VIDEOGUINÉE : LA CHAPE DE PLOMB DU GÉNÉRAL
Quatre ans après le coup d’État sanglant qui mit fin au troisième mandat contesté d’Alpha Condé, le général Doumbouya ne suscite plus l’enthousiasme. Les promesses faites au lendemain de la prise de pouvoir sont restées lettre morte

Présenté en 2021 comme un libérateur face à la dérive d’Alpha Condé, Mamady Doumbouya dirige aujourd’hui la Guinée dans un climat de répression, de censure et d’opacité. Le journaliste Pépé Guilavogui, exilé à Dakar, alerte sur une transition devenue autoritaire, et appelle les militaires à retrouver le chemin des promesses faites au peuple.
Le 5 septembre 2021, la Guinée basculait dans une nouvelle ère. En déposant Alpha Condé, alors au pouvoir depuis 2010, le colonel Mamady Doumbouya, ancien chef des forces spéciales, mettait fin à un troisième mandat controversé, obtenu au prix d’un changement constitutionnel et d’une répression violente. L’image du colonel, drapé dans son uniforme rouge, jurant de « rendre le pouvoir au peuple » et de « refonder l’État », avait suscité un immense espoir au sein d’une population épuisée par l’autoritarisme et les injustices.
Mais quatre ans plus tard, ce rêve s’est mué en désillusion. La transition promise s’est progressivement transformée en une prise de pouvoir durable, marquée par un climat de peur, de répression et de désenchantement. Le journaliste guinéen Pépé Guilavogui, aujourd’hui en exil à Dakar, en est le témoin critique et engagé.
Dans un entretien exclusif accordé à SenePlus, ce diplômé du CESTI dépeint une Guinée muselée, où les libertés fondamentales sont constamment bafouées. Depuis la capitale sénégalaise, il utilise désormais sa voix et sa plume comme armes pacifiques. À travers un clip-remix au ton engagé, il s’adresse directement aux militaires au pouvoir, leur rappelant les promesses non tenues et plaidant pour le respect des droits humains. Ce projet musical, à la fois plaidoyer pour les victimes de la répression et cri d’alarme, témoigne de la profondeur de la crise que traverse la Guinée.
La déception est d’autant plus grande que le discours de rupture initial porté par Doumbouya semblait sincère. Il s’était engagé à instaurer une gouvernance éthique, à organiser des élections dans un délai raisonnable, et à rompre avec les pratiques honnis de son prédécesseur : corruption, népotisme, violence politique. Mais très vite, ces promesses ont été reléguées au second plan.
Aujourd’hui, le général Doumbouya, désormais président autoproclamé, gouverne sans véritable contre-pouvoir. Les institutions sont affaiblies, les médias critiques fermés ou censurés, et les voix dissidentes, traquées ou réduites au silence. La répression est systématique : manifestations interdites, journalistes arrêtés ou portés disparus, opposants emprisonnés ou contraints à l’exil. La société civile est mise sous surveillance, et les partis politiques n’ont plus d’espace d’expression libre.
Le régime s’enlise également dans une gestion opaque et clientéliste du pouvoir. Le clanisme et la corruption, que Doumbouya dénonçait avec véhémence en 2021, semblent aujourd’hui institutionnalisés. L’administration publique est dominée par des proches du pouvoir, et les décisions stratégiques se prennent dans l’opacité la plus totale.
Quant aux élections tant promises, elles ont disparu du discours officiel. Aucun calendrier crédible n’est présenté, et les rares voix qui en réclament la tenue sont systématiquement disqualifiées. L’espoir d’un retour à l’ordre constitutionnel semble chaque jour plus lointain.
Le cas de la Guinée illustre, une fois de plus, le piège des transitions militaires en Afrique de l’Ouest. Derrière des discours séduisants de rupture et de refondation, ces régimes finissent souvent par perpétuer, voire aggraver, les pratiques autoritaires qu’ils prétendaient combattre. Et ce sont toujours les citoyens ordinaires - journalistes, activistes, opposants, et simples manifestants - qui en paient le prix fort.
En portant sa voix depuis l’exil, Pépé Guilavogui rappelle que la vigilance démocratique ne s’exile pas. Il incarne cette génération de journalistes africains qui refusent de se taire, même face à la répression. Et son message résonne comme un appel à ne pas renoncer, à continuer de dénoncer, et à exiger que les promesses faites au nom du peuple guinéen soient enfin tenues.