«CE QUI S'ETAIT REELLEMENT PASSE DANS L’AFFAIRE DES 800 MILLIONS CFA EN DEVISES SAISIS EN 1997 PARLA DOUANE DE DAKAR-YOFF»
Son éminence Cheikh Abdel Monem El-Zein, khalife général des Ahlul-Bayt (chiites) au Sénégal et chef supérieur de la communauté libanaise en exclusivité (SUITE ET FIN)

Son Eminence Cheikh Abdel Monem El-Zein est le Khalife général des Ahlul-Bayt (Chiites) au Sénégal et Chef supérieur de la communauté libanaise a accordé une interview exclusive au quotidien « Le Témoin » (Voir édition 19 janvier 2023). Agé de 78 ans, Son Eminence est un savant religieux doublé d’un grand universitaire puisqu’après l’obtention baccalauréat en série littéraire, il a fait ses études académiques et religieuses à l’Université AL Azhar (Liban) avant d’obtenir des diplômes en Hautes études religieuses à l’Université de Najaf en Irak. Dans la première partie, Cheikh Abdel Monem El-Zein avait répondu sans détours à plusieurs questions, notamment l’histoire de l’arrivée des premiers libanais à Dakar, les très bonnes relations entre Chiites et Sunnites libanais du Sénégal, la médiation aboutissant à la libération des otages français capturés au Liban en 1988 etc. Justement dans cette deuxième partie, Cheikh Abdel Monem ElZein étale également ses talents de grand médiateur social dans l’affaire des 800 millions cfa en devises saisis en 1997 par les agents des douanes de l’aéroport Dakar-Yoff et que « Le Témoin » avait révélée à l’époque…
Le Témoin : Son Eminence, pour mieux camper le débat de vos talents de grand médiateur social et rafraîchir la mémoire de nos lecteurs, pouvez-vous revenir sur l’épisode des otages français retenus au Liban en 1988 et libérés grâce à votre intermédiation sollicitée à l’époque par la France ?
Cheikh Abdel Monem El-Zein : Comme je l’avais expliqué dans la première partie de l’interview exclusive que j’ai accordée au quotidien « Le Témoin », c’est un triste et mauvais souvenir qu’à chaque fois qu’on me rappelle cet épisode ! Mais Alhamdouliha, je remercie le Bon Dieu de m’avoir aidé à faire libérer ces otages français (Ndlr : il se lève et fouille dans ses archives pour nous montrer les images de la libération des otages. Sur les différentes coupures de journaux français, américains et libanais, on y voit la photo de Son Eminence Cheikh Abdel Monem El-Zein aux cotés des otages en route pour Paris). Vous voyez, toutes ces lettres de félicitations que les présidents et chefs de gouvernement du monde entier m’ont adressées à l’époque. C’était en 1988. Il est vrai qu’à l’époque, je faisais partie des hommes les plus influents dans le monde malgré ma modeste personne. Et cette influence religieuse et diplomatique m’a permis d’entamer d’intenses négociations jusqu’à faire libérer les otages français. Mais c’était en réalité le triomphe de la diplomatie sénégalaise ! Parce que, dans cette affaire, c’est le président de la République français d’alors, François Mitterrand, qui avait contacté le président de la République Abdou Diouf pour que j’aide et assiste la France dans les négociations visant à faire libérer treize (13) ressortissants français capturés au Liban. C’est dans ce cadre que le président Abdou Diouf m’avait contacté en m’autorisant officiellement à jouer la médiation dans cette affaire en tant que Sénégalais voire Sénégalais d’origine libanaise. Le président Diouf avait encore insisté en me demandant de m’occuper de cette affaire. Et quelques jours après, le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua avait débarqué à Dakar pour discuter avec moi sur l’affaire des otages dont la libération constituerait un impératif catégorique pour le président François Mitterrand. Dès le retour de Charles Pasqua à Paris, j’ai pris le premier vol pour rallier à mon tour la capitale française. Ensuite, je me suis rendu à Beyrouth pour y créer une équipe de trois personnes pour des négociations souterraines. Durant toutes les négociations, j’ai fait six (06) vols aller-retour Dakar-Paris-Beyrouth-Dakar. Au moment où les choses s’accéléraient positivement, le ministère français de l’Intérieur a commis une bourde diplomatique en envoyant à Beyrouth un diplomate français avec un faux passeport. Un espion ou un agent de renseignements ? Personne ne saurait vous le dire. Dès que j’ai été informé de la présence de cet individu au faux passeport, je me suis aussitôt retiré des négociations parce que je suis un homme sincère, véridique et pacifique qui n’aime pas le faux. Et je n’ai jamais voulu que ma personne soit impliquée dans des affaires louches. Informé de mon retrait, le ministre français de l’Intérieur Charles Pasqua s’est précipité pour venir nuitamment à Dakar afin de me supplier de reprendre les négociations. De même que le président Abdou Diouf puisque je parle sous son contrôle. Et comme je ne pouvais rien refuser à la diplomatie de mon pays, le Sénégal, j’ai repris les négociations. Pour ce faire, j’ai repris les navettes Dakar-Paris-Beyrouth-Paris tout en m’appuyant sur des canaux de communication discrets jusqu’à obtenir la libération des otages français au Liban après plusieurs années de captivité. C’était au mois de mai 1988. Ce jour-là, je me suis rendu personnellement chez les ravisseurs pour prendre les otages afin de les conduire à mon hôtel, puis à l’aéroport de Beyrouth pour un embarquement immédiat pour Paris. Ce, comme l’attestent les journaux et photos où je faisais la Une à l’époque…
Justement après la parution de notre édition, beaucoup de lecteurs ont déploré le fait que Son Eminence Cheikh Abdel Monem El-Zein ne soit pas impliqué dans les crises sociales et économiques au sein de la communauté libanais malgré ses talents de grand médiateur ?
Peut-être ceux qui le disent ne sont ni auteurs, ni acteurs d’une quelconque crise. Vous savez, la diplomatie ou la médiation requiert de la discrétion. D’ailleurs, c’est cette discrétion qui fait ma force dans de nombreux conflits et différends où j’’ai eu à jouer les bons offices et de l’intermédiation pour un dénouement heureux. Le hasard fait bien les choses ! Car 26 ans après, vous me donnez l’occasion de rétablir la vérité autour de cette histoire des 800 millions cfa en devises saisis par les agents des douanes de l’aéroport de Dakar-Yoff. A l’époque, c’est votre journal « Le Témoin » qui avait révélé cette importante somme non déclarée et saisie sur un membre de la communauté libanaise voire un sénégalo-libanais. Un passager convoyeur de fonds qui s’apprêtait à prendre un vol d’Aeroflot de la compagnie aérienne russe à destination de Beyrouth (Liban). C’était l’affaire « Aeroflot » comme l’avait ainsi titrée et baptisée « Le Témoin Hebdo devenu quotidien» sur plusieurs éditions. Il est vrai que votre journal avait fait une révélation en mettant à nu cette importante saisie avec des faits exacts. Malheureusement dés la parution du « Témoin », beaucoup d’amalgames, d’imprécisions et rumeurs ont circulé toujours de cette affaire dont j’étais le principal médiateur social, moi Cheikh Abdel Monem El-Zein…
Son Excellence, nous sommes mieux placés pour relancer cette affaire pour avoir été l’auteur de l’article (Ndrl : votre serviteur)…
Evidement, j’en conviens ! Seulement, il est bien de rétablir la vérité historique c’est-à-dire ce qui c’était réellement passé ce jour là ; et surtout comment et pourquoi le passager sénégalais d’origine libanaise tenter de sortir du territoire national avec une importante somme d’argent non déclarée. Cette somme en devises (dollars, livres, euros etc) appartenait à un groupe de 60 hommes d’affaires et industriels. Les uns avaient donné 10 millions, 30 millions etc ; les autres 50 millions, 100 millions… Et comme la plupart des commerçants-importateurs sénégalais, ils voulaient faire transporter leurs fonds jusqu’à Beyrouth afin de pourvoir acheter des marchandises au marché international à savoir la Chine, le Liban, le Japon etc.
Donc ce n’était pas une fuite de capitaux ?
Non ! Ce sont de braves et honnêtes citoyens sénégalais d’origine libanaise qui ne connaissent que le Sénégal où ils ont investi dans l’industrie et le commerce. Mieux, ils importaient des conteneurs pour approvisionner le marché local, ici au Sénégal, leur pays natal. Certes, ils avaient commis une erreur dans cette affaire de tentative de sortie de devises, mais c’était la faute de l’Etat. Parce qu’à l’époque, les commerçants ou voyageurs n’étaient autorisés à transporter des sommes en devises que selon les montants prévus par les dispositions du code des douanes c’est-à-dire 50.000 cfa. Oui cinquante mille francs cfa ! Comment pouvait-on voyager avec une modique somme de 50.000 cfa pour acheter de la marchandise à l’étranger ? Et quand l’affaire a éclaté, les agents des douanes avaient fait main basse sur la liste confidentielle des propriétaires des fonds incriminés à savoir les 800 millions cfa. Et chaque nom était mentionné par rapport à la somme versée. Pour jouer sa partition à l’enquête, le ministre de l’Intérieur a fait convoquer tous ces commerçants-importateurs à la Police pour ensuite confisquer leur passeport. Non seulement, ils avaient perdu leurs économies entre les mains de la douane, mais la Police leur avait interdit de voyager. Face à cette double peine, ils étaient venus précipitamment chez moi pour demander de faire une médiation avec l’Administration des douanes aux fins de trouver une solution. Une demande que j’avais avec plaisir et disponibilité en ma qualité de Chef supérieur de la communauté libanaise. Or j’étais et je resterai toujours engagé et passionné dans la sociologie de la médiation sociale qu’est une forme innovante d’intervention et de régulation sociale qui vise à favoriser le mieux vivre ensemble et l’esprit d’un partenariat gagnant-gagnant. Et lorsque j’étais allé voir le général Boubacar Wade conseiller du président de la République Abdou Diouf absent du pays au moment des faits, je lui ai d’abord confirmé que ces gens ont commis une erreur. Et je ne suis pas venu pour défendre une erreur mais plutôt pour contribuer à atténuer un contentieux douanier. Parce que le fait de confisquer leur passeport, c’était de créer un autre problème dans le problème. A cet effet, le général Boubacar Wade m’avait mis en rapport avec le ministre de l’économie et des finances Mamadou Lamine Loum pour un règlement à l’amiable. Très ouvert au dialogue, le ministre Mamadou Lamine Loum avait dit de payer une amende de 6 milliards cfa 400. Je lui ai non ! Il faut demander quelque chose de logique. Face à mon niet catégorique, le ministre m’avais suggéré d’aller voir le président Abdou Diouf de retour de voyage qui va trancher. Ainsi, j’étais allé rencontrer le président de la République Abdou Diouf. Très conciliant, le Chef de l’Etat m’avait dit d’aller payer une amende égale à 50 % de la somme d’argent dissimulée c’est-à-dire 400 millions cfa. Et j’ai demandé au président Abdou Diouf, n’est-il pas possible de considérer les devises saisies comme étant un montant 500 millions cfa pour pouvoir payer la moitié c’està-dire 250 millions cfa. Aussitôt le président Abdou Diouf a sursauté pour dire niet ! Parce que le journal « Le Témoin » se désolait le Chef de l’Etat, avait déjà annoncé un montant de 800 millions cfa. Comme quoi, c’était impossible de jouer à la minoration de la somme saisie. Pour le président de la République, un article d’un journal aussi sérieux comme « Le Témoin » faisait déjà foi ! Pourtant, après compte et recompte, le montant saisi et scellé était environ 680 millions cfa. Et pour aller vite et évacuer ce contentieux, j’ai finalement accepté les 400 millions d’amendes bien qu’étant un montant exorbitant par rapport à la double perte subie par mes « protégés » dont leurs économies ont été confisquées par la Douane.
Comment aviez-vous transigé suite à cette médiation ?
En matière d’infractions douanières, la transaction a comme finalité le règlement d’un conflit ou d’un problème. Moi, je suis un légaliste et tous les actes posés en matière de médiation, je le fais au respect de la légalité et de la transparence. C’est pour cela que j’étais allé rencontrer le ministre Mamadou Lamine Loum en compagnie de mes trois avocats à savoir Mes Mayacine Toukara, Yahya Adnan et Charah Kasen. Sur place, le ministre avait demandé à un d’entre nous de donner un immeuble en garantie de la créance voire de l’amende. Comme il n’y avait pas quelqu’un parmi nous capable de donner un immeuble, le ministre m’a désigné comme garantie de la communauté libanaise. Ce que j’ai accepté puisque j’étais convaincu que les gens allaient payer l’amende jusqu’au moindre centime. Ainsi, mes avocats et moi ainsi que le ministre de l’économie et des finances, nous avions signé un protocole d’accord censé faciliter la transaction douanière. Dans le protocole, il a été décidé de payer en un seul versement un montant de 200 millions cfa et le reste sur 7 mois c’est-à-dire 19.571.000 cfa/mois. Nous sommes ainsi tombés d’accord alors que j’ai proposé 12 mensualités que le ministre avait rejetées. Dés le lendemain de la signature du protocole, les membres de la communauté libanaise ont lancé une chaine de solidarité pour rassembler les 400 millions cfa. En une semaine, nous avions collecté une somme de 320 millions cfa. Pour faire le comptage physique des fonds, la direction générale de la Bicis a envoyé trois agents dans les locaux de l’Institution Islamique Sociale. Et le ministre nous a envoyés des policiers pour la sécurisation des lieux. Après l’opération de comptage qui a duré toute la journée, j’ai libellé et libéré un chèque de 200 millions cfa au profit du Trésor public que j’avais remis au Colonel Ousmane Majila Niang, Chef de la subdivision des douanes de l’aéroport Dakar-Yoff. Au départ, les gens respectaient les mensualités jusqu’à ce qu’on restait devoir la somme de 20 millions cfa à la Douane. Finalement, j’avais fini par payer cette somme restante sur fonds propres. Et depuis 25 ans, personne ne m’a remboursé cette dette ! Vous voyez comment j’étais le principal médiateur social dans cette affaire dite « Aeroflot » et comme d’autres contentieux entre particuliers. A toute chose malheur est bon ! Car depuis cette affaire, l’Etat a fait des réformes sur certaines dispositions du code des douanes pour augmenter le montant en devises entre 2 et 7 millions cfa pour les particuliers et commerçants en partance pour l’étranger.
Pourquoi Cheikh Abdel Monem El-Zein n’a-t-il pas joué les bons officiers dans la crise Casamançaise ?
D’abord permettez moi de vous rappeler qu’en tant que sénégalais, j’ai toujours mal de voir cette belle région naturelle de la Casamance déchirée par un long conflit armé. Pourtant, j’ai toujours manifesté ma volonté et mon intention à jouer un rôle croissant dans la résolution cette crise Casamançaise. Malheureusement, il y a des gens qui entretiennent les conflits puisqu’ils se nourrissent des conflits. Parce que la crise casamançaise dure, autant ils s’enrichissement comme des marchands de canons. Je me souviens courant 1998 ou 1999, j’avais suggéré à certaines autorités politiques et militaires sous le régime du président Abdou Diouf de donner la chance aux guides religieux de Touba, Tivaouane, Yoff, Pire, Ndiassane, Dakaa, Eglise, Oumariienne, Thiénaba, Niasséne etc. Parce que le Sénégal a eu la chance d’avoir des grands chefs religieux qui peuvent influencer de manière significative les perceptions, les attitudes et les décisions. A l’époque, j’avais demandé aux « Monsieur Casamance » d’inviter et d’impliquer les chefs religieux que nous sommes dans cette crise afin de trouver des solutions. Une haute autorité militaire m’avait dit qu’elle allait m’inviter aux négociations dans une semaine. Cette semaine, c’est presque 25 ans de cela car depuis lors, je ne l’ai revenue !
Son Excellence, quelle analyse faites-vous sur l’organisation de la Coupe du monde de Qatar 2022 ?
C’était du gaspillage financier ! Un énorme gaspillage dans tous les domaines au moment où des millions de populations des pays du tiers monde vivent dans la faim et meurent dans la pauvreté. Vous savez, c’est frustrant d’entendre que le Qatar ait dépensé plus de 300 milliards de dollars (150.000 milliards cfa) pour l’organisation de cette Coupe du Monde et « gagné » seulement 17 milliards de dollars (8500 milliards cfa) comme « bénéfices ». C’est ahurissant ! Seuls les restaurants et hôtels ont pu faire des bénéfices, et non l’Etat Qatarien qui ne cherchait que de la visibilité sur le plan international. Je suis convaincu que cette immense somme d’argent officiellement déclarée dépasse le montant dépensé voire gaspillé. Vous savez, l’organisation de la Coupe du monde de football est un système politique international pour divertir et détourner nos enfants de la réalité c’est-à-dire de l’éducation et la religion. Parce dans ce pays comme dans tous les pays musulmans, cinq enfants sur dix ne seraient en mesure de dire le nom du père du Prophète Mohamed (Psl) ou au moins les noms de deux ou trois de ses compagnons. Alors quand il s’agit de dresser la liste des joueurs des différents pays participants, nos enfants les récitent en chœur, les yeux fermés. C’est triste et regrettable de voir le Qatar gaspiller autant d’argent rien que pour du sport !