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15 août 2025
LE F24 ENTRETIENT LES NATIONS UNIES SUR LA SITUATION POLITIQUE AU SÉNÉGAL
La plateforme des Forces vives du Sénégal annonce avoir remis au bureau régional à Dakar du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) un « mémorandum sur l’état de la démocratie et des droits de l’homme dans le pays »
La plateforme des Forces vives du Sénégal F24 annonce avoir remis au bureau régional à Dakar du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) un « mémorandum sur l’état de la démocratie et des droits de l’homme au Sénégal » et l’avoir entretenu du « traitement réservé à l’opposant Ousmane Sonko [et à] 1.062 autres citoyens détenus pour leur opinion ou leur appartenance politique ».
« Une délégation de F24 conduite par son coordonnateur, Mamadou Mbodj, a rencontré, ce mardi 29 août 2023, le bureau régional du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, représenté par monsieur Ayeda Robert Kotchani », déclare la plateforme dans un communiqué parvenu à l’APS.
« Etaient présents à cette rencontre Aliou Sané, Yolande Camara, Me Abdoulaye Tine, Aminata Touré et Fatou Blondin Diop », affirment ses leaders.
Le communiqué de la plateforme réunissant des partis politiques et des organisations de la société civile ajoute que le représentant régional du HCDH, Ayeda Robert Kotchani, accompagné de plusieurs membres de l’institution, « a salué l’initiative avant de recevoir des mains du coordonnateur de F24 le mémorandum sur l’état de la démocratie et des droits de l’homme au Sénégal ».
Ce document a été « produit » par ladite plateforme, précise la même source.
Elle ajoute que « la délégation a aussi, par une lettre, attiré l’attention de la représentation diplomatique du traitement réservé à l’opposant Ousmane Sonko [et à] 1.062 autres citoyens détenus pour leur opinion ou leur appartenance politique ».
Des rencontres avec des institutions internationales, des représentations diplomatiques et des guides religieux
« Cette rencontre marque le démarrage d’une série » que la plateforme F24 aura « avec des institutions internationales, des représentations diplomatiques et des guides religieux », affirme le communiqué.
Ousmane Sonko, arrêté le 28 juillet, a été inculpé d’appel à l’insurrection, d’association de malfaiteurs, d’atteinte à la sûreté de l’État et de complot contre l’autorité de l’État.
L’opposant placé sous mandat de dépôt le 31 juillet est également accusé par le parquet de Dakar d’actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves, d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et de vol.
Le jour de son inculpation, le ministre de l’Intérieur, Antoine Diome, a annoncé la dissolution de son parti.
« Pastef […] a fréquemment appelé ses partisans à des mouvements insurrectionnels », a argué M. Diome, ce que les responsables de ladite formation politique et ses militants ne cessent de nier.
M. Sonko, aujourd’hui en grève de la faim en prison, était classé troisième à l’élection présidentielle de 2019, derrière l’ancien Premier ministre Idrissa Seck et Macky Sall, qui s’est fait réélire.
Pastef-Les patriotes et d’autres formations politiques constituent l’un des principaux groupes parlementaires de la législature élue le 31 juillet 2022.
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NIGER : LE RAIDISSEMENT GÉNÉRALISÉ
Chassée de partout pourquoi la France s’accroche-t-elle au Niger ? Comment répliquera le quatuor Niger, Mali, Burkina Faso et Guinée ? Pourquoi le Burkina s’attaquera-t-il au Bénin? Quid du Mali qui a une frontière avec la RCI ? Décryptage du Colonel ADJE
Quatre pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest affûtent leurs armes pour une éventuelle intervention militaire au Niger pour, prétendument, rétablir l’ordre constitutionnel, réinstaller Bazoum dans ses fonctions pour faire démocratie. Il s’agit du Nigeria en tête, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Sénégal. Mais ont-ils évalué les conséquences incommensurables que peut engendrer cette intervention ?
D’ailleurs le quatuor composé de la Guinée, du Burkina Faso et du Mali se sont dits prêt à se joindre au Niger afin de répondre à cette attaque et contrairement à ce que l'on pensent peuvent faire mal dans la réplique. Dans la suite de l’entretien accordé à AfricaGlobe Tv, le colonel Mamadou Adje, stratège militaire fait une analyse de ce que peut être cette attaque.
Non seulement cette situation s’internationalise, mais ça ne manquera pas d’être un scénario apocalyptique. Dans la réplique aux forces de la CEDEAO, le quatuor Niger, Burkina et Guinée et Mali ne se contenteront pas de troupes qui sont sur son sol, les aéroports nigérians proches du Niger seront attaqués par le Niger, le Burkina Faso s’occupera du Bénin par le nord-ouest et ainsi de suite.
Dans quoi alors la CEDEAO s’engage-t-elle ? Quand bien même elles auraient quelques puissances militaires, il faut se rendre compte de ce que ces dernières années, le quatuor s’est bien équipé militairement.
S'agissant du coup d'État en question le colonel Adje estime qu'il est symptomatique de l'effritement de l'influence française en Afrique qu'il prédisait d'ailleurs depuis un an. Et si elle s'accroche malgré les ultimatums, c'est de bonne guerre. Dans cette crise, le colonel Mamadou note et à juste titre que de part et d'autre, il y a une sorte de radicalisation : le Général Tchani qui demande à l'ambassadeur de France de quitter Niamey, l'Élysée qui demande que l'ambassadeur la Cedeao qui gesticule dès le début et qui mobilise ses forces en vue d'une intervention.
Sur un autre point le colonel estime que ces épidémie de coup d'État relève une certaines mauvaises structuration ou restructuration des armées africaines. En effet l'on peut constater que dans la plupart des cas, les coup d'État sont opérées par les gardes présidentielle.
Voici donc une raison suffisante pour en finir avec ces gardes présidentielles qui sont peu ou prou une armée dans l'armée. Aussi, les autres pays garderaient à s'inspirer un peu du Sénégal où l'armée est organisée de sorte à être un agent de développent et que chaque soldat se sente utile. Toute chose qui inhibe selon lui, toute tentative de prise de pouvoir par la force.
MIMI TOURÉ, L'INTRÉPIDE
Athlète, basketteuse, judoka, Aminata Touré a appris l’art de faire face aux adversités les plus féroces. La ‘’bourreau’’ de Karim Wade devra se montrer résiliente face aux coups à venir de toutes parts dans le cadre de la présidentielle de 2024
Athlète, basketteuse, judoka, Aminata Touré a appris l’art de faire face aux adversités les plus féroces. Ancienne militante de la Ligue communiste des travailleurs (LCT), directrice de campagne de Landing Savané en 1993, à l’âge de 31 ans, la ‘’bourreau’’ de Karim Wade devra être endurante pour supporter les coups qui ne manqueront pas de venir de toutes parts : BBY, PDS, sans être assurée de pouvoir compter sur ses nouveaux coéquipiers de Yewwi Askan Wi, de l’ex-Pastef et de F24.
Elle a été révélée à la jeune génération en 2011-2012, à la veille de l'élection présidentielle. Ancienne directrice des Droits humains au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), Aminata Touré décidait de tout abandonner pour répondre à l'appel de la patrie, dans un contexte de bouillonnement politique. Elle avait choisi de miser sur le candidat pour lequel peu d’analystes, pour ne pas dire aucun, prédisaient un destin présidentiel. Avec beaucoup d'humilité, elle précise : ‘’Je dois dire que l’initiative était venue de moi. J’avais pris l’initiative de le contacter pour lui apporter mon soutien. Avant, je le connaissais très rapidement quand il était au PDS (Parti démocratique sénégalais). Une fois on s’était rencontré aux Nations Unies brièvement.’’
Désignée comme directrice de campagne, Mimi signait ainsi son come-back dans l’arène politique sénégalaise, après plusieurs années passées dans le système des Nations Unies, où elle a occupé différents postes, de la base jusqu’aux sommets, en tant que directrice du Département des droits humains.
En effet, même si, pour la nouvelle génération, elle peut paraitre une illustre inconnue, Mimi est loin d’être une novice. En 1993 déjà, alors qu’elle avait seulement 31 ans, elle était directrice de campagne du candidat d’AJ/PADS, Landing Savane. Pour une femme, c'était déjà une prouesse dans le Sénégal de l'époque.
Nostalgique, elle revient sur cette étape décisive dans son parcours politique. ‘’En 2012, c’était, en effet, la deuxième fois que je faisais office de directrice de campagne. Je l’ai été pour la première fois avec Landing Savané qui, comme vous le savez, est un maoïste. J’avais à l’époque 31 ans’’.
En fait, Mimi était déjà une politicienne aguerrie, forgée dans la bonne vieille école de la gauche sénégalaise. C'est dans les années 1970, alors qu'elle avait à peine 14 ans, que la petite Aminata commençait son apprentissage de la politique. D’un père médecin et d’une mère sage-femme, elle a commencé à nourrir cette fibre militante en classe de 4e, grâce notamment au contact avec son professeur d’histoire et géographie Ibrahima Diagne. Y avait-il quelque chose qui la prédestinait à la chose politique ? Elle rapporte : ‘’Peut-être. J’ai toujours eu une aversion pour l’injustice. C’est ma nature. Et dès que j’ai rencontré le cadre intellectuel adéquat, je m’y suis intéressée. Avec mon professeur d’HG, on a été initié aux grandes luttes de l’émancipation – ça faisait partie du programme. L’histoire des révolutions m’a tout de suite passionnée.’’
Avant AJ, elle a été dans la très peu connue Ligue communiste des travailleurs (LCT), fondée en octobre 1976, devenue Mouvement pour le socialisme et l’unité (MSU) et qui fusionnera en 1988 avec le Mouvement démocratique populaire (MDP) de Mamadou Dia.
Avec la chute du Mur de Berlin en 1989, certains clivages gauche-droite ont disparu, mais le socle de l’engagement de l’ancienne PM est demeuré. Une vie de gauche qui semble la différencier fondamentalement de ses camarades de l’APR, dont la plupart sont issus surtout des flancs du PDS qui est un parti libéral. Le long du compagnonnage, Mimi rencontrera toutes sortes de difficultés, de crocs-en-jambe... D’un air moqueur, elle déclare avec le sourire : ‘’Je crois que l’APR est un cas spécifique qui mérite d’être étudié. Voilà des gens qui croient que faire de la politique, c’est combattre son frère de parti, pas l’adversaire qui est en face. Je pense qu’ils doivent retourner à l’école, pour être formés. Moi, je ne viens pas de cette tradition politique ; je viens d’une tradition de gauche, où la fraternité a un sens, où les débats sont contradictoires. Et de nos divergences naissent de grands accords qui nous permettent d’aller de l’avant. C’est comme ça que je conçois les choses’’.
Départ de l’APR
Pour autant, Mimi n’accepte pas d’avoir quitté l’APR de son plein gré. On l’a fait quitter parce qu’elle avait des divergences de points de vue. Un parti, pense-t-elle, ‘’ce n’est pas l’armée, ce n’est pas l’embrigadement, surtout quand on est intellectuel. Ce n’est pas parce que le chef a dit quelque chose que tout le monde doit être d’accord et que personne ne dépasse… Je n’ai vraiment pas la même perception’’, peste-t-elle avec toujours le même franc-parler.
Sur la 3e candidature qui, à l’en croire, a été la contradiction de trop, à la base de son éviction de l’Assemblée nationale, Mimi est convaincue que c’est en partie grâce au combat qu’elle y a consacré avec les Sénégalais que Macky Sall y a finalement renoncé, mais il avait la ferme intention de se représenter. Avez-vous alors été agréablement surprise le 3 juillet (lors de la déclaration de non-candidature) ? Elle : ‘’Non, aucun sentiment particulier. J’ai juste été satisfaite d’avoir obtenu une victoire. La question n’aurait jamais dû se poser. Ensemble, nous avons combattu le troisième mandat de Wade en 2012. D’autant plus qu’il y a des gens qui ont perdu la vie dans ce combat.’’
À l’Alliance pour la République, le discours est tout autre. Mimi, en fait, aurait juste mal digéré son éviction. ‘’En vérité, disait Farba Ngom sur le plateau de la 7TV, Mimi a même eu à défendre le deuxième quinquennat devant le président de la République, même si Macky Sall lui-même ne croyait pas en sa sincérité. À l’époque, elle lorgnait juste le poste. Je ne sais pas si sa position actuelle aurait été la même si on lui avait confié l’Assemblée nationale. Franchement, je ne saurais le dire’’. À propos de son engagement militant aux côtés du président de la République, Farba Ngom avait tenu à préciser : ‘’Elle n’était pas venue mettre ses compétences gratuitement au service de Macky Sall. Elle travaillait et on la payait. Ce n’était pas un engagement gratuit, comme nous autres qui avons tout misé sans contrepartie… Je dois aussi dire qu’elle est une excellente stratège politique. Il faut la lui reconnaitre. Ce n’est pas parce qu’on a un différend que je ne vais pas lui reconnaitre ses qualités. Elle est fine stratège, elle est très courageuse et elle sait se battre.’’
À l’Alliance pour la République et à Benno Bokk Yaakaar, ce sont les hommes qui se couchent, c’est Mimi qui élève la voix, debout, droite dans ses bottes.
Sportive dans l’âme, la Saloum-Saloum a en effet appris à faire face aux adversités les plus féroces. Athlète, basketteuse, judoka, elle a pratiqué plusieurs sports dans sa jeunesse. D’où peut-être elle tient son ‘’fighting spirit’’. Un brin provocateur, la militante des droits des femmes lance une pierre aux hommes : ‘’Aucun de ces hommes n’avait osé dire la vérité au président Macky Sall (elle rit). Après avoir défendu partout que le président Macky Sall a droit à un 3e mandat, quand il a déclaré qu’il ne sera pas candidat, ils se sont mis à chanter ses louanges pour saluer la décision... Vous voyez comme les gens peuvent être versatiles ! Et c’est pour ces raisons que les gens ont une certaine perception négative de la chose politique’’.
Ministre de la Justice au début de la seconde alternance, Mimi devient très vite la coqueluche d’une bonne partie de l’opinion. Deux dossiers ont largement contribué à sa notoriété : affaire Karim Wade et affaire Hissène Habré. La dame de fer, par moments, fait même de l’ombre au président de la République. Se permettant parfois de se désolidariser publiquement de certaines décisions rendues publiques par le porte-parole du gouvernement, à l’époque Abdou Latif Coulibaly. Dans un Sénégal où les populations étaient assoiffées de justice, Mimi tenait ainsi le bon bout. Contraint, pressé de toutes parts, Macky Sall finit par arbitrer en faveur de sa ministre de la Justice ; un grand camouflet pour le porte-parole de son gouvernement désavoué. Aujourd’hui encore, Mme Touré persiste et signe : ‘’Si c’était aujourd’hui, je serais encore aussi radicale. On ne doit pas transiger pour des infractions sur des deniers publics. Pourquoi nos jeunes prennent la mer par centaines, voire par milliers, c’est parce qu’ils n’ont aucune perspective économique sur leur avenir. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de perspectives, parce qu’il n’y a pas de ressources… Le gros problème de l’Afrique, c’est la corruption et c’est ce qui est à l’origine de beaucoup de nos maux. Et si on considère que c’est le plus gros problème, il faut y apporter des solutions appropriées. Mais ça n’a rien de personnel.’’
Croisade contre la mal gouvernance
Paradoxalement, Mimi défenseure de la justice dans l’affaire Karim Wade qu’elle a conduite de main de maitre, aphone sur l’exclusion de Khalifa et de Karim lors de la Présidentielle de 2019, enfile aujourd’hui la robe pour défendre avec véhémence Ousmane Sonko, n’hésite pas à charger la justice et s’érige en bouclier contre l’exclusion de candidats. À ceux qui seraient tentés de l’accuser de changer de discours par pur opportunisme, elle rétorque : ‘’Les chefs d’accusation ne sont pas les mêmes. Il ne faut pas non plus mélanger les serviettes et les torchons. Les faits sont différents… Dans cette affaire (Karim Wade), il ne s’est pas agi d’instrumentalisation de la justice. Les gens ont été traduits en justice pour des faits bien précis.’’ L’ancienne ministre de la Justice d’ajouter : ‘’Encore une fois, ça n’a jamais été personnel ; c’est le PDS qui a voulu en faire un faux argument parce qu’ils sont allés se réconcilier avec le président Macky Sall. Il fallait bien qu’ils servent un argument à leurs militants qui sont des opposants radicaux depuis toujours. Une fois qu’ils ont fait leurs arrangements en haut, il fallait bien trouver des alibis.’’
Au Parti démocratique sénégalais, ce discours a du mal à prospérer. Pour les partisans de Karim Wade, il ne fait l’ombre d’un doute que Mimi s’est impliquée personnellement pour faire mal à Karim en instrumentalisant l’institution judiciaire. ‘’Vous savez, quand on a perdu le pouvoir, le président Macky Sall avait lancé tous les corps de contrôle pour fouiller la gestion de Karim, mais ces derniers n’ont rien trouvé. Madame Aminata Touré est venue dépoussiérer la Crei pour pouvoir atteindre Karim Wade et le PDS. Elle s’est personnellement impliquée pour nous faire mal. Et c’était pour sa promotion personnelle. Nous qui l’avons vécu dans notre chair, nous savons quel rôle elle a eu à jouer dans cette affaire’’, se défendait dans ‘’EnQuête’’ la responsable de la communication du PDS, Nafissatou Diallo, suite à l’approbation de la destitution d’Aminata Touré de son poste de député.
Une chose est sûre, Mme Touré était ainsi devenue, grâce à ce dossier (Karim Wade), scrutée aussi bien sur le plan national qu’international, l’un des personnages les plus importants du régime. À la fois puissante et gênante, elle était également forte du soutien populaire des Sénégalais. À tel enseigne que certains avaient déjà vu sa promotion comme Première ministre comme un cadeau empoisonné pour mieux l’abattre. Nommée PM le 1er septembre 2013, elle est limogée le 4 juillet, soit 10 mois seulement après.
Mimi devint ainsi la détentrice du record du Premier ministre qui a le moins duré au poste depuis au moins 2000, pour ne pas dire de toute l’histoire du Sénégal. Pour justifier le limogeage du chantre de la bonne gouvernance, il est invoqué sa défaite aux élections locales de 2014, face au tout-puissant maire sortant Khalifa Ababacar Sall.
Sacrifiée selon beaucoup d’observateurs, Mimi prend ses distances et commence ses critiques contre le régime. Comme lot de consolation, elle sera nommée envoyée spéciale du président de la République en février 2015, poste honorifique qui ne signifie pas grand-chose aux yeux de nombre de Sénégalais.
Pour quelqu’un qui a été numéro 2 du régime, c’était loin d’être gratifiant. Mais la dame de fer l’accepte et fait profil bas. En 2019, à la faveur de l’élection présidentielle, Mimi revient en force en tant que patronne de l’équipe de campagne. Comme en 2012. Suite à la victoire du président au premier tour, elle retrouve encore un poste jugé à la dimension de son apport au sein du parti au pouvoir. Elle sera nommée présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese), en remplacement d’Aminata Tall.
À ce poste, Mimi fait un peu mieux qu’à la primature, avec 17 mois. Limogée pour céder la place au nouvel allié Idrissa Seck, la ‘’rebelle’’ entre à nouveau dans le maquis et multiplie les critiques contre le régime du président Sall. C’est là qu’elle commence à se mêler au débat sur une éventuelle troisième candidature, avant d’accepter plus tard de rentrer à nouveau dans les rangs, en tant que coordinatrice nationale du pôle parrainage à Benno Bokk Yaakaar, ensuite tête de liste de la majorité présidentielle.
Au sortir de ces élections, alors qu’elle s’attendait à être portée à la tête de l’Assemblée nationale, elle fut lâchée par ses pairs et par le président. C’en était trop. Mimi se radicalise et prend son destin en main.
À la question de savoir si elle ne s’est pas sentie trahie, elle rétorque : ‘’En politique, les sentiments n’ont pas beaucoup d’importance. Ce n’est pas un jeu pour âmes sensibles. Mais je pense que fondamentalement, ce qu’il faut, c’est de la conviction, de l’engagement et toutes les qualités de la vie… Être politique ne signifie pas être sans valeur. C’est en tout cas ma conception.’’
Ambitions présidentielles
Née le 12 octobre 1962 à Dakar, Aminata Touré passe l’école primaire à Tambacounda où son père a été affecté, avant de rejoindre le lycée Gaston Berger de Kaolack après l’entrée en 6e, puis au lycée Van Vollenhoven de Dakar où elle a obtenu le baccalauréat. En France, l’ancienne lauréate du Concours général s’oriente en sciences économiques ; ce qui est un grand apport dans son parcours de femme politique. Les sciences économiques, selon elle, c’est fondamental dans la gestion de l’État. ‘’Être économiste, c’est une perspective qui permet à chaque être humain de pouvoir se loger, de pouvoir se nourrir, de remplir son objectif économique. C’est ça l’économie, au fond. Et c’est une science qui a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on parle de sciences socioéconomiques. Parce qu’on s’est bien rendu compte qu’il y a la psychologie, le droit, la sociologie... Et tout ça, on en a besoin. Et je crois que c’est ce qui a manqué au président Macky Sall qui est fondamentalement géologue. Cette dimension sciences sociales lui a beaucoup manqué, à mon avis. C’est pourquoi, par exemple, il y a un déphasage total entre lui et sa jeunesse qu’il a du mal à comprendre’’.
Candidate à la Présidentielle de 2024, Mimi souffre cependant d’un défaut de base électorale. Mais elle donne souvent l’exemple de Macky Sall qui habite Mermoz à Dakar (même s’il vote à Fatick) et qui ne gagne pas dans l’école la plus proche de chez lui.
En sus de la bonne gouvernance qu’elle espère au cœur de la campagne, Aminata Touré accordera aussi une grande importance à l’investissement humain. ‘’Si je devais faire une critique de ces 11 ans, c’est qu’on n’a pas fondamentalement su faire la balance entre l’investissement infrastructurel et l’investissement humain. On n’a pas pensé à la construction du Sénégalais dans 10 ans, dans 20 ans, même si c’était dans le Yoonu Yookute... Pour ce faire, la culture est fondamentale. Mais sous nos cieux, quand vous nommez quelqu’un à la Culture, il pense qu’on l’a sanctionné. C’est d’ailleurs ce qui nous différencie des Chinois, par exemple. Il faut en revenir aux valeurs, aux fondements de notre société : le ‘ngor’, le ‘jom’… Construire le citoyen. Je crois que c’est le chantier. Il faut qu’on soit bienveillant les uns les autres’’.
En tant que femme candidate, l’ancienne tête de liste de BBY croit fort en son étoile pour la Présidentielle de 2024. Pour elle, être femme n’est plus un obstacle au Sénégal pour occuper certains postes. ‘’Je le crois très sincèrement pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’on a eu des exemples à la base. Il y a des femmes qui ont battu des hommes. J’aime bien citer l’exemple de Mahécor Diouf à Guédiawaye ; elle avait en face le frère du président, une ministre de la Jeunesse, un DG puissant : elle les a battus. Je pense que les Sénégalais sont plus intéressés par les profils que par les sexes. Ce qui est important, c’est surtout de connaitre le Sénégal, d’avoir de l’éthique’’.
Quand je serai présidente…
Si elle devient présidente, Mimi promet d’accorder une place importante à la Jeunesse qui constitue 70% de la population. Une frange dont les aspirations n’ont jamais été correctement prises en charge, selon elle par les différents régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance. ‘’L’État n’a jamais pris la question de la Jeunesse au sérieux. À quelques exceptions près, le ministre de la Jeunesse a toujours été le moins diplômé ; c’est une indication.’’
Cela dit, même si elle constate l’échec de l’État dans la crise actuelle de la Jeunesse, Amina Touré estime que les parents ont également leur part de responsabilité. ‘’On se retrouve avec une jeunesse sur qui on veut faire reposer des responsabilités qui ne sont pas les siennes. Les jeunes paient les irresponsabilités sociales et familiales. Un jeune de 22 ans, 25 ou 30 ans il n’a pas vocation à nourrir sa famille, à s’occuper de sa mère, de ses sœurs. Ça, c’est le rôle du chef de famille. Les jeunes doivent mener leur vie, jouer au football... C’est vraiment trop de pression qu’on met sur la tête des jeunes’’, a-t-elle relevé, réagissant sur le fléau de l’émigration irrégulière.
Ancienne directrice des droits humains au FNUAP, Mme Touré est aussi une défenseure de la planification familiale ‘’volontaire’’. Pour elle, il faut amener les parents à planifier leurs naissances de manière volontaire. ‘’Ce n’est pas antinomique avec l’Islam, c’est ce que fait le Maroc, la Tunisie, même l’Arabie saoudite’’, justifie-t-elle.
L'ALGÉRIE PROPOSE UN PLAN DE TRANSITION DE SIX MOIS AU NIGER
Alger propose des discussions politiques "pendant six mois au maximum (...) avec la participation et l'approbation de toutes les parties au Niger sans exclusion", sous la tutelle d'une "autorité civile dirigée par une personnalité consensuelle
L'Algérie a proposé aux militaires qui ont pris le pouvoir au Niger "un plan de transition de six mois" avant un retour à l'ordre constitutionnel et démocratique, au lieu des trois ans qu'ils ont suggérés, a indiqué son chef de la diplomatie mardi.
Le nouvel homme fort du Niger le général Abdourahamane Tiani a appelé à "une période de transition qui durerait au maximum trois ans", a rappelé le ministre des Affaires étrangères algérien Ahmed Attaf, lors d'une conférence de presse à Alger. "Mais à notre avis, le processus peut être terminé en six mois, de manière à ce que le coup d'Etat (en cours, ndlr) ne devienne pas un fait accompli", a-t-il ajouté.
M. Attaf était à peine de retour d'une tournée dans trois pays de la Cedeao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest): Nigeria, Bénin et Ghana. Le numéro deux de son ministère, Lounes Magramane, s'était rendu en parallèle à Niamey où il a pu s'entretenir avec le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine. Mais il n'y a pas rencontré le président déchu Mohamed Bazoum, a indiqué M. Attaf.
Le chef de la diplomatie n'a pas précisé si M. Bazoum ferait partie ou pas du plan de transition proposé par l'Algérie. Alger propose des discussions politiques "pendant six mois au maximum (...) avec la participation et l'approbation de toutes les parties au Niger sans exclusion", sous la tutelle d'une "autorité civile dirigée par une personnalité consensuelle et acceptée par tous les bords de la classe politique", afin de conduire au "rétablissement de l'ordre constitutionnel dans le pays", selon M. Attaf.
Le ministre a répété l'opposition de l'Algérie, qui partage près de 1.000 km de frontières avec le Niger, à toute intervention armée chez son voisin. "Nous rejetons une solution militaire, comment pourrions-nous autoriser l'utilisation de notre espace aérien pour une opération militaire ?", a souligné le ministre. Le président Tebboune a fait savoir le 6 août qu'il refusait "catégoriquement toute intervention militaire" extérieure au Niger qui représente, selon lui, "une menace directe pour l'Algérie".
Après le renversement le 26 juillet du président nigérien Bazoum, élu en 2021, la Cedeao a annoncé le 10 août son intention de déployer une force ouest-africaine "pour rétablir l'ordre constitutionnel au Niger". M. Attaf a mis en garde contre les "effets catastrophiques" d'une solution militaire qui risque de "pousser des milliers de Nigériens sur la voie de la migration", estimant qu'un nouveau conflit dans la région pourrait constituer "un incubateur supplémentaire pour le terrorisme et le crime organisé".
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IL Y A UNE CONSPIRATION ANTIDÉMOCRATIQUE EN COURS AU SAHEL
Le romancier guinéen Tierno Monénembo estime que « tout doit être fait pour décourager les coups d’État en Afrique », ajoutant que laisser faire pourrait conduire à un point de non-retour - ENTRETIEN
Le romancier guinéen Tierno Monénembo a signé une tribune dans les pages de l'hebdomadaire français Le Point où il estime que « tout doit être fait pour décourager les coups d’État en Afrique ».
Faut-il aller jusqu'à une intervention armée de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ? Comment doit évoluer la relation des États africains avec la France ?
Entretien avec Tierno Monénembo.
POUR LE PASTEF, C'EST SONKO OU RIEN
Dans l'entourage de l'opposant, la volonté de se battre demeure. Selon ses proches, le maire de Ziguinchor pourrait toujours être candidat à la présidentielle de 2024, même depuis sa détention, bien qu'il ne puisse pas mener une campagne active
Selon un article publié par RFI le 28 août 2023, la situation politique dans le pays met en lumière l'incertitude entourant la candidature d'Ousmane Sonko, un opposant majeur, pour l'élection présidentielle de 2024. Alors qu'il a été condamné à deux reprises, emprisonné pour de nouveaux motifs et en grève de la faim depuis un mois, sa position semble affaiblie. Cependant, malgré ces défis, son parti, le Pastef, maintient son optimisme et ne discute pas encore d'un plan de remplacement pour la course présidentielle de février prochain.
El Malick Ndiaye, le responsable de la communication du Pastef, dissous en juillet dernier, affirme que le parti a encore des stratégies à mettre en œuvre. Les partisans d'Ousmane Sonko restent loyaux envers leur leader et ont l'intention de former une "coalition Sonko" après la célébration de la fête du Magal de Touba, le 4 septembre.
Dans l'entourage d'Ousmane Sonko, la volonté de se battre demeure. Bien que la radiation de leur candidat des listes électorales ait été confirmée par une source préfectorale, les partisans contestent cette décision, affirmant n'avoir reçu aucun document à ce sujet. Selon eux, Ousmane Sonko pourrait toujours être candidat, même depuis sa détention, bien qu'il ne puisse pas mener une campagne active. Ils ont l'intention d'utiliser tous les moyens légaux pour maintenir sa candidature sur les listes et pour contester la dissolution du parti Pastef. Des démarches ont déjà été entreprises auprès de la Cour suprême sénégalaise et de la Cédéao, entre autres instances.
Même si le Pastef n'annonce pas officiellement de plan de remplacement, une source au sein du parti suggère que d'autres candidats pourraient être envisagés. Cependant, la situation actuelle ne requiert pas cette mesure, car Ousmane Sonko est considéré comme "robuste". Selon cette même source, le Pastef restera engagé dans la course présidentielle, de manière ou d'autre, soulignant ainsi la détermination du parti malgré les obstacles.
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POURQUOI L'ARABIE SAOUDITE RECRUTE-T-ELLE DES DIZAINES DE STARS DU FOOT ?
Le monde du foot a vu nombre de stars, dont certaines en préretraite, finir leur carrière dans des destinations exotiques : Russie, Chine, Inde… Mais les investissements saoudiens s’inscrivent dans une politique qui dépasse très largement le sport
Arthur Eryeh-Fort et Mélody Da Fonseca |
Publication 29/08/2023
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Avec son transfert à Al-Hilal le 15 août valorisé à 90 millions d’euros, Neymar rejoint la désormais longue liste de stars du football jouant dans le championnat saoudien. Et si les clubs d’Arabie saoudite sont en mesure de dépenser autant d’argent, c’est parce que les quatre principaux ont été rachetés en juin par le fonds souverain saoudien (Public Investment Fund, PIF), financé par l’exploitation pétrolière dans le pays. Ce rachat et ces investissements répondent au plan Vision 2030, une politique décidée par Mohammed Ben Salman, premier ministre et dirigeant de facto du royaume.
Dans cette vidéo, nous expliquons que si l’un des objectifs est de faire de l’Arabie saoudite une place forte et influente du sport, il répond aussi à plusieurs enjeux politiques : l’économie et la modernisation de la société. Après l’important coup de projecteur sur son voisin qatari, organisateur de la Coupe du monde 2022, l’Arabie saoudite veut aussi le sien.
Si vous voulez en savoir plus sur le sujet, nous vous renvoyons à l’enquête ci-dessus.
VIDEO
NIGER : "CE RESSENTIMENT COLONIAL, IL NE FAUT PAS LE SOUS-ESTIMER"
El Hadj Souleymane Gassama « Elgas », journaliste, écrivain, chercheur associé à l’IRIS et auteur de "Les Bons ressentiments", répond aux questions de Dimitri Pavlenko
El Hadj Souleymane Gassama « Elgas », journaliste, écrivain, chercheur associé à l’IRIS et auteur de "Les Bons ressentiments", répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
KAYAR : CHEZ LES GARDIENS DE LA MER
Cette localité reste l’un des sites où l’on prône une pêche responsable, avec l’interdiction des monofilaments et de la surpêche. Aujourd’hui, tous les travailleurs sont astreints à respecter cette règle, faisant des Kayarois des gardiens de l’océan
Maguette Ndong, Arame Ndiaye et Assane Sow |
Publication 29/08/2023
La plupart des pêcheurs ont mis pied à terre ces derniers jours. À cause de la clôture de la saison de pêche, ils sont tous là sur le rivage à se raconter leurs péripéties et autres mésaventures au cours de leurs activités. D’autres se livrent à des réparations de moteurs ou encore des pirogues endommagées. Dans le village traditionnel de Kayar, peuplé principalement de gens de mer, les choses marchent au ralenti. Cette localité de la région de Thiès reste l’un des sites les plus importants du Sénégal en matière de pêche artisanale. « Pendant la saison, les gens viennent de partout du Sénégal et de la sous-région pour travailler à Kayar. D’ailleurs, c’est le seul site où il existe encore la pêche du jour », explique Baye Ndongo Niang, l’un des responsables du village. Ses propos sont d’ailleurs confirmés par son vis-à-vis, Pathé Dieng, avec qui il est assis sur le quai de pêche. « Ici, vous pouvez aller en mer tôt le matin et revenir le soir avec une valeur de 1 à 2 millions de FCfa de poisson », ajoute Pathé qui est aussi conseiller spécial du maire de la commune.
En effet, la mer de Kayar est connue pour être très poissonneuse. Ce qui n’empêche pas les pêcheurs de la localité de veiller sur la pérennité de la ressource. Kayar et Yoff restent les deux localités où la pêche avec le monofilament est strictement interdite. « Souvent, ce qui nous oppose avec les autres pêcheurs, c’est l’utilisation du monofilament. C’est illégal du point de vue de la loi, mais l’État ferme les yeux en laissant les autres faire des commandes à l’extérieur et l’utiliser sur la mer. Je ne peux pas comprendre cela », estime Baye Ndongo Niang, ancien navigateur à la retraite. La nécessité de la préservation de la ressource est connue de tous. Surtout par les 2000 pirogues recensées, dont 1.302 immatriculées. « Nous avons trouvé que nos grands-parents accordaient une grande importance à la préservation de la ressource et nous faisons tout pour suivre leurs pas », assure Mor Mbengue, responsable du Comité local de la pêche artisanale (Clpa) de Kayar.
Contrairement à leurs autres collègues pêcheurs qui mettent tous leurs ennuis sur le dos de la pêche industrielle, les Kayarois font la promotion d’une « pêche responsable ».
C’est d’ailleurs en vertu des recommandations faites par le fondateur du village, Jaraaf Mbor Ndoye, que tout ce qui se fait sur l’eau de mer est surveillé comme du lait sur le feu. Ce dernier, originaire de Kaay Findiw, un quartier lébou de Dakar, était une fois venu à Mbidieum, un village situé à quelques kilomètres de Kayar. C’est de là qu’il entendit un bruit qu’il voulut coute que coute découvrir. Ses pérégrinations le mènent alors à Kayar. « Une fois arrivé ici, il a vu la mer et a commencé à pêcher. Il en sortit du poisson qu’il va mettre sur le feu avant de le manger », explique le vieux Pathé Dieng. Selon ce dernier, c’est après s’être bien rassasié que le vieil homme se dit « Kar Yar » ; d’où le nom de Kayar. Une création qui remonterait vers 1874.
« Qui ne risque rien n’a rien »
Aujourd’hui, même si le secteur de la pêche demeure important, les Kayarois sont aussi de grands agriculteurs. Dans la zone des Niayes, Kayar reste l’un des principaux sites de production de pommes de terre. « On cultive de la pomme de terre certes, mais aussi de la carotte et toutes sortes de légumes comme le chou, le navet, l’aubergine ou encore le concombre », renseigne Cheikh Dione, agriculteur et vendeur de fertilisants. Selon lui, chaque année, il sort des champs de Kayar plus de 35.000 tonnes de pomme de terre. « Avec notre production, on peut approvisionner le marché sénégalais trois mois durant », ajoute M. Dione. Seulement, dans cette zone, l’agriculture est confrontée à de nombreuses difficultés. Parmi elles, il y a la commercialisation et l’absence d’unités de stockage. « À cause de l’autoroute qui doit passer par Tivaouane, une bonne partie de nos terres ont été saisies. Seules les impenses nous seront payées et non la terre que nous avons héritée de nos grands-parents », regrette Cheikh Dione.
En dépit de l’importance de ces deux secteurs (la pêche et l’agriculture), Kayar est aussi confronté au phénomène de l’émigration clandestine. Ils sont plusieurs milliers de jeunes à avoir embarqué ici pour essayer de rallier les côtes espagnoles. « On ne peut retenir personne, puisque la terre qu’on avait pour cultiver nous est retirée petit à petit », explique Cheikh Dione. Le responsable du Clpa, Mor Mbengue, a une fois tenté l’aventure. C’était en 2006, mais il avait été rapatrié avec une bonne partie de Sénégalais avec qui il était. Aujourd’hui, il dit vouloir y retourner. « C’est la seule issue pour s’en sortir. Imaginez, tous mes frères sont là-bas ainsi que mes amis d’enfance. La plupart ont construit de belles villas ici. Pendant ce temps, je n’arrive même pas à avoir une parcelle », dit le jeune homme. Les deux vieux, Baye Ndongo Niang et Pathé Dieng, semblent partager son point de vue. « Qui ne risque rien n’a rien », finit par dire l’un d’eux. Une manière d’encourager ce phénomène à cause duquel beaucoup de jeunes Sénégalais, en quête d’un meilleur avenir, ont péri en mer.
LES MOURIDES ET LE POUVOIR POLITIQUE
«Le pouvoir corrompt mais le pouvoir absolu corrompt absolument ». Cette assertion de Jhon Lock date du XVIIème siècle. Mais elle a posé de manière philosophique la nature de la politique et son influence sur la conduite de l’homme.
«Le pouvoir corrompt mais le pouvoir absolu corrompt absolument ». Cette assertion de Jhon Lock date du XVIIème siècle. Mais elle a posé de manière philosophique la nature de la politique et son influence sur la conduite de l’homme. La révocation de l’édit de Nantes ou la séparation de l’église et de l’état en constituent des péripéties qui montrent la difficulté des rapports entre le spirituel et le temporel.
Mais bien avant des penseurs musulmans ont posé le problème. Déjà en 1085 l’Imam Ghazali après avoir lu Aristote, Platon et Plotin, Ibn Sina et Al Farabi analysa les rapports de la politique et du pouvoir. Dans l’affrontement militaire et intellectuel, entre le sunnisme et le chisme, entre le califat Abasside d’une part et l’Etat Fatimide d’autre part, AL Ghazali est mobilisé. C’est ainsi que dans son ouvrage « les vices de l’ésotérisme », il pose le problème de la légitimation des pouvoirs politiques par le spirituel.
Ce débat posé à cette époque résume les rapports entre la mouriddiya et le pouvoir politique aujourd’hui au Sénégal. Mais Cheikh Ahmadou Bamba est le premier à le comprendre. Face à un pouvoir colonial qui combattait par une kyrielle d’actions négatives la bataille de revivification de l’islam que menait le Cheikh, les rapports furent conflictuels et le chisme absolu de mise.
Plus tard, l’engagement dans la politique des autochtones a entraîné une nouvelle configuration. En effet de Blaise Diagne à Macky SALL, en passant par Senghor, Abdou Diouf, et Abdoulaye WADE le temporel a eu toujours besoin de l’onction du spirituel. Mais ce besoin a toujours été sous tendu par un dipt y q u e attirance-répulsion. Heureusement pour la mouriddiya, la résistance héroïque, pacifique mais à la fin victorieuse de notre guide Cheikhoul Khadim, fondateur de la mouriddiya a permis jusqu'à une période récente de la décomplexer du pouvoir politique. Le refus du Cheikh d’occuper toute fonction fût-elle celle de Cadi montre combien la mouriddiya a constitué un pôle de résistance face à la force politique coloniale
Les indépendances ont changé la nature de ce rapport devenu plus cordial. Il en fut et il en est toujours ainsi entre les califes et les présidents de la république en exercice
Dans les relations particulières : Serigne Fallou/Senghor, Serigne Abdou Lahat/Abdou Diouf/ ; Serigne Saliou /Abdoulaye Wade, Macky SALL/Serigne Mountakha le temporel a toujours pensé avoir gardé la main en sa faveur. Mais en excluant de la gestion de l’état l’intelligentsia mouride par peur de sa force et de sa liberté ; ils leur ont conféré une virginité politique qui sera le germe de leur éclosion future.
Il faut savoir que le débat ne se pose pas en termes de rapports personnels ; mais entre la mouriddiya chevillée à la vérité islamique qui est du domaine de l’absolu et le pouvoir politique pourvoyeur de vérités multiples et relatives. Dans ce sens la disparition successive des gardiens du temple de la mouriddiya et l’avènement des califats des petits fils constituent une nouvelle donne. Il en est de même de l’existence d’un état nation qui se veut républicain mais qui respecte peu ou prou les règles démocratiques. En effet en voulant manipuler une communauté par le biais d’une poignée d’individus momentanément détentrice d’un pouvoir spirituel qui va changer de main, l’état se préoccupe peu de l’intérêt général de la mouriddiya. Se coupant ainsi sans le savoir d’une base électorale de plus en plus éveillée à la chose politique.
Sur le plan économique, l’état contrairement à ce qu’il fait croire aux mourides par le biais des «portes paroles» fait peu pour la communauté ; alors que 70% du PIB, plus de 60% des prélèvements fiscaux viennent d’une communauté productrice à souhait.
Pour preuve le grand magal de Touba regroupant plus de 4 millions de personnes (selon les chiffres officiels du ministère de l’intérieur) est un moment économique majeur pour le Sénégal. Tant du point de vue de la relance de la consommation, de l’augmentation des revenus ruraux, que des explosions des chiffres d’affaires (carburant, électricité, téléphone, transport, alimentation etc…). Permettant ainsi à l’état par le gain sur la Tva et autres taxes de s’enrichir à milliards.
Alors, il faut savoir raison garder, il ne peut y avoir d’accord tacite entre le pouvoir politique et la mouriddiya : à savoir la perpétuation du pouvoir politique entre les mêmes mains contre un droit de regard sur la discipline morale des masses
Cheikh Ahmadou Bamba s’est battu contre la colonisation. Il a payé au prix fort sa résistance pour vivifier l’islam et défendre sa communauté. Foi-Travail disait-il, oui mais pour nous donner l’indépendance de choisir nous même sans contrainte ni obligation. La mouriddiya pour rester fidèle aux enseignements du maître doit savoir que le moment est venu d’être l’acteur de la vie politique nationale mais non l’objet d’une utilisation temporaire par les hommes politiques. En effet personne ne défendra nos valeurs à notre place et ceci quel que soit sa bonne volonté. Mais les frontières devenues poreuses entre la politique et la religion nous obligent à prendre notre destin en main. La nature confuse des relations entre la mouriddiya et le pouvoir temporel ne permet pas une lecture claire de la situation par le citoyen lambda. Les comportements souvent aux antipodes de nos valeurs des hommes politiques, poussent à comprendre et à accepter la sanctuarisation de la ville Touba, Darou Mouhty et Darou Salam par rapport aux activités politiques. Ce cantonnement géopolitique ne peut nullement signifier une rupture définitive d’avec la chose républicaine. Car de par leur nombre, leur organisation, leur poids économique et leur patriotisme, la communauté doit jouer en externalité sa partition. Elle en avait les moyens, elle en a maintenant la capacité intellectuelle. Sinon elle risque de se faire marginaliser et distancer
Les défis du XXIème siècle sont d’ordre économique, pour les relever, la mouriddiya doit radicalement changer ses rapports avec l’état devenus confus car individualisés. Les hommes politiques doivent savoir pour l’intérêt de notre pays que l’apport de la pensée de Cheikh Ahmadou Bamba peut et doit servir à nos gouvernants afin d’ouvrir le chemin à une troisième voie vers le développement.
Quel paradoxe que les défenseurs de la laïcité trouvent normal ou comprennent que le Président américain prête serment sur la bible ; mais accepteraient-ils qu’un chef d’Etat sénégalais musulman le fasse sur le coran ou sur la Bible. Accepterons-nous que nos politiques publiques s’inspirent de la doctrine de la Mouriddiya comme les sociaux-démocrates en Europe? Voilà le dilemme Cornélien de nos penseurs et hommes politiques attitrés.
La mouriddiya grâce à l’héritage de son fondateur, sa vitalité économique et sa cohésion dans ses rapports avec l’état doit donner le la. C’est la seule manière pour elle de jouer son rôle protecteur de l’islam et celui de moteur de développement économique pour l’intérêt du peuple sénégalais. Afin que les acquis que nous ont légués les pères fondateurs de notre nation ainsi que Cheikhoul Khadim, soient préservés.
A l’heure de l’intelligence artificielle, la richesse des nations ne se détermine plus à l’aune de leur richesse en matière premières : le gaz, le pétrole, le lithium, le zircon etc…. ne suffisent pas pour mener un pays à l’émergence et au développement.
La pauvreté extrême des pays qui sont pourvus de ces matières premières en constituent la preuve irréfutable. Dans notre pays la déliquescence de nos valeurs exacerbée par l’utilisation inappropriée des réseaux sociaux, l’ignorance de nos valeurs cardinales, le manque de patriotisme empêchent et empêcheront notre décollage. Dans cette optique se ressourcer dans les écrits de nos ancêtres chevillés autour de la foi, du travail de l’action et de la discipline constitue notre seule voie de salut.
L’apparition de l’intelligence artificielle et son développement fulgurant dans les pays développés creusera davantage le retard de nos nations.
L’absence de réforme de la gouvernance économique mondiale nous plombera définitivement. Mais ces énormes batailles futures à mener ne peuvent être réussies sans une remise en cause de «l’homo Senegalensus» tel qu’il est aujourd’hui.
Ibrahima SALL
Economiste - Consultant Président du Model