UN COLLECTIF DIT NON À L'ACCAPAREMENT DE SES TERRES
Le projet Kholpa-Daga, retenu parmi les sites pour le décongestionnement de Dakar, mobilise plusieurs centaines d’hectares

Le Collectif pour la défense des intérêts des villages impactés par le Pôle urbain Kholpa Daga de la commune de Diass s’est réuni le week-end pour hausser le ton face à l’inertie du gouvernement de les contacter, de leur parler et de s’enquérir de leur avis concernant l’occupation des terres. Le projet Kholpa-Daga, retenu parmi les sites pour le décongestionnement de Dakar, mobilise plusieurs centaines d’hectares. Le Collectif a tenu à faire le point, devant la presse, des conséquences probables du projet dans la contrée sur le plan socio-économique et culturel et marque toute une volonté de ne pas adhérer au projet, tout en reconnaissant sa pertinence. Les membres dudit collectif ont dénoncé un accaparement de leurs terres.
Moussa Sène, le porte-parole du Collectif pour la défense des intérêts des villages impactés par le Pôle urbain de KholpaDaga a expliqué l’hospitalité des populations de la commune de Diass ayant accueilli plusieurs projets du gouvernement. Ceci, à l’en croire, entre dans la dynamique de s’associer au développement économique et infrastructurel du pays. Pour lui, selon les termes d’un mémorandum sur le projet, «le Pôle urbain Daga-Kholpa pose le problème crucial de la gestion des terres allouées au projet qui met à l’écart une population nourrissant le sentiment d’une spoliation foncière. Les populations impactées, jusque-là ignorées dans le processus de pilotage et de mise en œuvre de ce projet, font face au risque de se voir dépossédées de leur patrimoine foncier, social, cultuel…» Le collectif a évoqué une opacité des démarches entourant les processus de réalisation du projet Pôle urbain Kholpa-Daga, d’une part, et, d’autre part, des effets et conséquences/incidences sur le cadre de vie de la commune quasi rurale.
Le porte-parole trouve judicieux d’en faire un rappel aux autorités et à l’Etat du Sénégal. «Le site de DagaKholpa, d’une superficie de 2870 hectares (Décret n°2013-1038 du 25 juillet 2013), est à cheval sur les communes de Yenne et Diass, appartenant respectivement aux départements de Rufisque (région de Dakar) et de Mbour (région de Thiès). L’appellation de pôle urbain est calquée sur les noms des deux grands villages situés en son sein à savoir le village de Daga et celui de Kholpa. Diass, le chef-lieu de la commune, est quasiment englobé, de même que les villages de Mbayard, Kasama, Bouthoul, Toglou Woloof et Kandam» a dit le porte-parole. Selon Moussa Sène, la réalisation du pôle a rencontré la réticence des populations de la commune de Diass car ces dernières, relève-t-il, sont en passe de subir une injustice suite à l’attribution de leurs terres, marquée par des irrégularités notoires sur le plan administratif. Depuis son lancement, le projet du pôle urbain Daga Kholpa, pour eux, fait l’objet de plus de points d’interrogation que de contestations proprement dites. Pour une simple raison. Tout en reconnaissant de ne pas pouvoir empêcher à l’État de dérouler ses programmes de développement, elles ont insisté sur des conséquences sur la mise en œuvre du projet Pôle urbain Kholpa-Daga sur les populations.
PROJET POLE URBAIN KHOLPA-DAGA : UN MANQUE DE VISIBILITE DU PROJET DENONCE PAR LES POPULATIONS
L e Collectif pour la défense des intérêts des villages impactés par le Pôle urbain Kholpa-Daga, d’un point de vue administratif, a dénoncé la localisation du projet en rappelant : «Le Pôle Daga-Kholpa, qui se situe essentiellement dans la commune de Diass, dans le département de Mbour (plus de 80% de l’assiette), serait rattaché au département de Rufisque par le Décret n°2013- 1038 du 25 juillet 2013). En plus, le Décret de création du Pôle urbain Daga-Kholpa a été pris au-dessus de la loi portant création d’une Zone Economique Spécialisée et Intégrée (ZESID) (Loi n°2007-16 du 19 février 2007) sur une surface de 18.000 hectares. A ce jour, aucun tracé réel de délimitation du pôle n’est précisé. En sus, il n’y a, à vrai dire, aucune information et aucune visibilité sur ce projet aux allures d’une spoliation foncière. Nous ignorons les tenants et les aboutissants de ce pôle qui a été fait sans nous et, donc, contre nous. L’absence de démarche participative dans la conception et la mise en œuvre de ce projet, motive les plaintes régulières et la réticence de la part des populations. La résistance voire l’hostilité manifestée par les populations a occasionné a plusieurs reprises l’arrêt des travaux dans la zone». Selon le collectif, le pôle, devant permettre de répondre, en partie, à la forte demande de logements dans la région de Dakar, voit aussi les populations de Diass, elles-mêmes, confrontées à de graves problèmes d’urbanisation vu l’exiguïté de leur territoire, occasionnée par l’envergure du périmètre aéroportuaire et les autres projets existants. Les populations de la commune de Diass, confrontées depuis quelques années à un sérieux problème de spoliation et d’attribution abusive et illégale de leurs terres, ont relaté leurs maux à travers un mémorandum, en parlant du site du pôle, de villages traditionnels, des lotissements municipaux et des constructions très avancées. Selon eux, «les autorités administratives et étatiques ont déjà commencé à attribuer des terrains à usage d’habitation à une minorité plus nantie, sans aucune raison valable, au détriment de la population autochtone».
Pour le collectif, le décret portant affectation de l’assiette du Pôle urbain Daga-Kholpa à la Société d’aménagement foncier et de rénovation urbaine et aux autres parties prenantes a confirmé toutes les suspicions car, pour eux, il fait état de l’extension des villages sur une superficie de 1028,74 hectares pour masquer une des revendications légitimes de la population locale et tromper la vigilance du président de la République. «En réalité, l’espace, déjà occupé par les villages se trouvant dans l’assiette en question et estimé au moins à 700 hectares, est inclus dans cette dite zone d’extension de villages. En termes clairs, la zone de 1028,74 hectares réservée pour l’extension des habitations est déjà occupée en grande partie (au moins 700 hectares) par les villages de Daga, Kholpa, Mbayard, Kasama et Niâmes Khayes qui se trouvent entièrement dans l’assiette du pôle, de même que la quasi-totalité des villages de Diass, Bouthoul, Toglou Wolof et Kandam. En plus, le cumul de ces différentes attributions de l’assiette du Pôle urbain Daga-Kholpa fait un total de 3861,50 hectares. Ce qui est supérieur à la superficie couverte par le décret de création du Pôle urbain Daga-Kholpa à savoir 2870 hectares. Face à cette situation, un Collectif regroupant les populations de la Commune de Diass, notamment celles des villages impactés, a été mis sur pied.» Tels sont les propos relatés sur le mémorandum du Collectif pour la défense des intérêts des villages impactés par le Pôle urbain Kholpa-Daga.
CONSEQUENCES SOCIO ECONOMIQUES ET CULTURELLES DU PROJET : Les autorités interpellées sur les manquements
Le Collectif regroupant et représentant tous les villages impactés directement ou indirectement par le Pôle urbain Daga-Kholpa a interpellé les autorités en charge du projet, sur les manquements notés et relatés. Il a fait part de regrets : «Ce projet, conçu sans l’implication des populations du terroir ciblé et de leurs représentants, génère des impacts éminemment négatifs sur notre terroir et le quotidien des populations. Tout en constatant la pertinence des différents projets, les villages de la Commune de Diass privés de toute possibilité d’extension pour satisfaire la demande de logement des administrés, sans compter les potentielles activités agricoles en voie de disparition. L’implantation d’un pôle urbain (dans une commune vaste que de 106 Km2, avec une population de plus de 60.000 habitants), viendra accentuer notre désarroi face à cet accaparement de nos terres. L’agriculture, l’élevage et toutes autres activités développées dans le monde rural demeurent les principales sources de revenus de beaucoup d’- habitants de ces villages». Et d’ajouter : «Le Pôle urbain DagaKholpa entrainera l’expropriation et la perte de moyens de subsistance de milliers de paysans, se retrouvant sans aucune mesure d’accompagnement et de compensation à notre connaissance».
Pour eux, la survie de centaines de familles en dépend, tout en rappelant l’importance de ces terres servant de parcours du bétail et celle utilisées à des fins agricoles. Ils ont aussi collé à ces terres une note liée à l’appartenance à une tradition, symbolisant l’affirmation d’une identité culturelle Safi. A en croire le collectif, ces terres assurent la sécurité alimentaire et garantissent l’accès à un logement adéquat à la communauté, surtout pour les générations futures. «Les villages de Daga, Kholpa, Boukhou, Diass, Mbayard, Kawsara, Toglou Wolof, Kandam, pour eux, sont sous la menace de voir leur équilibre sociologique perturbé. Ce projet de Pôle urbain est une menace pour notre communauté, pour ses valeurs culturelles et identitaires (son identité, sa langue, ses us et coutumes, etc.). Bref, le Pôle urbain Daga-Kholpa risque de déstructurer son unité sociale et de compromettre son patrimoine socioculturel», déplore le collectif.