SOMMET AFRIQUE-FRANCE, MACRON FAIT SON SHOW
En réunissant 3 000 Africains de l'Hexagone et de la diaspora, le président espérait conjurer la montée d’un profond ressentiment à l’égard de Paris sur le continent, un phénomène qu’il a lui-même contribué à aggraver

C’est un véritable show à l’américaine que l’Élysée a orchestré ce vendredi à Pérols, dans l’agglomération de Montpellier. Entre 2 000 et 3 000 Africains de France et de la diaspora, pour la plupart triés sur le volet par le ministre français des Affaires étrangères et son réseau d’ambassades, devaient incarner une société civile moderne et connectée, pour « dépoussiérer » un format où se précipitent habituellement ministres et Chefs d’États, symboles d’une Françafrique surannée.
La « start-up nation » chère à Macron a pourtant connu quelques ratés. « Nous avons dû attendre deux heures pour rentrer. Au lieu de fonctionner avec un simple QR code, tout le monde devait faire la queue, présenter ses papiers pour finalement obtenir un badge d’entrée », s’agace un cadre ivoirien venu suivre l’événement pour le compte d’une agence gouvernementale. Dans les allées de l’Aréna de Pérols se croisaient chefs d’entreprise, figures de la macronie originaires du continent, sportifs, artistes, créateurs, et influenceurs. « Tous ces invités vont rentrer dans leur pays et auront peut-être une image changée de la France », espère Jean-Eric Sendé, éducateur sportif devenu assistant parlementaire du député Bruno Bonnell (LREM), et fondateur du Réseau international pour l’Éducation par le sport francophone (RESF). « Dans mon pays d’origine, le Cameroun, la détestation de la France a atteint des niveaux alarmants. Il faut infuser la jeunesse avec un autre message », ajoute-t-il.
Passé colonial et militaire
Armand, un quadragénaire diplômé de l’ENA venu de Yaoundé, confirme l’ampleur du phénomène : « Contrairement à la plupart des gens de ma classe sociale, je continue de prendre les transports publics et j’entends des choses incroyables. La population en général et la jeunesse en particulier détestent la France. On la rend responsable de tout : l’assassinat d’Idriss Déby, le coup d’État contre Alpha Condé, la montée du djihadisme, le pillage des ressources, etc. » Son explication ? Le passé colonial bien sûr – bien que le pays ait été colonisé par l’Allemagne avant de passer sous mandat français – mais surtout la guerre secrète pilotée par Paris entre 1957 et 1962. Occulté pendant des décennies, l’épisode sanglant de l’écrasement du soulèvement des indépendantistes de l’UPC, avec des méthodes comparables à celles employées pendant la guerre d’Algérie (assassinats ciblés, torture, guerre psychologique, bombardements au napalm…) a fait des dizaines de milliers de morts. « Peut-être qu’une ouverture totale des archives françaises pourrait crever l’abcès et permettre d’aller de l’avant, mais je ne suis même pas sûr que ça serait suffisant », soupire-t-il.