CES VIDÉOS ANTI-NOIRS QUI FONT FUREUR EN CHINE
Un documentaire de la chaîne BBC Africa Eye révèle les dessous d’un business très particulier : des mises en scène, devenues virales sur les réseaux sociaux chinois, montrent des enfants africains tournés en ridicule

Leurs parents pensaient qu’ils allaient apprendre le chinois ou que les vidéos tournées dans leur village allaient être envoyées à des ONG. Les enfants, eux, s’amusaient à répéter des chorégraphies et apprenaient de bon cœur des textes qu’ils récitaient sans les comprendre. Ils étaient à mille lieues d’imaginer que les vidéos filmées par un jeune Chinois, qu’ils pensaient être un travailleur humanitaire, étaient en fait destinées à être commercialisées sur les réseaux sociaux, pour des sommes allant de 10 à 70 dollars.
Partagées sur Facebook ou sur le réseau Douyin, la version chinoise de TikTok, ces vidéos vendues à des particuliers ou des personnalités montrent des enfants noirs, qui chantent, dansent et déclament en chœur des messages. Ceux-ci sont parfois innocents – « Joyeux anniversaire », « Félicitations pour ton mariage » – mais pas toujours. Sur certaines vidéos, les enfants entonnent des chansons à la gloire de la Chine, et de toutes jeunes filles adoptent des poses hypersexualisées en se dandinant devant la caméra.
Mais ce n’est pas tout. Dans une vidéo devenue virale en 2020, une vingtaine de petits garçons, tous habillés de la même façon, répètent en chœur des messages racistes. « Je suis un monstre noir [traduction littérale de ce qui correspond au « nègre » chinois] ! J’ai un faible QI ! », s’écrient les bambins gaiement.
« Club des blagues sur les Noirs »
C’est cette vidéo, diffusée par un compte baptisé « Club des blagues sur les Noirs », qui a poussé la journaliste de BBC Africa Eye, Runako Celina, à enquêter sur ce business. Bien au fait de l’ampleur du racisme en Chine pour y avoir elle-même étudié, la journaliste décide de partir à la recherche de la personne à l’origine de cette vidéo du « faible QI ». Une enquête qui durera un an et demi.
« Cela faisait déjà plusieurs années que je voyais passer ces vidéos, qui sont apparues en 2015, raconte-t-elle. Les gens s’indignaient, mais l’industrie continuait à se développer. Au départ, ça a débuté avec des enfants africains, puis ça s’est étendu aux adultes, aux femmes ukrainiennes, thaïlandaises… Mais les seuls mineurs que l’on utilisait, étonnamment, étaient toujours noirs. » Son documentaire de quarante minutes diffusé le 13 juin, « Racisme à vendre », raconte cette quête et cette plongée au cœur d’un système lucratif qui la mènera jusqu’au Malawi.