«IL SERAIT BIEN D’ORGANISER DES CONSULTATIONS POPULAIRES… »
Dans le cadre de cette journée, notre correspondant à Saint-Louis s'est entretenu avec le Professeur Aly Tandian, Sociologue, président de l’Observatoire Sénégalais des Migrations sur ce phénomène

La Journée Internationale des Migrations est célébrée, ce vendredi 18 décembre. Dans le cadre de cette journée, notre correspondant à Saint-Louis s'est entretenu avec le Professeur Aly Tandian, Sociologue, président de l’Observatoire Sénégalais des Migrations sur ce phénomène. Il a apporté des réponses sur l'arrêt constaté ces derniers temps par rapport aux voyages clandestins vers l’Europe par voie maritime, tout en donnant son avis sur l'affaire des pères de famille ayant été jugés pour contribution aux voyages irréguliers de leurs enfants.
On entend de moins en moins de départs de pirogues vers l’Espagne. Peut-on dire que les voyages irréguliers sont maitrisés ?
Attention, il faut bien faire la part des choses entre la médiatisation et l’arrêt. Des confusions ont été récemment faites lorsque les médias, dans leur majorité, parlaient de recrudescence des migrations irrégulières, alors que les routes du désert alimentaient à volonté des départs. A ce jour, je pense qu’il faut un peu de prudence, avant de sonner le glas de l’arrêt des voyages irréguliers vers les côtes espagnoles. Je pense que ce qui devrait plutôt intéresser les décideurs d’ici et d’ailleurs, ce n’est pas que l’arrêt des départs mais plutôt de comprendre les causes efficientes de ces voyages irréguliers et d’apporter des solutions durables.
Récemment, il y a eu un jugement de trois pères de famille à Mbour parce, semble-t-il, ils ont contribué aux voyages irréguliers de leurs enfants. Qu’en pensez-vous?
Effectivement, il y a eu un jugement à Mbour ; mais aux yeux de certains interlocuteurs, c’est une manière de rappeler que l’autorité centrale est présente, avec sa capacité de contrôler. Cependant, pour d’autres, c’est l’occasion de confirmer la criminalisation des voyages irréguliers. D’une manière ou d’une autre, le constat est que l’on oublie souvent qu’au Sénégal, il existe depuis longtemps des conditions d’entrée, de séjour, d’établissement et de sortie à la Loi n°71-10 du 25 janvier 1971 et le Décret d’application n°71- 860 du 28 juin 1971. En outre, il existe au Sénégal des mesures juridiques de lutte contre la migration irrégulière et la traite des personnes. Il y a la Loi n°2005- 06 qui réprime la migration irrégulière en son article 4 et qui stipule que : “est punie de 5 à 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 1.000.000 à 5.000.000 F CFA, la migration clandestine organisée par terre, mer ou air ; que le territoire national serve de zone d’origine, de transit ou de destination.” Oui ! Il y a eu un procès, mais le temps des décideurs n’est pas le temps de ces nombreuses populations bousculées quotidiennement pour trouver de quoi se nourrir. Je pense qu’il serait important de se poser (des questions), non pas pour créer une agence de plus, une structure de plus, pour définir les priorités parmi les priorités et surtout de mutualiser des réponses. Avec un recul, nous avons l’impression d’avoir une compétition décousue entre différentes entités de l’État pour apporter une réponse face aux migrations irrégulières.
Ce vendredi 18 décembre est fêtée la Journée internationale des migrants. Les regards tournent vers le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Quel est votre avis à ce sujet ?
Vous savez, depuis plusieurs années, chaque Journée internationale représente une occasion d’informer le public sur des thèmes liés à des enjeux majeurs comme les droits fondamentaux, le développement durable ou la santé. Ces journées sont aussi l’occasion pour le Système des Nations Unies, les pouvoirs publics et la société civile d’organiser des activités de sensibilisation et de mobiliser des ressources. C’est bien tout cela, mais l’idéal serait de faire le bilan des précédentes journées et de diversifier les interlocuteurs. Dans nos espaces, nous avons l’habitude de parler à la place de ceux et celles qu’on devrait entendre et surtout écouter. Il serait bien d’organiser des consultations populaires, à la fois dans les zones de départ et d’origine. Je pense que c’est de cette manière que le Sénégal pourra apporter une contribution originale pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.