LE CORONAVIRUS A FORCÉ DES FOOTBALLEURS AFRICAINS À DEVENIR CORDONNIERS OU ÉLECTRICIENS
Au Maghreb comme en Afrique subsaharienne, c’est toute une profession et sa jeunesse qui a été précarisée avec la pandémie et l’arrêt des matches

Cordonnier des rues, installé à un carrefour de Yaoundé. Sous un parasol qu’il s’est offert avec l’aide de la fédération, il a cloué, collé et refait des semelles… Ex-champion du Cameroun 2015 avec le club Cotonsport Garoua, Joël Ndzana n’a pas eu d’autre choix que cette reconversion. Depuis l’arrêt des compétitions en mars, le défenseur ne touchait plus ses 180 euros de salaire mensuel. Il s’est alors acheté du matériel de cordonnerie avec les 90 euros de soutien qu’il a reçu de sa fédération au mois de mai. « Quand j’étais ado, un de mes oncles réparait les sacs en cuir et m’avait appris à coudre. Là, j’ai mis ma fierté de côté et me suis installé à un rond-point, pour réparer des chaussures. J’ai deux enfants, une femme au chômage et plus aucun revenu. »
Parfois ses douze heures quotidiennes ne lui ramenaient pas plus de 2 euros. Juste de quoi cuisiner le poisson braisé, à côté de sa cordonnerie à ciel ouvert. « Si c’était à refaire, je n’hésiterais pas », explique Joël Ndzana. Après ces cinq mois difficile, le footballeur a pu rendre la clé de sa petite location au cœur du quartier Nsimeyong Olympique, à Yaoundé, pour retrouver son club des Panthères du Ndé (Ligue 1) etreprendre la saison. Il a même été appelé par la sélection nationale locale, en vue du Championnat d’Afrique des Nations que le Cameroun organisera en janvier et février 2021.
Comme lui, « ils sont entre 3 000 et 5 000 à avoir sollicité la Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels (FIFPRO) via les syndicats de joueurs en Afrique depuis mars », observe Stéphane Burkhalter, son secrétaire général adjoint. Aide juridique ou financière après avoir été victime d’une rupture abusive de leur contrat ou du non-versement de leurs salaires, leurs demandes diffèrent mais montrent le désarroi de toute une profession.
« Manger est ma principale préoccupation »
Les syndicats locaux ont aussi pris des initiatives comme au Maroc, où l’instance a versé à plus de trente joueurs l’équivalent d’un mois de salaire. Au Gabon, des boutiques solidaires ont été créées, afin de distribuer des produits de première nécessité à ceux qui en avaient le plus besoin. Le Syndicat des joueurs camerounais, lui, a distribué de la nourriture, et celui de République démocratique du Congo (RDC) a pris en charge les soins médicaux des footballeurs et de leurs familles.