« MBALAX », NOUVEL ALBUM DE YOUSSOU NDOUR, PEUT FAIRE BEAUCOUP MIEUX
Youssou Ndour a affirmé à la fin de la séance d’écoute organisée mercredi 10 novembre pour un groupe de journalistes, que la composition de cet album lui a pris deux ans – une période pendant laquelle il n’a pas bougé pour aller jouer à l’étranger.

Il y a trente ans, quand Youssou Ndour et Habib Faye « s’enfermaient » de longs mois, pour composer et arranger un morceau de musique, le public recevait dans ses oreilles des mélodies qui le touchaient. Une vraie magie portée par le génie des deux artistes, opérait et il en sortait des instants de grâce qui procurent encore aujourd’hui des émotions particulièrement fortes à chaque écoute.
Aujourd’hui, à l’écoute des dernières productions studio de You et de son groupe, le Super Etoile – l’album « Mbalax » dont la sortie est prévue ce vendredi 12 novembre n’échappe pas à la critique – on est pris d’une certaine gêne à constater qu’avec les mêmes musiciens on n’arrive plus à traduire en chefs d’œuvre les idées qui traversent l’esprit d’un génie du chant qui a pourtant des choses à nous montrer. Boubacar Ndour, le producteur exécutif de l’album, ne semble visiblement pas être le porteur d’avis et de conseils adéquats pour entretenir, avec les outils et les possibilités techniques de notre temps, la flamme de recettes qui ont marché.
On parle beaucoup de manque d’inspiration, mais le fait est que c’est un travail méticuleux qui fait le plus défaut : des arrangements qui font parler les instruments un peu n’importe comment, un souci à peine caché de suivre une tendance à « organiser » le bruit – il faut entendre le trop-plein de percussions dans les douze morceaux du nouvel opus pour s’en convaincre – une volonté d’associer le plus de monde possible pour « élargir » le champ d’écoute. C’est le sentiment que donne une première écoute – qui peut être insuffisante – mais quand on revisite les albums sortis ces dix dernières années, on peut faire le constat d’une tendance lourde dans ce sens.
Il y a des thèmes et des textes intéressants (l’amour, l’humanisme, la gratitude…) Il y a des moments où la voix de Youssou Ndour, qui se porte si bien, s’élève. Mais presque tout cela est noyé par des arrangements pour lesquels un choix judicieux n’a visiblement pas été fait. C’est justement là que se trouve le problème : on a du mal à y rester parce que le travail sur les mélodies par lesquelles on entre dans une chanson est quelque peu négligé. Il ne va pas au bout d’idées qui feraient pourtant sortir de belles lignes de musique : il donne l’impression que les cuivres sont importants et reprennent leur place, fait une petite place à la kora, mais ils sont noyés dans un torrent qui voudrait que, dans chaque morceau, tout le monde s’exprime.
Que dire de l’idée de donner à l’album le nom « Mbalax » ? On aurait pu trouver mieux. Youssou Ndour a lui-même dit qu’il a pensé à « Kaddu ». Un peu mieux, mais déjà entendu ! Le titre d’un album c’est d’abord celui d’un morceau fort qu’on veut mettre en avant pour porter le travail d’ensemble ou alors un esprit et un fil rouge qui traversent l’œuvre et tissent un lien conceptuel entre les différents titres. Pas sûr que le disque porte l’essence de ce qu’est le mballax, rythme intelligemment bien cuisiné.
Youssou Ndour a affirmé à la fin de la séance d’écoute organisée mercredi 10 novembre pour un groupe de journalistes, que la composition de cet album lui a pris deux ans – une période pendant laquelle, pandémie du covid-19 oblige, il n’a pas bougé pour aller jouer à l’étranger. « Je n’ai jamais fait autant de va-et-vient entre mon domicile et le studio, pour réaliser cet album », a-t-il indiqué. On aurait pu avoir mieux après une débauche de tant d’énergie.
Aboubacar Demba Cissokho
Le Grenier de Kibili