UN OBSTACLE A L’ESSOR DU JOURNALISME SENEGALAIS
La loi d’accès à l’information aux journalistes est un plus. Ça leur permet de faire un travail journalistique en ayant accès directement aux ressources informationnelles. Sinon, c’est du journalisme de compte rendu et de réécriture de communiqués

Si les journalistes sont accusés de faire dans la facilité ou dans la paresse, il faut rappeler que le problème lié à l’accès aux données publiques reste un frein à l’essor de leur métier. De la rétention d’information au manque de culture digitale de la part de nos autorités, le journaliste perd un «droit», fondamental. Cela va lui permettre de faire connaître au public la marche de notre Etat.
«La loi d’accès à l’information aux journalistes est un plus. Ça leur permet de faire un travail journalistique de qualité en ayant accès directement aux ressources informationnelles. Sinon, c’est du journalisme de compte rendu et de réécriture de communiqués de presse. Le journalisme, c’est être en mesure d’avoir des informations, de les recouper, de les travailler, de voir les tenants et les aboutissants, ensuite de donner le produit fini », a regretté Bamba Kassé, Secrétaire général du Synpics. ccéder aux données publiques est un véritable défi pour les journalistes. Pour le relever, il faut une législation qui va accorder plus de liberté aux professionnels de l’information mais aussi aux chercheurs d’avoir à leur disposition tous les documents ou rapports publics. Mountaga Cissé, formateur en nouveaux médias suit l’évolution de ce secteur depuis près de 15 ans.
LA LEGISLATION EST DEVENUE UNE QUESTION D’EXIGENCE
Il fait savoir qu’un projet de loi est toujours en cours de rédaction. Le vote de ladite loi pourrait avoir un impact positif dans l’impulsion du travail journalistique. « La loi sur l’accès à l’information oblige l’administration publique à ouvrir l’accès à certaines données. Ça peut être numérique, c’est-à-dire sur internet ou via des archives. Aujourd’hui, que ce soit les acteurs de la presse ou les acteurs de la société civile ou un simple citoyen lambda, personne n’a accès à certaines informations », soutient Mountaga Cissé. « L’accès à l’information est un droit fondamental reconnu par la Constitution du Sénégal, qui est notre charte fondamentale, mais aussi par les instruments juridiques internationaux ratifiés par le Sénégal. Trois raisons me poussent à dire cela. Premièrement, les citoyens ont besoin d’avoir accès à des informations puisées des sources pour consolider leur opinion. Deuxièmement, l’accès à l’information permet de renforcer, de consolider la démocratie et l’état de droit. Troisièmement, il permet aussi aux citoyens de renforcer la transparence et la participation citoyenne», a fait savoir le Secrétaire d’Etat auprès du Garde des Sceaux chargé de la promotion des droits humains et de la bonne gouvernance, Mamadou Saliou Sow, lors d’un atelier. Derrière ce retard, le Sg du Synpics accuse les autorités. « C’est le gouvernement qui ne veut pas de cette loi. Ils veulent nous maintenir dans l’obscurantisme. C’est tout. Le projet de loi existe déjà. C’est une question d'exigence. Au Sénégal, il n’y a pas de loi. Comme il n’y a pas de loi, chacun fait ce qu’il veut», a martelé Bamba Kassé avec désolation.
«LES PREPOSES A LA GESTION DES INFORMATIONS FONT DU DILATOIRE…»
La législation n’est pas la seule à cette situation. La rétention d’information est également une réalité dans les services publics. Pour Babacar Ndao Faye, rédacteur en chef du site d’information Emedia.sn, il y a le fait qu’on cherche également de façon délibérée à cacher certaines informations qui auraient dû être sur la place publique. Dans ce même registre, Mountaga Cissé affirme que le problème se trouve à plusieurs niveaux. «Les informations sont classées confidentielles ou inaccessibles ou tout simplement la personne préposée à la gestion de ces informations fait du dilatoire pensant que les données lui appartiennent. Et qu’elle a le devoir de la garder et de ne pas la rendre disponible pour le public.» Dans cet état de fait, le journaliste du groupe Emedia Invest estime qu’il y a un jeu d’intérêt derrière. «C’est une habitude sénégalaise de cacher des choses qui doivent être sur la place publique. Chacun essaie de faire du ‘’je sais mais je ne vais pas en parler’’. Parfois, c’est par peur de perdre des privilèges ou des postes», soutient-il.
PROBLEMES DE STOCKAGE ET D’AUTHENTIFICATION DES INFORMATIONS !
Au-delà de ce calcul, le Red-chef rappelle qu’il y a un défi majeur qui doit être relevé par l’administration sénégalaise. Il s’agit du fait que dans toutes les institutions, « les gens ont du mal à stocker les données ». Les archives sont également un obstacle à l’accès à l’information pour tout le monde. « Il y a un problème de stockage. Beaucoup de services n’ont pas d’archivistes alors que c’est un métier qui aurait dû être très valorisé. Quand il n’y a pas d’archivistes, cela veut dire que toutes les informations ou toutes les données, dans quelques années, vont se retrouver sur la table de la vendeuse d’arachides du coin », soutient-il. Le retard des publications des rapports a été également mentionné. Même son de cloche pour son confrère Mamadou Diagne qui est, par ailleurs, infographiste et s’active dans le data journalisme. Il s’agit de diffuser des informations visuelles à partir de données. Il révèle qu’il a eu à travailler sur un sujet portant sur la prison. Le sieur Diagne avance qu’il a fallu trois jours pour trouver les éléments nécessaires. Selon ces professionnels de l’information, il y a également un problème d’authentification surtout si les sources divergent. La solution à cet état de fait peut venir de la numérisation des données.
Seulement, pour Mountaga Cissé qui est par ailleurs analyste TMT (Technologies, Médias et Télécoms), il y a un manque de culture digitale de la part de nos acteurs institutionnels ou même politiques. A son avis, les sites internet peuvent jouer un rôle majeur et déterminant dans la diffusion de l’information. «Il ne sert à rien de démentir une rumeur ou d’apporter des précisions sur une information si par exemple, auparavant, on l’avait déjà rendu publique, accessible aux citoyens lambda. Les sites institutionnels auraient pu jouer ce rôle-là. Mais aujourd’hui, ces sites, que ce soit les ministères, les agences ou des démembrements de l’Etat, ce sont plutôt des sites vitrines sur lesquels on met tout simplement quelques mots venant de la personne qui incarne cette administration », avance le formateur en nouveaux médias. Il estime que ces plateformes auraient pu jouer un rôle important dans la transparence et dans la bonne gouvernance.