MACKY SALL, UNE ASCENSION METEORITIQUE… SUIVIE D’UNE DEGRINGOLADE TOUT AUSSI RAPIDE ?
Portrait de candidat : Macky Sall, c’est le président de la République et candidat à sa propre succession.

En 2012, avec la présence de pontes comme Moustapha niasse, Ousmane Tanor Dieng et Abdoulaye Wade, candidat sortant, il était peu probable qu’il coiffe au poteau les vieux éléphants socialistes. Finalement, les Sénégalais l’ont choisi pour être le challenger de Wade au second tour avec 26 % des suffrages exprimés. Et ayant rallié durant l’entre-deux tours tous les opposants du président sortant dans une nouvelle coalition dénommée Bennoo Bokk Yaakaar (Bby), il a terrassé le leader historique du Sopi avec un score sans appel de 65 %. Toutefois, si l’on considère le parcours atypique et fulgurant de cet homme, on constate qu’il n’est pas surprenant que, pour un coup d’essai, il ait réussi à battre l’homme qui lui avait mis le pied à l’étrier et sous le harnais duquel il a blanchi.
Né le 11 décembre 1961 à Fatick de parents aux revenus très modestes, celui qui porte le nom d’un illustre maire et député de cette ville, deviendra à la fin de son cursus scolaire et universitaire ingénieur géologue de formation. En 1990, il adhère au Parti démocratique sénégalais (PDS). En 1998, il est élu secrétaire général de la Convention régionale du PDS de Fatick et, en même temps, président de la Cellule Initiatives et Stratégies (CIS) qui regroupe les cadres du parti libéral. Il participe à ce titre à la campagne du « Sopi » de l’élection présidentielle de 2000 qui porte Abdoulaye Wade à la tête du pays. De décembre 2000 à juillet 2001, il est directeur général de la Société des pétroles du Sénégal (PETROSEN) après plusieurs années au poste de chef de la division Banque de données de cette société, et conseiller spécial auprès du président de la République, chargé de l’Énergie et des Mines. De mai 2001 à novembre 2002, il est ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Hydraulique. De novembre 2002 à août 2003, il est ministre d’État, ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Hydraulique dans le gouvernement dirigé par Mme Mame Madior Boye. D’août 2003 à avril 2004, Macky Sall est nommé ministre d’État, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, porte-parole du gouvernement de M. Idrissa Seck. En avril 2004, il est vice-président du comité directeur du PDS et Premier ministre du 21 avril 2004 au 19 juin 2007. Il est élu Président de l’Assemblée nationale le 20 juin 2007 à la présidence de l’Assemblée nationale avant d’être contraint à la démission le 9 novembre 2008. Il quitte le PDS et abandonne tous les postes qu’il occupe grâce au parti et le 1er décembre 2008, il crée, avec une trentaine de cadres du PDS, l’Alliance pour la République (APR). Lors des élections locales du 22 mars 2009, dans le cadre d’une coalition formée avec les autres partis membres de Bennoo Siggil Sénégal, APR-Yaakaar remporte les localités de Fatick, douze collectivités locales au nord du pays et trois au sud, Gossas ainsi que toutes les grandes villes du pays. La grande consécration est intervenue le 25 mars 2012 avec son élection à la tête du pays avec 65 % des suffrages exprimés.
Beaucoup de réalisations en sept ans
Aujourd’hui, le quatrième président de la République du Sénégal est à la même place que son adversaire de 2012. Il fait face à quatre autres candidats qui aspirent à le « dégager » de la station présidentielle. En l’absence de sondages d’opinion, on ne peut le créditer d’un score exact. Mais des sources proches du parti présidentiel renseignent qu’il serait à 35 % des intentions de vote. L’autre sondage populaire informel montre que Macky Sall n’est pas parti pour gagner facilement cette élection au premier tour. Les populations ne sont pas encore satisfaites de la politique du candidat de Bennoo même si des progrès énormes ont été réalisés dans le domaine énergétique et la défiscalisation des salaires des agents de la fonction publique. Aujourd’hui, c’est-à-dire au cours de ces 21 jours de campagne électorale, le Président Sall entend mettre sur la table le bilan de ses réalisations en sept ans. Croissance de 7,2 % du Pib en bandoulière, Macky Sall vantera ses performances dans le domaine économique et social dont nous citerons quelques exemples. Dans le domaine éducatif, 345 écoles, 162 collèges, 63 lycées et 18 instituts d’enseignement supérieurs ont été construits entre 2012 et 2019. Beaucoup de choses ont été réalisées dans le domaine sanitaire et social. Au plan sanitaire, 16 hôpitaux, 23 centres de santé et 213 postes de santé sont sortis de terre sous le magistère de Macky Sall. Au plan social, la CMU (Couverture maladie universelle) et les bourses familiales ont été bien accueillies par les populations même si certaines se plaignent d’une discrimination dans la distribution de ces prestations sociales. S’agissant de la CMU plus particulièrement, son revers de la médaille c’est l’inflation de la dette hospitalière. A ces réussites sociales s’ajoutent le PUDC et le PUMA qui ont allégé la souffrance du monde rural notamment dans le domaine de l’accès à l’eau potable, la construction de pistes de production et la mise à disposition d’équipements agricoles. Ce même monde rural a pu bénéficier du soutien de l’Etat pour accroitre sa production agricole. En l’espace de cinq ans, cette dernière a connu une production fulgurante. La production du riz paddy atteignait 1.011.269 tonnes en 2017 alors qu’elle n’était que de 469.649 tonnes en 2012. En 2017, la production de mil s’est élevée à 875.484 tonnes contre 662.614 tonnes en 2012. En 2017, la production de maïs s’est établie à 410.364 tonnes ; elle était de 238.423 tonnes en 2012. En 2017, la production d’arachide a été de 1.405.223 tonnes alors qu’elle était de 708.956 tonnes seulement en 2012. Mais hélas, si des records de production ont été battus, la commercialisation et la transformation demeurent les talons d’Achille de cette politique d’accroissement des rendements. C’est ce qui explique pourquoi les paysans éprouvent de la peine pour écouler leurs récoltes. Ce qui les emmène à dire qu’il ne sert à rien de parler d’autosuffisance alimentaire si, parallèlement, rien n’est fait pour leur permettre de vendre ou de transformer leurs produits. Pour ce qui concerne la construction d’infrastructures, le mode de financement, l’attribution et le manque de transparence des marchés de construction ne militent pas pour le patriotisme économique. Toutes les infrastructures ont été financées avec des taux qui font exploser l’endettement public. Aujourd’hui, la dette publique du Sénégal se situe à 61,5 % du PIB. De surcroit, les travaux sont confiés aux bailleurs. Qu’il s’agisse des Français avec le Ter, de l’autoroute Ila Touba avec les Chinois, des Marocains avec la Tour de l’Emergence, les constructions de Diamnadio avec les Turcs, les privilèges sont les mêmes : exonérations fiscales, recrutement d’un personnel composé essentiellement de ressortissants du pays bailleur, avantages accordés aux investisseurs dans l’attribution du foncier. Au même moment, le privé national est laissé en rade de tous ces marchés à dizaines, voire centaines, de milliards de francs.
Un bilan immatériel compromettant
Si, sur le premier plateau de la balance, le bilan matériel et infrastructurel du président Macky Sall pèse lourd, sur l’autre, le bilan immatériel risque de peser plus lourd encore, hélas. En effet, aux plans politique et judiciaire, le président sortant aura de la peine à brandir un bilan reluisant. L’asymétrie entre ces deux bilans risque de compromettre la réélection dès le premier tour de Macky Sall. Au plan politique, tout le septennat du successeur du président Wade est marqué par une rupture du dialogue avec les acteurs politiques. Seules les décisions de Macky Sall et de son clan comptent. Jamais une préoccupation de l’opposition n’été prise en compte par le parti au pouvoir et par son chef. Le processus électoral a été conduit de manière unilatérale. Les lois modifiant le code électoral (loi sur le parrainage, modification de l’article L57…) n’ont jamais fait l’objet de consensus ni d’ailleurs, souvent, de concertations. Le tripatouillage de la loi électorale pour éliminer des candidats a été la marque de fabrique du ministres de l’Intérieur et du Conseil constitutionnel. La situation abracadabrantesque vécue lors des législatives marquée par la possibilité donnée aux titulaires de récépissés et détenteurs d’ordres de mission de voter, a été l’œuvre des « Sages ». Ces mêmes juges constitutionnels ont exécuté les injonctions de l’Exécutif en éliminant sans états d’âme 22 des 27 candidats à la candidature. Mais ce qui risque le plus de gripper la machine électorale du président Macky Sall, c’est sa politique judiciaire. Jamais la justice sénégalaise n’avait autant été au service exclusif d’un président et de son clan que sous le magistère de celui qui préside aux destinées de notre pays depuis 2012. Aux yeux du président Sall et de sa justice, ses hommes et femmes sont nantis de dorures et de parures de vertu alors que, du côté opposé, il n’y aurait que détourneurs de deniers publics et enrichis illicites. La maison de verre, c’est celle de Macky et compagnie. Les exemples de Khalifa Sall et de Karim Wade condamnées arbitrairement illustrent parfaitement la soumission de la justice à l’exécutif. Et ces deux candidats éliminés de la course présidentielle risquent de peser lourd dans la balance électorale au cas où ils appelleraient leurs militants à voter pour l’un des candidats faisant face à Macky Sall. Toutefois, ce dernier pourrait toujours s’appuyer sur le soutien des candidats recalés du C25, alliés, ralliés et transhumants même si, en termes de popularité ou de poids électoral, beaucoup d’entre eux ne représentent pas grand-chose.