VIDEOTEMPETE CONTRE GCO
Des terres spoliées, des récoltes perdues, des indemnisations très faibles, les populations de la zone des Niayes ont manifesté leur colère ce samedi par une marche entre les villages de Lompoul sur mer et Lompoul village.

Des terres spoliées, des récoltes perdues, des indemnisations très faibles, les populations de la zone des Niayes ont manifesté leur colère ce samedi par une marche entre les villages de Lompoul sur mer et Lompoul village. «Stop Eramet», ont scandé ces populations qui demandent un moratoire sur l’exploitation du zircon à Lompoul.
Abdoulaye Sow en a gros sur le cœur. Vêtu d’une chemise en wax, il arbore, comme les centaines de personnes qui ont participé à la marche contre Grande Côte opération (Gco), une écharpe rouge. Mais pour Abdoulaye Sow, ce morceau de tissu cristallise toutes les épreuves, les frustrations et les injustices que lui et les siens ont subies. Sur cette terre de Lompoul, ses parents, ses grands-parents et arrières grands-parents ont vécu à la sueur de leur front. Ils ont bêché, semé et récolté pendant des dizaines et des dizaines d’années. Ce champs aujourd’hui est situé à l’endroit même où Gco a érigé un lac, cœur de son système d’exploitation. «Je n’ai jamais eu de problème avec les Forces de sécurité. A cause de Gco, on m’a menotté et arrêté. Tout simplement parce qu’on a refusé les indemnisations proposées, qu’on a dit clairement qu’on préférait garder nos champs, les agents des Eaux et forêts nous ont menottés dans leur voiture de 10h à 14h. C’était la première fois que des menottes touchaient mes mains», raconte, avec une voix chargée d’émotion, l’agriculteur devenu ouvrier agricole pour survivre. «L’arrivée de Gco a été une calamité. On a perdu nos champs. Et les indemnisations qu’ils nous ont données ne représentent même pas le quart de ce qu’on a obtenu à notre dernière récolte. Et j’ai dû partager cette maigre somme avec mes trois frères», continue-t-il de raconter. Ils sont nombreux à avoir vécu les mêmes misères que Abdoulaye Sow, certains ayant même été emprisonnés pendant des mois. Dans le village, la situation économique se détériore de plus en plus et les populations doivent désormais composer avec de nouvelles formes de délinquance. «Aujourd’hui, des jeunes se tournent vers la délinquance parce qu’ils ont perdu leur travail. Ca n’existait pas avant», dénonce M. Sow. Autre phénomène qui a fait son apparition, ce sont les départs de pirogues qui se sont multipliés au point que les gendarmes ont dû installer un camp de fortune à Lompoul sur mer pour y mettre fin.
Dans la foule des marcheurs qui ont pris le départ ce samedi 28 décembre à la sortie de Lompoul sur mer, les injustices «subies» sont scandées avec colère. Dans la foule, les pancartes crachent les messages de désespoir. Tous veulent un arrêt immédiat des activités de la mine. «Moratoire Lompoul pour évaluer les dégâts de Gco et prendre des mesures fermes», rappellent avec insistance les habitants des trois communes de Diokoul, Kab Gaye et Thieppe. A la tête de ce mouvement de protestation qui prend de l’ampleur de jour en jour, Gora Gaye, le maire de Diokoul Diawrigne. «Ce que nous exigeons, c’est l’arrêt des activités de Gco. Que l’on évalue la situation et qu’on sache si réellement le Sénégal tire un quelconque bénéfice de cette exploitation. Mais ce que je peux dire, c’est qu’avec tous les efforts que l’Etat a faits pour reboiser la zone des Niayes et stabiliser les dunes, je doute que les ressources issues de l’exploitation du zircon en vaillent le coup. Les Niayes produisent 80% des légumes de ce pays», souligne le maire Gora Gaye. Autour de lui, les différentes associations, les mouvements de défense se sont mis en ordre de bataille. Le mot d’ordre est le même : «Stop Eramet. Dafa doy (Ca suffit).»
L’administration locale au pilori
Sur d’autres pancartes, les populations laissent parler leurs ressentiments contre l’administration locale. En première ligne, la Commission d’indemnisation composée de membres de l’exécutif local. Dans plusieurs témoignages, les populations dénoncent des méthodes peu orthodoxes et une administration locale aux ordres de Gco. «Quand on doit indemniser un agriculteur, les Eaux et forêts viennent d’abord pour retirer toutes les installations sur ton champ sous prétexte que tu n’as pas les papiers. Mais nous cultivons et vivons dans ces zones depuis des décennies. On n’a jamais eu besoin de présenter des papiers. Ces terres, nous les avons reçues de nos parents. C’est totalement injuste», explique un agriculteur. Les poings levés, il brandit une pancarte sur laquelle on peut lire : «Non à une administration complice de Gco pour détruire nos communautés.»
Au moment où la marche des populations victimes de l’exploitation du zircon se préparait, le ministre de l’Environnement, le Dr Daouda Ngom, a effectué une visite sur les sites de Gco ce 26 décembre. Mais en omettant de prêter une oreille aux complaintes des populations. A la place, la visite d’une maison que Gco a louée pour y installer des familles déguerpies de chez elles en pleine nuit et en attente d’être relogées.