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20 mai 2025
DES MEMBRES DE LA SÉCURITÉ DE SAMM SA KADDU CONDAMNÉS À TROIS ANS DE PRISON FERME
Le tribunal de grande instance de Saint-Louis les a condamnés pour des actes de violence contre des marchands. D'autres prévenus ont été condamnés à des peines allant de six mois à deux ans ferme, tandis que certains ont été relaxés.
Saint-Louis, 6 jan (APS) – Le tribunal de grande instance de Saint-Louis (nord) a condamné à trois ans de prison ferme trois membres de la sécurité de la coalition « Samm Sa Kaddu », poursuivis pour des actes de violence sur des marchands.
La juridiction a prononcé également d’autres peines allant de deux ans, dont six mois ferme, à trois ans, assortis de deux ans ferme, à l’encontre de certains des prévenus dans cette affaire qui remonde à la campagne électorale des législatives du 17 novembre dernier. D’autres mis en cause ont été relaxés.
Au titre des dommages et intérêts, les parties civiles recevront des sommes allant de 50 000 à 500 000 francs CFA.
Le président du tribunal a déclaré que l’action publique était éteinte pour Bassirou Diop, décédé en détention.
Me El Hadj Diouf, avocat des mis en cause, s’est dit déçu de ce verdict et promet d’interjeter appel dès ce lundi.
Les faits pour lesquels les prévenus ont comparu remontent au 11 novembre dernier. Ce jour-là, des heurts avaient éclaté entre des marchands ambulants de Sor, un quartier de Saint-Louis, et la garde rapprochée de « Samm Sa Kaddu ».
Ces échauffourées se sont produites alors qu’une caravane de cette coalition de l’opposition sillonnait les rues de ce quartier, à quelques jours du scrutin des législatives du 17 novembre.
Au réveil, pour les avertis, cette grande guéguerre des «pastéfiens» sur les réseaux sociaux n’est que de la poudre aux yeux par des pitres inconscients de l’orbite économique mondiale en cours
Si la Cour des comptes venait à désavouer le Premier ministre Ousmane Sonko en confirmant que les chiffres budgétaires qu’il avait dénoncés comme falsifiés étaient bel et bien exacts, ce serait un véritable coup de tonnerre politique, économique et judiciaire au Sénégal. Une telle décision ne se contenterait pas de mettre à mal la crédibilité du Premier ministre, elle marquerait potentiellement la fin de sa carrière politique.
Au réveil, pour les avertis, cette grande guéguerre des «pastéfiens» sur les réseaux sociaux n’est que de la poudre aux yeux par des pitres inconscients de l’orbite économique mondiale en cours.
La vraie guerre masquée reste la décision de la Cour des comptes, qui tarde bizarrement et un audit international annoncé sur l’endettement reste aussi une fuite en avant face aux résultats probables de la Cour des comptes en défaveur à leur bien adoré président de parti, Ousmane Sonko.
Une perte irréversible de crédibilité
Dans un pays où la confiance des citoyens envers leurs dirigeants est déjà fragile, ce désaveu viendrait accentuer la méfiance générale à l’égard de la classe politique. Ousmane Sonko, perçu par beaucoup comme un homme d’intégrité et de transparence, se retrouverait dans une position intenable. La falsification ou la manipulation de données économiques constitue une faute grave, qui, dans ce cas précis, pourrait être interprétée comme une tentative délibérée de manipulation politique pour discréditer les institutions étatiques et s’attirer la sympathie populaire.
Le désaveu de la Cour des comptes signifierait également que les arguments avancés par Sonko, lors de ses interventions publiques et dans sa Déclaration de politique générale, reposaient sur des affirmations infondées. Pour un leader qui se présente comme le chantre de la justice et de la transparence, cette situation équivaudrait à une trahison de ses propres principes.
Une opposition en embuscade
Ce retournement de situation ouvrirait une brèche que l’opposition ne manquerait pas d’exploiter. Les partis d’opposition, jusque-là souvent critiqués pour leur manque de cohérence et de vision claire, pourraient s’unir pour dénoncer la gestion jugée hasardeuse et opportuniste du Premier ministre. Ils réclameraient sans doute sa démission immédiate, tout en exigeant des réformes institutionnelles pour renforcer la transparence et la gouvernance économique du pays.
Une Société civile désillusionnée
La Société civile, qui a souvent joué un rôle de contre-pouvoir au Sénégal, pourrait également se montrer intransigeante. Les organisations et mouvements citoyens, jusque-là mobilisés pour dénoncer la corruption et les dérives du pouvoir, pourraient appeler à des manifestations pour exiger des comptes non seulement à Sonko, mais aussi à l’ensemble du gouvernement.
Un tel scénario renforcerait le sentiment de désillusion au sein de la population, notamment chez les jeunes qui voyaient en Ousmane Sonko un espoir de renouveau. La méfiance envers les institutions risquerait de s’accentuer, aggravant la fracture entre gouvernants et gouvernés.
Des conséquences économiques et internationales
Sur le plan économique, cette crise de crédibilité pourrait avoir des répercussions désastreuses. Les partenaires internationaux, déjà attentifs aux signaux envoyés par le gouvernement sénégalais, pourraient revoir leurs engagements, hésitant à investir ou à accorder des financements supplémentaires. Les institutions financières, telles que la Banque mondiale ou le Fmi, exigeraient des garanties accrues, ce qui alourdirait encore la pression sur l’économie nationale.
Les conséquences juridiques pour Ousmane Sonko
Le désaveu de la Cour des comptes ne se limite pas à un revers politique pour Ousmane Sonko. En tant que Premier ministre, ses déclarations publiques sur la falsification présumée des chiffres budgétaires pourraient engager sa responsabilité juridique. Plusieurs chefs d’accusation pourraient être retenus à son encontre, notamment diffusion de fausses informations (article 80 du Code pénal sénégalais), atteinte à l’image des institutions publiques. Si les enquêtes démontrent une intention délibérée de manipuler l’opinion publique pour des gains politiques, il pourrait également être poursuivi pour abus de fonction et de position dominante.
Les conséquences de telles poursuites seraient lourdes. Ousmane Sonko risquerait des peines pouvant inclure des amendes substantielles, une politique, voire une peine de prison ferme si la justice établit que ses accusations ont causé un préjudice économique ou social au pays. Une enquête judiciaire approfondie pourrait également exposer des failles dans sa gestion en tant que chef de gouvernement, accentuant son isolement politique et ouvrant la voie à sa destitution ou à une démission forcée.
Que faire pour le Sénégal ?
Face à cette crise, il est impératif que l’opposition et la société civile adoptent une posture responsable. Plutôt que d’alimenter la division et la haine, elles doivent proposer des solutions concrètes pour rétablir la confiance des citoyens et des partenaires internationaux.
Le Sénégal doit également en tirer des leçons profondes. Cela inclut :
– Le renforcement des institutions de contrôle : garantir l’indépendance totale de la Cour des comptes et des agences de statistique.
– La transparence économique : publier des rapports accessibles et fiables sur la gestion des Finances publiques.
– L’éducation civique et politique : sensibiliser les citoyens sur l’importance de la redevabilité et de l’éthique dans la gestion publique.
En somme, une telle affaire pourrait servir de catalyseur pour une réforme en profondeur de la gouvernance au Sénégal et la transition vers une nouvelle République.
SALIHOU JAM EST UN JOLI CŒUR
Joli cœur… C’est le nouvel album de l’artiste musicien Salihou Mbacké Bousso, connu sous le nom de scène de Salihou Jam, qui est sorti depuis le 15 décembre dernier
Encore un album de musique dédié à l’amour. «Joli cœur», un nouvel album de 10 titres, réalisé par l’artiste musicien Salihou Jam. Sorti le 15 décembre dernier, ce nouvel opus «international dédié entièrement à l’amour», a été conçu majoritairement sous l’influence des rythmes afro, pop, soul, Rnb, dance hall et mbalax.
Joli cœur… C’est le nouvel album de l’artiste musicien Salihou Mbacké Bousso, connu sous le nom de scène de Salihou Jam, qui est sorti depuis le 15 décembre dernier. Il y a quelques jours, avant la release Party pour la présentation de l’album, Floriane Bousso, son manager, avait annoncé la couleur. «Ambiance chic, romantique et raffinée…L’ensemble de la décoration sera réalisé en fonction de l’album «Jolie cœur» en respectant l’âme que Salihou Jam a donnée à ses chansons et la direction artistique choisie pour ce projet. Dès votre arrivée, vous serez donc propulsés dans l’univers en déambulant au milieu des créations artistiques de Salihou Jam», lit-on dans le document de présentation de l’album
Précédé de deux singles dont «Amina yo», une chanson qui retrace l’histoire d’un coup de foudre entre un artiste et une servante, et de «Dayiman», une chanson qui met également en avant une histoire d’amour passionnel, l’album «Joli cœur», composé de 10 titres, a été également dévoilé au public. «C’est un album international parlant d’amour dans son intégralité. Cet album a été conçu majoritairement sous l’influence des rythmes afro, pop, soul, Rnb, dancehall et mbalax. Nous retrouvons également des mélodies traditionnelles ethniques de la musique sénégalaise», explique Salihou Jam.
Dans cet opus, qui marque une nouvelle étape dans sa carrière, tant par sa diversité musicale que par son approche vocale, contrairement à ses performances en live, l’artiste a opté pour une interprétation plus posée. «Sur cet album, j’ai décidé de chanter avec une voix plus posée et moins énergétique qu’en live, pour que le public puisse s’identifier à mes chansons», précise-t-il.
Pour ce nouveau projet, il explore un style musical différent, confirmant son surnom de multivoice. «Mon nom multivoice se retrouve dans la diversité de mes chansons. Et chaque chanson est unique, avec son genre et ses sonorités propres. J’ai choisi de varier les genres musicaux afin que chacun puisse s’identifier à, au minimum, une chanson de l’album», explique-t-il encore. Interrogé sur son genre musical de prédilection, Salihou Jam se veut éclectique. «J’adore le gospel, le blues, le jazz, le funk, l’afrobeat… Je ne peux pas en choisir un particulièrement. J’écoute beaucoup de genres musicaux différents afin de toujours me perfectionner et m’ouvrir au monde», a-t-il fait savoir.
Cependant, depuis ses débuts avec l’African Mystic Band, en passant par The Voice Afrique francophone et ses collaborations avec des légendes sénégalaises comme Youssou Ndour, Wally Seck, Salihou Jam s’est imposé comme un artiste à suivre. Pourtant, il estime que quelque chose manquait. «Musicalement, je pense qu’il manquait l’album. C’est chose faite. Et je veux faire découvrir à mes fans qui est le vrai Salihou», affirme-t-il
Originaire de Thiès, à travers cet album, il ne livre pas seulement de la musique, mais il offre également un message d’amour et de pardon. «Je souhaite transmettre un message d’amour et de pardon. Comme je dis souvent, live is life and life is love. Je pense que l’amour fait avancer dans la vie», explique l’artiste qui prévoit une tournée nationale. «Je prévois de faire une tournée nationale en 2025 afin d’aller à la rencontre de tous les Sénégalais, dans toutes les villes, même les plus loin de Dakar», annonce-t-il.
Par Mohamed GUEYE
PASTEF FACE AU RISQUE DE FRAGILISER DIOMAYE
Il semble qu'une faction influente du parti au pouvoir cherche à encadrer la liberté décisionnelle du président, particulièrement sur les nominations, en lui imposant des limites à ne pas dépasser
Le tollé soulevé par la nomination de Mme Aoua Bocar Ly Tall au Conseil national de régulation de l’Audiovisuel (Cnra), au titre de représentante des «personnalités qualifiées du milieu des lettres» ne s’est pas encore estompé. On a vu plusieurs «influenceurs» et des militants autoproclamés de Pastef reprendre de la voix pour critiquer cette nomination. Sur les réseaux sociaux, plein d’anciens insulteurs sont en train de s’en donner à cœur joie et rappellent que la dame n’a jamais été un vrai soutien dans «le combat patriotique». Il y a même un «Collectif ses sections communales de Pastef/Les Patriotes» qui a pondu un communiqué à la suite de l’officialisation de cette nomination. Ledit communiqué «dénonce avec vigueur, la promotion des adversaires et ennemis du «Projet»», ainsi que, entre autres, «la promotion des alliés de circonstance, la négligence de la base et les difficultés à joindre les nouvelles autorités, le maintien des éléments du régime apériste dans des instances de décision… ». Même des cadres en vue du parti, comme Guy Marius Sagna ou Amadou Ba, n’ont pas hésité à prendre position dans cette affaire. En oubliant ou faisant mine d’oublier que le décret de nomination des nouveaux membres du Cnra décrète en son Article premier que les personnes nouvellement nommées, le sont pour une durée de 6 années, non renouvelables et non révocables (ce dernier mot à souligner). Ce qui n’a pas empêché plusieurs d’entre eux de s’égosiller.
Certains espéraient peut-être que, instruit par la polémique installée lors de la nomination de l’ancien directeur de la Sirn, M. Samba Ndiaye, comme Pca de la Snhlm, le président Diomaye Faye allait cette fois satisfaire sa base et donner satisfaction à ses ultras. Ils n’avaient certainement pas bien lu le décret de nomination. En plus, ils ne se soucient pas beaucoup de l’effet d’une reculade du chef de l’Etat sur l’opinion et du respect qui serait accordé à ses engagements.
Le plus drôle est de voir à quel point l’indignation de ces «patriotes de souche» est à géométrie variable. Les mêmes personnes qui s’offusquent du «maintien des éléments du régime apériste dans les instances de décision», sont restés à ce jour, étrangement muets de la nomination de personnes comme Lansana Gagny Sakho, ancien Dg de l’Onas, limogé par Macky Sall, avant de rejoindre les rangs de Pastef et se retrouver aujourd’hui Pca de l’Apix. Mieux encore, parmi les plus proches collaborateurs du chef de l’Etat, on trouve Oumar Samba Ba, au poste de Secrétaire général de la présidence de la République. Un poste déjà occupé sous la Présidence de Macky Sall. Il y aussi Mary Teuw Niane, le directeur de Cabinet, anciennement ministre de la République, puis Pca de Petrosen, au temps du même Macky Sall. Un autre proche de Macky, qu’il n’a quitté qu’à la veille de la Présidentielle, c’est Serigne Guèye Diop, pendant très longtemps ministre-conseiller à la présidence de la République, et devenu aujourd’hui ministre du Commerce. Cela, sans parler de la plus emblématique, Mimi Touré, très proche parmi les plus proches de Macky Sall, qu’elle a quitté sous le coup d’une frustration personnelle, pour une sucette dont elle aurait été privée, et qui est devenue une pasionaria de personnes qu’elle avait pourfendues sous tous les tons et devant des publics divers. Sa nomination en tant qu’Envoyée spéciale du président, poste qu’elle avait occupé sous Macky, n’avait suscité que l’ironie des opposants
Aucune de ces nominations, de ces personnes beaucoup plus marquées dans l’appareil apériste, n’a créé de l’émoi chez les partisans de Sonko et Diomaye. Et pour Samba Ndiaye, on a entendu le Premier ministre se défausser sur son chef. Est-ce cela qui avait justifié la sortie de Diomaye, à quelques jours des Législatives, pour rappeler que cette nomination était une prérogative sur laquelle il n’entendait pas déroger ? Cette sortie semble avoir porté ses fruits. Les frondeurs, en tête desquels on trouvait des gens qui, eux-mêmes, avaient bénéficié des largesses de décrets, comme Fadilou Keïta, Dg de la Cdc, ou Waly Diouf Bodian, Dg du Port de Dakar, ont préféré cette fois faire profil bas, laissant la place à de «simples militants». Cela, pour un résultat certainement similaire, à moins que Bassirou Diomaye ne revienne sur le décret tout entier, au grand dam de son autorité. Mais on peut augurer que cette situation n’est pas près de prendre fin. Elle laisse penser qu’il y a au sein de Pastef, une frange de personnes qui semblent décidées à montrer à Diomaye qu’il devrait tenir compte de leurs avis pour toute décision ou toute nomination à laquelle il voudrait s’adonner. Ces gens, qui restent actuellement dans l’ombre, voudraient montrer au chef de l’Etat qu’il n’aurait pas les coudées aussi franches qu’il le voudrait, dans la conduite des affaires de l’Etat, que pour certaines, il y aurait une ligne rouge qu’il ne devrait pas chercher à franchir. Ce qui laisse penser que si ces personnes prennent le risque de défier si ouvertement le président, c’est qu’elles se savent bénéficier d’appuis solides.
La question revient alors à se demander qui, dans l’armature du pouvoir de Pastef, peut être crédité d’assez de pouvoir pour défier le président de la République et lui faire changer d’avis. D’où l’idée que les voies de communication entre les 2 chefs de l’Exécutif étatique et partisan ne seraient plus aussi dégagées que les gens voudraient en donner l’impression. Ce qui renvoie à la question iconoclaste. Si un jour Diomaye était mis en minorité et se sentait acculé et contraint à la démission de la tête de l’Etat, qu’adviendrait-il de tout ce monde qui cherche à le fragiliser ?
CHERCHER LES FORMES DE DIGNITE POSSIBLES SOUS LES NOMBREUSES DOMINATIONS DE NOS SOCIETES
Un peu plus de trois années après son prix Goncourt (2021), Mouhamed Mbougar Sarr donne du temps à son lectorat pour la digestion de son immense roman, « La plus secrète mémoire des hommes ». Il s’est confié au « Soleil »
Entretien réalisé par Amadou KÉBÉ |
Publication 06/01/2025
Un peu plus de trois années après son prix Goncourt (2021), Mouhamed Mbougar Sarr donne du temps à son lectorat pour la digestion de son immense roman, « La plus secrète mémoire des hommes ». Il s’est confié au « Soleil ».
Quel a été votre modus vivendi pendant les années qui ont suivi votre Goncourt ?
Si je devais trouver une image de comparaison, je crois que celle du tourbillon serait la plus appropriée ; un tourbillon rapide et vorace, auquel il était impossible d’être préparé. Le nombre de sollicitations, d’invitations, de propositions de toutes sortes (y compris quand elles n’avaient rien à voir avec la littérature) a explosé. J’ai passé les trois dernières années à voyager et parler de mes livres. Moins d’un an après l’attribution du prix, les premières traductions ont commencé à paraître. Il a donc fallu que j’aille soutenir mes éditeurs étrangers dans la promotion du livre. J’ai donc voyagé dans une trentaine de pays répartis sur quatre continents, sans compter les activités quand j’étais en France. Autant dire que j’ai passé peu de temps chez moi. À une certaine période, je n’y revenais que pour changer de valise et repartir. Il m’est arrivé de me réveiller en pleine nuit et de ne plus savoir dans quel pays j’étais. Cela a bien évidemment un impact sur la santé physique, la vie mentale et le temps d’écriture. Mais, je ne me plains pas. Cela reste une belle aventure, et j’ai conscience d’être assez privilégié. J’ai découvert des pays et des lectorats extraordinaires. Mon plus récent voyage, par exemple, au Brésil, m’a beaucoup ému et empli de joie et de gratitude.
Après un chef-d’œuvre, beaucoup d’écrivains ont eu du mal à se remettre à l’écriture (exemple de Cheikh Hamidou Kane). Comment personnellement percevez-vous cette situation ?
Je ne crois pas avoir écrit un chef-d’œuvre. Le livre le plus important est toujours le prochain. « La plus secrète mémoire des hommes » continue sa vie. Il réunit des lecteurs dans le monde entier. C’est un magnifique destin et j’en suis heureux. Mais je songe déjà à la suite.
Votre regard a-t-il changé sur le rôle social de l’écrivain après la polémique qui avait éclaté au Sénégal après votre Goncourt ?
Mon regard n’a pas fondamentalement changé. Mais ce qui s’est passé, au-delà de la violence verbale et symbolique, au-delà de l’éphémère buzz, au-delà des flamboyantes prises de position, est venu confirmer certaines intuitions que j’avais sur le sens du travail de la littérature dans le contexte social, culturel, politique de notre pays. Ces intuitions sont nombreuses et je ne pourrai les développer toutes ici. Mais l’une d’elles me paraît importante : un écrivain ne doit jamais chercher à correspondre aux attentes culturelles de sa société. À mon sens, dans son oeuvre, seuls sa sensibilité, sa douleur, sa lucidité, sa mélancolie, son ironie, son courage, sa joie, sa langue, intimes, doivent commander. Cette fidélité à sa vérité intérieure est son honneur ; et sans chercher à provoquer puérilement, c’est à sa conscience d’artiste qu’il doit rendre des comptes. La société lui en demandera, nécessairement. Elle est sans doute dans sa fonction et son droit. Mais l’écrivain a, parmi beaucoup de fonctions, ce devoir : indiquer les lieux où la société est hétérogène, hypocrite, silencieuse, violente. Cette tension entre l’écrivain et sa société est nécessaire. L’écrivain doit l’assumer. Voilà comment je vois les choses.
D’où vous viennent les substrats (inspiration) des récits que vous relatez dans vos romans ?
Une part importante de mon travail a pour source des récits entendus ou aventures vécues pendant l’enfance. Il s’agit donc d’un travail de mémoire et de recréation de la mémoire. Une autre part importante vient de l’observation du réel, et particulièrement des lieux invisibles (qu’on veut rendre invisible) du réel, soit parce qu’ils sont honteux, soit parce qu’ils sont violents. Il s’agit donc d’un travail d’élucidation. Enfin, une dernière part provient de ma bibliothèque et de mes lectures, puisque la littérature, pour moi, naît toujours de la littérature.
S’il y en a, quel est le rituel qui suit la gestation de vos romans ?
Je n’ai ni structure ni plan préalablement établis. Je suis surtout les questions des personnages, les images premières de paysages. J’essaie d’atteindre ce point où l’écriture génère sa propre composition, son propre rythme, sa propre tension. La forme se construit d’abord, puis elle vous construit et devient la substance même de l’écriture. Le point que j’évoque est un endroit difficile à atteindre, le centre du labyrinthe, d’une certaine manière, mais une fois-là, je me sens comme un musicien de jazz qui obéit à autre chose qu’à une partition. Ce n’est ni improvisé totalement, ni prévu. C’est simplement l’écriture qui, mûre, sait où elle va et me porte avec elle. J’écris la nuit, c’est la seule constante.
Derrière chaque écriture, se cache, a priori, une idée de véhiculer une pensée. Est-ce qu’en tant qu’écrivain, vous avez au préalable tendance à avoir une idée nette de ce que vous voulez raconter ?
Pour être honnête, non. Je n’ai jamais compris l’intérêt de savoir ou voir clairement avant de l’avoir écrit, ce qu’on va écrire. Où serait le frisson de la découverte, le frisson de l’inconnu dans lequel on entre ? Je charge l’écriture de préciser ma pensée ou ma sensibilité qui sont là, mais auxquelles manque une forme. Écrire est la recherche de cette forme.
Dans vos quatre romans respectifs, la question de la dignité humaine semble être le prétexte de vos récits. Est-ce là une manière de mettre la littérature au chevet de l’humaine condition ?
Ce qui m’intéresse, en effet, c’est de chercher les formes de dignité possibles sous les nombreuses dominations ou humiliations de nos sociétés. Que la violence provienne de terroristes islamistes, d’une administration inhospitalière ou d’un système esclavagiste moderne, d’une société qui discrimine ses minorités ou d’une histoire littéraire coloniale et dissymétrique, ceux et celles qui la subissent tentent toujours d’affirmer leur humanité, d’une façon ou d’une autre. J’aime plonger dans les ombres humaines, car je veux voir l’expression du regard humain dans l’ombre.
Dans « La plus secrète mémoire des hommes », vous dites qu’écrire nécessite toujours autre chose. De manière factuelle, quelle est cette « autre chose » dont vous faites l’éloge et qui vous a réussi dans l’écriture de vos romans ?
Si je le savais, je n’écrirais plus et j’irais cultiver mon champ dans mon village. Cette autre chose est le secret même de la littérature. C’est la plus secrète mémoire des hommes. Personne ne les connaît, mais elles existent, et m’obsèdent.
Votre culture sérère apparaît nettement dans vos romans. Qu’est-ce qui explique cette « sérèritude » qui apparaît dans vos romans, notamment dans « La plus secrète mémoire des hommes » ?
Je parlais tout à l’heure de l’inspiration essentielle des récits de l’enfance. Il se trouve que ces récits proviennent de la culture sérère, qu’ils m’ont été donnés dans cette langue. La richesse de cette culture – les chants, la lutte, le travail de la terre – me fascine, et il ne passe pas un jour sans que je découvre un fragment de cette mythologie, de cette cosmologie, de cette cosmogonie. Je me sens profondément de là. Il est normal que cela transparaisse dans ma sensibilité littéraire.
Votre carrière littéraire se cantonne, pour le moment, au roman. Envisagez-vous d’écrire dans un autre genre ?
Oui, cela arrivera certainement. L’essai, le théâtre. J’aimerais. La poésie, je ne pense pas, même si j’en lis beaucoup. Mais, pour l’heure, le roman m’appelle plus fortement. Et comme sa forme est assez souple pour intégrer tous les autres genres, je les approche par-là, en attendant de m’y confronter directement.
Pensez-vous écrire en langue wolof ou même en sérère qui est votre langue maternelle ?
Oui, j’ai entrepris de suivre des cours de langue wolof. J’espère pouvoir écrire directement un roman dans cette langue, ou en sérère, un jour. J’en ai, en tout cas, l’envie profonde.
Au demeurant, avez-vous une oeuvre en gestation ?
Oui, mais il est trop tôt pour en parler. Tout ce que je peux en dire, s’il ne change pas, c’est qu’il se déroulera pour une large part en pays sérère.
Le Sénégal a récemment élu un nouveau président de la République. Quelle est, selon vous, la politique culturelle et sociale que devrait adopter le nouveau régime ?
Une politique dans laquelle la culture ne serait pas considérée comme un appendice tout à fait secondaire et anecdotique de la vie d’une nation. Une politique dans laquelle la culture ne serait pas subordonnée aux agendas politiques. Une politique dans laquelle la culture ne serait pas réduite au divertissement. Un politique dans laquelle la culture serait, pour tous, pas seulement aux habitants des grandes villes. Une politique dans laquelle, dès l’enfance, on apprendrait à respecter les artistes pour leur travail. Une politique dans laquelle on se souviendrait des artistes du passé, où on n’attendrait pas leur mort pour d’artificielles commémorations. Une politique, enfin, où la culture serait toujours exigeante et non point alignée sur les émotions immédiates et faciles. Toute cette vision est un rêve, peut-être. On verra bien.
CE QUE JE PENSE DU DUO DIOMAYE-SONKO…
Première femme politique à franchir l’obstacle du parrainage pour participer à l’élection présidentielle de mars 2024, Anta Babacar Ngom, aujourd’hui députée, fait partie du renouveau générationnel de la politique sénégalaise.
Entretien réalisé par Moussa DIOP et Mariama DIEME |
Publication 06/01/2025
Première femme politique à franchir l’obstacle du parrainage pour participer à l’élection présidentielle de mars 2024, Anta Babacar Ngom, aujourd’hui députée, fait partie du renouveau générationnel de la politique sénégalaise. Dans cet entretien avec « Le Soleil », elle revient sur une année 2024 marquante, partage ses perspectives tout en confiant ce qu’elle pense du duo Diomaye-Sonko.
Anta Babacar Ngom Diack en 2024, c’est une candidature présidentielle et une autre pour les législatives…
En 2024, j’ai vécu une année qui, je crois, restera déterminante non seulement pour moi, mais aussi pour notre pays. Après avoir longuement évolué dans le secteur privé, j’ai senti qu’il était temps de prendre une part plus active à la construction de l’avenir que je souhaitais pour le Sénégal. Ce choix s’est inscrit dans un contexte où notre Nation traversait une période d’instabilité économique, sociale et politique sans précédent. J’ai ressenti, dans mon for intérieur, un appel impérieux à me mettre au service de mon peuple. Ma candi- dature à l’élection présidentielle, portée par l’Alternative pour la relève citoyenne (Arc), n’était pas simplement l’expression d’une ambition personnelle. Elle incarnait une volonté collective de renouveau. Lorsque le moment est venu de m’engager dans les législatives, cette décision s’est imposée comme une suite logique de cet engagement. L’Assemblée nationale représente une plateforme précieuse où se façonnent les lois qui régissent les destinées du pays. En y entrant, je me suis donnée pour mission d’être une voix forte, d’agir directement sur le processus décisionnel et de porter haut les aspirations des citoyens. Ces deux candidatures, bien qu’à des niveaux différents, traduisent la même cohérence : celle d’une volonté inébranlable de servir, d’agir et de contribuer à l’amélioration des conditions de vie de mes compatriotes.
Vous visiez la présidence, mais vous êtes à l’Assemblée nationale. Peut-on parler d’un lot de consolation ?
Ce n’est jamais une consolation lorsque l’on s’engage en politique par conviction. Je n’ai jamais vu mes ambitions politiques sous l’angle d’un gain personnel. Ce que certains qualifient de « lot de consolation » est, en réalité, une opportunité précieuse pour défendre les idées et valeurs qui ont été au cœur de ma campagne présidentielle. Le rôle de député n’est pas anodin : il s’agit de représenter le peuple, de légiférer sur toutes les lois concernant la vie de la Nation et de contrôler l’action publique. C’est un rôle d’une importance capitale dans la consolidation de notre démocratie et dans la protection des droits des citoyens. Si l’on considère les immenses défis auxquels notre pays est confronté, je vois l’Assemblée comme un espace où je peux continuer à contribuer de manière significative, en portant des réformes audacieuses et en luttant pour des lois qui répondent aux préoccupations des Sénégalais. Plus encore, cette position me permet d’incarner une nouvelle manière de faire de la politique.
Vous étiez la seule femme candidate à la dernière présidentielle. Qu’avez-vous ressenti ?
Être la seule femme candidate à une élection présidentielle, dans un contexte aussi compétitif que celui du Sénégal, est à la fois un honneur et une immense responsabilité. Cela signifie que l’on porte, bien au-delà de son projet politique, les espoirs et les attentes de millions de Sénégalaises.
Cette position m’a permis de mettre en lumière les enjeux de l’inégalité entre les genres dans notre société. Chaque apparition publique, chaque prise de parole était une opportunité pour démontrer que les femmes peuvent non seulement participer au débat politique, mais également le diriger. Il ne s’agissait pas seulement de montrer que c’était possible, mais de prouver que c’était nécessaire pour apporter une perspective différente aux défis auxquels nous faisons face. Cependant, être la seule femme candidate, c’est aussi se confronter à un scepticisme enraciné, parfois voilé, parfois exprimé ouvertement. Les obstacles ont été nombreux, mais ils m’ont rendue plus forte et plus résolue, car à chaque barrière franchie, je savais que je ne faisais pas que tracer ma propre voie : je pavais aussi la route pour celles qui viendront après moi.
2024 est aussi une année marquée par l’avènement du duo Sonko-Diomaye. Quelles relations entretenez-vous avec eux ?
Je dirais que mes relations avec le duo Sonko-Diomaye, comme vous venez de les appeler, sont exactement les mêmes qu’avec tout autre acteur politique. Elles sont marquées du sceau du respect et de la volonté de courtoisie. Même si nos positions divergent sur certains sujets, je reconnais l’importance de leur rôle actuel dans la conduite des affaires de l’État. La vie politique ne devrait jamais être une guerre de personnes, mais un espace où les divergences enrichissent le débat et servent les intérêts supérieurs de la Nation. Bien que j’assume pleinement ma position dans l’opposition, je leur souhaite sincèrement plein succès dans leur mission. En effet, leur succès, s’il est orienté vers le progrès, sera aussi celui du Sénégal tout entier. Pour ma part, chaque fois qu’une idée pertinente pour le développement de notre pays germera, je n’hésiterai pas à la partager. Servir le Sénégal transcende les ambitions personnelles ou les barrières partisanes. Cela dit, il est important de réaffirmer que mon ambition demeure intacte et assumée. Mon objectif ultime est de me positionner, un jour, à la tête de l’État pour imprimer ma marque à la gouvernance et traduire en actes ma vision pour un Sénégal moderne, équitable et prospère.
Pourquoi avoir choisi d’être non- inscrite à l’Assemblée nationale ?
Mon choix d’être non-inscrite à l’Assemblée nationale découle d’une conviction profonde : la politique doit être guidée par les intérêts des citoyens et non par des calculs partisans. Dans un contexte où les lignes de fractures politiques sont souvent exacerbées, j’ai voulu incarner une alternative, une voix libre et indépendante, capable de défendre des idées sans être contrainte par la discipline d’un camp ou l’idéologie d’un autre. Être non-inscrite, c’est s’autoriser à juger chaque proposition selon son mérite, à travailler avec tous ceux qui partagent une ambition commune pour le Sénégal et à re- jeter les clivages stériles.
Comment gérez-vous les critiques sur les réseaux sociaux ?
Les réseaux sociaux sont devenus une place publique où chacun peut exprimer son opinion, parfois avec une violence désinhibée. Mais, je vous rassure tout de suite ; les méchancetés, d’où qu’elles viennent, n’ont aucun impact sur mon action au quotidien. Être une femme po- litique au Sénégal exige une rési lience particulière. Les critiques ne se limitent pas à des désaccords d’idées ; elles touchent souvent à la personne, à son apparence, à sa vie privée, à ses proches… Cependant, je vois dans cette réalité une opportunité de renforcer mon engagement. Ces critiques, bien qu’acerbes, sont le miroir d’une so- ciété en pleine mutation, où la place des femmes dans l’espace public est encore contestée.
Quel a été pour vous le moment le plus difficile dans vos activités politiques en 2024 ?
Sans hésitation, l’un des moments les plus éprouvants de ma carrière politique a été la déception liée aux résultats de l’élection présidentielle. Après des mois d’efforts intenses, d’engagement passionné et d’espoir partagé avec mes militants et avec des milliers de Sénégalais, le score obtenu ne correspondait ni à nos attentes ni à celles de nombreux soutiens qui avaient cru en notre ambition. Par sa particularité référendaire, cette élection réduisait le choix des électeurs à un affrontement binaire, me plaçant dans une configuration complexe où le débat sur les idées et les alternatives a souvent été éclipsé par les polarités extrêmes qui dominaient la scène. Face à cette réalité, il m’a fallu un immense courage pour regarder la réalité en face. Ce mo- ment était difficile, car il ne s’agis- sait pas seulement d’une contreperformance électorale, mais de la remise en question d’une ambition portée par une vision que je juge juste et nécessaire pour le Sénégal. Il aurait été facile de céder au découragement ou de chercher des excuses, mais j’ai choisi une autre voie : celle de la sincérité et de l’humilité.
J’ai pris ce résultat comme une occasion de réfléchir, de comprendre où et comment nous pouvions mieux faire et de me reconnecter davantage aux attentes profondes de nos concitoyens.
Aujourd’hui, avec le recul, je vois cette épreuve comme un point d’in lexion. Elle m’a appris que la vé- ritable réussite en politique ne ré- side pas uniquement dans les résultats électoraux immédiats, mais dans la capacité à continuer d’ins- pirer, de proposer et de construire, même face aux tempêtes. Cette élection était une étape et je reste plus que jamais déterminée à dé- fendre ma vision pour un Sénégal uni, juste et prospère.
Et le souvenir qui vous a le plus fait plaisir ?
La politique, avec ses défis immenses, offre parfois des instants qui marquent profondément et rap- pellent pourquoi on s’engage. L’un des moments les plus réjouissants de mon parcours reste, sans conteste, la validation de mes par- rainages lors de l’élection présiden- tielle de 2024. Ce fut une victoire à la fois personnelle et collective, d’autant plus mémorable qu’elle semblait presque impossible au dé- part. Imaginez, dans un contexte où l’on doutait de ma capacité à rassembler suffisamment de signa- tures, le tirage au sort m’a placée à la 65e position sur 93 candidats, un rang peu avantageux. Pourtant, avec une mobilisation sans précédent de nos militants et responsables, avec l’incroyable coordination des équipes straté- giques et techniques, nous avons relevé le défi. Ce jour-là, lorsque le Conseil constitutionnel a an- noncé que mes parrainages étaient validés haut la main, au premier tour, c’était bien plus qu’un simple résultat technique. C’était un mo- ment de fierté et de reconnaissance pour tout un mouvement qui avait cru en moi, à Arc et à notre ambi- tion, contre vents et marées.
Quels sont vos coups de cœur ?
L’année 2024 a été une aventure humaine extraordinaire marquée par des rencontres inoubliables avec des Sénégalais aux quatre coins du pays. Lors des campagnes électo- rales, j’ai vu des jeunes et des femmes se mobiliser avec une éner- gie et une créativité impression- nante, portés par la conviction qu’ils sont les architectes du chan- gement.
Un moment restera gravé en moi, celui d’une petite fille à Tamba- counda à qui je demandais ce qu’elle voudrait faire lorsqu’elle sera grande. Les yeux brillants, elle me répondit, avec une assurance désarmante, « quand je serai grande, je veux être Anta Babacar ». Ces mots simples, mais puissants, résument l’essence de mon enga- gement.
Une nouvelle candidature serait- elle en vue ?
Mon engagement pour le Sénégal est total et je suis prête à continuer de servir. Ce sont les Sénégalais qui orienteront mes choix, mais tant qu’il y aura des injustices à combattre, je resterai présente et déterminée.
Par Hamidou ANNE
ÉTAT EN RUINE, DISIEZ-VOUS ?
L’Onu annonce le retrait du Sénégal de la liste des Pays les moins avancés. Nous sommes loin des fanfaronnades des nouveaux parvenus qui n’ont vu que ruine et désolation comme résultats d’un « système » qui échappe à leur vacuité intellectuelle
Par la résolution 79/230 de sa 79ème Assemblée générale, l’Onu annonce le retrait du Sénégal de la liste des Pays les moins avancés (Pma). L’aboutissement d’un long processus, qui a nécessité plusieurs rapports d’évaluations ; en 2018, en 2021 et en mars 2024. Donc, durant les soubresauts et les agitations de l’agenda politicien, des hauts fonctionnaires qu’un ignorant appelle «le système», travaillaient sérieusement pour l’Etat et au nom de l’intérêt général. Dans sa résolution, l’Ag de l’Onu annonce que le Conseil économique et social a souscrit à la recommandation du Comité des politiques de développement de retirer le Sénégal de la catégorie des pays les moins avancés.
En français facile, le Sénégal a fait des bonds de géant au plan économique.
Nous sommes bien loin des fanfaronnades des nouveaux parvenus qui n’ont vu que ruine et désolation comme résultats d’un «système» qui échappe à leur vacuité intellectuelle.
Le document nous informe également «qu’une période préparatoire de cinq ans était nécessaire pour tous les pays dont le reclassement avait été recommandé lors de l’examen triennal de 2024, afin qu’ils puissent se préparer efficacement à une transition sans heurt».
S’ouvre ainsi un quinquennat pour acter définitivement la transition du Sénégal de pays pauvre à pays à revenu intermédiaire. L’Onu enfin, déclare que «pour un pays, le fait d’être retiré de la catégorie des pays les moins avancés est un événement capital, qui signifie qu’il a bien progressé vers la réalisation d’au moins une partie de ses objectifs de développement».
Cette grande nouvelle célèbre surtout la bonne tenue d’un Etat ces douze dernières années.
Il y a eu d’abord l’élaboration et la mise en œuvre d’une vision autour de la transformation structurelle de l’économie, avec une société solidaire dans un Etat de Droit, moteur du Pse
Il y a surtout eu la vision d’un homme d’Etat, qui a incarné un leadership et s’est appuyé sur les excellentes ressources humaines de l’Administration du Sénégal pour bâtir un projet de société dont la finalité est la transformation radicale du visage du Sénégal.
Autour d’une vision du progrès, de vingt-sept projets et dix-sept réformes, et de la mise en exergue de six batailles sectorielles à remporter, les résultats sont tangibles, à tel point que la critique facile, parce qu’elle est lapidaire et à bas coût, visait plutôt «le bilan immatériel», antienne répétée par des roquets sans envergure pour au fond, ne rien dire.
Le Président Wade, avec lequel je n’étais pas en phase, avait eu raison d’appeler les Sénégalais au travail. C’est par l’effort continu, loin du bruit et des outrances des adultes qui vivent sur internet et des intrigants des salons feutrés du bord de mer que l’on transforme son pays. Un leader ne s’enferme pas dans des querelles d’épiciers et des chamailleries sur le sexe des anges ; il ne passe pas le plus clair de son temps à injurier ses adversaires et à menacer de les envoyer «pourrir en prison». Il devrait montrer moins d’aplomb dans l’invective que dans la déclinaison d’une vision sérieuse, qui surpasse le temps de ses mandats. Tenir un manche à balai pour écumer des ruelles sablonneuses ne peut être l’horizon indépassable du politique. S’y prêter de manière curieusement ostentatoire, dans une constance jouissive qui frise l’oisiveté, interroge : c’est avouer son incompréhensible inculture, sa navrante ignorance de notre Histoire, son impardonnable incompétence à comprendre cette Nation dont la responsabilité est d’être à l’avantgarde des mutations du monde.
Ce retrait du Sénégal de la liste des Pma est certes une excellente nouvelle. Néanmoins inquiétante, si l’on considère notre contexte. Il reste désormais à poursuivre le travail durant la période probatoire pour positionner définitivement notre pays sur la rampe de l’émergence. Par ailleurs, la décision de l’Onu appelle pour ma part trois lectures
En premier lieu, il s’agit de la sanction positive d’une politique mise en place pendant douze ans, avec hardiesse et courage pour transformer la structure de notre économie, sortir du mantra misérabiliste de réduction de la pauvreté pour aller vers une ambition de décollage économique dans l’inclusion sociale et les solidarités.
Ma deuxième lecture a trait au choix de rester dans un cadre démocratique qui consacre la pluralité des opinions. Il est courant désormais de lire d’intellectuels et de quelques divers littérateurs que la démocratie n’est pas propice au progrès économique.
Souvent, le modèle rwandais est agité en occultant de nombreux paramètres et, surtout, en banalisant l’enfer de l’autoritarisme pour ceux qui le vivent. Cette fausse vérité qui nourrit toutes les outrances et les coups d’Etat dans le Sahel a une responsabilité grave sur l’état de nos pays.
Des intellectuels, d’une irresponsabilité totale, célèbrent des putschs au nom de l’illibéralisme ou pire, de l’anti-France. Le Sénégal progresse tout en maintenant un cadre démocratique imparfait mais solide. Pour se convaincre de la pertinence de notre choix, il faut jeter un coup d’œil aux valets russes du Mali, du Burkina Faso et du Niger… Le Sénégal a su éviter le chemin périlleux emprunté par nos voisins sahéliens. Il confirme encore que l’investissement privé, moteur de la croissance, a besoin de stabilité politique et de sécurité juridique. Le Sénégal offre tous les deux aspects, conformément au choix fait pour la démocratie, qui ne saurait tolérer l’insurrection comme mode de prise du pouvoir.
Enfin, ma dernière pensée va aux théoriciens d’un «Etat en ruine». Ceux-là qui ont eu la délicatesse de ne pas célébrer ni premier baril de pétrole ni premier mètre cube de gaz, encore moins la mise en service du Brt. Les mêmes, qui ont averti le monde sur le maquillage des comptes publics de la part de leur propre administration, voient tous les jours leur rhétorique démentie par les faits. Mais comme Sisyphe, ils ne se lassent pas de tenter de salir notre pays. L’aiment-ils au fond ?
Dernière preuve en date, le communiqué ahurissant de la ministre dont on pourrait dire qu’elle est étrangère aux affaires de son Département. Elle considère le communiqué apportant la bonne nouvelle de l’Onu comme des «allégations», pour tenter de discréditer son pays et de nier ses progrès économiques. Qui imagine le gouvernement cambodgien sortir un communiqué pour contredire l’Onu et nier une avancée économique reconnue par la seule organisation au monde à vocation universelle ? Ils ne nous auront rien épargné, et ce n’est que le début... Comme disent les soyeux Britanniques : «The show must go on.»
Post-Scriptum : J’ai une pensée pour Mamadou Moustapha Bâ, qui a servi notre pays avec talent, engagement et loyauté. Cet immense serviteur de l’Etat sénégalais aurait mérité d’apprendre cette bonne nouvelle. Avec ses collaborateurs, il a géré nos comptes publics avec une dextérité qui a bâti une économie sénégalaise post-Covid-19 résiliente et désormais conquérante.
Par Henriette Niang KANDE
FRAPP/FRANCE DEGAGE, PORTE-VOIX POUR UNE SOUVERAINETÉ
Fondé en 2017 par des organisations citoyennes, ce mouvement se veut une force de mobilisation contre « l’impérialisme économique et politique », avec un engagement en faveur de la « souveraineté nationale et panafricaine »
Le Front pour une révolution anti-impérialiste, populaire et panafricaine (FRAPP) est devenu un acteur du paysage militant au Sénégal. Fondé en 2017 par des organisations citoyennes, ce mouvement se veut une force de mobilisation contre « l’impérialisme économique et politique », avec un engagement en faveur de la « souveraineté nationale et panafricaine ».
Une lutte contre les héritages coloniaux
Depuis sa création, le FRAPP est souvent associé à des slogans comme « France dégage ! », reflétant une exaspération envers la présence des intérêts économiques et politiques français au Sénégal. Cependant, ses dirigeants précisent que leur combat dépasse le cadre antifrançais, ciblant toutes les formes d’impérialisme, qu’elles soient occidentales, asiatiques ou autres. En effet, des campagnes comme « Auchan dégage » et « China Mall dégage » ont illustré une volonté de protéger les entreprises locales face à la concurrence étrangère. Ces initiatives s’inscrivent dans une stratégie plus large de défense des droits économiques des populations locales. Bien que le sentiment antifrançais soit souvent mis en avant, les dirigeants du FRAPP insistent sur l’aspect global de leur combat. Leurs actions visent à sensibiliser sur les inégalités systémiques issues des politiques internationales, tout en promouvant un modèle de développement endogène.
Axes du combat
Souveraineté économique Le FRAPP s’oppose aux contrats déséquilibrés établis avec les multinationales étrangères, particulièrement dans les secteurs stratégiques du pétrole, du gaz et des mines. Le mouvement exige que l’exploitation des ressources naturelles du Sénégal bénéficie en priorité à ses citoyens, en prônant une gestion transparente et équitable des richesses nationales. Démocratie et justice sociale Face aux inégalités croissantes et aux dérives, le FRAPP milite pour une véritable démocratie au Sénégal. Cela inclut des institutions politiques transparentes, une lutte contre les abus de pouvoir, et des réformes visant à garantir une répartition équitable des richesses, pour un meilleur accès aux droits fondamentaux comme la santé, l’éducation et l’emploi. Panafricanisme Enraciné dans une vision panafricaine, le FRAPP promeut une solidarité renforcée entre les peuples africains. Il appelle à une intégration continentale pour relever les défis communs, notamment en matière d’autosuffisance alimentaire, de lutte contre la corruption et de développement durable.
Pour le FRAPP, l’unité africaine est essentielle à l’émancipation du continent face aux influences extérieures. Le Frapp, se définit plus qu’un mouvement protestataire, et dit incarner une volonté de repenser la souveraineté, non au Sénégal, mais dans l’ensemble du continent africain.
Par Henriette Niang KANDE
REBATTRE LES CARTES DU PARTENARIAT
Avec la fermeture annoncée des bases militaires françaises au Sénégal et en Côte d’Ivoire un symbole fort de la présence historique de Paris en Afrique de l’Ouest s’efface
Une nouvelle ère de coopération après la fermeture de la base militaire
Avec la fermeture annoncée des bases militaires françaises au Sénégal et en Côte d’Ivoire un symbole fort de la présence historique de Paris en Afrique de l’Ouest s’efface. Mais cette reconfiguration pourrait aussi être l’occasion de redéfinir les relations entre la France et le continent africain, en adoptant une approche plus équilibrée et respectueuse des aspirations locales.
Vers une coopération sans tutelle
Pendant des décennies, la présence militaire française au Sénégal a été perçue comme un outil de contrôle autant que de partenariat. La base militaire française, drastiquement réduite par Abdoulaye Wade en 2010, qui à l’origine était perçue comme un garant de stabilité nationale et levier d’influence stratégique pour la France, a fait l’objet ces dernières années, de critiques pour sa connotation néocoloniale. Sa fermeture définitive marque un tournant symbolique, répondant à une volonté du nouveau régime sénégalais d’exercer sa souveraineté.
Dans ce contexte, la France doit repenser sa coopération. Plutôt que de se concentrer sur une approche militaro-sécuritaire, Paris pourrait élargir son champ d’action à des domaines plus inclusifs et constructifs. L’éducation, les infrastructures, la culture et la transition énergétique apparaissent comme des axes stratégiques pour renforcer les liens entre les deux parties.
Réinventer le “mindset” des élites françaises pour un partenariat durable
Avec le retrait définitif de la présence militaire française en terre sénégalaise, la France fait face à un défi majeur : refonder ses liens avec un pays qui a beaucoup changé.
Abandonner les réflexes paternalistes
Pendant des décennies, la politique de la France au Sénégal s’est appuyée sur une relation asymétrique, marquée par un paternalisme latent. C’était l’époque. Elle s’est longtemps perçue et jusqu’à une période très récente, comme la « Métropole », voire le guide de cet ancien territoire colonisé. Cette posture est devenue obsolète dans un pays où l’affirmation de la souveraineté nationale et la diversité des partenariats internationaux sont des réalités incontournables. La méthode elle, perçue comme paternaliste et déconnectée des réalités locales, alimente les ressentiments. Le changement de mentalité doit passer par une reconnaissance explicite de cette dynamique. Les élites françaises doivent se départir de l’idée que la France est indispensable à l’Afrique. Aujourd’hui, le discours qui s’entend de plus en plus, est qu’il est temps de traiter les pays africains comme des partenaires égaux et souverains, capables de prendre leurs propres décisions, même si celles-ci vont à l’encontre des intérêts français ou considérées comme telles. Deux exemples qui méritent d’être cités.
En mars 2022, à l’ONU, le Sénégal avait fait réagir des observateurs français par son positionnement lors d’une résolution intitulée « Agression contre l’Ukraine », dont le texte exigeait « que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine et retire immédiatement, complètement et sans condition, toutes ses forces militaires » d’Ukraine. Le Sénégal (comme 11 autres pays africains) s’était abstenu.
En 2014, il avait adopté la même attitude, concernant la crise entre la Crimée et la Russie. Etait-ce une volonté de s’affirmer différemment sur la scène internationale ou un désir de calmer le jeu au niveau régional et local ? Voire. Quelques observateurs n’ont pas manqué de réagir, à l’image de Nicolas Henin (journaliste) , en postant sur son compte X : « Petit retournement du Sénégal, qui a finalement voté au Conseil des Droits de l’Homme en faveur d’une commission d’enquête internationale indépendante à la suite de l’agression de la Russie contre l’Ukraine », semblant ignorer que ce pays, même allié du bloc occidental et de la France en particulier, est resté dans sa logique d’adoption d’une stratégie de non-alignement depuis la guerre froide. Même s’il est arrivé que des répercussions économiques soient ressenties localement, il s’agit avant tout d’un conflit lointain qui se déroule hors du continent.
Une humilité face aux nouveaux équilibres géopolitiques
Les élites françaises doivent reconnaître que la puissance de la France au Sénégal a décliné. Partant de là, elle doit accepter des « nouvelles » alliances et ne pas considérer de telles décisions comme une trahison, mais un choix souverain dans un monde multipolaire. Adopter une posture humble face à cette réalité n’est pas un aveu de faiblesse, mais une preuve de maturité. Cela implique de ne plus percevoir les partenaires du Sénégal (la Chine, la Russie, la Turquie principalement), uniquement comme des concurrents alors que les « souverainistes » ou « panafricains » selon la terminologie donnent l’impression de plaider pour un «France dégage » en lieu et place d’autres puissances. La France pourrait explorer des synergies dans des projets tripartites, où chaque partenaire contribue avec ses forces spécifiques.
Reconnaître les manquements du passé
Toute relation n’est durable que si elle repose sur la confiance. Et pour regagner la confiance, la France doit reconnaître pleinement ses erreurs historiques. Les stigmates de la colonisation, les pratiques opaques de la Françafrique et les interventions militaires controversées continuent de peser lourdement sur sa perception, dans la grande majorité de la jeunesse. La restitution des œuvres d’art pillées, entamée mais encore incomplète, doit être accélérée et accompagnée d’une coopération renforcée avec les institutions culturelles. De même, la déclassification des archives liées à certaines périodes sensibles de l’histoire franco-sénégalaise serait un signal d’ouverture et de transparence. Mais cette reconnaissance doit aller au-delà des symboles pour se traduire dans des politiques concrètes. La mise en place de programmes éducatifs conjoints pourrait permettre de construire une vision partagée et équilibrée de l’histoire.
Le nouveau partenariat gagnant-gagnant : l’après fermeture de la base française
Avec la fermeture définitive de la base militaire française de Dakar, le Sénégal amorce une redéfinition stratégique de ses partenariats internationaux. Ce tournant marque une volonté claire d’affirmer sa souveraineté tout en s’inscrivant dans des collaborations équitables et mutuellement bénéfiques. Mais qu’apporte réellement le Sénégal dans ce nouveau modèle de partenariat ?
Une position géostratégique incontournable
Situé à l’extrémité occidentale de l’Afrique, le Sénégal bénéficie d’une position géographique privilégiée, offrant un accès direct à l’Atlantique et constituant une porte d’entrée vers l’Afrique de l’Ouest. Sa stabilité politique, dans une région parfois troublée, renforce son attractivité. Cette situation géographique confère au pays un rôle clé dans la sécurité maritime et le contrôle des routes commerciales.
Un modèle de stabilité démocratique
Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal est perçu comme un modèle de démocratie en Afrique. Les trois alternances politiques et le respect des institutions, font du pays un partenaire fiable dans un monde où la stabilité politique est une denrée rare. Cette réputation renforce la capacité du Sénégal à jouer un rôle de médiateur dans les crises régionales et à promouvoir une gouvernance respectueuse des droits humains.
Des ressources naturelles en plein essor
La découverte récente de gisements de pétrole et de gaz place le Sénégal au cœur des enjeux énergétiques mondiaux. Ces ressources, encore sous-exploitées, constituent un atout majeur dans les nouveaux partenariats économiques, à condition qu’elles soient gérées de manière transparente et durable. Par ailleurs, le pays possède d’importantes réserves minières (phosphates, zircon) et une zone économique exclusive riche en ressources halieutiques, qui attirent des investisseurs désireux de tirer parti de cette manne
Un hub économique et régional en construction
Avec Dakar comme hub économique et logistique, le Sénégal se positionne comme un centre névralgique pour le commerce et les affaires en Afrique de l’Ouest. Des projets ambitieux, tels que la Zone économique spéciale de Diamniadio et l’expansion du port de Dakar, bien que très fortement concurrencée par Abidjan et Cotonou, renforcent cette vision. Le pays attire encore des entreprises étrangères cherchant à établir des bases dans une région dynamique, tout en bénéficiant d’infrastructures et d’un environnement d’affaires que l’on cherche à améliorer d’une manière constante.
Une jeunesse dynamique et engagée
Avec une population majoritairement jeune, le Sénégal offre un potentiel humain considérable. Cette jeunesse constitue une force de travail compétitive et un vivier d’innovation, particulièrement dans les secteurs technologiques, culturels et entrepreneuriaux. Les partenaires internationaux trouvent dans cette vitalité démographique un levier pour développer des initiatives durables et inclusives.
Vers un partenariat plus équilibré
La fermeture de la base française reflète une tendance plus large au Sénégal : celle d’un rejet des relations néocoloniales au profit d’un partenariat basé sur le respect mutuel. Cependant, la vraie influence désormais appartient aux entreprises privées qui créent la richesse et dont certaines sont plus puissantes que l’Etat sénégalais lui-même. En guise de comparaison, au Sénégal opèrent des entreprises françaises qui pèsent, dit-on, pour 25% des recettes fiscales et près de 10% des emplois formels. Elles sont en concurrence désormais avec des sociétés chinoises, turques, indiennes, marocaines...
La vraie exigence pour les politiques publiques sénégalaises est de promouvoir un secteur privé suffisamment fort qui pourra concurrencer le privé étranger au nom d’une compétition ouverte qui est la principale valeur d’une économie libérale. Bander les muscles est une chose, avoir les moyens de son ambition souverainiste en est une autre. Dans ce rendez-vous de la mondialisation où chaque nation vient avec son avantage comparatif, qu’offre le Sénégal ? Des entreprises assez puissantes pour remporter des parts de marché ailleurs dans le monde ? Un marché de consommateurs suffisamment riche pour attirer des industries et des marques de luxe ? Des ressources naturelles foisonnantes ?
Le risque est de vendre le souverainisme jusqu’à opérer de mauvais choix économiques comme celui du rétablissement du visa d’entrée au nom de la réciprocité. Le Sénégal est un pays touristique. Le secteur constitue la deuxième source de devises de notre économie. Rendre difficile les conditions d’entrée dans le pays, courir le risque de failles techniques comme ce fut le cas en 2013 et en 2015 (avec les bugs des machines, les voyageurs à destination payaient mais les pannes faisaient qu’ils n’obtenaient ni le visa, ni le remboursement de leurs frais. Le système électronique de visa ne marchant qu’une fois sur quatre), peut avoir un impact négatif sur le tourisme. Le discours souverainiste risque d’être vain s’il ne fait pas de l’économie, son moteur. Or, jusque-là, on reste sur des discours dénonçant l’influence politique française et qui relèvent d’une conception ancienne des relations internationales. L’urgence pour ces cinq prochaines années est de constituer un capital économique national pour avoir quelque chose à apporter dans la dynamique de co-construction que nous devons avoir avec le monde. Sinon le Sénégal continuera d’être un appendice, alors que le monde adopte une révolution extraordinaire avec la robotisation, l’Intelligence Artificielle et les énergies vertes.