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18 septembre 2025
PAR NIOXOR TINE
VERS L’ABATTOIR ÉLECTORAL ?
La seule solution, qui s’offre aux partis d’opposition, pour sortir du piège, dans lequel le pouvoir est en train de les enfermer, est de s’unir autour d’une candidature unique
Une des meilleures preuves de l’incongruité de cette loi sur le parrainage, c’est bien le fait que des milliers de nos concitoyens sont passibles de poursuites judiciaires, pour avoir parrainé plus d’un candidat à l’élection présidentielle. Nos autorités envisageraient-elles de s’inspirer du modèle démocratique turc, caractérisé, ces derniers temps, par des arrestations de masse, après avoir importé de ce pays, des blindés anti-émeutes, des gaz lacrymogènes et autres joujoux répressifs ?
Dans tous les cas, les Sénégalais observent, scandalisés, le “boucher” de Fatick, tisser méthodiquement sa toile d’araignée, pour écarter les derniers écueils à sa reconduction programmée.
Dans cette mélodramatique partie d’échecs, l’Opposition apparaît de plus en plus sous les traits d’une victime sinon consentante, tout au moins inconsciente. Faisant montre d’un égo surdimensionné, la plupart de nos hommes politiques refusent de voir la réalité en face et font preuve de légèreté face au redoutable rouleau compresseur du président Macky Sall. En effet, tout observateur sérieux de la scène politique nationale savait pertinemment que très peu de candidats franchiraient l’obstacle du parrainage citoyen, pour plusieurs raisons.
Il y a d’abord le fait que la plupart d’entre eux, jouissant certes de bons coefficients personnels en termes de notoriété, dirigent des partis nouvellement créés, avec une faible implantation sur l’étendue du territoire national.
Ensuite, le nombre de signatures exigé est démesuré, rendant ce test du parrainage très peu sensible, car il doit être possible pour tout citoyen sénégalais, de se présenter à la présidentielle, s’il est porteur de vision et de propositions pour faire émerger notre pays. Or le “carnage”, auquel l’évaluation tronquée des listes de parrainage semble devoir donner lieu, est loin d’aider à rationaliser les candidatures, pour en extirper celles fantaisistes ou suscitées par d’obscurs lobbies. Il semble plutôt traduire des desseins politiciens inavoués, comme la volonté de déblayer la voie du second mandat au président sortant.
Ce test n’est pas non plus spécifique, car cette phase de pré-qualification aurait dû permettre d’éliminer les candidats les moins indiqués pour assumer la charge suprême. Or, que voyons-nous ?
Le Conseil constitutionnel, garant du Droit, semble vouloir donner le quitus à certains candidats, dont celui sortant, accusés, à tort ou à raison, d’avoir usé de procédés peu licites (corruption, trafic d’influence...), pour obtenir des signatures en vue du parrainage. Il s’y ajoute le fait, que plusieurs parmi eux ont déjà fait leurs preuves dans la gestion de notre pays, pas toujours de la manière la plus vertueuse.
Notre conviction demeure, que dans une démocratie bourgeoise, des élections transparentes constituent l’outil le moins mauvais pour juger de la représentativité de différentes forces politiques en compétition.
Le parrainage citoyen ne devrait pas pouvoir jouer ce rôle. Il pourrait, tout au plus, être un instrument de présélection par les citoyens des meilleurs profils pour la fonction présidentielle. Dans cette optique, l’exigence de ne parrainer qu’un seul candidat, n’est pas pertinente. Or, la majorité des candidats éliminés ou en voie de l’être, l’ont été ou vont l’être sur la base de la présence de doublons dans leurs listes de parrains.
Enfin, l’évaluation, sous la supervision du Conseil constitutionnel, des listes de parrainage, aura été plus technique, que juridique, réalisée par des experts informatiques chevronnés, avec tous les risques de manipulation que cela pourrait induire, comme semblent le suggérer certains candidats recalés.
Après cet épisode avilissant du parrainage, il y aura, très vraisemblablement, celui tout aussi scandaleux de l’élimination judiciaire des candidats Karim Wade et Khalifa Sall.
Il résulte de tous ces développements, que la seule solution, qui s’offre aux partis d’opposition, pour sortir du piège, dans lequel le pouvoir est en train de les enfermer, est de s’unir autour d’une candidature unique, centrée sur une plateforme programmatique, basée sur la refondation institutionnelle et la souveraineté économique.
À défaut, participer aux prochaines élections présidentielles équivaudrait simplement à servir de faire-valoir à des élections tronquées.
PAR L'ÉDITOSRIALISTE DE SENEPLUS, BACARY DOMINGO MANÉ
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"LE DISCOURS QUE LE PRÉSIDENT DOIT LIVRER AUX SÉNÉGALAIS"
Comme à chaque fin d’année, le chef de l’Etat, Macky Sall, va livrer, ce 31 décembre, son message à la nation. Mais, la particularité du discours de ce 31 décembre 2018, c’est qu’il coïncide avec la fin de son premier mandat
Comme à chaque fin d’année, le chef de l’Etat, Macky Sall, va livrer, ce 31 décembre, son message à la nation. Mais, la particularité du discours de ce 31 décembre 2018, c’est qu’il coïncide avec la fin de son premier mandat.
Pour l'éditorialiste de Seneplus, Bacary Domingo Mané, cette déclaration aura une forte connotation politique. Il souligne, cependant, quel type de discours le chef de l'Etat devra faire.
PAR ASSANE FALL
NOS INTERROGATIONS AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Nous sommes dans l’attente de la réception de toutes les précisions qui permettront d’éclairer l’ensemble des citoyens sur le caractère objectif et transparent des techniques que vous avez vous avez utilisées pour le contrôle des signatures de parrainage
Par courrier du 5 décembre 2018 nous vous avons adressé de vives protestations contre la présence, dans le dispositif de contrôle des parrainages que vous avez mis en place par Décision numéro 1/2018 du 23 novembre 2018, de personnes dépendantes de l’un des candidats.
Nous attirions alors votre attention sur le fait que l’Agence de l’informatique de l’État (ADIE) est un service directement rattaché à la Présidence de la République et donc au candidat Macky Sall, ladite agence étant dirigée par ailleurs par un militant de son parti.
Nous soulignions également que les représentants de la direction de l’automatisation des fichiers (DAF)dépendent du Ministre Aly Ngouille Ndiaye qui a publiquement déclaré qu’il était en poste pour assurer la réélection du candidat Macky Sall.
Les faits vécus depuis le début de mise en œuvre dudit dispositif justifient malheureusement toutes les craintes que nous avons exprimées. Les mandataires du candidat ne disposent en effet d’aucun renseignement sur la base de données servant à comparer les fichiers présentés par les différents candidats.
En application des dispositions de la loi électorale, notamment en son article L57, nous avons procédé au dépôt de signatures de parrains dans les formats papiers et électroniques définis par l’arrêté du Ministère de l’Intérieur n°20025 du 23/08/2018 fixant le modèle (format papier et électronique) de la fiche de parrainage.
Le total de parrainages déposés au titre du dossier de candidature de M. Abdoul Mbaye, dont je suis le mandataire, s’élève à 57 947 parrains.
La séance de contrôle tenue en vos locaux le 29 décembre 2018, en présence de notre représentant pour les questions informatiques, a conduit aux décisions suivantes de la part du Conseil Constitutionnel sous votre présidence :
La liste des parrains (312) de la région étranger a été rejetée sous le prétexte que le fichier informatique ne laisse pas apparaître un numéro d’ordre par parrain. Vous avez soutenu que l’absence de ce numéro d’ordre sur le fichier électronique n’en permettait pas le contrôle. Cette position est scandaleuse, car notre Constitution définit le parrain par sa signature et non par un numéro d’ordre figurant dans son classement sur une feuille Excel. Le bon sens, mais surtout l’objectivité et la volonté de ne pas nuire à une candidature indésirable aurait voulu que l’arbitrage puisse se faire au niveau de l’examen des fiches papier qui seules portent la signature du parrain, à défaut de renseigner séance tenante une colonne de numérotation par 2 clics.
L’argument que vous avez donné, prétextant que l’absence de ce numéro ne rendait pas la feuille Excel conforme au modèle communiqué par le Ministère de l’Intérieur ne saurait prospérer. Vous avez en effet accepté que cette feuille ne soit pas strictement conforme aux dispositions de l’arrêté ministériel en son art. 3, 3°) dès lors que les renseignements relatifs au collecteur n’y figurent pas, ce que nous vous avions souligné dans notre correspondance du 13 décembre 2018.
Nous vous laissons apprécier du numéro d’ordre ou de l’identification d’un collecteur, laquelle des informations serait la plus importante dans un système de parrainage citoyen.
Des doublons par rapport à d’autres listes auraient été identifiés s’élevant au nombre de 6 922 (soit le pourcentage particulièrement élevé de 12% du total remis et 14,25% du nombre net validé par vos soins, ce qui défie toute logique statistique au regard du nombre de parrains déjà validés pour d’autres candidats et de la masse des électeurs sénégalais) sans que vous n’ayez jugé nécessaire de donner aucune autre précision. Or il est essentiel, pour une application de la loi, notamment l’article L.88 du Code électoral qui prévoit la sanction de l’auteur de doublons, que ces derniers soient identifiés de manière précise, que la liste sur laquelle le parrain serait déjà présent soit à chaque fois précisée, et que les informations y afférentes nous soient communiquées pour appréciation.
Enfin notre représentant a été informé de rejets pour « autres motifs » de 9 042 signatures soit le pourcentage exorbitant de 15,7 % permettant d’invalider définitivement la candidature de M. Abdoul Mbaye puisque seuls les doublons pourraient faire l’objet de remplacement. Nous restons bien entendu dans l’attente de la précision du motif de chacun de ces rejets.
Nous ne pourrions achever ce courrier sans attirer votre attention sur l’aberration statistique que constitue tout à la fois l’importance des rejets pour « autres motifs » et ceux pour « doublons » au regard de la faiblesse du nombre de parrains présentés par notre candidat relativement aux populations globales d’électeurs de chaque région et de parrains déjà retenus valides pour d’autres candidats. Sa mise en évidence constituera un élément important que retiendra l’histoire politique du Sénégal.
A titre d’exemple, mûs par un mauvais pressentiment, nous avions fait le choix délibéré de limiter la collecte de signatures dans la région de Dakar et celle de Diourbel. Sur le total de nos 12 097 parrains ne représentant que moins de 0,7% de l’effectif global des électeurs de la première région, il vous a pourtant été possible d’en rejeter 31,9%. Pour la région de Diourbel vous avez porté ce pourcentage de rejet à 47,12% sur un total de 5 768 parrains ne représentant pourtant que moins de 1% de l’effectif global des électeurs de ladite région. Ces chiffres défient toute rationnalité de probabilité.
Nous sommes donc dans l’attente de la réception de toutes les précisions demandées ci-avant qui permettront d’éclairer l’ensemble des citoyens sénégalais et des observateurs étrangers sur le caractère objectif et transparent des techniques que vous avez utilisées pour le contrôle des signatures de parrainage, en soulignant que de telles précisions ne peuvent qu’être disponibles à votre niveau et ne sauraient être considérées comme relevant du secret. A défaut nous considérerions toute décision du Conseil constitutionnel prise en conséquence d’un tel dispositif de contrôle visant à écarter la candidature de M. Abdoul Mbayeet sans doute d’autres ressemblant à la sienne, comme inconstitutionnelle, illégale et injustifiée.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre considération respectueuse.
Assane Fall est Mandataire du candidat Abdoul Mbaye
BRUNO DIATTA, SANS PROTOCOLE
Chef du protocole du Palais pendant 40 ans, mort à 69 ans, est l'Homme de l'année. Retour sur ses traces de Cabrousse à Dakar en passant par Saint-Louis.
Louis, on ne le présente plus. Son nom complet ? Bruno Robert-Louis Diatta. Plus connu sous Bruno Diatta ou, familièrement, Bruno. Chef du protocole de la Présidence pendant 40 ans, il a servi sous tous les chefs de l'État, Senghor, Diouf, Wade et Macky Sall. Mort le 21 septembre, à 69 ans, il repose au cimetière de Bel-Air. Ce bel homme à la silhouette fine, au visage carré, au teint crème, fou de foot et à la mise toujours impeccable est l'Homme de l'année 2018. Titre que Seneweb attribue tous les ans, depuis 2014, à une personnalité qui aura marqué les douze mois précédents.
On a vu venir et on acquiesce : les faits d'arme de Bruno Diatta vont au-delà de 365 jours. Certes. Mais, à notre sens, une des meilleures façons de rendre hommage à celui qui plaçait l'État au-dessus de toutes considérations partisanes- chose rare chez nos femmes et hommes publiques- c'était de le célébrer l'année de son décès. Pour l'ensemble de son œuvre. Et pour l'exemple aussi, dans un contexte où les valeurs de la République sont mises à rude épreuve.
-BRILLANT-
Bruno ce fut un brillant parcours professionnel dont l'éclat est à la mesure du cursus de formation étoilé de l'homme. Études primaires sans anicroche à la rue de Neuville à Saint-Louis, bac mention Bien au lycée Van Vollenhoven à Dakar (actuel Lamine Guèye), major de sa promotion à l'Ena et maîtrise en Sciences politiques à Toulouse.
Revenu au pays après ses études en France, il entre au ministère des Affaires étrangères d'où Senghor le sortira en 1978 pour l'intégrer dans l'équipe du protocole du Palais. Un an plus tard, il en devient le capitaine, remplaçant Cheikh Lèye, nommé ambassadeur du Sénégal en Allemagne. C'était parti pour un marathon qui prit fin le 21 septembre dernier. Ce jour-là, ce n'est pas la retraite qui a frappé, mais la mort.
La notoriété de Bruno Diatta dépassait les frontières du Sénégal. Sa compétence était chantée également dans la plupart des 135 pays qu'il a, durant sa carrière, visités et, pour la plupart, revisités. Ses services étaient sollicités par nombre de pays africains. Ce n'est pas un hasard si la Gambie, la Guinée, le Mali et la Côte d'Ivoire ont envoyé chacun une délégation à ses funérailles et que Frédéric Billet, l'actuel chef du protocole de l'Élysée, le compte parmi ses maîtres.
-DISCRET-
Le chef du protocole a une double mission d'accueil et d'accompagnement. Il prépare et guide les déplacements officiels du président de la République. Selon les spécialistes le poste requiert une mémoire d'éléphant, une endurance sans borne, un attachement ferme à la ponctualité, un sens aigu de l'organisation et une discrétion sans faille. Une somme de qualités rares que personne ne contestait à Bruno DIatta.
Abdoulaye Wade l'assimilait à un ordinateur, hommage à son disque dur qui ne buggait jamais avec le calendrier des réceptions et déplacements présidentiels. Il bossait en moyenne près de seize heures par jour. Dans des conditions parfois extrêmes. Sans moufter.
Et, socle de sa légende, il était au courant de tout sans jamais l'ouvrir. Cheikh Diallo, un proche du Palais sous Wade, dans un texte-hommage truffé d'anecdotes, rapporte : "Un jour, à 5 000 mètres d'altitude, dans la Pointe de Sangomar, l'avion présidentiel, il me confiait : ‘Je suis une tombe, je vois tout et ne dis rien'."
Cette posture convenait parfaitement à l'intéressé, qui n'en était pas donc peu fier. À entendre le témoignage de sa cousine Ariane Réaux, gérante de l'hôtel La Saint-Louisienne, la discrétion n'a pas été pour le défunt chef du protocole du Palais une camisole de force imposée par les rigueurs de son métier. Il est né avec.
"Même très jeune, Bruno était discret, confie Réaux lorsque Seneweb l'a rencontrée à Saint-Louis. A l'école, à la maison, partout, il était réputé gardien des secrets. Il ne parlait jamais des coulisses de son service dans les rencontres familiales. Il ne divulguait jamais les secrets d'État."
-ENRACINÉ-
Bruno Diatta est né le 22 octobre 1948 à Saint-Louis. Il vécut et mourut à Dakar. Mais ses racines sont enfouies en Casamance, à Cabrousse, village natal de son père, Édouard Diatta. À 60 kilomètres de Ziguinchor, à l'est de Cap Skiring, dans le département d'Oussouye.
Le coin est dépaysant. Il est bordé de rôneraies et de palmeraies, et serpenté d'étendues d'eau. Des bars-restaurants, des points de transfert d'argent et des boutiques de vente de produits divers, jalonnent la route principale. À près de deux cents mètres de la sous-préfecture, au bout d'une piste sinueuse, la maison des Diatta.
La concession est formée de deux bâtiments, l'un en terre battue, l'autre en dur. Elle se noie sous l'ombre de grands fromagers. D'Édouard Diatta, il ne reste que le portrait de son fils, Bruno, accroché au-dessus d'un poste téléviseur fatigué, et les lointains souvenirs de Joseph-Emmanuel Diatta, cousin du défunt chef du protocole du Palais.
"Édouard Diatta a quitté la maison très tôt du fait des études puis du fait de son travail. Il n'est plus revenu à Cabrousse et Bruno ne passait qu'à l'occasion de ses missions", justifie Joseph-Emmanuel.
-FRUSTRÉ-
Ancien maire d'Oussouye, député et ministre avant l'Indépendance du Sénégal, Édouard Diatta a fait l'essentiel de sa vie à Saint-Louis. Il y a servi l'administration coloniale. Y a épousé Clothilde Marie-Josephine née d'Erneville, cousine d'Annette Mbaye d'Erneville, une mulâtresse bon teint, première infirmière-major du dispensaire de Sindoni (quartier Sud, centre-ville). Le couple a eu trois enfants. Bruno, l'aîné, Benjamin et Françoise.
Mais l'ancienne capitale de l'Aof (Afrique occidentale française) a beau être le lieu où son père a fait une brillante carrière dans l'administration coloniale, l'endroit où ses parents se sont mariés et sa terre natale, Saint-Louis restera pour Bruno Diatta une terre de frustration. Celle de n'avoir pas vu un de ses vœux se réaliser. Lors d'une visite du Président Wade dans la ville, il exprima le souhait de voir réhabilité et baptisé au nom de sa mère le dispensaire de Sindoni. Il ne sera pas suivi. Pour des raisons que nous n'avons pas pu percer.
La structure sanitaire est aujourd'hui délocalisée en face du collège du quartier. L'ancien bâtiment, qui menaçait ruine, a été abandonné avec ce qui reste de sa maternité, de ses salles de soin, de ses deux bureaux pour le personnel et de ses toilettes.
-CHAHUTÉ-
Le parcours de Bruno Diatta n'a pas été un long fleuve tranquille. Il se raconte que sous Abdoulaye Wade, il a souffert le martyre dans les couloirs du Palais. À un moment, chuchotent les mauvaises langues, on ne savait pas qui de lui ou de Pape Samba Mboup était le chef du protocole. L'orage passa et les choses se remettront à l'endroit jusqu'à la chute de Wade.
Macky Sall arrive en 2012. Rebelote. Selon l'éditorialiste Serigne Saliou Guèye, l'une des premières mesures de Président nouvellement élu a été de nommer Bruno Diatta ambassadeur du Sénégal en France. Un limogeage diplomatique. Qui ne sera finalement pas effective. Sentant sans doute le coup, il aurait demandé à partir. Il restera en poste, mais légèrement en retrait. Laissant souvent le premier rang à l'ambassadeur Cheikh Tidiane Sall, qui prendra sa place à sa mort.
Autre mésaventure : sa brouille avec feu Mbaye Jacques Diop. Dans une lettre datée du 10 juin 2013, l'ancien président du Conseil de République pour les affaires économiques et sociales (Craes) a littéralement canardé Bruno Diatta. Le tort de ce dernier ? Voir la lettre de l'ancien maire de Rufisque.
Extrait : "En ma qualité de président honoraire d'une institution nationale de la République, le décret me conférant l'honorariat dispose, entre autres, que je sois invité aux cérémonies officielles de la République. (…) J'ai été tout simplement stupéfait d'apprendre de très bonne source que vous vous opposez systématiquement à ma présence aux cérémonies officielles parce que j'aurais combattu Macky Sall. Quelle aberration ! Quelle forfaiture !"
Mbaye Jacques Diop poussa le bouchon en affirmant que Bruno Diatta se pare d'un "masque hideux" pour cacher sa vraie nature. Le mis en cause aurait réglé le problème en coulisses. Sans bruit. Sans doute la preuve, s'il en fallait, de son "efficacité dans la discrétion" dont parlait le Président Macky Sall en rendant hommage à son "conseiller émérite", "émissaire habile des missions délicates", "sherpa clairvoyant".
-CÉLÉBRITÉ-
Tout ceci appartient désormais au passé. De la vie de Bruno Diatta le Sénégal semble décidé à ne retenir que le positif. Le chef de l'État en tête.
"Quand le destin vous arrache un collaborateur d'exception, le seul devoir qui vaille est de lui rendre l'hommage qu'il mérite", s'est incliné le Président Macky Sall lors de ses funérailles. Joignant l'acte à la parole, le Président Sall a attribué le nom du défunt chef du protocole à la salle du Conseil des ministres et à l'amphithéâtre de l'École nationale d'administration (Ena).
Cette reconnaissance a sûrement réchauffé le cœur à sa veuve, Thérèse Turpin, et à leurs quatre enfants, Guilaine, Yalis, Pierre et Olivier. Elle constitue sans doute une pression sur les épaules de son successeur, Cheikh Sall. Qui n'a d'autre choix que d'être digne.
JOJ 2022 : LE CNOSS SERA DOTÉ D’UN SIÈGE EN 2019
L’érection de ce siège, qui entre en droite ligne de la désignation du Sénégal pour abriter les Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) 2022, se fera de concert avec le concours de l’Etat du Sénégal.
Le comité national olympique et sportif sénégalais (CNOSS) disposera de son propre siège en 2019, a annoncé lundi son président, Mamadou Diagna Ndiaye, à l’issue de la réunion du comité directeur de cette instance, tenue ce week-end à Dakar.
L’érection de ce siège, qui entre en droite ligne de la désignation du Sénégal pour abriter les Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) 2022, se fera de concert avec le concours de l’Etat du Sénégal, a expliqué à l’APS le président du CNOSS.
Longtemps annoncé, le projet d’érection du siège du CNOSS, considéré comme ‘’la fédération des fédérations sportives’’, butait sur la nature du site acquis. Mais Mamadou Diagna Ndiaye assure qu’"une nouvelle formule’’ a été trouvée avec l’Etat.
‘’L’Etat mettra à disposition un siège fonctionnel qu’on va équiper, et en contrepartie, nous verserons dans son patrimoine foncier le
terrain qui a été préalablement acquis’’, a expliqué le président du CNOSS, soulignant qu’‘’il est heureux que tout ça se délie au moment où nous seront l’attraction du monde avec les JOJ 2022’’.
Le Sénégal abritera la 4e édition des jeux olympiques de la jeunesse suite à une décision prise à l’unanimité par le comité exécutif
du comité international olympique (CIO).
PAR MAME BIRAME WATHIE
MACKY, ÇA PASSE OU ÇA REMPLACE KHALIFA
Pour le chef de l'Etat sortant, la donne parait claire : plus que la hantise de la perte du pouvoir, il n’est pas question qu’un des responsables qu'il a martyrisés lui succède en avril prochain
L’année 2018 tire à sa fin et, pratiquement, aucun Sénégalais ne se fait d’illusion quant aux lugubres perspectives qu’annonce 2019. Par la faute du président Sall, qui a décidé de torpiller les règles qui lui avaient jadis permis d’être magnifiquement élu, le Sénégal caresse la crise et flirte avec le péril. Pourtant, ce n’est pas qu’à la démocratie que Macky Sall a infligé de méchants coups. Karim Wade, Khalifa Sall, Ousmane Sonko, Barthélémy Dias, Aida Ndiongue, Imam Ndao…, la liste des victimes de sa justice peut remplir cette page. Et avec tous ces opposants qu’il a malmenés durant ces sept dernières années, le leader de l’APR est à quitte ou double. Réélu, Macky Sall pourrait lorgner un troisième mandat comme le subodorent certains. Mais, battu à la prochaine présidentielle, le leader de l’APR remplirait toutes les conditions pour prendre la place de Khalifa Sall à Rebeuss.
« Macky SALL fait appel à 15 avocats ». Cette phrase a fait, cette semaine, la Une de deux quotidiens et a été utilisée comme titre par de nombreux sites internet. L’organisateur de l’élection présidentielle du 24 février prochain s’est donc hasardé à recruter un pool d’avocats pour la prise en « charge de tout contentieux électoral, de requêtes et d’éventuels recours ». Certaines diraient « khalass » ! D’autres demanderont « ki koumou yab » ! On te donne les moyens d’organiser un scrutin transparent, tu vas enrôler des avocats. Si ce n’est pas un aveu, la maladresse n’a pas encore quitté Macky Sall et ses partisans. C’est comme quand Aly Ndiaye « magouille » affirmait qu’il ferait tout son possible pour que son patron rempile à la tête de l’Etat.
Mais, 15 avocats ne suffiront pas à défendre Macky Sall. Ce n’est pas par hasard si ceux-ci ferment la marche de son dispositif déjà bien huilé avec des commandes de véhicules blindés et d’engins anti-émeutes aussi secrètes que multiples. Les manifestants, qui ont déjà gouté au gaz lacrymogène des forces de l’ordre, ont senti que beaucoup d’argent a été investi par le régime pour le rendre encore plus piquant. Et si les populations, qui ne peuvent même pas compter sur les fameux ASP, sont dans l’insécurité au quotidien, le régime s’est doté de moyens à même de rendre leurs complaintes inaudibles. Au mois de février dernier, le président de la République a remis les clefs de nombreux véhicules de patrouille et de transport de troupes et une dizaine d’ambulances médicalisées à la Police et à la Brigade nationale des sapeurs-pompiers. Au mois de septembre passé, c’est 65 engins blindés anti-émeutes venant du pays d’Erdogan qui ont été réceptionnés au Port autonome de Dakar. Et il ne s’agit là que des dernières acquisitions dévoilées de Macky Sall. La lutte contre le terrorisme en bandoulière, le fallacieux prétexte qui justifie toutes les forfaitures, il a caporalisé le régime.
Le conflit électoral n’attendra pas la proclamation des résultats du scrutin. Macky Sall le sait mieux que quiconque et se prépare à toute macabre éventualité. La liste définitive des candidats retenus pour briguer le suffrage des Sénégalais n’est même pas encore arrêtée que les voix s’élèvent pour davantage faire dans la dénonciation. Invitée ce dimanche de l’émission Remue-Ménage de la RFM, Amsatou Sow Sidibe a tiré la sonnette d’alarme. «Il se trouve que le fichier électoral, nous ne l’avons pas eu à temps. Donc nous n’avons pas pu nous fonder sur le bon fichier électoral pour faire le parrainage, là où Benno Bokk Yakaar a eu le bon fichier. Et voilà pourquoi dans cette dictée préparée, on nous fait savoir que Benno Bokk Yakaar et son candidat ont zéro faute. Tout est bon avec eux, et pour les autres, tout est presque mauvais. Donc cela pose problème. Voilà pourquoi nous demandons qu’on s’arrête, qu’on s’asseye autour d’une table avec tous les acteurs pour réorganiser ces élections, qui ne peuvent pas avoir lieu concrètement le 24 février 2019. La date doit être reportée si on veut que le Sénégal reste un havre de paix et demeure dans la stabilité », a-t-elle déclaré. Une méfiance totale des opposants vis-à-vis du Conseil constitutionnel qui a le dernier mot en amont et en aval. Pourtant, les sept « sages » qui se sont jusqu’à présent montrés très reconnaissants n’ont pas fini d’étaler toutes leurs grâces. C’est l’étincelle qu’ils agitent qui risque de mettre le feu aux poudres. La baguette magique qui leur a permis de trier les bonnes signatures des mauvaises en si peu de temps, n’éblouit pas Pape Diop encore moins Abdoul Mbaye. Et si Khalifa Sall et Karim Wade ont pu passer entre les mailles du filet, c’est que la grande nasse n’est pas encore déployée.
Pour Macky Sall, la donne parait claire. Plus que la hantise de la perte du pouvoir, il n’est pas question qu’un des responsables qu’il a martyrisés lui succède en avril prochain. Les chefs d’accusation qui ont conduit Karim Wade, Khalifa Sall, Aida Ndiongue et bien d’autres en prison pourraient bien être brandis contre lui. Ce ne serait que, dans le cadre de la traque aux biens mal acquis, la continuité de l’Etat.
PAR FRANCIS LALOUPO
LA DÉRIVE DU PAYS-CONTINENT
Le pouvoir congolais, avec son bras armé, la CENI vient de commettre les plus désastreuses élections de tous les temps - L’innommable pagaille présentée au monde comme des élections aura même stupéfié les observateurs les plus blasés
Fallait-il attendre le chaos électoral qui s’est produit le 30 décembre 2018 en RDCpour se convaincre de l’évidence qui n’a cessé de prospérer sous le regard du monde depuis plusieurs années, et plus densément depuis deux ans ? À savoir, l’art de la guerre, selon le régime de Joseph Kabila, au pouvoir depuis 17 ans. Le 10 décembre dernier, le Docteur Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, avertissait : « Tout a été fait pour organiser une parodie d’élection, nous espérons qu’après [ces élections], le Congo ne va pas sombrer dans le chaos ». Les Congolais avait bien rendez-vous avec le chaos quelques jours plus tard, deux ans après l’échéance officielle de ces élections, et après trois reports de ce scrutin.
Le pouvoir congolais, avec son bras armé, la CENI (Commission électorale indépendante) vient de commettre les plus désastreuses élections de tous les temps. Un sinistre record autant imputable à l’incurie de cette Commission électorale qu’à la volonté manifeste de proclamer dans ce trouble ordonnancement du désordre, la «victoire» du candidat du pouvoir, le sieur Emmanuel Ramazani Shadary qui n’a d’ailleurs pas attendu la fermeture des bureaux de vote pour annoncer sur les médias qu’il était désormais le « nouveau président ».
Une parodie d’élection qui restera dans les annales de l’Histoire, marquée par des désordres méthodiquement organisés, avec pour seul objectif la confiscation de l’Etat par le clan Kabila. Exclusion de près d’un million et demi d’électeurs du vote pour de prétendues raisons sanitaires et sécuritaires, bureaux de vote fictifs, machines à voter absentes, défaillantes ou programmées pour n’imprimer que le seul nom du candidat du pouvoir ; absences de listes électorales dans certains bureaux de vote, évaporation, par endroits, de bureaux de vote, interventions de milices incitant des électeurs à voter en faveur du pouvoir, heurts et échauffourées entre électeurs en colère et forces de sécurité… Une catastrophe électorale effarante, entachée de multiples entorses à la légalité, et qui, sous des cieux ordinaires, aurait dû être invalidée par une Cour constitutionnelle digne de ce nom.
Deux ans pour les Congolais – partis et militants politiques, membres d’organisations de la société civile – pour obtenir la tenue d’élections, en principe inscrites dans l’agenda de l’Etat, mais reportées pour disait-on alors, manque de budget ; deux ans pour contraindre Joseph Kabila à se retirer de la compétition électorale ; deux ans pour parvenir à la mise en place d’un calendrier électoral de la part d’un pouvoir qui, après s’être prêté à un processus de résolution de crise ayant débouché sur le fameux Accord de la Sylvestre du 31 décembre 2017, n’a eu de cesse de tordre le cou à la feuille de route mise en place à l’issue de ces négociations. Deux ans au cours desquels se sont coagulées toutes les tensions politiques sur fond de crise sécuritaire. Crise de confiance aussi, entre la population et les acteurs politiques. Au bout de ces terribles péripéties, la crainte du chaos annoncé.
Prétextant, avec une audacieuse roublardise, d’une bien suspecte « sauvegarde de la souveraineté nationale », le pouvoir avait annoncé sa volonté de financer intégralement ces élections, sans recours à l’aide – financière et logistique – extérieure. Une manière à peine voilée de programmer des élections à huis clos, loin des témoins indésirables d’une communauté internationale dont la bienveillance à l’égard du régime s’est émoussée à l’épreuve de ses dérives. Résultat : après un nouveau report de ce scrutin annoncé à trois jours de l’échéance du 23 décembre 2018, les élections législatives, provinciales et présidentielle du 30 décembre auront fait basculer la RDC dans la tragique dimension d’un Etat hors de tout ordre et de toute règle.
« Vous voulez des élections ? Eh bien, les voilà donc », aurait pu déclarer en privé Joseph Kabila. Celui qui promettait quelques jours plus tôt des « élections proches de
la perfection », a pu observer son œuvre ce 30 décembre. L’innommable pagaille présentée au monde comme des élections aura même stupéfié les observateurs les plus blasés. C’est de cette pagaille, tel une gigantesque poubelle conservée dans un placard, que devrait surgir l’annonce, dans les prochains jours, de « l’éclatante victoire » du candidat-dauphin Emmanuel Ramazani Shadary. Autant dire que ces élections n’étaient pas le rendez-vous résolutoire de la crise politique qui mine le pays depuis plusieurs années. Mais peut-être confirment-elles définitivement que le système Kabila se nourrit des crises qu’il génère. Tel un chef de guerre dont l’expertise se réduit à cette intangible réalité.
Plus de vingt ans après les deux guerres fondatrices de ce qui tient lieu aujourd’hui de système politique, la RDC, objet de toutes les convoitises pour ses richesses naturelles, est un théâtre de toutes les violences. Face à une insécurité endémique dans des régions investies par des dizaines de groupes armés aux agendas insaisissables, le pouvoir ne juge plus utile d’inscrire à son bilan la restauration de la sécurité. 5 millions de morts et autant de déplacés internes : le plus lourd bilan des conflictualités contemporaines. N’empêche : alors que l’autorité de l’Etat ne cesse de rétrécir, le régime de Joseph Kabila, aux commandes de la RDC depuis 2001, s’est révélé comme un simple Conseil d’administration s’appliquant à étendre et consolider les intérêts d’un clan, tout comme les chefs de guerre présents sur ce vaste de territoire, installés dans des zones grises du pays, ces sanctuaires des économies parallèles. La guerre, exactement.
Car, la crise congolaise défie l’espace de la pratique politique. C’est la manifestation, déroutante, d’une stratégie de guerre. Celle menée par un pouvoir aux apparences
« politiques » contre la majorité contestataire de son peuple. Mai 2017, évoquant l’urgence de la tenue des élections « avant décembre 2017 », les évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) avaient déploré le fait qu’« une minorité de congolais a décidé de prendre en otage la vie de millions de Congolais ». C’est dans ce contexte que les habitants tentent de résister, depuis vingt ans, à la banalisation de la violence politique, du crime crapuleux et des atteintes récurrentes aux droits humains, ainsi qu’à l’irrépressible dégradation des pratiques politiques et sociales.
Après quelques timides avancées dans la résolution de cette crise – notamment le retrait de Kabila de la compétition électorale suivi de la désignation d’un « dauphin » (sic) en la personne d’Emmanuel Ramazani Shagary -, l’opposition congolaise s’est prise à croire en une alternance au sommet de l’Etat. Mais c’était sans compter avec les incommensurables audaces de la Kabilie. Avant même la tenue des élections, Joseph Kabila confiait sans détour à la presse la possibilité de son « retour » dans la compétition à la présidence en 2023. Une déclaration amplifiée par ses affidés qui précisèrent sans rire que le « dauphin » Ramazany Shadary avait été désigné pour remplir les fonctions présidentielles le temps d’un quinquennat, avant de céder le fauteuil à… Kabila.
La Kabilie, cette petite boutique de toutes les calamités…
L’opposition s’est toutefois lancée dans cette « mère de toutes les batailles », malgré ses dissensions qui ont éclaté au grand jour, complexifiant la configuration du jeu électoral. Deux grandes figures de l’opposition, Martin Fayulu et Félix Tshisekedi allaient, en plus d’affronter le candidat du pouvoir, contenir leur propre rivalité. Mais le désir d’alternance et le rejet du régime Kabila par la majorité des Congolais auront dominé la campagne électorale et rendu secondaire le cheminement erratique des acteurs de l’opposition. Au soir du 30 décembre, les premières tendances, issues de plusieurs bureaux de vote, donnaient en tête des résultats les deux grands candidats de l’opposition.
Ce 30 décembre 2018, le monde pouvait regarder le spectacle de ces élections « entre nulle part et au-revoir ». A l’image du régime aux commandes de ce pays. Le monde regardait ce géant africain s’écrouler un peu plus, inexorablement. Un mouvement que plus rien ne semble pouvoir contenir. L’extravagance le dispute à la fascination. Semblable aux probables mouvements des continents, la lente et inexorable dérive de la RDC agit comme la fin des temps. On pouvait prévoir tout cela. Tout en se refusant d’y croire. Vingt ans d’insondables errements, d’inextricables accumulations de périls. D’obscures causes internes et exogènes jamais élucidées. On désignait volontiers ce pays comme la « gâchette du continent », en se fiant au croquis de la mappemonde. Le « centre de l’Afrique», disait-on. Comme le centre d’un monde. Le pire n’était jamais sûr, même si toutes les calamités réunies s’étaient donné rendez-vous sur cette terre congolaise, qui pourtant abrite d’innombrables morceaux de paradis terrestres. Paradis souillés par la folie des hommes. Là où toutes les cupidités, toutes les ambitions épileptiques se sont donné rendez-vous depuis des années pour aspirer, piller jusqu’à plus soif toutes les richesses que ce pays héberge dans son ventre et ses tréfonds. Le piège était bien là : au bout de la chasse aux trésors, l’abîme de l’arche perdu. On savait, on devinait plutôt la profondeur de l’abîme. Les architectes matois de l’infernale politique congolaise se sont méticuleusement appliqués à y précipiter le vague reliquat d’espérance, conservé par leurs concitoyens, d’un hypothétique miracle. Ce centre du continent continue pourtant de porter et de diffuser, comme toujours, un formidable désir collectif de vie. Question, cependant : ce désir est-il encore assez puissant pour freiner la dérive du géant
congolais ?
LES BIJOUTIERS LOCAUX VEULENT DE L'OR SÉNÉGALAIS
Les bijoutiers du pays ont obtenu de l’Etat qu’une part de la production aurifère leur revienne pour fabriquer des bijoux 100% sénégalais, mais cette volonté est pour le moment bloquée par des taxes trop élevées
Le Sénégal est entré dans la liste des rares pays producteurs d’or, en 2009. Depuis, neuf tonnes ont été exportées chaque année, notamment vers la Suisse qui est l’un des premiers pays raffineurs d’or au monde. Les bijoutiers du Sénégal ont obtenu de l’Etat qu’une part de cette production leur revienne pour fabriquer des bijoux 100% sénégalais, mais cette volonté est pour le moment bloquée par des taxes trop élevées.
Cent kgs d’or pour les trois prochains mois, c’est la quantité de métal précieux extrait de la mine de Sabodala, qui doit être accessible pour les bijoutiers locaux. Le problème est que l’Etat, qui souhaite les aider, a aussi imposé une TVA à plus de 18%, entraînant un prix de base trop élevé.
« S’ils achètent l’or avec la TVA, le prix ne sera pas compétitif et ils ne pourront pas, en retour, revendre cet or-là parce qu’il sera un peu plus cher que le cours mondial de l’or », explique Mbaye Thiam, porte-parole de tous les artisans bijoutiers de Soumbedioune.
Signe qu’il existe un marché, à Soumbedioune comme dans tout Dakar, les boutiques de bijoux s’alignent sans fin, mais aujourd’hui, on ne sait pas trop d'où provient l’or utilisé par ces artisans, comme Abdou Cissokho.
« Au Sénégal, il n’y a pas d’or, pour l’instant. Donc l’or que nous travaillons vient de l’extérieur. On l’achète. Quoi qu’il en soit, on l’achète mais on ne connaît pas sa provenance », reconnaît-il.
Trésor de famille, bijoux revendus, parfois volés… Comme ailleurs, l’or sait garder ses secrets. Certains vont aussi l’acheter sur une pointe de la capitale où des artisans récupèrent et écrasent tous les outils des bijoutiers pour récupérer, après des heures de travail, quelques grammes d’or.
NOS HOPITAUX MALADES D’INGENIEURS BIOMEDICAUX POUR LA MAINTENANCE
Des médecins plaident pour la formation de cadres techniques
Le gouvernement de Macky Sall, en 7 ans, aurait consenti d’énormes efforts dans le relèvement du plateau technique dans les structures de santé qui regorgent d’excellents médecins. Rien qu’en imagerie médicale, l’Etat aurait investi 10 milliards francs Cfa surtout pour l’acquisition de deux accélérateurs de particules et des scanners dans tous les chefs-lieux de région. Seulement dans nos hôpitaux, les professionnels de la santé dénoncent le manque d’ingénieurs qualifiés pouvant assurer la bonne maintenance des machines de dernière génération. D’où les nombreuses évacuations sanitaires à l’étranger qui coûtent encore trop cher à notre pays.
Un scanner à Touba, Un lithotripteur à l’hôpital général de Grand Yoff (Hoggy), des équipements pour le bloc opératoire de l’hôpital d’enfant Albert Royer de Fann, 10 générateurs d’oxygène pour l’hôpital régional de Ziguinchor et les établissements public de santé de niveau 1. Cinq mammographies, 12 échographes, quatre radios panoramique dentaires,13 tables de radiographie avec numériseurs, cinq appareils de radiographie mobiles, huit armoires mortuaires, 22 autoclaves, quatre centrales de fluides médicaux. Une colonne de célioscopie et matériel de buanderie de stérilisation, des matériels d’inventionet14motos pour le service national d’hygiène pour les différents hôpitaux et centres de santé du pays. Du matériel d’orthopédie et de kinésithérapie pour le centre Talibou Dabo, du matériel de pédagogie et informatique pour les centres régionaux de formation en santé (Crfs). Neuf groupes électrogènes, des équipements dentaires, de laboratoires, de bloc opératoire, de chaine de froid, d’ondulateurs et transformateurs pour les structures de santé. Last but not least, une acquisition d’équipement de deux salles de bloc opératoire des hôpitauxde Fatick et Ziguinchor.
L’équipement de la maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec, le relèvement du plateau technique des structures dans les régions de Kédougou dans le cadre du projetminier. Une acquisition de trois appareils de radiothérapie dont deux à l’hôpital Dalal Jamm et un à l’hôpital Aristide LeDantec…Ce sont, entre autres réalisations faites parle gouvernement, en termes d’acquisitions et d’installation en 2017 pour relever le plateau technique des hôpitaux et centres de santé du pays, selon un document de la Direction des Infrastructures, des Equipements et de la Maintenance (Diem) du ministère de la Santé et de l’Action sociale. Sur ce, dira le chef du service de radiologie de l’hôpital Aristide Le Dantec , depuis 2012, date d’accession du président Macky Sall à la magistrature suprême, beaucoup d’argent ont été investis dans la santé. Notamment à Dantec, à Dalal Jamm avec les accélérateurs de particules, des systèmes de télé-radiologie et de télé-scanners. Le plateau technique, dit-il, n’est pas si malade qu’on pourrait le penser. Pour Oumar Bâ du Syndicat autonome des Médecins du Sénégal (Sames), beaucoup d’efforts ont été faits pour doter nos hôpitaux de matériels médicaux.
Rien qu’en imagerie médicale, l’Etat, en 7 ans, a investi 10 milliards francs Cfa, a dit son collègue médecin de l’hôpital Aristide le Dantec, Pr Elhadj Niang, chef de service de radiologie dudit hôpital selon qui, le Sénégalais regorge de bons médecins qui servent dans des structures bien équipées de matériels dernier cri. Ces deux praticiens de la santé sont unanimes. Le plateau technique n’est pas si malade qu’on le pense. Le potentiel humain est donc là, de même que les équipements techniques. Qu’est-ce qui est donc à l’origine des multiples évacuations sanitaires vers d’autres pays ? Le Dr Oumar Bâ du Sames situe le problème à deux niveaux.«Beaucoup d’efforts ont été faits ces dernières années pour équiper les établissements publics, selon leur niveau en termes de plateau technique notamment de dotation de scanner, d’imagerie pour mieux prendre en charge le diagnostic des patients. Mais on a beau acheter le matériel le plus performant qui souvent coûte extrêmement cher, si derrière, il n’y a pas de service après-vente, des ingénieurs, des biomécaniciens, des électrotechniciens qui soient capables de maintenir ces matériels en état, et qu’on puisse l’amortir dans les délais qui sont prévus, cela pose problème. Malheureusement, dans nos structures, nous avons un matériels dernier cri, par exemple des échographes haute définition qui pour une banale manipulation, même pas deux ou trois mois de fonctionnement, fait que l’appareil devient utilisable. Et on ne peut pas le changer. On achète du matériel sans pièces de rechange. On nous livre le matériel, mais les petites pièces de rechange, pièce de rien du tout, ne sont pas sur le marché. Alors cela ne sert à rien. Il y a deux choses: quand on achète du matériel, il faut qu’il y ait des pièces de consommables. Aussi il faut des ressources humaines. Il faut former et adapter les gens à la maintenance technique hospitalière et des matériels dans un monde où maintenant tout est informatisé.»
Si on en croit à cette blouse blanche, il n’y aurait donc personne pour bichonner le matériel médical dans les hôpitaux. « Le vrai problème, c’est le problème de la maintenance hospitalière. L’imagerie médicale et les appareillages biomédicaux ont évolué. D’appareils de type bioélectronique vers des appareils de type électroniques et mieux encore vers des appareils informatiques. Cette complexité malheureusement n’a pas été suivie par nos cadres. Nous avons besoin de former des agents de maintenance. Récemment à l’école polycliniques, nous avons créé une filière de formation d’ingénieurs biomédicaux. Là où il faut faire beaucoup d’effort, c’est au niveau de la maintenance et de la formation des utilisateurs. On doit former des ingénieurs biomédicaux, des cadres techniques capables de maintenir ce matériel et de les utiliser à bon escient, de les utiliser dans leurs meilleures performances», a renchéri le Pr Niang de Dantec qui pense qu’«il nous manque aujourd’hui une école digne de ce nom qui forme des paramédicaux à la hauteur des besoins des grands médecins dont nous disposons ».
LES 30 MILLIONS DE FRANCS DE MACKY SALL DIVISENT LES CHEFS RELIGIEUX
La distribution des 30 millions de francs offerts aux différents chefs religieux de la région de Louga — à raison de dix millions par département — par le président Macky Sall, à la suite de l’audience qu’il leur avait accordée, suscite depuis lors beauc
Mbargou DIOP, Correspondant permanent à Louga |
Publication 31/12/2018
En effet, des soi-disant chefs religieux, de villages ou de familles religieuses ou même de foyers religieux tout court se sont aussitôt autoproclamés « autorités religieuses » rien que pour bénéficier de la manne financière débloquée par le président Macky Sall. Dès que la somme de trente millions de francs a été annoncée, le nombre de chefs religieux de la région a subitement crû de façon exponentielle ! C’est ainsi qu’en ce qui concerne le département de Louga, en particulier, le partage ne se serait pas déroulé dans les règles de l’art. Si l’on tient compte des commentaires des uns et des autres, on se rend compte que certains attributaires légitimes ont été zappés lors de la répartition de l’ « appui » présidentiel tandis que des usurpateurs, eux, ont été servis. C’est donc dans cette atmosphère de suspicions, de complaintes et de contestations des uns et des autres que la distribution s’est effectuée à la préfecture de Louga prise d’assaut par des soi-disant ou supposés chefs ou représentants de chefs religieux, venus réclamer leur part de ce pactole résidentiel préélectoral.
Ainsi, au final, près de cent bénéficiaires recensés auraient reçu chacun une obole de…cent mille francs. Ce qui a mis dans une grande colère certains membres de familles religieuses qui n’ont pas reçu leur part ou n’avaient pas assisté à l’audience avec le président Sall. En tout état de cause, ce sont les préfets des départements de Louga, de Linguère et de Kébémer qui avaient été chargés par le gouverneur de procéder au recensement et à la distribution de la somme aux ayant-droits de chaque département. Quoiqu’il en soit, les autorités administratives locales, notamment le gouverneur et les préfets, sont à même de connaitre et de reconnaitre les vrais chefs religieux de leurs circonscriptions administratives, pour ne pas être» trompés» par des escrocs enturbannés. Car les autorités administratives collaborent étroitement avec les autorités religieuses, d’où l’excellence des rapports entre le spirituel et le temporel, pour donc dire que, dans les normes, un problème d’identification et de reconnaissance des vrais chefs religieux ne devrait pas se poser en temps normal.
D’autant que, dans de pareilles situations, ce sont les autorités administratives qui désignent les chefs religieux et qui en dressent leurs listes. Pour dire que le problème de savoir qui est chef religieux et qui ne l’est pas ne devrait même pas se poser…