C’EST UNE CONTAMINATION CHIMIQUE PONCTUELLE ; CE N’EST PAS UN EFFET VIRAL OU DÛ AUX ALGUES
Selon Ibrahima Cissé responsable de campagne océan à Greenpeace Afrique, interrogé par la rédaction de Sud Quotidien, soutient que la cause est due à un «rejet chimique en mer»

A cause de ses origines inconnues, la maladie dermique apparue chez une partie de la communauté des pêcheurs le mois dernier, avait été qualifiée de «mystérieuse». Les sorties des autorités étatiques n’ont pas pu édifier les Sénégalais sur ce mystère qui est encore total. La toute dernière du ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, suspend l’origine de la maladie à des résultats d’analyses confiées à un laboratoire français à Nantes. A Greenpeace Afrique, l’on pense que l’origine de cette maladie est «toxique». Son responsable de campagne océan, Ibrahima Cissé, interrogé par la rédaction de Sud Quotidien, soutient que la cause est due à un «rejet chimique en mer».
Alors que le mystère persiste toujours sur l’origine de la maladie des pêcheurs, vous vous évoquez l’hypothèse d’une «contamination chimique». Expliquez-vous ?
Nous pensons que c’est une contamination chimique ponctuelle, ce n’est pas un effet viral ou dû aux algues. Nous pensons vraiment que c’est l’effet de l’homme, qu’il y a une contamination et les pêcheurs se sont retrouvés au mauvais endroit au mauvais moment. Il a été déversé des produits toxiques parce c’est très ponctuel ; ça aurait été une contamination virale ou quelque chose issue des algues, du milieu naturel, on aurait eu des milliers de poissons ou d’espèces aquatiques qui seraient morts et retrouvés morts sur les plages ou les berges. Nous pensons que c’est un phénomène qui va disparaitre ; ce qui explique encore que c’est vraiment ponctuel et ce n’est pas sur tout le littoral. Il y a des endroits précis où des produits toxiques ont été déversés et les pêcheurs ont été contaminés par ces produits. Mais, qui est responsable de cela ? C’est ce qu’il faut chercher ! S’agissant des échantillonnages et des prélèvements qui ont été faits, le milieu marin est très mobile, avec des courants, les vents et tout ça, si les échantillonnages ne se font pas à temps réel, il est très difficile aujourd’hui d’évaluer le taux de contamination. Bien que certaines substances puissent être retrouvées, mais d’autres aussi peuvent disparaitre. Ça fait parties des couacs, ou des problèmes qui risquent de se poser, entraver réellement que la lumière soit faite sur ce problème-là.
Vous avez fait état d’endroits précis. Avez- vous connaissance de zones où des produits chimiques ont été déversés, ce qui peut justifier la maladie ?
Quand on parle d’endroits précis, on sait que les personnes touchées sont des pêcheurs de Thiaroye et ce sont seulement des zones de pêche qui ont été concernées. Ce n’est pas tout le littoral sénégalais qui a été touché. Sinon, on aurait encore d’autres pêcheurs du Nord ou de différents autres endroits qui se seraient manifestés. Cela montre, encore une fois, que c’est une contamination très localisée. Ce n’est pas un phénomène naturel aussi, il est dû à des produits toxiques déversés en mer et qui ont contaminé les pêcheurs.
Vous ne partagez donc pas la thèse qui reposerait sur les filets des pêcheurs ou les algues comme possible cause des problèmes dermiques éprouvés par les pêcheurs ?
Non ! (Pause) Les filets des pêcheurs ne peuvent pas être responsables. Maintenant, la matière nylon, en contact avec des substances chimiques, peut réagir et créer des brulures ou d’autres effets comme aussi un plastique réagi avec un produit chimique ou un autre produit. Mais, en aucun cas, ça ne peut être l’origine de la maladie. Maintenant, les filets, en contact avec certains éléments chimiques, peuvent faire penser que c’est les filets alors qu’il n’en est pas le cas. Je ne crois pas que les filets en soit la cause ni les algues, mais plutôt à une contamination chimique ponctuelle due à l’effet anthropogène, une personne, un bateau qui a déversé des produits chimiques. Il arrive parfois que des bateaux lâchent des produits qu’ils devaient aller traiter à quai avec des entreprises spécifiques. On ne pense pas que ça soit la cause, qua ça vienne des filets des pécheurs, ni leurs gangs, ni leurs équipements.
Au rythme où évoluent les choses, l’Etat peut en fin de compte ne pas savoir la cause exacte de la maladie ?
Quand vous faites un prélèvement sur un milieu des heures après un événement, vous n’êtes pas sûr de trouver la même chose quand il s’agit de la mer. Il y a des courants marins. Peut-être qu’on peut trouver des traces, mais la concentration de ce qu’on veut trouver à un moment T, T+1 ou T+2 est différent et ça, tous ceux qui font des analyses le savent. Par contre on peut avoir des indices qui peuvent être utiles pour orienter la recherche. Encore une fois, quand ce sont des phénomènes naturels, il y a des milliers d’espèces qui sont en mer et qui ne peuvent pas vivre dans cette toxicité. Elles seraient mortes. On aurait beaucoup de violence sur les plages. C’est à l’Etat de voir quels sont les navires qui étaient dans la zone pour pouvoir retracer et trouver la source de contamination.
Le ministre de la Santé et de l’action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, a dit en conférence de presse que des prélèvements sont envoyés en France. Cela est-il nécessaire, à votre avis ?
Ça dépend des substances qu’on veut analyser. Il y a des substances chimiques pour lesquelles les laboratoires sur place n’ont pas les équipements nécessaires pour faire le travail. C’est toujours bien d’aller à l’étranger, si le Sénégal n’a pas de laboratoires capables d’analyser ces produits-là. Il faut le faire avec des labos étrangers, cela ne pose pas problème. Peut-être que le Sénégal devrait s’équiper pour pouvoir faire lui-même ces genres d’analyse, mais au-delà de ça. Ce qui s’est passé, les effets observés chez les pêcheurs, ça laisse penser vraiment que c’est une contamination d’origine chimique. Mais quel produit chimique et qui l’a déversé là-bas, c’est une enquête qui va le prouver. Au-delà de cette maladie des pêcheurs, la pollution marine constitue un véritable problème.
Pensez-vous que l’attention nécessaire est donnée à ce problème ?
Surveiller nos côtes, nous on dit que les dispositifs dans nos pays sont très faibles. On milite toujours pour qu’ils soient renforcés. Ce qu’on a en territoire maritime dépasse de loin notre territoire terrestre. Il faudrait que les autorités compétentes soient renforcées en termes de moyens, d’autonomie pour pouvoir améliorer le contrôle. Il sera ainsi beaucoup plus facile de retracer ces incidents-là. Souvent les moyens font défaut pour assurer un contrôle efficient. Parfois aussi les dispositifs sont très lourds pour permettre une réactivité qui permet de réagir à temps pour faire face à certains problèmes qui se posent.