EL HADJ IBRAHIMA NIASS, LE THÉOLOGIEN AU FRONT
En plus d’être un exégète du Coran réputé, El Hadj Ibrahima Niass a laissé à la postérité une exceptionnelle œuvre littéraire qui témoigne de son dévouement absolu pour les causes de l’Islam

El Hadj Ibrahima Niass, plus connu sous l’appellation de Baye, est un érudit et un maître soufi né en 1900 à Taïba Niassène et mort en 1975 à Londres. Fils d’El Hadj Abdoulaye Niass et de Sokhna Astou Dianka, il s’installe à Médina Baye en 1921. Commence alors une vie intense consacrée à l’enseignement et entrecoupée de pérégrinations en Afrique et en Europe pour l’expansion de l’Islam. Connu pour son engagement et ses idéaux panafricanistes, Baye a produit une riche œuvre littéraire qui est enseignée dans la cité religieuse et un peu partout dans le monde. « J’ai eu la chance de voyager à travers l’Afrique de l’Ouest et du Centre, je me suis rendu compte que l’œuvre de Baye est plus diffusée à l’étranger que dans son propre pays, le Sénégal », regrette Babacar Dieng, journaliste à Al Fayda, une radio communautaire créée par feu imam Hassan Cissé.
Une œuvre littéraire riche et diversifiée dans laquelle il clame la prééminence du Prophète Mouhamed (Psl) tel un hagiographe comme dans « Les étoiles de la bonne direction » (Nujum Al houda) ou avec l’inspiration d’un poète à l’instar de « Moyen d’atteindre facilement l’Apôtre » (Taïsîr al wusûlilâhadraar-Rasûl).
« Nujûm al hudâ » est un livre de Cheikh al islam El Ibrahima Niass écrit en 1962 édité à Rabat et qui traite de la prééminence du Prophète Mouhamed (Psl) sur tous ceux qui ont prêché pour le Seigneur. Il y énonce ces mots sublimes : « Mon Dieu, bénis notre Prophète Mouhamed (Psl), qui a ouvert ce qui a été fermé, qui a clos ce qui a précédé, qui a fait triompher l’équité par la justice, qui guida l’humanité vers ta voie royale droite, ainsi qu’à sa famille, salutations dignes de son mérite et de sa haute valeur ». Un panégyrique d’une préciosité rare à l’endroit du Sceau des prophètes.
Selon Cheikh Babacar Dieng, journaliste et disciple du fondateur de la Faydatu, cette épître écrite par Cheikh Al islam est un appel à tous les musulmans pour qu’ils empruntent la seule direction qui vaille, à savoir celle menant vers le Seigneur à travers les pas du Prophète Mouhamed : « Un point de fixation vers lequel nous devons converger. C’est une invite à éviter de s’égarer pour choisir le bon chemin menant vers Dieu et qui nous est indiqué par Mouhamed ». Cet ouvrage a été bien accueilli par la critique. Il révèle sa culture islamique.
« Nujûm al hudâ »
Cette célèbre production littéraire écrite dans un contexte de déchirure et de schisme dans l’Islam se voulait un rappel sur un principe immuable de la foi islamique : la prééminence du Prophète. « Il y a un Islam confrérique chez nous mais cette primauté du Prophète Mouhamed (Psl) est partagée par tous et la métaphore de la bonne direction montre la voie à tout un chacun », renchérit le journaliste de la radio de Medina Baye. Une œuvre dans la lignée des textes du fondateur de la Faydatu qui n’hésite pas à utiliser la plume et à monter au front pour défendre le Prophète Mouhamed (Psl) ou Cheikh Ahmed Tidiane contre les mécréants ou les détracteurs de l’Islam.
Ce poème écrit à la suite de son œuvre initiale et célèbre « Rohouladah » fait partie de la série des hagiographies sur le Prophète de l’Islam. La « qasida » offre ce dernier en référence à tout croyant sur son destin parsemé d’embûches. Ce qui ne l’a pas empêché d’accomplir sa destinée. « À travers ce poème, El Hadj Ibrahima Niass a voulu donner l’exemple du Sceau des prophètes qui, à six ans, a perdu ses deux parents. Né dans une cité, il va connaître la rigueur du désert, sera la proie de bêtes féroces et de toutes sortes de privations. Il sera tour à tour berger, marchand ambulant. Mais, en dépit de ces contraintes, il s’élèvera pour accomplir sa mission de messager de l’Islam », explique ce Cheikh de la Fayda.
Pour cet originaire de Ziguinchor, le fondateur de la Faydatu, à travers ce poème, appelle tous les fidèles à s’élever au-dessus des contingences d’ici-bas pour se consacrer à leur mission sur terre : la soumission à Dieu à travers son envoyé.
Un recueil de 2.972 vers édité au Nigéria
Baye Niass est un écrivain fécond et un « théologien de combat » pour ainsi rependre le professeur Amar Samb (Essai sur la contribution du Sénégal à la littérature d’expression arabe). Chaque fois qu’un problème aigu s’est posé, fait remarquer ce dernier, il a pris sa plume et essayé d’apporter une solution toujours conforme à l’orthodoxie. Ainsi le président Bourguiba parle-t-il de réformer le jeûne du ramadan, El Hadj Ibrahima Niass produit un livre pour s’insurger contre toute réforme.
Il a été également un poète d’une grande créativité. Un recueil de 2.972 vers en arabe, édité à Kano, au Nigéria, à l’éloge du Prophète Mouhamed (Psl) « Taïsîr al wusûlilâhadraar-Rasûl » (Moyen d’atteindre facilement l’Apôtre), est sorti de son inspiration. Cet extrait donne un aperçu sur la beauté du texte : « Mon cœur tient absolument à s’éprendre du Prophète, à mourir d’amour et de passion pour lui. J’ai passé la nuit entière en veillant et en priant au souvenir de celui qui a été excellent du début à la fin de son existence. J’ai défié, lors de cette nuit-là, les tourterelles qui gémissaient tandis que la nuit et les voisins dormaient et que mes paupières voyaient passer des torrents de larmes de passion. J’ai disposé harmonieusement les perles des mots pour mieux exalter ses qualités. Quelles sont belles de la pleine lune, telles des perles précieuses soigneusement enfilées dans un collier ! Mahomet est la clé des révélations. Il est un seigneur. Il a clos la liste des apôtres en étant le dernier et le premier ».