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6 août 2025
par Dame Babou
LA FAUSSE BONNE IDÉE DU PARRAINAGE POLITIQUE
Il serait dangereux d'imposer à tout citoyen sénégalais une exigence de notoriété avant de l'autoriser à créer un parti. En démocratie, rien n'est plus pernicieux que de faire dépendre l'application de la loi des circonstances politiques
Parrainage pour la création d’un parti politique : un poison pour la démocratie
Au moment où le Sénégal ouvre une nouvelle page politique, une idée revient en débat : exiger un système de parrainage préalable pour autoriser la création de partis politiques. Derrière cette proposition, se cache un risque grave pour l'expression démocratique et la liberté d'organisation.
Nul ne naît avec le sceau de futur leader inscrit sur le front. En wolof, on dit : « Garabu pinc lawbe du gor Yàlla noppina. » Autrement dit, nul ne peut deviner le destin d'un homme dès sa naissance.
Il serait donc profondément dangereux d'imposer à tout citoyen sénégalais une exigence de notoriété ou de popularité avant de l'autoriser à créer un parti politique. Imaginons un instant qu'en 2014, Ousmane Sonko – simple inspecteur des impôts, inconnu du grand public – ait dû recueillir des milliers de signatures pour avoir le droit de créer le Pastef. Le paysage politique sénégalais d'aujourd'hui en aurait été profondément différent. Peut-être même amputé.
Ce serait une erreur politique majeure que de restreindre ainsi le droit d'organisation, sous prétexte que l'État a toujours échoué à appliquer les textes existants sur le fonctionnement des partis. Ce n'est pas une raison pour priver l'avenir de talents encore inconnus. Si nous voulons assainir le champ politique et éliminer les partis de circonstance, alors ouvrons la porte à tous — mais fermons-la rigoureusement à ceux qui ne respectent pas les lois déjà en vigueur.
Car en démocratie, rien n'est plus pernicieux que de faire dépendre l'application de la loi des circonstances politiques. Une loi, bonne ou mauvaise, doit être appliquée, jusqu'à preuve de son abrogation. Le scandale, aujourd'hui, n'est pas tant dans le nombre de partis, mais dans l'impunité : plus de 80% ne respectent pas les obligations légales et ne sont jamais dissous. Pourquoi ? Parce que les décideurs administratifs chargés de faire respecter la loi sont souvent issus des mêmes cercles politiques que ceux qu'ils devraient sanctionner.
Une sorte de confrérie politique, où chacun attend son tour. La classe politique sénégalaise ressemble alors à ces passagers dans les gares routières : ils courent pour attraper le prochain « Ndiaga Ndiaye », mais une fois installés, ils demandent à l'apprenti de ne plus faire monter d'autres passagers. Hypocrisie et corporatisme.
Pire encore : certains points de désaccord actuels concernent des dispositions pourtant déjà tranchées par la Constitution, comme le statut du chef de l'opposition. Comment peut-on négocier une disposition issue d'un référendum constitutionnel ? Une loi référendaire est d'application immédiate. Point.
Dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Karl Marx écrivait : « On ne pense pas de la même manière dans une chaumière que dans un palais. »
Depuis Cheikh Anta Diop, en passant par Abdoulaye Wade, Idrissa Seck, Macky Sall ou Ousmane Sonko, tous les opposants ont, à un moment, dénoncé l'article 80 du Code pénal — ce « fourre-tout » qui permet, sous couverture légale, de neutraliser un adversaire politique dès que le rapport de force le permet. Pourtant, une fois au pouvoir, tous s'empressent de conserver cet arsenal répressif. Le PS, le PDS, et dernièrement Macky Sall, ont tous reconduit les mécanismes qu'ils dénonçaient autrefois. La morale s'efface devant les avantages du pouvoir.
Les acteurs politiques adoptent souvent des positions conformes à leur contexte immédiat. Certains, malgré des convictions démocratiques solides, se retrouvent plus tard rattrapés par des prises de position qu'ils avaient ardemment défendues.
Un exemple illustratif est celui du Code de la presse lors de son élaboration. Deux figures majeures ont piloté ce processus : le magistrat Cheikh Bamba Niang, alors directeur de cabinet du feu Babacar Touré, président du Conseil national de régulation de l'audiovisuel CNRA, et un ancien député, président du groupe parlementaire du parti au pouvoir, l'APR.
Cheikh Bamba Niang, conscient que la loi ne doit pas être dictée par des circonstances politiques temporaires ou des rapports de force éphémères, plaidait pour la dépénalisation des délits de presse et d'opinion. À cette époque, des figures politiques, dont Moustapha Diakhaté, estimaient que les journalistes ne devaient pas bénéficier d'un statut particulier.
Ce à quoi Niang rétorquait que de nombreuses professions jouissent déjà d'exemptions spécifiques. Par exemple, la législation exige un permis de port d'arme pour posséder une arme à feu, mais les policiers et les gendarmes en sont dispensés. De même, les députés à l'Assemblée nationale, les avocats et les membres du parquet peuvent s'exprimer librement dans l'exercice de leurs fonctions sans être inquiétés pour diffamation ou injure. Ces exceptions sont dictées par les impératifs des métiers concernés.
Ironie du sort, l'ancien député Moustapha Diakhaté, fini par être parmi les premières victimes de la pénalisation du délit d'opinion par la justice sous l'Administration Diomaye Faye.
Si nous voulons bâtir un État de droit, pierre angulaire de toute démocratie, cet effort doit commencer par les plus hautes autorités. Dans cette optique, il est surprenant que le Président Diomaye Faye ait exhorté la population à faire pression sur la Justice pour accélérer certains dossiers judiciaires.
Bien que la Justice soit rendue au nom du peuple, elle n'est pas exercée directement par lui. Le rôle du citoyen dans la désignation de ceux qui administrent la justice se limite à l'expression de son vote lors des élections. Une fois les résultats proclamés, les institutions prennent en charge leur mission et le peuple, lui, retourne à son quotidien en attendant les prochaines échéances électorales.
Les parlementaires votent les lois, l'Exécutif les met en application, et la Justice tranche les différends. Dans ce système, il ne saurait y avoir un corps autonome appelé « Peuple » chargé d'exercer une pression sur le pouvoir judiciaire. En démocratie, la pression populaire doit s'exercer sur les responsables politiques, qui ont été élus pour gouverner et rendre compte de leurs actions. C'est ainsi que la légitimité démocratique s'affirme et que l'État de droit se consolide.
Alors, quelles leçons tirer de ce cycle infernal ? Il est temps que notre société civile, ainsi que les véritables think tanks, prennent leur responsabilité. Ce rôle exige cependant un détachement total des ambitions électorales et des postes administratifs. Il n'est crédible que s'il s'exerce dans la plus grande indépendance, à l'image du regretté Mohammed Mbodj du Forum Civil.
Le Sénégal a besoin d'une intelligentsia capable de faire autorité, non par ses accointances, mais par sa rigueur intellectuelle et morale. C'est à ce prix que naîtra une démocratie robuste et ouverte à tous les talents.
PÈLERINAGE RÉUSSI MALGRÉ LES COUACS
Le hadj 2025 s'achève sur un bilan mitigé pour la délégation sénégalaise. Si les actes de dévotion ont été accomplis avec satisfaction, des tensions autour de l'hébergement ont marqué le pèlerinage de 12.840 fidèles
L'édition 2025 du pèlerinage à la Mecque a pris fin dimanche 08 juin. Les 1.611.310 pèlerins présents sur le sol saoudien parmi lesquels on a compté 12.840 Sénégalais ont, pour l'essentiel, accompli leurs actes de dévotion, à l'exception, bien entendu, de ceux rattrapés par un malaise bénin. Cet effectif est en deçà de celui de l'année dernière, en raison, dit-on, des mesures d'austérité prise par le royaume saoudien à l'endroit des populations locales et des pays environnants qui affluaient chaque année vers le lieu saint. Quelques tracas ont été toutefois notés notamment dans la procédure d'hébergement de certains pèlerins.
Le hadji 2025 a officiellement pris fin au lieu saint de l'Islam, le 8 juin. Cette année, 1.611.310 pèlerins ont effectué le déplacement sur les différents lieux de dévotion dont 12.840 sénégalais. Appréciant la qualité de l'organisation, les fidèles délivrent leur quitus sur la plus-value des innovations majeures qui ont permis aux pèlerins d'accomplir l'essentiel des actes obligatoires.
« Dieu merci cette année, nous avons constaté des innovations majeures dans l'organisation du Hadji. D'abord, les autorités saoudiennes ont opté pour une priorité accordée aux étrangers qui viennent de loin au détriment des populations locales et celles des pays voisins qui effectuaient le hadj chaque année. Cela a rendu fluide la circulation et la mobilité des personnes et des biens malgré la grande affluence habituelle », a déclaré Abdou Khadre Diop le directeur général de Maréga voyage.
Interrogé sur l'exécution des actes obligatoires du pèlerinage, le directeur général de Maréga voyage atteste que « tous les pèlerins du convoi ont accompli leur dévotion à part quelques rares qui ont manifesté des signes de malaise. Et fort heureusement, ils se sont tous remis et nous avons commencé à rattraper progressivement ces actes », rassure Abdou Khadre Diop.
Quant aux pèlerins, primo venants comme ceux habitués du rituel, tous ont salué la qualité de l'organisation « globalement je suis très satisfait de la qualité de l'organisation. De Médine en passant par la Mecque avec le Tawaf suivi de As Safaa et Al Marwa et les autres stations que sont Mina, Mousdalifa et Arafat, nous avons accompli les actes comme il le faut et nous sommes comblés d'avoir effectué ce pèlerinage. Nous souhaitons la paix pour notre cher Sénégal, le développement et la concorde nationale » témoignent les sieurs Doudou Faye, El Hadji Babacar M'bodji, Abdoulaye Racine Kane et la dame Khadidjia. Celle-ci a loué la persévérance des dames sur ce parcours du combattant.
Mais une tâche sur le tableau organisationnel de ce hadji, a été la grogne des pèlerins sénégalais, notamment ceux envoyés par l'Etat, qui ont protesté très vivement face aux impairs dans le dispositif d'accueil. Sur les 12.840 pèlerins, seuls 913 ont pu loger à la zone N°4 et le reste à la zone N°5 jugée moins confortable. Cheick Sidy Fall le responsable de la zone N°5 a déclaré que « ceux qui crient savaient que cette année, la réservation a connu du retard et qu'au demeurant, seule la zone 5 pouvait accueillir le nombre restant ». Il a été conforté dans ses propos par le délégué général au pèlerinage à la Mecque Mamadou Gaye et Abdou Khadre Diop de Maréga voyage.
A l'inverse, le trop-plein de la zone 5 a été évacué à la zone 4, provoquant une saturation sous les tentes climatisées et les box de toilettes. Il importe de relever que cet incident a été très vite clos et les pèlerins ont ont pu poursuivre sans encombre le reste des actes de dévotion.
La délégation sénégalaise des pèlerins en Arabie Saoudite a eu une pensée pieuse pour la mémoire de feu Abdoulaye Nicolas Diop, animateur thématique de l'émission matinale « N'dekki-Li » sur les ondes de la radio Sud FM, rappelé à Dieu le jeudi 05 juin dernier des suites d'une maladie. Le journaliste Moustapha Diop et chroniqueur de renom à la radiotélévision Walfadrj a présenté les condoléances des pèlerins au groupe Sud Communication et à tout le peuple sénégalais « Nicolas était quelqu'un qui avait beaucoup d'estime pour moi et c'était réciproque. Il m'a invité plusieurs fois dans ses émissions. Et pas si longtemps que cela, nous étions à la maison de la presse Babacar Touré en compagnie de Ibrahima Lissa Faye et Abdoulaye M'bow. Nous présentons nos condoléances à tout le groupe Sud Com et prions, ici à la Mecque où nous nous trouvons pour les besoins du pèlerinage, pour le repos de son âme et que Dieu lui accorde le paradis céleste », en s'inclinant devant la mémoire du défunt animateur.
LE CAYOR ET LE BAOL RÉCLAMENT LEURS ROUTES
Brassards rouges au bras, les populations de Darou Bakhoum, Koul et Dinguiraye ont manifesté lundi pour exiger la reprise des travaux routiers abandonnés depuis plus d'un an dans le département de Bambey
À l'appel du mouvement Carrefour Citoyens, les populations de Darou Bakhoum, Koul et Dinguiraye, arborant des brassards rouges, ont battu le pavé ce lundi pour exiger la reprise des travaux sur deux axes routiers cruciaux : Ngaye-Mékhé – Baba Garage (21 km) et Baba Garage – Keur Ngana.
L'arrêt des chantiers depuis plus de douze mois inquiète et irrite dans ces localités enclavées du département de Bambey. La manifestation, encadrée par la brigade de gendarmerie de Baba Garage, s'est déroulée dans le calme mais avec détermination.
Pancartes en main, les protestataires ont réclamé des infrastructures à la hauteur de leurs attentes, scandant : « Le Cayor et le Baol réclament des routes bitumées » ou encore « Nous marchons pour ne pas marcher dans la boue ». Une manière pour eux de rappeler que leur marche n'est ni un caprice ni une manœuvre politique, mais une revendication citoyenne.
Massaer Ndiaye, porte-parole du mouvement Carrefour Citoyens, précise : « Nous ne sommes pas là pour troubler l'ordre public, mais pour réclamer la reprise des travaux de la route Baba Garage – Ngaye Mékhé. Cela fait bientôt un an que tout est à l'arrêt. Pourtant, cette route est vitale, stratégique, essentielle pour notre mobilité, notre accès aux soins, et au développement. »
Selon les manifestants, l'arrêt brutal des travaux coïncide avec la chute du régime de Macky Sall, ce qui laisse planer des interrogations sur les priorités du nouveau gouvernement. Serigne Modou Mbacké, figure religieuse influente de la zone, rappelle de son côté un engagement pris en pleine campagne électorale par Ousmane Sonko, aujourd'hui Premier ministre : « Il nous avait promis l'achèvement de la route. »
Les marcheurs évoquent également une correspondance adressée au ministre des Infrastructures de l'époque, El Hadji Malick Ndiaye. Dans une réponse datée du 11 juin 2024, le ministère assurait que les travaux seraient terminés « au plus tard le 25 mars 2025 ».
À ce jour, non seulement l'échéance est dépassée, mais aucun engin n'a été vu sur les chantiers. Dans les rangs des protestataires, le slogan « Sans carrefour, Carrefour ne cèdera pas » résonne comme un avertissement.
La détermination reste intacte, et les leaders communautaires, à l'instar des chefs religieux présents à la marche, promettent de maintenir la pression jusqu'à la relance effective des travaux.
par Abdourahmane Ba
LA PROMESSE ÉCLIPSÉE DU PROJET PASTEF
L’érosion programmatique s’accentue à mesure que le récit de transformation perd sa centralité. En l’absence de cohérence entre le verbe politique et l’action publique, l’espace de l’innovation se réduit
La victoire politique de Pastef en 2024 n’a pas été une simple alternance. Elle a constitué une reconfiguration profonde des attentes citoyennes à l’égard de l’État. Porté par un projet de société ambitieux, le mouvement a canalisé une crise de légitimité accumulée sous les régimes précédents. La base électorale n’a pas voté pour une structure partisane ou un leader éclairé, mais pour une vision normative articulée autour de la souveraineté, de la justice sociale et de l’intégrité publique.
Le projet proposé s’inscrivait dans une logique de transformation systémique de l’État, bien distincte des approches gestionnaires classiques. À la manière des réformes définies par la gouvernance adaptative, il instaurait une rupture avec les structures d’allocation clientélistes et consolidait la capacité stratégique de l’administration. L’État cessait d’être un simple prestataire de services pour devenir un vecteur de souveraineté démocratique et de justice sociale.
Or, depuis l’arrivée au pouvoir, la distance entre l’ambition affichée et les pratiques gouvernementales s’est creusée. Cette dérive reflète un retour progressif à des logiques anciennes, faute d’ancrage institutionnel du projet. Ce flou entretient la confusion chez les citoyens qui attendaient une refonte du cadre de gouvernance.
La persistance des agences budgétivores illustre cette tension. Aucun plan sérieux n’a été engagé pour les supprimer, les fusionner ou les réorienter. Si le CESE et le HCCT ont été dissous, cela n’a pas débouché sur une stratégie plus large de réduction des dépenses publiques. Les structures inefficaces subsistent, tout comme les dépenses de prestige. Cette continuité brouille le message de rupture et affaiblit la crédibilité du changement promis. Sans réforme structurelle, les institutions tendent à reproduire les anciennes routines et à maintenir des dispositifs incompatibles avec les principes d’austérité et de justice redistributive.
Le défaut de stratégie en matière d’emploi des jeunes constitue un angle mort majeur. Aucun plan structuré, aucun mécanisme de financement ou cadre de suivi n’a été mis en place. Cette lacune affaiblit le lien entre projet politique et politique publique. L’intégration de la jeunesse dans des politiques cohérentes constitue pourtant un pilier de la stabilité démocratique.
Le projet initial ne se réduisait pas à une démarche partisane. Il reposait sur une volonté de refonder le contrat social. La légitimité repose sur le dialogue public et l’engagement collectif. Toute dérive vers une personnalisation du pouvoir ou vers une fidélité partisane contrainte, comme le prélèvement imposé aux hauts fonctionnaires, vide le projet de sa substance républicaine.
L’érosion programmatique s’accentue à mesure que le récit de transformation perd sa centralité. En l’absence de cohérence entre le verbe politique et l’action publique, l’espace de l’innovation se réduit. Cette dynamique ouvre la voie à une résignation citoyenne et à un recul du civisme démocratique.
La relance du projet passe par une redéfinition stratégique des priorités. Il faut définir des objectifs mesurables, des indicateurs vérifiables, et un calendrier d’action crédible. Un développement démocratique progressif exige une articulation claire entre vision, apprentissage institutionnel et innovations ciblées.
L’année 2024 a ouvert une possibilité historique. Elle a permis d’initier une refondation de l’État sur la base d’un mandat populaire fort. Préserver ce legs implique de maintenir une cohérence entre vision, institutions et résultats. Si cette cohérence disparaît, le réveil ne sera pas seulement douloureux, il pourrait sonner la fin prématurée d’une des expériences politiques les plus prometteuses du Sénégal contemporain.
Dr. Abdourahmane Ba est expert International en Politiques publiques, suivi & évaluations et management.
LE SECTEUR PÉTROLIER ANGOISSE
"L'effet réputationnel dévastateur" du conflit Woodside fait trembler l'industrie de l'or noir sénégalais. Les critiques pleuvent contre une approche gouvernementale jugée "trop souverainiste" par les professionnels
(SenePlus) - Le bras de fer entre l'État sénégalais et Woodside Energy cristallise aujourd'hui les craintes du secteur privé face à ce qui est perçu comme un virage souverainiste radical du pouvoir. Ce conflit fiscal autour de 62,5 millions d'euros réclamés au géant pétrolier australien dépasse désormais le simple contentieux administratif pour révéler une fracture profonde entre les ambitions politiques du tandem Faye-Sonko et les réalités économiques du pays.
L'escalade vers l'arbitrage international provoque un tollé dans le milieu des affaires dakarois. "L'attitude des autorités est contre-productive. Leur position trop souverainiste se heurte à ces opérateurs internationaux sans qui le développement des projets d'hydrocarbures ne peut se faire au Sénégal", dénonce avec force un consultant pétrolier interrogé par Le Monde.
Cette critique directe du "souverainisme" gouvernemental traduit une inquiétude grandissante du secteur privé. Pour ce professionnel du pétrole, la stratégie adoptée par les autorités issues du Pastef va à l'encontre des intérêts économiques fondamentaux du pays. "Le signal envoyé est mauvais et l'effet réputationnel dévastateur", martèle-t-il, soulignant les conséquences à long terme de cette approche.
L'embarras des autorités face à cette crise révèle des tensions internes profondes. Le silence obstiné du gouvernement - "ni le porte-parole du gouvernement, ni le ministre des finances, ni le ministre du pétrole n'ont souhaité réagir" aux sollicitations du Monde - "traduit un certain embarras et masque mal les divisions suscitées par cette nouvelle étape, très exposée, du contentieux".
Ces divisions se manifestent ouvertement au sein même des instances pétrolières nationales. Un dirigeant de Petrosen, l'entreprise publique actionnaire minoritaire de Sangomar, exprime sous couvert d'anonymat son désaccord avec la ligne dure adoptée : il appelle "à régler ce différend autour de la table des négociations et non devant les tribunaux", rapporte Le Monde.
Plus révélateur encore, le Comité d'orientation stratégique du pétrole et du gaz (COS-Pétrogaz), directement rattaché à la présidence, "s'agace de la tournure des événements". Cette institution, dont la mission est pourtant de réformer le code des hydrocarbures "pour le rendre plus sexy pour que les majors se précipitent au Sénégal", selon une source proche du dossier citée par le quotidien, se trouve en porte-à-faux avec la stratégie gouvernementale.
L'inquiétude des observateurs porte sur les conséquences économiques de cette approche. Pape Mamadou Touré, spécialiste de la régulation pétrolière internationale, rappelle au Monde un fait crucial : "Le Sénégal cherche toujours des investisseurs pour douze blocs pétroliers offshore." Dans ce contexte, la fermeté affichée contre Woodside Energy apparaît comme un pari particulièrement risqué.
Un pari économique hasardeux
Le consultant pétrolier interrogé par le journal souligne cette contradiction fondamentale : l'État sénégalais se trouve "pris en tenaille entre ses velléités, qui peuvent être légitimes, de renégocier des contrats qui lui étaient défavorables, et un souci existentiel d'attirer des groupes pétroliers".
Cette tension révèle le défi majeur du nouveau pouvoir : concilier ses promesses électorales de renégociation des contrats d'hydrocarbures avec les impératifs économiques d'un pays qui reste largement dépendant des investissements étrangers dans ce secteur stratégique.
L'inquiétude se nourrit également de l'asymétrie temporelle créée par le recours à l'arbitrage international. Mamadou Gacko, avocat spécialisé en arbitrage international, explique au Monde que "une procédure au Cirdi risque de durer au moins deux ou trois ans, peut-être six ou sept". Cette perspective temporelle avantage clairement Woodside Energy face à un État sénégalais confronté à une urgence financière absolue.
Le pays fait face à un "surendettement, note souveraine dégradée, gel du financement du Fonds monétaire international (FMI) à hauteur de 1,8 milliard de dollars ayant pour effet de suspendre d'autres financements comme ceux de l'Union européenne", détaille Le Monde. Dans ce contexte de crise financière, les "marges de manœuvre du Sénégal, extrêmement limitées, contraignent les autorités à multiplier audits et redressements".
L'affaire Woodside s'inscrit dans une démarche plus large qui alimente les préoccupations du secteur privé. Le Monde rapporte que de nombreux grands groupes "du français Eiffage au turc Summa" passent actuellement "sous les fourches caudines des inspecteurs des impôts". Cette systématisation des contrôles fiscaux, perçue comme une conséquence directe du "souverainisme" gouvernemental, renforce l'anxiété des investisseurs.
Paradoxalement, cette politique de fermeté intervient au moment où les premiers résultats pétroliers du pays sont encourageants. L'exploitation de Sangomar, lancée en juin 2024, affiche de bons résultats avec plus de 2 millions de barils extraits chaque mois, selon les données rapportées par Le Monde. Mais cette réussite technique ne suffit pas à rassurer un secteur privé de plus en plus critique envers ce qu'il perçoit comme une dérive autoritaire et contre-productive du nouveau pouvoir sénégalais.
L'enjeu dépasse désormais le simple contentieux Woodside pour questionner la capacité du Sénégal à maintenir un équilibre entre souveraineté énergétique et attractivité économique, dans un contexte où les observateurs s'accordent sur un point : sans les investisseurs internationaux, le développement pétrolier du pays restera un mirage.
MOUSTAPHA DIAKHATÉ CONVOQUÉ À LA DIC
L'ancien député doit se présenter mardi 10 juin à la Division des investigations criminelles pour des déclarations tenues dans la presse. Une convocation qu'il dénonce comme une tentative de musellement de l'opposition
(SenePlus) - Moustapha Diakhaté, ancien député a été convoqué par la Division des investigations criminelles (DIC) pour des déclarations qu'il a tenues dans la presse. L'intéressé l'a annoncé lui-même sur Facebook ce lundi 9 juin, détaillant les circonstances de cette convocation.
Selon les explications de Moustapha Diakhaté, cette convocation fait suite à des propos qu'il avait tenus il y a exactement huit mois, lors d'une précédente convocation par la cybercriminalité. "Le texte que je propose aujourd'hui n'est guère différent de celui que j'avais publié, il y a exactement huit mois, lors de ma convocation par la cybercriminalité", précise-t-il dans sa publication.
L'ancien parlementaire raconte avoir été contacté par téléphone vendredi 6 juin à 10h37 par un fonctionnaire de police, qui lui a demandé de se présenter à la DIC le même jour à 15 heures. Après avoir réclamé les motifs et une convocation écrite, il s'est rendu au commissariat mais a attendu "en vain jusqu'à 15h40" avant d'honorer un rendez-vous prévu de longue date.
La convocation officielle lui a finalement été remise lundi 9 juin à 17h35 par le délégué de quartier, fixant le rendez-vous au mardi 10 juin à 10 heures.
Dans sa longue publication Facebook, Moustapha Diakhaté dénonce ce qu'il considère comme une "politique d'épuration" menée par le pouvoir actuel. Il accuse le régime dirigé par Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko de vouloir "faire disparaître toute vraie opposition, toute presse libre, tout État de droit et toute démocratie pluraliste".
L'ancien député établit un parallèle historique avec l'Allemagne nazie, citant une déclaration d'Angela Merkel : "Les droits de l'homme ne s'imposent pas de soi. La liberté ne va pas de soi et la démocratie ne réussit pas de soi." Il rappelle qu'il n'a fallu que six mois à Hitler pour anéantir la démocratie allemande.
Malgré les pressions, Moustapha Diakhaté affirme sa détermination à poursuivre son combat politique. "1000 convocations, 1000 gardes à vue, 1000 retours de parquets, 1000 mandats de dépôts, 1000 condamnations ne m'empêcheront de prendre ma part du combat contre le pouvoir fasciste", déclare-t-il avec véhémence.
Il conclut sa publication par des formules patriotiques en français et en wolof : "Vive la République ! Dieu Bénisse le Sénégal !" et "Bu dee jotee, ku daw ñaaw !"
Cette convocation s'inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre le nouveau pouvoir et certaines figures de l'opposition, soulevant des questions sur l'état de la liberté d'expression dans le pays.
SÉNÉGAL-CÔTE D'IVOIRE, LE DUEL ÉCONOMIQUE
Dette cachée, déficit budgétaire à 11,7% du PIB : les finances sénégalaises inquiètent les agences de notation. À l'inverse, la Côte d'Ivoire affiche une trajectoire rassurante et s'impose comme le modèle économique de référence en Afrique de l'Ouest
(SenePlus) - Comme lors de leur mythique affrontement en huitième de finale de la CAN 2024 à Yamoussoukro, où les Éléphants l'avaient emporté aux tirs au but face aux Lions de la Teranga, Sénégal et Côte d'Ivoire poursuivent leur duel au sommet. Cette fois, c'est sur le terrain économique que se joue la partie, avec pour enjeu le titre de première puissance francophone d'Afrique de l'Ouest.
La rivalité entre ces deux locomotives de l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (Uemoa) a pris une nouvelle dimension depuis l'élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence sénégalaise en 2024. Selon l'analyse de Jeune Afrique, les deux pays, qui affichaient jusqu'alors "une stratégie de développement semblable", prennent désormais "des directions opposées".
D'un côté, la Côte d'Ivoire d'Alassane Ouattara maintient le cap d'une économie libérale ouverte aux investissements étrangers. De l'autre, le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye mise sur le souverainisme économique, "l'alpha et l'omega de sa politique économique", note le magazine panafricain.
En matière de production de richesse, Abidjan affiche une "confortable longueur d'avance". Les chiffres de 2023 le confirment : avec un PIB de 78,88 milliards de dollars pour 31 millions d'habitants, la Côte d'Ivoire devance largement le Sénégal et ses 30,85 milliards de dollars pour 18 millions d'habitants. L'écart se traduit par 800 dollars de différence en PIB par habitant : 2 506 dollars contre 1 706 dollars.
Cette supériorité ivoirienne s'est construite progressivement. En 2012, rappelle Jeune Afrique, "les deux pays sont au coude à coude et l'écart de PIB par habitant est alors inférieur à 200 dollars". La transformation s'opère sous les mandats d'Alassane Ouattara, quand "la Côte d'Ivoire a profondément transformé son économie et enregistré l'un des taux de croissance les plus rapides et soutenus au monde".
L'économiste ivoirien Séraphin Prao, cité par le magazine, explique cet avantage : "Le premier producteur mondial de cacao peut compter sur ses ressources agricoles et minières. Le secteur minier, qui contribue pour 5 % du PIB, est appelé à se développer fortement à moyen terme grâce à l'ouverture de nouvelles mines."
Le pétrole, atout maître du Sénégal
Mais la donne pourrait changer. Le Sénégal mise sur ses récentes découvertes pétrolières et gazières pour inverser la tendance. Dès cette année, selon les projections du FMI citées par JJA, le pays "devrait afficher la plus forte croissance du continent avec 8,4 %". Séraphin Prao précise : "De vastes gisements de pétrole et de gaz ont été découverts. Les réserves des blocs de Rufisque et de Sangomar sont évaluées à plus d'un milliard de barils de pétrole."
Toutefois, le défi reste colossal pour Dakar. Pour "espérer rattraper la Côte d'Ivoire, le Sénégal va devoir maintenir cette performance pendant au moins une décennie", analyse le magazine.
Sur le terrain des infrastructures, les deux pays rivalisent d'ambition. Au Sénégal, "des infrastructures modernes ont poussé à travers tout le pays", souligne Jeune Afrique. Le train express régional (TER) reliant Dakar à Diamniadio, la ville nouvelle avec son nouvel aéroport international, symbolisent cette modernisation. "Ces dernières années, des centaines de kilomètres d'autoroute ont été construits, le taux d'électrification rurale a été multiplié par deux et dépasse désormais 90 % en zones urbaines."
La Côte d'Ivoire répond présent dans cette course aux équipements. Entre 2011 et 2023, précise le magazine, "le gouvernement affirme avoir investi 2,6 milliards d'euros dans la production, le transport et la distribution d'électricité". L'objectif est ambitieux : "l'intégralité des localités du pays seront connectées d'ici la fin de l'année."
Abidjan témoigne de cette transformation urbaine. Alors que "la capitale économique ne comptait que deux ponts au début des années 2010, il aura fallu moins d'une décennie pour que trois de plus enjambent la lagune Ebrié". Le constat de Jeune Afrique est sans appel : "La Côte d'Ivoire possède le réseau routier le plus développé de la sous-région."
Infrastructures : la course au développement
C'est sur le terrain des finances publiques que l'écart se creuse le plus dangereusement pour le Sénégal. L'agence Moody's, qui plaçait début 2024 "les deux pays ex æquo" avec la même note Ba3, a depuis opéré un bouleversement spectaculaire. En un an, elle a "rétrogradé le pays de trois crans à B3, tandis que Yamoussoukro a vu sa note relevée à Ba2".
Les raisons de cette divergence sont structurelles. Au Sénégal, un audit des finances publiques a révélé "une 'dette cachée' de plus de sept milliards d'euros". Les chiffres du FMI cités par Jeune Afrique sont alarmants : "le déficit budgétaire s'est établi à 11,7 % du PIB tandis que la dette a atteint 105,7 % du PIB" fin 2024.
L'économiste sénégalaise Seydina Alioune Ndiaye, interrogée par le magazine, y voit "la perte de confiance des investisseurs internationaux dans la capacité du Sénégal à honorer ses engagements financiers à moyen terme".
À l'inverse, la Côte d'Ivoire affiche une trajectoire rassurante. Moody's justifie sa note positive par "la résilience économique de la Côte d'Ivoire, soutenue par une diversification économique croissante, des niveaux de revenus en hausse et des perspectives économiques robustes". Dès 2025, "le déficit budgétaire du pays devrait même redescendre en dessous de 3 % du PIB".
Le nouveau cap sénégalais inquiète les observateurs économiques. Seydina Alioune Ndiaye, citée par Jeune Afrique, nuance : "La posture souverainiste qui a conduit à réviser les accords signés et privilégier des partenariats gagnant-gagnant n'est pas mauvaise. Mais il ne faut pas que cette stratégie se transforme en un repoussoir d'investissements directs étrangers (IDE)."
L'enjeu est crucial. En 2023, rappelle le magazine, "le Sénégal était même la première destination de l'Uemoa" en matière d'IDE "avec 2,64 milliards de dollars d'investissements", devançant "le voisin ivoirien" qui "parvenait à attirer 1,75 milliard de dollars".
L'élection présidentielle ivoirienne d'octobre prochain constitue un test pour la stabilité économique du pays. Mais l'agence Fitch Ratings, selon Jeune Afrique, estime que "contrairement à ce qui s'est passé au Sénégal, l'élection n'aura pas de conséquences sur l'activité économique du pays".
Au terme de cette analyse comparative, Jeune Afrique dresse un bilan sans équivoque : "Dans la course à l'émergence, la Côte d'Ivoire a incontestablement pris une longueur d'avance." Reste à savoir si les hydrocarbures sénégalais permettront d'inverser cette tendance dans les années à venir.
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L'ÉVÊQUE QUI RÉCITE LE CORAN
Le Sénégal confirme une fois de plus sa réputation de terre de dialogue interreligieux. À Poponguine, Monseigneur Victoire Ndione a puisé dans la sourate Al-Maidah pour célébrer l'entente exemplaire entre les deux communautés de foi
Lors du pèlerinage de Poponguine, Mgr Victoire Ndione a prononcé un discours remarquable qui illustre parfaitement la coexistence pacifique entre musulmans et chrétiens au Sénégal. L'évêque a notamment récité un passage de la sourate Al-Maidah (sourate 5) du Coran pour souligner les liens d'amitié entre les deux communautés religieuses.
"Tu trouveras certainement que les plus proches des croyants en amitié sont ceux qui disent 'Nous sommes chrétiens'", a déclaré Mgr Ndione en citant le texte coranique, sous les applaudissements de l'assemblée. Il a présenté cette entente sénégalaise comme "un modèle à l'échelle mondiale" et a appelé à ne laisser "personne ni rien perturber cette précieuse proximité".
S'adressant aux pèlerins venus à Notre Dame de la Délivrance, l'évêque a évoqué les nombreux défis auxquels fait face le monde actuel : guerres, catastrophes naturelles, famines, épidémies et déceptions politiques. Il a particulièrement mentionné les souffrances des populations confrontées à l'immigration clandestine et à l'exil, décrivant un "thermomètre du désespoir" en constante augmentation.
Malgré ce constat sombre, Mgr Ndione a appelé à l'espérance, prenant la Vierge Marie comme modèle. Il a insisté sur le fait que l'espérance chrétienne ne doit pas être passive mais "intrinsèquement liée à l'action et à la responsabilité", encourageant les fidèles à ne pas "croiser les bras" face aux problèmes mais à agir avec la conviction que Dieu accompagne leurs efforts.
POPENGUINE HONORE SON FONDATEUR
Les jeunes marcheurs ont rendu hommage au colonel Pierre Faye, tandis que sa famille découvrait avec émotion la pérennité de son initiative
Les jeunes marcheurs du pèlerinage marial de Popenguine ont rendu, dimanche, un grand hommage au colonel Pierre Faye, initiateur de ce grand rendez-vous annuel chrétien, en présence de sa famille émue de voir son œuvre être ainsi perpétuée.
‘’Nous voulons donc dire merci à M. Pierre Faye, et par la même occasion, un grand merci à toute sa famille qui a accepté d’être là ce soir pour vous accueillir, vous les jeunes en son nom, 40 ans après’’, a lancé l’évêque de Kaolack, Monseigneur Martin Boucar Tine.
S’exprimant devant les jeunes marcheurs dont le premier groupe est arrivé au sanctuaire marial aux environs de 14h, le religieux a rappelé qu’‘’en cette édition du jubilé de l’espérance, nous célébrons aussi les 40 ans de la marche du pèlerinage’’.
‘’C’est une occasion de rendre grâce au Seigneur, dire merci au Seigneur pour cette belle initiative, mais également dire merci à ceux qui ont été à la base de cette aventure historique, de cette aventure chrétienne’’, a-t-il ajouté.
La famille de Pierre très touchée
La famille de feu Pierre Faye s’est réjouie de voir son œuvre être perpétuée par les jeunes et l’Eglise.
Devant les marcheurs, la famille marquée par l’émotion a positivement apprécié cet hommage.
Ainsi de sa petite-fille, Christine Awa Bèye. Arrivée au Sénégal depuis deux jours en provenance du Canada, elle ne voulait pour rien au monde manquer cet hommage.
‘’Ça me fait chaud au cœur que tout le monde continue à marcher de telle manière et que ça se pérennise’’, a souligné Christine Awa Bèye, martelant qu’elle ne voulait pas manquer cette occasion choisie pour rendre hommage à son grand-père.
Ami de la famille Faye, Joseph Sarr a dit sa satisfaction pour ce moment d’hommage.
‘’Nous sommes contents, tout heureux d’être là et de voir ces jeunes et moins jeunes continuer de marcher avec autant de joie et d’enthousiasme’’, a-t-il dit.
Le groupe du diocèse de Kaolack, arrivé aux environs de 14h, est le premier à être accueilli au sanctuaire par l’équipe dédiée, composée de Monseigneur Martin Boucar Tine, évêque de Kaolack et du vice-président du Comité national du pèlerinage de Popenguine, père Paul Mandika.
Les marcheurs enthousiastes malgré la fatigue
Marqués par la fatigue, ces jeunes sont heureux d’être présents à cette 137e édition du Pèlerinage marial de Popenguine.
‘’Nous sommes fatigués, notamment à cause du chaud soleil, mais nous sommes très heureux d’être arrivés’’, a déclaré Léon Joseph Samb, de la paroisse cathédrale de Kaolack.
En dépit de la fatigue, il encourage ses camarades et amis restés dans le Saloum, à vivre cette expérience de la marche vers Popenguine.
Gérard Sarr, de la même paroisse, est surtout venu à ce pèlerinage pour des doléances particulières. Elève en classe d’examen, il compte prier pour sa réussite aux différentes épreuves.
‘’Je suis venu déposer mes doléances aux pieds de notre Dame de la Délivrande pour ma réussite. Je suis confiant que maman Marie entendra mes prières’’, a-t-il assuré.
L’abbé Vivien Nadiack a marqué sa joie d’avoir fait le périple, de Dakar à Popenguine, avec les jeunes de sa paroisse de Sainte Cathérine de Sienne de Malika.
PÈLERIN PAR DÉVOTION
Depuis 1981, Lucien Adam Guèye ne rate quasiment jamais le pèlerinage marial de Popenguine. Pour ce retraité de Dakar, cette marche de 137 ans d'histoire reste avant tout un moment de recueillement
Lucien Adam Guèye est un habitué de la marche effectuée à l‘occasion du pèlerinage marial à Popenguine, qui en est cette année à sa 137e édition.
Ce pharmacien à la retraire, pensionnaire de la paroisse Saint Pierre de Baobab de Dakar sacrifie à cette tradition depuis 40 ans.
Arrivé à Popenguine après sa longue marche, le sexagénaire a participé à la prière finale des marcheurs, puis s’est retiré loin du vacarme, avec ses compagnons, pour se reposer et se préparer pour la veillée.
Il a pris départ à la paroisse des Martyrs de l’Ouganda, située dans la commune de Dieupeul, à Dakar, pour se rendre à Popenguine, avec son groupe d’amis constitué de neuf membres.
‘’Cette marche est un moment de recueillement, de prière, de communion avec Dieu et la vierge Marie’’, dit-il. C’est sa foi inébranlable qui, sans doute, fait qu’il ne ressent pas trop de fatigue en dépit de son âge.
Premiers pas vers la marche
Loin de l’image d’une corvée ou d’un ordre imposé, la marche du pèlerin lui est venue de façon spontanée. Lucien Guèye déclare avoir effectué sa première marche de pèlerin en1981.
‘’J’ai commencé à marcher en 1981 et, depuis lors, j’en ai raté que trois, entre 1988 et 1989 à cause du conflit entre le Sénégal et la Mauritanie, et 2020 et 2021 à cause du Covid’’, précise le pharmacien à la retraite.
Il ajoute : ‘’Avec un groupe d’amis, nous avons toutefois organisé une marche restreinte en 2021’’.
Catholique fervent, Lucien Adama Guèye a fait de l’accomplissement de la marche des pèlerins vers Popenguine un point d’honneur. ‘’En 2006, j’ai effectué cet acte de foi à vélo’’, rappelant qu’il a sacrifié à sa première marche en famille.
La marche-pèlerinage à Popenguine est une initiative du défunt colonel Pierre Faye, qui l’a initié, en 1979 ou 1981, selon diverses sources.
Lucien Adama Guèye s’est engagé très jeune au sein de la jeunesse amicale de Saint Pierre. Pour lui, sa dévotion ‘’particulière’’ pour Marie, la mère de Jésus-Christ, a été d’une ‘’grande influence’’ sur lui et son choix à participer à la marche.
‘’Au début, c’était un peu plus un challenge qu’un acte de spiritualité’’, dit-il, rappelant qu’au début, la marche enregistrait une faible participation, mais dans un ordre quasi militaire, puisque son initiateur, le ‘’colonel Faye était lui-même militaire’’.
Une marche spirituelle
S’exprimant sur la préparation physique et spirituelle de cette marche, ce pensionnaire de la paroisse Saint Pierre de Baobab signale qu’à son âge, il se prépare pendant une dizaine de jours, marchant entre 12 et 17 kilomètres, pour être en forme le jour du départ.
‘’Ce qui m’intéresse, c’est le côté spirituel de la marche avec une dévotion particulière à Marie, grâce à qui beaucoup de choses dans ma vie se sont passées’’, lance-t-il.
‘’Je vous donne un petit témoignage : je revenais d’un voyage au cours duquel j’avais tout dépensé et j’ai dit à maman Marie, je n’ai aucun moyen pour participer à la marche cette année, mais je laisse tout entre tes mains et voilà que ma sœur m’appelle pour me payer le billet et l’un de mes frères me donne l’argent de poche’’, raconte-t-il.
Cette passion, il l’a aussi transmise à son épouse et ses enfants. ‘’Avec ma femme on a eu à faire deux ou trois marches ensemble, mais avec la maternité, elle n’a pas pu continuer. J’ai eu à marcher aussi avec mon fils et ma fille. Donc, c’est une dévotion que je partage’’, indique Lucien Adam Guèye
Ce fervent marcheur qui ne rate aucune occasion pour faire des éloges à la sainte Vierge Marie.
A chaque génération son histoire
Si pour l’ancienne génération, la marche est un moment de recueillement récitant le rosaire, priant pour les malades, la nouvelle génération, quant à elle, se préoccupe plutôt de l’aspect sportif et festif du pèlerinage.
‘’Nous faisons durant notre parcours des chapelets médités de quatre mystères glorieux, lumineux, douloureux et joyeux avec des textes déjà préparés. On prie pour les malades, les autorités étatiques, ceux qui sont dans les épreuves, etc.’’, fait-il savoir
Les jeunes, qui constituent la majorité des marcheurs, sont, semble-t-il, moins conscients de l’exercice spirituel de la marche, selon Lucien Adam Guèye.
‘’Pour eux, c’est plus l’aspect festif, sportif, faisant que l’aspect spirituel a tendance à diminuer’’, se désole-t-il, appelant toutefois, les organisateurs à y prêter attention.