LANDING SAVANÉ, UN HOMME DE MISSIONS
EXCLUSIF SENEPLUS - Ingénieur statisticien, poète, théoricien politique et panafricaniste : il a marqué plusieurs générations par la diversité de ses talents et la constance de ses convictions. Témoignage de cinquante ans d'amitié

Mai 1975 - Mai 2025 : un demi-siècle déjà…
Il y a cinquante ans, je partageais avec Landing Savané la même chambre au Camp Pénal de Dakar. Nous avions été reconnus coupables, en mars 1975, de diffusion d’un journal ronéotypé, nommé XAREBI, dans un contexte où les libertés démocratiques, notamment celles relatives à la presse, étaient bridées par le régime de Senghor. Nous avions été jugés par un tribunal d’exception, la tristement célèbre Cour de Sûreté de l’État, où le ministère public n'était pas représenté par un magistrat du parquet, mais par un commissaire désigné par le gouvernement. Celui-ci exhibait le fameux article 80 du Code pénal, véritable fourre-tout juridique, sanctionnant non seulement l’acte mais aussi l’intention, même insondable. Hélas, cette disposition inique est toujours en vigueur, de régime en régime, malgré les alternances politiques. À son sujet, Massamba Ndiaye écrit à juste titre : « Depuis l'indépendance, tous les régimes successifs l'ont utilisé de manière récurrente pour bâillonner la liberté de tout citoyen récalcitrant aux desiderata des autorités publiques. »
Nous étions alors un groupe de jeunes détenus venus d'horizons divers. Certains n’avaient commis pour seul "délit" que celui de connaître le frère de Landing, feu Alassane Savané, alias Lazo. C’est dire combien XAREBI suscitait la crainte : un véritable spectre qui hantait le sommeil des tenants du régime de Senghor. Parmi les compagnons d’infortune se trouvaient, entre autres : Ibrahima Sène, Roger Bonaventure Coly, Ibrahima Cheikh Niang, Nianthio Mané (paix à leur âme !) Alioune Diop, Moctar Diop et le professeur Djibril Samb. Revenant sur ces arrestations, ce dernier écrit dans L’heur de philosopher le jour et la nuit : « Nous étions jeunes et assoiffés d’émancipation, pris dans l’engrenage d’une machine judiciaire infernale qui, une fois lancée, produisait et déroulait sa paperasserie, ses procédures, ses preuves, son jugement et son exécution, le tout sans le moindre souci de la vérité. »
Notre vie carcérale s’organisait autour de longues journées de lecture et d’écriture, ponctuées, le soir, par des veillées poétiques et des discussions enflammées, autant sur la situation au Sénégal que sur les luttes de libération en Afrique — dans les colonies portugaises, contre l’apartheid en Afrique du Sud, entre autres. C’est grâce à une vieille radio SW (onde courte) grésillante, apportée secrètement par Néné Sagna et collée en permanence à nos oreilles, que nous avons appris, exaltés, la chute de Saïgon et le triomphe de l’armée populaire vietnamienne.
Cette cohabitation forcée dans une étroite cellule a forgé, au fil des mois, de solides liens de fraternité. C’est dans cette intimité que Landing — ou plutôt "Doch", comme nous l'appelions affectueusement — me confia un jour, en toute confiance, l’idéal quasi évangélique qui l'habitait depuis ses années au lycée Van Vo de Dakar : celui de se mettre au service de l’humain. Une voix intérieure l’enjoignait de consacrer sa vie au combat pour l’émancipation de l’Humanité. C’est à cet appel qu’il répondit avec enthousiasme et grandeur, dans la voie de l’engagement révolutionnaire. Dans ce choix de vie, il traça un sillon singulier, qui lui a ainsi ouvert un destin particulier dans l’histoire de sa génération.
Une vocation précoce pour l’excellence dans les études
Dès son plus jeune âge, Landing Savané fait montre d’une soif inextinguible de connaissances, cherchant à transformer chaque étape de son parcours scolaire en succès académique. Son éducation commence précocement à Bakel, avant qu’il ne parachève son cycle primaire à Thiès avec de nombreuses distinctions scolaires. Ses brillants résultats lui valent alors une place à l’internat au prestigieux lycée Van Vo. Au palmarès des cérémonies annuelles de distribution de prix, son nom retentit sans cesse comme un refrain dans l’oreille de ses condisciples. Ses performances scolaires annoncent une trajectoire exceptionnelle.
En 1963, s’ouvrent à Landing les portes des classes préparatoires scientifiques à Toulon, en France. Il réussit le concours d’entrée à deux grandes prestigieuses institutions académiques : (i) École nationale supérieure d’ingénieurs (ENSI), INSEE/ENSAE (École nationale de la statistique et de l’administration économique), bastion de la formation technique d’élite, où il se spécialise dans l’analyse des données et les enjeux socio-économiques. Il en sort diplômé avec le statut d’ingénieur statisticien-démographe, couronnement d’un beau parcours académique.
Un ingénieur politiquement conscient
Cette solide formation de cadre techniquement compétent le prédestine naturellement à une belle carrière professionnelle. Mais cette perspective ne suffit pas à son projet d'engagement civique et à sa soif de quête de sens. Déjà, l’admiration d’illustres personnalités africaines du combat pour les indépendances comme Sékou Touré, Kwamé Nkrumah et les sonorités de la musique du Bembeya Jazz de Guinée, alors porte-étendard artistique du panafricanisme et de l'indépendance africaine, avaient fait naître un embryon de conscience politique chez le jeune Landing.
C’est à Toulon, ville française chargée de mémoire — notamment celle des tirailleurs sénégalais, dont la contribution à la libération en 1944 a été récemment commémorée avec emphase à l’occasion du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye — que cette conscience politique mûrit et se transforme en conscience révolutionnaire.
En plus de la presse politique française qu’il lit de manière assidue, il découvre, fasciné, la Chine révolutionnaire et s’abonne à la bibliothèque des œuvres de Mao Zedong. À une époque où la révolution soviétique semble marquer le pas, engluée dans une bureaucratie pesante, la Chine maoïste offre une alternative enthousiasmante qui fait souffler le vent d’Est. Les perspectives de la Révolution culturelle, avec le bloc ouvrier-paysan en tête, inspire un souffle nouveau aux militants du monde entier. Landing se reconnaît dans cette nouvelle gauche qui ravive l’idéal révolutionnaire et la pensée militante. Un engagement révolutionnaire qui lui dicte de rentrer au pays pour servir la cause du peuple et prendre soin de sa famille.
Un jeune paterfamilias aux lourdes responsabilités
De retour au pays, Landing Savané, avec sa fidèle compagne de cœur et d’esprit, Néné Sagna plus connue sous le nom de Marie Angélique Savané, Mme Sav ou encore MAS, est face à de lourdes responsabilités familiales.
Très tôt, Landoch devra à la fois assumer les devoirs de la famille construite avec MAS et aussi de la famille héritée, sans compter ceux de la famille extensive avec ses nombreux filleuls et homonymes à travers le pays et l’Afrique[1].
En effet son papa, Sitapha Savane, parti tranquillement sur la pointe des pieds, à la veille de son admission à bénéficier de ses droits à la retraite, (à l’époque c’était autour de 55 ans), a laissé derrière lui une grande famille résultant d’un ménage polygame. Ainsi, Doch, à peine a-t-il démarré sa nouvelle vie professionnelle et renoué avec ses activités militantes, doit faire face non seulement aux responsabilités de son propre couple mais aussi au tutorat d’une famille étendue, dispersée entre Dakar, Ziguinchor et Bignona. Il en devient le pilier et assure la tutelle sur ses frères et aussi sur les veuves de son papa. Sans distinction, il joue son rôle de paterfamilias, offrant à chacun sa part d’affection et d’assistance matérielle. En vérité, il était bien préparé à ses nouvelles charges par les valeurs de son éducation familiale, par les principes qui fondent son engagement politique et enfin par une personnalité propre.
Né le 10 janvier 1945 à Bignona en Casamance, il est issu d’une famille de mixité et donc de grande ouverture ; son père mandingue musulman et sa mère, baptisée chrétienne, s’est convertie à l’Islam. Très tôt, il a tété le lait de la tolérance religieuse avec un grand frère, des cousins et tontons catholiques, et a été nourri à la diversité, dans une cellule familiale où le diola, le mandingue et le wolof sont invariablement parlés.
La maman Khady Sagna, avait un instinct gémellaire (djaxanaay lay teuddé). Cette mère à nous tous, une grande générosité de cœur, était attentive à tous ses enfants, membres directs et indirects de la famille, amis voisins et autres passagers. La maison familiale de Ben Talli comme celle de Bignona étaient des lieux de débarquement et de transit obligé pour notamment les parents ou amis ressortissants des villages de Diourou ou de Bambadiong. Malgré ses bras accueillants, cette femme diola d’une forte personnalité, était ferme et rigoureuse dans ses méthodes d’éducation. Sa présence marquante assurait pleinement et totalement les charges de la vie familiale de Thiès à Bignona en passant par Dakar ; rien ni personne n’échappait à son contrôle vigilant.
Le papa Sitapha Savane, policier, ex garde-républicain des forces de Défense et de Sécurité (FDS), impressionnant par la taille, par le port de la tenue sans parler des attirails qu’ils arborent, était d’une grande douceur intra muros. Un père affectueux et fier de son fils aîné Landing qui manifestement lui donnait une grande satisfaction ; il ne se privait pas de relever les exploits scolaires de l’élève studieux.
C’est sur ce socle marqué à la fois par le modèle de bienveillance paternelle et celui d’hospitalité maternelle que Doch fondera son propre foyer. Son domicile à Gibraltar, maison-carrefour du couple Savane-Sagna, était un espace de rencontres, une auberge sénégalaise où frères, sœurs, neveux, nièces, camarades, pouvaient apaiser leur faim et étancher leur soif ; trouver refuge, voire havre de paix. Le seul bémol dans cette généreuse hospitalité, faut-il l’admettre, c’est le refus de Landing de partager le « kouthia » dont il avait- et a encore- une passion immodérée. Il s’agit d’une sauce onctueuse composée de bissap et de gombo, fouettée comme de la mayonnaise ; elle accompagne invariablement tous les repas de Doch, comme une substance aromatisante qui de plus facilite, dit-on, le transit.
Une mission familiale pleinement remplie grâce sans nul doute à son alter ego MAS. Une égérie du mouvement révolutionnaire maoïste du Sénégal, féministe assumée, partage la vie de Landing depuis bientôt 60 ans. La solidité du couple n’est plus à démontrer et la flamme est toujours éclatante. MAS est plus qu’une épouse, plus qu’une camarade, disons une compagnonne. Un couple uni affectivement et politiquement, dans une grande complicité intellectuelle, a su solidairement malgré les épreuves de l’engagement politique et les contraintes professionnelles, bâtir un petit cercle avec deux garçons.
Landing, patriarche de la famille Savané, sous une douce et tendre autorité, est reconnu et aimé des siens. Récemment en janvier 2025, son épouse, MAS, co-constructrice avisée du patrimoine familial en étroite complicité avec ce frère de tous les jours Vieux Savané, lui a renouvelé sa flamme avec une touchante tendresse. C’est sur ce terreau fait d’affection, de solidarité, d’engagement et de savoir que leurs enfants, devenus adultes, ont évolué. Ils en portent le sceau et font la fierté de leurs parents, de la famille et des différents cercles social et professionnel qu’ils fréquentent.
Une constance dans un engagement politique permanent
C’est donc en France, fortement impressionné par la dynamique de la Révolution de démocratie nouvelle conduite par Mao, que Landing tombe finalement sous le charme de la révolution culturelle. C’est à travers l’UJCML (Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes) qu’il renforce sa formation idéologique marxiste-léniniste et aiguise sa conscience politique. Parallèlement, avec des amis parmi lesquels, Amady Baro, Abdourahmane Kounta dit Ferkhass, Bouba Keita, Mamadou Lakh, Mazide Ndiaye, Pascal Ndong, Alya Dramé, Lamine Diop, MAS…ils créent le Groupe Marxiste-Léniniste (GML), organisé en cellule de lecture et de discussions ML. C’est d’ailleurs ce groupe qui finit par conquérir en 68 la direction de l’AESEF, branche sénégalaise de la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France). Dans le feu des manifestations de mai 68 en France, il initie l’occupation de l’Ambassade du Sénégal pour soutenir les étudiants et les travailleurs du Sénégal en lutte contre les conséquences des politiques néocoloniales du régime répressif de Senghor.
À son retour au Sénégal, avec ses camarades du GML, il se joint aux jeunes dirigeants du mouvement élève des années 68 et 69 et aux militants du Parti Communiste Sénégalais (PCS) pour former en 1970 le Mouvement des jeunes marxistes-léninistes (MJML). Un mouvement révolutionnaire ML d’obédience maoïste qui compte parmi ses membres des figures comme Oumar Blondin Diop, Ndèye Sow, Joe Ouakam ou Mamadou Wane Mao, Amadou Top, Abdou Salam Kane dit Billy…etc. Mais cette organisation succombe deux ans plus tard aux maladies juvéniles du communisme.
Après une année de gestation, en Mai 73, voit le jour, sous le leadership de Landing, une nouvelle organisation ML : Reenu Reew mi (RR). Ce mouvement est fondé sur des bases plus solides avec l’exigence d’une maîtrise de la situation concrète du pays par l’enquête et la recherche (ERO) et par la liaison avec les populations à la base, au premier chef les ouvriers et les paysans. Refusant de se substituer aux masses par des actions d’éclat sans lendemain, l’ERO est défini comme le principe de base de l’implantation politique durable avec comme objectif d’appuyer les masses à l’Auto organisation, l’Auto défense et l’Auto développement (3 Auto). Dans le même temps, une stratégie de survie et d’autonomisation des militants est conçue pour briser l’encerclement économique du système néo colonial sur le mouvement révolutionnaire, contraint à la clandestinité et sous la pression de l’ostracisme économique de ses cadres.
Le banc d’essai de cette organisation nouvellement constituée est précisément la coordination des actions de protestation contre l’assassinat de Oumar Blondin Diop, compagnon de Landing et cofondateur du MJML entre 70 et 71. C’est vraiment avec le lancement en 1974 du XAREBI (La Lutte), journal clandestin publié en français et en wolof, que le courant ML maoïste au Sénégal prend un nouveau tournant qui ne laisse pas indifférentes les autorités d’Etat.
En effet, l’écho retentissant de cette publication inquiète vivement le pouvoir politique qui déclenche une vaste opération de neutralisation des auteurs de cette initiative jugée subversive. Dès le mois de décembre 74, puis en juin 75, de nombreux militants et sympathisants tombent sous les coups de filet de la police. L’objectif est de mettre rapidement un terme aux effets sur l’opinion des dénonciations des scandales politiques et financiers des tenants du système néo colonial sous domination française. En effet, de parution en parution, le Xarebi suscite intérêt et sympathie dans de nombreux secteurs sociaux du pays, surtout en milieu rural avec la version Wolofal du journal.
C’est ainsi que Landing, considéré comme le principal responsable de cette effervescence politique contestataire, est ciblé, recherché puis interpellé dès son retour de voyage en mars 75. Son frère Alassane Savane et moi-même, étions déjà arrêtés depuis décembre 74. Alassane dit Lazo s’est joué des policiers pour finalement se retrouver en Guinée Bissau pendant que nous étions écroués au camp Pénal où nous rejoint Landing.
En avril 75, se tient le procès pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Landing, condamné à deux ans de prison ferme, fait montre d’un sens élevé des responsabilités. Il proclame devant le Tribunal : « Messieurs les juges, la plupart des inculpés présents à ce box, le sont parce qu’ils connaissent et ont des liens avec mon jeune frère Lazo. En tant que son aîné, je me sens seul responsable et affirme ma conviction sur leur innocence. Je leur exprime tous mes regrets. » Malgré cette plaidoirie, 13 condamnations sont prononcées par ce Tribunal d’exception et Landing restera en prison jusqu’en mai 76.
Libéré grâce à l’Amnistie de 1976, après avoir refusé toutes les offres de compromission du Gouvernement[2], Landing reprend service et participe au processus de reconstruction de l’organisation fortement éprouvée par la répression subie entre 74 et 75. En accord avec la direction de l’organisation, il emprunte un nouveau parcours professionnel et se déploie à l’échelle internationale. Une nouvelle carrière qui lui donne l’opportunité d’élargir le réseau des relations internationales et surtout de pouvoir soutenir le processus de reconstruction. En l’absence de feu Bougouma Mbaye, je peux témoigner solennellement que l’organisation n’a fonctionné qu’avec les seules ressources provenant de ses propres militants et au premier chef, Landing, principal pourvoyeur.
Dans cette période dite de Mouvement bilan critique rectification (MBCR)[3], la contribution de Landing a été importante non seulement dans le domaine politique et idéologique mais surtout au plan logistique et financier[4]. Il a concouru de manière décisive à la reconstitution de l’équipement en imprimerie et en matériel audio-visuel, après les saisies de juin. Il a également assuré la pérennité financière de la presse militante (Jaay doolé Bi et Xarebi) et a mis la main à la poche pour la mise en place de la librairie-maison d’Edition XAMLE, en partenariat avec un homme d’affaires patriote. Son appui a été constant à la troupe culturelle Alin Sitoe, impulsée par le Front Culturel Sénégalais (FCS), devenue l’identité voire l’ADN de notre mouvement et marqueur durable de la vie culturelle nationale comme en témoignent des acteurs comme Baba Maal, les frères Guissé, Ngari Law (Abou Thiam) ou les célèbres Pape Cheikh.
Ce n’est qu’à la fin des années 70 qu’il revient au pays en vue de mieux se consacrer à la mise en œuvre de la stratégie de redéploiement du parti And-Jëf, désormais engagé dans le champ légal, avec l’avènement du régime de Diouf. Désigné à la tête de la nouvelle direction du Parti, après de longues hésitations de sa part, il décide de lui donner toute son énergie et se libère de ses charges de fonctionnaire, dans le cadre du programme de départs volontaires qui s’inscrit dans les politiques d’ajustement structurel (PAS) imposées par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM).
Membre fondateur de Aj/Xarebi, organisation nationale démocratique née dans la clandestinité puis de AJ Mouvement révolutionnaire pour la démocratie nouvelle (AJ/MRDN) dans la légalité qui deviendra successivement AJ/Parti Africain pour la démocratie et le socialisme puis AJ/PADS authentique, Landing a été de tous les combats politique, social et économique de la Gauche depuis les années 68. Dès son retour au Sénégal, il intègre le Syndicat des techniciens du Sénégal (SDTS) et contribue au mouvement de redéploiement syndical national.
Dans cette période, Landing est reconnu comme le porte-étendard du courant de la Nouvelle Gauche révolutionnaire, assise sur le socle de classes ouvrier-paysan et ouverte à tout le mouvement patriotique pour de nouvelles conquêtes démocratiques contre le régime néocolonial. A ce titre, il noue des relations avec le monde ouvrier syndical, les mouvements en milieu rural et dans les quartiers. Dans le même temps, il côtoie d’éminentes personnalités politiques qui l’ont profondément marqué.
D'abord le président Mamadou Dia qu'il a connu personnellement. Son père était le chef de la sécurité de la résidence de Médina où résidait Mamadou Dia. De là se sont nouées des relations d’amitié et de fidélité. Des sentiments de sympathie voire de solidarité se sont alors tissés entre les deux familles Dia et Savané. Le profil scolaire de Landing a bien évidemment retenu toute l'attention de celui qui avait fait de l'excellence scolaire un axe de sa politique de l'éducation à l'aube de l'indépendance. Le grand Mawdo Dia acceptera de le soutenir lors de l’élection présidentielle de 1993.
C’est avec l’illustre patriote Abdoulaye Ly, un grand intellectuel, chercheur émérite, que les relations sont poussées jusqu’à obtenir l’adhésion de son courant Organisation pour la démocratie populaire (ODP_ ex-Parti du Regroupement Africain _PRA Sénégal ) à And-Jëf. Dans cette nouvelle phase militante, Abdoulaye Ly continue de produire des textes et ouvrages éclairants sur les relations entre l'Afrique, notamment le Sénégal, et le colonialisme français et sur les tâches de la RNDP que s’est fixé AJ. Sans conteste, A Ly, à coté de Landing, a contribué à donner une nouvelle puissance politique et théorique au courant d’And Jef.
Riche de ces apports, AJ, sans illusion électoraliste, propose Landing comme candidat à l’élection présidentielle de 1988. Il profite alors de la tribune de la campagne électorale pour mieux faire connaître les idées portées par le courant de la révolution nationale démocratique et populaire. Une vague de sympathie et de fraîcheur politique déferle avec des fleurs prometteuses.
Les acquis enregistrés lui permettent dès l’élection suivante (en 1993) de s’imposer dans le trio de tête, derrière Diouf et Wade. La déferlante « folli » symbolisée par le fameux carton rouge a marqué les esprits. De plus en plus l’électorat, la jeunesse en particulier le porte, ce que confirmeront les bons résultats obtenus aux élections locales de 1996 où sa percée en Casamance Bignona et au Nord est notable ; il en sera de même aux législatives de 1998 avec 4 députés élus, sous sa conduite.
En 2000, la Gauche dans son entièreté décide de se mettre derrière Abdoulaye Wade, président du parti libéral le Parti démocratique sénégalais (PDS) pour débouter le régime du Parti socialiste (PS), au pouvoir depuis 40 ans. A ce front « Coalition Alternance 2000 (CA2000) » il représente le courant de la nouvelle gauche, devenu And Jëf / PADS. Cette coalition a finalement permis la première alternance démocratique au Sénégal et l’élection de Abdoulaye Wade à la présidence de la République du Sénégal.
Comme les autres leaders de la Gauche, Landing participe au nom de AJ/ PADS au gouvernement de coalition. Pour la première fois, il accède à un portefeuille ministériel après avoir décliné de nombreuses offres dont celle qui lui a été faite à travers ma personne par le président A. Diouf avec l’entregent de Djibril Diouf, frère du Président et Amadou Bator Diop, ancien ministre, (Paix à leurs âmes !), lors d’un déjeuner dans une des suites de l’hôtel Téranga. Dans ce nouvel attelage issu de l’alternance Landing occupe le poste de Ministre des Mines, de l’artisanat et de l’industrie et initie des politiques et des stratégies innovantes pour l’industrialisation et la modernisation d[5]e l’artisanat. A l’échelle africaine, il joue un rôle de premier plan à la Conférence des Ministres de l’Industrie de l’Afrique (CAMI) et à l’Alliance pour l’Industrialisation de l’Afrique (AIA) et fait, sous le sceau de l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI), un vibrant plaidoyer pour l’industrialisation de l’Afrique.
La rupture d’alliance avec le PDS de Abdoulaye Wade le conduit à poser sa candidature en 2007 sans succès. Cet échec a fait naître une grave crise au sein du parti AJ et a abouti à de profondes divisions et finalement à la scission en plusieurs groupes. D’autres partis de gauche subiront finalement le même sort de la fragmentation.
Ce chapitre controversé du parcours politique de AJ, plus généralement de la Gauche, relève de la responsabilité de tous et au premier plan de celle des dirigeants. D’abord écartons quelques malentendus et quelques jugements d’intention dont les motivations ne sont pas toujours marquées du sceau de l’objectivité.
De quoi cette crise historique qui a abouti à la quasi dislocation organisationnelle et au recul politique que de la Gauche est-elle le nom ? En s’affranchissant des principes idéologiques et des considérations de classes pour le triomphe du pragmatisme politique, la Gauche sénégalaise, dans son ensemble, a décidé à partir des années 90 de passer des politiques d’alliance tactique à de nouvelles formes de groupements stratégiques sous l’hégémonie de forces politiques et sociales qui ont objectivement intérêt à la continuité du système hérité de la colonisation, à travers la consolidation du présidentialisme néo colonial. Le bilan de cette politique de participation insuffisamment maîtrisée à ces différentes coalitions gouvernementales reste à approfondir en ayant comme boussole l’évaluation des avancées et des régressions en rapport avec le projet de libération nationale et d’émancipation sociale des masses populaires.
Ce serait la pire des malveillances à l’endroit des grands ténors de la gauche révolutionnaire, qui ont consenti toutes sortes de sacrifices, que de penser à une simple attirance par les lambris dorés et ornements des palais et palaces. En tous cas, la frugalité légendaire de Landing n'autorise pas à le classer parmi l’élite avide de prestiges. Il est connu de tous pour sa simplicité naturelle, la parcimonie avec laquelle il dépense pour lui-même et son obsession contre le gaspillage ; des attitudes aux antipodes des artifices et luxes superflus. Comme je l’ai déjà noté, ses ressources personnelles ont régulièrement alimenté les caisses du Parti et non un patrimoine personnel. Il lui arrivait bien souvent de sacrifier les moyens du foyer pour répondre aux urgences du Parti au grand dam des membres de sa famille.
J’estime, pour ma part, que Landing, primum inter pares, a su bien tenir le gouvernail du mouvement maoïste de And-Jef de sa fondation dans la clandestinité à l’alternance de 2000. Sûrement a-t-il pu commettre des erreurs de jugement politique, comme je le pense de mon poste d’observation hors des dynamiques partisanes bien avant 2000, lors de la crise interne qui a abouti à l’exclusion du courant qui donnera naissance à Yoonu Askan Wi.
Un panafricaniste militant
La dimension politique de Landing dépasse les frontières du Sénégal. L. Savané se réclame panafricaniste militant. Il s’impose comme médiateur dans de nombreux conflits : du Liberia au début des années 1990, au Sierra Leone en 1995 et au Congo en 1997. Avec Thomas Sankara, il tisse une profonde amitié dès 1984. Il est personnellement attaché à des dirigeants comme Denis Sassou Nguessou et Pascal Lissouba (Congo), Laurent Gbagbo, ancien président de la Côte d'Ivoire. Il est également lié aux présidents Blaise Compaoré (Burkina Faso), Alpha Omar Konaré (Mali). En Mauritanie, de solides et historiques relations le lient avec le Parti des Kadihines de Mauritanie (PKM) de la Mauritanie avec son ami feu Ba Bocar Moussa, en Guinée avec Alpha Konde avec lequel il a milité à la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) en France. Un parcours commun avec Mohamed Bozoum dans l’opposition a fait de Landing un des invités d’honneur lors de l’investiture du nouveau président du Niger élu en avril 2021, avant d’être évincé en 2023 par un coup d’Etat militaire.
Au plan institutionnel, Landing siège comme député au parlement de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Il fréquente ensuite l’Institut panafricain de stratégies (IPS) pour l’organisation du Forum « Paix et Sécurité en Afrique », dirigé par Cheikh Tidiane GADIO, son ancien camarade de parti et non moins collègue dans le Gouvernement issu de la 1ere alternance politique du Sénégal.
Le militantisme panafricain de Landing est éclairé par des travaux de recherches. Cet ouvrage : « Le Grand tournant » (Presses Panafricaines, 2015) est une véritable proclamation de sa foi panafricaniste ; il chante l’Afrique comme « berceau de l’homme, terre des pharaons et des grands empires. » Dans ce livre, il écrit notamment : « L’Afrique noire enfin pleinement rétablie dans ses missions, comme berceau de l’humanité et comme nation-race majoritaire de la planète, pourra, de nouveau, faire découvrir à l’humanité les vertus d’une cohabitation harmonieuse, sans confrontations et sans provocations, dans un monde respectueux et curieux des différences mais aussi soucieux de garantir un avenir meilleur à l’ensemble des habitants de la Planète. » (Le Grand tournant). Cette ferveur panafricaniste débordante ne signifie nullement enfermement identitaire mais ouverture car Landing n’entrevoit l’avenir de l’Afrique que : « dans la paix et le développement, la réconciliation des sociétés humaines, enrichies de leur diversité, par une meilleure compréhension des uns et des autres. » Un parti pris humaniste que relève avec pertinence Amadou Elimane Kane : « Landing dans sa poésie repousse toutes les appartenances et toutes les frontières car son récit trouve sa place dans la chronologie de l’humanité ». (Cf. www.Seneplus.com)
Une expertise au service de son pays et du Continent
Rappelons que Landing rentre au Sénégal en 1969. Chef de la division de la démographie et des enquêtes à la Direction nationale de la Statistique, il conduit le premier recensement démographique général post indépendance. En précurseur avisé, il mobilise de nombreux jeunes, notamment des étudiants, fortement motivés à sillonner les campagnes pour remplir leurs tâches. Cette mission stratégique lui donne l’occasion de redécouvrir le Sénégal des profondeurs, celui du royaume de son enfance : Bakel, Thiès, Dakar et Saint-Louis. Cette ville tricentenaire de Ndar, « citadelle séculaire de Mam Coumba Bang, ville de sable, des fils du fleuve » où il a délivré en 1970 au Centre culturel français une mémorable conférence sur : « la Planification socialiste Vs la planification bureaucratique. »
Nous avons déjà souligné le rôle de Landing dans la conception et la promotion des politiques démographiques de développement en Afrique. Il a mis aussi à profit ses compétences techniques à la disposition d’organismes internationaux comme l’Institut de Formation et de Recherche Démographiques (IFORD) au Cameroun, l’Union internationale pour l’étude scientifique de la population (UIESP), coordonnateur de l’unité socioéconomique et démographique (USED) du CILSS Bamako, et l’Union africaine (UA) à Addis Ababa, le FNUAP et l’Organisation internationale du Travail (OIT. Landing a sillonné tout le Continent africain en vue de plaider la mobilisation de l’atout démographique et la promotion de l’emploi en Afrique.
Notre ami Babacar Fall rappelle justement que sa grande contribution a été de se démarquer des théories malthusiennes de limitation des naissances en préconisant l’intégration des natalités dans les politiques de développement économique en équilibrant la production d’infrastructures éducatives, sanitaires et sociale à la croissance démographique. Il conduit plusieurs pays Africains dont le Sénégal en 1988 à se doter de Déclaration de Politique de Population qui exprime leurs spécificités, leur vision, leur culture et les stratégies choisies pour une maîtrise de la forte croissance démographique sur la voie d’un développement accéléré et durable avec la pleine utilisation de tous les potentiels de ces pays.
En plus de l’expertise pratique, Landing est un homme de pensée qui conduit des recherches dans son domaine de compétences et aussi dans la marche du Monde, en particulier la place du Continent africain.
Chercheur en sciences sociales et poète
Landing est un intellectuel de la praxis, il unit pensée et action de manière dynamique. En effet, depuis plus de 50 ans, il réfléchit sur les questions démographiques du Monde et sur l’évolution de la Planète. Dans « le Grand tournant du 20e siècle, un regard africain sur le siècle des ruptures », ouvrage de maturité, que l’auteur lui-même considère comme : « un produit actualisé d’une réflexion depuis les années 70 et que l’évolution de notre planète n’a cessé de stimuler depuis cette époque ». En effet, au milieu des années 80, il avait déjà publié aux éditions EPO (Belgique) un premier livre intitulé : « Populations : Un point de vue africain. » où il dénonce le néomalthusianisme et plaide pour une politique africaine de planification économique et sociale qui intègre la natalité démographique.
Landing a une grande facilité d’écriture. C’est fascinant de le voir noircir avec son stylo « Bic » les feuilles blanches avec une extrême rapidité au point que je le surnommais le TGV[6] de la plume ! C’est cette même plume qui taquine également les muses.
Parallèlement à ses essais, Landing produit également de la poésie. Un poète engagé qui défend la cause révolutionnaire, l’émancipation sociale et aussi la promotion de l’amour de l’humain. Commentant ses deux parutions (Lutte et lueur (Silex 1987) et Errances et espérances (PanAfrika/Silex, 2018), celle-ci dédiée à Thomas Sankara et à tous les martyrs de la cause africaine », Amadou Elimane Kane (2/2/2025 in seneplus.com) : « Landing est un poète, un homme dans l’univers aux côtés des condamnés, des martyrs, des sages, des faibles. Sa poésie est aussi une ode à la liberté et aux combats pour l’avenir ». Sans compter « la place faite au sentiment et à l’évasion » qui laisse transparaître l’ombre de la compagne de toujours. (Cf. Ibrahima Wane, La Plume et les passions de Savané).
Caractères d’un leader attachant
Nous avons évoqué le parcours du passionné de connaissances qui n’a pas hésité « d’aller jusqu’en Chine en quête de savoir ». Nous avons aussi parlé du politique, porteur des idéaux de gauche, et de l'expert reconnu par ses pairs et par de nombreux organismes internationaux. À présent, abordons l'homme, Landing, et la façon dont il s'est forgé un caractère exceptionnel qui force l’attachement, l’empathie.
L'engagement de Landing est une flamme vive qui guide sa vie et ses combats. Passionné par l'Afrique et, au-delà, par le destin de l'humanité, il tire sa force d’une famille aimante, d’une puissance idéologique forte et des épreuves qui ont renforcé sa résilience. Face aux difficultés de la vie militante, familiale et professionnelle, il reste un optimiste légendaire, refusant de se laisser abattre.
Il puise son inspiration dans la confiance au peuple et trouve refuge dans la force du collectif et de l'organisation. Il sait trop bien que ce sont les masses, et non des héros adulés, qui font l’histoire. Sans esbroufe, sans fanfaronnade ni agenda caché, Landing exerce un leadership fondé sur la collégialité, la délégation. Pour Landing, les éclats de la partie visible de l’iceberg tirent leur énergie des précieuses ressources des fonds marins, que sont les valeureux fantassins, travailleurs de l’ombre, pour paraphraser notre ami Adama Mboup dit Damel.
Landing est un homme de synthèse et de compromis pour des consensus dynamiques. Il accepte de s’aligner quand il est en minorité comme il peut renoncer en étant sur une position majoritaire. Parfois il donne l'impression de naïveté et même de candeur mais ce serait se méprendre sur sa fermeté sur les principes et son attachement à des valeurs. En effet, Landing est un passionné dans les débats mais jamais polarisé, ce qui témoigne, sans nul doute de son ouverture d’esprit. Landing n’a jamais accepté de jouer le leader vénéré inaccessible ; à vrai dire, sa personnalité faite de simplicité et d’humilité ne s’y prête guère.
La force calme que dégage Landing marque les esprits. Quand l’orage éclate, son réflexe n’est jamais de se laisser perturber par le doute et le désespoir. Il sait faire preuve de patience et de persévérance et laisser passer l’orage. Lors d’un voyage par avion au Sahara, sur invitation du Front Polisario, nous avons vécu un moment de très fortes turbulences en air survenues avec une grande soudaineté et une extrême intensité. La peur était au paroxysme, les cris fusaient de partout, les estomacs étaient noués ; c’était vraiment la panique à bord. Dans ce grand tumulte qui n’épargnait même pas le personnel navigant, Landing gardait un calme olympien, susurrant à mon oreille avec une sérénité déroutante : « on meurt toujours de quelque chose. » C’est alors que j’ai mieux compris ce que m’avait dit une fois un camarade : "Si un jour le Ciel nous tombe sur la tête, Landing se bornera à dire avec le sourire que le ciel est tombé, il faut dégager." C’était aussi le cas au début des années 80, au moment où le conflit armé de la Casamance était au summum, nous avons organisé un voyage avec deux camarades français (Catherine Kiminal, sociologue et Benjamin Coriat, économiste) engagés avec nos amis de l’Antex[7] dans la défense des intérêts des travailleurs immigrés en France à travers les permanences anti expulsion (PAE). Au cours de ce périple en Casamance, nous sommes tombés en panne nocturne. Notre petite R4 essoufflée nous a lâchés en pleine forêt de Diouloulou. Pendant que l’angoisse gagnait le groupe, le conducteur, en l’occurrence Landing, se prêtait à son jeu favori de rire à gorge déployée et d’humour facile comme pour apaiser nos invités. C’est bien ce trait de caractère que souligne un ami en ces termes : " Doch (Landing) que je connais est toujours en train de rire. Il sait, par le rire, transformer toute douleur en force motrice pour se surpasser et en sortir fortifié. Une fois, en prison il me disait, à moi meurtri, enfin je bénéficie pour la première fois d'un congé depuis que je travaille." (Cf. Forum WhatsApp Xarebi)
Djibril Samb, dans L'heur de philosopher (2019, Harmattan), décrit ainsi Landing :"Landing était alors un jeune homme pondéré, calme et réfléchi. Il n’avait rien du militant dogmatique, fiévreux et un rien intolérant. Il ne posait jamais, mais son attitude, qui n'était en rien feinte, manifestait une certaine gravité qui signifiait, pour moi, qu’il avait pris la mesure des choses ! Plus tard, devenu ingénieur statisticien et cadre dans la haute administration sénégalaise, nécessairement instruit de l’expérience qu’induisait cette situation, il confirmera ces qualités."
Landing est aussi un homme de commerce plaisant, pétri d’humour. Il a un art consommé de produire des affirmations d’une évidence qui crève les yeux, souvent tautologique mais parfois d’une sagesse remarquable et accessible qui emporte le bon sens. En effet, son humour est simple et ne manque pas de faire sourire, comme avec les lapalissades. Une légèreté qui trouve sûrement sa source dans ses premières lectures. Un de ses condisciples du Lycée Van Vo, le Pr. A. Elimane Kane confiait que Landing était un grand et fidèle lecteur de bandes dessinées, en particulier Lucky luke, ce fameux cow-boy américain justicier, peu enclin à la cupidité. Des valeurs qui ont sans doute laissé des empreintes sur le jeune élève qui deviendra un militant déclaré des causes justes.
Comme de nombreux jeunes de sa génération, Landing s'est engagé très tôt dans la voie militante, de combat pour le changement et la rupture avec l’ordre néocolonial et l’émancipation des peuples d’Afrique. Un mélange de patriotisme et de générosité envers les populations que l’adhésion au marxisme-léninisme, armé de la pensée maoïste, transforme en conscience politique révolutionnaire. Toutefois, cette option idéologique forte n’a pas empêché dans la longue durée de retrouver, dans le cheminement personnel, la dimension spirituelle. En effet, c’est au cours de la présentation de son dernier ouvrage « Le Grand tournant du XXe siècle : Regard africain sur le siècle des ruptures », dédicacé à Serigne Saliou Mbacké, que Landing proclame publiquement son adhésion au Mouridisme. Ce grand soufi, 5e khalife de Serigne Touba, l'a particulièrement marqué par son humilité et sa foi islamique vécue en actes ; il est devenu pour lui une source d’inspiration constante.
Des enseignements à transmettre
Avant de conclure, je m’autorise à récapituler quelques enseignements que ce parcours exceptionnel peut offrir à cette jeunesse africaine engagée à remplir ses responsabilités, non sans une relative opacité, dans la voie de la construction d’un nouveau Monde où l’Afrique et les africains occuperont leur véritable place. C’est sur les sentiers de ce patriotisme révolutionnaire et du combat pour l’émancipation de l’humanité que la transmission s’impose.
D’abord et avant tout, pour Landing il faut se nourrir de savoir, s’ouvrir aux cultures dans la richesse de leur diversité et se doter d’une solide formation professionnelle pour être rouge et expert, c’est-à-dire techniquement compétent et politiquement conscient.
Ensuite, assumer dans un engagement désintéressé et constant les missions de sa génération pour faire avancer la cause des peuples du Monde et répondre aux devoirs familiaux avec générosité.
Enfin, s’exercer à un comportement fait d’humilité et d’altérité avec un sens élevé de l’éthique.
En guise de conclusion
J’ai tenté de restituer avec délicatesse mais dans la véracité les dimensions personnelle, familiale et politique du parcours d’un camarade et ami.
Ce récit n’est pas, à proprement parler une célébration, encore moins une apologie, mais bien le témoignage d’un compagnon qui a vécu et milité avec Landing, et son confident dans les années de braise.
De son lointain Boundou oriental, Landing panafricaniste résolu est un passionné du Fouta[8], un fils adoptif de Touba, un originaire de la Casamance, resté viscéralement attaché à ses terroirs de Bignona et de Bambadiong (Sédhiou).
Il a cheminé dans une période où l’enrichissement intellectuel exigeait un effort permanent de formation technique et de quête de culture et où le bouillonnement révolutionnaire, porté par une jeunesse enthousiaste, fringante, émettait des bulles enfiévrées par le Marxisme-Lénisme et la Pensée Mao.
Sans cléricalisme ni dogmatisme idéologique, Landing, un des illustres piliers de la gauche, a assuré dans une grandeur silencieuse un leadership empathique, s’abstenant de jouer les dignitaires de la révolution.
C’est donc avec dignité que Landing, alias Doch, a assumé les missions qu’il s'était assignées pour la cause de l'émancipation de l'Afrique dans un monde de paix, de liberté et de justice. A-t-il réussi le mandat qui lui a été confié ? En tout cas, nous témoignons que Landing, chantre de notre humaine condition, homme de bien et de bienveillance, pour sa famille, ses amis, pour le peuple du Sénégal et pour l'Afrique, a fait sa part. Même si toutes les fleurs n’ont pas tenu leurs promesses, les sillons tracés marqueront durablement le champ de la libération de l’Afrique, de la démocratie sénégalaise. Oui, Landing a servi, avec constance et non sans accrocs, les tâches de sa lettre de mission ; le reste appartient à l’histoire. Comme le dit Marc-Aurèle ce grand philosophe stoïcien : « Fais ce qui est juste. Le reste ne t’appartient pas. ».
Bro Doch ! Affecto te ab imo pectore.
[1] On compte au moins une dizaine dans la seule région du Fouta.
[2][2] Parallèlement aux messages portés par des avocats à la demande du régime de Senghor visant à persuader les dirigeants de AJ de s’inscrire dans la voie obscure d’une légalisation personnalisée, il faut noter l’approche insistante de deux hautes personnalités politiques (A.S et D. K.), émissaires du Gouvernement auprès de la maman de Landing afin qu’elle persuade son fils des opportunités de belle carrière administrative et politique qui l’attendent s’il rejoint le camp du pouvoir; offre qu’elle récusa fermement.
[3] De 1975 à 1980.
[4] C’est dans ce processus que AJ, impulsée par Réénu Réwmi (RR), s’est muée de groupe de propagande en une véritable organisation révolutionnaire, construite autour du bloc ouvrier paysan, structurée à l’échelle nationale. Elle s’est progressivement dotée de comités locaux, de détachements dans les secteurs syndicaux, dans le mouvement paysan, les organisations féminines et les ASC de quartier, ainsi que dans la diaspora avec l’Antenne extérieur (Antex) ; s’ajoutent ensuite les départements spécialisés dans le domaine idéologique et culturel qui animent les publications internes, organe de débat politique et idéologique, et une presse externe sans compter la mise ne place d’une librairie et d’une maison d’Edition (XAMLE). C’est le lieu de rendre encore une fois hommage au corps de cadres révolutionnaires professionnels (RP) qui ont nourri de leurs sacrifices tout ce dispositif. Contrairement aux idées reçues, rappelons que la grande majorité des membres de la direction de cette période étaient effectivement des RP.
[5][5] Offre que A. Diouf personnellement avait déjà adressée à sa sœur Ciré Savané précisément en 1984 lors d’une cérémonie de présentation de condoléances à Grand-Dakar, rue 10.
[6] Train à très grande vitesse
[7][7] Sous l’égide de notre camarade Aziz Dieng
[8] Les Foutanké le lui rendent bien ; ils l’ont magistralement démontré lors de la cérémonie de Sargal du 17 mai 2025