EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Le développement de la Casamance doit se faire en utilisant une démarche participative à la base et en privilégiant les normes endogènes pour éviter les impasses dans lesquelles on se fourvoie
#Enjeux2019 - Réfléchir sur la prise en compte du développement de la Casamance[1] dans les programmes des candidats à l’élection présidentielle de Février 2019 revient à montrer et à expliquer les potentialités socio-culturelles et naturelles dont dispose cette belle partie méridionale du pays, malgré le conflit armé[2] qui y règne depuis décembre 1982. En effet, la question du conflit armé en Casamance constitue non seulement une véritable problématique pour les pouvoirs publics, mais aussi pour les citoyens sénégalais. Ce qui a incité d’ailleurs d’aucuns à parler du « conflit sénégalais en Casamance » ; afin de mieux impliquer les différentes franges de la nation dans le règlement définitif dudit conflit.
Mieux, il est stipulé dans la Constitution que le territoire est indivisible et qu’il incombe en premier au Président de la République d’y veiller. C’est la raison pour laquelle les candidats à l’élection présidentielle ne peuvent et doivent occulter ce conflit dans leur programme. Quelles sont les offres programmatiques des candidats pour la Casamance à l’élection présidentielle de février 2019 ? Il s’agit d’abord de rappeler brièvement les interventions des différents régimes qui se sont succédé, du président Abdou Diouf à Macky Sall, avant d’inviter à la réflexion sur le développement de la Casamance.
- Sous Léopold Sédar Senghor (1960-1981) -
Sous son magistère, le premier Président du Sénégal indépendant, Léopold Sédar Senghor, a misé sur l’unité nationale du pays en passant par l’élargissement de son parti, l’Union Progressiste Sénégalais, devenu Parti Socialiste, dans les différentes localités du pays. C’est dans ce cadre que le Pr Assane Seck et Émile Badiane ont été invités à rejoindre le dispositif étatique de la jeune nation. Le président Senghor voulait promouvoir le leadership local à travers le territoire national même s’il ne faut pas occulter certains évènements douloureux comme la sècheresse des années 1970, la crise pétrolière de 1973 et l’assassinat du jeune lycéen Idrissa Sagna lors d’une grève d’élèves à Bignona mais aussi le choc frontal et brutal de la finale de la coupe du Sénégal entre l’équipe de la Jeanne d’Arc et celle du Casa Sport (club fanion du Sud), en 1979. Ces deux derniers événements sont, à certains égards, les éléments déclencheurs de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la « crise casamançaise » assimilée à la date du 26 décembre 1982. Il faut tout de même reconnaître que sous le régime de Senghor, des efforts ont été consentis pour le développement de la Casamance sur le plan agricole.
- Abdou Diouf (1981-2000) et la crise casamançaise –
L’arrivée du Président Abdou Diouf coïncide avec le début de la crise opposant le Mouvement des Forces Démocratique de Casamance[3] (MFDC), sous la houlette du leader charismatique Abbé Diamacoune Sénghor, et l’Etat. Héritant de cette crise, le Président Diouf va non seulement rester intransigeant par rapport à la défense de l’intégrité territoriale et nationale, mais il va aussi utiliser la méthode du «tout sécuritaire». C’est-à-dire, l’armée pour réprimer violemment les indépendantistes. Près d’une dizaine d’année, la seule véritable réponse fut militaire et Diouf finit par se rendre compte des limites de l’option de l’armée pour mettre fin au conflit. Ce sera le début des négociations aboutissant aux accords des années 1990. Il s’agit des accords de CACHEU (Guinée Bissau) et de BANJUL (Gambie). De même, le Président Diouf va essayer de réorienter sa politique de développement dans cette partie méridionale du Sénégal en s’appuyant sur la décentralisation (avec la régionalisation) de 1996, consistant à donner davantage de pouvoirs aux régions et orienter ainsi la politique vers le développement de l’agriculture et de l’élevage en Casamance.
- Wade (2000-2012) et sa promesse de régler la crise en 100 jours –
Une fois élu, il promit de régler le conflit en Casamance en 100 jours en se fondant sur une proximité supposé ou réel avec l’Abbé Diamacoune qu’il a rencontré en prison. La gestion de la crise casamançaise par le Président Abdoulaye Wade sera particulière. Après sa prise de fonction, il se détourna de tout ce qui a été fait en termes de recherche de paix et de développement pour enfin proposer son option d’orientation pour la Casamance. Selon Wade, la question fondamentale qui mérite d’être posée était la suivante : « Faut-il développer la Casamance sans la paix ou bien faut-il chercher d’abord la paix pour enfin penser au développement de la Casamance? ». En voulant répondre à cette question complexe, le Président Wade va finalement opter pour les deux (02) : développer la Casamance tout en recherchant la paix. C’est dans cette optique d’ailleurs qu’il a créé l’Agence Nationale pour la Relance des Activités Sociales et Économiques en Casamance (ANRAC) en juillet 2004 qui avait pour mission d’identifier les indicateurs du développement de la Casamance et de réfléchir sur les stratégies pour le règlement définitif de la crise. Pour ce faire, le tableau de bord de cette Agence était le Programme pour la Relance des Activités Sociales et Économiques en Casamance. Un vaste chantier de reconstruction, de réhabilitation et de réinsertion sera enclenché en rapport avec les bailleurs de fonds. En ce qui concerne la gestion de la crise, il faut signaler que le Président Wade a eu des acquis avec la signature de quelques accords de paix et l’invitation du leader charismatique du MFDC au palais présidentiel. Toutefois, il faut noter aussi que la gestion de la crise casamançaise sous le régime de Wade n’était pas trop appréciée par les différents acteurs et observateurs de la scène politique sénégalaise.
- Sous le magistère du président Sall (2000-2012) -
Avec le président Macky Sall, nous constaterons une autre façon de gérer la crise. Car avant même son élection, le candidat Macky Sall avait accepté d’être auditionné par la Plateforme des Femmes pour la Paix en Casamance. De même, le candidat en question a eu à sillonner toute l’étendue du territoire national, ce qui lui a permis d’ailleurs d’élaborer son programme « Yonnu Yokuté[4] ». Une fois arrivée au pouvoir, le Président Sall a effectué plusieurs visites dans cette région pour, dit-il, s’enquérir des préoccupations des différentes franges de la localité. Ce faisant, il a opté aussi, comme son prédécesseur, pour le développement de la région et le gestion pacifique de la crise en utilisant le termes « La paix des braves ». C’est parti alors pour le lancement d’une série de programmes et de chantiers avec les partenaires au développement. Nous pouvons citer : le Programme Pôle Economique de la Casamance (PPDC), avec le Millenium Challenge Account (MCA). Il a été noté une valorisation de la Boucle du Boudjé, du Blouffe, de la RN 6 (Route Nationale 06), la dotation de la région de deux (02) nouveaux bateaux AGUENE ET DIAMBOGNE, etc. De 2012 à 2024, la gestion du dossier casamançais en termes de crise ou de développement sera–il une continuité si le Président sortant et candidat à sa propre succession est réélu ou bien l’opinion nationale assistera à une nouvelle donne ou orientation de ce dossier, si un autre candidat gagne l’élection présidentielle de février 2019 ?
En tant que citoyen nous ne pouvons pas dire exactement ce qui va se passer concernant le traitement du dossier casamançais. Toutefois, en tant qu’observateur de la scène politique sénégalaise, nous pouvons dégager des pistes de réflexions afin d’inciter les citoyens et les potentiels candidats à mieux considérer la question de la Casamance comme une priorité nationale. A cet effet, nous pensons que le développement de la Casamance doit se faire en utilisant une démarche participative à la base et privilégiant les normes endogènes pour éviter les impasses dans lesquelles, on se fourvoie :
l’impasse de son développement économique dont les effets contrastés sont de plus en plus explosifs : chômage, pauvreté, insécurité alimentaire, pollution du tissu économique comme la forêt et les mines, stagnation agricole, déforestation, etc. ;
l’impasse sociale et culturelle avec un tissu social en déliquescence avec la déscolarisation, la délation, les fractures sociale et culturelle, etc. ;
l’impasse politique avec le conflit ou la crise qui secoue ou du moins ampute son développement dans tous les secteurs d’activités.
En faisant ce rappel historique, nous voulons inciter les candidats à l’élection présidentielle à prendre en charge les véritables problèmes et priorités de notre nation, inciter les différents candidats à les intégrer dans leurs programmes respectifs, mais aussi les citoyens à faire un choix éclairé.
Titulaire d’une thèse de doctorat portant sur le rôle des politiques publiques dans la reconstruction de la Casamance, Ousmane Ba est Sociologue, Enseignant-chercheur l’INSEPS (Ucad). Chercheur au Laboratoire Sociologie, Anthropologie et Psychologie sociale de l’UCAD, il est auteur de plusieurs articles sur les questions de genre. Actuellement, Dr. Ba est membre du Réseau de Recherche Comparative (RRC)/Sénégal du CODESRIA.
[1] Aujourd’hui la Casamance est divisée en 03 régions principales : la Région de Ziguinchor (Basse Casamance) ; la Région de Sédhiou (Moyenne Casamance) et la Région de Kolda (Haute Casamance).
[2] Le conflit casamançais est perçu par certains observateurs comme étant « un conflit de basse intensité » c’est à dire « ni guère, ni paix ».
[3] Il faut noter qu’il y avait eu 02 types de MFDC : le Premier MFDC, créé en 1947, était un MFDC politique avec les Émile Badiane, Assane Seck, Ibou Diallo, Yoro Mballo ; le Deuxième MFDC, quant à lui, est un MFDC révolutionnaire puisque son objectif est l’indépendance de la Casamance.
L'ÉCOLE COMME REMPART AUX VIOLENCES FAITES AUX FEMMES
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Nous devons en parler, éduquer et préparer nos enfants pour que cela cesse – Ndioro Ndiaye lance la campagne de One Billion Rising, destinée au Sénégal
#Enjeux2019 - L’ambassadeur de la campagne On Billion Rising, Ndioro Ndiaye a procédé le 14 février 2019 à son lancement officiel sous le thème ‘’ Enjeux de l’égalité Femmes-Hommes et la lutte contre toutes formes de violences faites aux femmes dans la société sénégalaise’’. Elle livre au micro de SenePlus, les enjeux de cette question.
Voir la vidéo.
PAR MADIEYE MBODJ
LES NOMBREUX MAUX DE L’ÉCOLE SÉNÉGALAISE
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 – Il faut promouvoir un cadre juridique, garantissant la pleine jouissance du droit à l’éducation en particulier - Le pays, sauf changement de paradigme, s’est installé pour longtemps dans le chômage des diplômés
#Enjeux2019 - Concernant les langues d’enseignement : L’éducation au Sénégal continue d’ignorer des priorités dans le développement économique et social comme la promotion des langues nationales, malgré la loi d’orientation qui parle d’une école nationale, démocratique et laïque ; une école à vocation africaine résolument orientée vers les sciences, ouverte au reste du monde, aux enjeux et défis contemporains.
Hélas, elle ignore encore, assez largement, les langues nationales qui sont très loin de gagner le statut de langues d’enseignement et d’administration, préconisé pourtant par les partenaires et acteurs sociaux depuis plusieurs générations. Sur la question, c’est l’Etat qui est plutôt à la traîne. En effet, non seulement il a perdu l’initiative, mais, plus grave encore, les gouvernements qui se sont succédé ont longtemps freiné les initiatives de la société civile ou des associations de langues, alors que celles-ci ont mené une bataille épique pour obtenir, aujourd’hui, une intervention directe dans des écoles publiques dans le cadre de l’expérimentation didactique. A ce sujet, le succès remporté par ARED avec son bilinguisme à l’école est éloquent ; et d’ailleurs, ce sont ses manuels et méthodes d’enseignement qui sont adoptés par le ministère actuel de l’Education, pendant que les experts et chercheurs dans les Universités ou Instituts comme le CLAD sont encore peu mis à contribution.
- Retard considérable noté dans l’inclusion –
La situation sur ce volet place notre pays à la queue du peloton concernant les objectifs de l’Education pour tous (EPT) et les ODD. En effet, la démocratisation de l’éducation n’est pensée qu’en termes d’enrôlement du plus grand nombre sans intégrer réellement « les enfants à besoins éducatifs spéciaux » ; ceux-ci constituent un groupe vulnérable dont la prise en charge dans notre pays, est très largement insuffisante, les pouvoirs publics ayant véritablement baissé les bras. Il s’agit des enfants vivant avec un handicap, quasi-abandonnés car, en dehors de l’INEFJA de Thiès pour jeunes handicapés visuels, le pays ne dispose à Dakar que d’un centre d’éducation pour les enfants vivant avec un handicap moteur, Talibou Dabo, avec un quota enrôlé des plus insignifiants, moins d’1% des enfants dans le besoin. La même situation prévaut au Centre Verbo-tonal, « l’école des sourds-muets » ; dans cette seule structure d’accueil, les enfants à handicap lourd sont littéralement rejetés sans aucune forme de procès. Assurément, cette école ne donne pas les mêmes chances aux jeunes enfants du Sénégal. C’est dire que l’exclusion persiste encore dans le système.
Ailleurs, c’est le rejet de l’école officielle, résultant de fortes résistances à l’éducation publique dans certaines communautés et localités du pays. Le gouvernement baisse les bras sans réellement parvenir à adopter une politique de gestion de cette contrainte majeure qui prive des milliers d’enfants de la jouissance d’un droit fondamental. Il faut reconnaître l’efficacité d’insertion de certains modèles alternatifs comme les Daara (écoles coraniques traditionnelles) qui concurrencent souvent une « école française » inadaptée et inefficace aux yeux de certaines communautés ; ce qui pousse à une attitude de défiance vis-à-vis de l’institution publique.
Tous ces phénomènes d’exclusion de facto de la pleine jouissance du droit à l’éducation, quelles que soient leurs natures, sont beaucoup plus marqués en milieu rural qu’en milieu urbain et plus en milieu populaire urbain qu’en milieu aisé, cela dans plusieurs niveaux d’enseignement :
Le préscolaire public reste le grand scandale de l’école sénégalaise, illustrant amplement une démocratisation largement insuffisante de l’institution scolaire : c’est une exclusion qui ne dit pas son nom quand 8% seulement des enfants accèdent à la structure publique, avec une large domination du Privé ; il s’y ajoute une carte scolaire très largement déséquilibrée au détriment du milieu rural, et un sous-équipement criant ;
- le modèle de la case des tout-petits, pour la scolarisation des enfants de deux à trois ans, reste très limité dans l’offre ; on peut y associer le modèle des garderies scolaires, différencié en réalité du premier modèle par le niveau de qualification des personnels qui ne sont pas toujours titulaires d’un diplôme professionnel ; enfin, les écoles communautaires constituent la version non formelle en milieu rural. Il se pose ici, un problème d’harmonisation et d’équité dans l’accès aux structures dotées de personnels qualifiés.
Par ailleurs, les politiques manquent toujours d’inclusion dans d’autres domaines. En effet, l’Etat continue de méconnaître, encore largement, ses obligations vis-à-vis des enfants déplacés du conflit en Casamance, qui sont aussi, pour l’essentiel, des enfants non déclarés à l’état-civil ou non scolarisés[1], aux frontières de la Gambie et de la Guinée-Bissau.
- Profond déséquilibre dans la carte scolaire –
Le déséquilibre est encore grand entre les types d’éducation (Enseignement technique et Enseignement général) avec le poids encore largement prédominant du dernier cité, la prépondérance des options littéraires, la faiblesse de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle ; tout cela donne à l’école le visage d’une institution qui forme des ressources coupées de la formation aux métiers et du monde du travail, ne trouvant pas l’insertion attendue.
Les formations littéraires surdimensionnées donnent, dans l’Enseignement supérieur, une faculté, voire un département de Lettres modernes de l’UCAD, comptant plus d’étudiants que l’ensemble des universités de l’intérieur du pays réunies ! Une telle atrophie au détriment des filières techniques et professionnelles aggrave le chômage des jeunes, en général, favorisant ainsi le sous-emploi des diplômés : 3 jeunes sur 5 entre 25 et 30 ans sont en situation de non emploi, selon les statistiques officielles elles-mêmes.
Pourtant, les Etats Généraux de l’Education et de la Formation de 1981 avaient formulé, avec les conclusions de la Commission nationale de Réforme, des propositions pertinentes concernant des réformes majeures : orientation-guidance vers la formation professionnelle, réduction de la durée de l’enseignement, relèvement du niveau de recrutement et allongement de la durée de la formation, etc. Toutes mesures qui auraient contribué largement à prévenir beaucoup de difficultés actuelles.
- Une efficacité interne plutôt préoccupante -
Il faut constater que les politiques mises en œuvre dans tous les niveaux d’éducation et de formation sont marquées par une faible efficacité interne. Si dans le cycle fondamental, l’obligation scolaire de 10 ans reste une option ferme, elle n’est pas accompagnée des mesures idoines pour maintenir la qualité : on laisse passer en classes supérieures, sans les remédiations appropriées, des cohortes d’apprenants avec des niveaux d’acquisition très faibles en apprentissages instrumentaux : le seuil de maîtrise en français et en calcul, selon le PASEC, est de 50% seulement en fin de cycle fondamental [2] ; à cette situation correspondent logiquement des abandons en fin de cycle primaire, ou un taux de redoublement de 12% dans le Moyen, largement au-dessus des normes édictées; le taux d’admission au BFEM et au Baccalauréat général, de 40% en moyenne, n’échappe guère à cette situation.
On pourrait largement interroger d’autres facteurs d’inefficacité interne : la pauvreté persistante dans le monde rural et péri-urbain, l’insuffisance des cantines scolaires malgré le soutien du PAM/Nations-Unies, les conditions de vie dans le monde rural largement défavorisé concernant l’accès à l’électricité, la distance entre l’école et le lieu d’habitation sans moyens efficaces de transport, tout cela constituant de larges facteurs d’abandon scolaire pour le cycle fondamental et bien des fois aussi pour le moyen.
- Une efficacité externe encore très faible -
L’efficacité externe, en ce qui la concerne, souffre de deux maux :
le retard concernant les réformes majeures dans l’Enseignement technique et la Formation professionnelle, comme celles des filières, les innovations encore attendues sur le répertoire des métiers, la construction innovante d’un partenariat Public/Privé ;
le manque de volonté politique, si on en juge par la très grande faiblesse notée dans l’allocation des ressources ; ce qui pénalise un secteur qui peut contribuer de manière décisive à la création d’emplois dans un pays à structure démographique jeune et, qui plus est, veut asseoir le dividende démographique sur la formation et la qualification des jeunes.
L’orientation du système est telle que l’adéquation emploi/formation reste très faible.
Il s’y ajoute les aspects évoqués plus haut dans la situation de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle. Des études récentes estiment que quelque 40 000 apprenants sont enrôlés dans ce sous-secteur avec un taux d’intégration par l’emploi qui ne dépasse pas 25 %.
On peut douter légitimement de l’existence d’une politique d’emploi dans la cohérence de l’articulation politique d’emploi/structures de formation et d’incubation/ structures d’insertion, dans une vision holistique.
Désormais, l’Etat semble s’inscrire résolument dans une option de libéralisation de la formation, qui devient payante, avec recrutement sur budget ajusté et surveillé, et selon une nouvelle approche de la fonction publique de métier et non plus de carrière.
Aujourd’hui, il faut le constater, le pays, sauf changement de paradigme, s’est installé pour longtemps sans doute dans le chômage des diplômés, car on est loin du niveau de création d’emplois qui pourrait neutraliser l’impact. En effet, quelque 300 mille jeunes arrivent sur le marché de l’emploi annuellement et selon les estimations actuelles, 5% seulement des demandeurs d’emploi ont reçu une formation.
Pour parvenir à l’efficacité des politiques de formation, il faut des financements conséquents. Qu’en est-il du financement de l’éducation ?
- Le financement de l’éducation -
Le Sénégal, en ce qui le distingue, a toujours mis en épingle les ressources allouées au secteur. Les ressources financières injectées dans le système restent des plus importantes en Afrique, avec quelque 6,06% du PIB, pour une moyenne africaine de 4%. Cette situation correspond à 40% du budget national, alloués au secteur. Mais, fait inquiétant, avec une allocation aussi importante, le Sénégal se situe au même niveau de développement que des pays africains comme le Congo Brazzaville, qui ne consacrent que 25% de leur budget à l’éducation et à la formation, correspondant à 3% seulement de leur PIB. Se pose d’ailleurs, au-delà de l’allocation, le problème de la structure du financement.
- La gestion conflictuelle des ressources humaines -
Dans ces moments très difficiles pour l’école et l’université, secouées structurellement par des crises cycliques, on ne parlera jamais assez de la responsabilité du gouvernement, si tant est qu’il est très rarement question de nouvelles revendications, mais plutôt d’engagements signés non respectés.
Aujourd’hui, le secteur reste profondément englué dans la turbulence à cause d’un achoppement sur des divergences majeures concernant le régime indemnitaire. Il faut dire que le pouvoir est en train de payer le prix d’un énième engagement non respecté qui l’a conduit dans une impasse. En effet, l’étude sur le système de rémunération commandée et dont les conclusions ont pourtant été déposées, n’a pas été suivie d’effets. Cela aboutit à la fuite en avant dans la gestion de l’ensemble du système.
- Quelques recommandations générales -
Il faut :
- promouvoir un cadre juridique conforme aux normes internationales et africaines, garantissant la pleine jouissance des droits humains, le droit à l’éducation en particulier. L’Etat doit ratifier toutes les conventions protégeant les groupes vulnérables et lever tous les obstacles discriminatoires pour lesdits groupes : enfants vivant avec un handicap, enfants vivant dans les zones de conflit ;
- S’engager dans la promotion des langues nationales qui doivent gagner le statut de langues d’enseignement et d’administration, favorisé par un environnement lettré dans l’option de l’alphabétisation universelle, conformément aux engagements pris auprès de la communauté internationale, de l’Union africaine en particulier en son Agenda 2063, tant il reste vrai que le développement endogène et la démocratie participative demeureront des coquilles vides sans un réel ancrage dans les langues nationales et dans le génie culturel créateur de notre peuple ;
- Favoriser la transparence et l’efficacité dans l’’affectation des ressources allouées au secteur, notamment dans une option ferme vers :
la disponibilité de l’information sur les dépenses courantes, globales et sectorielles désagrégées ;
la mise en conformité de la loi de finance avec la loi de règlement pour prévenir les dysfonctionnements dans les dépenses ;
l’amélioration des procédures de passation de marchés et la formation des partenaires sur le budget ;
la prise de dispositions pratiques, régulièrement suivies et contrôlées, pour assurer le respect des engagements pris avec les partenaires sociaux et pour parvenir à zéro arriéré dans le paiement des bourses et autres indemnités.
- Sortir de la turbulence, dans la gestion des personnels, par le règlement durable des conflits qui paralysent le système et affectent négativement son efficacité interne. Pour cela, le Sénégal doit respecter toutes les conventions de l’OIT relatives au droit du travail, les deux recommandations OIT/UNESCO, notamment la 66, sur la condition enseignante et la 97, sur les personnels de l’enseignement supérieur, ce qui dès lors signifie que :
tous les accords dûment signés doivent être rigoureusement respectés, comme premier levier de préservation de la paix sociale dans le secteur et facteur important facilitant l’établissement d’un pacte social national, solidaire et durable, au service de l’école ;
les conclusions de l’étude sur les rémunérations doivent être partagées en l’état, en attendant une mise à plat des grilles de rémunération dans l’ensemble du monde du travail pour l’adoption de mesures conformes à la justice sociale et à l’équité de traitement ;
le dialogue franc entre le gouvernement et les partenaires syndicaux devrait être encouragé en mettant à contribution les organes de dialogue et leur branche Education.
- Favoriser une meilleure articulation et collaboration Public/Privé, assurer un contrôle plus rigoureux sur les conditions d’ouverture et de fonctionnement des établissements privés d’enseignement et de formation, impulser les innovations requises en matière de pédagogie et de didactique en mettant à profit en particulier les opportunités et ressources numériques, relancer le sport scolaire, appuyer l’ouverture d’internats ;
- Organiser un grand dialogue national, de l’envergure des EGEF de 1981, participatif et inclusif, pour faire le point sur l’état de mise en œuvre des orientations, mesures et recommandations des concertations antérieures, dresser un nouveau plan d’actions concerté au profit de l’école, incluant la signature d’un pacte social et solidaire pour une école apaisée, authentiquement nationale, démocratique et de qualité, décomplexée, efficace et efficiente, au service du développement endogène du Sénégal et de l’Afrique.
Madieye Mbodj est professeur de lettres à la retraite, membre fondateur et administrateur du Groupe Les Pédagogues, ancien Directeur de Cabinet au Ministère de la Culture et de la Communication et au Ministère des Relations avec les Institutions.
[1] Guèye. H, Diop. B, Kane. L, Sy. A : Sénégal, prestation efficace des services d’éducation, OSIWA, 2010
[2] Le PASEC est le Programme d’analyse des systèmes éducatifs des pays de la CONFEMEN qui compare les seuils de réussite dans les apprentissages.
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SIMON KOUKA DÉCLARE SA FLAMME À MACKY
Le rappeur a diffusé sur Internet, le jour de la Saint-Valentin, son morceau « Yaa Tey ! », dans lequel il « déclare sa flamme » au président sortant, à quelques jours de la présidentielle - Une déclaration au deuxième degré qui fait le buzz...
Jeune Afrique |
Manon Laplace |
Publication 14/02/2019
« Absolument pas ! », assure à Jeune Afrique l’intéressé, qui a sorti ce 14 février son titre « Yaa tey ! », formule wolof qui peut se traduire par « tu t’en fiches ». Une déclaration de désamour, enregistrée dans son studio dakarois, que l’artiste assure offrir au président en campagne en guise de cadeau de Saint-Valentin. « La flamme que je déclare à Macky Sall est plutôt une façon d’incendier ses promesses non respectées », avertit l’artiste.
Le morceau évoque les déceptions de ceux des électeurs de Macky Sall en 2012 qui jugent aujourd’hui que certains de ses engagements n’ont pas été tenus. « Il avait promis le passage au quinquennat, il a fait sept ans. Il avait promis de réduire le nombre de ministres à 25, il en a plus de 90 en comptant ses ministres-conseillers. Il avait promis de ne jamais nommer son frère par décret, il l’a nommé à la tête de la Caisse des dépôts et consignations », égrène le rappeur. Avec ce teaser intriguant, celui qui a contribué, en 2012, à chasser Abdoulaye Wade du pouvoir avec le mouvement citoyen Y en a marre s’offre un buzz efficace sur les réseaux sociaux.
Message d’avertissement
Avec son titre « Yaa Tey ! », Simon espère s’offrir le même succès que le duo de rappeurs Keur Gui, lui aussi membre de Y en a marre, dont le coup de griffe « Saï Saï au cœur », sorti le 31 décembre, cumule plus de 1,6 million de pages vues sur YouTube. Un titre qui parodie celui du récent livre de Macky Sall, Le Sénégal au cœur.
L’usage du mot wolof « saï saï », qui peut notamment se traduire par « vaurien » ou « voyou », avait soulevé l’indignation de la présidence. « Il faut former la jeunesse. Pas une jeunesse qui insulte tout le monde, une jeunesse qui insulte les présidents. Nous n’allons pas nous développer avec ça », avait même rétorqué Macky Sall à l’occasion d’une conférence internationale sur l’émergence en Afrique.
Simon, lui, revendique le droit de mettre des mots sur la déception que lui inspire le mandat de Macky Sall . « L’objectif est de dire aux Sénégalais qu’il ne faut plus laisser un dirigeant venir nous raconter n’importe quoi. Ce serait un bon signal pour le Sénégal, et plus largement l’Afrique, si Macky Sall était sanctionné lors de cette élection. Un message envoyé à ceux qui suivront : “On ne se laissera plus berner !” »
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QUAND LE TÉLÉPHONE BROUILLE LE POSTE RADIO
EXCLUSIF SENEPLUS – La réparation de postes radio n’est plus rentable, la concurrence des téléphones portables tue notre métier - Incursion dans un atelier de réparation - VIDÉO EN WOLOF
Alioune G Sall et Youssouph Sané |
Publication 14/02/2019
L’avènement des nouvelles technologies impacte sur les outils des médias. La célébration de la journée mondiale de la radio a servi de prétexte pour www.seneplus.com pour mesurer l’amplitude et les fréquences de cet impact sur ce support d’informations. Reportage auprès de quelques réparateurs de radio.
Voir vidéo.
AUDIO
LE PARI RISQUÉ DE WADE
À une dizaine de jours des élections, les appels aux violences électorales de l'ancien président ne font pas l'unanimité au sein de son parti, le PDS
Depuis son retour au pays la semaine dernière, Abdoulaye Wade multiplie les déclarations allant dans le sens du boycott et de l'annulation du scrutin présidentiel prévu le 24 février prochain.
Mercredi (13 février) celui qui fut président du Sénégal entre 2000 et 2012 a demandé à ses militants de "s'attaquer aux bureaux de vote pour qu'il n'y ait pas d'élections".
Une posture qu'assume Assane Ba, membre du PDS, le Parti démocratique sénégalais.
"Mais le 24 février nous vous l'avons dit, nous allons exécuter le mot d'ordre issu de notre parti en empêchant que la compétition se tienne. Notre position consiste à faire reculer les élections pour permettre un consensus entre le pouvoir et l'opposition de manière générale, pour remettre en cause ce diktat que le président Macky Sall veut nous imposer."
Un appel qui fait "pshitt"
Une affirmation en revanche démentie par Seydi Gassama, directeur exécutif d'Amnesty International Sénégal. Celui-ci affirme que l'appel à la violence du doyen de la classe politique sénégalaise est contesté au sein même de son parti, le PDS.
Il estime par conséquent que son mot d'ordre ne sera pas suivi d'effets.
"Il y aura un après-24 février. Et cet après-24 février devrait permettre toute sorte d'espoir pour lui, pour son fils, pour son parti. Parce que, finalement, ce que les Sénégalais retiennent de sa déclaration, c'est 'mon fils Karim Wade ou rien'. Abdoulaye Wade est en train d'être lâché aujourd'hui par une frange importante de son parti. Nous avons beaucoup de responsables du PDS qui l'ont lâché aujourd'hui et qui sont en train de rejoindre d'autres candidats. La crainte, c'est que cette déclaration contribue à désintégrer d'avantage ce parti-là."
Dans un communiqué, le porte-parole du gouvernement sénégalais condamne une "attitude permanente de subversion, d'appel à la violence et à l'insurrection, de provocation, de défiance à l'encontre de la loi et des institutions de la République, entre autres entretenue par Abdoulaye Wade".
Seydou Gueye indique par ailleurs que l'Etat ne tolèrera pas que ses lois et règlements soient bafoués.
SONKO, UN CANDIDAT ANTI-SYSTÈME PAS SI REBELLE QUE ÇA
Jeune et charismatique, l’opposant a l’habitude des phrases-chocs contre une classe politique qu’il juge « corrompue » et « vendue aux intérêts étrangers »
Le Monde Afrique |
Matteo Maillard |
Publication 14/02/2019
« Ceux qui ont dirigé le Sénégal depuis le début mériteraient d’être fusillés ». Incendiaire, la phrase n’avait pas vocation à devenir publique. Tout juste à galvaniser des militants déjà acquis à leur leader, Ousmane Sonko*. Jeune et charismatique étoile montante de la politique sénégalaise, le candidat à l’élection présidentielle du 24 février a l’habitude des phrases-chocs, des piques provocatrices et des critiques acerbes contre une classe politique qu’il juge « corrompue », « vendue aux intérêts étrangers ».
La vidéo, parue en octobre 2018 mais qui daterait de quelques mois, a vite fait le tour de la presse déclenchant un tollé. Seydou Guèye, ministre porte-parole du gouvernement, s’est indigné de propos « spécifiques aux logiques pro-islamique et djihadiste. Ça me semble inacceptable dans notre espace politique », a-t-il dénoncé au micro de la Radio Futurs Médias. L’écho a été bien différent sur les réseaux sociaux où Ousmane Sonko, à 44 ans, jouit d’une certaine popularité. Mieux que tous les autres politiciens, il en maîtrise les codes et s’est forgé, ces dernières années, une base de sympathisants étendue et réactive.
Figure iconoclaste
A en croire ses adversaires, il serait l’incarnation de toutes les dérives de la politique contemporaine : souverainiste antisystème, nationaliste au populisme décomplexé. On lui prête volontiers une proximité avec l’idéologie salafiste dans un pays qui pratique à plus de 90 % un islam soufi pacifique. L’intéressé s’en défend. Son programme « Jotna » (« C’est le moment » en wolof) efface un peu cette figure iconoclaste. Il met l’accent sur l’agriculture, « fer de lance », « le développement durable de la pêche », « la promotion de la femme » et « l’égalité des chances par l’éducation ». Pour convaincre un électorat aux intérêts multiples, Ousmane Sonko sait qu’il faut sacrifier à la consensualité, comme le laisse penser son portrait de campagne, costume ajusté et lunettes rondes.
Né à Thiès (ouest) en 1974, il a grandi en Casamance. La région est alors en proie à un conflit ouvert entre l’armée sénégalaise et les rebelles indépendantistes du Mouvement démocratique des forces de Casamance (MFDC). Les bruits des balles marqueront ses souvenirs. C’est dans ce sud reculé, coincé par l’enclave gambienne, grand oublié des plans de développement, qu’il tire aujourd’hui ses plus nombreux soutiens. Il en a forgé un des axes de sa doctrine : lutter contre la centralisation du pays à Dakar. Suit une scolarité brillante. Maîtrise de droit, DEA à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis, il sort major de sa promotion à l’ENA. Un parcours d’élite sénégalaise qu’il ne renie pas. A cette époque, il milite au sein de l’Association des étudiants musulmans du Sénégal (AMES), une structure proche des milieux salafistes.
Lanceur d’alerte
En 2002, il devient inspecteur principal des impôts et des domaines. Le travail, ingrat, et les pressions subies le conduisent à créer trois ans plus tard le syndicat de sa corporation. Il y fait ses premières armes politiques, mais préfère encore les auteurs grecs au conclave. Son éveil arrivera en 2008 lors des assises de l’opposition. Germe l’idée de fonder un parti avec une obsession : la souveraineté. Ce n’est que six ans plus tard que naissent les Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef).
Alors que la formation balbutie, Ousmane Sonko trouve un angle d’attaque qui va le propulser sur le devant de la scène. Il pointe des actes de fraude fiscale et de corruption dont il est témoin en tant qu’inspecteur. Ses dénonciations de lanceur d’alerte culmineront en 2016 : dans un livre intitulé Pétrole et gaz au Sénégal. Chronique d’une spoliation (éd. Fauves), il accuse directement le président Macky Sall et son frère Alioune Sall, à la tête d’une compagnie pétrolière, de « corruption », de « viol de la Constitution et du code pétrolier ». Il est radié la même année par décret présidentiel pour « manquement au devoir de réserve ».
l se positionne en victime du système et devient, pour une partie de la classe moyenne, le chevalier blanc d’une politique usée par l’entre-soi et les magouilles. Il saisit le créneau. « Au Sénégal, nous avons eu deux alternances, des partis multiples, mais si vous regardez bien, ceux qui dirigeaient le pays hier sont aujourd’hui des leaders de l’opposition et candidats à l’élection. Face à cela, Ousmane Sonko s’est décrété résistant au système », avance Cheikh Mbaye, sociologue.
Comparé à un Trump africain
Parmi les cinq candidats à la présidentielle, figurent ainsi Madické Niang qui, de 2002 à 2012, fut ministre de l’habitat, des affaires étrangères, de la justice, de l’énergie, de l’industrie et des mines, mais aussi Idrissa Seck, premier ministre de 2002 à 2004. « Quand on ne fait pas partie de ce sérail, il est difficile de percer en politique, ajoute-t-il. Il y a un désir de renouveau. Sonko l’a compris et s’inscrit contre cette politique politicienne qui vise à conserver le pouvoir et s’enrichir. »
A l’été2017, il remporte une première victoire en demi-teinte : il est élu député à l’Assemblée nationale, mais son parti obtient moins de 1 % des voix aux législatives. Son succès aurait pu en rester là si les deux principaux adversaires politiques de Macky Sall – Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, et Khalifa Sall, ancien maire de Dakar – n’avaient été écartés de l’élection présidentielle en raison d’ennuis judiciaires.
Ousmane Sonko en profite pour se tailler une place de choix dans le camp de l’opposition. Il déploie ses éléments de programme : sortir du franc CFA, réduire la dette et le train de vie de l’Etat, privilégier les entreprises et les emplois nationaux. On le compare à un Trump africain, la jeunesse en plus. Un atout dans un pays où plus de 50 % de la population a moins de 20 ans.
Son discours fait mouche dans une classe moyenne diplômée et chômeuse en augmentation, qui voit les ponts d’or faits aux entreprises étrangères et l’industrie locale en déshérence. « Un électorat qui rejette le monde occidental et ses valeurs, de la défense des droits de l’homme à la protection des minorités sexuelles, et que Sonko arrive à capter », explique un diplomate européen. Son discours résonne aussi parmi la diaspora : il arrive ainsi en tête des législatives chez les Sénégalais du Canada.
« Un homme des marges »
Mais s’il veut avoir une chance le 24 février, le candidat Sonko doit encore faire ses preuves auprès d’un électorat rural qui, sans électricité ni Internet, ne peut suivre ses punchlines contre le pouvoir sur les réseaux sociaux. En meeting, il avait pour habitude de s’entourer de dizaines de vigiles vêtus en treillis de surplus militaires siglés « US Navy ». Il essaie désormais de lisser son image de rebelle antisystème, en se rapprochant des caciques de la politique qu’il a tant critiqués.
Ainsi, le 9 février, Ousmane Sonko interrompt son programme de campagne pour accueillir d’urgence à Dakar l’ancien président Abdoulaye Wade, revenu de sa retraite versaillaise. Il aimerait être adoubé par ce faiseur de rois. Il n’obtiendra rien. « Il n’y a plus d’antisystème chez lui, tance un politologue. L’un de ses plus proches collaborateurs est l’architecte Pierre Goudiaby Atepa, qui a construit pour les classes dirigeantes africaines et lui a prêté son siège. »
Le sociologue Cheikh Mbaye abonde : « A ce niveau, on est obligé de se mélanger avec des gens de pouvoir. Mais c’est contradictoire, ça dessert son image et étonne sa base électorale. » Le jeune challenger peut-il quand même convaincre les électeurs ? « C’est un homme des marges, Casamançais, Saint-Louisiens, un étranger pour beaucoup de Sénégalais, analyse le diplomate européen. Il a voulu s’affranchir des puissantes confréries soufies, puis a fait volte-face. Il n’a pas beaucoup de chance dans un pays qui a toujours voté dans le triangle confrérique. »
Du côté de la présidence, on se montre confiant : « Sonko est dans l’agitation, la provocation, les phrases à l’emporte-pièce. Nous sommes dans la cohésion et le rassemblement. Aux législatives, nous avons obtenu 1,5 million de voix, lui 33 000. Ce n’est pas un danger. » Une assurance douchée par le politologue qui rappelle que « s’il gagne des voix, ça traduira le taux de déception de notre jeunesse et l’échec de nos hommes politiques. »
*Contacté à plusieurs reprises, Ousmane Sonko n’a pas souhaité donner suite à nos demandes d’entretien.