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31 juillet 2025
LE SYNPICS TRACE UNE FEUILLE DE ROUTE POUR SAUVER LA PRESSE
Lors des Journées de Concertation du Secteur de la Communication, Moustapha CISSÉ, Secrétaire général du syndicat a livré un diagnostic sans concession sur la crise profonde que traverse le secteur des médias au Sénégal.
Les Journées de Concertation du Secteur de la Communication, organisées sous l’égide du ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, ont été marquées par l’intervention remarquée de Moustapha CISSÉ, Secrétaire général du SYNPICS et représentant de la Coordination des Associations de Presse (CAP). Dans un discours à la fois lucide et structurant, il a dressé un état des lieux sans complaisance du secteur de la presse, tout en traçant les contours d’une réforme ambitieuse et cohérente.
S’exprimant devant les autorités étatiques, les organisations de presse, la société civile et les partenaires techniques, M. CISSÉ a alerté sur l’essoufflement progressif du secteur. Selon lui, cette situation n’est pas le fruit d’un déficit de compétence ou de volonté, mais résulte d’un abandon structurel : entreprises de presse surendettées, contrats de publicité annulés sans mécanismes compensatoires, créances de l’État en suspens, et un Fonds d’Aide à la Presse devenu inopérant.
Sur le plan social, les effets sont tout aussi préoccupants : licenciements en série, salaires non versés, couverture sociale inexistante, fuite des talents et désaffection croissante des jeunes diplômés pour le métier. Ce contexte installe un climat de précarité chronique et de désenchantement professionnel.
Refonte juridique, gouvernance et régulation
Le représentant de la CAP a ensuite insisté sur la nécessité urgente de refondre le Code de la presse, jugé obsolète car élaboré sur une base datant de 2010 et inadapté aux évolutions du numérique et aux mutations du paysage médiatique international. Il appelle à un processus ouvert et inclusif pour redéfinir un cadre juridique protecteur, moderne et équilibré.
Concernant la régulation, il a pointé les limites structurelles du CNRA et l’inexistence de la HARCA, pourtant prévue par le Code. Il plaide pour la mise en place d’une autorité unique de régulation, dotée de moyens juridiques et techniques conséquents, capable de superviser efficacement l’ensemble du secteur dans le respect des principes démocratiques.
Financement, fiscalité et soutien à la modernisation
L’un des axes majeurs de son intervention a porté sur l’impératif de repenser entièrement le financement du secteur. Il propose notamment :
Un programme national de mise à niveau des entreprises de presse, en lien avec le Bureau de mise à niveau ;
Un statut fiscal spécifique pour la presse, reconnaissant son rôle stratégique ;
Un Fonds d’Aide au Développement de la Presse (FADP) autonome, tripartite, avec des ressources stables ;
Un fonds spécial de transformation numérique, pour permettre aux médias de se moderniser techniquement et de migrer vers les formats contemporains.
Priorité à la formation et à la souveraineté informationnelle
Moustapha CISSÉ a par ailleurs mis en exergue la nécessité de former et de professionnaliser les acteurs du secteur. À ses yeux, il ne peut y avoir de souveraineté médiatique sans un renforcement substantiel des capacités humaines et techniques.
Il a également attiré l’attention sur deux entités jugées stratégiques mais insuffisamment valorisées : la TDS (Télévision Diffusion du Sénégal) et la RTS (Radiodiffusion Télévision Sénégalaise). La TDS, socle de la diffusion audiovisuelle, requiert des investissements massifs pour garantir un accès équitable et sécurisé au signal numérique. Quant à la RTS, il plaide pour un financement structurant, durable et transparent, à la hauteur de ses missions de service public et de sa vocation nationale dans l’ère numérique.
En conclusion, le représentant de la CAP a proposé l’élaboration d’une Stratégie nationale d’Information et de Communication, intégrée aux grandes politiques publiques : éducation, santé, culture, cohésion sociale et développement territorial. Il appelle à un nouveau pacte entre l’État et la presse, fondé sur le respect mutuel et la reconnaissance du rôle essentiel de la presse comme infrastructure démocratique.
« Le Sénégal ne peut aspirer à la stabilité, à la souveraineté et à la modernité sans une presse libre, viable et structurée », a-t-il déclaré, appelant à transformer ces journées de concertation en actes concrets et durables.
OUMAR SOW CONDAMNÉ À UN MOIS DE PRISON FERME POUR DIFFUSION DE FAUSSES NOUVELLES
Reconnu coupable pour avoir affirmé à tort que le parquet avait placé Ismaïla Madior Fall sous bracelet électronique, l’ancien ministre-conseiller de Macky Sall a également écopé d’une amende de 200.000 F CFA.
L’ancien ministre-conseiller de Macky Sall, Oumar Sow, a été condamné ce mercredi par le tribunal des flagrants délits de Dakar à six mois de prison, dont un mois ferme, ainsi qu’à une amende de 200.000 F CFA. Il a été reconnu coupable de diffusion de fausses nouvelles, une infraction prévue et punie par le Code pénal sénégalais.
Le jugement intervient après des propos tenus par M. Sow lors d’une émission, dans lesquels il affirmait que le placement sous bracelet électronique de l’ex-ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, avait été décidé par le parquet. Une déclaration que la justice a considérée comme infondée et de nature à induire l’opinion publique en erreur.
Lors de l’audience du 4 juin dernier, le procureur avait requis un an de prison, dont six mois ferme, en plus de l’amende. Oumar Sow, pour sa part, avait tenté de se justifier en évoquant un lapsus :
« Je voulais rendre hommage au procureur Ibrahima Ndoye pour son intégrité. J’ai évoqué le parquet alors que je pensais au ministère. Cette erreur a été sortie de son contexte, puis exploitée politiquement », a-t-il déclaré à la barre.
Il a également dénoncé une manipulation médiatique, accusant ses détracteurs d’avoir monté la vidéo pour lui nuire politiquement.
La décision du tribunal, bien que plus clémente que les réquisitions du parquet, marque une nouvelle illustration de la vigilance de la justice sénégalaise en matière de désinformation publique, notamment lorsque celle-ci touche aux institutions judiciaires.
Par Ahmadou Aly Mbaye,
QUELLE REFORME POUR LE CODE DU TRAVAIL AU SENEGAL ?
Outre le taux de chômage qui fluctue autour de 20%, la part des emplois vulnérables (chômage déguisé), dans la population en âge de travailler, tourne autour de 70%
A l’instar des autres pays africains, le Sénégal connait des performances assez médiocres concernant le marché du travail. Outre le taux de chômage qui fluctue autour de 20%, la part des emplois vulnérables (chômage déguisé), dans la population en âge de travailler, tourne autour de 70%. Dans le même temps, la protection sociale ne couvre qu’environ 5% des travailleurs, laissant l’écrasante majorité des autres travailleurs dans l’informel. Ces tendances lourdes ont très peu varié depuis l’indépendance. Même ses épisodes de croissance du PIB, relativement robustes, n’ont pas coïncidé avec des performances remarquables du marché du travail. D’un autre côté, la législation du travail au Sénégal est réputée être parmi les restrictives au monde et d’aucuns lui attribuent un certain rôle dans les mauvaises performances du marché du travail et dans le processus d’industrialisation du pays. Si la législation du travail joue un rôle certain dans la faible compétitivité de l’économie, le poids des autres facteurs ne devrait pas être négligé. Une éventuelle réforme devrait aussi prendre les potentielles ramifications sur le climat social dans le pays.
Le code du travail au Sénégal est parmi les plus restrictifs au monde
Parmi tous les facteurs de production, le travail constitue, sans nul doute, celui dont la gestion est la plus délicate. En effet, alors qu’une augmentation de son prix (le salaire) peut obérer la compétitivité de l’entreprise, il constitue, en même temps, une source de revenu (la plus importante), et donc de bien-être individuel et collectif. Les politiques publiques du travail, doivent donc trouver le juste équilibre, entre d’une part protéger la qualité des emplois existants (le travail fait partie des droits de l’Homme), et d’autre part, défendre la compétitivité des entreprises, pour leur permettre de se retrouver dans une position de créer plus d’emplois pour la majorité des citoyens. A l’échelle internationale, les exercices de comparaison de la qualité des législations du travail ont démarré avec l’OCDE, depuis les années 2000, et se sont progressivement généralisés. Dans un document de World Bank Jobs (Mbaye Golub Gueye IDRC 2020) où il est présenté une base de données de 189 pays du monde, le benchmarking de la législation du travail au Sénégal montre des résultats assez alarmants.
En général, les traits dominants de la législation du travail peuvent être résumées en quatre catégories de règles :
Celles concernant le salaire minimum (et son rapport à la productivité du travail),
Celles liées à la nature des contrats de travail (à durée déterminée ou à durée indéterminée, par exemple),
Celles gouvernant les conditions de travails : la durée de la journée de travail, le nombre maximal d’heures de travail par semaine, les primes d’heures supplémentaires (nocturne, hebdomadaire, ou sur jours fériés), rapporté au salaire horaire, l’existence de congés payés, etc.
Celles gouvernant les licenciements : la durée du préavis, la possibilité de licenciement pour motif économique, l’obligation de notification ou d’approbation d’une tierce partie pour le licenciement d’une ou plusieurs personnes, l’obligation de chercher des alternatives comme la formation ou la réaffectation avant tout licenciement, l’existence de règles prioritaires sur les licenciements pour motif économique ou le réengagement prioritaire, le préavis pour licenciement pour motif économique, les indemnités moyennes de licenciement pour motif économique, etc.
En considérant toutes ces catégories et sous-catégories de restrictions, et en les pondérant, nous obtenons un indice mesurant la rigidité de la législation du travail, dans chacun des 189 pays considérés, utilisant une échelle de 0 à 1. Un indice de 0 signifierait une absence totale de droits pour les travailleurs (aucun pays ne l’a) alors qu’un indice de 1 signifierait un niveau maximal de rigidité. Avec un score de 0.60, le Sénégal se retrouve à la 187e place, derrière la France (score de 0.58, 185e place). Les pays utilisant une législation de type anglosaxon ont, en moyenne, un score et un classement plus faibles : score de 0.14 (7e place pour l’Ouganda), 0.16 (12e place) pour le Royaume Uni, 0.18 (24e place) pour les USA. Mais cette règle est loin d’être absolue car nous avons des pays francophones avec des scores plus faibles (0.28 pour le Burkina Faso, 0.20 pour le Burundi ou 0.30 pour la Guinée). A contrario, nous avons des pays anglophones avec des scores relativement élevés, comme le Zimbabwe (173e), la Tanzanie (127e) ou le Kenya (130e).
Comparée à la législation du travail de la plupart des pays africains, celle du Sénégal fait ainsi partie des plus défavorables à l’entreprise privée. La comparaison avec les pays émergents d’Asie la met dans une position encore plus défavorable. Par exemple, la Chine a adopté son code du travail seulement en 1995 (selon Baker & McKenzie 2013), soit bien après le démarrage de son processus d’émergence (début des années 80). Mais la mise en œuvre effective n’a démarré qu’en 2008, avec l’adoption de la Labor Contract Law, qui a introduit davantage de restrictions pour les licenciements, la facilitation des conventions collectives et l’exigence d’un contrat de travail écrit pour tout employé. D’autres pays asiatiques comme le Bengladesh, ont des régulations beaucoup plus faibles et mises à niveau au fil du temps, mais dont la mise en œuvre laisse encore beaucoup à désirer.
Code du travail Vs coûts du travail
Les faibles performances du Sénégal en matière de création d’emplois sont abondamment documentées. En 1980, les emplois privés formels étaient estimés à 109.000 (Terrell and Svenjnar 1990). Aujourd’hui en 2025, ils sont estimés par l’ANSD à environ 400.000, soit une multiplication par un facteur de 3,6 largement inférieur à celui de la croissance de la population en âge de travailler, dans la même période (4.3). Cela indique que sur une période de 45 ans, la situation de l’emploi formel s’est significativement détériorée. Si le code du travail a certainement joué un rôle, il serait abusif d’ignorer l’effet des autres facteurs en jeu.
En effet, malgré le caractère très restrictif du code du travail, il reste encore très peu corrélé avec la croissance économique et avec l’emploi. Le code du travail ne doit pas être confondu avec le coût du travail. Le code du travail fait référence à des règles et procédures. En revanche, le coût du travail englobe la totalité des dépenses encourues par l’entreprises, en rapport avec l’utilisation du service « travail », comme les salaires et la totalité des avantages sociaux qui vont avec. Le coût du travail inclut aussi la productivité du travail. A l’échelle internationale, le coût du travail est mesuré par le salaire en dollar, divisé par la productivité du travail. Lorsqu’on compare l’évolution des salaires en monnaie locale au Sénégal et dans les autres pays en développement, elle n’est pas forcément plus rapide. Mais converti en dollar, il est, parfois, artificiellement gonflé par la surévaluation de la monnaie nationale. Mais la faiblesse de la productivité du travail est, de loin, le facteur qui impacte le plus le coût du travail au Sénégal. Les résultats des enquêtes sur les entreprises privées révèlent que seulement moins de 10% des dirigeants d’entreprise interrogés considèrent le travail comme étant la contrainte majeure au développement de leur activité. Dans la préparation du rapport sur l’analyse des contraintes au développement du secteur privé au Sénégal, le MCC (MCC 2017) a utilisé le modèle HVR pour hiérarchiser les contraintes à l’environnement de l’entreprise au Sénégal. Les résultats mettent en évidence deux contraintes majeures considérées comme rédhibitoires : l’énergie et les risques microéconomiques (le foncier, le faible niveau d’exécution des contrats, le fardeau fiscal, etc.). Le facteur travail n’a pas été identifié comme contrainte majeure, à l’instar des résultats obtenus dans d’autres régions en développement du monde.
Quelle réforme adopter ?
A la lumière de ce qui précède, toute réforme du code du travail devrait considérer simultanément deux dimensions fondamentales : ses implications sur les entreprises et ses implications sur les ménages (les travailleurs).
Pour les entreprises, si la rigidité du code constitue une contrainte de taille pour la rentabilité de l’exploitation, elle est loin d’être la principale contrainte. Du côté des travailleurs, la situation est un peu plus compliquée : le code constitue un droit acquis auquel ils renonceraient difficilement. Etant donné la diversité et la profondeur des obstacles à l’environnement des affaires au Sénégal, il serait plus réaliste d’envisager une réforme plus holistique à la place d’actions seulement centrées sur le code du travail. La mise en place de zones économiques spéciales, avec un large spectre d’incitations incluant le facteur travail, mais également d’autres facteurs de productions (infrastructures, régime fiscal et douanier préférentiel, accès préférentiel à l’énergie et au foncier, etc.), pourrait avoir plus d’impact. Mais l’expérience du Sénégal dans la gestion des ZES laisse constater un manque d’efficacité notoire, en comparaison avec certains pays (les pays asiatiques ou Maurice, par exemple). Il n’en reste pas moins que ces zones, bien conçues et mises en œuvre, demeurent un outil extrêmement puissant pour booster la production industrielle, dans un environnement des affaires de faible attractivité. Le régime dérogatoire applicable au sein de ces zones, devraient faire l’objet de consensus avec les partenaires sociaux quant à la prise en charge du plan de carrière des travailleurs qui y opèrent.
Ahmadou Aly Mbaye, Professeur d’économie et de politiques publiques
Par Mohamed GUEYE
DIOMAYE, UN CESAR SENEGALAIS ?
La première visite que le chef de l’Etat a voulu accomplir dans le monde rural a été placée sous le signe de l’économie. Bassirou Diomaye Faye a tenu à visiter, dans le Nord du pays, les sites de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css),
La première visite que le chef de l’Etat a voulu accomplir dans le monde rural a été placée sous le signe de l’économie. Bassirou Diomaye Faye a tenu à visiter, dans le Nord du pays, les sites de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css), ainsi que des installations de producteurs industriels de riz et d’oignon transformé. Il a pu ainsi se rendre compte de visu de la complexité du développement industriel dans le pays, face aux multiples défis liés aux financements, à l’accès à la terre, ainsi que, entre autres, au développement des terroirs à travers le développement local.
Bassirou Diomaye Faye n’a pas tari d’éloges à l’endroit de la Css dont les ambitions sont d’atteindre l’autonomie de la production de sucre, en arrivant à 220 mille tonnes de sucre à l’horizon 2030. Cette ambition exige d’énormes investissements en termes de modernisation de l’usine, d’augmentation de la surface cultivable et d’aménagements hydro-agricoles. Malgré les 12 mille ha qu’elle exploite actuellement, la Css a toujours affirmé qu’elle avait besoin d’encore environ 3000 ha supplémentaires pour réaliser ses objectifs. Cette ambition se heurte depuis de longues années à l’hostilité de plusieurs personnes physiques et morales qui estiment qu’il n’y a pas de raison pour que l’entreprise fondée par la famille Mimran bénéficie de tant de faveurs de la part des pouvoirs publics. Des personnalités ont dénoncé ce qu’elles ont appelé l’«accaparement des terres», ajoutant même, pour la dernière de ces protestations, que «ce n’est pas un partenariat gagnant-gagnant. C’est une mise sous tutelle économique d’une région entière, avec la bénédiction de l’Etat. Pendant que les profits sont transférés en Suisse ou en France, les terres sont dépossédées, les nappes phréatiques sont surexploitées et la jeunesse est condamnée à la précarité».
Ce à quoi d’autres, parmi lesquels des défenseurs de la Compagnie sucrière, font valoir que, contrairement à la fausse idée très répandue par des esprits malveillants, la compagnie de Richard-Toll n’a jamais eu de monopole de production de sucre. Cependant, plusieurs parmi ceux qui ont fait état de leur volonté de concurrencer Mimran sur ce terrain n’ont jamais converti leur souhait en actes. Sans doute auraient-ils reculé face à l’ampleur des investissements et des engagements ? Il est vrai que pour certains, le négoce du sucre tel qu’il se fait à l’heure actuelle, est déjà suffisamment rentable. La différence est qu’implanter une usine est plus bénéfique pour le pays et les démembrements de l’Etat. Et si cela comporte des inconvénients, on pourrait, sans trop s’engager, affirmer qu’ils sont mineurs par rapport aux avantages.
Ceux qui critiquent l’implantation d’une usine de production de sucre dans le Nord du pays, dans une zone réputée aride, ne se posent certainement pas les questions qu’il faudrait. Beaucoup ignorent ou oublient sans doute dans quelles circonstances Jacques Mimran, le père de Jean Claude Mimran, a su convaincre le Président Senghor d’implanter une usine de production de sucre dans la vallée du fleuve Sénégal. C’était dans une période de sécheresse, quand la mode était à l’exode rural, car les paysans ne parvenaient pas à vivre de leur production. De plus, les barrages de Diama et de Manantali n’avaient pas encore vu le jour, et les terres du Walo subissaient la remontée du sel de mer. Il fallait être visionnaire pour voir dans cette terre aride, un futur domaine agricole à la californienne. Ce défi relevé a permis de faire de Richard-Toll le centre de l’expansion économique de la région, en supplantant Dagana, la capitale départementale.
Ceux qui parlent de paysans dépossédés oublient forcément les populations fixées dans leur terroir, sans compter les nombreux jeunes gens attirés par les emplois salariés dans la zone. On oublie souvent que c’est grâce à la présence de la Compagnie sucrière que d’autres entreprises agroindustrielles comme la Soca, la Sgs ou la Laiterie du Berger, pour ne citer que celles-là, ont pu être convaincues de s’installer dans la vallée. Au point que, au Nord du pays, la Mauritanie a commencé à encourager des entrepreneurs à reproduire le modèle sénégalais dans sa partie de la vallée. C’est dire qu’au lieu de songer à fermer la Css, les politiques ont intérêt à encourager l’initiative. Il ne peut pas nécessairement s’agir de capitaux privés, mais l’essentiel, au point où en est le pays, est de redonner l’espoir à la jeunesse en lui fournissant de l’emploi. Diomaye qui, comme Jules César, est allé, a vu, aura-t-il le courage et la force de caractère de vaincre les réticences et forcer les décisions pour permettre à cette région de connaître enfin le boom industriel auquel il est destiné ?
Les écrans de fumée
Cela est valable sur d’autres parties du territoire national en butte aux mêmes contraintes. Avec l’ouverture des frontières, favorisée par la levée des barrières tarifaires dans nos zones économiques, les pays africains sont en compétition pour attirer l’Investissement direct étranger (Ide). Chaque année et à chaque occasion, les ligues de lutte contre le tabac se font entendre pour convaincre les pouvoirs publics d’interdire totalement, autant que possible, la commercialisation et la distribution du tabac et de la cigarette sur le territoire sénégalais. Ces ligues et leurs financiers avancent l’argument de la protection de la jeunesse et de la préservation de la santé des citoyens face aux méfaits du tabac et de ses dérivés.
Au Sénégal en particulier, la bataille est féroce, parce qu’un des plus gros producteurs mondiaux de cigarettes, Philip Morris, a choisi la ville de Pikine pour implanter sa seule usine de production de tabac en Afrique. Ce qui lui permet d’alimenter l’ensemble, sinon la majorité, des pays africains de cigarettes made in Sénégal. On peut comprendre que cela ne plaise pas à tout le monde. Les données officielles font état d’une forte croissance du nombre de fumeurs dans le pays -comme dans bien d’autres pays d’Afrique également.
Pourtant, la législation en matière de lutte contre le tabac est loin d’être laxiste. Sans doute l’application des mesures n’est pas efficace. Raison pour laquelle certains préconisent la fermeture pure et simple de l’usine de Pikine. Ce à quoi rétorquent les dirigeants que si les autorités sénégalaises venaient à céder aux injonctions des lobbies, l’usine serait transplantée, dans les délais les plus courts, à Abidjan, Cotonou ou Lomé, et les cigarettes qui sont fabriquées ici passeraient toujours à travers les frontières, et sans droits de douane, du fait des règles de l’Uemoa. Les consommateurs continueraient à être approvisionnés sans difficulté. La seule différence, et de taille, serait que les services fiscaux devraient cherchaient ailleurs comment combler le manque à gagner dû aux 40 milliards de Cfa de taxes et frais divers payés actuellement par la compagnie. Cela, compte non tenu des 300 soutiens de famille employés par la société à Dakar, et qui devront se chercher d’autres emplois ailleurs. Il est vrai que quand les pouvoirs publics eux-mêmes n’hésitent pas à pousser des entreprises à mettre la clé sous le paillasson, l’argument ne devrait pas peser pour eux. Mais pour les citoyens d’un pays où le taux de pauvreté ne baisse pas, on peut bien se demander ce qui pèse le plus sur la balance.
D’autant plus que, depuis quelques années, la société Philip Morris déclare avoir mis au point un produit innovant, qui élimine la cigarette fumée pour la remplacer par le tabac chauffé, qui produit des effets similaires à la cigarette sans avoir la même nocivité. Malheureusement, contrairement à bien d’autres pays, en particulier les pays développés du Nord, ce produit n’est pas autorisé à la commercialisation au Sénégal. Le cigarettier promet que si son produit, qui est déjà adopté dans une cinquantaine de pays, était commercialisé ici, il aiderait à réduire le nombre de fumeurs de cigarette. Mieux encore, son usine sénégalaise pourrait proposer sur le marché cette nouvelle technologie, au plus grand bénéfice du pays. Mais cela, on ne le saura pas tant que les autorités sénégalaises ne voudront pas parier sur l’avenir, au lieu de se laisser embrouiller par l’écran de fumée des ligues anti-tabac.
Car la réalité est que, dans tous les pays où les lois sont très strictes contre les produits innovants et destinés à remplacer la cigarette, le nombre de fumeurs ne baisse pas. Par contre, des pays comme la Suède ou la Nouvelle Zélande se prévalent aujourd’hui d’une population de moins de 10% de fumeurs, parce qu’ils font recours à des produits alternatifs à l’efficacité scientifiquement démontrée. C’est dire que, en matière de développement industriel, des dirigeants visionnaires qui prennent des mesures fortes, même s’ils ne sont pas reconnus de leur vivant, permettent toujours à leur pays d’accomplir de grands bonds vers le progrès.
UN MODELE DE COORDINATION ET DE PREVENTION TESTE A MERVEILLE
Hier mardi matin, un exercice de simulation d’incident a été organisé à la Société africaine de raffinage (SAR), afin de tester la réactivité des équipes et des services de sécurité face à une fuite de gaz suivie d’un départ de feu.
Hier mardi matin, un exercice de simulation d’incident a été organisé à la Société africaine de raffinage (SAR), afin de tester la réactivité des équipes et des services de sécurité face à une fuite de gaz suivie d’un départ de feu. Malgré l’engagement des équipes de la société, «elles n'ont pas pu maîtriser le sinistre, nécessitant l'intervention rapide des Sapeurs-pompiers pour prendre le relais», a indiqué Hamdy Mbengue, le préfet du département de Pikine.
Informé d’une fuite de gaz suivie d’un départ de feu à la Société africaine de raffinage (SAR), le préfet du département de Pikine, Hamdy Mbengue, a décidé, à 10h30, d'activer le Plan particulier d'intervention (PPI) et de convoquer l'ensemble des services concernés. Déjà dès 10h08, un premier point de la situation a été établi par Monsieur le sous-préfet de l'arrondissement de Thiaroye, «faisant état de trois (03) victimes. Ce bilan s’est ensuite aggravé pour atteindre un total de 12 victimes, dont 9 patients de l'hôpital psychiatrique intoxiqués par l'émanation». Il s’agit là d’un exercice de simulation d’incident organisé à la SAR hier mardi matin, 17 juin 2025, afin de tester la réactivité des équipes et des services de sécurité. Cette situation a conduit à la mise en place d'une équipe médicale avancée, dirigée par le médecin-chef de district, présent sur place.
Face à l’aggravation du sinistre, les Sapeurs pompiers ont procédé «à l’évacuation préventive de l'école élémentaire Ousmane Fall à 10h40, avec l'appui logistique des bus de Dakar Dem Dikk, société que nous remercions. Près de 185 élèves ont ainsi été transférés à la LGI de Mbao», a indiqué le préfet lors d’une déclaration de presse. Il souligne que les Forces de sécurité, comprenant Police et Gendarmerie, «ont assuré efficacement le bouclage de la zone ainsi que la régulation de la circulation, garantissant la sécurité des personnes et la fluidité des opérations. L’incident a finalement été complètement maîtrisé vers 11h25». Le préfet a tenu à remercier "la Société africaine de raffinage pour sa réactivité, ainsi que l'ensemble des services engagés pour leur professionnalisme, la coordination exemplaire et leur sens du devoir».
APPEL A LA MISE EN PLACE D'UN PLAN PARTICULIER D'INTERVENTION DEPARTEMENTALE POUR TOUTES LES ENTREPRISES
Cependant, il a insisté sur la nécessité d’anticiper davantage dans cette zone où plus d'une dizaine d'entreprises manipulent du gaz, du carburant, ou d'autres produits chimiques comme les mèches, ainsi que des produits alimentaires. Il a ajouté : «Un exercice de ce genre va nous permettre, à l'avenir, de maîtriser les situations qui pourraient survenir dans notre circonscription, dans notre département». Il a également préconisé la mise en place d'un Plan particulier d'intervention (PPI) départementale pour toutes les entreprises du lieu. Mais, avant cela, il faut que toutes ces entreprises aient des Plans d'opération interne (POI), où ils doivent s’exercer avec tous les moyens nécessaires avant de prétendre avoir un PPI permettant de réagir activement et efficacement. Pour le préfet, «tout le monde doit s'engager, c'est notre challenge. J'espère qu'à la sortie de cet exercice, nous réussirons et nous nous reverrons pour définir les voies et moyens d’avoir un PPI dans le département. Cela me tient à cœur». Il a conclu en saluant l’équipe qui a mené cet exercice et a affirmé son engagement à faire des pas en avant pour la sécurité, car le PPI a pour objectif principal de protéger les populations et la zone.
LA SAR, UN SITE CLASSE SEVESO, CE QUI IMPOSE UN HAUT NIVEAU DE VIGILANCE
De son côté, Habid Diop, Directeur général de la SAR, a rappelé que «la sécurité reste notre priorité numéro un». Il a souligné que la SAR, créée en 1961, n'a jusqu'à présent connu aucun incident impactant la communauté. Il a évoqué les investissements récents réalisés en ce sens : un barrage flottant à 250 millions de francs CFA pour prévenir les fuites, deux camions de sapeurs-pompiers à 1 milliard et des lances monitores à 600 millions. "Nous sommes un site classé Seveso, ce qui impose un haut niveau de vigilance. En tant que manager, ma priorité est d’assurer la sécurité de mes employés, des installations, mais aussi de la communauté», a-t-il insisté. Concernant la simulation, il a précisé : «L’incident simulé portait sur une fuite de gaz causée par un joint mal serré, une corrosion et une vanne défectueuse, avec plusieurs couches de protection volontairement ignorées pour testerla réactivité». Il a également rappelé les mesures préventives en place : maintenance préventive des détecteurs de gaz, des pipelines, et un travail conjoint avec les autorités pour sensibiliser les populations sur les risques. La SAR a d’ailleurs créé, il y a quelques mois, une fondation dédiée à la sensibilisation environnementale et à la prévention des risques liés à ses activités. Habid Diop a salué «l’initiative inédite dans la sous-région, qui réunit toutes les parties prenantes, notamment le ministère de l’Environnement, le maire, le préfet, le sous-préfet, a Gendarmerie, les Sapeurspompiers et les partenaires logistiques».
NE PAS ATTENDRE LES URGENCES POUR APPRENDRE A INTERVENIR
Enfin, Baba Dramé, Directeur de la Réglementation environnementale et du Contrôle, a souligné l’importance de cet exercice dans un contexte national marqué par des précédents dramatiques. «On a connu la catastrophe de la SONACOS en 1992, avec une explosion qui a coûté la vie à plus d’une centaine de personnes et blessé plus de 1000 autres». Il a insisté sur la nécessité de ne pas attendre les urgences pour apprendre à intervenir et a salué la grande ouverture et l’engagement de la SAR dans cet exercice. Pour lui, «c’est un devoir de simuler ces situations d’extrême urgence avec les installations à risque, afin d’être prêts en cas d’incident réel». Il a conclu en rappelant que la gestion des situations d’urgence mobilise l’ensemble de l’administration, pas seulement un ministère, et que cette collaboration est essentielle pour la protection de l’environnement et des populations.
Par Ousmane Badiane
J'AI TOUT QUITTE POUR RENTRER AU SENEGAL
« Je suis partie pour mieux revenir ». C'est par ces mots que Coumba Sow, trentenaire née en France de parents sénégalais, résume le virage radical qu'elle a pris en 2022.
BBC Afrique |
Ousmane BADIANE |
Publication 18/06/2025
Le pari audacieux de Coumba Sow, une entrepreneure de la diaspora
« Je suis partie pour mieux revenir ». C'est par ces mots que Coumba Sow, trentenaire née en France de parents sénégalais, résume le virage radical qu'elle a pris en 2022.
Coumba Sow a toujours nourri un attachement profond pour le pays de ses ancêtres. En avril 2022, elle saute le pas. Cadre dans une banque renommée à Paris, elle décide de tout quitter pour s'installer au Sénégal. Un choix risqué mais assumé. Son objectif : investir et développer des projets professionnels, redonner du sens à sa vie tout en contribuant au développement local.
Trois ans plus tard, elle est aujourd'hui à la tête d'une agence de services à Saly, sur la Petite-Côte au sud de Dakar, ou elle accompagne la diaspora dans son retour au pays.
« Je suis née et j'ai grandi en France, mais le Sénégal a toujours été une part importante de ma vie », confie Coumba Sow originaire du Fouta, dans le nord du Sénégal.
Depuis son plus jeune âge, elle passait toutes ses vacances scolaires au pays, au sein d'une association de la diaspora qui organisait des séjours collectifs au village. Ces voyages ont profondément ancré en elle l'amour du Sénégal, de sa culture et de sa langue.
QUITTER LE CONFORT PARISIEN POUR RETROUVER LES RACINES
Ils sont de plus en nombreux les expatriés prêts à revenir investir et entreprendre dans leur pays d'origine, conscients des opportunités et des nouveaux marchés qui émergent au bercail.
Formée en France, Coumba est diplômée d'un Master en Banque finance et a exercé en tant que manager dans une agence de la Société Générale à Paris. Pourtant, au fil des années, l'appel du pays natal se faisait de plus en plus fort. « J'avais toujours cette envie de contribuer au développement du Sénégal. Et je voyais le pays se transformer, se moderniser. C'était le moment de tenter quelque chose. »
C'est pendant la crise du Covid19 que le projet prend forme. Coumba se mobilise bénévolement pour aider les membres de la diaspora à obtenir leur pièce d'identité sénégalaise, indispensable pour rentrer au pays en période de fermeture des frontières.
Son engagement se prolonge sur les réseaux sociaux, notamment sur Snapchat, où elle fédère une communauté en quête d'informations concrètes : comment obtenir une carte nationale sénégalaise ? Comment s'installer au Sénégal ? Où investir ? Où passer ses vacances ?
Face à cette demande croissante, elle crée en 2021 « Paris Sénégal », une agence de services dédiée aux projets en lien avec le pays. « On veut faire le pari du Sénégal. Montrer que tout est possible ici », confie-t-elle.
"PARI-SÉNÉGAL", UN PONT ENTRE DEUX MONDES
Installée d'abord à Dakar, Coumba Sow propose des services de conciergerie, de location de vacances, de mise en relation avec des avocats pour des litiges fonciers, et d'accompagnement administratif. Forte de son carnet d'adresses, elle aide ceux qui, comme elle, veulent s'installer, investir ou entreprendre au Sénégal.
L'aventure à Dakar n'est pas de tout repos. Là-bas, elle découvre un pays en mouvement, plein d'opportunités, mais aussi confronté à de nombreux défis. "J'ai vu à quel point le retour peut être complexe pour les membres de la diaspora. Entre démarches administratives, manque d'informations et désillusions, beaucoup finissent par abandonner", observe-t-elle.
"Entre 2020 et 2022, j'ai répondu à des centaines de questions : comment acheter un terrain ? Créer une entreprise ? Ouvrir un compte bancaire ? " raconte-t-elle.
En novembre 2021, elle organise la première "Rencontre Paris-Sénégal" à Paris.
Près de 300 personnes assistent à l'évènement. Des représentants de l'APIX (Agence Nationale chargée de la Promotion de l'Investissement et des Grands Travaux), de la Délégation à l'entrepreneuriat rapide (DER) et des entrepreneurs de la diaspora partagent leur expérience. Ce fut une réussite et un tournant. « C'est à ce moment que j'ai compris qu'il y avait un vrai besoin, une vraie attente », dit-elle.
De cette prise de conscience naît son projet : Pari-Sénégal. Un dispositif qu'elle a elle-même conçu pour accompagner les membres de la diaspora dans leur retour et leurs investissements. "Je veux leur éviter les erreurs que j'ai commises. Leur montrer qu'il est possible de réussir ici, à condition d'être bien préparé", dit-elle. Le programme propose un accompagnement personnalisé : conseils juridiques, mise en relation avec des partenaires de confiance, formation sur l'écosystème local, visites sur le terrain…"C'est un accompagnement humain, avec une vraie compréhension des réalités des deux côtés de la Méditerranée."
S'INSTALLER AU SÉNÉGAL : ENTRE PRÉPARATION ET ADAPTATION
Pour Coumba Sow, réussir son retour au pays passe par une bonne préparation. « Le premier conseil que je donne, c'est de définir une stratégie d'installation. Est-ce que je veux revenir comme entrepreneur ? Comme salarié ? Ou bien je tente l'aventure et je vois sur place ? » explique-t-elle. Elle insiste aussi sur la nécessité de s'adapter : « Une fois que vous êtes au Sénégal, vous êtes au Sénégal. Il faut comprendre les réalités locales, apprendre à vivre avec, et rester curieux. »
Son dernier conseil : oser. « Il n'y a jamais de moment parfait. Il faut se lancer. L'Afrique, c'est l'avenir. Le Sénégal est un pays magnifique, avec un peuple accueillant, une nature généreuse, et des opportunités partout. » Aujourd'hui, depuis ses bureaux à Saly, Coumba développe un nouveau projet : Un terrain pour tous. Elle propose des terrains à petit budget en périphérie de la nouvelle voie de contournement de Pointe-Sarène, une zone en pleine transformation. Elle a même construit une maison témoin, destinée à la vente, pour prouver qu'il est possible de bâtir au Sénégal avec un budget modeste. « L'objectif, c'est de démocratiser l'accès à la propriété, en particulier pour les membres de la diaspora qui veulent investir mais n'osent pas », explique-t-elle.
LE SOUTIEN DES PARENTS, UN MOTEUR ESSENTIEL
Quand elle a annoncé son projet de retour, ses parents ont été surpris, mais fiers. « Quand j'ai expliqué à mes parents que je voulais m'installer au Sénégal, ma mère a été tellement contente, j'avais l'impression que je réalisais son rêve. Et mon père, avec qui j'ai une relation très fusionnelle, m'a juste demandé : qu'est-ce que tu vas faire là-bas exactement ? Je lui ai expliqué que je devais être sur place pour développer mon entreprise. Il m'a dit : 'Bismillah' », raconte-t-elle avec émotion. « Je lui ai dit : Baba, quand tu es venu en France, est-ce que tu aurais pensé qu'un jour j'irais m'installer au Sénégal ? » Il m'a dit non. Il m'a toujours soutenue pour mon retour au pays, il m'a toujours encouragée, mais il n'aurait jamais pensé à ça. Et maintenant, il le comprend, il l'en- courage. Il est fier. Quand je me suis installée, il m'appelait tous les jours. Aujourd'hui, il ne m'appelle plus. Il sait que tout va bien, il est fier de moi. Alhamdoulilah », dit-elle, le sourire large.
Pour Coumba Sow, ce retour au pays n'est pas une fin en soi, mais un début. Elle espère contribuer à changerle regard sur l'Afrique et valoriser le potentiel de la diaspora. "On peut être utile autrement. Investir, créer de la valeur, former, transmettre", insiste-t-elle. Depuis ses bureaux à Saly, Coumba développe un nouveau projet : Un terrain pour tous. Elle propose des terrains à petit budget dans une zone en pleine transformation. Elle a même construit une maison témoin, destinée à la vente, pour prouver qu'il est possible de bâtir au Sénégal avec un budget modeste. « L'objectif, c'est de démocratiser l'accès à la propriété, en particulier pour les membres de la diaspora qui veulent investir mais n'osent pas », explique-t-elle. La jeune entrepreneure multiplie les rencontres avec des membres de la diaspora porteurs de projets, des collectivités locales et des bailleurs. Son engagement commence à porter ses fruits. "Quand je vois une famille qui parvient à construire un logement décent ou à lancer un petit commerce grâce à notre accompagnement, je me dis que ça valait le coup."
UN APPEL À LA DIASPORA : «LE SÉNÉGAL VOUS ATTEND»
À ceux qui hésitent encore à franchir le pas, Coumba adresse un message : "Revenir ne veut pas dire échouer en Europe. Cela peut être un acte fort, stratégique et porteur de sens. Mais il faut s'y préparer sérieusement." Selon l'OCDE, (Organisation de coopération et de développement économiques), environ 400 000 Sénégalais vivent à l'étranger. Pour Coumba Sow, nombre d'entre eux nourrissent le désir de revenir, motivés par la stabilité politique, la croissance économique ou tout simplement la nostalgie. « Le FMI prévoit un taux de croissance de 9,3 % pour 2025. C'est le moment de croire au pays, de tenter un projet. Même petit. Le Sénégal a besoin de nous tous. »
Entre Paris et Dakar, Coumba Sow incarne une génération de binationaux qui refusent de choisir entre deux identités et préfèrent bâtir des ponts. "J'ai compris que mon avenir ne se limitait pas à un pays ou à une nationalité. Mon avenir, je le construis là où je me sens utile."
Avec "Pari-Sénégal", Coumba Sow souhaite désormais aller plus loin, en structurant un réseau transnational de compétences, d'opportunités et de solidarité. Une façon de transformer les rêves de retour en projets durables. Ces dernières années, une tendance de fond se dessine sur le continent africain : de jeunes diplômés formés à l'étranger, notamment en Europe et en Amérique du Nord, font le choix de retourner dans leur pays d'origine pour y entreprendre. Ce mouvement, encore marginal il y a une décennie, gagne aujourd'hui en ampleur.
Plusieurs facteurs expliquent cet élan de retour et d'investissement local. Pour beaucoup, retourner «au pays» est un projet de vie. Le besoin de renouer avec ses racines, de se rapprocher de sa famille ou de donner une autre éducation à ses enfants participe aussi à cette dynamique de retour. De plus en plus de jeunes Africains de la diaspora sont animés par le désir de "rendre" à leur pays ce qu'ils estiment avoir reçu.
Face à des marchés souvent saturés en Occident, les pays africains offrent des opportunités de croissance inédites. La jeunesse de la population, l'émergence d'une classe moyenne et les besoins non couverts dans de nombreux secteurs constituent un terreau fertile pour les entrepreneurs. Pour beaucoup, l'Afrique représente un « marché vierge » où tout reste à bâtir.
(SOURCE: BBC.COM/AFRIQUE)
UNE INVITE A REPENSER L’ECONOMIE A PARTIR DES REALITES HISTORIQUES
Face aux crises économiques, sociales et environnementales mais les remises en question profondes de la légitimité démocratique, «il nous appartient de réfléchir collectivement à la redéfinition de l'économie.»
En collaboration avec le Campus AFD et plusieurs universités partenaires notamment l’UCAD de Dakar, l’UGB de Saint-Louis, UCT’s Nelson Mandela School of Public Governance, Université de Nairobi, UM6P de Rabat, La Fondation Boissel, la Fondation de l’Innovation pour la Démocratie, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) a organisé hier, mardi 17 juin 2025, au Musée des Civilisations Noires (MSN) de Dakar, une conférence sur le thème : «Démocratiser l’économie : un horizon de réinvention des modèles économiques au service d’une démocratie substantive en Afrique». Intervenue dans un contexte où les inégalités et les crises économiques fragilisent nos démocraties, cette rencontre est une invite à repenser les modèles économiques à partir des réalités historiques, culturelle et anthropologiques africaines pour bâtir un avenir plus inclusif.
Face à un monde traversé par des crises économiques, sociales et environnementales mais aussi par des remises en question profondes de la légitimité démocratique, déclare le doyen de la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion (FASEG) de l'Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, «il nous appartient de réfléchir collectivement à la redéfinition de l'économie.» Il s’exprimait lors d’une conférence sur le thème : «Démocratiser l’économie : un horizon de réinvention des modèles économiques au service d’une démocratie substantive en Afrique», organisé hier, mardi 17 juin 2025, au Musée des Civilisations Noires (MSN) de Dakar.
Dans un contexte où nos sociétés sont traversées par des aspirations démocratiques fortes mais aussi par des défis de développement qui restent considérables, le Professeur Chérif Sidy Kane trouve pertinent la problématique qui consiste à repenser les fondements théoriques dans nos sociétés. Selon lui, «il ne s'agit pas de rejeter les acquis ou les hypothèses de sciences économiques mais de formuler des critiques sur les hypothèses, les outils et les priorités à la lumière des contextes spécifiques de nos territoires.» Il a également appelé à se questionner sur les indicateurs que nous mobilisons pour guider nos politiques économiques et sociales. A ce niveau, il s’interroge sur la portée du Produit intérieur brut (PIB) pour mesurer la progression des sociétés vers le bien-être mais également sur la pertinence de l'Indice de développement humain (IDH) dans une société qui aspire à plus de liberté, plus de démocratie, plus d'équité et de justice sociale.
L’écrivain et universitaire Felwine Sarr, de son côté, appelant à avoir un regard critique et créatif, préconise «un travail d'économistes à faire dans ce sens-là et un travail aussi de conviction de nos élites pour des formes alternatives beaucoup plus équilibrées et qui intègrent l'écologie.» Pour l’enseignant chercheur à Duke University, «On devrait améliorer la proposition et ne pas juste rattraper la proposition.»
A la question de savoir sur quel postulat doit-on partir pour bâtir un modèle économique du bien
Une invite à repenser l’économie à partir des réalités historiques être, il déclare : «On doit partir de notre réalité historique, culturelle, anthropologique pour la comprendre bien, évidemment, bien apprendre des autres. Mais, bien apprendre des autres ne veut pas dire répéter ce que les autres ont fait.»
Autrement dit, relève l’économiste, «il faut distinguer, dans ce qui a fonctionné chez les autres, ce qui pourrait fonctionner ici, mais à partir de nos réalités et de la pensée. Donc, il ne s'agit pas de dire qu'on est proche de la Corée, ils nous ont dépassés», affirme-t-il, avant d’appeler, en revanche, à nuancer et complexifier toute idée de comparaison.
Pour lui, «Ça ne veut pas dire être en autarcie. Il faut, bien sûr, regarder le monde, mais ça veut dire, avoir les bons termes de la comparaison et comprendre ce qui est utile à son processus économique personnel.»
MACKY ACCABLÉ DANS L’AFFAIRE DU FONCIER PIKINE-GUÉDIAWAYE
Simples exécutants ou vrais coupables ? Dans ce dossier, plusieurs hauts fonctionnaires sont poursuivis pour un projet qui était pourtant une directive présidentielle, d'après de nombreux documents consultés par Sud Quotidien
Après l’ex-ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall, le dossier explosif du foncier du tribunal de Pikine-Guédiawaye continue d’impliquer de hauts responsables. Abdoulaye Sy, ex-Dage du ministère de la Justice, El Hadji Mamadou Diao, ancien directeur des Domaines, ainsi que Daouda Diallo, ex-chef du bureau des Domaines et du Cadastre, portent désormais un bracelet électronique. D’après les informations du journal Libération, un mandat d’arrêt a également été émis contre Mamadou Gueye, lui aussi ex-directeur des Domaines, actuellement semble-t-il hors du territoire national. Pourtant, nombre de ces fonctionnaires n’auraient été que de simples exécutants de directives émanant de l’ex-chef de l’État Macky Sall. Sud Quotidien a pu consulter plusieurs correspondances officielles qui accréditent cette thèse.
L’instruction de construire un Tribunal de Grande instance a Pikine-Guediawaye est claire. Les ordres venaient de l’ancien Chef de l’Etat, le président de la République, Macky Sall.
Selon des documents reçus a Sud Quotidien tout a commencé en mai 2018, lorsque le ministère de la Justice d’alors, dans le cadre du Projet d’Appui au Renforcement de l’État de droit financé par l’Union européenne via le 11ème FED, sollicite officiellement l’affectation d’un terrain. Objectif : ériger le Tribunal de Grande Instance de Pikine–Guédiawaye, dans une optique de modernisation de la carte judiciaire.
Dans une lettre estampillée « très urgent », l’ancien ministre des Finances et du Budget, écrit, à l’endroit au directeur général des impôts et domaines.
« Par lettre en date du 8 mai 2018, le ministère de la Justice avait sollicité l'affectation d'une parcelle de terrain pour les besoins de la construction du Tribunal de Grande Instance de Pikine - Guédiawaye. Le financement de l’infrastructure est obtenu dans le cadre du 11ème FED auprès de l’Union Européenne pour le Projet d'Appui au renforcement de l'Etat de droit.
Dans cette perspective, un terrain a été ciblé à Pikine, d'une superficie de 2ha 80a 10ca, à distraire du titre foncier n°407/DP appartenant à l'Etat du Sénégal et affecté au ministère des Forces Armées en 1971 pour les besoins du Camp militaire de Thiaroye.
Saisie du dossier, la Commission de contrôle des opérations domaniales a, au cours de sa consultation à domicile du 29 mai 2019, émis un avis favorable. Par la suite, l'Autorité Supérieure a demandé la préservation de l'emprise du Camp militaire, et les prospections au niveau de la zone dite « bande des filaos » à Guédiawaye entamées n'avaient pas abouti en raison du plan déménagement qui était en cours d'étude au niveau de l'urbanisme. Aujourd'hui, il est devenu urgent de faire une proposition d'affectation sur cette bande en vue de permettre la finalisation de :
- l'affectation au ministère de la justice d'un terrain de 2 ha pour les besoins du Tribunal de grande Instance de Pikine - Guédiawaye ;
- l'affectation d'un terrain de 5000m2 à la Ville de Guédiawaye pour la réalisation d'un centre de formation professionnelle », peut-on lire sur la lettre écrite le 8 avril 2021.
On comprend dès lors que la première option a été abandonnée pour cause de conflit d’usage. Ainsi, une première emprise est identifiée à Thiaroye, sur 2 ha 80 a 10 ça, au sein du Camp militaire (TF n°407/DP, affecté aux Forces Armées depuis 1971). Sauf qu’il y a un problème parce que les autorités militaires exigent le maintien intégral du périmètre du camp. Cette piste est encore abandonnée.
D’où le recentrage stratégique sur la bande des filaos de Guédiawaye. La recherche s’oriente alors à cet endroit.
Un Plan d’Urbanisme de Détail (PUD) est conçu, validé à tous les niveaux (Conseil municipal, Comité régional d’urbanisme présidé par le Gouverneur) et approuvé par décret présidentiel n°2021-701 du 4 juin 2021, ce qui le rend opposable et exécutoire.
Suivra une parcelle définie et redimensionnée sur instruction. Initialement, le site prévu pour le Tribunal couvrait 2 ha 80 a 10 ça. Mais la lettre ministérielle susmentionnée oriente une réduction à 2 hectares.
Cette décision est confirmée par le ministère de l’Urbanisme dans le cadre du PUD. Dans une lettre du ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique au ministre des Finances et du Budget, il est écrit : « Par lettre citée en seconde référence, je vous avais saisi relativement en exécution des Directives de son Excellence, Monsieur le Président de la République en vous transmettant le Plan d’Urbanisme de Détails de la bande à filao de Guédiawaye pour suite à donner.
Ce plan à la demande de la ville, avait été approuvé par le Conseil municipal et le Comité régionale d'Urbanisme présidé par le Gouverneur de la région de Dakar. Il a été par la suite approuvé par décret n° 2021- 701 du 04 juin 2021 le rendant ainsi exécutoire. C'est pourquoi, je vous transmets à nouveau le plan approuvé par décret avec une intégration des projets du KMS3 relativement aux servitudes à préserver ». « Des discussions sont en cours avec l'AGETIP et les services de l'Environnement pour l'aménagement du site et la délivrance de l'autorisation de coupe d'arbres. Vous voudrez bien instruire vos services à finaliser les procédures domaniales sur la base du plan approuvé qui constitue le seul document de planification spatiale existant et approuvé ».
Un lotissement technique du reliquat de surface
Mais qu’en est-il des 8 010 m² restants ? C’est là où git le problème. Ils ont fait l’objet d’un lotissement administratif de 36 parcelles. La répartition suivante aurait été proposée : 26 bénéficiaires issus d’une liste transmise par le ministère de la Justice ; 4 parcelles pour les agents de la direction des Domaines ; 3 pour le Cadastre ; 3 pour l’Urbanisme. Nos sources précisent qu’il s’agissait là d’un « processus formel et documenté, instruit par lettres ministérielles ».
Une opération suspendue par la ccod avant toute exécution
C’est dans ce contexte que la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (CCOD) s’invite à son tour dans le dossier. Elle émet une réserve claire sur la procédure, et demande l’annulation du lotissement. Aucune attribution définitive n’aura finalement lieu. Le projet finira par être gelé avant tout transfert de propriété et l’État n’en subira aucun préjudice foncier ni financier. Toutefois, ce dossier révèle les limites d’un système où la chaîne de responsabilité entre autorités politiques et agents techniques reste floue, laissant ces derniers assumer seuls les conséquences.
PAR Makhtar Diouf
LA LIBERTE D’EXPRESSION ABSOLUE N’EXISTE PAS
EXCLUSIF SENEPLUS - Le Sénégal a ses spécificités de valeurs éthiques ancestrales que personne ne peut transgresser. Il n’est pas décent de parler de suppression des libertés, de dictature. Ce nouveau régime n’a encore tué personne
Le Sénégal a compté d’illustres personnalités, qui ont acquis la notoriété par leurs actions ayant marqué l’histoire du pays, qui ont mérité d’avoir leurs noms donnés à des écoles, des collèges et lycées, des universités, des hôpitaux et centres de santé, des stades, des salles de théâtre, des salles de conférences, des avenues et boulevards … etc. Mais…
Une quête effrénée de popularité, de notoriété
Mais il se passe maintenant au Sénégal un phénomène étrange. Une obsession de paraître, une quête effrénée de m’as-tu vu, m’as-tu entendu, de la part de quidams qui papillonnent dans les studios de télévision et de radio, qui hantent les salles de rédaction des journaux écrits, envoient des messages sur les réseaux sociaux à partir de leurs téléphones portables avec leurs photos bien soignées. Tout cela pour se faire remarquer, faire parler d’eux, avoir leurs photos à la Une des journaux. Ils sont alors aux anges, alors qu’ils n’ont rien fait pour leur pays. Une certaine presse y a aussi sa part de responsabilité, en mettant en vedette, faisant de VIP des n’ayants rien fait.
Dans ce lot figurent des personnes qui cherchent à se faire un nom en mettant tapageusement en avant une expertise avérée ou douteuse.
Y figurent aussi des personnes qui ne pouvant se prévaloir d’aucun haut fait d’armes intellectuel, technique, sportif, artistique n’ont qu’un seul créneau de visibilité : l’impertinence, l’impolitesse, l’insolence, la diffusion de fausses informations.
On y trouve un politicien qui, bien que de confession musulmane, s’était illustré il y a quelques années contre l’Islam en déclarant que le prophète (psl) ne pouvait en rien être supérieur à ses parents. Ce qui lui avait valu une volée d’attaques de la part de musulmans, au point qu’il avait fini par se rétracter et s’excuser.
A la suite de l’élection de mars et novembre 2024, il nous revient avec des propos violemment discourtois à l’égard de près de deux millions et demi de Sénégalais (« peuple maudit ») qui avaient par leurs votes porté le parti adverse au pouvoir. Ce qui lui avait valu une sanction de courte privation de liberté.
Cette fois, c’est aux plus hautes autorités de l’Etat qu’il s’en prend en les traitant de « gougnafiers », (bons à rien, rustres, goujats, malotrus) ce qui n’est rien d’autre qu’une insulte, c’est-à-dire une parole qui offense, qui blesse la dignité (dictionnaire Larousse). Aucun de ceux qui le défendent n’accepterait d’être traité ainsi.
Pour lui, les jeunes qui ne sont pas de son bord, même ceux tombés sous les balles du régime précédent qu’il soutenait sont des « gens de l’enfer ». Lorsqu’il traite le régime actuel de nazi, on voit que ses connaissances de l’histoire sont plus que superficielles. Et tout cela au nom de la liberté d’expression ?
Pour une liberté d’expression absolue, sans limite
Malgré sa détention en garde à vue, il persiste à dire qu’il va continuer. Il est grand temps de mettre à contribution nos psychologues, psychiatres et psychanalystes sur son cas. Un personnage qui est l’instabilité même, si l’on s’en tient à son itinéraire professionnel et politique présenté par ceux qui le connaissent : chaque fois responsabilisé puis déresponsabilisé. S’il ne savait pas exactement le sens du mot qu’il a utilisé, mais sachant que ce n’est pas un compliment, par circonstances atténuantes, on peut lui souhaiter de s’en tirer avec une courte condamnation avec sursis.
Le plus étrange est de voir des personnes réputées sages le soutenir, l’encourageant à continuer, au nom de la liberté d’expression, demandant la suppression du délit d’offense au président de la République. Ils se placent dans la position extrémiste consistant à dire : Même si je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, vous avez le droit de le dire. Autrement dit, il est interdit d’interdire, comme le proclamaient les étudiants français gauchistes de Mai 68. Une société délétère, de libertinage, où au nom de la liberté de pensée on peut fouler aux pieds toute valeur culturelle éthique, morale.
On donne ainsi carte blanche aux mal élevés de tout acabit. Des enfants formatés dans ce modèle pourront insulter leurs maîtres d’écoles, leurs professeurs, les autorités religieuses toutes confessions confondues, et pourquoi pas, leurs parents. Les adultes sont toujours les modèles, les références des jeunes, dans un sens ou dans l’autre, en positif ou en négatif, pour le meilleur ou pour le pire.
Liberté d’expression et débat d’idées
On a invoqué une liberté d’expression absolue qui n’existe nulle part au monde. La liberté d’expression est toujours et partout relative, limitée, encadrée. C’est la position de tous les grands écrivains, philosophes, sociologues, anthropologues, pourtant fervents défenseurs de la liberté d’expression.
Le texte auquel on se réfère maintenant est la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 :
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.
Un mot clé ici est ‘’idées ’’. La liberté d’expression doit s’exercer sur fond d’idées. C’est la confrontation d’idées, de pensées contraires qui a fait avancer l’humanité. Vérité d’hier, erreur d’aujourd’hui.
Des Sénégalais membres de la nouvelle opposition ont critiqué le Rapport de la Cour des Comptes, la Loi de Finances 2025… Ils ont exprimé des idées contraires. C’était leur droit. C’est ce qu’on attend d’une opposition politique responsable. Ils n’ont pas été inquiétés, n’ont pas été convoqués en justice. Ceux qui sont au pouvoir leur ont répondu, comme c’est leur droit. C’est une des marques de la démocratie.
Soyons justes ! Il n’est pas décent de parler de suppression des libertés, de dictature. Ce nouveau régime n’a encore tué personne. Nous revenons de loin avec ce qui s’est passé dans ce pays entre 2019 et 2023. Comme si le pays était en guerre. La plupart de ceux qui aujourd’hui s’agitent bruyamment dans l’évocation des droits de l’homme étaient moins bavards lors de la mise en branle de l’appareil de répression féroce (tueries, emprisonnements massifs) du régime précédent sur de jeunes sénégalais qui n’étaient pas de son bord. Du jamais vu dans l’histoire politique du Sénégal.
Un citoyen se réclamant de la société civile s’active en toile de fond dans la politique politicienne partisane et porte atteinte à l’image de la société civile. Par son omniprésence maladroite et désordonnée dans tout ce qui ressemble à un médiat, avec son obsession de paraître, il se démasque sans s’en rendre compte.
Diffusion de fausses informations
Certains Sénégalais sont aussi poursuivis en justice pour diffusion de fausses informations aux conséquences désastreuses. Comme le montre cet exemple.
En 1989, à la suite du meurtre de deux Sénégalais par des militaires mauritaniens à Diawara, département de Bakel, des jeunes à Dakar attaquent une boutique de Maures. La police alertée intervient très vite et les disperse. Le journaliste de RFI à Dakar déclare que les Mauritaniens sont en train d’être massacrés à Dakar : la fausse information. Aucun Mauritanien n’a été tué. Et d’ajouter que l’Etat ne peut pas mettre un agent de police devant chaque boutique de Maure, car à Dakar il y a plus de boutiques de Maures que d’agents de police. La fausse information reçue en Mauritanie déclenche une série d’attaques contre les Sénégalais présents dans le pays. Des Sénégalais informés par le même médiat font autant à Dakar contre les Maures. Finalement, à la suite de médiations, tout fut rentré dans l’ordre, mais on avait frôlé une guerre entre la Mauritanie et le Sénégal.
Les Mauritaniens avaient vraiment manqué de se référer à ce verset du Coran :
O croyants, si un saay saay vous apporte une information vérifiez-la bien pour éviter par ignorance de porter tort à des gens (Coran 49 : 6)
Ce qui montre les dangers que peut susciter la propagation de fausses informations. Elle peut détruire des personnes, des amitiés, des familles.
Limites à la liberté d’expression
La liberté d’expression est limitée par des frontières. Elle ne doit pas se faire sur fond subjectif de haine, de méchanceté, de jalousie, de frustration, de dépit, de rancœur susceptible d’engendrer des répliques de violences physiques aux conséquences imprévisibles.
Au Sénégal, on ne parle que du Code pénal (que je n’ai jamais consulté) qui fait de délit l’offense au chef de l’Etat. On a tendance à oublier la loi suprême, la Constitution, qui a installé un garde-fou contre les dérives de la liberté d’expression. L’article 10 de la Constitution de 2001(laissé tel quel par la révision constitutionnelle de 2016) dit :
Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public.
La liberté d’expression ne peut être que relative, particulièrement chez nous. Il convient de ne pas coller à ce juridisme excessif, débordant, qui consiste à penser le Droit comme une entité autonome détachée de la société, sans rapport avec la société. Le Droit émane d’un socle culturel de valeurs éthiques et s’y applique. La coutume qui relève du culturel n’est-elle pas aussi une des sources du Droit ?
Le Sénégal a ses spécificités de valeurs éthiques ancestrales que personne ne peut transgresser. Pendant qu’on y est, pourquoi au nom de la liberté d’expression ne pas laisser les LGBT défiler, faire leur ‘’gay parade’’ comme à New York ? Quel est le président sénégalais qui ose nommer Premier ministre un homme qui déclare publiquement son homosexualité, comme en France ? Il me souvient d’un petit livre publié en France il y a une quarantaine d’années avec ce titre Comment tricher aux examens. Sans oublier les livres d’apprentissage de technique du suicide. Qui ose écrire de tels ouvrages au Sénégal ? Ces exemples sont donnés pour insister sur la spécificité culturelle du Sénégal, de l’Afrique.
Pourtant dans la France bien plus permissive, en novembre 1970, l’hebdomadaire satirique ‘’Harakiri’’ avait été interdit de parution pour manque de respect à l’égard d’un ancien président. La liberté d’expression absolue n’existe pas. Elle peut seulement être sélective. Si en 1989 l’auteur des Versets sataniques contre le prophète (psl) avait émis des propos discourtois à l’endroit de la Reine d’Angleterre, il aurait été exclu vers son Inde natale, dès sa sortie de prison.
Pour tout ce qui est du sociétal, le Sénégal a son ADN et sa carte d’identité, avec ses empreintes digitales que personne ne peut falsifier.
En conclusion de tout cela, le plus simple, le plus logique, le plus normal est que des personnalités sénégalaises hautement responsables et de tous bords se mettent en consensus pour bannir les insolences et les fausses informations dans l’espace public. Un premier rôle y est dévolu aux autorités religieuses.
Par la COORDINATION DES ASSOCIATIONS DE PRESSE
FACE AU MONSTRE, DES CONCERTATIONS EN TROMPE-L’ŒIL ?
Si l’État veut réellement réformer ce secteur, il doit le faire avec méthode, lucidité. Le modèle économique des médias doit évoluer, certes, mais dans un cadre concerté, progressif, tenant compte de la transition actuelle et des défis du moment
L’heure n’est plus aux euphémismes. La presse sénégalaise, pilier essentiel de notre démocratie, plie sous les contraintes. Mais, elle ne cèdera pas. Les organisations regroupées au sein de la Coordination des Associations de Presse (CAP) ont reçu une invitation officielle pour prendre part aux «journées de concertation sur le secteur de la communication», ouvertes ce mercredi 18 juin à Dakar par le ministère de tutelle. Le thème retenu : «intégrité de l’information, régulation, gouvernance économique et cyberespace».
La Coordination des Associations de Presse (CAP) prend acte de l’invitation lancée par le ministère en charge de la Communication pour participer aux «journées de concertation sur le secteur de la communication». Elle y sera. Non par enthousiasme béat, mais pour y faire entendre ses préoccupations et réclamer des décisions urgentes pour un secteur en état d’urgence. Car, derrière le thème solennel –«intégrité de l’information, régulation, gouvernance économique et cyberespace» - la CAP décèle un agenda et une pléthore de participants (300) déconnectés des priorités actuelles. Cela ressemble plus à du «seumbkhloo» qu’à autre chose. Sans oublier des panels qui font plus perdre du temps. A la place, des travaux de commission efficaces sur les urgences du moment auraient pu permettre d’adresser véritablement les questions et d’esquisser des solutions.
Depuis plus de dix ans, les forums, panels et concertations se succèdent, sans effets concrets ni avancées structurelles. Rien n’a changé pour les journalistes, les techniciens et les entreprises de presse, si ce n’est l’aggravation de leurs conditions. Le conclave du ministre chargé de la Communication, des Télécommunications et du Numérique intervient dans un contexte critique, marqué par un profond désarroi des travailleurs des médias, étranglés par des mois d’arriérés de salaires, menacés d’expulsions et confrontés à des drames familiaux. Cette précarité n’est pas seulement matérielle : elle porte atteinte à la dignité et à la liberté d'exercer un métier essentiel à toute démocratie.
Les interpellations de la CAP n’ont, jusqu’ici, reçu que silence et indifférence. La tutelle s’enferme dans un mutisme altier, tout en déroulant, avec ou sans complicités, des mesures jugées iniques et contre-productives. La crise majeure de la presse n’est pas conjoncturelle. Elle est le fruit d’un choix politique : celui d’ignorer la réalité du terrain, d’imposer un modèle économique asphyxiant et de laisser s’effondrer un pilier de la République.
Depuis quinze mois, les médias subissent le gel des contrats publicitaires publics et les retards chroniques dans les paiements dus. Une hémorragie économique qui a vidé les rédactions, mis les entreprises à genoux, et transformé le métier en combat quotidien pour survivre. Certains dénoncent la «dépendance» de la presse à l’argent public. Mais c’est là un procès biaisé : 70 à 80 % des entreprises privées sénégalaises vivent de commandes de l’État. Ce n’est pas un vice propre aux médias, c’est une réalité économique structurelle. L’Agriculture, l’Éducation, la Santé, tous ces secteurs sont soutenus et subventionnés par l’Exécutif. Mais, la presse est considérée comme un paria avec ce pouvoir. Et contrairement à la légende urbaine qu'on tente de distiller, même dans les pays riches développés et fortement ancrés dans la démocratie, la presse bénéficie du soutien de l’État et des citoyens. Car elle n’est pas toujours rentable, mais elle est vitale.
Si l’État veut réellement réformer ce secteur, il doit le faire avec méthode, lucidité et courage. Le modèle économique des médias doit évoluer, certes, mais dans un cadre concerté, progressif, tenant compte de la transition actuelle et des défis du moment. Une concertation éclair de trois jours avec un agenda aussi surchargé et opportuniste ne saurait apporter des solutions durables à un secteur en perdition.
Malgré tout, la CAP refuse le fatalisme. Elle veut croire qu’un sursaut est encore possible, qu’il reste en haut lieu un peu de volonté politique et d’orgueil national pour éviter à notre démocratie de perdre l’un de ses gardiens. C’est pourquoi elle sollicite solennellement du Premier ministre l’organisation d’un Conseil interministériel exclusivement consacré à la crise de la presse. Ce cadre de haut niveau devra déboucher sur des mesures concrètes, immédiates, capables de soulager les entreprises de presse et ses acteurs.
Parmi ces mesures d’urgence : la levée sans délai de la circulaire sur le gel des contrats publicitaires, le déblocage rapide du Fonds d’Appui et de Développement de la Presse (FADP), et le lancement dès ce mois de juin de la répartition des montants 2024 et 2025. La réforme annoncée du FADP ne pourra se faire que dans un esprit de concertation, et seulement après distribution des fonds dus. Cela implique que la tutelle fasse inscrire ces montants dans la loi de finances rectificative attendue ce mois-ci.
Autre urgence : la mise en place d’un comité paritaire chargé de recenser et de suivre les paiements dus aux médias par les structures publiques. Ce mécanisme de suivi est vital pour restaurer la confiance, stabiliser les trésoreries et permettre aux entreprises de planifier. Mais au-delà de ces urgences, une réforme en profondeur s’impose. Il est temps de passer des intentions aux actes, en appliquant les conclusions des Assises nationales de la presse. Une réglementation cohérente, équitable et adaptée aux réalités numériques est indispensable.
Or, la démarche actuelle, fondée sur des concertations opportunistes, à peine préparées et dictées par des bailleurs, est loin d’être à la hauteur des enjeux. Les textes qui régissent le secteur doivent être respectés par tous et actualisés sans délai. Dans cette perspective, l’arrêt rendu par la Cour suprême le 12 juin, annulant la décision de suspension de 381 organes de presse, constitue un sérieux revers institutionnel pour le ministre de la Communication. Il vient réaffirmer, s’il en était encore besoin, que l’exercice du pouvoir ne saurait se fonder sur l’arbitraire, et que toute politique publique doit s’inscrire dans le strict respect de la légalité républicaine.
Les véritables priorités résident ailleurs : il s’agit de relancer sans délai les travaux en vue de la mise en place d’un nouvel organe de régulation, de procéder au renouvellement et au renforcement de la Commission nationale de la carte de presse, dont le mandat est arrivé à échéance, mais surtout de réhabiliter la dignité professionnelle des acteurs du secteur. Trop souvent, les médias sont érigés en boucs émissaires, rendus responsables de tous les dysfonctionnements, alors même qu’ils comptent parmi les rares corps sociaux à faire preuve d’autocritique et à exposer publiquement leurs propres limites. Cette stigmatisation récurrente s’inscrit dans une dynamique plus vaste de décrédibilisation de ceux qui informent, enquêtent et questionnent le pouvoir.
Il est désormais impératif de rompre avec cette logique délétère, de reconnaître pleinement à la presse son statut de service public stratégique, et d’engager avec ses représentants une réforme en profondeur du cadre de régulation. Une réforme fondée sur l’équité, la stabilité et le respect absolu de l’indépendance éditoriale. Car si le Sénégal n’a rien à gagner à asphyxier sa presse, il a tout à craindre d’un silence imposé.