SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
22 juin 2025
COVID-19, LE SENEGAL JETTE DES DOSES DE VACCINS
Le refus de certains Sénégalais de se faire vacciner a eu pour conséquence la péremption de certaines doses de vaccins comme l’AstraZeneca que le Sénégal se trouve dans l’obligation de jeter. Ce qui constitue une perte pour le pays
Le refus de certains Sénégalais de se faire vacciner a eu pour conséquence la péremption de certaines doses de vaccins comme l’AstraZeneca que le Sénégal se trouve dans l’obligation de jeter. Ce qui constitue une perte pour le pays dans un contexte où les vaccins ne sont pas suffisants pour couvrir les besoins dans certains pays.
«Tous les vaccins ARN ont une durée de 4 à 6 mois en général. Et lorsque la date de péremption est dépassée, ils ne doivent pas être administrés », a déclaré le Dr Ousseynou Badiane, responsable de la campagne de vaccination au ministère de la Santé et de l’Action sociale, joint par InfoMed. «L’Organisation mondiale de la santé (Oms) recommande que ces doses périmées soient retirées de la chaine de distribution et éliminées en toute sécurité, a-t-il ajouté avant de préciser que les vaccins périmés seront incinérés.
Plusieurs lots de vaccins AstraZenaca sont déjà entrés en péremption pour avoir été stockées plus de trois mois sans être administrées aux citoyens. L’autorité sanitaire a décidé de les détruire par incinération non sans amertume.
«Lorsque nous recevons des vaccins, nous nous attendons à ce qu’ils soient utilisés en un temps record. La réticence vaccinale a des impacts énormes sur la campagne de vaccination » a-t-il dit.
Lancée en février dernier, la campagne de vaccination ne draine pas les foules au Sénégal. Sur 16 millions de Sénégalais seul 1 295 646 sont entièrement vaccinés, soit environ 5,3 % de la population sénégalaise. Ce sont donc des milliers de doses de vaccins qui seront détruites parce que périmées. Comme ailleurs dans le monde, des Sénégalais accordent peu de confiance aux vaccins anti-Covid mis sur pied en peu de temps. Si des mesures rapides ne sont pas prises pour utiliser les vaccins encore disponibles des milliers de doses risquent d’expirer, prévient Ousseynou Badiane. Et cette tendance à la péremption ira croissante.
Au plus fort de la troisième vague, il y avait un grand intérêt pour la vaccination, mais de plus en plus, il n’y a plus cet engouement. Certainement lié à la décrut de la pandémie.
Pour mémoire, les vaccins AstraZeneca ont une courte durée de conservation, (environ 4 à 6 mois) contrairement aux vaccins Sinopharm qui ont une durée de conservation pouvant aller jusqu’à 12 mois avant d’expirer. Les deux laboratoires n’utilisent pas la même technologie
Il convient de souligner que la réticence vaccinale n’est pas une exception sénégalaise. Ailleurs dans le monde les anti vax existent et des vaccins ont déjà été incinérés. Sur le continent, le Malawi a été le premier pays Africain à incinérer publiquement des milliers de doses d’AstraZeneca périmées, au mois de mai 2021, à cause d’une faible adoption du vaccin dans le pays. D’autres Etats font également face à l’hésitation vaccinale devenue un réel problème dans les pays Africains.
LE SÉNÉGAL ATTEND SES TOUTES PREMIÈRES DOSES
Après un siècle de recherches, un vaccin contre le paludisme a été découvert par le laboratoire britannique GlaxoSmithKline. Le 6 octobre 2021, l’OMS a recommandé son déploiement massif son utilisation en Afrique subsaharienne. Réaction de Doudou Sène
Après un siècle de recherches, un vaccin contre le paludisme a été découvert par le laboratoire britannique GlaxoSmithKline. Le 6 octobre 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé le déploiement massif et l’utilisation de ce vaccin en Afrique subsaharienne, principale région du monde où le plasmodium falciparum, l’agent pathogène du paludisme, s’est durablement incrusté. Appelé RTS,S, la découverte de ce premier vaccin antipaludique réjoui énormément les acteurs de la lutte contre le paludisme parce que cela fait 6 ans qu’ils l’attendaient après que son efficacité a été approuvée. C’est le cas du Dr Doudou Sène, le coordonnateur du programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) au Sénégal. Dans cette entrevue accordée à Infomed, le Dr Sène ne cache pas sa satisfaction. Pour lui, c’est une « arme supplémentaire » dans la lutte contre cette pathologie. Occasion saisie par ce médecin pour étaler les différentes actions engagées par le Sénégal en vue d’éradiquer cette maladie. Dans un contexte de rejet du vaccin anti-Covid, comment le vaccin contre le palu sera-t-il accueilli ? Comment le Sénégal se prépare-t-il à accueillir ce vaccin ? Quid du candidat vaccin R21 des chercheurs burkinabés ? Réponses du Dr Doudou Sène.
Infomed : Dr Doudou Sène, l’OMS a recommandé le 6 octobre dernier le déploiement massif et l’utilisation du premier vaccin antipaludique RTS,S en Afrique subsaharienne et ailleurs dans le monde. En tant qu’acteur clé de la lutte contre cette maladie au Sénégal, comment réagissez-vous à l’arrivée de ce vaccin ?
Dr Doudou Sène : C’est tout un espoir et avec beaucoup de plaisir que les acteurs de la lutte contre le paludisme ont accueilli cette nouvelle. Depuis l’annonce de ce vaccin, le Sénégal est en train de préparer une grande réunion pour rassembler l’ensemble des acteurs en l’occurrence les scientifiques avec lesquels nous travaillons régulièrement. Nous avons commencé à préparer un peu les termes de référence de cette rencontre parce que nous aurons plusieurs acteurs notamment la direction dédiée à la vaccination, les bailleurs de fonds qui nous appuient dans le financement, les scientifiques, les acteurs de la santé publique et épidémiologistes, les médecins chefs de régions et des autres directions. Ainsi, tous ces acteurs doivent se regrouper pour voir les modalités pratiques de l’introduction de ce vaccin au Sénégal.
Votre réactivité laisse penser que vous attendiez impatiemment ce vaccin…
Ce vaccin était attendu depuis des années par des pays africains parce que l’Afrique, à elle seule, pèse très lourd par rapport à la morbidité et mortalité liées au paludisme. Quand on regarde les chiffres de 2019 et de 2020, plus de 219.000 de cas ont été recensés à travers le monde et plus de 400.000 décès environ. Chaque année, l’Afrique de l’Ouest particulièrement pèse, à elle seule, plus de 90% de cette charge de morbidité et de mortalité. Plusieurs stratégies ont été déroulées pendant des décennies : l’utilisation des moustiquaires imprégnées à longue durée d’action, la chiomioprévention saisonnière du paludisme, le traitement préventif intermittent chez la femme enceinte. Grâce à tous ces efforts, nous avons eu des avancées significatives dans la lutte.
Quels indicateurs permettent de dire que les efforts ont porté leurs fruits sur le continent ?
Quand on regarde ces dix dernières années, de 2000 à 2015, nous avons eu une réduction en Afrique de plus de 40%. Au Sénégal c’est à peu près 10% de réduction de la charge de morbidité. Donc l’arrivée de ce vaccin pourra peut-être booster davantage et accélérer le pas vers l’objectif de l’élimination du paludisme à l’horizon 2030.
Le Sénégal est manifestement très mobilisé pour accueillir ce vaccin contre le paludisme. Après ces différentes réunions préparatoires quelle sera la prochaine étape ?
La deuxième étape c’est de voir comment mobiliser des ressources financières avec nos partenaires classiques comme l’USAID/PMI mais également le Fonds Mondial et d’autres acteurs qui appuient un peu la vaccination en Afrique notamment l’Alliance GAVI qui appuie souvent nos pays à l’introduction des vaccins. Il faudrait également s’investir dans la communication parce qu’il (Ndlr : le vaccin contre le paludisme) est arrivé dans un contexte particulier où il y a eu beaucoup de débats sur la vaccination. Lorsqu’on regarde le processus de fabrication de ce vaccin contre le paludisme, il ne suscite pas de crainte contrairement au vaccin contre la Covid où les choses se sont accélérées parce que c’est depuis une dizaine d’années pratiquement que les gens étaient en train de faire des recherches.
C’est important de faire cette précision ?
Il est important pour nous de rappeler ce processus qui a abouti à la conception de ce vaccin. Cela a été vraiment un processus large avec plus de 2 millions de doses qui ont été testées à travers le monde notamment au Kenya, au Malawi et au Ghana et qui a donné des résultats très satisfaisants. Ce n’est pas le même processus que celui de la Covid-19. D’où la nécessité d’avoir une très bonne communication et d’informer également la population de l’avantage qu’il y a d’utiliser ce vaccin contre le paludisme.
Vous évoquiez tantôt d’une bonne communication. Ça veut dire que vous redoutez la réticence des populations du fait des suspicions ou de la méfiance opposées au vaccin contre la Covid-19 ?
Il faut s’y attendre puisque que c’est dans un contexte particulier. Vous avez noté le débat qu’il y a eu sur le vaccin contre la Covid et qui a entrainé cette polémique sur ce vaccin (Ndlr : contre la Covid-19). C’est, en partie, dû au processus qui a abouti à sa conception et que les gens ne connaissaient pas avant. En fait, avec l’avancée des techniques, le vaccin anti-covid a été conçu dans un délai très court. Par contre, s’agissant du vaccin RTS,S, pendant une dizaine d’années, les gens ont fait des recherches sur le plan innocuité pour voir s’il n’y avait d’effets secondaires ou autres. Tout cela a été très bien étudié. C’est la raison pour laquelle, l’OMS a indiqué qu’il fallait généraliser l’utilisation de ce vaccin à travers l’Afrique.
Lorsque le vaccin RTS,S sera introduit, qu’en sera-t-il des autres moyens de lutte?
Même avec l’introduction de ce vaccin, les autres stratégies vont continuer notamment l’utilisation des moustiquaires imprégnées à longue durée d’action. Nous allons introduire à partir de l’année prochaine une nouvelle génération de moustiquaires qui sont beaucoup plus efficaces contre les moustiques. Nous allons également continuer les stratégies communautaires à savoir la Pecadom (Ndlr : Prise en charge à domicile) qui est la recherche des cas sur le terrain dans la période de forte transmission. Nous sommes aussi en train de tester la « mass drug administration » (Ndlr : distribution de masse de médicaments) dans la région de Tambacounda. Il s’agit d’un traitement préventif qui est administré aux populations à la veille de l’hivernage pour nettoyer un peu les réservoirs du parasite. C’est pour vous dire qu’énormément de stratégies sont en train d’être réfléchies et menées sur le terrain. On espère que le rendez-vous de 2030 sera honoré par le Sénégal.
Comment expliquez-vous le fait que le Sénégal, avec tous ses efforts, n’ait pas franchi l’étape intermédiaire de réduction de 40% de l’incidence par rapport à 2015 comparé aux pays comme le Malawi, la Namibie, le Botswana et même la Gambie voisine qui l’ont atteint en 2020 ?
Le Sénégal ne se trouve pas dans cette liste mais il faut reconnaître quand même que des avancées significatives ont été notées dans la lutte contre le paludisme. C’est vrai que l’objectif que nous nous étions fixés en 2015 était de faire une réduction de 75% de la charge de morbidité par rapport à notre plan stratégique que nous élaborions. Certes, c’était notre objectif mais tous ces efforts fournis nous ont, quand même, permis de verdir la situation. Lorsque je parle de verdir, c’est pour dire que nous avons une classification qui nous a permis de stratifier un peu la charge de morbidité à travers le pays.
A quoi faites-vous référence en parlant de stratification ?
Quand vous allez dans la zone Nord du pays qui regroupe les régions de Saint-Louis, Matam, Louga et une partie de la région de Thiès, de Fatick et une partie de Dakar, de Ziguinchor, nous avons une incidence qui tourne autour de -5 pour 1000 habitants. Quand on parle d’incidence c’est le nombre de cas de palu que nous recensons pour 1000 habitants. Nous avons une réduction drastique dans ces zones-là. Par contre, nous avons une charge de morbidité qui reste encore élevée dans la région sud du pays notamment dans les régions de Kolda, de Tambacounda et de Kédougou où 80% des cas de paludisme sont concentrés. Sur 16 millions d’habitants, nous avons à peu près deux millions d’habitants qui ont cette charge de morbidité. C’est pour vous dire qu’il y a des efforts. Toutefois, il faut savoir que la lutte contre le paludisme n’est pas une affaire du secteur de la santé à lui seul. Il y a d’autres facteurs environnementaux qu’il faudra prendre en compte.
Quels sont justement ces facteurs en question Dr SENE ?
Dans ces zones du Sud, par exemple, quand vous allez là-bas, il y a un réseau hydrographique très poussé, une pluviométrie très précoce à partir du mois de mai et qui fait que le nombre de cas de paludisme augmente rapidement au mois de mai quand les premières pluies commencent à apparaître. Quant au pic, il est noté au mois d’octobre. Nous avons aussi des aspects transfrontaliers avec le Mali et la Guinée qui sont très voisins à ces régions-là et qui font que nous avons un mouvement de populations très intense. Ainsi, ces populations ne sont pas très maîtrisables pour pouvoir bénéficier des stratégies majeures que nous développons. Cela explique que le Sénégal, malgré que nous ayons une incidence qui reste encore très élevée, a eu des avancées très significatives.
Cela signifie qu’avec l’arrivée de ce vaccin, ces régions du Sud vont être ciblées en priorité ?
En effet, ce nouveau vaccin va être une expérience qui va être implémentée dans ces zones pour sauver le maximum d’enfants parce qu’il a été démontré, dans les premiers résultats, que nous avons une réduction de 30% environ avec l’utilisation chez les enfants âgés de moins de 5 mois à 5 ans. La gravité des cas est également réduite à près de 40% pour ces ceux-là : ce qui veut dire que nous allons réduire également la mortalité liée à cette maladie.
Dr Sène, c’est après un siècle de recherches qu’on a finalement réussi à trouver un antipaludique alors que pour la Covid pratiquement une année a suffi si ce n’est pas moins. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je vous dis ce que j’en pense. C’est parce que la maladie touche plus les Africains. Vous avez vu quand la maladie était mondiale (Ndlr : concernant la Covd-19) et que l’Occident qui a les moyens a pris la question à bras le corps, on a trouvé un vaccin dans un délai relativement court… Si, par exemple, le paludisme était similaire dans sa répartition à travers le monde, certainement nous aurions trouvé un vaccin depuis longtemps.
Cela en dit long sur la soi-disant coopération internationale et l’intention de tous ces prétendus amis de l’Afrique…
C’est pour cela que les Africains doivent prendre leurs responsabilités et nos gouvernements doivent appuyer souvent nos chercheurs pour qu’ils puissent, à l’avenir, se mettre au-devant.
Les chercheurs burkinabés et leurs collègues d’Oxford ont réalisé quelque chose de ce point de vue avec le vaccin R21 efficace à 77% même s’il doit passer encore d’autres étapes et que cela attendra environ 3 ans. Quel est votre commentaire ?
J’apprécie beaucoup l’expérience du Burkina Faso où nous avons un vaccin qui est en train d’être testé et dont l’efficacité est prouvée à 77%. Donc il est important, pour nous, qu’en Afrique les gens dépassent une certaine étape et améliorent un peu la recherche. Nous avons de grands chercheurs dans nos pays. L’avantage ici au Sénégal, c’est que tout ce que nous faisons c’est sur la base de nos recherches scientifiques. Des universitaires qui sont à l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD), à l’Université de Thiès, à l’Université de Saint-Louis y travaillent beaucoup. Nous avons de grands laboratoires notamment celui du professeur Daouda Ndiaye qui a découvert une immunigène malariale permettant de faire le diagnostic du plasmodium falciparum. En somme, nous avons de la matière par rapport à ce domaine de recherche qui est le paludisme.
Justement Dr Sène, on aurait bien aimé que le vaccin provienne de l’Afrique. Connaissant la performance des chercheurs sénégalais pourquoi n’a-t-on pas eu un vaccin de ce côté ?
On aurait bien aimé mais une recherche nécessite quand même des moyens comme je vous le disais tantôt. Il faut un accompagnement de nos autorités politiques parce qu’ici nous avons énormément de priorité également. Ainsi, il faut impérativement un accompagnement des partenaires technique et financiers. Toutefois, nous avons toujours dans ce domaine, même si ce n’est pas piloté par nos pays, la participation de nos scientifiques à ce type de recherches comme l’exemple du Burkina où nous avons de grands chercheurs qui ont participé. Le Sénégal n’est peut-être pas engagé dans ce sens mais nous avons d’autres priorités notamment sur le suivi de l’efficacité du traitement parce qu’il faut une bonne surveillance de la résistance à nos médicaments. Il y a une efficacité des tests de diagnostic rapide pour voir si les outils que nous utilisons sont toujours conformes aux normes édictées pour pouvoir faire le diagnostic et pouvoir prendre en charge le traitement correct du paludisme.
par Mamadou Mansour Diouf
SÉNÉGAL, LE PRIX CONS-COURTS
Chers lauréats, vous avez la paresse de lire un livre, mais de grâce « nguir yalla » faites l’effort de lire le résumé que je vous fais ci-après du roman de Mbougar Sarr qui traite de l’homosexualité dans notre société : « De purs hommes »
Comme d’habitude des Sénégalais, ont dans un premier temps systématiquement hurlé avec les loups et suivi aveuglément le concert des félicitations pour aduler le lauréat du Goncourt Mbougar Sarr, sans avoir lu la moindre phrase de son roman.
Aussitôt après il leur a fallu voir des extraits de son œuvre et quelques phrases prononcées dans une interview pour effectuer un virage à 180 degrés et jeter l’anathème sur lui :
« Il fait la promotion de l’homosexualité, il défend la cause des « Gordjiguene », il est soutenu par des lobbies dont il exécute l’agenda caché, il a obtenu le prix pour ses positions sur l’homosexualité » patati patata...
Ceux-là ont remporté brillamment le prestigieux prix « Cons-Courts ».
Alors chers lauréats, vous avez la paresse de lire un livre c’est un secret de polichinelle mais de grâce « nguir yalla » faites l’effort de lire le résumé que je vous fais ci-dessous de son roman qui traite de l’homosexualité dans notre société : « De purs hommes ».
J’ai fait le sacrifice de le lire pour vous dire exactement son contenu.
À vous de vous faire votre opinion après !
Vous verrez ainsi que vous méritez amplement le prix « Cons-Courts » qui vous a été décerné.
« De purs hommes ».
Tout commence dans ce roman par une vidéo virale sur Internet que Rama, une femme libre, reçoit sur son smartphone.
Cette vidéo montre une foule hystérique dans un cimetière musulman exhumant le cadavre d’un homme "impur", car soupçonné d’être homosexuel et indigne de cohabiter, même mort, avec des hommes "purs".
Ce n’était qu’un « Goordjiguéne», homosexuel et nombreux sont ceux qui considèrent qu’il ne doit pas être enterré dans un cimetière musulman.
Rama montre la vidéo à son amant Ndéné Gueye, professeur de littérature française à l’université.
Cette petite vidéo va remettre en question l’existence de ce jeune professeur qui, après ses études supérieures en France, ne comprend pas cette discrimination. Le professeur Ndéné Gueye n’a d’abord pas d’avis tranché sur le sort réservé à cet homme post-mortem, il afficherait même une sorte d’homophobie qui scandalise sa maîtresse, la belle Rama, femme libre et bisexuelle. Mais la vidéo fait son chemin dans sa tête et l’interroge. Qui était cet homme ? Personne ne se soucie de son identité mais Ndéné se met en quête de sa famille.
Il va tenter de tout connaître de cet homme et de rencontrer ceux qui l’ont connu. Il approchera le monde de la nuit, le monde des travestis qui font les belles soirées de Dakar, ces soirées dans lesquelles la foule s’amuse. Il espère trouver là les réponses attendues. Avec l’aide de plusieurs intermédiaires, il finira par rencontrer la mère du jeune homme.
Son intérêt subit pour ce monde est mal compris de tous, depuis son amie Rama, jusqu’à sa famille notamment son père.
À l’université le sujet prend de l’ampleur. Une circulaire ministérielle interdit aux enseignants d’étudier des auteurs soupçonnés d’homosexualité.
En effet, il a reçu une note du ministère invitant les professeurs à supprimer de leur programme d’enseignement l’étude des écrivains homosexuels. Or il enseigne la littérature à ses étudiants et fait des cours sur les poètes maudits tels que Paul verlaine et Arthur rimbaud.
Il est d’abord sommé de s’expliquer sur le sujet par ses étudiants qui décident de boycotter ses cours, puis par le doyen qui le met à pied. Ndéné est rapidement discrédité et bientôt la rumeur court qu’il est lui-même homosexuel, bien qu’étant parfaitement hétérosexuel.
« Chez Verlaine, j’aimais le poète, l’homosexuel m’importait peu. Mais je savais que ma réponse semblerait absurde aux étudiants.
Ils ne réussiraient jamais à admettre que Verlaine ait été un homosexuel. Ils le lui reprocheraient toujours.
Je les comprenais : la culture, l’éducation, les valeurs qu’on leur avait inculquées les avaient conduits à refuser de fermer les yeux sur les homosexuels. Les élèves ne pouvaient l’accepter. Ils n’iraient jamais au-delà de ce fait si grave à leurs yeux. Ils ne verraient jamais la beauté de la poésie de Verlaine, puisque sa personne était impure. »
Ndéné cherche à comprendre pourquoi au Sénégal, les homosexuels sont ainsi traités. Ce faisant il interroge différentes personnes qui dressent au fil des pages du roman un portrait de la situation. Il s’adresse d’abord à son père, vieil homme apprécié de la communauté et pressenti pour remplacer l’imam de la mosquée qui affiche une incapacité physique . Ce musulman modéré a le malheur d’appeler les fidèles à prier pour l’âme du jeune homme déterré : considéré dès lors comme trop tolérant, il est discrédité et ne remplacera pas le vieil imam. Et pourtant, il affirme à son fils qu’il déterrerait son corps de ses propres mains s’il apprenait qu’il était homosexuel.
On affirme à Ndéné que l’homosexualité n’existait pas en Afrique, que ce fléau a été importé par les Occidentaux. D’autres lui expliquent qu’en Afrique, on peut accepter les homosexuels discrets mais que les exubérants sont insupportables.
Il existe pourtant au Sénégal des traditions anciennes qui mettent en scène des hommes travestis qui en public invitent à des danses plus que lascives.
« Une minorité de « Goordjiguéne » a fait changer toute la perception des homosexuels. En mal, bien sûr. Ils sont vulgaires, impudiques, provocateurs. Ils se marient ! Se marier ! Quelle folie…
L’indiscrétion de cette petite minorité, leur irresponsabilité, font beaucoup de mal aux autres, la majorité silencieuse des homosexuels. L’homosexualité est devenue vulgaire. En tout cas, on n’en voit plus que cette part. Comme souvent, c’est une poignée de gens qui donnent d’une réalité une image fausse, au détriment du plus grand nombre. Les autres Sénégalais, la majorité hétérosexuelle, se sentent agressés. Moralement. Religieusement. Visuellement. »
C’est toute l’ambiguïté de l’Afrique face à l’homosexualité que « De purs hommes » explore et au-delà, celle de l’identité masculine. L’homosexualité (une maladie des blancs !) et l’homophobie qui en découle, sont des sujets sensibles au Sénégal – et sans doute ailleurs en Afrique noire. Le roman dénonce une certaine hypocrisie de cette société et décrit le sort réservé aux homosexuels dans le pays de l’auteur.
Dans ce pays majoritairement musulman afficher publiquement son homosexualité expose à des risques graves. L’auteur expose un sujet complexe et délicat sans manichéisme dans une société avec ses particularités.
Il aborde également d’autres questions plus philosophiques et culturelles notamment la naissance des rumeurs, les jugements d’autrui nés de suppositions, de ces on-dit, mais aussi ces discours répétés aveuglément sans analyse et des copier-coller du genre : « Après tout si un homme rencontre et parle à des homosexuels c’est peut être ... c’est certainement parce qu’il est lui aussi homosexuel !! ».
Mohamed Mbougar Sarr, en spectateur et narrateur aborde ces thèmes sociétaux dans un roman sans tabous et livre le reflet de la société face au miroir.
De là à faire l’apologie et la promotion de l’homosexualité, il y a vraiment la mer à boire.
P.S : je ne serai nullement surpris si des hurluberlus me taxaient de faire également l’apologie de l’homosexualité. Il n’y a plus rien de surprenant dans ce pays magique.
Attendez-vous à tout !
Par Abdou Aziz FAYE (sociologue)
ENTRE TRADITION ET MODERNITE: QUELLE SOLUTION POUR LA PAUVRETE ET L’EXCLUSION SOCIALE?
Dans un ancrage social à paupérisation accrue, les valeurs sociétales ne peuvent-elles pas être des facteurs de régulation et de développement socioéconomique?
Dans un ancrage social à paupérisation accrue, les valeurs sociétales ne peuvent-elles pas être des facteurs de régulation et de développement socioéconomique? Une société marquée par le changement, la mobilité et la stratification sociale orientée vers de nouvelles aspirations, poussent les individus à adopter des schèmes de pensées nouvellement construites. Ceci nous ramène dans une «idéologie de progrès» communément dite de modernité.
Pourtant la réalité laisse voir que chaque société a ses propres règles de fonctionnement liés à son histoire, sa culture. Ces normes sociétales inhérentes à la vie de l’individu fustigent le caractère ostentatoire du commun vouloir de vie commune qui régit la communion des sous-ensembles de chaque communauté. Le Sénégal vit dans un contexte de dualité entre tradition/modernité. Beaucoup de problématiques sociales comme la pauvreté et l’exclusion sociale ne pourraient-elles pas trouver une solution par la mobilisation de ressources traditionnelles offrant l’opportunité d’une meilleure adaptation au monde contemporain ?
Les facteurs de reproductions comme les relations familiales, l’éducation, l’organisation du travail, les pratiques culturelles maillées dans les institutions sociétales fustigent avec promptitude les conditions de vies, garantissent les processus de socialisation intrinsèques comme extrinsèques et permettent la communication en fournissant les repères d’intégration morale. Il est important alors de constater les défaillances existantes observées dans toutes les franges de la société dues à une exposition prématurée et un abandon plus ou moins affable des valeurs. La tradition peut être un levier d’orientation stratégique de la stabilité sociale et du développement.
Composée d’éléments moresques qui peuvent servir de trait d’union entre ces deux univers mutuellement fongibles, elle transmet des systèmes de pensés et un mode de comportement synonymes d’apaisement et de justice sociale. Les attitudes de respects, de responsabilités et de solidarités, caractéristiques patentes d’une bonne organisation sociétale traditionnelle, transmettent une culture du partage (accumulation symbolique) avec une communauté de bien, d’idées et de ressources. Cette vision holistique devrait être incluse à la culture du gain (capitalisme) pour qu’il n’y ait pas de rupture entre les phases du développement.
Face à cette situation, un développement ayant une appartenance collective pourrait être promu et partagé. Dans ce cas, ces valeurs sacrées seront les conditions sine quinone pour résoudre l’hystérésis entre l’aspiration et l’offre, une des pierres angulaires du développement et de l’inclusion sociale. Les projets et programmes de tout homme politique devraient tourner autour de la résolution de ces axes chroniques au lieu de la présentation d’une feuille de route palliative. Plaçons le dévouement au-dessus de l’ambition, l’intégrité au-dessus de l’opportunisme.
Abdou Aziz FAYE (sociologue)
LA GUERRE DES TROIS
La bataille de Dakar risque d’être épique, entre les trois plus grandes coalitions Benno Bokk Yaakaar, Wallu Senegaal et Yewwi Askan Wi, conduites respectivement par Abdoulaye Diouf Sarr, Doudou Wade et Barthélémy Dias. Décryptage
C’est parti pour la bataille de Dakar. Dans les starting-blocks, trois noms au moins sortent déjà du lot. Il s’agit d’Abdoulaye Diouf Sarr, candidat de la majorité présidentielle, de Barthélémy Dias, candidat de Yewwi Askan Wi, et de Doudou Wade, candidat de Wallu Senegaal. En attendant que les langues se délient dans les autres partis et coalitions, voilà trois des principaux prétendants à la très convoitée mairie de la capitale. Chacun avec ses forces, mais aussi ses faiblesses.
Barthélémy Dias, un homme à la fois clivant et captivant
L’attente fut très longue. Mais à l’arrivée, la ténacité de Barthélémy Dias a eu raison de la bravoure de tous ses adversaires, aussi coriaces fussent-ils. Maire sortant de la Médina, Bamba Fall, naguère présenté comme un des plus farouches adversaires du maire de Mermoz Sacré-Cœur, a préféré prendre ses distances très tôt, dès qu’il a senti que les carottes étaient cuites. En revanche, Soham El Wardini, elle, édile de la ville de Dakar depuis 2018, suite à la révocation de son mentor Khalifa Ababacar Sall, a continué le combat jusqu’à la dernière minute. Mieux, elle a menacé de présenter une candidature parallèle. Ce qui pourrait être dévastateur pour la liste de Yewwi Askan Wi.
Mais qu’à cela ne tienne ! Quand il s’agit de défendre ses intérêts, le fils de Jean-Paul Dias ne recule devant rien. Même pas devant Khalifa qu’il a eu à mettre dos au mur. En effet, très tôt, il s’est taillé un destin de maire de Dakar, remplaçant autoproclamé de Khalifa Ababacar Sall, avec comme allié de taille le leader du Pastef, Ousmane Sonko. Au mois de mai dernier déjà, alors même que tout le monde doutait de la tenue des élections à date, lui organisait une conférence de presse et disait à qui voulait l’entendre : ‘’Personne ne peut m’empêcher d’être candidat à la mairie de Dakar.’’
Politique téméraire, à la limite très radical dans ses positions, Barth est devenu le chouchou d’une bonne partie de la jeunesse khalifiste. Sa principale force, c’est la fidélité, sincère ou calculée, dont il a fait montre durant toute la période de traversée du désert, pendant que son mentor, Khalifa Ababacar Sall, était derrière les barreaux.
Ainsi, l’homme qui, au début, ne tenait sa légitimité que de la caution de Khalifa, est devenu incontournable dans son camp politique.
Toutefois, son arrogance et son impatience risquent de le perdre, selon nombre d’observateurs. Clivant, va-t-en-guerre et jugé trop manœuvrier, Barth a su très tôt se rapprocher d’Ousmane Sonko qui aurait été son bouclier durant toutes les négociations. Au-delà de ces considérations, l’homme aura aussi besoin d’affûter ses arguments, son offre politique pour convaincre l’électorat très sélect et exigeant de la capitale.
M. Covid-19 en selle
Du côté de la majorité, le choix du ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, semble avoir été moins controversé ; à quelques exceptions près. Du moins publiquement. L’homme est dans l’appareil d’Etat depuis l’accession du président Sall au pouvoir. En 2014, alors que la coalition au pouvoir connaissait une débâcle un peu partout dans la capitale, Diouf Sarr était un de ses rares responsables à remporter sa commune de Yoff, sauvant ainsi l’honneur du pouvoir. Pendant longtemps, il a su manœuvrer dans la plus grande discrétion pour s’imposer comme candidat idéal de la majorité dans la capitale. Fort du soutien de la communauté léboue, Abdoulaye Diouf Sarr pourra aussi compter sur la machine de guerre de la majorité qui a l’avantage d’avoir une mainmise sur tout le processus électoral, notamment le fichier et la carte électorale, à travers le ministre de l’Intérieur.
Ministre de la Santé et de l’Action sociale, Diouf Sarr a aussi été le premier directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) sous Macky Sall, ensuite ministre du Tourisme et des Transports aériens, puis ministre en charge de la Gouvernance locale et de l’Aménagement du territoire. De ce fait, il a de nettes avances quant à la maitrise des principes directeurs de la décentralisation. Homme posé, la tête sur les épaules, le maire de Yoff sera aussi avantagé par une proximité incontestable avec le président de la République. Un avantage qui constitue en même temps un handicap, dans une capitale où la majorité a une cote en dents-de-scie.
Aussi, le candidat de Benno Bokk Yaakaar va devoir composer avec quelques frustrés de la majorité présidentielle qui, s’ils ne votent pas des listes parallèles, ne vont rien faire pour son succès.
Le prix de la constance et de l’engagement
Pendant ce temps, les nostalgiques du Parti démocratique sénégalais seront peut-être heureux de voir un Wade à la tête de la coalition Wallu Senegaal à Dakar. Sur le plan politique, on ne le présente plus dans Dakar et un peu partout au Sénégal. Lui c’est Doudou Wade. Son père et Abdoulaye Wade ont le même père et la même mère. Même s’il est passé à la mairie de Dakar en tant qu’adjoint au maire en 2002, l’homme est surtout connu pour son passé parlementaire.
Député dès 1998, alors même que le PDS était dans l’opposition, il a été tout-puissant président du Groupe parlementaire des libéraux de 2007 à 2012. Une fonction qu’il aura remplie brillamment, durant toute la 12e législature.
Malgré la perte du pouvoir en 2012, l’homme est resté un fidèle parmi les fidèles de l’ancien président. Ce qui lui a permis de se refaire une réputation durement entamée quand il était au pouvoir. Lors d’une émission sur la TFM, il disait avec force conviction : ‘’Il y a des principes directeurs sur lesquels je ne vais jamais transiger… J’aime Jeanne d’Arc dans mon cœur ; je suis du PDS ; je suis tidiane ; je ne changerai jamais ma nationalité. Quelles que soient les difficultés, je ne transigerai pas sur ces principes. S’engager dans un parti, pour moi, c’est comme une femme qui s’engage dans un mariage. Cela requiert fidélité. L’adultère n’est pas permis.’’
Ayant grandi entre les quartiers lébou de Dakar, Niary Tally et Fann, Doudou Wade a la réputation d’être un débatteur hors-pair, le plus expérimenté des candidats qui convoitent la mairie de la capitale, voire au-delà. Homme politique aguerri, doublé d’un parcours professionnel très élogieux, Doudou Wade a aussi l’avantage d’avoir une parfaite maitrise de la ville de Dakar. Par rapport à son tempérament, l’ancien parlementaire affirmait : ‘’Quand on voit mon parcours entre Niary Tally, le PDS…, on peut être tenté de croire que je suis belliqueux, mais je ne suis pas belliqueux. Je mène mes combats. Et je sais les mener.’’
Sa persévérance et sa constance ont ainsi été récompensées par Abdoulaye Wade et ses alliés dans Wallu Senegaal.
Toutefois, cette proximité avec l’ancien président de la République constitue à la fois sa force et sa principale faiblesse. Il a aussi la particularité d’être le plus âgé des candidats dans une ville fortement dominée par des électeurs jeunes.
OSER FENDRE L'ARMURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Écrire en soi est un acte de dissidence. Ce qui fait l’intellectuel, c'est ce qu’il produit. On n’a pas besoin d’insulter un pays, lui tendre un miroir suffit - ENTRETIEN DE PAAP SEEN AVEC MBOUGAR SARR ET ELGAS (1/2)
Dans le sillage du Goncourt 2021 décerné à Mohamed Mbougar Sarr, SenePlus publie à nouveau cet entretien croisé de 2017 entre le lauréat et Elgas, un auteur écrivain sénégalais plein de promesses. L'auteur de la Plus secrète mémoire des hommes alors âgé de 27 ans seulement, y faisait preuve d'une grande lucidité dans sa façon de lire monde. La seconde partie de l'interview de Paap Seen est à retrouver sur SenePlus demain, samedi 6 novembre.
Quelque chose de Senghor, quelque chose de Césaire, quelque chose de Balzac. Beaucoup de talent. Elgas et Mohamed Mbougar Sarr sont les figures les plus prometteuses de la littérature sénégalaise. Elgas, dans son premier livre, Un Dieu et des mœurs1, met des claques à tout le monde. Il rapporte quelques nouvelles qui font l’effet d’un véritable électrochoc. L’auteur s’attaque aux tabous d’un Sénégal qui fait semblant d’être puritain et qui refoule ses obsessions névrotiques et malsaines. Un Dieu et des mœurs est un chef d’œuvre, bouleversant de style, de personnalité, d’idées neuves et renversantes. La réalité racontée par l’auteur est déchirante. Elgas nous coupe le souffle et joue avec nos affects. C’est un coup de maître. Une fresque vengeresse quelque part, qui touche là où ça fait mal, mais d’une impressionnante maturité.
Mbougar Sarr, quant à lui, est un écrivain à la reconnaissance fermement assise. Son premier roman, Terre Ceinte2, installe le lecteur dans la violence d’une ville sous le joug des jihadistes. Un beau roman, bien écrit. Mbougar gonfle son regard d’une complexité philosophique et épuise la terreur dans l’amour, la mélancolie et la résistance. Terre Ceinte est une œuvre puissante et raffinée. Son second livre, Silence du Chœur3, revient sur la condition des migrants Africains qui débarquent en Europe. C’est un roman délicieux. Un grand livre, qui explore les constantes de la nature humaine : l’amour, la haine, la joie, la peur, l’aventure, la rencontre. Mbougar a une intelligence secrète de la narration. Il regarde le monde avec la douceur d’un poète. Il sait jouer avec les subtilités de la langue et maîtrise les codes du roman.
Elgas et Mbougar Sarr ont partagé quelques confidences avec seneplus.com. Entretien croisé.
Seneplus : D’où vous est venu le désir d’écrire, de « déranger le monde » ?
Elgas - Je pense qu’il faut dissocier les deux qui viennent de sources différentes. Le désir a quelque chose de l’ordre du besoin philosophiquement. On le produit, on le secrète, sans être maître du jeu et parfois - et c’est son charme - il participe d’un mystère et d’une mystique, qui se nourrit de nos environnements de vie, de nos adhésions, de nos goûts et de nos histoires respectives. En cela, il y dans le désir d’écrire, une multiplicité de facteurs explicatifs, sans que l’un d’entre-deux ne soit jamais à même de tout à fait l’expliquer. Je ne crois pas aux vocations établies et formelles quoique des prédispositions puissent promettre untel ou un autre à emprunter une voie. Je crois à un fétichisme du hasard et de la conjoncture, les seuls à même d’exprimer le potentiel. Et pour ma part, je suis un littérateur tardif. C’est une itinérance qui n’avait pas d’horizons, qu’a fécondé la solitude d’une adolescence où le rêve abondant, pour le Sénégal en particulier, s’est heurté à la complexité d’un monde que je découvrais. Lire a d’abord constitué à cette période un sanctuaire, un élan, et une pénétration assez poussée dans une curieuse gourmandise. Je sentais s’épanouir en moi, cette excitation innommable d’écrire, pour rendre hommage à ceux qui nous ont transmis des émotions. Le désir d’écrire perpétue l’ouvrage de gratitude d’un lecteur envers des devanciers admirés. De là à la passion qui suit, cheminant avec la conviction et l’amusement, le désir devient une énergie vitale tout court. Ecrire est un des éléments de cet éventail, sans doute celui qui éprouve la liberté jusqu’à son terme. Le désir d’écrire est un exercice de liberté.
Et déranger le monde n’est pas un dessein, on pourrait s’y employer avec toute l’ardeur et la radicalité du monde, qu’on ne pourrait le déranger plus qu’il ne l’est, dirais-je presque « naturellement ». Si on doit rester sur l’optique du dérangement, le monde n’en serait pas la cible, mais plutôt les certitudes, les immobilismes, tout ce qui bâillonne le génie humain. Il y a quelque chose de taquin et de très enivrant, à chatouiller les puissants, à rire de leurs tares. Ecrire en soi est un acte de dissidence, toute la littérature en atteste et mettre cette liberté au service de causes, sans grandiloquence aucune, c’est un moteur. Ni refaire le monde, ni le défaire, mais le faire tout simplement, car l’entreprise n’est jamais achevée.
Mohamed Mbougar Sarr - De mes lectures, je crois. C’est la lecture des grands écrivains qui m’a donné, en même temps qu’une haute idée de la littérature, la prétention de vouloir essayer d’en faire. Du reste, je pense que dans l’acte d’écrire il s’agit moins de déranger le monde que de me déranger, moi.
Qui sont vos influences ?
Elgas - Il y a toujours une grande imprudence à vouloir les citer, et par conséquent à en oublier un paquet. Mais je partage avec l’autre interviewé une anecdote, et ça a été un des ciments de notre rencontre. C’est notre amour commun pour l’œuvre de Balzac. La Balzacie a été mon territoire premier, mon appétit littéraire s’en est nourri. Et plus singulièrement, un personnage de Balzac a raflé la mise : Jacques Collin. J’aimais sa langue et sa science, et je faisais des exposés énamourés de ses apparitions à qui voulait l’entendre, tel un amant de fraiche date. Balzac ouvre naturellement sur le champ de ceux qu’on appelle classiques. Détour obligé. Grands bonheurs. Grandes leçons littéraires. Mais on découvre que la littérature, c’est un foisonnement du style, des idées, odeurs, et que le champ, immensément vaste, consacre l’esthétique et l’écho de la voix, dans ce qu’ils ont de grandiose. La littérature embouteille la poésie de la vie. On la trouve dans les livres, dans les pensées, dans la science aux sens large. C’est la réconciliation de l’écrin et de sa pierre précieuse. C’est pourquoi les autres figures qui m’ont influencé sont humoristique, Desproges, politique, Seguin, journalistique, Bernanos, intellectuelle, Amady Aly Dieng et Régis Debray, sportive, Zidane, Federer, musical, Brel, Ndongo lô etc. Ils ont en commun un style, toujours singulier, où l’esthétique habille avec éclat l’intuition. Aller s’abreuver à cette source du génie, c’est en sortir, imprégné, intimidé, corseté de peur, mais définitivement adepte d’une irrévérence classieuse qui devient une école. Mes influences sont dans cette demi-seconde du contre-temps, où la volonté de s’extraire de la frénésie de la meute, permet de mieux regarder, pour apprécier mais aussi disséquer. Découcher hors de la littérature permet alliages plus riches et filiations plus diversifiées.
Mohamed Mbougar Sarr - Il y en a beaucoup. Je crois que nous en avons un certain nombre en commun. Balzac notamment, qui m’a beaucoup marqué au moment de ma véritable entrée en littérature, et pour des raisons différentes de celles d’Elgas. Plus généralement, j’ai beaucoup lu et je continue à lire les classiques européens du XIXe siècle, ainsi que la littérature française de la première moitié du XXe siècle. Beaucoup de choses me plaisent et me fascinent dans le XIXe siècle : l’ambition que l’on donne à la littérature, une certaine idée du style, les grands romans ou immenses épopées romanesques, l’émergence d’une vraie modernité esthétique, l’autonomisation vis-à-vis de la morale : tout est là. Par ailleurs, il y a naturellement Césaire et Senghor, auxquels on n’échappe pas, mais aussi Sembène, Malick Fall, Yambo Ouologuem, et quelques autres, plus contemporains.
Le livre parfait, selon vous ?
Elgas - Sauf à aller chasser dans le pré carré divin, et encore, la perfection reste une mythologie, heureuse quand elle fait naître une saine compétition, illusoire, quand elle se veut le modèle et fatalement le moule unitaire. Les livres, d’ailleurs, tous les autres générateurs d’émotions, échappent à cette catégorisation. Abonder dans le sens d’une perfection existante, c’est suggérer qu’il y aurait une liste de critères et dès qu’un livre les coche, il en serait. C’est disqualifier la subjectivité, c’est oublier la volatilité insaisissable des émotions. Toute l’affaire étudiée, de livre parfait il n’existe pas. Il y a une intimité inviolable avec chaque lecteur, le parfait se juge à l’aune individuelle, si jamais on voulait l’envisager. Au-delà de la question se pose surtout, et c’est ce qui m’intéresse, la force de l’émotion procurée. Comment rembourser la dette de plaisir que l’on ressent en lisant ? Cette équation irrésolue, irrésolvable, me paraît être un mystère heureux. Je suis par exemple moi-même un lecteur assez expansif. Ma joie déborde souvent devant la chirurgie de la pensée et le scintillement de la langue. A ce titre j’aurais la perfection généreuse, je l’accorderais à tous livres que j’ai profondément aimés, jusqu’à la transe. Et il y en a beaucoup. Il est heureux d’ailleurs que les livres outrepassent le cadre de la perfection, car l’émotion est d’abord au-delà, et ensuite, les livres ont des moments de sommeil, de marée basse, sorte d’élan pour s’élancer à nouveau. Cette courbe m’évoque plein de choses et je plaide pour la diversité des perfections. Une question de démocratie littéraire soumise au seul filtre qui compte, celui du lectorat et de sa subjectivité.
Mohamed Mbougar Sarr - A mes yeux, celui qui sait atteindre ou révéler une vérité profonde, que je portais sans pouvoir ou oser la regarder en face. C’est le livre qui arrive, par un style, une émotion, une langue, une force et une densité philosophiques, à me donner à voir ce qui fait ma beauté et ma tragédie comme être humain, dans toute ma complexité, dans toutes les variétés et nuances d’expériences qui me constituent. Le livre parfait est celui dont on ressort avec le sentiment de mieux savoir qui l’on est, comme humain.
L’écrivain a-t-il un rôle à jouer dans nos sociétés dévastées par l’obscurantisme et submergées par des légions de laissés-pour-compte ?
Elgas - J’aime croire que la sacralité du rôle de l’écrivain est surestimée et donc contre-productive. Je n’attends pas plus d’un écrivain que d’un cordonnier. Peut-être chez nous l’obscurantisme se donne-t-il à voir dans son habit le plus lugubre, mais la problématique est géographiquement bien partagée. Partout les mêmes problématiques existent, présentant des caractères et des expressions différentes. Tous les segments de la société sont requis à la tâche du « penser », elle incombe à tout le monde. Sembène, qui reste pour moi le modèle absolument indépassable dans le champ sénégalais, a tenté de contourner l’obstacle de la distance avec les lecteurs, en investissant la voie du cinéma. Mutatis mutandis, c’est une invitation à ce que l’éclairage puisse naître de partout. Le travail dit intellectuel ne peut ainsi être institué, il est diffus, il a besoin de relais, et il agit par intermédiaires. Les rôles préétablis ainsi que les fastes que cela peut entrainer, créent à terme un mandarinat intellectuel et creuse la distance avec les populations. Ce qui me terrifie, c’est de voir l’extrême défiance des populations vis-à-vis d’élites qui, et c’est assez cocasse, disent être leurs porte-voix. Cela naît du fait que la pensée ne doit pas être cantonnée à une sphère, laissée à une expertise, mais doit être suscitée par une entreprise précoce : la liberté de conscience. Elle est la source première de la démocratisation de l’intellectuel, sans que l’on soit dupe des tentations de populisme et de démagogie que cela entraine. Ce qui fait l’intellectuel, ce n’est ni son statut ni le rôle que l’on attend de lui, mais ce qu’il produit et qui peut trouver un écho dans la population. C’est le produit qu’il faut chérir, constamment mettre dans la balance de la critique et non en célébrer le cadre. Il faut enlever les galons des réputations, trop solennels, qui procèdent presque de la terreur. Il faut banaliser la réflexion pour en faire l’affaire de tous. Je ne développe aucun fétichisme vis-à-vis des intellectuels, j’aime quand ils sortent de la zone des convenances. Là disparaissent les masques.
Mohamed Mbougar Sarr - Oui, l’écrivain a un rôle à jouer : écrire. Ecrire du mieux qu’il peut, le plus honnêtement possible, en restant loyal à sa conscience comme homme et à sa liberté comme créateur. Ce n’est qu’ainsi, en cultivant sa solitude, sa singularité, et en ayant le courage de se faire face, jusque dans ce qu’il peut porter de plus monstrueux, qu’il parviendra à dire quelque chose de juste sur le monde et sur les autres. La littérature est un art, fondamentalement, c’est-à-dire un geste dont le principe est esthétique ; mais toute esthétique, si elle est puissante, travaillée par le souci du style, de la métaphysique, du désir de trouver des métaphores de la condition humaine, devient de facto une éthique, et une politique. Je crois en une littérature qui puisse transformer chaque lecteur, voire –rêvons !- le monde, mais c’est une transformation qui n’est possible que par le truchement d’esthétiques fortes. Si Les Misérables est un grand livre, ce n’est pas parce qu’il dénonce, c’est d’abord parce qu’une esthétique puissante et originale le porte.
Les étiquettes vous dérangent ?
Elgas - Pas vraiment. Elles n’engagent que ceux qui les collent et les attribuent. Il y a un effort à domestiquer une insensibilité quand on écrit ou pense, cela doit être une quête perpétuelle. Les étiquettes ne sont pas des empreintes indélébiles, on a toujours une possibilité de maîtriser son œuvre. Les fixations et les jugements tranchés ont vocations très souvent à se ramasser les contre-pieds de l’histoire. Je me suis toujours dit que la vraie souveraineté, c’est d’être libre de produire ce que l’on veut, en se fichant de l’appréhension qui peut corrompre, mais accorder la même liberté au lecteur de diverger. C’est un équilibre asse sain, et aucune partie n’est lésée. On connaît la formule de Céline, risquer sa peau toujours quand on écrit, lui qui pensait que la seule inspiration vient de la mort. La liberté comme exercice, c’est le risque, c’est compagnonner avec lui toujours. Chaque ligne est un enjeu, il y a dans cette ivresse noire, un vrai plaisir, et la possibilité de se tromper. Les étiquettes supposent aussi la prévisibilité. Si elle est cohérence, fidélité à une ossature de pensée, bingo. On écrit toujours le même livre dit l’autre. Si elle absence d’imagination elle flétrit toute seule. Les étiquettes sont les caprices des lecteurs qui les collent, avec bienveillance ou malveillance. L’œuvre arrive à la décoller, et à forger sa propre cadence. C’est un fil.
Mohamed Mbougar Sarr - Lorsqu’elles sont des grilles de lectures faciles, univoques, commodes pour ranger, cataloguer, emprisonner éternellement (et c’est presque toujours à cela qu’elles servent !), oui, elles sont très embêtantes.
L’impression qui se dégage, en vous lisant, c’est que Mbougar est mesuré, esthète, alors que Elgas est rebelle, irrévérencieux ? Partagez-vous ce constat ?
Elgas - Je trouve phonétiquement le mot irrévérence agréable à l’oreille. Comme une forme de dissidence sans posture, de désaccord sans hostilité. Je le réclame. Sinon rebelle m’enivre moins. Et on n’est jamais rebelle qu’aux yeux de l’autre. « Si je suis barge, ce n’est que de te yeux » chantait Renaud. Si Mbougar permet que je girafe dans son jardin, l’esthétique a toujours été l’élément central pour moi. Mais l’écrin ne doit jamais être vide, le remplir est une obsession. Nous sommes sur des territoires sensiblement différents mais je ne crois pas cloisons définitivement scellées. Je ne m’interdis pas des virées dans le roman, où l’exigence de la lenteur et le réquisit de l’esthétique sont plus forts. Mais je crois que les essais valent aussi par leur parure. Déjouer la sécheresse des travaux académiques est un enjeu, et le style est toujours une quête. Mbougar croit, et je le suis, à la force du langage. Il charrie mieux que tout les émotions et les sublime. Mais il est abouti par une réflexion, une vision. Malgré sa souplesse, l’art du roman accouche aussi. Pour le champ sénégalais, explorez tous les livres des trois générations d’écrivains, l’intérêt pour les problèmes sénégalais leur est commun. Et très souvent, c’est à contresens des vulgates dominantes. Ne pas se satisfaire, c’est ne pas se résigner. C’est croire toujours en la perspective d’un meilleur Homme. Mon irrévérence n’est pas caprice, c’est un refus d’abdiquer. Il y a tellement de confort à croire que les destins sont figés, que je n’ai pas envie d’y baigner. L’impression d’un propos radical tient plus du caractère amorphe de ce que l’on dénonce que de la violence de la charge. On n’a pas besoin d’insulter un pays, lui tendre un miroir c’est lui faire plus de mal. Le pas de côté, c’est le refus de croire les choses écrites. C’est la moindre des choses que l’on doit à une société lacérée par ses blessures.
Mohamed Mbougar Sarr - Attention, voilà les étiquettes… Ceci dit, cependant, qu’attendre d’Elgas, casamançais pur et soninké fier, sinon qu’il soit un « rebelle » ? Mais plus sérieusement, je crois que cela dépend de ce qu’on lit d’Elgas ou de moi. C’est vrai qu’il y a des tons, des styles, des tempéraments peut-être, qui sont différents. Du reste, je publie surtout de la fiction, alors qu’Elgas a pour l’heure commis un essai sous forme de réquisitoire (même si je crois qu’il a aussi une excellente fibre de romancier), ce qui change tout de suite le rapport au ton, notamment. Elgas est peut-être, et j’admire beaucoup cela chez lui, plus direct, chaque phrase chez lui est une balle, un obus ; il est plus incisif, moins empêtré que moi dans les phrases, la ponctuation, les temps et les références, mais je peux vous assurer qu’il est aussi esthète ; oui il l’est, car il est avant tout un écrivain, et un écrivain qui a un souci poussé de la manière dont il écrit (qu’est-ce qu’un esthète dans l’art d’écrire, sinon, cela ?). Certaines des pages les plus délicieuses de Un Dieu et des mœurs frôlent l’exercice de style tout en gardant une vraie force dans le fond… Mais enfin, tout cela n’est pas très important à mon avis, ou est très mouvant du moins ; l’essentiel est que chacun de nous écrive dans le style qui lui est le plus naturel.
L’actualité est dominée par ce qu’on a appelé « l’esclavage en Libye ». Dans Silence du Chœur, Mbougar s’empare de la question des migrants Africains, de leurs misères, de l’accueil qui leur est réservé en Europe. Selon-vous, sont-ils victimes de la haine des autres ou de l’incurie des dirigeants africains ?
Elgas - Je propose pour une fois qu’on inverse la perspective. Que l’on prenne le voyage par le point de départ et non le focus par le terminus. En remontant l’itinéraire, on voit se complexifier la donne. Le départ dans l’acte d’immigration, entraine cette violence symbolique que j’ai toujours évoquée. Il n’est pas le seul fait des malheureux, il est le fait aussi d’une classe éclairée. J’avais été saisi d’effroi, et j’en parle dans mon livre, par l’histoire de Fodé, ami d’enfance, qui avait perdu la vie noyé en mer en tentant de gagner les côtes européennes. Cette mort, et celles de tant d’autres, est un réquisitoire violent contre nos faillites. Les gens souhaitent quitter leur pays et sont prêts à la cession d’une part de leur dignité. Toute la réflexion politique, intellectuelle, doit s’occuper de ce préalable. La désertion de ce champ nous condamne à la surenchère d’émotion dont ne découvrons pas les horreurs. Je me suis toujours attelé à traquer les défectuosités internes, à sonder cet abîme si ancré que la destination et les sévices me paraissent d’autres maux, tout simplement, calqués sur les premiers. La documentation existe sur les résurgences de la haine anti-noirs dans les pays arabes, elle s’exprime sous toutes les formes jusqu’aux plus inhumaines. Chez nous, 100000 enfants subissent le même revers national, à qui faudrait-il attribuer la paternité d’un tel crime ? La logique de l’extériorisation du bourreau est inconséquente si on inverse les perspectives. Sans rien exonérer des responsabilités occidentale ou arabe, l’indignité symbolique n’est qu’une addition de celles quotidiennes qui ont colonisé notre quotidien, et dont nous sommes les complices. La haine hante donc tout le voyage : d’abord celle de sa condition, et par ricochet des offres de réalisation dans son propre pays, et ensuite la haine subie, comme condition pour toucher à ce rêve obscurci, dont le goût, une fois réussi, garde encore la trace d’amertume, de larbinisme, de ressentiment. J’ai pour une fois envie de convier les gouvernants et les intellectuels, leur responsabilité est première.
Mohamed Mbougar Sarr - A mes yeux, plus que de haine, ils sont d’abord victimes de l’opportunisme d’êtres humains qui profitent d’un chaos politique pour assouvir quelques-unes des plus vieilles et immarcescibles pulsions humaines : dominer, asservir, exploiter d’autres hommes. S’enrichir en les traitant comme des chiens. En les tuant s’il le faut –et il l’a souvent fallu dans l’Histoire. Je crois qu’avant même le racisme contre les Noirs, réel dans nombre de pays du Nord de l’Afrique, il y a d’abord une situation géopolitique exceptionnelle dans laquelle de vieilles et basses pulsions humaines trouvent une opportunité de s’exprimer facilement, en toute impunité. Et c’est précisément en point, sur la question de l’impunité, qu’un grand reproche doit être adressé aux dirigeants africains, dont la plupart ne sont non seulement pas fichus de retenir leurs jeunes en leur donnant des raisons de rester, mais démontrent encore leur nullité lorsqu’il s’agit d’aider un pays africain –la Libye- où passent de nombreux migrants à regagner un semblant de sécurité et d’ordre. La Libye est un bordel depuis la croisade des grands « démocrates ». Cela fait quand même six ans. Depuis lors, les dirigeants africains regardent ce territoire s’enfoncer dans son enfer, alors qu’on les inonde chaque jour de rapports sur la place stratégique qu’occupe la Libye dans les itinéraires de la migration clandestine. Mais doit-on s’attendre à autre chose, de la part de présidents plus soucieux de leur gloire ou richesse personnelle que du sort de leurs jeunes compatriotes ? La vérité, la triste vérité, c’est que par chez nous, dans les hautes sphères, on n’en a rien à faire des migrants. Qu’ils continuent donc de crever ou de se faire exploiter comme esclaves : ça n’émeut plus, ça n’a peut-être jamais vraiment ému. A l’impuissance et à la médiocrité politique, s’ajoute désormais une cynique et tranquille indifférence.
Mbougar, dans Terre Ceinte, cite Heinrich Heine à propos de l’autodafé : « Là où on l’on brule des livres, on finit aussi par brûler des hommes ». Après la sortie de son livre, Le Coran et la culture grecque, Oumar Sankharé a été lapidé sur la place publique. Et le livre de la chercheuse tunisienne Hela Ouardi, Les derniers jours du prophète, a été censuré au Sénégal. La société sénégalaise est-elle intolérante ?
Elgas - J’ai plutôt une bonne nouvelle sur ce front. La société comme somme d’individualités capable d’exercer leur libre-arbitre, n’est pas intolérante. Elle réagit selon ses adhésions et on ne saurait lui faire grief de cela. En revanche comme masse homogène, réduite à la passion triste et monocorde des dogmes, elle peut être ravageuse. Les délits de blasphème et d’offense à chef de l’Etat sont par exemple des constructions de classe dominante, elles ne sont pas d’extractions populaires. Avec la somme des puissances religieuses, qui tiennent leur force de la cession de pouvoir du libre arbitre que leur attribuent leurs disciples, nous sommes donc dans des blocs et des meutes, qui chassent les déviants dont les libertés menacent d’ébranler leurs certitudes. L’intolérance est donc le fait de la caste dominante qui tient les armes de la répression et de la terreur. Tout l’enjeu c’est d’arriver à instituer dans cette architecture où l’individu est vassal de la collectivité, une souplesse. L’intolérance est ainsi le garant de la fausse stabilité parce qu’elle vend l’idée que la paix tient de cet équilibre, de ce silence qui par ailleurs est magnifié par le discours religieux, comme une part du mérite de piété. Les enjeux sont donc colossaux. Ils débordent de ce seul champ. Tant que des efforts ne seront pas consentis pour instituer une forme de responsabilité individuelle, des phénomènes de ce genre tueront l’énergie vitale des peuples, la nourriture de la dialectique. L’instruction et l’éducation sont encore dans l’ombre de la transmission sans questionnement, qui fait le lit du fanatisme, ou plus diffus, du bonheur ivre de la peur.
Mohamed Mbougar Sarr - Cela dépend du sujet. Ce pays a beau se féliciter et s’enorgueillir de son ouverture et de sa tolérance –bien réelles, par ailleurs, lorsqu’on observe par exemple les relations entre musulmans, chrétiens et animistes-, il y a un certain nombre de questions à propos desquelles il est intolérant. Rien de bien extraordinaire à cela : tout pays a ses tabous, ses intolérances ; le Sénégal n’y échappe pas. Toute la question, maintenant, est de savoir si, individuellement et collectivement, politiquement aussi, un effort est fait pour lutter contre cette intolérance. Au Sénégal, je n’en ai pas du tout l’impression ; ou du moins, ce sont des efforts invisibles à l’œil ou à l’observation nue. Peut-être qu’il faut du temps, beaucoup de temps, mais il reste qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de questions au sujet desquelles toute discussion est difficile et parfois dangereuse. Nombre d’entre elles engagent peu ou prou la religion : la place qu’elle prend dans la vie des Sénégalais, dans la vie d’une supposée République laïque, le rapport qu’on peut avoir avec elle (peut-on par exemple admettre qu’on en critique les abus, qu’on n’en fasse pas la seule source du sens ?). Je trouve l’expression de « fanatisme mou » qu’utilise Elgas très juste : sous des dehors très doux et affables, il y a des radicalités, des passions qui n’attendent qu’une occasion pour s’exprimer, s’embraser dans la violence et l’intolérance.
Vous avez écrit dans Un Dieu et des mœurs : « On ne soupçonne que très peu la providence qu’assure la misère ». C’est à la fois choquant et plein de lucidité. Vous portez profondément la lame dans la plaie. Qu’est-ce qui explique cette position radicale envers l’Afrique ?
Elgas - L’intention était bienveillante. Donc je suis surpris que quelque choc ait pu être ressenti. La misère crée un écosystème, pour le meilleur et pour le pire, de la débrouille, de la solution alternative. Quand elle est trop présente, qu’elle est intégrée comme part légitime du paysage, presqu’inamovible, il y a certains repères que cela crée. On le voit dans la Grève des Bàttu ou dans La Plaie. La misère offre des points d’équilibre à une société qui se complait à la voir s’étendre. Donc c’est une providence à moindre coût, qui flagelle mais aussi caresse, laissant l’impression de plaies bénignes, que le temps hélas creuse et perpétue à travers le legs à d’autres générations. L’idée qui préside à cette phrase, c’est cette habitude comme garante de piliers alternatifs solides. L’installation dans cet écosystème ferme les yeux sur l’anormalité de ce que l’on vit, érigée ainsi comme miette du destin dont on doit se contenter. Si l’on fait un détour dans le vocabulaire du destin en wolof par exemple, les statuts semblent figés et ainsi décidés d’avance, il n’y aurait de choix que de s’en contenter. Imprudemment cela a émasculé une part de rêve et de génie, ressorts essentiels des peuples. En figeant le temps, la misère et ses fourriers, administrent le reste. Le propos introductif du livre allait à cette racine, où la providence divine pactise avec celle du hasard.
1. Un Dieu et des mœurs, Éditions Présence Africaine, 336 pages, 2015
CLOTURE AVANT-HIER DU DEPOT DES LISTES ELECTORALES, LES ETAPES QUI VONT SUIVRE AVANT LE SCRUTIN
Les listes de candidats pour les élections locales en vue ont été «enfantées» dans la douleur. C’est d’ailleurs l’une des plus grandes étapes du processus électoral.
Les dépôts des listes électorales ont été clôturés avant-hier (mercredi 03 novembre 2021) partout dans le pays. Une étape du processus tournée en attendant que d’autres s’ouvrent en perspective de la fatidique journée du 23 janvier 2022, date du scrutin
Les listes de candidats pour les élections locales en vue ont été «enfantées» dans la douleur. C’est d’ailleurs l’une des plus grandes étapes du processus électoral. Il s’est ensuivi les dépôts des listes auprès des entités déconcentrées de l’Etat installées un peu partout dans le pays. Une page importante se tourne laissant ainsi la voie à d’autres plus ou moins importantes avant le scrutin prévu le 23 janvier 2022.
En effet, les étapes qui restent sont essentiellement liées à des questions de préparation des scrutins. Et d’après l’expert électoral Déthié Faye, il y aura d’abord la publication des listes qui sera faite après la vérification et la validation suivie de la confection des bulletins de vote. «Chaque liste a déjà donné son spécimen sous format électronique à la Direction générale des élections (Dge) pour l’édition des bulletins auprès des imprimeries qui seront choisies. C’est après cela que la Direction de l’automatisation des fichiers (Daf) va éditer et distribuer les cartes biométriques Cedeao qui servent en même temps de cartes d’électeur», renseigne Monsieur Faye. Il espère dans la foulée que l’administration s’en acquittera convenablement pour qu’on puisse avoir des élections libres et transparentes. Par ailleurs, sur le plan purement politique, souligne-t-il toujours, les listes vont se mettre au travail en continuant leur programme d’informations dans le cadre de leur précampagne. Une fois que les listes sont déposées, chaque mandataire de liste a la possibilité de procéder à la vérification de la liste déposée par les parties adverses pour éventuellement vérifier la conformité de ces listes avec les dispositions du code électoral.
Cependant, Déthié Faye relève que la seule phase contentieuse pourrait aller dans le sens de l’invalidation d’une liste ou exiger que des changements soient opérés. Par exemple pour ce dernier point, note-t-il, on pourrait relever qu’une personne insérée dans des listes n’a pas les documents en bonne et due forme pour des erreurs matérielles ou autres. Dans ce cas, souligne-t-il, il sera demandé au mandataire de procéder à la régularisation. «Le seul contentieux véritablement qui est devant nous, ce sera après les élections. Et nous pensons que les dispositions sont suffisamment claires pour qu’on puisse les dérouler sans grandes difficultés », a conclu le coordonnateur du pôle des non-alignés lors du dialogue politique.
ECLAIRCISSEMENTS SUR LES CONTENTIEUX ET LES RECOURS
Joint au téléphone, l’expert électoral Mouhamadou Mansour Ciss a soutenu que dans les 48 heures suivant le dépôt des dossiers de candidatures, l’autorité déconcentrée peut demander au mandataire de régulariser certains dossiers après avoir constaté des manquements ou des irrégularités. Cela peut être par exemple, dit-il, des erreurs liées à l’identité des personnes inscrites sur les listes de candidatures, entre autres. A l’en croire toujours, le préfet ou le sous-préfet peut refuser également de prendre un dossier pour forclusion lorsque le mandataire n’a pas respecté les délais de dépôt. Toutefois, il estime que celui-ci peut faire un recours en apportant les éléments de preuve qui démontrent qu’il a respecté les délais établis.
Monsieur Ciss indique dans la foulée qu’après les dépôts, les dossiers sont transférés au niveau du service chargé des opérations électorales au niveau du ministère de l’Intérieur. «Ces services vont regarder le fond du dossier pour voir s’il y a des cas qui nécessitent une invalidation. Il y a des cas d’irrégularités manifestes comme le non-respect de la parité, les doublons, ou le défaut de parrainages pour les indépendants,… Après tout, les entités déchues peuvent faire un recours au niveau de la direction chargée des opérations électorales et au-delà au niveau de la Cour Suprême si elles n’obtiennent pas gain de cause en premier lieu. Et ces recours seront traités dans les délais raisonnables», affirme Monsieur Ciss.
BARTH MENACÉ PAR LA JUSTICE
Le maire de Mermoz/Sacré-Cœur doit comparaître le 10 novembre devant la Cour d’Appel de Dakar dans le cadre de l’affaire Ndiaga Diouf. Une convocation jugée par son camp comme une manœuvre du pouvoir destinée à l’empêcher de participer aux locales
Après avoir réussi à s’imposer comme le candidat de la coalition Yewwi Askan Wi (Yaw) pour conquête de la ville de Dakar, Barthélémy Dias va devoir mener une autre bataille pour pouvoir affronter Abdoulaye Diouf Sarr, Doudou Wade, entre autres. Hier, un huissier a remis au fils de Jean Paul Dias une assignation à comparaître pour l’audience du 10 novembre de la troisième chambre de la Cour d’Appel de Dakar, dans le cadre de l’affaire Ndiaga Diouf. Une convocation qui a engendré la colère de son camp et de la société civile qui flairent une volonté du pourvoir en place d’empêcher le Mermoz/Sacré-Cœur à participer aux élections locales prévues le 23 janvier 2022. Son avocat Me Cheikh Koureïssi Ba a fait un post sur sa page Facebook pour alerter l’opinion nationale. « Alerte...Barthélémy Dias dans l’œil du cyclone...Après avoir déposé hier tard dans la nuit son dossier d’investiture, Barthélémy Dias est assigné ce matin pour l’audience du 10 Novembre de la 3ème Chambre de la Cour d’Appel de Dakar », a écrit la robe noire.
Régissant, le directeur exécutif d’Amnesty international-Sénégal, Seydi Gassama, a déclaré : « C’est le plan morbide qu’on entendait parler. Hier, un huissier a donné une assignation à comparaître à Barthélémy Dias suite à l’appel interjeté par le parquet. Je ne pense pas que la liquidation de Barth est possible, maintenant est ce qu’il pourra jouir de son élection, c’est cela la question. Il peut être déchu de son poste de maire de Dakar s’il est condamné. Il faut être naïf pour croire à un hasard de calendrier.
Cela fait plus de dix (10) ans que cette affaire plane comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de Barthélemy Dias ».
Il faut souligner que le maire de Mermoz/Sacré-Cœur avait déjà indiqué à travers la presse, il y a quelques mois, que les tenants du pouvoir veulent utiliser l’affaire Ndiaga Diouf pour l’empêcher de se présenter aux prochaines élections locales. « Aujourd’hui, à la veille des élections locales, on agite la menace d’un procès comme une épée de Damoclès au-dessus de ma tête, mais cela ne marchera pas. La seule personne qui ne doit pas participer à un scrutin aujourd’hui, c’est Macky Sall. Moi, je suis en paix avec ma conscience », avait-il martelé.
Pour rappel, Barthélémy Dias et 12 autres avaient été arrêtés et jugés pour « coups mortels, coups et blessures volontaires, détention d’arme sans autorisation administrative, menaces verbales de mort et rassemblement illicite suivi d’actions diverses », en rapport avec la mort du lutteur Ndiaga Diouf survenue en décembre 2011 devant la mairie de Mermoz/Sacré-Cœur. En première instance, Dias-fils a été condamné à deux ans de prison, dont 6 mois de prison ferme, pour le meurtre du jeune plombier, lutteur à ses heures perdues. Il a été également condamné à payer la somme de 25 millions Fcfa à la famille de Ndiaga Diouf, pour dommages et intérêts.
«JE RESPECTE TOUTES LES OPINIONS»
Mbougar Sarr sur la polémique autour de son livre « De purs hommes »
Auréolé du Prix Goncourt, l’une des plus prestigieuses distinctions littéraires au monde, Mouhamed Mbougar Sarr souligne qu’il tente simplement de faire son travail. Réagissant à la polémique suscitée par un de ses romans «Purs Hommes» qui, selon une bonne partie de l’opinion, ferait la promotion de l’homosexualité, il a soutenu qu’il respecte toutes les opinions tant qu’elles s’expriment dans le respect. Dans un entretien exclusif qu’il a accordé à la chaine «Itv», le lauréat du prix Goncourt 2021 invite toutefois ses détracteurs à le lire d’abord.
Grâce à lui, la littérature et la diplomatie sénégalaises sont au firmament et rayonnent depuis quarante-huit heures. L’écrivain Mouhamed Mbougar Sarr est désormais dans le cercle fermé des écrivains majeurs. Mais ce sacre que les amoureux des Lettres n’ont pas encore fini de consommer et de savourer suscite polémique et mécontentement.
Et en un laps de temps, l’ancien enfant de troupe semble passer, comme Yambo Ouloguem à qui il rend hommage en filigrane dans son fabuleux roman «La plus secrète mémoire des hommes», de héros à maudit. Certains n’hésitent pas à le clouer au pilori. A leurs yeux, ce prix constitue la «rançon» de ses prises de position sur l’homosexualité, notamment dans son livre «Purs Hommes».
La toile s’est enflammée avec la reprise des extraits de certains de ses ouvrages. Célébré vingt-quatre heures auparavant, il est voué gémonies et accusé d’être à la solde de puissants lobbies Lgbt. Jouant la carte de la prudence, l’Ong Jamra a sorti un communiqué pour annoncer qu’elle va prendre le temps de lire le livre décrié avant de se prononcer.
Toutefois Mouhamed Mbougar Sarr n’est visiblement pas trop secoué par ces critiques. «Je ne sais même pas si j’ai quelque chose à dire à ce propos. Je suis un écrivain, je tente simplement de faire mon travail correctement comme écrivain et cela parfois peut entraîner des malentendus, des incompréhensions ou des réactions qui sont dues à des choses que j’aurais pu écrire», répond-il.
Sans fuir le débat, il demande simplement à ceux qui le critiquent de prendre le temps de lire ce qui est écrit. «Savoir lire aussi, c’est aussi quelque chose qui s’apprend», indique Monsieur Sarr avant de déclarer : «Je respecte vraiment toutes les opinions tant qu’elles s’expriment dans le respect et la liberté qui est la mienne d’écrire et celle que les autres ont de faire leurs critiques».
Pour le lauréat du Goncourt qui a des récipiendaires aussi célèbres que Marcel Proust, Simone de Beauvoir ou encore André Malraux pour son livre «La Condition humaine», les critique à son encontre doivent être le plus justes possible.
LES MEUNIERS MAINTIENNENT LA CESSATION DE PRODUCTION
Face aux difficultés liées que connait leur secteur
Les meuniers et industriels du Sénégal continuent de crier leur désarroi par rapport aux difficultés liées à la production et livraison de farine. Pour face à cette situation, ils ont décidé de maintenir l’arrêt jusqu’à nouvel ordre de la production nationale de farine.
Les membres de l’Association des Meuniers et Industriels (Amis) du Sénégal semblent plus que jamais déterminés dans leur combat pour une solution définitive aux difficultés liées à la production et livraison de farine.
Convaincus que le prix homologué du sac de farine de 50kg ne permet pas une reprise de l’activité et de la commercialisation, le président Claude Demba Diop et ses camarades ont décidé de maintenir l’arrêt de la production nationale de farine jusqu’à nouvel ordre. «Le 14 septembre puis le 2 novembre 2021, nous avions annoncé, devant l’opinion publique, les difficultés puis l’arrêt de production et livraison de farine, en exposant la vente à perte continue depuis plusieurs mois. A ce jour, les alertes, les propositions et notre disposition à trouver une solution adaptée sont restées sans effet», se désolent-ils dans un communiqué parvenu hier à « L’As». Poursuivant, ils estiment ainsi que la crise de filière est désormais inéluctable. «La crise sociale que nous évitions nous a rejoint et le chômage technique sera annoncé dans les prochains jours», alertent les meuniers.
Pour eux, il est attendu des autorités la mise en place de la dernière structure des prix de la farine réalisée en septembre 2021 sous le contrôle du ministère du Commerce et du ministère des Finances. «Dans tous les pays du monde, les gouvernants ont réagi et dans notre pays il est urgent de sauver 1350 emplois directs et 15.000 indirects, de viabiliser notre modèle industriel et social, de préserver notre autonomie en farine depuis plus de 60 ans», soulignent les membres de l’Amis. En attendant, serinent-ils, «l’arrêt de nos installations se poursuivra jusqu’à ce qu’une réponse assurant la survie des meuniers soit clairement apportée».
Les meuniers demandent par ailleurs à l’autorité compétente une diligence pour l’application imminente de la structure des prix validée en Comité de Suivi des Prix présidé par le ministère des Finances, soit une farine à 19.193 Fcfa par sac en complément de la renonciation totale de la TVA et des droits de douane sur le blé. «Nous demeurons convaincus que seule une industrie forte et dynamique peut apporter du développement, de l’emploi, du pouvoir d’achat et des recettes fiscales nécessaires au devenir du Sénégal», clament-ils.