EGALITE HOMME ET FEMME, REALITE OU ILLUSION AU SENEGAL ?
«En l’espace de deux ou trois générations, nous nous sommes retrouvés avec les femmes dans tous les secteurs», affirme le Professeur Penda Mbow

Le Mouvement citoyen du Pr Penda Mbow et la Fondation Konrad Adenauer ont tenu hier, mercredi novembre 2020, un séminaire sur le thème «La place de la femme dans la politique et l’économie». Pour Mme Mbow, bien qu’il y ait eu des avancées dans la société sénégalaise, avec la loi sur la parité, il reste beaucoup à faire. Car, sur le plan économique, les femmes ont du mal à accéder à la terre et, sur le plan politique, les femmes ne sont pas au commande soit parce qu’elles sont écartées par les hommes ou elles n’ont pas les moyens de faire la politique. Et pour remédier à cette discrimination, il faut une formation des femmes dans les mouvements citoyens, les hisser vers les hautes sphères de décision..
L a situation de la femme sénégalaise a évolué de 1960 à nos jours, il y a eu beaucoup d’avancées. «En l’espace de deux ou trois générations, nous nous sommes retrouvés avec les femmes dans tous les secteurs», affirme le Professeur Penda Mbow, lors de l’atelier co-organisé hier, mercredi 4 novembre 2020, par le Mouvement citoyen et la Fondation Konrad Adenauer sur le thème «La place de la femme dans la politique et l’économie». S’exprimant à l’ouverture de cet atelier de deux jours, qui prend fin ce jeudi 5 novembre, elle a relevé que «l’évolution de la femme sénégalaise va dans tous les sens, sans aller dans une direction ou un mouvement de remise en cause de notre société et de transformation en profondeur de la société».
«POUR UNE PARITE INSTITUTIONNELLE, IL FAUT UN CHANGEMENT A L’INTERIEUR DE LA SPHERE FAMILIALE»
Pour Pr Penda Mbow, on ne peut pas aller vers une «institutionnalisation de l’égalité» si dans la société elle-même il n’y a pas d’égalité. «Pour une parité institutionnelle, il faut un changement à l’intérieur de la sphère familiale», a fait savoir le professeur. Et d’ajouter : «nous devons réfléchir à notre modèle familial qui doit coller avec la véritable modernisation ; c’est dans la famille que se construisent certaines idées». Selon elle, l’autonomisation de la femme, sur le plan économique, ne peut pas se faire sans l’accès de la femme à la terre. Mais, dans nos familles, on nous enseigne que l’homme a plus besoin de la terre que la femme. Ce qui hypothèque le défi de l’autosuffisance alimentaire. «On ne peut prétendre une autosuffisance alimentaire s’il n’y a pas une implication véritable de la femme dans l’agriculture ; une agriculture modernisée, une agriculture ou les femmes maitrisent l’eau de plus en plus».
«DES FEMMES SE BATTENT EN POLITIQUE, MAIS N’ONT PAS ENCORE LES MOYENS DE DOMINER LA SPHERE POLITIQUE»
S’agissant de la politique, les femmes n’ont pas les commandes. Selon elle, «même si on voit des femmes se battre en politique, il reste qu’elles n’ont pas les moyens de dominer la sphère politique». Le professeur pense que ce sont toujours les hommes qui réutilisent les revendications des femmes pour mieux contrôler leur pouvoir et aller vers une maîtrise de ce qu’ils font. «Nous allons travailler dans les mouvements pour hisser les femmes vers une véritable conquête du pouvoir au Sénégal», assure Mme Mbow, se référant à ce qui s’est passé en Allemagne. La représentante de la Fondation Konrad Adenauer, Mme Ute Gierczynski Bocandé, abonde aussi dans le même sens. «Nous constatons au Sénégal des avancées significatives en ce qui concerne l’accès des femmes aux instances de décisions. Mais nous sommes encore loin de la parité réclamée et votée par l’Assemblée nationale», estime-t-elle.
«DONNER LES MEMES CHANCES AUX FILLES ET AUX GARÇONS, DES LA NAISSANCE»
Pourtant, cette parité semble possible uniquement à travers la formation car une femme bien formée peut accéder aux instances de décision. Parce que «c’est grâce au travail des femmes dites de la base, qui sont dans les groupements d’autopromotions féminins, que beaucoup d’enfants peuvent aller à l’école et accéder aux soins de santé, peuvent évoluer dans des conditions descentes et réussir dans la vie professionnelle», note Mme Bocandé. A titre d’exemple, ce sont les femmes qui réussissent le mieux dans les filières de mutuelles et de microcrédits car initiées à la micro finance, fait-elle savoir. Toutefois, au plus haut niveau des sphères politiques et économiques, les femmes, malgré les avancées, n’ont pas encore la même place que les hommes. «Il suffit de regarder le nombre de femmes au niveau des hautes instances de l’administration, des postes politiques nominatifs de grandes entreprises publiques et privées», relève-telle. A en croire Mme Bocandé, la parité était censé donner une réponse à ce manque de participation des femmes à la gestion de la cité. Cependant elle ne remplit pas ces attentes, souligne-telle. «Il urge de promouvoir l’égalité des genres, l’égalité des sexes, comme la parité peut se décréter et rester lettre morte. Ce qui importe, c’est de donner les mêmes chances aux filles et aux garçons, dès la naissance. Mais aussi analyser la représentation des femmes et des hommes dans les médias».