’est elles qui choisissent le contenu, le programme. C’est elles qui choisissent aussi de laisser les médias faire ce qu’ils veulent. Ce n’est pas en termes d’obligation mais d’incitation. Nous avons un ministère de la Culture. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ce sont des questions de fond qu’il faut se poser. C’est la culture qui construit et cimente la société. Est-ce que nous nous donnons les moyens de réfléchir sur cela ? Nous avons eu des rois, comme le Bourba Djolof, prêts à se sacrifier pour leur peuple. Quelles leçons les dirigeants actuels doivent en tirer ? Ces dirigeants ne spoliaient pas les biens de leurs peuples, ils étaient à leur service. Je crois que nos histoires, quel que soit le cadre dans lequel nous sommes au Sénégal, méritent d’être revisitées. C’est ce qui permet au Sénégal d’affronter le futur parce qu’il a un passé glorieux. Ce qui va rester dans la mémoire des jeunes, c’est le comportement des hommes politiques d’aujourd’hui, qui ne sont pas toujours des références. Ce sont ces questions que nous devons nous poser, car le ministère de la Culture devrait être impliqué dans les programmes scolaires »
Ne pensez-vous pas que les responsabilités sont partagées et que tous les segments de la société ont une partition à jouer ?
« Tout le monde a une responsabilité dans le changement. Aujourd’hui, on parle de politiques publiques. Les véritables changements ne peuvent être conduits que par les politiques publiques. C’est ceux qui ont la responsabilité de décliner des orientations qui ont un rôle majeur à jouer, ceux à qui nous avons donné la responsabilité de choisir où aller. Ce sont eux qui doivent intervenir »
N’est-ce pas la démarche participative qui permet d’insuffler un changement ?
C’est quoi la démarche participative ? Je pense que si on dit que tout le monde est responsable, c’est que personne n’est finalement responsable. Il faut situer les niveaux de responsabilité. Si, par exemple, les nouvelles générations ne connaissent pas une partie de leur histoire, en sont elles responsables ? Est-ce qu’elles sont fautives ? L’Etat a un rôle fondamental à jouer. Il ne faut pas qu’on se voile la face. Tous les Sénégalais ne sont pas responsables, je suis désolée. Car, cela ne servirait à rien qu’on ait des dirigeants si on doit imputer la faute aux citoyens. C’est à eux d’impulser une démarche d’adhésion parce que la démarche participative exige des orientations, des stratégies et des programmes bien définis.
LA CHORNIQUE HEBDO D'ELGAS
SURGA, ITINÉRAIRE DE LA DÉPENDANCE
EXCLUSIF SENEPLUS - L’indépendance n’est pas seulement un titre de conquête face à l’ex-bourreau - Elle est une émancipation de plusieurs ordres, perpétuelle, constante, jamais achevée, que l’homme doit toujours avoir comme horizon - INVENTAIRE DES IDOLES
Il en est du mot surga comme du mot aq, peu d’équivalents directs, en français, arrivent à en restituer le sens. La langue wolof garde des bastions si précieux, où se déploient tout son génie, sa singularité, son espièglerie. Plus que des mots, ce sont les véhicules d’une philosophie, d’une civilisation, toujours entre le mystère et l’évidence. Ils disent bien plus que leur signification. Leur sens, bien souvent, est le baromètre et le pouls d’un pays, pour peu qu’on fasse l’effort de définition, linguistique, et sémiologique, Avril s’est déjà apprêté, vêtu de drapeau, dansant au son des fanfares. Le faste des indépendances a embaumé le ciel dakarois. Protocoles et festivités devront faire face à la salve des critiques habituelles, sur « l’indépendance » factice, octroi de l’ancienne puissance de tutelle. Les querelles se dissiperont ensuite, baisseront d’intensité, jusqu’à disparaitre, rebasculées l’année d’après.
Or, l’indépendance n’est pas seulement un titre de conquête face à l’ex-bourreau. Elle est une émancipation de plusieurs ordres, perpétuelle, constante, jamais achevée, que l’homme doit toujours avoir comme horizon. Il faut souvent, la conquérir contre soi-même. L’indépendance, sa variante, la souveraineté, ainsi, ne se négocient pas seulement au miroir de l’autre, elles doivent être un fait intérieur. Notre quête de d’indépendance vis-à-vis de l’extérieur a voilé notre manque d’indépendance nationale. La dépendance est un fait social majeur. Originel mais aussi porté et nourri par un révélateur : la pauvreté. A l’heure où la théorie du ruissellement suscite de vives critiques, on peut noter qu’elle est à l’œuvre dans les pays pauvres : les démunis sont à la remorque des nantis. La subordination des hommes à leurs bienfaiteurs crée les bases de cette dépendance dont le surga est un des miroirs. Cet obligé social, de l’échelle familiale, à celle politique, révèle la verticalité des rapports.
Exemple parmi mille, Arona est un brillant élève dans un village reculé. Echelons gravis à grande vitesse et promesse d’une carrière fulgurante. Son village n’a pas de lycée. Il faut gagner la ville la plus proche. Ses parents y connaissent un cousin éloigné. Ce dernier, privilégié parmi la masse, a un salaire, un toit, une famille. Il accepte, après un instant de réticence, de recevoir Arona. Il dormira avec deux autres garçons venus pour les mêmes raisons. Au corps initial de la famille, se greffe la seconde couche. Les réticences et les envies de refus pour préserver le budget familial, n’y feront rien. Le risque de pauvreté collective est plus facile à vivre que l’accusation d’égoïste et de renégat culturel. Arona vit tant bien que mal. Il s’adapte. Il est un second couteau. Il a déjà tout ce qu’il peut espérer. Prière tacite lui est faite de se soumettre. Il formera avec les deux autres, la bande à part, chez qui le bénéfice de la générosité, produit la contrainte de l’allégeance. En retour de l’avantage qu’il a reçu, il doit rendre. Mais rendre quoi ? De la disponibilité, de la redevabilité. Il devient un obligé. Il a signé le contrat sans le savoir dès son admission dans la maison. Ainsi naît le surga, le dénuement fait de lui une page blanche à la merci de sa providence. Il y écrit ses vœux, et gagne doublement : la gratitude mais aussi les galons sociaux de la réputation du quartier au village.
Arona repart. De la petite ville, il lui faut l’université de la plus grande. Un autre oncle, cousin, tante, éloigné de la famille est trouvé. On prend les mêmes et on recommence. Il change d’échelle, mais pas de décor. Le bail est prolongé. Son rêve est subordonné à cela. Mais Arona a trouvé dans la grande ville, un autre surga, moins bien loti. Déjà hors d’âge, jeune vieillard, Amadou cherche du travail. La ruralité l’a envoyé chez son oncle, pour trouver du travail. Mais le pays n’en produit pas. Il vit d’errance, de recherches vaines, de frustrations. On lui reproche silencieusement son chômage et le regarde gober sa pitance avec la pitié méprisante. A force, sa fougue, son honneur, de jeune mâle, mis à rude épreuve, finissent par s’amenuiser. Il est presque le surga-type. Les familles sénégalaises en comptent des milliers. Il dépend. La débrouille, le caractère valeureux n’y font rien. L’indépendance d’esprit, d’initiative, de pensée, de vie, voilà autant de mots qui n’auront nul écho. Il a consenti. Il regarde avec envie Arona. Leur binôme est fait d’un rêve unilatéral car la réussite d’Arona, pourrait signifier un changement de tutelle pour Amadou.
A l’université, Arona ne déçoit pas son génie. Il réussit. Mais pour gravir encore les paliers de l’ascension sociale, le mérite seul ne suffit pas. Il faut s’adjoindre l’aide précieuse d’un autre intercesseur. On change de cadre, la mécanique demeure. Le surga n’en est plus un, mais un dérivé. Il devient agent de la connivence, du cercle de népotisme et de cooptation. Mais la dépendance reste. Arona veut faire de la politique pour changer tout ça, révolté qu’il est. Il le fait sous l’aile d’un mentor qui lui enseigne les bases du clientélisme. L’allégeance, lui apprend-il, a du bon. Du talibé-enfant au talibé-disciple, la soumission, la sous-traitance de son devenir à un tiers, est une vertu nationale érigée au rang d’art. Arona finit pas souscrire. Il n’a plus de force. Il enclenche la ritournelle.
Pour échapper à la lucidité meurtrière de son impuissance, Arona, les soirs, replonge dans la lecture. Ses cours de philosophie, de langage, d’histoire, qui avaient commencé à le bâtir, sont dissouts par la submersion de la figure du sourgheu. Il écoute le discours de Pierre-Henri Thiounepour se rebeller. Il entreprend, en retard, presque vainement, d’essayer de penser, d’avoir une liberté de conscience, de choix, d’actes. Dans la pénombre, esseulé, il sanglote. Toute sa vie lui a appris le contraire. Son ascension, même engendrée par son mérite, est le fruit d’une obéissance, d’une corruption passive. Alors, 4 avril venu, il fustige l’indépendance acquise, la seule qu’il peut critiquer sans se renier. Une saveur âcre remplit sa bouche et son âme.
Texte préalablement publié dans Le Quotidien en avril dernier
Ingénieur en technologie générale halieutique, sortie de l’Institut Agronomique et vétérinaire Hassan 2 de rabat au Maroc, ndèye tické ndiaye Diop est créditée d’un riche parcours de plus de 30 ans dans l’administration. Sur le plan politique, la théoricienne de «Dem ba Jeex» est actuellement sur une pente ascendante. D’autant qu’elle est fraichement nommée ministre de l’Economie numérique et porte-parole du gouvernement.
Ministre de l’Economie Numérique et des Télécommunications, dans le nouveau gouvernement, Adja Ndèye Tické Ndiaye Diop connait actuellement une ascension sur le plan politique. Une trajectoire qui cadre parfaitement avec son slogan «Dem ba Jeex». Dans l’arène politique à Thiès, elle a lancé ce concept depuis le 29 mais 2016, date de son meeting de rentrée politique. Et c’est dans ces circonstances qu’elle s’est engagée dans la bataille des élections législatives de 2017, même si elle n’était pas investie, avec le seul objectif de contribuer à la victoire de la liste de la coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby) et donner au Président Macky Sall une majorité confortable à l’Assemblée Nationale. Sa volonté d’accompagner le chef de l’Etat s’est traduite par des actions sociales sur le terrain. Un travail reconnu par ses pairs qui l’ont propulsée au poste de présidente des femmes de Bby de la commune de Thiès-Ouest avant qu’elle ne soit désignée présidente des femmes du département alors qu’elle était absente le jour de la mise en place de la structure. Grâce à ses actions durant la dernière campagne présidentielle, les dirigeants apéristes ont reconnu son dynamisme sur le terrain.
D’où sa nomination au poste de ministre de l’Economie Numérique et des Télécommunications. Et cerise sur le gâteau, elle a été bombardée porte-parole du gouvernement par le Président Macky Sall. Une consécration pour Ndèye Tické Ndiaye Diop qui, cependant, n’est pas en terrain inconnu, car elle est créditée d’une expérience de près de 30 ans dans l’administration sénégalaise. Elle a obtenu plusieurs distinctions, dont le grade de chevalier de l’OrdreNational du Lion.
Ingénieur en technologie générale halieutique, sortie de l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan 2 de Rabat au Maroc, elle est titulaire d’autres diplômes et certificats dans les domaines du management, de la gestion des projets, du management et du développement des pêches, de l’aquaculture, de la qualité, de la planification du développement. Le tout nouveau porte-parole du gouvernement du Sénégal est formateur en genre et développement. Mme Diop rompue à la tâche, mais aussi aux techniques de négociations et de la coopération internationale. Bilingue (anglais/ français), l’ex-pensionnaire du Lycée Malick Sy de Thiès est orfèvre du leadership et de la Coordination, mais aussi spécialiste de gestion des risques et de la gestion des conflits. Cerise sur le gâteau, Ndèye Tické Ndiaye Diop est première femme Inspecteur des Affaires Administratives et Financières au ministère de la Pêche, la première femme Directeur des Pêches Maritimes, première femme Directeur du CNFTPA, première femme Représentante de la FAO à Djibouti, première femme Secrétaire générale du ministère de la Pêche et de l’Economie Maritime, première femme Directrice de l’Agence Nationale des Affaires Maritimes, poste qu’elle a occupé jusqu’à son entrée au gouvernement le week-end dernier.
Elle a occupé plusieurs fonctions dans l’appareil d’Etat et au niveau international. Elle a enseigné l’ichtyologie, la technologie des produits de la pêche au Centre National de Formation des Techniciens des Pêches et de l’Aquaculture (CNFTPA). Dans le passé, elle a également eu à coordonner plusieurs projets de développement de la pêche dont le plus connu est le programme d’appui à l’entrepreneuriat féminin dans la pêche.
LES CHEMINOTS RECLAMENT LA CONVOCATION D’URGENCE DU COMITE INTER ETATS
Avenir du rail apres les changements dans le gouvernement
Les changements intervenus à la tête des départements des transports terrestres et du réseau Ferroviaire national dans le nouveau gouvernement ne laissent pas indifférents les cheminots de Dakar Bamako Ferroviaire (DBF). Selon Mambaye toukara secrétaire général du Syndicat Unique des travailleurs de transrail (Sutral), président de l’intersyndicale des syndicats de Dakar Bamako Ferroviaire (DBF), la nouvelle équipe suscite de l’espoir. Mais, pour lui, il est urgent de convoquer le comité inter Etats, pour aller vers des mesures fortes et irréversibles.
Les changements intervenus à la tête du ministère des Transports et celui du Réseau ferroviaire national suscitent quelques réactions chez les cheminots de Dakar Bamako Ferroviaire (Dbf). Selon le secrétaire général du Syndicat Unique des Travailleurs de Transrail (Sutral) et président de l’intersyndicale des syndicats de Dakar Bamako Ferroviaire (DBF), il est urgent de convoquer le Comité inter Etats. Car Mambaye Tounkara considère que rien ne peut se faire tant que ce comité qui comprend également les ministères des Transports et des Finances des deux pays, ne se réunit pas pour prendre des décisions majeures, des mesures fortes et irréversible. «Une telle dynamique permettra de mobiliser les 20 milliards Fcfa, qui sont les ressources devant accompagner la transition», dit-il. Cette rencontre permettra également, selon Mambaye Tounkara, de fixer des délais précis pour dépasser la crise que connaît le rail et qui affecte les deux pays (Mali et Sénégal). Au Sénégal par exemple, le Port Autonome de Dakar (Pad) est atteint de plein fouet par la crise du rail. De l’avis de Mambaye Tounkara, le Président Macky Sall a exprimé sa volonté de rénover le chemin de fer. «Notre vœu ardent est que la feuille de route des ministres qui viennent d’être nommés permette la concrétisation de la volonté exprimée par le chef de l’Etat. A travers les hommes choisis, nous avons l’impression qu’il veut accélérer la cadence.
Me Oumar Youm qui gère le ministère des Infrastructures et des Transports Terrestres est déjà dans ce dossier pour avoir été l’un des plus proches collaborateurs du président de la République. Et le secrétaire d’Etat Mayacine Camara est fils de Koungueul ; donc il connaît bien l’impact socioéconomique négatif engendré par l’arrêt de l’activité ferroviaire». Après l’échec de la privatisation, rappelle le syndicaliste, les deux Etats en l’occurrence le Sénégal et le Mali ont décidé de résilier le contrat de concession le 7 mars 2016. A la suite de cette résiliation, les Etats s’étaient engagés à accompagner la transition avec un budget de 7,5 milliards de Fcfa. Ce budget devait prendre en compte les salaires des travailleurs pendant 6 mois, la réhabilitation des parties critiques de la voie et de 6 locomotives pour maintenir l’activité.
«UNE ENVELOPPE DE 20 MILLIARDS POUR REDEMARRER LES ACTIVITES, MAIS…»
Malheureusement, indique Mambaye Tounkara, à cause des retards de décaissement, les montants ont été pratiquement engloutis par les salaires. «De mars 2016 à nos jours, l’état de dégradation du matériel s’est aggravé, jusqu’à l’arrêt total de l’activité en mars 2018», relève-t-il avant de poursuivre : «avant cet arrêt, le comité inter Etats chargé de gérer la transition s’était réuni pour faire le point. C’est à la suite de cette réunion que les deux Etats ont décidé de débloquer chacun 10 milliards de Fcfa soit une enveloppe globale de 20 milliards, pour accompagner cette période transitoire à travers l’acquisition de locomotives, la réhabilitation des parties critiques de la voie de Dakar à Bamako en passant par Kidira». A cela, s’ajoutent la sécurisation des salaires et la mise en place d’un mécanisme pour trouver des solutions sur la situation du passif entre Transrail et DBF. Dans le même sillage, souligne Mambaye Tounkara, les autorités avec l’appui de l’Agence Française de Développement (AFD) ont trouvé un accord pour mettre en place une autre équipe.
Ce qui a engendré la nomination de Kibily Touré à la tête de DBF. A la dernière rencontre de 2018, il avait été décidé de mettre un budget à la disposition de la nouvelle équipe, pour relancer l’activité ferroviaire entre les deux pays et piloter la mise en place d’un nouveau schéma institutionnel. Malheureusement, dit-il, le comité inter Etats ne s’est toujours pas réuni pour mobiliser les fonds et c’est pourquoi, l’Administrateur Général qui est animé d’une ferme volonté de faire des résultats, est sur le terrain pour rechercher des moyens, pour au moins sortir DBF de cette situation. Et dans ce cadre, il a même pu trouver des partenaires Sud Africains qui sont prêts à la mettre à la disposition deDBF des locomotives sur la base d’un contrat de location.
LE CHINOIS AVAIT DISSIMULE 27 PIECES D'IVOIRE D'ELEPHANT DANS SES BAGAGES
Selon nos informations, la Cellule aéroportuaire anti-trafic (Caat) a interpellé un ressortissant chinois résidant à Dakar et en partance pour la Chine, avec des produits de contrebande de faune dissimulés dans ses valises.
Un mois après l'arrestation d'une Chinoise pour les faits de trafic d'ivoire d'éléphant à l'aéroport international Blaise Diagne (Aibd) et qui, après avoir passé 30 jours derrière les barreaux, à la veille de son jugement au tribunal de grande instance de Mbour, avait bénéficié, par l'intermédiaire de sa représentation diplomatique au Sénégal, d'une transaction financière régulière et recouvré ainsi sa liberté, un autre ressortissant du même pays a fait l’objet d’interpellation, avant-hier.
Selon nos informations, la Cellule aéroportuaire anti-trafic (Caat) a interpellé un ressortissant chinois résidant à Dakar et en partance pour la Chine, avec des produits de contrebande de faune dissimulés dans ses valises. Il a été surpris avec 27 pièces d'ivoire d'éléphant fraîchement sculptées et astucieusement dissimulées dans des sachets et des pots de café et de lait en poudre.
A cela s’ajoute 11 bijoux sculptés en bois d'ébène, un autre bois précieux qui est comme l'ivoire. Ce dernier, selon nos sources, bénéficie d'un statut maximal et total de protection au Sénégal et dont le commerce illégal est lui aussi fortement sanctionné, depuis janvier 2019, à travers la mise en application du nouveau Code forestier.
Selon toujours nos informateurs, après son arrestation, une collaboration étroite est établie entre la Caat, la Direction des eaux et forêts et de la chasse (Defc), les maîtres des poursuites en matière de criminalité faunique et trafic de bois précieux appuyés par l'expertise juridique faunique du projet Eagle Sénégal (Eco Activists for Governance and Law Enforcement) pour entendre le présumé trafiquant travaillant pour une société de Btp chinoise établie à Dakar. Il est actuellement retenu en garde à vue au commissariat spécial de l'aéroport pour le compte de la Defc et de la Caat, pour des faits de circulation, détention et exportation illégale d'ivoire d'éléphant et de bois d'ébène pour une valeur estimée à 1 million de francs Cfa. Une fois en Asie, dit-on, la revente lui aurait rapporté le triple, puisque le prix de l'ivoire peut monter jusqu’à 2 500 $ le kilo sur le marché illégal.
“Les peines et amendes qui pourraient être retenues contre lui, pour trafic d'ivoire et de bois intégralement protégés, vont de 5 à 10 ans d'emprisonnement ferme, ainsi que des amendes de 5 à 10 millions de F Cfa’’, confient des sources. “Gageons qu'à travers cette nouvelle opération de criminalité faunique à l'Aibd, qui intervient à peine un mois après l'arrestation d'une autre Chinoise pour le même crime faunique, le gouvernement envoie à nouveau un signal aux trafiquants de tous horizons sur l'interdiction de ce commerce illégal ensanglanté et la "tolérance zéro" appliquée dans le traitement de ces 2 types de trafic (ivoire/bois précieux) sur l'ensemble du territoire national’’, ajoutent-elles.
«CHAQUE REGION DOIT DISPOSER DE SON PLAN REGIONAL EMERGENT»
Ingénieur statisticien planificateur et ancien député maire de tivaouane, El Hadji Malick Diop s’est penché sur les changements apportés au niveau du ministère de l’Economie et des Finances. Pour lui, la scission se justifie en partie par l’entrée en vigueur, à partir de 2020, de la directive de l’Uemoa relative au budget programme. Mais pour une meilleure efficacité des politiques, dit-il, chaque région doit disposer de son Plan régional Emergent (Pre) arrimé sur le PSE.
Après la formation du gouvernement, les yeux sont braqués sur le nouvel attelage et les commentaires vont bon train. Ingénieur statisticien planificateur et ancien député-maire de Tivaouane, El Hadji Malick Diop s’est intéressé à la scission intervenue au ministère de l’Economie et des Finances. Même s’il applaudit des deux mains cette décision, il estime que le ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération doit se doter du chantier de la régionalisation du Plan Sénégal Emergent (Pse). «Chaque région doit disposer de son Plan régional émergent (Pre) arrimé sur le Pse et chaque Pre aura son Plan d’Actions Prioritaires (Pap)», dit-il avant d’ajouter que l’élaboration du Pre, sous l’égide du ministère de l’Economie sera inclusive, participative avec la contribution de toutes les communautés d’acteurs (Etat, Secteur Privé, Collectivités territoriales, Société civile et Partenaires Techniques et Financiers (PTF)).
Cette démarche inclusive permettra aux populations, dit-il, de s’approprier davantage le Pse et le Pre. «Une cartographie des interventions des PTF permettra d’identifier pour chaque région ces PTF. La mise en œuvre des Pre facilitera la convergence d’ensembles vers l’émergence. On disposera d’un mécanisme de surveillance et d’indicateurs de performance. Le président de la République lors d’une cérémonie officielle sanctionnera positivement les régions les plus performantes dans l’atteinte des objectifs de leur Pap. Ces régions seront discriminées positivement par plus de financement ou autres distinctions», indique-t-il. De l’avis de l’ancien député maire de Tivaouane, la régionalisation du Pse sera ainsi un dispositif de convergence, de cohérence et surtout de continuité territoriale et chaque région disposera d'une plateforme optimale d'infrastructures de base structurantes. En ce qui concerne la scission du Ministère de l’Economie et des Finances, il affirme qu’elle se justifie en partie par l’entrée en vigueur à partir de 2020, de la directive communautaire de l’Uemoa, sur la mise en œuvre du budget programme.
suit : «le budget programme est un outil de programmation, de budgétisation et d’évaluation des programmes d’un ministère, qui met l’accent sur la relation entre les crédits alloués et les résultats attendus, et diffuse la culture de résultat dans l’administration (comme c’est le cas du Privé), transformant le budget de moyens en un budget axé sur les résultats ». Le budget programme dit-il, améliore le processus de responsabilisation des acteurs dans l’administration publique car chaque acteur est responsabilisé pour des résultats précis. Il relève également que dans le budget programme, « les Ministres seront directement les ordonnateurs des dépenses à l’instar des maires et des présidents de conseil départemental, du financement de la mise en œuvre de leur plan d’action d’où une déconcentration du budget national par l’assouplissement des procédures de gestion, par une plus grande flexibilité et un allègement des contrôles à priori (Fast track)».
Sur un autre registre, El Hadji Malick Diop membre de la coalition Benno Bokk Yaakaar de Tivaouane s’étonne que la cité religieuse ne compte pas de ministre dans le nouveau gouvernement. «Je suis sur que le Président corrigera ce manquement, qui a coupé le souffle aux populations engagées et dévouées à Macky Sall», a-t-il noté. Originaire de Tivaouane, Abdou Ndéné Sall qui faisait partie de l’équipe gouvernementale sortante comme ministre Délégué chargé du Développement du Réseau Ferroviaire National a été remplacé par Mayacine Camara.
“ON NE DEVRAIT PAS S’ETONNER QUE TOUTES LES STRUCTURES DU SENEGAL DECIDENT DE NE PLUS APPLIQUER LA CMU”
Elu secrétaire général du Syndicat autonome des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes du Sénégal (Sames), docteur Amadou Yery Camara dresse le diagnostic du système de santé.
Du seul point revendicatif obtenu à la dette de la Cmu, en passant par le recrutement clientéliste, le déficit et la mauvaise répartition des ressources humaines, le médecin-chef de région de Sédhiou met à nu toute la problématique du secteur, avant d’annoncer un probable dépôt de préavis de grève.
Vous êtes élu nouveau secrétaire général du Sames. Quelle est votre feuille de route ?
Permettez-moi, tout d’abord, de m’incliner devant la mémoire de nos camarades ravis à notre affection. Cela pour nous rappeler que nous avons besoin de santé, de sécurité et de bonnes conditions de vie pour être en mesure de nous occuper de la santé des autres. Être médecin, pharmacien ou dentiste ne nous exempte pas de la maladie, c’est pourquoi nous devons avoir une bonne prise en charge sanitaire et sociale, comme tout le monde. Nous avons eu la chance de participer aux luttes récentes du Sames aux côtés des deux derniers secrétaires généraux. C’est pourquoi notre feuille de route va naturellement s’inscrire dans la continuité pour la matérialisation totale de certains accords, d’abord, mais surtout pour une prise de décision de l’Etat dans le cadre de l’étude sur le système de rémunération des agents de la Fonction publique, afin de corriger les iniquités de traitement salarial. Nous allons également devoir nous pencher sur certains besoins qu’on n’avait pu adresser pendant les moments de crise. Je veux parler des activités de formation, des activités de collaboration entre syndicats de la santé du Sénégal et d’ailleurs. Mais il va sans dire que notre feuille de route définitive ne sera établie qu’après consultation de mon équipe et des membres du syndicat sur certaines questions.
En 2018, sur les 7 points de votre plateforme revendicative, l'Etat a accordé 6 points. Est-ce que ces accords ont été respectés ?
Le Sames était en grève pour le respect des accords signés en 2014. Et nous avons dû nous battre pour rendre effectifs des points d’accord avec le gouvernement. Mais nous butions sur l’âge de la retraite et le régime indemnitaire, alors que le principe de la hausse du salaire des médecins, après mise en place d’une commission bipartite en décembre 2014, était déjà accepté et écrit noir sur blanc dans le protocole d’accord. Grâce à la décision du chef de l’Etat de l’octroi de l’indemnité de représentation médicale (Irm) et de la retraite à 65 ans, nous avons pu avancer dans les négociations et lever le mot d’ordre. L’Irm est effective depuis le mois d’août 2018 pour les agents de la Fonction publique et même récemment, les médecins, pharmaciens, dentistes et vétérinaires militaires ont eu à en bénéficier. Cependant, dans certaines mairies, surtout à Dakar, les maires refusent le paiement de cette indemnité. Il en est de même pour certains directeurs d’établissement public et d’agence. Cette position de défiance de la décision du chef de l’Etat est incompréhensible. La retraite à 65 ans n’est toujours pas effective, nous attendons toujours la présentation du projet de loi et son vote par l’Assemblée nationale. L’Etat avait aussi accepté le prêt équipement aux jeunes médecins recrutés à partir de 2014. La première cohorte en a bénéficié, mais pour les suivantes nous sommes obligés de courir après. Il ne faut pas oublier que ce protocole d’accord prévoyait l’octroi de parcelles à usage d’habitation à la coopération d’habitat du Sames dans les zones d’aménagement concerté (Zac). Celles de Thiès, Richard Toll et Kolda sont soit attribuées ou en bonne voie, mais pour celle du lac Rose qui est la plus attendue, nous sommes toujours au point mort. Pour ce qui est des lenteurs administratives, une amélioration a été constatée et le stock de dossiers des médecins en souffrance à la Fonction publique a été traité. Mais la revendication de participation à la commission de recrutement de la Fonction publique reste une demande pressante pour prévenir toute tentative de recrutement clientéliste, comme on l’a vu en 2018. A l’instar des autres syndicats de la santé et de l’éducation, nous attendons les mesures correctrices consécutives aux résultats sur l’étude du système de rémunération des agents de la Fonction publique. Donc, seul le point sur le traitement des dossiers des médecins a été épuisé.
Votre mandat s’annonce-t-il difficile, avec tous ces défis à relever ?
L’activité syndicale n’est pas aisée pour un agent en activité et demande beaucoup de sacrifices. Mais, comme nous sommes actifs dans le Sames depuis une quinzaine d’années et avons participé à la plupart des luttes, alors, j’envisage l’avenir avec beaucoup de sérénité. Je sais pouvoir compter sur la nouvelle équipe qui est plus jeune et plus diversifiée, avec l’entrée dans le bureau des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens et plus de femmes. Donc, comme vous dites, mandat difficile peut-être, mais nous sommes préparés à faire face et nous pouvons avoir recours à plusieurs compétences pour aboutir toujours à une analyse fine de la situation et de la posture à adopter y comprise celle des anciens secrétaires généraux et membres fondateurs. Je suis plutôt optimiste, parce que l’Etat connait le syndicat et nous avons eu une collaboration franche avec le ministre de la Santé. Il sait que la paix sociale dépend de sa capacité d’écoute et d’anticipation de l’Etat.
Que comptez-vous faire pour amener l'Etat à respecter ses engagements ?
Nous n’allons pas dévoiler nos stratégies, mais nous allons certainement vers la confrontation avec ces maires et directeurs rebelles. Nous n’excluons aucune piste, mais nous privilégions le dialogue.
Le jour de votre congrès, le Sg sortant a soutenu que les mois à venir s'annoncent difficiles pour le syndicat. Est-ce à dire qu'il y aura des mouvements ?
En tout cas, nous allons actualiser notre plateforme revendicative qui pourra être suivie du dépôt d’un préavis de grève. Maintenant, la stabilité du secteur ne dépend que de l’autorité politique, parce que les syndicats de la santé et de l’éducation attendent la correction des inégalités de traitement salarial promise par l’étude sur le système de rémunération. Nous attendons, comme d’autres syndicats, les décisions qui seront prises, sachant qu’on ne pourra pas attendre ad vitam aeternam le résultat de cette étude. Pour être en cohérence avec l’option d’inciter les jeunes vers les filières scientifiques, l’Etat ne doit pas seulement se limiter à la théorie, il doit mettre au même rang les médecins, pharmaciens et dentistes que les grands commis de l’Etat. Ainsi, les jeunes verront que leur choix initial pourra leur permettre d’avoir une carrière paisible.
Le thème de votre congrès c’est la gestion des ressources humaines en santé. Que proposez-vous à l'Etat pour régler ce problème ?
La gestion des ressources humaines est catastrophique, aussi bien à la Fonction publique qu’au ministère de la Santé. Actuellement, on peut diviser le Sénégal en deux zones : la zone côtière et l’hinterland. Prenant l’exemple des spécialistes, ils se bousculent dans la première zone, surtout à Dakar, allant jusqu’à avoir parfois 4 spécialistes, voire 7 dans un même service. Dans certains services d’odontologie à Dakar, les chirurgiens-dentistes travaillent 2 ou 3 jours par semaine, tant ils sont nombreux. Alors que dans la deuxième zone de Sédhiou à Kédougou, c’est le désert. On constate des régions entières sans pédiatre, sans réanimateur, sans radiologue, etc. De rares districts comptent des chirurgiens-dentistes ou des pharmaciens. Dans ces mêmes zones, la majorité des médecins qui s’occupent du Vih sont des contractuels qui peuvent changer d’orientation, s’ils trouvent mieux, alors qu’on dit vouloir éliminer la transmission du Vih. Pour la Fonction publique, c’est encore pire. En 2018, de jeunes médecins, pharmaciens et dentistes ont été recrutés au détriment de leurs ainés qui sont avec ces contrats précaires, dans ces zones difficiles. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut des mesures immédiates pour résorber le déficit. Cependant, l’Etat doit assoir des changements structurels qui pourront permettre d’assurer la disponibilité continue de spécialistes. Pour mesure immédiate, après avoir évalué rapidement le gap de spécialistes dans les régions périphériques, l’Etat peut inscrire une ligne budgétaire pour des contrats incitatifs destinés aux spécialistes qui pourront même attirer des spécialistes du privé pour une durée, par exemple, de 5 ans. Pendant ce temps, on aura recruté des médecins avec ces postes régionalisés et ces derniers pourront bénéficier de bourses de spécialisation pour remplacer les contractuels à terme. Un guide de mobilité consensuel doit être adopté et mis en œuvre pour décrire un système de carrière efficace qui garantisse le retour à Dakar, au bout d’un certain délai, aux agents qui acceptent d’aller en zone périphérique, en toute transparence. Ensuite, il faut également mettre en place le système de motivation des agents exerçant en zone difficile, tenant compte de l’éloignement, du risque, de l’absence de certaines infrastructures de base, etc. Mais, pour tout cela, il faut de la volonté politique pour prendre à bras le corps ce problème. C’est toute la population et toutes les autorités qui sont responsables de ce déséquilibre, parce que tous ces recrutements et déplacements non conformes émanent de demandes de personnes issues de la société.
Cette situation n'est-elle pas à l'origine de la fuite des cerveaux ?
Bien sûr, et un ministre de la Fonction publique attirait notre attention sur le nombre de démissions de médecins, chaque année. De mauvaises conditions de travail, un mauvais traitement salarial associé à l’absence de responsabilité réelle sur ses collaborateurs entretiennent la démotivation. Les médecins ne prennent pas les pirogues, mais ils ont de véritables filières d’émigration régulière vers la France, qui doit compter plus de psychiatres sénégalais que leur pays d’origine, la Guyane, le Canada, sans parler des organismes internationaux. Pour les pharmaciens, c’est l’Afrique centrale et de l’Est, etc.
En tant que médecin-chef de région, que pensez-vous de la politique des gratuités de la Cmu ?
La Cmu est une idée généreuse du chef de l’Etat pour lutter contre les inégalités et garantir l’accès des populations aux services de santé. Déjà, les conditions de succès ont été identifiées par le rapport sur le financement de la santé de l’Oms de 2010. Ce rapport établit clairement qu’il s’agit de couverture sanitaire universelle demandant une intervention sur les 3 piliers que sont : la prévention, l’offre de services et l’assurance maladie. Mais, au Sénégal, on s’est focalisé sur les gratuités et, comme on le sait, le champion des gratuités est le Venezuela qui est aujourd’hui en faillite. Gratuité oui, mais de manière graduelle, mesurée, soutenable, en agissant sur la disponibilité du service, la prévention et la promotion de la santé. Parce que, même si la santé est gratuite dans une commune, par exemple, s’il n’existe pas de poste de santé, la couverture sanitaire sera nulle et s’il y a plus de malades que de mutualistes sains, également, cela ne marche pas. La gratuité du traitement de certaines maladies comme le cancer et l’insuffisance rénale serait pertinente. Parce que ce sont des maladies qui ruinent le malade et la famille. Mais il faut avoir les moyens de sa politique. Cela doit être accompagné par un mécanisme de financement innovant décrit comme les taxes sur le tabac, l’alcool, les ondes électromagnétiques des services téléphoniques mobiles, etc. On devait le faire comprendre à l’autorité, c’est ça le rôle du technicien, éclairer la décision de l’autorité pour garantir le succès et la pérennité de la stratégie. L’Agence de la Cmu doit apprendre à vivre plus sobrement. On ne peut pas comprendre qu’une agence étatique aille louer un immeuble là où le mètre carré est le plus cher au Sénégal, avec une administration digne d’un ministère, en plus de la location de bâtiments pour des agences régionales de l’Acmu qui pouvaient se baser dans certaines régions médicales et avoir des problèmes de paiement de prestation.
Quelle est la situation de la Cmu à Sédhiou ?
Je ne veux pas particulariser Sédhiou, mais elle subit ses dettes comme toutes les autres régions du Sénégal. Depuis le premier trimestre 2017, la région n’a reçu aucun remboursement. Ainsi, cette dette s’élève à près de 200 millions à Sédhiou ; à Ziguinchor, on parle de 900 millions, ainsi de suite. Pour la Pna, on est à l’ordre de milliards. Toutes les structures qui ne peuvent plus payer leurs médicaments ne sont plus réapprovisionnées par la Pna. C’est pourquoi ces dettes cumulées ne peuvent pas passer par pertes et profits, comme essaie de le faire l’Agence de la Cmu. On ne devrait pas s’étonner que toutes les structures du Sénégal décident de ne plus appliquer la Cmu, si elle persiste à nier cette dette et ne met pas à contribution l’augmentation du budget de l’agence pour apurer cette dette.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confronté dans sa mise en œuvre ?
La mise en œuvre des politiques des gratuités est catastrophique et elle est en train de produire le contraire de l’effet recherché. Les tensions de trésorerie que subissent les structures font que, devant faire face à la nécessité du paiement des salaires ou de la motivation des acteurs communautaires, les administrateurs puisent dans les recettes destinées à honorer les factures des médicaments. Au finish, la Pna n’a plus les moyens de faire face et décide de ne pas approvisionner les structures mauvaises payeuses. Le cercle vicieux continue. On voulait rendre accessibles les soins, maintenant, même ceux qui ont les moyens pour payer les services et médicaments font face à des ruptures. La Cmu est en train de provoquer de grandes difficultés de fonctionnement aux structures. C’est pour cette raison que nous allons demander au chef de l’Etat de doter l’Agence de la Cmu d’une allocation suffisante pour apurer sa dette aux structures de santé et à la Pna, et penser à une nouvelle Cmu plus globalisante. Nous allons aussi proposer une indemnité à l’Alliance And Gueusseum pour assurer la stabilité du système sanitaire, car les infirmiers et les sages-femmes méritent un meilleur traitement, mais également de corriger l’injustice que subissent les docteurs vétérinaires du Sénégal en matière de traitement salarial.
MASS SECK TRAINE CANAL+ EN JUSTICE
La série “Sakho et Mangane’’, diffusée par Canal+, est-elle une copie de la série policière “Division X Dakar’’ d’El Hadj Mass Seck, artiste-musicien, par ailleurs responsable artistique de la Tfm?
Ce dernier en est persuadé et a porté l’affaire au niveau de la justice. A Diourbel, sa ville natale, un collectif a vu le jour et se mobilise pour défendre les intérêts de son fils
C’est le 15 avril prochain que le tribunal de commerce hors classe de Dakar va examiner de nouveau l’affaire qui oppose El Hadj Mass Seck à Canal+. L’artiste-musicien, membre de l’ex-groupe musical de rap Black Diamonds, a déposé une requête aux fins de référé d’heure en heure au niveau du tribunal de commerce hors classe de Dakar contre la société Canal+. Pour l’artiste, “il a conçu une série policière intitulée ‘Division X Dakar’. Il a fait enregistrer l’œuvre au Bureau sénégalais des droits d’auteur devenu Sodav. Au mois d’avril 2011, il a fait tourner l’épisode pilote de la série d’une durée de 42 minutes’’.
Dans l’assignation de référé d’heure en heure déposée par l’avocat du requérant, dont “EnQuête’’ détient copie, les preuves du plagiat sont apportées. Elles sont déclinées ainsi : “A la fin de l’année 2013, par l’entremise d’un producteur ivoirien du nom de Dacko, le requérant a pris contact avec deux responsables de Canal+, notamment François de Planck, Directeur des programmes, et Malchiodi, Directeur de A+. Qu’une rencontre avait été tenue avec ces derniers dans un hôtel de la place, au cours de laquelle une séquence de 30 minutes de l’épisode a été visualisée.
A la date du 4 avril 2014, les premiers échanges de mails ont commencé et ont porté essentiellement sur le synopsis, la bible des personnages (récit décrivant les différents personnages avec leurs particularités et leurs traits de caractère) ainsi que deux épisodes de 13 minutes chacun de ma série ‘Division X Dakar’. Que toujours en perspective de la future collaboration, le requérant a, à la date du 9 février 2014, envoyé aux responsables de Canal+ l’arche de la série, c’est-à-dire le résumé de tous les épisodes. Que le 17 mars 2014, il leur envoie de nouveau un Dvd de l’épisode pilote d’une durée de 13 minutes, par Dhl, à l’adresse de Canal+ à Paris. Qu’à la date du 29 janvier, une rencontre a été tenue à Abidjan et à l’issue de ladite rencontre, les requis lui ont demandé de fournir un budget ainsi qu’un planning de tournage. Qu’à la même occasion, il leur a copié le pilote de la série sur leur disque dur. Qu’à la date du 30 avril 2015, Canal+ a informé le requérant que des responsables de la boite viendraient à Dakar pour discuter de l’évolution du projet. Que dans le même sillage, la dame Cécile Geradin, responsable de la fiction chez Canal, à la suite d’un entretien téléphonique avec le requérant, l’a informé de ce qu’elle avait remplacé le sieur De Planck à la direction des programmes et lui promettait de poursuivre le projet. Que depuis cette date, Canal+ a rompu tout contact avec le requérant.’’
Et le requérant, par l’entremise de son avocat, de constater que : “Quelque temps après, il apprit fortuitement, via le net, que la société de production Keewu, filiale de Canal+ Overseas, avait lancé un appel à candidature pour des scénarii d’une série policière. Qu’à la grande surprise du requérant, il découvre, à travers la bande annonce du film ‘Sakho et Mangane’ que sa série ‘Division X Dakar’, objet de la collaboration avec Canal+, a été quasiment reproduite. Qu’en fait foi le descriptif des personnages principaux dans la bible des personnages de ‘Division X Dakar’ qui a été délibérément copié. Qu’il s’infère que Canal+ a littéralement plagié l’œuvre du requérant’’.
Pour toutes ces raisons, l’avocat écrit : “Vu l’urgence et le péril qui menace sa propriété intellectuelle, M. El Hadj Mass Seck sollicite qu’il vous plaise de bien vouloir l’autoriser à assigner à bref délai par devant votre cabinet, la société Canal+ via sa succursale Canal+Sénégal, pour entendre ordonner à cette dernière d’arrêter la diffusion du téléfilm ‘Sakho et Mangane’, en cours de diffusion sur les chaînes Canal+ et ce, sous astreinte de 1 000 000 F Cfa par jour de retard, à compter du prononcé de votre décision.’’ Ce que le tribunal a accepté. Ainsi, l’affaire, examinée le 8 avril, repasse le 15 avril prochain. Cette fois, ce sera le débat de fond.
par Cheikh Tidiane Ba
LE PSE FACE AU DÉFI DÉMOGRAPHIQUE
Il est d’une extrême urgence que les questions de population, du fait de leur caractère transversal, soient intégrées dans les objectifs et stratégies des documents de politiques des ministères sectoriels
L’examen des politiques publiques et leur mise en œuvre, nous conforte dans l’idée que jusqu’ici, les gouvernants n’ont pas pris la pleine mesure de l’importance de la variable démographique dans le développement socio-économique du Sénégal. En effet, l’accroissement démographique de la population, des jeunes en particulier, peut sous certaines conditions constituer soit une opportunité, soit une contrainte majeure, dans l’atteinte des objectifs du PSE.
Il n’est pas dans notre propos de soutenir que les questions démographiques sont absentes du PSE, puisque dans l’axe 2 de la phase 2 (2019-2024), intitulé : Capital humain, protection sociale et développement durable, dix objectifs stratégiques sont prévus parmi lesquels, celui d’accélérer la transition démographique et de promouvoir une meilleure gouvernance de la migration.
Notre réflexion sur cette catégorie de la population que constitue la jeunesse, sous l’angle de la problématique démographique, ne relève pas d’un quelconque néo-malthusianisme à la petite semaine. Elle renvoie plutôt, à l’entendement qu’en a une certaine démographie compréhensive, qui a dépassé le fétichisme du nombre, et qui s’inscrit dans ce que les démo-économistes appellent « l’optimum de population ». Ce dernier, s’apprécie en fonction de la capacité d’un pays à satisfaire ses besoins essentiels (santé, éducation, alimentation, environnement, genre, habitat, emploi, etc.) au regard des ressources disponibles et des capacités productives.
Cependant, il me parait d’une extrême importance, d’instaurer un débat prospectif sur ces questions démographiques, qui sont au cœur du projet de société, que nous devons co-construire. Ce débat, devrait se faire entre décideurs politiques, spécialistes en population/développement et les autres composantes de la population ; pour déterminer jusqu’où ne pas aller trop loin.
Il serait du reste, à terme contre-productif, de se lancer dans un programme drastique de maitrise de la croissance démographique, qui homogénéise (situations individuelles, spécificités locales voire régionales) sans discernement ; dont la finalité restrictive ne vise pas nécessairement à préserver d’abord, la santé et le bien-être des populations. Cette voie, n’est heureusement pas celle privilégiée par le Sénégal.
En effet, le cas de la Tunisie devrait faire réfléchir. Ce pays, après avoir mis en place un important programme de planification familiale, se retrouve avec 1,84 enfant par femme, et une croissance de la population de 1%. Ce taux se situe à peine au dessus de la moyenne des pays riches, qui est de 1, 64%. Sous ce rapport, aujourd’hui, de nouveaux problèmes se profilent comme dans les pays développés : réformes du système de sécurité sociale avec à la clé, une augmentation croissante de la proportion de personnes âgées, qu’il faut prendre en charge.
Ceci étant dit, il ne me parait pas superflu de faire recours, ne serait-ce que de façon allusive, à un article aux allures prophétiques paru dans un numéro de l’express du mois de mai 2003, de l’éditorialiste Denis Jeambar. Tirant la sonnette d’alarme, il avertissait : « Quarante millions d’enfants de moins de 15 ans, grandissent aujourd’hui dans les trois pays du Maghreb- Algérie, Maroc, Tunisie, sans espoir réel d’y trouver du travail dans les années à venir ».
Il va plus loin en ajoutant : « Il faudrait, en effet, que ces Etats connaissent une croissance supérieure à 8% par an dans les prochaines années, pour absorber cette marée montante de demandeurs d’emploi. L’avenir de ces gosses est malheureusement, dès maintenant écrit : il s’appellera désespoir et révolte. Ou émigration ! ».
Et de conclure : « Ce baby boom maghrébin, sil ne bénéficie pas d’un plan Marshall européen, se radicalisera contre la domination universelle du capitalisme et basculera dans un fondamentalisme explosif ».
Neuf ans après, cette prédiction funeste et implacable s’est réalisée avec le printemps arabe.
Plus récemment, en 2008, on est tout autant frappé par l’analyse fine et tout autant futuriste, faite par Gunnar Heinsohn, sociologue à l’université de Brême (Allemagne), sur les violents évènements post-électoraux au Kenya. Pour lui, comme dans beaucoup d’autres pays africains, l’explosion de violence au Kenya est à mettre en relation avec son explosion démographique. Il souligne : « Qu’en seulement quatre-vingts ans, la population kényane a bondi de 2,9 millions à 37 millions ; et que si l’Amérique avait connu une telle croissance démographique depuis 1928, où la population était de 120 millions d’habitants, elle en compterait aujourd’hui 1,56 milliards ».
Il rappelle que le Kenya : appartient à un groupe d’une quarantaine de pays, qui ont une croissance démographique exceptionnellement élevée. Qu’entre 1950 et 1985, l’indice synthétique de fécondité kényan a tourné autour de 8 enfants par femme. Qu’en 2007, chaque kényane a donné naissance en moyenne à 5 enfants (contre 2 par femme aux Etats-Unis et 1,6 en Grande-Bretagne) ».
Son analyse débouche sur le constat suivant : « Les kényans de sexe masculin ont un âge moyen de 18 ans et 42% d’entre eux ont moins de 15 ans ». La conséquence qu’il en tire : C’est qu’avec autant d’hommes jeunes frustrés, mieux nourris et mieux instruits qu’ils ne l’ont jamais été, mais qui n’ont que peu de perspectives de trouver un emploi, tout pays où cette poussée de jeunesse a lieu sera exposé à une forte agitation sociale ».
Les signes avant- coureurs des situations décrites ci- dessus, sont-ils réunis au Sénégal ?
Pour ceux qui savent décrypter les signes, il faut toujours avoir un esprit proactif. En l’espèce, nous faisons nôtre cet aphorisme de Nietzche pour qui « les grands évènements viennent sur des pas de colombe ». Pour les sceptiques, le cas algérien est entrain de se dérouler sous nos yeux. Ils vivent même si c’est de façon différée, à la consternation générale (les mêmes causes produisant les mêmes effets), le printemps arabe, qui a déstabilisé leurs voisins du Maghreb.
Il ressort de l’EDS continue 2016, que La population du Sénégal, selon les différents recensements a été multipliée par trois entre 1976 et 2013. Elle est passée de 4. 958. O85 hab. à 13.508.715 hab. Cette population croît rapidement : le fort taux de croissance de 2,7% résulte essentiellement d’une fécondité encore élevée (4,7) (2012-2013) et d’une mortalité en baisse (43 %O 2012-2013). De cette forte croissance résulte une extrême jeunesse : l’âge moyen de la population est de 22 ans et la moitié de la population a moinsde 18 ans (âge médian).
Le problème encore une fois, ne se situe pas au niveau du nombre, mais plutôt dans celui du rythme d’accroissement démographique (2,7%) qui est très élevé. Cette forte croissance démographique, induit une extrême jeunesse de la population. Cependant, selon le même rapport EDS continue 2016, le nombre moyen d’enfants par femme est passé de 6,4 à 5,7 en 1997, puis à 5,5 en 2005 et à 4,7 en 2016. Le niveau de fécondité demeure plus élevé en milieu rural qu’en milieu urbain (5,9 contre 3,5).
Les conséquences socioéconomiques de la situation sus-indiquée, renvoient au fait que cette croissance démographique rapide plombe les efforts de développement, contribuant ainsi, à exacerber cette fameuse « demande sociale ». A contrario, si l’Asie des dragons a pu mettre à profit sa jeunesse pour son décollage économique, c’est parce que trois facteurs étaient réunis : un taux de fécondité en baisse structurelle, un système éducatif de qualité, enfin, un écart d’inégalités dans la distribution des revenus tolérables.
Quant au Rwanda, il a obtenu une croissance soutenue après avoir investi dans l’éducation de masse, divisé son taux de mortalité infantile par deux en dix ans et multiplié sa contraception moderne par quatre.
Il me paraît superflu d’égrener la litanie des problèmes au Sénégal et qui ont noms, comme dans les pays du Maghreb, problème d’emploi, migrations internes et émigration ; qui ont déjà pris une dimension à la fois tragique et alarmante.
A titre illustratif, le seul secteur de l’éducation est suffisamment emblématique, de situations que l’on peut retrouver dans d’autres secteurs. Il ya une vingtaine d’années, suite à des projections démographiques, nous avions alerté sur la massification des effectifs à tous les niveaux du système éducatif, à l’horizon où nous sommes en ce moment. Les documents ont été rangés dans les tiroirs, par les décideurs de l’époque.
Aujourd’hui, on est dépassé par l’ampleur du phénomène et on semble s’étonner du caractère pléthorique de nos amphithéâtres et des effets collatéraux, que constituent les flux migratoires.
C’est pourquoi, dans cette même perspective, comme dans les pays émergents, pendant que notre pyramide des âges y est favorable, le Sénégal pourrait utiliser cette fenêtre de tir pour bénéficier de ce fameux « Dividende démographique ». Il s’agit là d’un concept « tarte à la crème » entré désormais dans le champ lexical onusien, qui ne me parait pas suffisamment opératoire parce que généralement il n’est pas compris par ceux qui devraient se l’approprier . . . . Il reste que la réalité qu’elle veut signifier est plus que pertinente. En effet, des données recueillies sur de longues périodes, font ressortir que la baisse de la fécondité ouvre un « créneau démographique » à fort impact au plan socio- économique, sous réserve d’avoir satisfait certaines conditions. Ainsi, avec une maîtrise de sa fécondité, le Sénégal aura un nombre d’enfants inférieur aux effectifs de sa population d’âge actif.
Il pourra dès lors, procéder à des investissements supplémentaires de nature à rendre son Plan Sénégal Emergent (PSE), plus performant et conséquemment, améliorer son niveau de développement et à terme enrayer la pauvreté.
Il semble que ce créneau, ne s’ouvre qu’une seule fois et se referme quand les populations vieillissent et que le ratio des personnes à charge (enfants et personnes âgées), commence à augmenter de nouveau.
Il est donc de la plus haute importance et urgence, d’agir dès maintenant sur deux leviers, dont le premier, consistera à parachever la transition démographique du Sénégal (Période pendant laquelle, une population passe d’un régime de mortalité et de natalité élevé, à un régime de basse mortalité, puis de faible natalité).
L’accomplissement effectif de cette phase, permettra au Sénégal, de disposer d’une proportion de population active (en âge de travailler), supérieure à la population dépendante (enfants et personnes âgées). Ce potentiel démographique, avec un bon niveau d’éducation et de formation, devrait être capable d’investir des secteurs porteurs de plus-value (secteurs agricole et tertiaire notamment les NTIC etc.), aux fins d’impulser le développement. Ensuite, mettre en place des programmes hardis de santé et notamment de santé reproductive et de planification familiale.
Cette dernière, ne se limitant pas à fournir des moyens contraceptifs par les structures de santé. En effet, cette stratégie doit être affinée par un meilleur ciblage, accompagné d’un plan stratégique de plaidoyer et de communication pour transformer les rapports de production, ainsi que les rapports sociaux.
Aussi, grâce à ces stratégies de communication multimédias : radio, télé sketch (les télés novela brésilienne ont révolutionné les programmes de PF dans ce pays) et autres recherches/actions, à partir desquelles, seront puisés les messages clés de sensibilisation ; obtenir d’autres normes, valeurs et attitudes que celles qui surdéterminent présentement la culture de forte fécondité. Ce changement de comportement, passera nécessairement par la déconstruction (au sens où l’entend le philosophe Jacques Dérrida) des systèmes de représentations (croyances, perceptions, attitudes).
C’est tout de même étonnant, qu’après des décennies de mise en œuvre de programmes de planification familiale, qu’on ne se soit pas posé les bonnes questions, devant des résultats somme toute mitigés, au regard des investissements consentis. Il importera nous semble-t-il, de faire preuve d’innovation et de mettre à contribution mieux qu’on ne l’a fait jusqu’ici, les différents réseaux en population (Journalistes, parlementaires, communicateurs traditionnels et religieux surtout…)
Le second levier à actionner portera sur un investissement massif dans la promotion du capital humain, dans l’éducation, notamment la scolarisation, le maintien des jeunes filles à l’école, la prévention des mariages et grossesses précoces. Enfin, l’accent sera mis sur la formation, en particulier la formation professionnelle et la promotion de l’auto-emploi.
Si des efforts ont été faits dans le sens de la maitrise des questions démographiques, notamment dans l’élaboration de documents de politique (Déclaration de politique de population), les programmes d’action pour les opérationnaliser n’ont pas trouvé de financements à la hauteur des enjeux. Quand on sait que jusqu’ici, les pouvoirs publics ne consacrent qu’une part dérisoire du budget national à cette question cruciale, force est de constater, qu’elle n’est pas élevée au rang de priorité.
Du reste, la problématique démographique n’est pas relayée par le discours politique. Ceux qui l’évoquent, se limitent à indiquer que son taux est au dessus de celui de la croissance économique, sans en tirer toutes les conséquences. Cela a été accentué par le fait que les programmes, qui ont eu à bénéficier de l’appui des partenaires au développement, sont au fil du temps, délaissés pour d’autres programmes ! !!
Pendant ce temps, il existe au sein de l’université un Institut de la Population et de la Santé de la Reproduction (IPDSR), qui depuis une vingtaine d’années s’active dans la formation et la recherche (plusieurs cohortes d’étudiants sénégalais, africains de l’ouest, centrale et autres…), mais ne bénéficie pratiquement plus de financements. En un mot comme en mille, il est impératif que la volonté politique clairement affichée par les décideurs politiques , dans les lignes d’actions du PSE ; soit suivie d’inscriptions budgétaires additionnelles suffisantes, expressément allouées aux questions de population d’une part. D’autre part, il est d’une extrême urgence que les questions de population, du fait de leur caractère transversal, soient intégrées dans les objectifs et stratégies des documents de politiques des ministères sectoriels et traduits en plans et programmes d’actions conséquents.
In fine, à l’occasion de sa cérémonie de prestation de serment, le Président de la République, a déclaré avec solennité, que la jeunesse sera placée au cœur de son prochain mandat. Nous avons la conviction, que cela passe par la prise en charge du facteur démographique, qui est au cœur de toutes les problématiques sociétales et géopolitiques. En outre, en démographie, la variable population et la variable migration, sont souvent l’avers et l’endroit d’une même médaille. A ce titre, elles méritent de tout gouvernement stratège, la plus grande attention et conséquemment, un positionnement au top niveau, de son architecture institutionnelle.