LA JUSTICE AU CENTRE DES DISCOURS DES CANDIDATS
Dans les thématiques de cette première semaine de campagne, la justice a été au cœur de toutes les interventions des candidats.

Huit jours après le lancement de la campagne électorale dont la cible est constituée de 6 373 451 d’électeurs (dont 309 592 de la diaspora) les cinq candidats à la présidentielle du 24 février prochain mouillent le maillot sur le terrain. Question de tenir la vedette au soir de ce 24 février. Programmes politiques, projet de société, affiches, slogans de campagne, visites de proximité et grands shows populaires, bus et voiture 4X4 bandés à l’effigie des prétendants à la magistrature suprême constituent l’architecture des images fortes que les postulants à la présidentielle mettent à contribution pour bénéficier de la majorité des suffrages. Mais pour l’instant, la campagne est plutôt calme en dépit de quelques incidents et autres accidents mortels. Dans les thématiques de cette première semaine de campagne, la justice a été au cœur de toutes les interventions des candidats.
La première semaine de campagne du premier tour de l’élection présidentielle du 24 février prochain a pris fin dimanche sur de bonnes notes, à en juger l’élégance et la courtoisie des militants et sympathisants ainsi que les candidats eux-mêmes. Seulement il faut déplorer la violence émanant du camp de la majorité présidentielle.
Des militants de Sonko ont été attaqués au deuxième jour de la campagne à Saint-Louis au point de que le Patriote en chef a décidé désormais d’appliquer la loi du Loi du Talion, c’est-à-dire rendre coup pour coup. Quant à Madické Niang dont la caravane a été caillassée à Sédhiou ce samedi 9 février, il a appelé les nombreux militants venus l’accueillir ne pas répondre aux nervis de Bennoo dont « la défaite de leur leader n’est plus qu’une question de jours ». La première Dame, Marième Faye Sall présente à Thiès pour assister à un meeting de Bennoo, a été accueillie par une pluie de pierres.
A part ces trois incidents et quelques accidents mortels, il faut souligner que la campagne se déroule normalement sur l’ensemble du territoire national. Lors des élections passées, on était habitué à des formes de violence inouïe qui souvent se déteignaient même sur les affiches des différents candidats. Cette année, pour se rendre compte du climat apaisé de cette campagne électorale, il suffit de faire un tour pour constater que les affiches publicitaires et autres messages de campagnes se côtoient sans la moindre agression. Cette sérénité est constatée aussi dans les déclarations publiques des candidats qui se focalisent sur leurs projets de société ou programmes sans entrer dans une quelconque polémique ou propos déplacés, même s’il est clair que certains leaders, parfois, n’hésitent pas à assaisonner leurs discours avec quelques piques ouvertes ou allusives sur le président sortant ou inversement. La seule chose qui fait défaut, c’est l’aspect humoristique des candidats. Léopold Sédar Senghor, parlant d’Abdoulaye Wade, don challenger, avait l’habitude d’égayer ses militants en le désignant sous le terme de « Laye Ndiombor ». Ce dernier aussi parlant du couple Abdou Diouf et Elisabeth, employait le sobriquet de « M. Forage et de Mme Moulin » pour dérider les foules. Seul le candidat Macky Sall accueilli la plupart du temps par des marées humaines ne peut résister d’esquisser des pas de danse devant le mbalakh endiablé de son aède Youssou Ndour.
Du côté des programmes, le candidat de Bennoo en l’occurrence Macky Sall, déroule son Ligeyal Elëk qui doit mettre en œuvre la phase II du Plan Sénégal Emergent (PSE). Dans chacun de ses meetings, Macky Sall se fonde sur son bilan qu’il juge élogieux avant de promettre le meilleur pour la localité d’accueil. A l’est et au nord du pays, le président sortant a magnifié les travaux de désenclavement. Mais les sept ans du Président sortant ont été tellement éprouvants pour la masse populaire que l’on affiche un certain scepticisme sur l’effectivité de telles promesses. Malgré une série de réalisations dans plusieurs domaines, il reste que les Sénégalais sont en butte à des difficultés quotidiennes. Aujourd’hui, on ne sent pas l’impact réel des réalisations dans le vécu quotidien des Sénégalais. Partout on sent le malaise. Autre chose qu’il faut déplorer, c’est la distribution outrancière de l’argent par la majorité présidentielle pour remplir les meetings. Ces pratiques qui vont à l’antipode des principes pour lesquels les électeurs s’étaient mobilisés le 25 mars 2012 pour chasser Abdoulaye Wade du pouvoir sont plus qu’actuelles. Les valeurs qui ont été le fer de lance de l’élection de Macky Sall en 2012 sont aujourd’hui piétinées par ce dernier qui considère la transhumance et l’achat de conscience comme des valeurs pour atteindre une fin politique. Pour ce qui est de la justice, le premier magistrat du pays a pris la défense des magistrats qu’ils considèrent comme indépendants depuis toujours. Mais une telle position détonne avec celle déclinée dans le Yooonu yokkuté, premier programme du candidat Macky Sall en 2012. Le candidat Idrissa Seck qui est le principal challenger a axé son discours de la semaine sur les inégalités sociales et l’indépendance de la justice. La disparité entre les villes et les campagnes est si effarante qu’il urge d’apporter les thérapies idoines pour soulager les populations qui en souffrent. Il ne s’est pas manqué avec une dose d’humour de souligner l’absence d’un gynécologue à l’hôpital de Gossas, fief du Premier ministre Boun Abdallah Dionne. Ousmane Sonko a axé ses interventions selon les spécificités que présente chaque localité. La lourde fiscalité qui étouffe les entreprises, le manque de patriotisme économique, l’abandon du secteur privé par les pouvoirs publics sont un leitmotiv dans le discours de Sonko.
Le développement du tourisme, la relance de la pêche, la renégociation des accords pétroliers et gaziers sont systématiquement abordé par le leader de Pastef. Il aussi proposé la réformation du Conseil constitutionnel par la création d’une Cour constitutionnelle. Madické Niang de son côté déclare que le Conseil supérieur de la Magistrature ne sera plus présidé par le chef de l’État et le ministre de la Justice ne sera plus membre actif d’un parti politique. Il a promis aussi de gommer les disparités sociales en renforçant l’appui aux collectivités locales allant de 500 millions à 1,5 milliard suivant la taille de la commune. Issa Sall, le candidat du Pur, a axé son discours sur la réforme de l’éducation et aussi de la justice. Pour le Puriste en chef, « le combat pour son autonomie sera une réalité. Le Conseil supérieur de la magistrature (Csm), sera remplacé par un conseil supérieur de la justice intégrera d’autres personnalités extra-judiciaires ».
Toutefois, il faut souligner l’intrusion du candidat non officiel de cette campagne, Abdoulaye Wade qui a bouleversé la donne. Aujourd’hui, tous les candidats de l’opposition font la cour au pape du sopi, histoire de bénéficier des voix importantes du Pds. La semaine du 11 au 17 février promet surtout que Wade entend faire sa « campagne » envers et contre tous.