"UNE SI LONGUE LETTRE" ÉCRASE HOLLYWOOD
Sorti en juillet, le film a créé la surprise en battant les productions hollywoodiennes dans les salles de Dakar. L'adaptation du roman de Mariama Bâ prouve qu'un film "entièrement africain" peut rivaliser avec des franchises à gros budget

(SenePlus) - Douze années de travail acharné ont abouti à un succès retentissant que même sa réalisatrice n'avait pas anticipé. "Une si longue lettre", adaptation cinématographique du roman emblématique de Mariama Bâ par la cinéaste sénégalaise Angèle Diabang, a créé la surprise en dominant le box-office de Dakar depuis sa sortie en juillet, dépassant des productions hollywoodiennes aux budgets colossaux.
Au cinéma Pathé de Dakar, le film a maintenu sa position de leader "tout au long des mois de juillet et août, et continuait encore à attirer les foules début septembre", selon TV5MONDE. Cette performance remarquable a permis au long-métrage de surclasser des blockbusters américains comme "Jurassic World: Rebirth" avec Scarlett Johansson, "F1" ou encore "Superman".
"Le fait que le film ait pu battre des franchises à plusieurs millions de dollars auprès du public sénégalais a été une merveilleuse surprise", confie Angèle Diabang, 46 ans, dans un entretien accordé à l'AFP. Cette victoire symbolique démontre qu'"un film dont le contenu est entièrement sénégalais – africain – peut vraiment attirer autant de spectateurs et même réussir face aux blockbusters américains, malgré des budgets complètement différents".
Le film s'inspire du roman épistolaire publié en 1979 par Mariama Bâ, œuvre majeure qui raconte l'histoire de Ramatoulaye Fall, confrontée au choix de son mari de prendre une seconde épouse plus jeune. Cette adaptation explore des thématiques universelles : la polygamie, la sororité, l'émancipation féminine et le conflit entre tradition et modernité dans la société ouest-africaine.
L'ouvrage original, inscrit au programme scolaire et universitaire au Sénégal, bénéficie d'un attachement particulier du public. "Ils sont en train de transférer leur amour pour le roman dans le film", analyse Angèle Diabang. "C'est pour ça que je n'ai pas abandonné" malgré les douze années nécessaires à la réalisation du projet.
Face au refus des distributeurs français, la réalisatrice a opté pour une stratégie audacieuse en privilégiant le marché local. "On s'est dit on va essayer de le faire marcher au Sénégal. Ça ne marchera pas en France, ça ne marchera pas dans le monde, ça ne marchera pas peut-être en Afrique. Mais au Sénégal, si ça marche, on aura tout gagné", explique-t-elle.
Cette approche s'est révélée gagnante. Le film est désormais diffusé dans 16 cinémas à travers l'Afrique francophone et a fait salle comble lors de ses premières projections en Côte d'Ivoire et en Guinée fin août. Au total, il a attiré des milliers de spectateurs au Sénégal et dans la sous-région.
L'engouement dépasse le simple divertissement. Sur les réseaux sociaux, les spectateurs décortiquent chaque détail du film, allant jusqu'à se renseigner sur les lieux d'achat des costumes des personnages. "C'est le film de l'été", témoigne Adji Ndimo, spectatrice de 29 ans. "Tout le monde vient pour le regarder. On en parle sur les réseaux sociaux, on voit également l'affiche sur les panneaux publicitaires partout à Dakar."
La résonance du film trouve également écho dans l'actualité politique sénégalaise, où la polygamie reste d'actualité avec le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko qui comptent chacun deux épouses.
Forte de ce succès régional, Angèle Diabang, qui a produit et réalisé une vingtaine de films, vise désormais une sortie en France et au-delà, espérant reproduire ce triomphe sur la scène internationale.