TERME SUD DE OUAKAM, 13 FAMILLES ECARTEES DU PARTAGE DES 800 MILLIONS DE MACKY SALL
Leur histoire avait ému toute la Nation. Déguerpies avec force des habitations qu’ils ont occupées pendant plus de dix ans à Terme sud (Ouakam), 79 familles se sont subitement retrouvées à la rue. Des familles de militaires à la retraite pour la majorité.

Plus d’un mois après avoir été déguerpis de leurs maisons à Terme sud de Ouakam, les familles des militaires n’ont toujours pas trouvé de solution définitive à leur problème. A quelques jours de l’ouverture des classes, ils ont été obligés de quitter le Centre socio-culturel de Sacré-Cœur que Barthélémy Dias avait mis à leur disposition. Malgré l’enveloppe de 800 millions de FCfa dégagée par le chef de l’Etat pour leur venir en aide, leur situation est encore précaire.
Leur histoire avait ému toute la Nation. Déguerpies avec force des habitations qu’ils ont occupées pendant plus de dix ans à Terme sud (Ouakam), 79 familles se sont subitement retrouvées à la rue. Des familles de militaires à la retraite pour la majorité.
A l’origine, un vieux contentieux entre la Coopérative militaire de construction (Comico), le Collectif des habitants de Terme Sud et la commune de Ouakam qui avait déjà bouclé un projet de lotissement. Un délogement musclé et violent qui avait fait grand bruit. Obligés de dormir à la belle étoile, les déguerpis n’ont dû leur salut qu’à l’intervention du maire de Mermoz Sacré-Cœur, Barthélémy Dias, qui a mis à leur disposition le Centre socio-culturel de Sacré-Cœur 1. Mais un peu plus d’un mois après cet épisode, les déguerpis de Terme sud sont toujours dans l’expectative. Avec l’ouverture des classes prévue dans une semaine, ils ont dû quitter le Centre socio-culturel. «Depuis samedi, les familles sont éparpillées un peu partout, informe Al Hassane Hanne, Coordonnateur du collectif des familles. Certaines sont allées loger chez des parents, d’autres sont allées prendre des locations, même si les coûts sont exorbitants, mais ils n’ont pas le choix. Raison pour laquelle nous nous activons et essayons de tout faire pour que le programme de relogement soit effectif dans un court délai.» Jeanne Sidibé est dans ce cas de figure. Habitante de Terme sud depuis plus de 20 ans, elle s’est aujourd’hui retranchée dans une chambre, avec sa famille. «J’ai pris une chambre en location pas loin du quartier, c’est bientôt la rentrée des classes et il ne faudrait pas que les enfants soient trop éloignés de leur école.» Aînée de sa famille, cette jeune fille souhaite garder l’anonymat, mais déplore leur situation. «Nous avons été hébergés par un oncle pour le moment, mais ça ne pourra pas durer, il faudra que l’on trouve une solution parce que la maison est trop étroite pour contenir les deux familles.»
Les militaires en activité exclus de la subvention de l’Etat
Le chef de l’Etat a pourtant dégagé une enveloppe de 800 millions de FCfa pour venir en aide à ces familles. Un montant arrêté sur la base des offres du programme des 100 000 logements qui propose une maison en F3 (deux chambres salon) à 10 millions de FCfa. Chaque famille devant se retrouver avec 10 millions, mais pour le Coordonnateur du collectif, cette enveloppe dégagée par l’Etat ne sert qu’à soulager les familles. «Ce n’est pas pour reloger parce que cette somme ne pourra jamais reloger ces familles. Aujourd’hui à Dakar, on ne peut pas avoir un terrain à ce prix, encore moins une maison.» Seynabou Coly en sait quelque chose. Du haut de ses 29 ans, engoncée dans un jean slim noir et un haut blanc, elle n’a eu d’autre choix que d’accueillir sa famille chez son mari. «Mon père a deux épouses, quand ils ont été déguerpis brutalement, j’ai été obligée de recueillir dans mon ‘’deux pièces’’ ma mère et certains de mes petits frères et sœurs. Mais c’est vraiment compliqué, certains dorment dans la cuisine, d’autres dans les couloirs, en plus des charges qui ont augmenté.» La voix tremblante d’émotions, la jeune femme a les yeux larmoyants. «Ils ont bouleversé des vies. Se faire déguerpir comme ça, sans même avoir été prévenus, pour des gens qui n’ont pas d’autre endroit où vivre, des retraités, c’est vraiment cruel et injuste.»
Selon Seynabou, avec les 10 millions de FCfa de subvention reçus, ils ont essayé d’avoir un terrain du côté de Bambilor, mais les prix sont entre 13 et 15 millions. «Les terrains coûtent hyper cher, se désole-t-elle. Et nous sommes une famille nombreuse, actuellement nous cherchons un logement du côté de Keur Massar pour regrouper la famille, mais ce ne sera pas évident, surtout avec les enfants qui doivent retourner à l’école.» Si certaines familles parmi les délogés ont eu la chance de recevoir la subvention de 10 millions de FCfa de l’Etat, d’autres ont été exclues. Al Hassane Hann explique : «Au départ, on nous avait parlé d’une enveloppe de 800 millions de FCfa, mais à notre grande surprise, lorsque nous sommes allés à la rencontre de l’émissaire du chef de l’Etat, en l’occurrence Mahammad Boun Abdallah Dionne, il nous a fait comprendre que seules les 63 familles de retraités sont concernées, les 13 familles encore en activité ont été retirées de la liste. Ce qui est très dommage et anormal, parce qu’elles ont été déguerpies au même titre que nous. Mais nous nous activons pour que leurs droits leur soient restitués.»
Téléthon en ligne
Autant de raisons pour lesquelles le Collectif, sous la houlette de Barthélémy Dias, a initié un Téléthon en ligne pour trouver des fonds. Un Téléthon que les initiateurs voulaient téléviser, mais se sont heurtés au veto du Cnra. Le lancement a été effectué hier en présence du leader du Pastef Ousmane Sonko et de l’activiste Guy Marius Sagna, qui sont venus mettre leur image à contribution «pour une noble cause».
Pour le maire de Mermoz Sacré-Cœur, en acceptant d’indemniser ces familles, l’Etat a reconnu sa faute. Il explique que l’objectif du Téléthon est d’inviter les Sénégalais à apporter leur modeste contribution pour que ces familles expulsées puissent retrouver un toit. De leur côté, les membres du collectif comptent sur la générosité des Sénégalais. «Nous espérons que les retombées du Téléthon pourront servir à venir en appoint, indique Al Hassane Hann. Nous demandons à l’Etat du Sénégal et à toutes les bonnes volontés de bien vouloir contribuer.»
Pour lui, ils n’en seraient pas arrivés là si les gens avaient observé un minimum de retenue. «Tout ce qui s’est passé n’a été que du grand banditisme. Ni la Comico ni l’Armée n’étaient propriétaires de ces terrains. On a tous entendu dire que le président de la République avait finalement cédé le terrain à l’Armée, ce qui veut dire que cela n’appartenait pas à l’Armée en amont, ni à la Comico qui se prévalait d’avoir un Titre foncier immatriculé», dénonce M. Hann.
Le chef de l’Etat Macky Sall a pris la décision de donner toute l’assiette foncière de Terme sud, objet du Titre foncier 1143/Nga, aux Armées sénégalaises qui, dans le cadre de leur montée en puissance, ont besoin d’avoir un espace où elles auront la capacité de se déployer.