IL EST UN PEU TOT POUR PARLER DES FORCES ET FAIBLESSES DE L’ACTE 3
Ancien ministre de la Décentralisation, Souty Touré fait le point sur la décentralisation, relève les forces et faiblesses de l’acte 3, et évoque la brûlante question du foncier qui aiguise les appétits

Ancien ministre de la Décentralisation, Souty Touré connaît bien les enjeux de cette question fondamentale dans le fonctionnement d’un Etat. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il fait le point sur la décentralisation, relève les forces et faiblesses de l’acte 3, et évoque la brûlante question du foncier qui aiguise les appétits.
Vous avez été ancien ministre de la Décentralisation. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ce domaine ?
La décentralisation est un concept fondamental dans l’organisation des Etats modernes. La décentralisation donne plus de souplesse dans le fonctionnement de l’Etat et cela permet aux populations d’avoir des structures pour gérer les affaires de proximité. Cela leur permettrait de moins sentir le poids ou la pression de l’Etat. Ces populations pourraient ainsi s’occuper elles-mêmes de certaines questions comme le cadre de vie, la santé ou la production. Elles auront ainsi la possibilité de délibérer dans certains secteurs. C’est en quelque sorte une évolution institutionnelle qui offre une certaine organisation, qui prend en compte les aspirations ou les revendications des populations.
Mais où est-ce que ces localités trouveront-elles des ressources pour se prendre en charge ?
Je pense que la question de la décentralisation est même une exigence. Car si on pousse à trop centraliser les affaires à Dakar, les zones périphériques vont se sentir moins concernées. Donc, la décentralisation permet aux populations de participer en quelque sorte à la vie de leur pays. On a vu que cette phase politique et institutionnelle a été réussie, avec les réformes de 1996 et 1997. Aujourd’hui, vous allez retrouver de hauts cadres qui veulent servir leurs terroirs. Ils veulent tous travailler pour le développement de leurs zones respectives. Ils reçoivent de l’Etat des moyens qui sont quand même importants. Je pense qu’il faut aller dans le sens de trouver une fiscalité. Maintenant, il reste la phase du développement économique qui est à conduire. Macky Sall et son gouvernement ont lancé l’acte 3 de la décentralisation. Et je considère que c’est important, surtout dans sa dynamique économique.
Forces et les faiblesses de l’Acte 3 de la décentralisation ?
C’est une question assez délicate que vous venez de me poser. Comme vous le savez, moi-même j’étais au cœur de ce qu’on peut appeler la phase 2. Ce qui peut se traduire aujourd’hui par notre acte 2 de la décentralisation. Et j’ai eu à y jouer un rôle important. Je pense qu’il est trop tôt pour parler des forces et des faiblesses de l’acte 3 de la décentralisation. L’orientation économique est un point fort. La communalisation intégrale porte aussi des avantages. Il convient de l’approfondir davantage. Les communes vont évoluer et il faut trouver des perspectives. La départementalisation a permis aussi de créer un niveau d’expression des aspirations des populations.
Les maires sont souvent indexés dans des litiges fonciers. Qu’est-ce qu’il y a lieu de faire pour en finir avec cette question ?
La question du foncier est fondamentale pour un pays. Vous savez, nous n’avons qu’un Sénégal et ses limites sont connues de tous. Donc, nous devons vivre dans cet espace, mais aussi l’aménager pour les générations futures. Il y a eu un temps, je pense entre 1965 et 1967, la révolution en Amérique Latine, née des batailles agraires. C’est pour vous dire que c’est une question délicate et fondamentale pour un pays. Pour moi, la gestion du foncier est déjà réglée. La terre doit être un bien national. Ainsi, il faudra laisser aux collectivités territoriales des pouvoirs de décisions sur certaines questions. Que les affectations se fassent sur la base des besoins, avec des critères, des projets bien élaborés et des données précises.
Quelle est la solution pour mettre fin au bradage des terres ?
Je pense qu’il est impératif d’avoir des mécanismes qui permettront de prévenir le bradage des terres, mais aussi la corruption. Si cela n’est pas fait, des populations vont un jour se retrouver comme de simples ouvriers sur les terres de leurs ancêtres. Et cela peut exposer le pays à des troubles. Je pense qu’il faut légiférer en améliorant, sur la base des principes.