LA GRÈVE DES TRAVAILLEURS DE LA SANTÉ ET LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES AU MENU DE LA REVUE DE PRESSE DE L'APS CE JEUDI
Les quotidiens se sont surtout intéressés, pour leur édition de ce jeudi, à la grève des travailleurs de la santé et aux manœuvres des partis politiques en vue des élections législatives du 31 juillet prochain.
Dakar, 21 avr (APS) – Les quotidiens se sont surtout intéressés, pour leur édition de ce jeudi, à la grève des travailleurs de la santé et aux manœuvres des partis politiques en vue des élections législatives du 31 juillet prochain.
‘’Les déflagrations liées à l’affaire Astou Sokhna, la dame décédée à l’hôpital Amadou-Sakhir-Mbaye de Louga par négligence et défaut de prise en charge par le corps médical, risquent de faire imploser tout le secteur de la santé au Sénégal’’, prévient EnQuête.
‘’La terrible vengeance des sages-femmes’’, titre L’Observateur, ajoutant qu’‘’elles refusent d’être les agneaux du sacrifice d’un système de santé qu’elles jugent défaillant’’.
Le même journal affirme que ‘’les sages-femmes du Sénégal en veulent à leur ministre de tutelle, le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr’’.
‘’Les soutiens aux sages-femmes arrêtées à la suite du décès par négligence d’Astou Sokhna (…) se multiplient’’, fait remarquer WalfQuotidien.
‘’Les patients vont vivre le calvaire dans les structures de santé’’, s’inquiète Le Quotidien, qui ne cache pas son insatisfaction de la réaction du gouvernement aux difficultés du secteur de la santé.
Le même journal ajoute : ‘’La lecture du communiqué du Conseil des ministres d’hier a dû plonger beaucoup de Sénégalais dans la perplexité. Au moment où l’état de la Santé s’aggrave sur le plan national, le chef de l’Etat se vante des efforts qu’il a fournis pour améliorer la situation de ce secteur. Ce serait simple de lui rétorquer que si ses résultats étaient aussi visibles, nous n’en serions pas là.’’
Le Quotidien invite les travailleurs de la santé et le gouvernement à la ‘’modestie’’ et au ‘’dépassement’’, car ‘’il s’agit vraiment de la vie des gens’’.
L’As, lui, semble donner du crédit aux mesures annoncées par le communiqué du Conseil des ministres, à la suite duquel il écrit : ‘’Le décès [d’Astou Sokhna] (…) est en train de faire bouger les lignes du côté du gouvernement.’’
Le même journal affirme que les autorités gouvernementales ont ‘’la ferme volonté de réformer tout le système’’ de santé.
‘’Le chef de l’Etat pour l’accélération urgente des réformes du système de santé’’, note Le Soleil.
‘’Grèves tous azimuts : la faillite du système de santé’’, résume Kritik’.
Plusieurs syndicats de travailleurs de la santé ont demandé à leurs militants d’observer une ‘’grève générale’’ de vingt-quatre heures, ce jeudi, en guise de protestation contre l’arrestation de quatre sages-femmes de l’hôpital Amadou-Sakhir-Mbaye de Louga (nord), après la mort en couches d’une patiente.
‘’Le Sénégal se noie dans le Net’’
Concernant les élections législatives, L’Observateur relaye les assurances de Barthélémy Dias, le maire de Dakar et responsable de la coalition Yewwi Askan Wi. ‘’Personne ne peut nous voler ces élections’’, jure M. Dias, ajoutant : ‘’C’est la première fois dans l’histoire politique du Sénégal que nous sommes si proches d’une cohabitation à l’Assemblée nationale.’’
Bés Bi Le Jour relaye l’invitation faite par le Parti démocratique sénégalais (PDS), le parti de l’ex-président de la République, Abdoulaye Wade, de rejeter le parrainage instauré par le ministère de l’Intérieur pour l’investiture des candidats aux élections législatives.
Le PDS trouve le parrainage ‘’antidémocratique [et] rétrograde’’. C’est un moyen utilisé pour empêcher ‘’systématiquement’’ des prétendants de prendre part au scrutin, ajoute Bés Bi Le Jour, citant la formation politique d’Abdoulaye Wade.
Le PDS dénonce la non-inscription sur les listes électorales de 1 million de jeunes, exige un ‘’audit contradictoire’’ du fichier électoral et appelle à ‘’une grande manifestation nationale de l’opposition’’, selon Le Témoin Quotidien.
Ces revendications font croire au même journal que la ‘’trêve politique’’ entre Abdoulaye Wade et Macky Sall ‘’n’a duré que le temps d’une rose’’, après que le second a fait l’honneur au premier, en février dernier, de baptiser le Stade du Sénégal à son nom.
Macky Sall, lui, a appelé les partis politiques de la majorité présidentielle à renforcer l’unité de la coalition pour remporter les élections législatives. ‘’Le président de la République a exigé l’unité aux responsables de la coalition Benno Bokk Yaakaar’’, rapporte Le Quotidien, selon lequel la consigne a été donnée lors d’une réunion du chef de l’Etat avec des leaders des partis concernés, au palais de la République.
WalfQuotidien estime que ‘’le président Macky Sall se donne à fond pour une victoire aux élections législatives’’. ‘’Il inaugure (…) des réalisations en grande pompe. Il réconcilie ses partisans. Il mène une véritable campagne de séduction des jeunes [et] est en train de vider les coalitions de l’opposition (…) de leurs maires’’.
‘’D’autres maires de l’opposition vont nous rejoindre, même ici à Dakar’’, écrit Libération, citant le leader de la majorité présidentielle.
Sud Quotidien est préoccupé par les ‘’insultes et dérapages dans les médias sociaux’’. ‘’Le Sénégal se noie dans le Net’’, titre-t-il, ajoutant que ‘’les médias sociaux sont [devenus] un moyen de pression et d’intimidation’’.
Le sujet préoccupe Vox Populi aussi. ‘’On est maintenant dans le viol perpétuel de la vie privée’’, déclare un sociologue interrogé par le journal, selon lequel les réseaux sociaux sont des ‘’tueurs silencieux’’ et des ‘’justiciers des temps nouveaux’’. Cette catégorie de médias est utilisée au Sénégal pour la ‘’délation’’, les ‘’manipulations’’, les ‘’mensonges’’, etc.
‘’On y jette tout ce qu’on collecte comme déchets dans la vie des gens (…) Personne n’étant à l’abri d’une intrusion dans sa vie privée et d’une exposition publique, tout le monde devient sursitaire’’, analyse Vox Populi.
IL FAUT QUE LES DÉCISIONS DE LA COUR DE LA CEDEAO SOIENT CONFORMES A LA RÉALITÉ
La coordinatrice des parrainages de la coalition Benno Bokk Yaakar, Aminata Touré, a reçu, hier, des mains du président du groupe parlementaire de la majorité présidentielle 60 mille parrains pour les prochaines élections législatives du 31 juillet 2022.
La coordinatrice des parrainages de la coalition Benno Bokk Yaakar, Aminata Touré, a reçu, hier, des mains du président du groupe parlementaire de la majorité présidentielle 60 mille parrains pour les prochaines élections législatives du 31 juillet 2022. Lors de cette rencontre, Aminata Touré a été interpellée sur la décision de la Cour de justice de la CEDEAO qui a condamné l’État du Sénégal et lui a ordonné de supprimer cette disposition de notre Code électoral. En réponse à cette interpellation, Mimi Touré a déclaré : « on ne peut pas imaginer une démocratie sans qu’il ait de filtre. Ceux qui critiquent la loi sont sur le terrain. On les voit tous les jours et vous les verrez tous le jour du dépôt, remettre leurs parrainages.
On sait ce que c’est un moyen de renforcer notre démocratie en l’organisant. Une démocratie qui n’est pas organisée vire à l’anarchie ». Poursuivant ses explications, elle a soutenu : « C’est l’occasion de dire à la Cour de la CEDEAO, il faut que ses décisions soient conformes à la réalité. Ça fait partie de notre corpus électoral. Ce n’est qu’un échantillon ». Toutefois, précise-t-elle, la Cour de justice de la CEDEAO est une Cour que nous reconnaissons, qui fait partie de notre dispositif juridique communautaire.
Mais, il faut qu’elle comprenne qu’il y a un aspect pratique des élections. « Il faut que sa décision soit en conformité avec sa mise en œuvre possible. Il ne peut pas exister et il n’existe plus, dans aucune démocratie des élections sans un système de filtre minimal. La loi Sénégalaise définit un parrainage ouvert. Je pense que si un parti n’arrive pas à collecter parce qu’il n’a pas suffisamment de militants, il peut se mettre en coalition. Une démocratie s’organise sinon elle vire à l’anarchie », insiste Aminata Touré.
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PARALYSIE DU SECTEUR DE LA SANTE ET LA PENURIE DES HYDROCARBURES A LA UNE DE LA REVUE DE PRESSE DE ZIK FM CE JEUDI
L'essentiel des quotidiens parus ce jeudi 21 avril 2022, mettent en exergue le malaise dans le secteur de la santé et la pénurie des produits pétroliers qui complique la vie au citoyens
L'essentiel des quotidiens parus ce jeudi 21 avril 2022, mettent en exergue le malaise dans le secteur de la santé et la pénurie des produits pétroliers qui complique la vie au citoyens. Suivez dans cet élément, la revue de l'actualité présentée par Fabrice Nguéma sur les ondes de la Zik Fm.
«UN INTELLECTUEL, SON COURAGE DEVRAIT LUI PERMETTRE, QUELLES QUE SOIT LES TENTATIVES D’INTIMIDATION, DE POUVOIR PARTAGER SON POINT DE VUE»
Abdou Khadry Sanoko, sociologue, se prononce sur les insultes et dérapages sur les medias et réseaux sociaux
De nos jours, aussi bien dans les débats politiques que dans les médias et autres réseaux sociaux, les injures semblent une norme. Qu’est-ce qui explique cette banalisation?
C’est ce que j’appelle la crise de la pédagogie publique. Aujourd’hui, dans le monde en communication, c’est le manque d’arguments. Quand on parle de crise pédagogique, ça renvoie foncièrement à ce qu’on appelle la propension de la violence langagière. Et cette violence langagière là, comme on dit en vérité, quand on est à court d’arguments, quand on est faible d’esprit, fondamentalement on a tout le temps recours à tout ce qui est invectives, quolibets, attaques personnelles. Ça veut dire que c’est le propre quelque part des gens qui sont très limités intellectuellement. C’est pour cette considération que des gens pensent que quand vous violez l’intimité de quelqu’un, quand vous vous attaquez, si vous voulez, à des aspects un peu personnels des gens, vous arrivez à les déstabiliser. Et dans la pédagogie publique, ce qui est admis et accepté, c’est un débat d’arguments, c’est un débat d’idées. Et d’ailleurs, on le dit, dans un débat, les grands parlent des idées et les petits parlent des hommes. Maintenant, dans la perspective pédagogique, les gens ont l’habitude aujourd’hui d’observer que le débat vole très très bas ; mais c’est un débat aussi qui, si vous voulez, met en face ou en lisse des gens dont la hauteur intellectuelle est extrêmement étriquée. Dans un débat, pédagogiquement, si vous n’arrivez pas à brandir des arguments paisibles de haute intensité, fondamentalement, vous êtes obligés d’avoir recours aux invectives, aux insultes et aux conjectures. Bref au potin... C’est ça maintenant qu’on appelle «débat de bas caniveaux» et fondamentalement tous les gens qui s’y prennent obéissent ou répondent à ce profil de personne même, quelque part, dont l’équilibre psychique est plus ou moins douteux.
Des insulteurs et adeptes d’invectives semblent être les plus suivis dans les médias et réseaux sociaux et sont soutenus par des politiques et autres pontes tapis dans l’ombre. N’est-ce pas là une caractéristique de notre société «malade» ?
C’est parce que ils produisent un langage accessible. Vous savez, le langage est tellement peu savant voire tautologique qu’il peut être suivi… C’est ce que les philosophes appellent la «Diánoia». Il y a une grande différence entre la «Diánoia» et la «Doxa». La Diánoia, c’est le monde sensible ; la Doxa, c’est le monde intelligible. Le monde intelligible est le monde consacré par les personnes épanouies dans l’intellectualisme. Maintenant, le discours extrêmement prisé par le bas peuple, pour ne pas dire la «plèbe» comme auraient dit les Grecs, mais c’est un discours où ça vole très bas partout, où ce n’est pas trop élevé, les gens s’invectivent tout le temps… J’ai l’habitude de dire que les réseaux sociaux, c’est des truchements extrêmement prisés par les troubadours, qu’ils me pardonnent de les catégoriser ainsi, mais c’est véritablement des troubadours. On n’est jamais entend dans certains termes ; même en répondant à ce genre d’invitation on peut être décrédibilisé parce que c’est ce que j’appelle le débat tautologique ; c’est du genre «dire que la mer contient de l’eau salée», mais ça tout le monde le sait. Une analyse et une argumentation scientifique, ça se construit à travers une certaine logique et une certaine démarche épistémologique. Et comme maintenant les réseaux sociaux adorent le savoir populaire, communément appelé le savoir du sens commun, où tout le monde est expert, tout le monde et même des tradipraticiens se permettent de porter les mentaux d’analystes, quelque part c’est compréhensif. Je ne leur reproche pas cela parce que c’est un canal très accessible, où tout le monde peut passer et se construire une certaine notoriété. Bon voilà, même pour se faire du buzz, ils éprouvent un grand plaisir de porter un certain habillement et d e l e mettre sur Snap puis en ligne. Donc aujourd’hui, c’est des agents de la socialisation qui sont devenus des canaux que les Sénégalais n’utilisent pas pour se parfaire mais pour s’abrutir… et pour se crétiniser.
Des personnalités dont les voix sont bien écoutées se taisent et la parole est donnée à ceux qui n’ont rien à dire. Est-ce une bonne posture de garder le silence face à ces dérives à cause de la peur des invectives et insanités, en retour ?
Je les comprends parfaitement. Aujourd’hui le débat public est une arène où on subit foncièrement du terrorisme intellectuel. Quand les gens veulent tenir un discours différent des leurs, où vous voulez développer un argumentaire à ces individus, quand vous voulez vous mettre à équidistance avec les partis ou quoi que ce soit, avec les écrits, vous récoltez quoi ? Des insultes, des menaces… Maintenant, tout le monde n’est pas courageux. Il y a des gens qui préfèrent nettement être dans leur confort intime, gérer leurs familles et ne pas aussi s’exposer. Les gens s’exposent bêtement ; ils préfèrent ne pas danser avec les loups, comme on dit. Parce que véritablement les gens avec qui vous avez affaire, c’est des gens incultes, violents souvent et colporteurs des choses qui n’ont jamais existé ; mais juste pour ternir votre image. Certains préfèrent rester dans l’anonymat pour ne pas trop s’exposer ou exposer leurs familles. Maintenant, moi je trouve qu’un intellectuel, son courage devrait lui permettre, quel que soit les tentatives d’intimidation, de rester droit dans ses bottes et de pouvoir partager, à chaque fois que le besoin se fait sentir, son point de vue. Il a l’obligation de partager son savoir avec sa communauté. Des intellectuels aussi pareil ; certains décident de raser complètement les murs pour se protéger. On peut les comprendre.
«IL FAUT QU’IL Y AIT UN FRONT CITOYEN QUI DISE STOP…»
C’est la conviction d’Adama Sow, directeur de la Commission des données personnelles (CDP), interpellé sur les solutions contre le phénomène de l’utilisation abusive de l’injure dans les débats publics et politiques
«L’Etat doit assumer ses responsabilités, car nous avons vu dans d’autres pays, lorsqu’il y a des dérives dans l’espace public, l’Assemblée nationale et le Gouvernement prennent leurs responsabilités.» C’est la conviction d’Adama Sow, directeur de la Commission des données personnelles (CDP), interpellé sur les solutions contre le phénomène de l’utilisation abusive de l’injure dans les débats publics et politiques. Pour lui, face à un «délitement de la société provoqué et encouragé par un usage irresponsable et insouciant des réseaux sociaux», «il faut qu’il y ait un front citoyen qui dise stop…» Car «on ne peut pas emprisonner un pays et une opinion nationale sous le prisme de l’insulte et de la haine». Entretien !
Actuellement, l’injure semble être érigée en règle dans les débats publics, les médias et différents réseaux sociaux. Qu’est-ce qui explique que les débats volent aussi bas ?
La cause est un délitement de la société sénégalaise mais aussi mondiale. Depuis l’avènement des réseaux sociaux, en 2010 jusqu’à présent, il y a un délitement du tissu sociétal partout dans le monde dû à un phénomène qu’on appelle la «haine» en ligne. D’ailleurs, par exemple, il y a des pays qui commencent à légiférer, c’est-à-dire à prendre des lois pour lutter contre cette nouvelle forme de haine entre les citoyens et populations qui passent la majorité de leur temps à s’injurier, débiter des grossièretés en ligne, par le canal des réseaux sociaux etc. Et, par ricochet, en transposant cette irrévérence dans les média traditionnels, d’ailleurs cela est nouveau, donc la frontière entre les réseaux sociaux et les média traditionnels est rompue. Autant nous voyons des insultes en ligne, autant nous les retrouvons sur des plateaux de télévision, radios où les acteurs publics, politiques, activistes et autres etc., se prononcent sur des sujets politiques, qui intéressent la vie publique. La véritable cause, il faut la rechercher dans un délitement de la société provoqué et encouragé par un usage irresponsable et insouciant des réseaux sociaux.
Quelle est la responsabilité des médias ?
La responsabilité des média est double. La première responsabilité est que, de nos jours, les média sont infiltrés. Quand un média, une chaîne de télévision de très grande écoute recrute des chroniqueurs qui ont l’impertinence, l’insulte à la bouche, et en fait des e m - ployés, à ce moment le responsable de ce média qui a recruté ce profil a une responsabilité entière. Et la deuxième est qu’il y a de plus en plus de média qui subissent une tyrannie exercée par les réseaux sociaux, à travers des groupes d’oppression, d’activisme ou de populisme. Les media deviennent fans de ces profils. Finalement, on a cédé le territoire, le micro et la plume à ces derniers qui ne devaient être jamais promus par les média traditionnels. Les media semblent être aujourd’hui, entre guillemets, sous leur charme. Au-delà d’un discours populiste politique, il y a un populisme médiatique qui constitue le drame.
Qu’est ce qu’il faut pour Y mettre fin ?
Je pense qu’il faut que les organisations professionnelles et faîtières qui régulent les médias prennent leurs responsabilités. Ce n’est pas possible de continuer ainsi ; un pays ne peut pas continuer à avoir un front d’insulte. Car, cela va également réellement menacer la démocratie et le jeu de la démocratie et même la cohésion nationale par ricochet.
Doit-on se t a i r e pour ne pas être agressé ou insulté ?
On ne peut pas et ne doit pas se taire. Il faut que les organisations professionnelles des médias prennent leurs responsabilités : le CORED, le SYNPICS, la CJRS, le CNRA et tout le monde. Il faut qu’il y ait un front citoyen qui dise STOP mais pour cela il faut du courage. Il faut qu’on prenne nos responsabilités, tant qu’on ne le fera pas, ce pays ira à la dérive. On ne peut pas emprisonner un pays et une opinion nationale sous le prisme de l’insulte et de la haine. Ce n’est pas possible, cela ne peut pas continuer. L’Etat aussi, doit assumer ses responsabilités, car nous avons vu, dans d’autres pays, lorsqu’il y a des dérives dans l’espace public, l’Assemblée nationale et le Gouvernement prendre leurs responsabilités. On peut même aller jusqu’à légiférer en réalité pour sauvegarder la cohésion sociale et tous les socles de la démocratie. La démocratie sénégalaise est en train de vaciller sous les attaques de cette vie publique faite d’insultes et de haine.
Quelle est la responsabilité des réseaux sociaux dans la banalisation de ces actes ?
C’est un débat qui est posé à travers le monde, parce que tous les différents réseaux sociaux sont responsables de la modération des contenus qui sont sur leurs plateformes. Malheureusement, ces grandes plateformes qui nous gouvernent sur les réseaux sociaux, aujourd’hui, n’ont presque pas d’intérêt ou rechignent à réguler. Parce qu’ils prônent le respect de la liberté d’expression, ils disent qu’ils ne peuvent pas censurer alors que ce qui est considéré comme inoffensant aux Etats-Unis, culturellement est une insulte en Afrique ; ce qui cause problème. De plus, comme ces plateformes américaines, chinoises ou autres ne nous appartiennent pas, malheureusement, nous sommes mal barrés. On procède tout le temps au niveau de Meta, Facebook, Google, et YouTube etc. mais elles nous méprisent et ne nous écoutent pas. Nos gouvernants saisissent tous le temps ces dernières ; mais elles ne répondent pas à leurs sollicitations et cela est davantage préoccupant. Car, ce qui intéresse ces plateformes, c’est de faire du business et ce sont ces contenus qui engendrent beaucoup plus de clics et vues. C’est cela le drame. C’est un serpent qui se mord la queue. A mon avis, il faut qu’en Afrique, nous prenions nos responsabilités et que nous mettions la pression sur ces plateformes pour arriver à une régulation responsable des contenus. Il faut une vraie réflexion dans notre pays, une réflexion à t o u s les niveaux, E t a t , corporation, média, société civile, pour qu’on arrive à voir ensemble comment on doit mettre fin à cette spirale. Nous avons vu ce qui s’est passé lors des évènements de mars, notamment l’emballement médiatique et réseaux sociaux qui ont conduit à des situations fâcheuses. Et depuis lors, on est dans cette fournaise.
QUAND ÇA VOLE BAS
Les médias et les réseaux sociaux sont en ces temps un moyen de pression et d’intimidation. Ils sont utilisés pour s’attaquer à des citoyens. Des insultes ou la diffusion de contenus audiovisuels qui attaquent la dignité
Les médias et les réseaux sociaux sont en ces temps un moyen de pression et d’intimidation. Ils sont utilisés pour s’attaquer à des citoyens. Des insultes ou la diffusion de contenus audiovisuels qui attaquent la dignité, l’honnêteté et portent atteinte à… leur vie.
Les réseaux sociaux, un espace de discussion et d’échange, ne sont pas toujours bien utilisés. Pis, en ces temps ils semblent passer pour un espace de non droit, ils servent à des invectives, de moyen de pression qui prive certains de parole, par peur d’être insulté.
L’affaire Penda Ba et Amy Collé Dieng, très médiatisé en 2017, avait suscité une indignation. Depuis, la situation va de mal en pis. Elle a même atteint son paroxysme. Assane Diouf, s’est illustré en la matière. Depuis les Etats-Unis, où il séjournait, il proférait des insultes et des insanités à des autorités politiques, religieuses voire coutumières.
D’autres cas en ont suivis. Les Institutions du pays ne sont pas en reste. A l’Assemblée nationale, notamment ces dernières législatures, des parlementaires ont, à plusieurs occasions, eu ce genre de comportement, suscitant la nostalgie des débats entre opposition d’alors conduite par des libéraux et la mouvance présidentielle sous la houlette des socialistes, avec l’ancien président Abdou Diouf. Surtout les prises de parole des deux présidents de groupes parlementaires «rivaux», en l’occurrence Abdourahim Agne (alors membre du Parti socialiste - PS) et Ousmane Ngom (alors militant du Parti démocratique sénégalais - PDS).
A titre d’exemple, Moustapha Cissé Lô et le député Farba Ngom s’y sont livrés à des piques et répliques incommodes à un élu du peuple. Ils ne sont pas les seuls. Le député de Bokk Gis Gis, Cheikh Abdou Mbacké, s’y met en cas d’accrochage avec ses collègues appartenant à la mouvance présidentielle, Bennoo Bokk Yaakaar.
Présents dans la vie de tous les jours, et devenant comme la règle, les insultes dans la société traduisent une valeur en déclin, un nivellement par le bas. Si ce ne sont pas des données à caractères personnels qui sont étalées sur la place publique, ce sont des propos discourtois. Les médias traditionnels ne sont pas en reste. Des convives qui font le tour des organes, se laissent aller parfois dans des polémiques qui conduisent à des propos déplacés.
L’affaire dite Sweet Beauty, mettant en cause le député Ousmane Sonko et la masseuse Adji Sarr, en est un exemple. A part les propos parfois impudiques qui sont imputés à la plaignante, ce sont des rivalités entre les souteneurs des deux camps, à travers des débats orduriers et de caniveaux, qui aboutissent à des accrochages.
Les dérives verbales sont aussi notées dans des séries télévisées bien suivies par des Sénégalais. Alors que jadis les propos déplacés étaient coupés ou absents des scénarios, maintenant, les invectives ne sont pas censurées. En dehors des sketchs et séries, toujours dans les médias, la parole publique est diffusée à certaines occasions sans filtre, et à certains moments il ne s’agit pas du direct.
L’histoire du député de Bennoo Bokk Yaakaar, Aliou Dembourou Sow, demandant un recours aux manchettes, en est une illustration qui avait indigné plus d’un. Sur un plateau de télévisions, à la veille des élections locales et territoriales du 23 janvier dernier, se prononçant sur les candidatures à la Ville de Dakar, le promoteur Gaston Mbengue avait tenu, envers un candidat, des propos décriés par beaucoup de Sénégalais, car menaçant la cohésion nationale. Ce qui avait suscité une réaction de condamnation du régulateur audiovisuel.
Les prêcheurs et autres religieux ne sont pas en reste. Après des propos désobligeant à l’endroit de la communauté chrétienne, il y a quelques jours, un prédicateur avait fait une déclaration discriminatoire à l’endroit à la communauté wolof. Le mal est d’autant plus profond qu’à côté, il y a des personnes tapies derrière leurs écrans et qui diffusent des vidéos obscènes. Avec les réseaux sociaux, le mal est beaucoup plus ressenti. Mais, depuis des années, des citoyens ont envahi les médias surtout les radios, faisant des émissions interactives une occasion pour s’attaquer à des adversaires.
LE SÉNÉGAL ENTRE LE MARTEAU ET L’ENCLUME
Le Sénégal compte encadrer l’usage de l’Internet à travers un texte législatif comme dans beaucoup de pays notamment le Bénin, le Congo. Ce, face à la montée des dérives sur les réseaux sociaux.
Le Sénégal compte encadrer l’usage de l’Internet à travers un texte législatif comme dans beaucoup de pays notamment le Bénin, le Congo. Ce, face à la montée des dérives sur les réseaux sociaux. Toutefois, des spécialistes TIC et des citoyens estiment inconcevable de prendre de telles mesures qui sont une «entrave» à la liberté d’expression.
«Le gouvernement a engagé une réflexion et un texte est presque prêt. Nous allons le partager avec vous sur la régulation du secteur des réseaux sociaux. On ne peut pas laisser continuer ce qui se passe dans notre pays dans ce domaine. Ce n’est pas possible et un texte sera pris en concertation avec les professionnels pour certainement améliorer la régulation qui est aujourd’hui très faible et pouvoir consacrer la liberté d’opinion et d’expression dans le respect de la dignité de chaque citoyen». Ces propos ont été tenus par le Président de la République, Macky Sall, le 1er mai dernier lors de la cérémonie de réception des cahiers de doléances des centrales syndicales à l’occasion de la fête du travail.
Face à l’ampleur des dérives sur les réseaux sociaux, il avait ainsi annoncé une réforme, en collaboration avec les professionnels des médias pour y mettre fin. Cette déclaration de Macky Sall fait suite à sa demande, en février 2021 en conseil des ministres, de mettre en place un «dispositif de régulation et d’encadrement spécifique aux réseaux sociaux».
Toutefois, beaucoup de spécialistes avaient tiré la sonnette d’alarme quant à la liberté d’expression qui va entrainer le vote de ce texte. Car, selon eux, le Sénégal est déjà «doté d’un arsenal juridique sur la société de l’information». «Vu les textes déjà existants, il y a lieu de se demander ce que le gouvernement veut réellement réguler étant donné que la liberté d’expression est un droit fondamental que les technologiques ne devraient pas remettre en question. Mettre en place un dispositif en dehors de l’appareil judiciaire pour réguler les réseaux sociaux peut être dangereux pour la démocratie et la liberté d’expression», avait averti Africtivistes.
Quant à l’Association des utilisateurs des TIC ASUTIC, elle avait invité le gouvernement à «abandonner un tel projet qu’aucun motif objectif pour ne pas dire scientifique ne peut justifier», «appelé les journalistes, les groupes de presse à la vigilance face à ce projet qui pourrait porter atteinte à la liberté de la presse», «exhorté les organisations de défense de droits humains à être des remparts contre tout projet qui remettrait en cause la liberté de la presse». Selon les spécialistes des Tic, le mieux est d’encadrer les utilisateurs et sensibiliser sur l’éducation numérique. Cependant, il faut dire que depuis quelques années, il est constaté au Sénégal un usage abusif des réseaux sociaux.
Entre manipulations, invectives, harcèlement, des diffamations, ils sont devenus une fabrique de haine. C’est pourquoi en juin 2018, le Sénégal avait instauré une loi portant Code des communications électroniques qui présentait de nouvelles règles pour encadrer l’utilisation de l’Internet. Ce qui avait suscité une polémique à l’époque également. De nombreux citoyens avaient dénoncé des «dispositions jugées liberticides et anti démocratiques» et invité l’Etat à ne pas avoir une volonté de censurer.
A les en croire, cette réforme est une entrave à la liberté d’expression des citoyens et met en péril la neutralité du net. Ce qui n’est pas toujours le cas.
Par Alassane THIAM
LE PEUPLE CONTRE LA DÉMOCRATIE
Il m’a semblé important de partager ce livre passionnant de Yascha Mounk, car ce jeune politologue et professeur à l’université de HARVARD nous interroge sur la crise de la démocratie libérale.
Il m’a semblé important de partager ce livre passionnant de Yascha Mounk, car ce jeune politologue et professeur à l’université de Harvard nous interroge sur la crise de la démocratie libérale. Dans son ouvrage, «Le peuple contre la démocratie», il nous fait comprendre que la démocratie libérale qui semblait acquise dans les sociétés occidentales est aujourd’hui fragilisée. L’élection de Donald Trump, et d’autres présidents, (en Turquie, Hongrie, Pologne,) constitue une réelle menace puisque ces derniers sapent nos droits fondamentaux. Son essai repose aussi sur le fait de savoir si ce mouvement est durable ou non.
Dans sa thèse, on assiste à une montée fulgurante du populisme et leurs discours simplistes qui font mouche. Il indique que l’attitude de Donald Trump et son programme, dits de manière très simple, sont efficaces pour toucher tout le monde. Une fois au pouvoir, il tente de démanteler toutes institutions qui les contredisent. Même si, le populisme est par essence démocratique, le risque qu’il se transforme en dictature est grand.
L’auteur indique que dans de nombreux pays, les jeunes ont davantage à se définir comme radicaux. Au deuxième tour des élections présidentielles en France, près d’un jeune sur deux a voté Le Pen contre un cinquième des personnes âgées. Il existe un autre phénomène aux USA où 48% des électeurs blancs ont voté pour Donald Trump.
Selon Yascha Mounk, le désintérêt des jeunes de la démocratie peut provenir du fait qu’ils n’ont jamais vécu dans un système différent. L’exemple de la Pologne en est une parfaite illustration. Ce pays, où la transition démocratique était la plus réussie, s’est transformé en mini dictature. Un Polonais sur deux pense que la démocratie est un mauvais système. Mounk considère que pour certains, la communication numérique entretient la démocratie parce qu’elle permet de critiquer les gouvernements non démocratiques et même de les expulser (Tunisie, Egypte…) ou de coordonner les manifestations.
Pour d’autres, elle a des effets néfastes puisqu’elle réduit les garde-fous comme pour la campagne de Trump. Il note aussi que les réseaux sociaux ne sont ni bons ni mauvais pour la démocratie… Il pose l’hypothèse que le ralentissement du niveau de vie des citoyens débouche par la crainte du futur et ces derniers se tournent vers le populisme.
La question de l’identité est un facteur non négligeable, selon Yascha Mounk. En effet, on pourrait penser que les populistes ont plus de succès dans les zones où l’immigration est forte mais, ce n’est pas le cas ; ils ont un succès dans les zones où l’immigration est faible. Les zones d’immigration sont généralement dans les grandes villes, composées en majorité de résidents jeunes, ouverts d’esprit et qui ont une opinion libérale en matière d’immigration.
Etre au contact des immigrés leur a permis de les connaître, au-delà des préjugés. Il nous explique que les natifs américains et européens appréhendent l’immigration de masse parce qu’ils craignent d’être une minorité ethnique. La démocratie de type libérale est-elle mortelle ? Beaucoup de pays sont devenus moins démocratiques car leurs dirigeants se disent représentants du peuple et ils ont le vent en poupe. Leur système dictatorial ne les empêche pas d’améliorer la situation économique de leur pays. La Turquie est le bon exemple. Vivre en démocratie est un grand privilège et peut-être que la démocratie qu’il nomme «illibérale» comme la Hongrie, la Pologne ne durera pas longtemps.
En tout état de cause, ce livre mérite d’être partagé et doit figurer dans beaucoup de bibliothèques car, Yascha Mounk nous livre une analyse passionnante et prospective sur la liberté et la démocratie dans ce monde en ébullition. Il nous rappelle tout simplement que la démocratie est mortelle et que «la servitude volontaire», chère à Etienne De La Boétie, est toujours d’actualité.