Les Baayfaal de Touba ont décidé de protéger la quiétude de la cité religieuse en appliquant le ndigël, un ordre religieux.
Ils rappellent que Touba est le lieu de repos de Serigne Touba et qu'ils agiront pour préserver son intégrité.
Les Baayfaal ont reçu l'instruction de contrôler toutes les activités à Touba et veilleront à l'application du ndigël. Ils n'emploieront pas la violence, mais chercheront à faire respecter l'ordre. Ils prendront contact avec les parents des manifestants arrêtés pour prendre les mesures nécessaires.
Toute personne refusant d'obtempérer sera expulsée de Touba.
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CONFÉRENCE DE PRESSE DE LA POLICE NATIONALE
Le directeur de la Sécurité publique estime que la situation est désormais maîtrisée et le que calme est revenu. Il se dit déterminé à assurer la sécurité des personnes et des biens, et à maintenir l'ordre public dans tous les cas
La Police Nationale a tenu une conférence de presse ce dimanche 4 juin 2023 pour faire part de ses observations et actions concernant les récentes émeutes qui ont secoué le pays. Au cours des quatre derniers jours, 16 décès ont été enregistrés, accompagnés de nombreux blessés et de dommages matériels considérables.
Le Commissaire divisionnaire Ibrahima Diop, directeur de la Sécurité publique, a présenté ses condoléances aux familles endeuillées et a souhaité un prompt rétablissement aux personnes blessées lors de ces événements tragiques.
Il a précisé que parmi les individus appréhendés lors des manifestations, la majorité étaient des individus armés et dangereux. Jusqu'à présent, 500 personnes ont été interpellées, dont des mineurs et des étrangers.
La plupart des personnes arrêtées étaient en possession d'armes de guerre, de cocktails Molotov et d'armes blanches. Les forces de sécurité ont dû faire face à des manifestants violents qui ne cherchaient pas à exprimer leurs opinions, mais étaient plutôt engagés dans des activités subversives.
Le commissaire Diop a souligné que les actions perpétrées visaient des infrastructures vitales de l'État, telles que les usines de production d'eau et d'électricité, les transports publics, ainsi que des domiciles, des commerces et des banques. L'objectif de ces attaques était de perturber l'activité économique du pays et d'instaurer un climat de terreur parmi les concitoyens.
Un exemple illustrant le courage et l'héroïsme des forces de sécurité a été donné, mettant en avant un fonctionnaire de police qui a été confronté à des manifestants. Malgré sa capacité légale à se défendre, il a refusé d'utiliser son arme lorsqu'il a réalisé qu'il était en présence de mineurs. Finalement, dans un dernier acte de bravoure, il a demandé à ses collègues de le laisser sur place. Des vœux de prompt rétablissement lui ont été adressés.
La Police Nationale a appelé tous les citoyens à rester vigilants et a exprimé sa gratitude envers ceux qui collaborent étroitement avec les forces de défense et de sécurité pour maintenir la tranquillité et la sécurité des concitoyens, ainsi que pour protéger la République. Il a encouragé la population à signaler toute activité suspecte ou présence inhabituelle en utilisant les numéros d'urgence, le 17 pour la Police Nationale et le 123 pour la Gendarmerie Nationale.
Bien que certaines zones aient été économiquement affectées, notamment les régions de Dakar et Ziguinchor, la situation est désormais maîtrisée et le calme est revenu. La Police Nationale reste déterminée à assurer la sécurité des personnes et des biens, et à maintenir l'ordre public.
Prenant la parole à la suite du directeur de la Sécurité publique, le commissaire Mohamadou Gueye a présenté des images mettant en évidence la présence de personnes armées de fusils automatiques et d'autres armes. Il a souligné l'importance de ces preuves visuelles, montrant que certains individus agissent avec des motivations autres que l'expression d'opinions, mettant ainsi en garde contre les dangers potentiels. Il a appelé à la vigilance, à la prudence et à la responsabilité de tous, encourageant la population à signaler de tels incidents aux forces de sécurité.
En conclusion, la Police Nationale a réaffirmé son engagement ferme à préserver l'ordre public et la paix sociale, soulignant que cela nécessite la participation active de la population et la dénonciation des actes suspects.
SITUATION POLITIQUE, IDRISSA SECK EN POMPIER
Candidat déclaré à la prochaine présidentielle, Idrissa Seck s'est intéressé à la situation assez électrique qui prévaut actuellement. L'ancien maire de Thiès sermonne Ousmane Sonko et invite aussi le président Macky Sall à prendre ses responsabilités
Candidat déclaré à la prochaine présidentielle, Idrissa Seck s'est intéressé à la situation assez électrique qui prévaut actuellement. L'ancien maire de Thiès sermonne Ousmane Sonko et invite aussi le président Macky Sall à prendre ses responsabilités, afin que la quiétude revienne.
"Car Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix", cette citation de Friedrich Nietzsche résume assez fidèlement la sortie d'Idrissa Seck sur la situation socio-politique actuelle. La situation de tension qui prévalait depuis plus de deux ans a été envenimée par le verdict de l'affaire Sweety Beauté opposant Adji Sarr à Ousmane Sonko. Le maire de Ziguinchor a finalement écopé d'une peine de deux ans ferme pour corruption de la jeunesse. Les péripéties qui ont émaillées cette décision de justice ne laissent personne indifférent. C'est ainsi que le candidat à la prochaine présidentielle, Idrissa Seck est monté au créneau, afin de calmer les esprits.
"Aujourd’hui, nous avons une urgence : restaurer l’ordre et prêter à la Justice la puissance publique nécessaire à son exercice plein et entier, sans menaces ni pressions d’aucunes sortes. Nous devons apporter tout notre soutien à nos vaillantes Forces de défense et sécurité, en charge de rétablir l’ordre et la sérénité dans nos rues, sans brutalité ; exercice très difficile face au consortium de menaces à affronter", déclare le patron de Rewmi.
Ensuite, l'ancien Premier ministre s’adresse à son "jeune frère et/ou neveu Ousmane". Le candidat déclaré à la prochaine présidentielle l'invite à ne pas se laisser enivrer par la vague de soutiens de tous ces acteurs qui se servent de son leadership, afin de faire avancer leurs propres plans. "Rappelez-vous nos échanges du 27 mars : ne pas confondre le temps judiciaire et le temps politique. Le pouvoir politique ne peut ni ne doit influencer le cours de la justice. En revanche, le Chef de l’Etat, avec le soutien de sa majorité parlementaire, a le pouvoir, après le temps judiciaire, d’atténuer voire d’abroger ce que la justice aura décidé. C’est la fonction dévolue à la grâce présidentielle et au mécanisme de l’amnistie qui permet un nouveau départ", lance-t-il au leader de Pastef.
"Face aux épreuves qui te frappent, poursuit-il, je te redis mon soutien sous la forme que tu connais déjà de moi : la Vérité, pas la vile flatterie du genre ‘’Ousmane Mou Sell Mi’’. Tu as commis des erreurs, beaucoup d’erreurs. Mais tu mérites une seconde chance. Ne la gaspille pas", ajoute Idrissa Seck.
En outre, malgré la tension et tous dommages collatéraux qui vont avec, Idrissa Seck refuse de faire dans les sentiments. Il rappelle à l'État ses responsabilités et l'exprime comme suit : "Le Président de la République ne doit se laisser ni impressionner ni distraire par le concert de réactions émotives que soulèvent les images insoutenables de violence dans les rues de quelques-unes de nos villes, tellement souvent habituées au calme et à la sérénité".
Selon l'ancien maire de Thiès, les manifestations qui découlent de ce verdict est la porte ouverte à des menaces encore plus graves sur le Sénégal. "L’affaire Ousmane Sonko n’est que le prétexte, pour beaucoup d’autres acteurs, d’attaquer notre pays. Les bandits qui profitent du chaos apparent pour piller. Les djihadistes qui guettent la moindre occasion pour faire avancer leurs cellules dormantes. Les séparatistes violents, de plus en plus à l’étroit, face aux avancées significatives de la paix dans notre région sud avec des dépôts d’armes rassurants. Des puissances étrangères, dont le Sénégal est perçu comme une plate-forme devant servir leurs intérêts géostratégiques. Les intérêts économiques et financiers aux aguets pour s’accaparer de nos ressources pétrolières, gazières et minières".
Majoritaires dans les rangs des manifestants, il a jugé aussi nécessaire de s'adresser aux jeunes. "Je comprends votre colère et votre impatience de voir se matérialiser, ici et maintenant, les nobles idéaux qui habitent vos cœurs : plus de justice sociale, plus d’emplois et de revenus, plus d’alimentation, d’éducation et de santé, plus de gestion sobre et vertueuse, plus de patrie et moins de partis. Mais retenez ceci : votre Sénégal est le fruit des efforts des générations passées, qui ont fait ce qu’elles ont pu, pour vous offrir une nation plurielle mais indivisible, respectée dans le monde, pacifique et stable. A charge pour vous de le détruire ou, comme je vous y invite, de l’embellir, de l’améliorer, de le construire et de le faire davantage progresser".
ON A ASSISTÉ À DES SCÈNES DE PILLAGE DES BIENS PUBLICS ET PRIVÉS
Depuis l’annonce du verdict de la Chambre criminelle de Dakar condamnant Ousmane Sonko à 2 ans de prison, les manifestations ont éclaté un peu partout à travers le pays. Invité de l’émission Jury du Dimanche, le ministre de la justice en fait l'analyse
Depuis l’annonce du verdict de la Chambre criminelle de Dakar condamnant Ousmane Sonko à 2 ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse dans l’affaire qui l’oppose à l’ex-masseuse, Adji Sarr, des manifestations ont éclaté un peu partout à travers le pays et même à l’étranger. Invité de l’émission Jury du Dimanche sur les ondes de la 90.3, Iradio, le ministre de la Justice, Garde des sceaux a analysé la situation tendue depuis quelques jours. « J’analyse la situation comme des péripéties, les turpitudes, soubresauts, tensions inhérents à la démocratie. Vous savez quand c’est la dictature vous prenez les gens vous les mettez en prison et il n’y a pas de problème. Mais quand vous êtes une démocratie, il y’a forcément une tension. C’est dans une démocratie que les individus peuvent se lever et manifester librement sans être inquiétés. C’est dans une démocratie comme le Sénégal qu’un opposant peut se lever appeler à l’insurrection, appeler les jeunes à déloger le président de la République et rentrer tranquillement le soir chez lui. Ce n’est pas possible dans une dictature », a déclaré Ismaïla Madior Fall. Sur la question de savoir pourquoi plusieurs personnes ont été arrêtées récemment dans notre pays ?
Il a informé que : « plusieurs personnes ont été arrêtées pour appel à l’insurrection parce que l’Etat essaye de faire la part des choses. Quand vous êtes dans une démocratie vous essayez aussi de gérer la situation. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que ce sont des tensions inhérentes à la démocratie. Il y’a deux choses qui sont importantes dans ça. La première, c’est que l’Etat soit debout. L’Etat doit faire face. L’Etat ne doit pas s’effondrer. Parce que la plupart des manifestants comme on l’a vu sur le terrain se sont des pilleurs. Le discours n’est pas un discours politique. Les mobiles ne sont pas toujours des mobiles politiques. On a assisté à des scènes de pillage des biens appartenant à l’Etat, pillage des biens appartenant à des privés. La deuxième, c’est que la majeure partie des manifestants que nous avons vu c’est des enfants qui n’ont même pas le droit de vote. C’est une situation qui est déplorable, une situation que nous condamnons. Mais l’Etat fait face et aujourd’hui la situation est sous contrôle. L’Etat est chargé, conformément à sa vocation régalienne, de gérer la stabilité et de défendre les biens et les personnes ».
Toutefois, le Garde des sceaux rappelle que l’Etat reste ouvert au dialogue. « Mais quand vous êtes dans une démocratie comme le Sénégal, il y’a quelque chose qui n’est pas discutable : c’est l’autorité de l’Etat. Il y’a une chose qui n’est pas négociable : c’est la fermeté de l’Etat. Quand l’Etat prend des décisions, elles doivent être exécutées. En revanche, il y’a des choses qui sont discutables comme comment nous allons organiser l’élection présidentielle ? Qui doit y participer ? Comment elle doit se tenir ? etc…
par Ndiaga SYLLA
DE "23 JUIN" À "JUIN 23" !
Les facteurs explicatifs de la crise que traverse le Sénégal.
Les facteurs explicatifs de la crise que traverse le Sénégal.
1. La crise de confiance aux institutions.
2. Le discours d’endoctrinement des masses délivrés par des leaders politiques.
3. La passivité de l’État dans l’attente des procès en dépit de l’incitation à l’insurrection.
4. Le timing du traitement des contentieux politico-judiciaires et la mauvaise perception du dernier verdict par l’opinion.
5. Le suspense sur un 3e mandat du Président sortant.
6. La propension à rendre des adversaires inéligibles.
7. Les préjugés et présupposés sur les facilitateurs du dialogue politique et la déficience dans la prévention et la résolution des conflits.
8. L’indécente cohabitation entre une pauvreté extrême et un luxe insolent.
9. Une jeunesse éveillée mais désœuvrée et exigeante.
10. Les appétits suscités par les ressources pétrolières et gazières.
Voilà des facteurs explicatifs de la crise que traverse le Sénégal.
Que Dieu préserve le Sénégal.
Vive la République !
INSECURITE ALIMENTAIRE, QUATRE DÉPARTEMENTS AU SÉNÉGAL SONT DANS LE ROUGE
L’insécurité alimentaire existe au Sénégal. Sur les 46 départements, quatre sont concernés par cette insécurité alimentaire. Présentement, 206 369 personnes souffrent de ce fléau.
L’insécurité alimentaire existe au Sénégal. Sur les 46 départements, quatre sont concernés par cette insécurité alimentaire. Présentement, 206 369 personnes souffrent de ce fléau. L’Etat a prévu de leur venir dans le cadre du projet de réponse à l’insécurité alimentaire mis en place par le fonds de solidarité nationale du ministère du Développement communautaire, de l’Équité territoriale et sociale.
L’insécurité alimentaire est définit par la FAO comme étant « un état dans lequel se trouve une personne, ou un groupe de personnes, lorsque la disponibilité d’aliments sains et nutritifs, ou la capacité d’acquérir des aliments personnellement satisfaisants par des moyens socialement acceptables, est limitée ou incertaine ». Les facteurs de l’insécurité alimentaire sont multiples. Les conflits, le changement climatique, le manque d’accès à l’eau potable, la pauvreté liée aux chocs économiques et aux inégalités ainsi que des mauvaises politiques agricoles et alimentaires.
L’insécurité alimentaire peut entraîner une série de réactions néfastes sur le plan de la santé mentale. On peut être amené, bien malgré soi, à enfreindre ses propres normes et valeurs. On peut éprouver le sentiment de perdre toute dignité (estime de soi). On peut vivre de la détresse. C’est dans ce cas que se trouve 206 369 personnes dans les quatre départements que sont Ranérou dans la région de Matam, Louga dans la région de Louga, Goudiry dans la région de Tambacounda et Diourbel dans la région de Diourbel. Dans ces départements, les ménages au total de 27 537 personnes vont recevoir pendant 3 mois, cent vingt mille francs soit 40 000 francs par ménage. Pour le département de Diourbel, il s’agira de 10 821 ménages bénéficiaires de l’appui du projet de réponse à l’insécurité alimentaire. S’exprimant sur ce projet à l’issue du comité départemental de développement (CDD) organisé à cet effet, Cheikh Tidiane Sall conseiller technique du directeur général du Fonds de solidarité nationale, renseigne ‘’Ces 10 821 ménages identifiées, dans les douze commune que compte le département, en situation d’insécurité alimentaire, seront, pendant trois mois, appuyés financièrement par l’Etat, à hauteur de 40 mille francs par ménage. La première tranche de cette vaste opération de transfert d’argent sera effective à partir de ce mois de juin, afin que ces couches vulnérables puissent durant cette période de soudure, disposer suffisamment de ressources pour maintenir leur alimentation et fonctionnement social normal’’.
Lors de cette rencontre, Mamadou Khouma le préfet du département de Diourbel affirme que « l’insécurité alimentaire est une réalité. Il faut apporter une réponse diligente et appropriée. Il faudra faire vite pour soulager les bénéficiaires ». À sa suite Modou Fall, le maire de la commune de Keur Ngalgou de dire : « Le registre national unique (RNU) nous a causé beaucoup de problèmes parce que venir dans un village, faire bénéficier certains et exclure d’autres, n’est pas de nature à nous aider, nous autres exécutifs locaux. Il va falloir une bonne communication afin que toute la population soit informée. » Prenant la parole, Demba Diouf le directeur régional du développement communautaire, dit qu’ « il faut miser sur la rapidité pour que les bénéficiaires puissent disposer très tôt de l’argent, mais aussi veiller à ce qu’une seule personne n’utilise l’argent à son seul profit au détriment des autres composantes du ménage parce que l’argent, c’est pour le ménage et non pour une seule personne.
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LE PARADOXE DANS LE FOOTBALL SENEGALAIS
Alors que les équipes nationales masculines de football du Sénégal ont remporté toutes les compétitions continentales dans lesquelles elles s’étaient engagées, les clubs locaux continuent de broyer du noir en Afrique.
Une vitrine très attrayante et une arrière-boutique complètement délabrée ! Tel est le paradoxal visage du football sénégalais sur la scène continentale. Alors que les équipes nationales masculines de football du Sénégal ont remporté toutes les compétitions continentales dans lesquelles elles s’étaient engagées, les clubs locaux continuent de broyer du noir en Afrique. Un paradoxe dont nous avons cherché à connaitre les raisons et les moyens d’y remédier.
Can, Chan, Can U20 et Can U17 ! Le Sénégal a remporté toutes les compétitions continentales des équipes nationales masculines auxquelles il a participé ces deux dernières années. Une performance unique dans les annales du football africain, surtout si l’on y ajoute la Can de beach soccer. Tout irait donc comme dans le meilleur des mondes ? Eh bien non, puisque dans le même temps, le football de club est d’une indigence indicible, incapable qu’il est, dans la même fourchette de temps, de passer ne serait-ce qu’un tour des épreuves africaines. Un paradoxe qu’il est urgent de réparer, puisque d’après Ameth Dieng, ancien Directeur de la haute compétition (Dhc) au ministère des Sports, « ce serait bien dommage si nos clubs qui constituent le socle de notre football ne bénéficient pas en retour de ces performances exceptionnelles et de cette conjonction de facteurs favorables ». D’autant que, ajoute Amsatou Fall, ancien entraineur national, ancien Directeur technique national (Dtn) et actuel Directeur exécutif de la Ligue sénégalaise de football professionnel (Lsfp), ces clubs sénégalais « pour la plupart, continuent de souffrir d’une crise de croissance issue d’un héritage très ancien de l’amateurisme et surtout d’une faiblesse criante des ressources financières ».
Cette absence de compétitivité économique impacte donc négativement sur la compétitivité sportive de ces clubs dont l’analyse de la situation ne peut se faire en dehors « du système social qui les englobe et du système associatif qui fonde leur légitimité », selon M. Fall. Une relation dialectique qui n’existait pas, d’après lui, il y a une vingtaine d’années. Lui qui était, en 2002 et 2003, entraineur de la Jeanne d’Arc de Dakar qu’il avait hissée en quarts de finale de la Ligue des champions (défaite contre le TP Mazembé, après avoir éliminé notamment Al Ahly d’Egypte et Hearts of Oaks du Ghana) se souvient que « les clubs n’avaient pas tous les droits télévisuels ou, en tout cas, pas autant qu’aujourd’hui et les subventions que leur État leur accordait n’étaient pas aussi substantielles qu’actuellement ».
Or, au Sénégal, on en est encore à cette situation du début des années 2000, pour ce qui est des clubs en tout cas. Puisque les différentes équipes nationales sont aujourd’hui éloignées de toutes ces considérations, car « elles peuvent bénéficier de l’appui conséquent de l’État », d’après Ameth Dieng, également enseignant-chercheur et chef du département Sciences et techniques des Activités physiques et sportives (Staps) de l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis. En plus de celles très conséquentes de la Confédération africaine de football (Caf) et de la Fédération internationale de football association (Fifa), là où dans le même temps, regrette un dirigeant de club sous le couvert de l’anonymat, « les clubs ne reçoivent que des miettes. Figurez-vous que les clubs de L1 n’ont eu droit qu’à 4 millions de FCfa et ceux de L2 qu’à 2 millions de FCfa, alors que le Sénégal a décroché un pactole de près de 16 milliards de FCfa entre son titre à la Can et son huitième de finale de la Coupe du monde… ».
Travail des académies
Une situation d’autant plus incompréhensible que les équipes nationales, surtout de jeunes, « bénéficient considérablement du travail de qualité des académies comme Génération Foot ou Diambars en plus des écoles de football qui prolifèrent à travers le pays », selon l’ancien Dhc, Ameth Dieng. Quant à l’équipe A, elle a tiré profit de la stabilité à ses commandes techniques ; et c’est tout le mérite de la Fsf qui, d’après l’enseignant-chercheur et chef du département Staps de l’Ugb, « a pris la bonne décision de maintenir en poste l’entraineur Aliou Cissé qu’elle aurait pu libérer après le quart de finale de la Can 2017 face au Cameroun voire même après la finale perdue en 2019 contre l’Algérie ». Ce qui rejoint, plus généralement, l’analyse d’Amsatou Fall qui soutient que « nos sélections ont à leur tête les meilleurs entraîneurs du Sénégal avec une expertise et une expérience avérées des tendances modernes du football de haut niveau ».
Le décalage entre les prestations et les résultats des équipes nationales et ceux des clubs locaux s’explique aussi, selon plusieurs observateurs du ballon rond sénégalais, par la différence de traitement et de conditions d’existence et de travail. Sous sa casquette de technicien, Amsatou Fall note que « les sélections se préparent à leur convenance, en mode … clubs et sans pression des factures d’hôtel au Centre Youssoupha Ndiaye de Guéréo ou au Centre Jules Bocandé de Toubab Dialaw ». Ameth Dieng renchérit que « certains de nos U20 et presque tous nos joueurs de l’équipe A évoluent dans de grands clubs en Europe et sont très compétitifs ».
Or, au plan local, regrette l’ancien Dtn, Amsatou Fall, « les meilleurs joueurs issus des grands clubs formateurs sont sélectionnés pour une durée des compétitions avec un maximum de 6 ou 7 matches, soit le quart des compétitions locales ». Ce qui n’est presque rien par rapport à l’instabilité chronique des effectifs de ces clubs. « Faute de moyens, ils sont dans l’obligation de vendre leurs meilleurs joueurs. Ils n’ont pas d’autre choix s’ils veulent exister », témoigne Ameth Dieng. Malheureusement, dans le même temps, se désole Amsatou Fall, « ils ne peuvent même pas remplacer correctement ceux qu’ils perdent avec des joueurs étrangers de niveau international », comme la Jeanne d’Arc avait réussi à le faire au début des années 2000 avec, entre autres, le Malien Aba Koné, le Burkinabé Narcisse Yaméogo, le Gambien Abdurahman Conateh ou le Guinéen Momo Wendel Soumah.
Cadre juridique
Aider financièrement les clubs, c’est une bonne chose. Mais Ameth Dieng, l’ancien Dhc, pense que l’idéal, c’est de « mettre en place un cadre juridique, législatif et réglementaire approprié au football professionnel et adapté à notre environnement sénégalais ». Ce qui, par exemple, inciterait les entreprises à investir dans le football local de clubs dans un partenariat gagnant-gagnant. Parce que, selon lui, aussi longtemps que les choses resteront en l’état, « il sera illusoire de voir des entreprises aider ou financer d’autres entreprises, puisque les clubs sont de véritables entreprises privées ». Ainsi seulement, espère Amsatou Fall, pourront être améliorées « les conditions de travail et de gestion des clubs : terrain, matériel, stages, supervision des adversaires que l’on ne découvre généralement que le jour du match ».
Tout cela renvoie à ce que Bounama Dièye, vice-président de la Fsf lorsque les « Lions » s’illustraient à la Can 2002 et au Mondial de la même année, appelle une nécessaire « mise en cohérence de tous les aspects (sportif, économique, juridique, institutionnel, humain) qui ont conduit au résultat exceptionnel de 5 Coupes d’Afrique » glanées en 2 ans. Autrement, le football sénégalais risque de rester longtemps encore à deux vitesses avec des équipes nationales qui trustent les titres et des clubs qui collectionnent les déroutes.
Les clubs, ces canards boiteux…
Lorsqu’en 2004 la Jeanne d’Arc de Dakar avait atteint les demi-finales de la Ligue africaine des champions, on s’était dit que c’était la fin de la traversée du désert des clubs sénégalais sur le continent. Surtout qu’en 1998 déjà, ce club cher au défunt président Oumar Seck avait disputé (et perdu) face au Club sportif sfaxien de Tunisie, la finale de la Coupe des vainqueurs de coupe, l’ancêtre de l’actuelle Coupe de la Caf. On avait cru, alors, que l’élimination des « Bleu et blanc » aux portes de la finale de la compétition majeure des clubs en Afrique face à d’autres Tunisiens (l’Etoile sportive du Sahel de Sousse : 2 – 1 à Dakar et 0 – 3 au retour) était plutôt … porteuse d’espoir pour la suite.
Or, il a fallu attendre la saison 2020 – 2021 pour voir un club, ou, mieux deux clubs sénégalais – une grande première historique – se hisser en phases de poules de la Ligue des champions (Teungueth Fc, pour une grande première, après avoir éliminé le Raja à Casablanca même) et de la Coupe de la Caf (Jaraaf). Pourtant, dans l’intervalle, en 1997, ces phases de poules avaient été élargies de 2 groupes de quatre avec demi-finales croisées entre les deux premières équipes de chaque poule à 4 groupes de 4, passant ainsi de 8 à 16 formations par poule. Sans même finir à l’une des deux premières places des groupes de leurs compétitions respectives qui les auraient qualifiés pour les quarts de finale, les Rufisquois et les « Vert et blanc » avaient rallumé une flamme qui vacillait dangereusement depuis près de 20 ans.
« Un petit tour… »
Mais, ce n’était apparemment qu’un feu de paille. Puisque, depuis, les clubs sénégalais sont retombés dans leurs travers et se sont remis à jouer leur navet préféré : « un petit tour, deux au mieux, en Afrique et puis s’en retourner aux joutes locales ». Car, la saison suivante, Teungueth Fc n’a pu confirmer son parcours précédent, se faisant éliminer d’entrée de la Ligue des champions par l’Asec Mimosas d’Abidjan (Côte d’Ivoire) alors que Diambars, 2e du championnat de L1, connaissait le même sort face à Enymba du Nigeria. Et cette saison, le Casa Sports, auteur du premier doublé (Coupe nationale – champion du Sénégal) depuis l’instauration du football professionnel au Sénégal en 2009, n’est pas allé plus loin que le tour préliminaire de la Ligue des champions, barré par la Js Kabylie d’Algérie (1 – 0 et 0 – 3). Pas un tour de franchi, comme lors de ses deux précédentes participations en 2008 et en 2012. Le Jaraaf, deuxième du dernier championnat qui devait disputer la Coupe de la Caf, n’avait pas été enregistré et a certainement fait l’économie d’une élimination précoce.
Et pendant ce temps-là, les différentes équipes nationales du Sénégal s’illustraient magistralement en Afrique. Les « Lions » A ont décroché leur premier sacre en janvier – février 2022 au Cameroun, les « Lions » locaux ont remporté le Chan en février 2023 en Algérie, les « Lionceaux » juniors ont enlevé leur Can en mars 2023 en Egypte et les cadets la leur ce mois de mai en Algérie. Même les « Lionnes » du football ont brillé sur la scène internationale, s’invitant même en quarts de finale de leur Can au Maroc, ne s’inclinant qu’aux tirs au but (1 – 4 après un nul 1 but partout), remportant même le match de pré-barrages à la Coupe du monde contre la Tunisie avant de s’écrouler face à Haïti (0 – 4) à Auckland en Nouvelle-Zélande lors du barrage intercontinental. Sans compter que les « Lions » du beach soccer avaient ajouté un quatrième succès de rang à leur impressionnant palmarès (7 trophées continentaux) en octobre 2022 au Mozambique.
Comme quoi, le football local de clubs est bel et bien le mouton noir, le canard boiteux de la famille du ballon rond national.
PAPE THIAW, ENTRAINEUR DE L’ÉQUIPE NATIONALE LOCALE
« Comment, malgré tout, nous avons réussi à remporter le Chan… »
Elle est passée de mode, la vérité d’un grand journaliste sportif fredonnée par un non moins talentueux musicien selon laquelle « pour qu’une équipe nationale soit performante, il faut que les clubs du pays soient compétitifs ». L’équipe nationale locale du Sénégal l’a d’ailleurs démontrée : elle qui est allée remporter le Championnat d’Afrique des Nations (Chan) en février dernier en Algérie avec rien que des joueurs dont les clubs n’arrivent même plus à passer deux tours des compétitions continentales. Un autre paradoxe dans le paradoxe général avec des équipes nationales qui flambent et des clubs qui flanchent…
L’entraineur à la base de ce coup fumant, Pape Thiaw, explique depuis l’Argentine où il suit le Mondial U20 pour le compte de la Fifa, que c’est parce que lui et son staff « avaient réussi à rassembler pendant un bon moment un noyau de joueurs qui ont disputé de bons matches internationaux amicaux contre des adversaires de qualité comme le Maroc ou l’Algérie, sur de bons stades et devant un public important ».
Selon l’ancien international de la génération 2002, « les garçons ont beaucoup appris de ces rencontres » rendues possibles par la Fsf qui, d’après Pape Thiaw, « a beaucoup investi dans les équipes nationales dont celle locale. Ce qui nous a permis d’avoir de longs regroupements au cours desquels nous avons mis quelque chose en place que nous avons testé lors de nos différentes sorties. D’où les résultats que pas grand monde attendait ».
Pour cause, les clubs qui ont fourni leurs éléments à cette équipe locale éprouvent d’énormes difficultés à l’international. Ce que Pape Thiaw dit comprendre parfaitement. « Ces clubs n’ont pas suffisamment de moyens et n’arrivent pas à conserver leurs joueurs ». Il se désole même que très souvent, « le champion en titre est obligé, la saison d’après, de vendre ses meilleurs éléments ou les meilleurs à leur poste. Dès lors, il est compliqué pour eux d’aller affronter les ténors du continent ». D’ailleurs, ironise-t-il, « nous vendons nos meilleurs joueurs à des clubs avec lesquels nous voulons rivaliser. Dans ces conditions, c’est illusoire de vouloir les dominer ». D’après lui, « il est presqu’impossible pour nos clubs de se mesurer avec ceux du Maroc, de la Tunisie ou de l’Afrique du Sud ». Même si l’équipe nationale locale, constituée de joueurs issus de ces clubs, s’est payé le luxe de rafler la mise lors du dernier Chan, en février en Algérie, pour sa troisième participation (après les deux premières en 2009 en Côte d’Ivoire et en 2011 au Soudan). C’est la glorieuse incertitude du sport qui fait le charme du football…
BABACAR NDIAYE, PRÉSIDENT DE TEUNGUETH FC
« C’est l’écosystème du foot local qui pose problème »
Avec le Jaraaf de Dakar (Coupe de la Caf), Teungueth Fc a été l’un des derniers clubs sénégalais à disputer la phase de poules d’une compétition continentale en 2020 – 2021. Pour sa première participation en Ligue des champions, le club rufisquois créé en 2010 avait réussi un parcours inespéré, éliminant même le Raja de Casablanca chez lui pour devenir le premier représentant sénégalais à ce stade de la prestigieuse compétition. Mais, la saison suivante, il a été sorti d’entrée par l’Asec Mimosas d’Abidjan (1 – 0 à l’aller comme au retour). Alors que les différentes équipes et sélections nationales trustent les trophées en Afrique, nous avons cherché à connaitre les clés des succès de Tfc et les raisons pour lesquelles les clubs sénégalais ont un si grand mal à suivre le rythme des « Lions » et autres « Lionceaux ». Et c’est Babacar Ndiaye, le président de Teungueth Fc qui livre les « secrets ».
« Président, comment expliquez-vous les bonnes performances de votre club, Tfc, en Ligue des champions, il y a deux saisons ?
Le secret, c’était un groupe qui avait mûri pendant deux ans. Et même si le championnat s’était arrêté très tôt pour cause de Covid-19, on avait continué à s’entrainer. En plus, on avait un soutien conséquent de tous nos sponsors et surtout de la Fédération sénégalaise de football avec le Comité exécutif qui avait décidé d’aider les clubs qui allaient en Afrique, c’est-à-dire Teungueth Fc et le Jaraaf. On avait ainsi reçu au minimum 35 millions de FCfa. Ce qui nous avait permis d’entrer très tôt en regroupement, au mois de juin et de pouvoir enchainer. Nous étions dans de bonnes conditions de travail, avec des missions d’exploration, des motivations pour les jeunes avec de grosses primes qui pouvaient aller jusqu’à 4 millions de FCfa par match. On dit souvent que si les clubs sénégalais n’arrivent pas à briller en Afrique, c’est parce qu’ils ne peuvent pas garder leurs meilleurs joueurs. Mais, tel n’est pas le cas…
N’est-ce tout de même pas un facteur limitant ?
Pas autant qu’on le dit trop souvent. L’année où l’on a été éliminé d’entrée par l’Asec d’Abidjan, on avait eu un seul départ, Pape Ousmane Sakho. Les gens nous reprochent de ne pas conserver nos joueurs ; mais si vous avez quelqu’un qui gagne 300.000 à 400.000 FCfa et qu’au Maroc ou en Tanzanie on lui propose 4 à 5 millions de FCfa par mois, comment faire face ? Il faudrait que le champion du Sénégal puisse avoir 100 à 150 millions de FCfa de récompense au lieu des 20 millions de FCfa actuels qu’on arrive difficilement à encaisser d’ailleurs ; et dire tout de même merci à la Fsf qui a pu solder jusqu’en 2019. Mais ceux qui se sont imposés depuis cette date attendent toujours d’entrer dans leurs fonds. Donc mettre 200 millions de FCfa pour en encaisser 20, c’est financièrement que le football local de clubs ne tient pas la route. Ce ne sont ni les présidents ni les clubs, mais plutôt l’écosystème du football local qui pose problème.
Ce n’est pas non plus la valeur des joueurs sénégalais qui est en cause ?
Nos joueurs sont tous bons. Par exemple, Ousmane Diouf finit le Chan, le lendemain il part en Afrique du Sud en vol privé pour pouvoir jouer en Ligue des champions avec son nouveau club soudanais d’Al Hilal. C’est pourtant le même qui jouait ici avec Teungueth contre le Stade de Mbour ou Diambars. Pareil pour Pape Ousmane Sakho qui a fait deux saisons pleines ici et qui brille avec Simba de Tanzanie. Idem pour Bouly Jr Sambou qui est actuellement à 19 buts avec le Wydad de Casablanca, alors qu’il n’en a jamais mis plus de 15 ici. Ni au Jamano de Fatick où il a fait 2 ans, ni à Teungueth ni au Jaraaf où il a passé à chaque fois 2 ans. Cela montre que l’environnement, les terrains, les physios, les kinés, c’est important. Quand on met les moyens, on a plus de chances de gagner. Et l’on demande aux présidents de club de ne pas vendre de joueurs. Comment voulez-vous qu’un club qui a 0 subvention, 0 sponsor, qui a une masse salariale de 10 à 14 millions de FCfa, dise non quand il reçoit une offre de 50 millions de francs sur un joueur ? Les présidents ne prennent pas l’argent pour le garder. Or les joueurs sénégalais ont tous envie de partir. Surtout qu’il y a la pression familiale. Je connais qui vont jusque dans les pays de l’Est pour même pas 1000 euros, soit 600 000 francs qu’ils peuvent pourtant gagner ici. Mais ils disent qu’ils veulent sortir du pays sinon ils ne seront jamais sélectionnés en équipe nationale, ou qu’il n’y aura pas ceci ou cela.
Que faire pour sortir nos clubs de ce cycle d’éliminations précoces en Afrique ?
Il faut appuyer le football local. C’est-à-dire donner 100 millions de FCfa par an sur les 5 prochaines années pour chaque club de L1 et 50 ou 75 millions sur la même période pour ceux de L2. Ce qui va tirer vers le haut. Il faut aussi mettre en place une Direction nationale de contrôle de gestion (Dncg) pour que les fonds alloués au foot aillent effectivement au foot. Il faut qu’il y ait cette relation de confiance ; parce qu’on dit que l’État ne s’y retrouve pas, or les présidents de club y vont de leurs poches ou font jouer leurs relations pour des sommes qui sont déjà taxées. C’est très difficile. Il n’y a aucun football professionnel, en France, en Angleterre, en Afrique du Sud, en Tanzanie ou ailleurs qui s’est développé sans appui de l’État. Il y a même en Afrique de l’Est, des pays dont le champion reçoit 300 millions de FCfa. Au Maroc, celui qui gagne a 600 millions de FCfa et les autres équipes, même en 4e division, touchent 100 millions de FCfa. Donc il y a dans ces pays un accompagnement qui se fait. J’espère qu’on tendra progressivement vers cela au Sénégal. On devrait construire à partir de la base vers le sommet, « from the bottom to the top ». Là, les A ont gagné, on a remporté le Chan, les Can U20 et U17. Félicitations à tout le monde ; en espérant que le tour des clubs va bientôt arriver avec un bon message aux bons interlocuteurs.
Mais on vous rétorque souvent que vous avez des entreprises privées…
C’est justement ce qu’il ne faut pas dire, que personne n’a forcé personne, etc. Or, on emploie plus de 120 personnes qui sont payées, ne serait-ce qu’à 200 000 FCfa par mois. Sinon, ces jeunes seraient au chômage. Or, ils prennent en charge leurs familles (…) Donc il faut relativiser et essayer de mieux structurer ce foot en mettant des abattements fiscaux pour les sociétés, comme cela se fait au Maroc. Ensuite, rendre nos stades attractifs pour que les parents puissent y venir avec leurs enfants, faire moins de violence et plus de publicité. Ça viendra, c’est un foot jeune ; mais il faut les bonnes personnes et les bons interlocuteurs au niveau étatique. À mon avis, si l’État a pu recevoir les lutteurs qui sont nos amis, il doit pouvoir en faire de même pour le football local. J’espère que le document sur le football local demandé par le Président Macky Sall lui a été transmis ».
Lamine Ndiaye raconte ses expériences africaines en clubs
Lamine Ndiaye est indubitablement le plus africain des coaches sénégalais de football. L’ancien milieu de terrain international et ancien entraineur national a distillé sa science du jeu, avec une réussite certaine, dans beaucoup de clubs du continent. Il revient sur ses expériences dans les différents championnats qu’il a fréquentés. La différence, selon lui, entre les clubs de ces pays et ceux du Sénégal, c’est qu’ici « on n’arrive pas à garder les meilleurs joueurs sur 2 ou 3 ans, le temps de construire quelque chose de solide ». Pour lui, il faut que des sociétés ou des mécènes acceptent d’accompagner les clubs. « En plus, il faut respecter les joueurs et les coaches, parce que le football c’est leur gagne-pain.
Coton Sports de Garoua (Cameroun)
C’est en 2000 que Lamine Ndiaye est arrivé aux commandes techniques de ce club créé en 1986 par le truchement du président actif qui est aujourd’hui Ministre de l’Agriculture du Cameroun. Il a eu la chance d’y trouver un Dg « amoureux du football et qui avait envie de faire connaitre son équipe et disposait de suffisamment d’argent ». Lamine Ndiaye lui a alors proposé d’acheter un terrain de 12 hectares pour y construire une académie et un cadre durable. Il a recruté de bons joueurs pour l’équipe séniors tout en misant sur des minimes et des cadets, à côté des juniors dont l’équipe existait déjà. Ce qui a fait dire à l’ancien joueur de la Seib de Diourbel qu’il a « déblayé le terrain pour les techniciens français » qui lui ont succédé et dont un est même devenu entraineur national des « Lions indomptables ».
Lamine Ndiaye est fier d’avoir été 6 fois champion du Cameroun et d’avoir remporté 2 coupes nationales, en plus d’avoir disputé une finale de Coupe de la Caf en 2004 face au Raja de Casablanca alors entrainé par le Français Henri Michel. Après quoi, il est revenu au Sénégal pour intégrer le staff des « Lions ». « Mais, deux ans plus tard, rappelle-t-il non sans fierté, lorsque le Coton Sports est allé en finale de la Ligue des champions, j’ai été invité en grande pompe. Parce qu’on m’y voue un grand respect ».
TP Mazembé (Rd Congo)
Contrairement à Coton Sports où il avait fallu tout bâtir, au TP Mazembé de Lubumbashi, Lamine Ndiaye a trouvé en 2010 une équipe bien en place « mais pas d’académie » qu’il a aidé à monter de toutes pièces, même s’il n’y a pas eu la même réussite qu’au Cameroun. « Là, on avait notre stade et tout le nécessaire pour bien travailler. En plus, nos joueurs étaient si bien payés qu’ils ne pensaient même pas à s’expatrier », selon l’ancien joueur de Mulhouse en France. C’est que, là aussi, Lamine Ndiaye a pu compter sur un président immensément riche, Moïse Katumbi, et qui n’hésitait pas à signer les chèques.
Ainsi, entre autres hauts faits, il a pu remporter la Ligue des champions en 2010 et hisser le TP Mazembé en finale de la Coupe du monde des clubs (« c’était la première équipe africaine à atteindre ce stade de la compétition », précise-t-il) face à l’Inter de Milan de Benitez qui venait de prendre le relai de Mourinho.
Léopards de Dolisi (Congo) et Al Hilal (Soudan)
Deux expériences à oublier pour Lamine Ndiaye. « À Dolisi, on m’avait vendu un projet, or ce que j’ai trouvé sur place ne m’a pas plu », soutient-il. À Al Hilal, malgré de belles prestations qui ont permis à l’équipe de grignoter considérablement son retard sur les formations de tête et « de très bons joueurs qui comprenaient ma philosophie et qui m’appréciaient beaucoup », il n’est pas resté longtemps. « Juste 6 mois. C’est parce que j’ai refusé de faire jouer quelqu’un qu’on voulait m’imposer que je suis parti », témoigne Lamine Ndiaye. « J’étais d’ailleurs le 22e entraineur du club en 2 ans et demi ; c’est dire l’instabilité qui y régnait », rigole-t-il. « Pourtant, à chaque fois que le poste est libre, les supporters du club pensent à moi », affirme Lamine Ndiaye.
Horoya Ac (Guinée)
Ici, il y avait « un grand projet avec notamment une académie qui a commencé à sortir de bons jeunes au bout de 2 ans », selon Lamine Ndiaye. Il a ainsi pu travailler, surtout que l’équipe avait les moyens de faire venir des joueurs d’autres nationalités que guinéenne, comme des Sénégalais, des Ghanéens, etc. Ce qui a permis au technicien d’être 3 fois champion de Guinée, de disputer une demi-finale de Coupe de la Caf et deux Ligues des champions. Comme anecdote, Lamine Ndiaye raconte que l’année où la Covid-19 battait son plein, le Horoya avait dû disputer sa demi-finale de Ligue des champions, au Maroc, face aux Egyptiens de Pymarids Fc malgré 7 joueurs affectés « alors que le règlement prévoyait qu’il ne pouvait y avoir match lorsqu’une équipe compte 5 cas ».
« Si j’ai dû partir, ce n’est pas parce que j’avais des problèmes avec le président du club (Antonio Souaré, Ndr), mais plutôt parce que son entourage n’était pas sain », révèle Lamine Ndiaye qui, depuis un mois et demi, est retourné en Rd Congo, au TP Mazembé…
LIGNES LIBRES
Des raisons d’espérer
La clameur est forcément parvenue jusqu’aux oreilles du premier supporter du sport national et du football en particulier et s’est invitée à la table du dernier Conseil des ministres. Cinq titres continentaux en moins de deux ans ! Même au plus fort de sa domination sur le football continental au niveau des Nations (avec 3 sacres consécutifs chez les A en 2006, 2008 et 2010), l’Egypte n’avait pas réussi un tel tir groupé. Les autres pays, inutile d’en parler… C’est dire la performance du Sénégal du foot des équipes nationales. Sauf que le revers de cette rutilante médaille en forme de pentagone, c’est un football local de clubs à mille lieues des standards continentaux.
C’est pourquoi il faut se féliciter des dispositions annoncées par « le Chef de l’État (qui) a réitéré ses directives pour l’accroissement de l’accompagnement de l’État au développement du football local dans toutes ses composantes », comme on peut le lire dans le communiqué du Conseil des ministres du mercredi 24 mai dernier. Le lancinant cri du cœur des clubs locaux, professionnels comme amateurs, semble désormais entendu. Eux qui n’ont jamais cessé de dénoncer le « traitement de faveur » fait aux « Lions » A, surtout, et ce football à deux vitesses, ont maintenant de bonnes raisons d’espérer. Le diagnostic du mal est connu de tous et il tient en une seule expression aussi simple à énoncer que difficile, apparemment, à concrétiser : le financement public.
En octobre dernier, lors d’un séminaire tenu à l’Institut Diambars de Saly, pour les 12 ans de l’instauration du football professionnel au Sénégal, un document avait été ficelé avec six piliers stratégiques pour asseoir durablement le football professionnel (la communication et le marketing, le capital humain, le développement organisationnel, le développement des clubs, les infrastructures et la compétition) et l’aider à sortir des terrains de la contreperformance. Il ne reste donc qu’à mettre en pratique les recommandations. Pourvu simplement que le dossier ne retombe pas dans l’oubli à mesure que la clameur qui a suivi les 5 titres continentaux s’estompera…
DANS L’UNIVERS DES OUVRIERS A TOUT FAIRE
Dans la cité religieuse de Touba, des hommes vigoureux et bien portants, armés de pics et de pelles, leurs outils de travail, font partie du décor. Ils sillonnent les quartiers de Touba à la quête de menus boulots.
Dans la cité religieuse de Touba, des hommes vigoureux et bien portants, armés de pics et de pelles, leurs outils de travail, font partie du décor. Ils sillonnent les quartiers de Touba à la quête de menus boulots. On les surnomme les « Baye pelles ». Ces hommes aux douze métiers, avec leur courage et dignité en bandoulière, refusent la fatalité et la facilité. Main d’œuvre à bon marché, ils préfèrent gagner leur vie à la sueur de leur front.
TOUBA – Regroupés parfois en associations, en dahiras, ou travaillant en solo, ils font de la vidange de fosses septiques, déchargent des camions de sable ou de gravat puis se partagent leurs gains en fin de journée. Ils sont plus d’un millier et sont très présents sur le terrain. Débrouillards, les « Baye pelles », dont l’âge varie entre 30 et 50 ans, ne rentrent jamais les mains vides. Polyvalents, ces hommes aux douze métiers refusent la fatalité. Et la facilité aussi. Dans la ville de Touba où les chantiers poussent comme des champignons, il est évident que trouver du travail ne doit pas être plus difficile. Les « Baye pelles », hommes à tout faire, savent se muer en journalier. Assis à même le sol, ils ont à portée de main leurs outils : pelles, pics, pioches, marteaux, coupe-coupe, etc. Partout, ils sont identifiables grâce à leurs pelles. Ils s’habillent généralement en ouvrier et s’adonnent à toutes les tâches. Ils sont aptes à exécuter de menus travaux allant de la maçonnerie au curage des canaux, en passant par les tranchées, le vidange des fosses septiques, l’abattage d’arbres entre autres menues activités pour gagner honnêtement leur vie. Et ils ne demandent qu’une chose : trouver du travail tous les jours pour assurer la dépense quotidienne. Samba Ndiaye, un « Baye pelle », exerce ce métier « pour ne pas tendre les mains, ou agresser ». Ce dernier ne dispose d’aucune qualification professionnelle. « Depuis plusieurs années, je suis sur le terrain et c’est grâce à ce travail que je nourris ma famille », nous dit-il. « Sous feu Serigne Saliou Mbacké, nous avons fait la campagne de Khelcom par équipes et nous avons creusé des fondations et des canalisations », indique-t-il.
Un travail dur et mal rémunéré
Mohamed Seck, 42 ans, « Baye pelle » trouvé sur un chantier, le visage dégoulinant de sueur, marteau entre les mains, frappe à coups réguliers sur le mur qui finit par s’effondrer avec fracas. Un nuage de poussière envahit le site. Il a été engagé pour démolir des pans de mur de la maison. Originaire de Kaffrine, Mohamed s’active dans le métier depuis 2013. Polygame et père de plusieurs enfants, ce cultivateur n’avait pas d’occupation à son arrivée à Touba. « Je me suis lancé dans le métier de « Baye Pelle » parce que je n’avais ni terres, ni semences. C’est un travail au quotidien, qui nécessite de la force et il est rare qu’on rentre bredouille à la maison », indique-t-il.
La grande majorité des personnes qui s’activent dans ce domaine ne sont pas de Touba. Ils sont âgés entre 30 à 50 ans, mais leur apparence physique leur donne plus que leur âge. Monnayer leur force est la seule forme de travail qui leur permet de gagner honnêtement leur vie et de subvenir aux besoins de leurs familles respectives. Á Touba, ils n’ont pas de siège mais les entrepreneurs savent où les trouver pour venir leur proposer du travail. Le rond-point de la corniche Serigne Cheikh accueille la majorité des « Baye Pelles ». Samba Ndiaye raconte : « Nous avons eu à faire la campagne de Khelcom sous Serigne Saliou Mbacké. Chaque ‘’Baye pelle’’ dispose de ses propres outils. Ce sont ses armes et son gagne-pain. Nous souhaitons qu’il y ait du travail chaque jour afin que nous puissions gagner notre dépense quotidienne ».
Dans une tranchée, de grosses gouttes ruisselant sur son visage, Abdou Lahad Diop, habite Sham Serigne Bara Khoredia, à 4 km de la ville. Il a quitté son village de Thilmakha il y a plusieurs années. Marié et père de quatre enfants, il exerce le métier de « Baye Pelle » depuis plus de 10 ans. « Je ne suis pas au chômage. Chaque jour, il y a du travail ; mais c’est mieux que voler ou de tendre la main. Parfois on gagne plus et d’autres fois moins. Il n’y a pas de sot métier, je suis respecté dans mon quartier », soutient-il.
Revenant sur son parcours, Abdou Lahad Diop révèle qu’il avait un petit commerce et a fait faillite. En bonne santé et bien portant, le bonhomme reconnaît que c’est difficile. Toutefois indique-t-il, un homme doit pouvoir s’en sortir licitement à force d’abnégation. « J’ai d’abord été apprenti maçon, puis j’ai voulu y aller seul », confie-t-il. Ngagne Diop, 45 ans, habitant de Madyana, exerce la maçonnerie, creuse des tranchées, fait des vidanges et du transport de gravats. « Je suis devenu ‘’Baye pelle’’ parce que c’est ce qu’il y avait de plus accessible à faire. Je n’ai pas d’autres occupations. Nous voulons travailler, mais nous n’avons pas de diplôme ni de formation. Mais nous préférons de loin les menus métiers et gagner honnêtement notre vie que de verser dans la délinquance. C’est difficile parce que la rémunération est largement en deçà des efforts fournis et en cas de maladie ou de blessure, nous nous prenons en charge et puisons dans la caisse sociale de la dahira », explique-t-il.
Modus operandi des « Baye pelles »
Loin d’être novice dans ce métier, Abdou Lahad Diop a commencé par creuser des fondations de bâtiments. Il casse des dalles, abat des murs, ramasse du gravat… C’est son lot quotidien. « À défaut de trouver mieux, je suis encore dans ce métier qui est mon gagne-pain. Une journée de travail varie entre 5000 FCfa, 7000 FCfa ou 10.000 francs. Il n’y a pas de barème fixe, nous marchandons avec nos potentiels clients. Nous nous accordons à l’amiable sur le coût du travail », rappelle-t-il.
Le grand Magal de Touba constitue un grand moment de travail pour les « Baye pelle ». En effet, les citoyens lambda comme Moustapha Ndiaye un « gorgorlou », chef de famille, qui ne peuvent bénéficier des camions de vidange, font appel aux « Baye Pelle ». Le grand Magal de Touba constitue la période la plus faste pour ces hommes à tout faire. « Nous sommes très sollicités par les populations. Nous gagnons 10 000 à 20 000 francs en une journée », indique Moustapha Ndiaye. « Les ‘’Baye pelle’’ sont des gens qui gagnent honnêtement leur vie, à la sueur de leur front. Il faut se référer à ces gens », explique Souleymane Mbow, maître-maçon. « Ils font un travail difficile mais avec beaucoup d’engagement et de qualité. J’ai souvent recours à eux parce qu’ils sont moins chers pour des travaux d’Hercule », fait-il savoir.
Pour les populations bénéficiaires des travaux des « Baye pelles », ces derniers sont indispensables. « Ils nous rendent un grand service. Ils travaillent bien, sont efficaces et moins coûteux qu’un camion vidangeur quand il s’agit de vider une fosse », fait savoir Mamadou Seck, délégué de quartier, au village de Khaïra II. « Tous les ans, à la veille du grand Magal, je fais appel à eux pour vider ma fosse septique et ils font un travail exceptionnel en peu de temps et pour un coût abordable », ajoute-t-il.
Lamine Dieng, chef de famille, reconnaît également que les « Baye pelle » sont indispensables à Touba. « Il y a constamment des travaux à faire et les bourses ne sont pas équitables. Je pense qu’on doit formaliser le secteur et leur trouver du travail en permanence. Ce sont des soutiens de famille, ils préfèrent vivre dignement que de faire des actes irresponsables. L’État doit organiser cette main d’œuvre facile au grand bénéfice des populations », affirme-t-il.
Chef d’entreprise de Btp, Fatou Diallo dit employer ces « Baye Pelle » depuis une dizaine d’années sur leurs différents chantiers. « Je leur fais confiance, car les bénéficiaires ne se sont jamais plaints. C’est parce qu’ils font du bon travail et à des coûts très abordables », assure-t-elle.
par Boubacar Boris Diop, Felwine Sarr et Mohamed Mbougar Sarr
CETTE VERITE QUE L’ON NE SAURAIT CACHER
EXCLUSIF SENEPLUS - La situation en cours résulte de la dérive autoritaire du président. L’hubris d’un pouvoir qui emprisonne ou exile ses opposants les plus menaçants, réprime les libertés et tire sur son propre peuple avec une révoltante impunité
Boubacar Boris Diop, Felwine Sarr et Mohamed Mbougar Sarr |
Publication 04/06/2023
Les événements en cours exigent de chacun qu'il prenne ses responsabilités. Nous affirmons que la situation que vit actuellement notre pays résulte de la dérive autoritaire du président Macky Sall. En 2012, notre confiance l'a placé à la tête de l'État sénégalais. Mais mû par son désir de se maintenir à tout prix au pouvoir, il s'est promis de « réduirel’opposition à sa plus simple expression ». Le président Macky Sall a ainsi semé les graines de la discorde et de la violence dans notre pays. Sa responsabilité devant le peuple sénégalais est sans appel. L'Histoire retiendra que c'est lui qui nous a entraînés dans cette crise politique sans précédent, fragilisé notre tissu social et affaissé nos Institutions. Il a de surcroît imprudemment libéré les monstres qui sommeillent en chaque groupe humain et qu’il convient de toujours brider par une pratique de la justice, de l’égalité des citoyen.ne. s et de la paix sociale.
Si nous en sommes arrivés là, c'est parce que nous, le peuple sénégalais, n'avons pas assez réagi quand le régime en place s'est mis à traquer les militants et les cadres de Pastef en plus bien évidemment de son leader, Ousmane Sonko. Il y a pourtant eu des signes avant-coureurs - que nous n'avons hélas pas su décrypter - de cette campagne de répression systématique et sans précédent au Sénégal.
Depuis quelque temps, en effet, tous ceux qui osent élever la voix contre une troisième candidature du président sortant en font immédiatement les frais. Peu à peu, les interdictions de marches pacifiques sont devenues la règle ; les arrestations et emprisonnements arbitraires se sont multipliés. Dans un tel contexte de brutale fermeture de l'espace politique, les procès aux verdicts ubuesques et la séquestration illégale d'un dirigeant de l'opposition en sont venus à paraître d'une inquiétante banalité.
La nature socratique du verdict du procès d’Ousmane Sonko a fini par convaincre que ce n’était pas la manifestation de la vérité qui était visée, mais bel et bien l’élimination d’un opposant politique dans la perspective des prochaines élections présidentielles. Elle pose surtout le problème de notre appareil judiciaire dont la fragilité et la fébrilité sont apparues au grand jour.
En vérité nous sommes tous témoins, depuis plusieurs mois, de l’hubris d’un pouvoir qui emprisonne ou exile ses opposants les plus menaçants, réprime les libertés (notamment celles de la presse) et tire sur son propre peuple avec une révoltante impunité. Nous sommes aussi tous témoins des errements d’un État désireux de rester fort à tout prix - ce prix fût-il celui du sang, de la dissimulation, du mensonge -, oubliant qu’un État fort est un État juste, et que l’ordre se maintient d’abord par l’équité.
A cette réalité brute, l’appareil idéologique du régime en place a répondu que rien ne se passait ; et que ceux qui se trouvaient en prison étaient des individus qui avaient contrevenu aux règles, violé la loi, ou mieux, n'avaient pas respecté les règles de l’État de droit. Par un étrange renversement de perspective, ceux qui ont affaibli et décrédibilisé les Institutions de la République - notamment la Justice, devenue partisane -, les mêmes qui ont rompu l’égalité des citoyens devant la loi, sont ceux qui s’en proclament les gardiens.
Aux citoyen.ne.s dénonçant cet état de fait, on oppose une batterie de chefs d’inculpation allant de la diffusion de fausses nouvelles au discrédit jeté contre les Institutions, en passant par l’appel à l’insurrection, pour justifier l’appareil répressif mis en place contre eux. Par ces actes, c’est toute la conscience démocratique de la société civile sénégalaise qui est réprimée, sommée de rentrer chez elle et de baisser pavillon. Ce désir d’instiller la peur chez les citoyens et d’inhiber ainsi toute velléité de protestation par le langage et le discours a cependant quelque chose de profondément anachronique : les Sénégalais.e.s sont attachés à leur liberté de parole et ils n’y renonceront pas.
Un autre déni majeur est celui de la demande de justice sociale et de justice contentieuse de la part d’une jeunesse qui représente 75 % de la population sénégalaise. Cette jeunesse, en plus de manquer de perspectives, n’a pas d’espace d’expression politique et voit ses rêves d’une société plus équitable hypothéqués. Nous voyons enfin des populations, déjà précaires et laissées à elles-mêmes, aux prises avec les problèmes élémentaires du quotidien le plus rude. Elles observent avec tristesse et impuissance la frénésie accumulatrice d’une caste qui s’enrichit illicitement, cultive un entre-soi indécent et répond, quand on l’interpelle ou lui demande des comptes, par le mépris, la force ou, pire, l’indifférence. Une caste que rien ne semble plus pouvoir affecter, ni la misère sociale, ni sa propre misère morale : voilà le drame.
Aujourd’hui, comme hier, le langage, lieu primal de la lutte de la vérité contre le mensonge, demeure fondamental. La première des compromissions consiste à ne pas nommer ce qui est, à l’esquiver, à l’euphémiser, à le diluer par des tours de passe-passe sémantiques, ou à tout bonnement travestir la réalité. La première des oppressions qui nous est faite est d’avoir tenté par moult opérations de nous obliger à prendre le mensonge pour la vérité. Pour cela, l’appareil idéologique de l’État a tourné à plein régime en produisant des discours ayant pour objectif de voiler le réel.
Nous tenons à alerter à travers cette tribune sur l'usage excessif de la force dans la répression du soulèvement populaire en cours. Symbole de la violence de l’État contre la société, cette répression prend aujourd'hui une forme nouvelle et particulièrement inquiétante. Il s'agit, ni plus ni moins, de la "dé-républicanisation" des forces de défense et de sécurité auxquelles ont été intégrées des milices armées opérant au vu et au su de tous. En agissant de la sorte, le régime actuel est en train de faillir à son devoir de protéger le peuple sénégalais.
Une autre dimension de l’oppression est le gouvernement par la violence et la peur que le régime actuel a méthodiquement mis en œuvre depuis un certain temps. L’intimidation des voix dissidentes, la violence physique, la privation de liberté ont été une étape importante du saccage de nos acquis démocratiques.
Nous n’ignorions pas, après 1963, 1968, 1988, 1993, 2011 et 2021, que l’histoire politique du Sénégal charriait sa part obscure de violence. Mais de toutes les convulsions qui ont agité l’histoire moderne de notre pays, celle qui se déroule sous nos yeux nous semble être la plus simple à résoudre et, par ce fait même, la plus tragique en ses conséquences actuelles. Il suffirait qu’un homme dise : Je renonce à briguer un troisième mandat qui déshonorerait ma parole d’homme, mon pays et sa Constitution, pour que la colère qui s’exprime dans les rues sénégalaises en ce moment même, sans disparaître tout à fait, s’atténue. Cet homme, c’est le président de la République. Qu’il annonce que les articles L29, L30 et L57 du Code électoral seront révisés, que le parrainage sera aboli afin de rendre les élections inclusives et que tous les prisonniers politiques et d’opinion seront libérés pour que la tension baisse, et que la paix ait une chance de revenir.
La vague de violence qui secoue le Sénégal depuis plusieurs jours n’est pas seulement liée à une conjoncture politique passagère : elle est aussi structurelle, profonde, ancienne. Elle traverse tous les pans de la société sénégalaise, et traduit une foi perdue dans l’État de droit ainsi que le désir d’une plus grande justice (sociale), que garantirait un pacte démocratique renouvelé. Toute la question est de savoir si le pouvoir actuel a encore le temps, la latitude, la volonté de mettre un terme à une spirale de violence dont il nous semble qu’il est, tout compte fait, le principal responsable. La voie royale vers une paix durable est cependant dans la réhabilitation de la Justice et dans l’édification, cette fois-ci, d’une société véritablement démocratique. Il s’agira après la tempête, de refonder le pacte Républicain, de construire d’authentiques contre-pouvoirs, de reformer en profondeur nos Institutions, de sortir de notre hyper-présidentialisme afin de ne plus conférer à un seul individu un pouvoir sans limites et sans contrôle.