SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
19 juin 2025
LA LÉGALITÉ DE BABACAR NGOM FAIT FACE À LA LÉGITIMITÉ DES POPULATIONS DE NDINGLER
Amadou Mballo décrypte le conflit foncier opposant Babacar Ngom aux populations de Ndingler. Il aborde également le problème de la gouvernance foncière fragilisée par l’ineffectivité du cadre légal et réglementaire qui encadre le secteur foncier
Amadou Mballo, juriste foncier, décrypte le conflit foncier opposant le patron de Sedima, Babacar Ngom aux populations de Ndingler. Il aborde également le problème de la gouvernance foncière fragilisée par l’ineffectivité du cadre légal et réglementaire qui encadre le secteur foncier. Entretien.
Comment analysez- vous le litige foncier qui prévaut à Ndingler ?
D’une part, ce litige comme bien d’autres dans le pays est le résultat des crises alimentaire, financière et énergétique que le monde a connu durant les années 2008. Cette crise a été le facteur déclencheur d’une ruée des entreprises/acteurs économiques et politiques vers les terres africaines. Le Sénégal n’a malheureusement pas échappé à cette réalité. Celle-ci a ainsi abouti à de fortes pressions sur les terres fertiles des communautés locales, devenues subitement objet de toutes formes de convoitises pour la relance et la prospérité des activités économiques des investisseurs et élites politico-religieuses. Pour préserver leurs terres, sources de leur survie, les communautés sont souvent amenées à se mobiliser pour se faire entendre, des mobilisations aboutissant généralement à des oppositions et des conflits.
« NDINGLER EST L’ILLUSTRATION D’UNE EXPRESSION FONCIÈRE FRAGILISÉE »
D’autre part, l’affaire Ndingler est une illustration de l’expression d’une gouvernance foncière globalement fragilisée par l’ineffectivité du cadre légal et réglementaire qui encadre le secteur foncier. En effet, le principe de la domanialité nationale qui régit l’essentiel des terres communautaires repose sur un principe essentiel qui est celui de l’absence de propriété sur les terres. Donc, à première vue, aucun droit de propriété ne peut exister sur ces terres à plus forte raison un titre foncier. La philosophie du législateur sénégalais de 1964 repose sur le principe de l’appartenance de la terre à la nation et que cette terre doit servir au développement socio-économique et culturel des communautés locales. Donc, au sens de l’esprit de la loi, qu’un particulier, fut-il un investisseur national vénéré, détienne un titre foncier sur ces terres, cela pose question quant au respect de l’esprit de la loi.
Et même dans l’éventualité où l’Etat met en œuvre l’article 3 de la loi sur le domaine national en immatriculant une terre communautaire pour faciliter son accès à un investisseur privé, cela ne doit être que pour motif d’utilité publique et après concertation et consultation avec les populations qui utilisaient ces terres. Toute la question est maintenant de savoir dans le cas de l’Affaire Ndingler, en quoi le projet du groupe SEDIMA est plus important ou d’utilité publique que l’utilisation de ces terres par les communautés locales pour garantir leur sécurité alimentaires et nutritionnelle, l’emploi des jeunes et des femmes et leurs activités pastorales ?
Comment permettre aux communautés locales de profiter décemment de leurs terres ?
D’une manière générale, la loi permet aux communautés de jouir pleinement de leurs droits fonciers. C’est plutôt sa non-application effective qui cause beaucoup de torts aux communautés locales. Par ailleurs, en faisant table rase des droits/usages coutumiers et en instaurant un droit moderne, la loi sur le domaine national a créé les conditions de ses propres limites occasionnant ainsi des résistances de la part des communautés qui continuent de faire prévaloir leurs droits coutumiers sur ces terres. Au lieu de remettre en cause les droits coutumiers existants sur les terres communautaires, il serait plus sage d’opter pour leur constatation et renforcement. Il faut adapter les lois aux croyances et pratiques locales des communautés, faute de quoi elle s’expose à toutes formes de défiance/résistance.
Quel devrait être la position de l’Etat du Sénégal dans ce conflit ?
Dans le cas d’espèce, l’Etat devrait adopter une position de médiateur entre les deux parties (Communautés et Groupe SEDIMA). C’est d’ailleurs cette voie que l’Etat a choisie depuis le début. La légalité de M. Ngom fait ici face à la légitimité des populations de Ndingler. Ce n’est qu’à travers la concertation et le dialogue qu’on parviendra à dégager un consensus au profit de tout le monde car, même M. Ngom n’a pas intérêt à avoir une cohabitation conflictogène avec les populations même si ces dernières décident de lui laisser les terres. Et l’Etat, en sa qualité de garant de l’ordre public, la paix sociale et les droits et libertés fondamentales des citoyens doit veiller à ce que la situation revienne à la normale en application des dispositions de la Constitution et des traités et conventions internationaux sur les droits humains dont-il est signataire.
L’EPREUVE ANTICIPEE DE PHILOSOPHIE SUPPRIMEE
Désormais, il n’y aura plus d’épreuves anticipées de philosophie au Sénégal. Cette matière sera donc évaluée à la même date que toutes les autres disciplines.
Le Sénégal vient d’adopter une nouvelle réforme du baccalauréat qui supprime la phase d’anticipé de l’épreuve de philosophie. Cependant du côté des élèves candidats au baccalauréat, ce changement opéré par les autorités scolaires risque de compromettre leur chance de réussite à cet examen.
Désormais, il n’y aura plus d’épreuves anticipées de philosophie au Sénégal. Cette matière sera donc évaluée à la même date que toutes les autres disciplines. L’annonce a été faite hier par le directeur de la Formation et de la Communication du ministère de l’Education nationale, Mouhamed Moustapha Diagne. Par ailleurs, en attendant de voir les résultats issus de ce changement, il faut noter que l’année dernière, le Sénégal a enregistré un taux global de réussite de 48,22% au baccalauréat contre 37,8% en 2019. Cependant depuis l’annonce de cette nouvelle, les réseaux sociaux ont été transformés en « mur des lamentations » par la plupart des élèves candidats à cette examen. En classe de Terminal au lycée de Kolda, Aissatou Dabo reste sceptique quant aux effets que peuvent engendrer un cumul d’épreuves de matières dominantes à traiter dans une courte période. « Cette réforme ne nous arrange pas du tout. Imaginez traiter des disciplines aux coefficients lourds comme la philosophie, le français et l’Histoire-géo en trois jours d’examen. Nos chances sont vraiment réduites avec ce changement », a brièvement commenté, sur le net, l’élève en Série L2. Pour Saliou Diop, candidat lui aussi au baccalauréat, c’est la date d’annonce de la réforme qui constitue le nœud de ses craintes. A en croire l’élève au Lycée Moderne de Dakar, les autorités devraient au moins engager ce changement de format au début de l’année scolaire pour permettre aux candidats de se forger une idée sur le déroulement des épreuves. « Nous sommes juste à moins de 4 mois de l’examen du bac. Et mentalement, je me sentais confiant. Mais là en ce moment je suis perturbé. Pourquoi attendre cette période pour nous parler de réforme » ? s’est inquiété Saliou Diop sur le réseau social le plus prisé.
«Les parents d’élèves n’ont pas été consultés pour la réforme »
Président de l’Union nationale des parents d’élèves et étudiants du Sénégal (Unapees), Abdoulaye Fane estime que la réforme sur la tenue des épreuves anticipées de Philo n’est pas venue à son heure. Selon lui, les autorités en charge de l’Education devraient au moins opérer une période transitoire avant de rendre effectif le changement. « Une reforme aussi importante ne devrait pas être annoncée en pleine année scolaire. Elle devrait plutôt être annoncée au début de l’année afin que les élèves puissent l’intégrer et se l’approprier. Mais avec cette précipitation, c’est comme un dans un match de football où le règlement est modifié en plein jeu. Malheureusement, la décision a été prise de façon unilatérale dans la mesure où nous les parents d’élèves, nous n’avons pas été consultés par le ministère en charge de l’Education. Et même la Société civile, dans laquelle nous sommes partie prenante, n’a pas été saisie sur la question », a déploré Abdoulaye Fane. Evoquant de fond la problématique scolaire liée à la discipline en question, M Fané de s’insurger sur le manque de professeur de Philo dans le pays. « La philosophie est matière tellement importante dans le cursus des élèves qu’elle devrait être enseignée dès la classe de seconde. Nous avons toujours réclamé cela aux autorités. Mais il faut noter qu’il y’a un sérieux déficit d’enseignants en philosophie. D’ailleurs c’est pourquoi nous pensons que quelque part, cette réforme est une sorte de palliatif à ce problème », a espéré le président de l’Union nationale des parents d’élèves et étudiants du Sénégal.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
MIMI TOURÉ ET ALIOU BADARA CISSÉ, LES NOUVEAUX OPPOSANTS DU POUVOIR
ABC est un homme politique qui, comme Mimi, n’est pas là pour regarder les trains passer. Et comme tout homme politique ambitieux, il veut prendre les manettes de ce train si l’actuel conducteur arrive à destination en 2024
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 05/05/2021
Pour des raisons techniques, ce papier de Serigne Saliou Guèye devait paraître en même temps que celui de notre collaborateur Silèye Mbodj qui a fait la une de notre édition de vendredi dernier. Nous étant parvenu après le bouclage, nous avions décidé de le garder en attendant de pouvoir le publier. L’occasion s’est présentée ce mercredi.
Comme des cheveux dans la soupe étatique, Alioune Badara Cissé, l’actuel médiateur de la République, et Aminata Touré, ex-présidente du Conseil économique, social et environnemental (CESE) n’ont pas fait dans la dentelle pour se prononcer sur le mandat présidentiel et les problèmes d’emplois auxquels sont confrontés les jeunes et les femmes sénégalais. Déjà le 5 janvier 2020, lors d’une émission du Grand Jury de la RFM, Aminata Touré, alors présidente du CESE, avait annoncé la couleur sur le mandat présidentiel.
Après avoir déclaré qu’il faut accompagner le chef de l’Etat pour qu’il fasse un bon mandat, elle avait terminé par cette phrase sibylline qui trahissait son ambition présidentielle : « Néanmoins, en politique, les gens ne sont pas là pour regarder les trains passer ». Ce qui veut dire qu’en politique, les gens ne sont pas astreints éternellement à une posture de spectateurs et qu’ils peuvent à leur tour devenir des acteurs. Traduit dans le langage de Mimi, cela signifie qu’elle ne peut pas se contenter de soutenir toujours des gens sans tenter de réaliser elle aussi ses propres ambitions qui ne sont autres que présidentielles.
Lors d’une conférence virtuelle sur la limitation des mandats, organisée par le NDI (National Democratic Institute du Parti Démocrate américain) le 15 décembre 2020, l’ancienne Première ministre a déclaré sans ambages : « Le président Macky Sall, réélu le 24 février 2019, a affirmé à de nombreuses reprises qu’il effectuerait son second et dernier mandat notamment le 31 décembre 2018. Donc, au Sénégal, la question est derrière nous comme je l’ai déjà dit à diverses occasions. » Elle avait poursuivi en rappelant que « le Sénégal a modifié sa Constitution dans le sens de limiter les mandats présidentiels à deux consécutifs, précisant en son article premier que la durée du mandat du président de la République est de cinq ans et que nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».
C’est assez clair pour dire que le président Macky Sall sera en fin de mission présidentielle en 2024. Ce que l’ex présidente du CESE disait en sourdine le 5 janvier 2020, elle l’a confirmé ouvertement lors de cette conférence virtuelle du NDI. Cette sortie a été considérée du côté du palais comme un pied de nez fait au président Macky Sall qui avait formellement interdit aux militants de l’Alliance pour la République (APR) de se prononcer sur la question du 3e mandat. D’ailleurs, ceux qui s’y sont prononcés — du moins, dans le sens de la désapprobation ! — ont subi les foudres de sa Majesté.
Ainsi son ex-chef de cabinet, Moustapha Diakhaté, l’alors directeur des Sénégalais de l’extérieur, Sory Kaba, et l’ex-directeur général de la société de transports Dakar Dem Dikk ont été limogé de leurs postes respectifs et même du parti pour le premier président du groupe parlementaire de Bennoo Bokk Yaakaar. On pensait Mimi Touré allait s’en arrêter là dans ses attaques contre le Macky Sall mais que nenni ! Jouissant enfin de sa liberté d’expression après son limogeage du CESE, Mimi a asséné cette phrase qui sonne comme un avertissement au cas où l’idée viendrait au président de briguer un 3e mandat : « la limitation des mandats s’inscrit dans le renforcement des institutions et des processus démocratiques. Elle assure la stabilité sociale dont le continent a besoin pour consolider son développement. Elle peut assurer une sortie honorable et paisible aux dirigeants en poste tout en favorisant l’arrivée de nouvelles générations et élites au pouvoir. »
Le 22 avril dernier, Macky Sall a organisé un Conseil présidentiel à Diamniadio pour évoquer l’insertion et l’emploi des jeunes. 450 milliards ont été annoncés comme étant la manne financière qui résorbera le problème de l’emploi ces trois années. Certains opposants sont sceptiques sur l’opérationnalisation d’une telle initiative tandis que d’autres sont carrément catégoriques sur l’impossibilité de la mise en œuvre de cette promesse présidentielle. Au sein de la majorité, il va sans dire qu’on apprécie une telle initiative. Mais, de façon inattendue, une voix discordante de cette même majorité s’est élevée pour proposer ses propres solutions au problème de l’emploi des jeunes. Ainsi, 24 heures après ce conseil présidentiel, Mimi Touré a exposé son propre programme d’emploi et d’employabilité des jeunes ou des femmes de ce pays. Elle a publié un texte où elle propose quelques points pour redynamiser les différents secteurs de l’emploi. Pour elle, il faut des mesures d’urgence de création d’emplois en utilisant la commande publique de plus de 1200 milliards. D’où l’impératif de promouvoir le consommer local et de passer à la restructuration de notre économie extravertie, meilleur gage de création d’emplois.
Ainsi dans son texte, Mimi pose ses dix commandements qui doivent résoudre le problème de l’emploi. Mais là où ses piques assenées l’air de rien ont fait mal, c’est quand elle a soutenu, prenant le contrepied du Président, qu’il faut mettre l’accent sur la consolidation des emplois existants menacés plutôt que d’en créer de nouveaux ! Du côté de la majorité, ces sorties de Mimi sont considérées comme une kyrielle de provocations s’inscrivant dans le cadre de sa stratégie politique en direction du Sommet. Certains militants de l’APR soutiennent que l’ancienne patronne du CESE ne jouit d’aucune légitimité populaire ou politique pour multiplier ses attaques contre toute initiative du président Macky Sall.
Pour eux, si aujourd’hui Aminata Touré, présente sur la scène politique depuis longtemps mais de façon confidentielle, s’est fait un nom dans la politique, c’est grâce au président Macky Sall qui l’a propulsée en 2012 au poste de directrice de campagne lors de la présidentielle de 2012 avant de faire d’elle son ministre de la Justice, son PM, son envoyée spéciale et enfin présidente du CESE. Là où les militants de la première heure n’ont pas pu jouir de tous ces privilèges, elle, elle en a joui sans gage de loyauté. Pour plusieurs de ses camarades de parti, elle cherche une opportunité pour pouvoir dérouler son agenda politique qu’elle a concocté depuis le jour où elle a été nommée Première ministre du Sénégal. L’exclure du parti lui procurerait une posture victimaire de laquelle elle pourrait engranger des dividendes politiques. Une chose est sûre : aujourd’hui Mimi est devenue au sein de la majorité la première opposante de Macky Sall. Il se susurre dans certaines officines que Mimi, Mahmoud Saleh et d’autres trotskystes du gouvernement seraient en train de mettre en place une ligue des trotskystes pour ne pas être en rade après Macky Sall.
Me Alioune Badara Cissé, le pendant masculin de Mimi Il faut toutefois remarquer Mimi Touré a son pendant masculin au sein de l’APR. Un pendant qui ne rechigne jamais à dire ce qu’il pense de celui qui fut son patron mais dont la realpolitik l’a éloigné. Il s’agit de Me Alioune Badara Cissé, médiateur de la République. Ce dernier, lors de l’émission « Quartier général » de la TFM en date du vendredi 23 avril dernier, a fait une déclaration aux allures d’une mise en garde contre un 3e éventuel mandat. Aux questions des chroniqueurs de QG sur un éventuel de 3e mandat de Macky Sall, il a répondu sans circonlocutions : « Je l’ai entendu dire que c’est de son gré et de son fait qu’il a fait introduire la limitation du mandat à deux. Nous l’avons tous entendu. Mais jusqu’à présent, aucun de nous ne l’a entendu dire qu’il fera un troisième mandat, même si tout semble s’y prêter. Nous attendons qu’il revienne sur ses propos. A ce moment-là, les Sénégalais feront ce qu’ils avaient fait. »
Ainsi la déclaration d’une troisième participation de Macky à la présidentielle pousserait les Sénégalais à descendre dans la rue comme ils l’ont fait avec Wade. Mais, cette fois-ci, pour freiner la boulimie pouvoiriste du chef de l’APR. Lors des émeutes du mois dernier, les jeunes ont rejeté toute perspective de 3e mandat, une question sur laquelle l’actuel locataire du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor maintient le flou. Alioune Badara Cissé, qui a été le compagnon d’infortune de Macky Sall, qui a souffert des coups de boutoir du résident Abdoulaye Wade, dispose de toute la légitimité politique pour mettre en garde le Président Sall contre toute tentation d’un 3e mandat sous peine de subir les affres de la furie populaire. Et en tant que médiateur de la République, son rôle est d’alerter sur des situations qui pourraient mettre le pays dans le chaos.
Toutefois, la camarilla présidentielle n’a pas apprécié cette sortie du médiateur qu’elle juge inopportune dans un contexte de crise et de violence sur fond de problème aigu de manque d’emplois pour les jeunes. Selon ces supporters du président, les urgences sont ailleurs que de gloser sur un 3e mandat qui n’existe que dans la tête de ceux qui agitent cette question. Mais ABC est un homme politique qui, comme Mimi, n’est pas là pour regarder les trains passer. Et comme tout homme politique ambitieux, il veut prendre les manettes de ce train si l’actuel conducteur arrive à destination en 2024.
CES JOUETS QUI PEUVENT DONNER LA MORT
A Dakar, comme dans presque toutes les capitales africaines, le commerce ambulant occupe une place centrale dans l’économie. Mais quand le commerce ambulant des armes factices devient un facteur d’insécurité, il y a de quoi s’inquiéter !
Il n’est pas rare de voir des marchands ambulants chercher à écouler coûte que coûte des épées, des pistolets à eau, des mitraillettes et revolvers dans les rues et embouteillages de Dakar. Quitte à « braquer » piétons et automobilistes avec ces armes factices. Il s’agit officiellement de jouets innocents, certes, mais ces armes de guerre en plastique incitent les enfants à la violence ou l’apprentissage de la délinquance à main armée. en tout cas, impriment dans leur subconscient des instincts d’agressivité. Sans compter que, on s’en souvient, dans certaines affaires criminelles de jeunes délinquants ont commis des vols et braquages avec des armes factices. « Le Témoin » a enquêté…
A Dakar, comme dans presque toutes les capitales africaines, le commerce ambulant occupe une place centrale dans l’économie. Mais quand le commerce ambulant des armes factices devient un facteur d’insécurité, il y a de quoi s’inquiéter ! Et pour la sécurité des personnes et pour l’éducation des enfants. Pour mieux camper le décor, il faut rappeler le calvaire quotidien des usagers de la route. Dans les rues, et notamment aux carrefours de Dakar, la circulation est infernale malgré les efforts consentis par l’Etat en matière d’autoponts et de désengorgements des artères. Aux heures de pointe, les automobilistes sont coincés dans d’innombrables et cauchemardesques embouteillages tandis que les malheureux piétons cherchent à se frayer un chemin sur les trottoirs encombrés par toutes sortes d’objets ou d’individus. Dans cette atmosphère tendue, il n’est pas rare que surgissent soudain des marchands ambulants qui « braquent » automobilistes et passagers avec des pistolets, des mitraillettes et des revolvers. Si ce ne sont pas des épées, des couteaux et autres machettes. Ne tremblez surtout pas ! Car ce sont des armes factices, faites le plus souvent en plastique, que les ambulants cherchent écouler à tout prix ! Ces jouets pas comme les autres comportent cependant un risque d’accroissement du sentiment d’insécurité. S’ils ne sont pas tout simplement utilisés pour commettre des braquages en donnant aux victimes l’impression qu’il s’agit de vraies armes braquées sur elles ! Dans de nombreux cas de figure, brandir une réplique d’arme « réelle » peut provoquer une réaction de légitime défense… mortelle. « Le Témoin » quotidien vous rappelle quelques faits criminels où des agresseurs, braqueurs et autres détenteurs de fausses armes à feu se sont mis en danger jusqu’à y laisser la vie.
Cambriolage à…main armée
Il y a un quart de siècle, un cambriolage avait été commis aux Parcelles Assainies. C’était courant 1997 si nos souvenirs sont exacts puisque le commissaire Assane Ndoye était au moment des faits le patron du commissariat de police d’arrondissement. Une nuit de cette année-là, dans un appartement situé au quartier Golf, un couple mixte (Sénégalais et Italienne) a été surpris et braqué dans son sommeil par des cambrioleurs. Dans un reflexe de légitime défense, le modoumodou d’Italie n’avait eu d’autre choix que de tirer mortellement sur l’un des voleurs. Dépêchés sur les lieux du crime, les éléments du commissaire Assane Ndoye se sont rendus compte que l’arme du voleur, connu des fichiers de police, était factice ! Un fait similaire a eu lieu dans une cité côtière de Guédiawaye où des charretiers se livraient à l’extraction de sable marin, une activité strictement interdite par la loi. Parfois, nos charretiers prenaient prétexte de l’extraction du sable pour commettre nuitamment des vols dans les quartiers environnants. Pour faire face aux prédateurs s’attaquant aux « tortures marines », des jeunes se sont érigés en sentinelles. Une nuit, il y a eu une coursepoursuite effrénée entre les jeunes du quartier et un charretier voyou. Au moment d’être appréhendé, le cocher avait brandi une arme. Les jeunes avaient réussi on ne sait trop comment à le maîtriser avant de lui asséner plusieurs coups avec une pelle trouvée à bord de la charrette. Laissé pour mort, le charretier avait été transporté par les sapeurs-pompiers à l’hôpital. Les policiers de Guédiawaye, prévenus par la suite, en faisant le constat des faits, ont ramassé sur les lieux du drame une arme factice, plus exactement un pistolet en plastique, qu’ils ont utilisée par la suite comme pièces à conviction. Ces faits criminels parmi d’autres montrent la dangerosité de ces armes factices à double tranchant dont la plupart prennent la forme de briquets-pistolets (Allume-gaz), de pistolets lampes torches etc. Mais qui ont, dans tous les cas de figure, une apparence d’armes à feu ! Autrement dit, ces armes en plastique sont les répliques parfaites de véritables pistolets. Elles fonctionnent comme de vrais revolvers, font souvent le même bruit à la seule différence qu’elles ne tirent pas des coups mortels. En vente libre dans les rues et magasins de Dakar, ces fausses armes, pour ne pas dire ces jouets anodins, peuvent cependant inciter les enfants à devenir violents. On se rappelle d’ailleurs que le défunt journal « Takusaan », qui eut son heure de gloire dans les années 1980, publiait au mois de décembre de chaque année des annonces pour dire : « Décembre, mois des cadeaux. Parents, de grâce ne donnez pas des pistolets aux enfants ! » Des mises en garde dont on ne sait si elles ont servi à quelque chose mais qui ont eu au moins le mérite d’essayer d’alerter.
Procureur feu François Diouf et la bande aux armes à pétard
Il est vrai que les marchands du bazar les considèrent comme de simples jouets, mais il ne faut pas s’y méprendre. Car, de l’avis juridique de Me Cheikh Kouressy Ba, avocat à la Cour, « les personnes qui utilisent ce type d’arme pour menacer des gens ou, à fortiori, pour braquer un commerce s’exposent aux mêmes conséquences judiciaires qu’une personne utilisant une vraie arme à feu. Néanmoins, le prévenu ou l’accusé peut bénéficier de circonstances atténuantes » explique l’éminent avocat. « Normalement, dans un pays sécurisé, quelqu’un qui se promène avec ce type d’arme s’expose vis-à-vis des gendarmes ou policiers aux mêmes réactions qu’avec une personne portant une vraie arme. Parce qu’en cas de braquage, la victime ne peut nullement faire la différence entre une arme sans munitions et une arme avec munitions ; une arme factice et une arme réelle…Entre la vie et la mort, la victime se rend facilement ou docilement à l’agresseur..» a poursuivi, en substance, Me Cheikh Kouressy Ba. Ces armes factices nous renvoient aux grandes sessions de Cours d’assises des années 90 que nous avons eu à couvrir au Palais de justice du Cap Manuel. Dans une affaire de vol en réunion commis la nuit avec usage d’arme « factice », le brillant et éloquent défunt procureur François Diouf avait officié au ministère public. A l’entame du procès, il avait invité l’un des gendarmes de garde au Palais à déposer son arme de service sur la table des scellés, autrement dit des pièces à conviction, à coté de l’arme factice que détenaient les malfaiteurs jugés ce jour-là.
Après avoir retrouvé les manches de sa robe, le procureur François Diouf avait prononcé un réquisitoire retentissant. Morceaux choisis : « Monsieur le président, messieurs les avocats de la défense, vous avez devant vous deux armes à feu, l’une est fausse ou factice ; l’autre est réelle (celle du gendarme) ! Personne dans la salle n’est en mesure de faire la différence entre les deux armes bien que l’une soit en plastique. Une arme aussi dangereuse pour le malfaiteur que pour la victime en cas de légitime défense. En pleine nuit, si un cambrioleur pointe une arme sur vous, comment pouvez-vous savoir s’il s’agit d’une arme qui tire à feux de pétards ou des balles réelles ? Aussi bien les avocats de la défense que leurs clients accusés doivent savoir que le droit ne fait pas de différence entre un vol commis avec une arme réelle ou un autre fait sous la menace d’une arme factice… » avait expliqué le procureur François Diouf avant de requérir 20 ans de travaux forcés contre les accusés ! A l’époque, il avait été suivi dans sa demande puisque les membres de la bande avaient été condamnés à de lourdes peines. La dangerosité de ces armes factices à double tranchant pousse Momar Ndao, le président de l’Association des consommateurs du Sénégal (Ascosen), à inviter les autorités à plus de vigilance. « Certes, nos enfants ont droit à des jouets fascinants ! Mais pas n’importe quels jouets puisque ces mitraillettes et revolvers factices peuvent inciter les enfants à la violence, les jeunes à la tentation de vols à main armée » admet-il lui aussi tout invitant les pouvoirs publics à réglementer l’importation de ces jouets se présentant sous la forme d’armes factices.
LE JAKARTA PLUS CHER QUE LE TAXI
La conduite de motos « Jarkata » à Ziguinchor est différente des autres villes ou communes du Sénégal.
Depuis une dizaine d’années, les motos dites « Jakarta » se sont imposées dans toutes les régions du Sénégal sauf dans la capitale. Leur prix jugé plus abordable, le Jakarta a la particularité d’être plus accessible dans certains endroits. Mais à Ziguinchor, prendre un Jakarta relève d’un signe de coquetterie. Leurs prix varient entre 300 et 1000 F.
La conduite de motos « Jarkata » à Ziguinchor est différente des autres villes ou communes du Sénégal. Dans cette capitale de la Casamance, les prix sont en hausse. Si un peu partout à l’intérieur du pays, les prix varient entre 200 F. Cfa et 250 F Cfa dans la journée et 500 F la nuit, à Ziguinchor, c’est tout autre. Il faut 300 F Cfa sur une petite distance. Et c’est à prendre ou à laisser. Et sur d’autres distances, le prix varie entre 400 et 600 f. Pour la nuit, il faudra débourser 1000 F Cfa. Abdou, en califourchon sur sa moto, guette les clients au rond-point qui mène vers la gare routière de Ziguinchor.
Le jeune jakartaman est en compagnie de plusieurs de ses collègues. Ils surveillent les passants, les invitant à prendre la moto. « dagay dem ? » ! « Jakarta » ! Des mots qui reviennent telle une ritournelle. « Tu vas où ? », lance Abdou au client qui vient de se pointer. « Lindiane », répond celuici. Abdou lui propose 500 F pour le trajet. Après discussion, ils s’entendent sur le prix de 400 f. « Il faut savoir que nous payons des taxes qu’on nous impose. Et il faut dire également qu’à chaque fois que les policiers nous arrêtent, nous payons. Nous ne gagnons pratiquement pas beaucoup d’argent si l’on calcule la distance et les tracasseries policières », a lancé Abdou comme explication. Au rond-point Jean Paul II, il fait 23 heures passées de quelques petites minutes. Ils sont nombreux parmi les conducteurs de Jarkata à résister à la fraicheur de la nuit pour chercher des clients. Cependant, ils n’hésitent pas à refuser certains prix proposés par les clients.
C’est le cas pour ce Jakartaman. Hélé par un passant qui lui propose de l’emmener au quartier Kandialang à 500 f, il refuse catégoriquement. « Je ne peux pas emmener quelqu’un à cette heure sur cette distance avec 500 f. C’est loin et également, les rues ne sont pas bonnes. Avec 1000 F Cfa, je pourrais prendre le risque », a-t-il lancé à son client avant de le laisser poireauter sur place. Le voyageur s’est finalement rabattu sur un autre conducteur qui lui avait proposé 700 f. « Je pense que c’est plus raisonnable. Je n’ai pas le choix. Je n’ai pas vu de taxi. J’aurais préféré payer un taxi à 1000 f. Ils exagèrent », martèle le client furieux. Un autre Jakartaman confirme bien qu’à Ziguinchor, la conduite de motos marche plus que partout ailleurs au Sénégal. « Je suis de Pikine à Dakar. Je suis là depuis un an. Mais je ne compte pas repartir. Avec mon Jakarta, je gagne bien ma vie. Parfois je fais payer aux clients des prix qui varient entre 400 et 800 f.
Le Jakarta ne consomme pas beaucoup de gasoil. Tu mets le plein à 2500 f et tu peux circuler toute la journée », a-t-il confié. Contrairement aux autres régions du Sénégal où les prix sont raisonnables, à Ziguinchor les conducteurs dictent leurs lois. . « Je ne peux rien dire des autres régions, mais ici c’est notre mode de travail. Il faut qu’on gagne bien notre vie pour soutenir nos parents », a avancé comme argument Idrissa. Mariama Diatta, bassine à la main, attend tranquillement une moto Jakarta. « J’avoue qu’ils exagèrent avec leur prix. J’habite Kandialang, il m’arrive de payer 800 F CFA pour y aller. C’est ce qui n’est pas normal. Il faut vraiment négocier pour qu’ils te déposent avec 300 ou 400 F CFA qui est le prix normal », se désole la dame. Ce qui confirme qu’à Ziguinchor, la conduite de moto Jakarta nourrit bien son homme. Le prix élevé du transport est décrié par beaucoup d’usagers. Les Jakartamen ont imposé leurs lois aux populations. Pendant ce temps, les taxis broient le noir. Quant aux bus transports urbains « Tata », ils n’arrivent toujours pas à « écraser » les Jakarta dans la concurrence. Et c’est un constat dans toutes les régions ou hameaux du Sénégal.
GESTION APPROXIMATIVE DES INFRASTRUCTURES SPORTIVES
Première équipe africaine au classement FIFA qui ne dispose pas de stade homologué pour disputer les éliminatoires. C’est le grand paradoxe réussi par le Sénégal
Première équipe africaine au classement FIFA qui ne dispose pas de stade homologué pour disputer les éliminatoires. C’est le grand paradoxe qu’a réussi à faire le Sénégal. un fait honteux qui sonne comme une piqure de rappel dans un pays où le rafistolage est érigé en règle en lieu et place d’une réelle politique sportive.
Le couperet est tombé ce lundi et a laissé pantois les férus du ballon rond. Le pays de la Téranga se voit privé de match dans son antre. La faute à un stade Lat-Dior de Thies dont l’homologation provisoire datant de 2019 semble être arrivée à expiration. Qu’est ce qui a changé entre-temps jusqu’à ce que l’antre de la capitale du Rail n’ait pas obtenu le feu vert de la CAF ? Une question qui revient sur toutes les lèvres et qui donne une mesure de l’ampleur de la tâche. Même si les fédéraux semblent enclins à prolonger cette homologation provisoire avec les travaux qui sont en train d’y être faits depuis quelques semaines, le mal est déjà fait et est profond. La CAF a sauvé la face du Sénégal avec le report annoncé des deux premières journées à septembre sinon les « Lions » allaient se muer en SDF pour « accueillir » le Togo. Voir ainsi la Nation du dernier Ballon d’Or africain, Sadio Mané, figurer parmi les 21 pays africains sur les 25 à ne pas avoir de stade homologué pour les éliminatoires dès la Coupe du monde 2022 prévue en juin montre à suffisance l’échec de tout un système qui n’a jamais su assez investir dans le domaine des infrastructures sportives.
Responsabilités partagées entre Fédé et ministère
Le Sénégal présente un déficit infrastructurel majeur depuis toujours. Aucun grand stade n’a été construit depuis le stade Léopold Sédar Senghor qui a été inauguré le 31 octobre 1985. 35 ans après, seules des stades régionaux ont été rénovés ou construits par les différents régimes qui se sont succédés. La rénovation de Léopold Sédar Senghor annoncée depuis novembre 2018, date de la signature de l’accord avec la Chine, tarde toujours à se faire. Le prétexte de la pandémie Covid-19 est brandi pour expliquer le retard des travaux de ce temple du football sénégalais laissé à l’agonie. Mais entre la date de juin 2019 annoncée comme étant celui de démarrage des travaux par Matar Bâ jusqu’à aujourd’hui, rien n’a été fait et le stade LSS ne cesse de se dégrader. Cet exemple montre l’échec de la politique globale des différents présidents du Sénégal en termes de construction d’infrastructures sportives. La rénovation montre également à suffisance les limites en termes de qualité des travaux. La CSTP, entreprise en charge des travaux, n’a pas réussi à mettre Lat-Dior et est coutumière des faits avec notamment la tribune découverte du stade Ngalandou Diouf détruite seulement quelques mois après sa construction. Lat-Dior était sur la sellette depuis février 2010 mais la FSF et le ministère des sports n’ont pas su s’atteler à le mettre aux normes. La diplomatie sénégalaise n’aura pas cette fois-ci évité l’humiliation de voir le Sénégal figurer parmi les pays ne disposant pas de stades homologués. Le basket avec Dakar Arena et la lutte avec l’Aréne Nationale semblent avoir franchi un premier pas dans la construction d’une infrastructure de référence. Toujours est-il que ces infrastructures ont pu être réalisées grâce respectivement aux aides et/ou dons de la Chine et de la Turquie. Le football tarde à se doter d’une infrastructure de dernière génération. Les tirs sont groupés sur la Fédération sénégalaise de football mais cette dernière est délégataire de pouvoir et n’a pas les moyens de construire un ou des stades aux normes internationales. C’est l’Etat qui finance la construction d’infrastructures et il n’en a malheureusement pas fait une vraie priorité. Toutefois la Fsf doit en revanche donner l’impulsion afin que la puissance étatique puisse s’exécuter. L’argent récolté lors de la Coupe du monde 2018 (plus de 7 milliards FCFA) pouvait servir de rampe de lancement même s’il est minime pour construire une infrastructure de qualité. Tous ces entrefaits risquent par la même occasion de plomber les rêves d’organisation d’une CAN de football.
Le « naming » pour sauver la face
La construction du stade du Sénégal à Diamniadio qui sera inauguré le 22 février 2022 est certes novatrice mais ne va pas rétrécir ce gap. Les autorités étatiques traînent le pied alors qu’il faut accélérer la cadence pour combler le déficit. Des pistes de réflexion pour une trouver une nouvelle forme de financement sont plus que jamais nécessaires. Le « naming » pourrait être un moyen efficace de mettre fin à ce déficit infrastructurel. Le naming de stade ou d’enceinte sportive est une pratique de marketing sportif par laquelle un stade ou un équipement sportif (salle, vélodrome, piscine, etc.) est renommé ou nommé (dans le cadre d’une nouvelle construction) de manière à comporter le nom du sponsor ou «namer» et à reprendre éventuellement une partie de son logo. Cette pratique n’est pas exempte de risques et elle sous-tend des bases solides qu’il faudra mettre en place. Chose que doit réussir l’Etat qui se retrouve au début et à la fin de toute politique. Il n’est pas demandé à notre pays sous-développé et endetté à se lancer dans des investissements faramineux mais assurer le minimum de confort pour donner du spectacle sur et en dehors des terrains. Cette non-homologation de Lat-Dior sonne ainsi comme un rappel du travail qu’il faut continuer à accomplir pour se faire davantage respecter le monde footballistique. A défaut de cela, la fameuse phrase d’Alain Giresse continuera de hanter les mémoires collectives sans qu’elle puisse être démentie par les faits. Rien que les faits !
LE PRÉFET SUSPEND LES TRAVAUX DE L’EXPLOITATION AGRICOLE DE LA SEDIMA À NDINGLER
Mor Talla Tine, invoquant des ’’risques réels de troubles à l’ordre public liés à des menaces d’affrontements entre habitants de Ndingler et travailleurs de Sédima’’, a pris un arrêté à cet effet
Le préfet de Mbour (ouest), Mor Talla Tine, a pris un arrêté pour suspendre les travaux portant sur une exploitation agricole de la Sénégalaise de distribution de matériel avicole (SEDIMA) située dans la commune de Niaganiao, invoquant des ’’risques réels’’ de trouble à l’ordre public.
L’assiette foncière de 80 ha sur laquelle cette exploitation agricole doit être aménagée fait l’objet d’un différend entre la SEDIMA de l’homme d’affaires sénégalais Babacar Ngom et des populations de Ndingler, dans la commune de Ndiaganiao.
Une médiation entreprise par l’ancien ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye a abouti en juillet dernier à un compromis, aux termes duquel les agriculteurs avaient pu démarrer les travaux champêtres sur ces terres qu’ils réclament.
Babacar Ngom, disant détenir des documents lui octroyant 224 hectares dans cette zone, avait accepté de mettre à la disposition des populations une partie des terres de son titre foncier, représentant une centaine d’hectares.
Il avait été convenu que les discussions se poursuivraient entre les deux parties en vue de trouver une solution définitive à ce conflit foncier qui avait alors tenu en haleine l’opinion pendant plusieurs semaines l’année dernière.
Babacar Ngom qui serait bénéficiaire d’une délibération du conseil rural de Djilakh, devenue commune, aurait transformé cette attribution en bail, avant d’en faire un titre foncier.
Après plusieurs mois d’accalmie, un nouveau pic de tension a conduit lundi à des affrontements entre paysans de Ndingler et agents de sécurité de l’homme d’affaires et PDG de la Sedima.
Le préfet de Mbour, invoquant des ’’risques réels de troubles à l’ordre public liés à des menaces d’affrontements entre habitants de Ndingler et travailleurs de Sédima’’, a pris un arrêté pour suspendre les travaux de l’exploitation agricole dont Babacar Ngom est le promoteur.
Le chef de l’exécutif départemental souligne que son arrêté est motivé par les rapports des services de renseignements sur ce sujet.
Il précise que tout manquement aux dispositions de cet arrêté "est passible des sanctions prévues par les lois et règlements’’, avant de charger le commandant de la compagnie de gendarmerie de Mbour de l’application dudit arrêté.
La complexité de cette affaire tient par ailleurs au fait que d’autres villageois, ceux de Djilakh, ont aussi occupé le terrain convoité, semblant prendre fait et cause pour le projet de l’homme d’affaires Babacar Ngom, rapportent plusieurs médias.
par Yoro Dia
BACHIR DIAGNE, FACTEUR D'UNIVERSEL
De Saint-Louis où il est né et où sa sacoche de facteur fut remplie des valeurs de la vieille ville, il part distribuer le courrier de la convergence spirituelle au monde. Son fagot est au Sénégal ce que le Parthénon est à la Grèce
Dans le fagot de la mémoire de Souleymane Bachir Diagne, qui est à la fois un voyage intellectuel, spirituel et personnel, il y a naturellement une étape chez le philosophe Edmund Husserl, qui nous parle de «fonctionnaire d’humanité». De façon très freudienne, Souleymane Bachir Diagne ne se rend pas compte qu’il a inconsciemment réalisé son rêve d’enfant : être facteur parce que son père et sa mère travaillaient à la Poste (les Ptt) et «de tous les postiers, c’était celui qui portait uniforme». Ce rêve, né à Ziguinchor où il a passé son enfance, est devenu réalité parce que si Husserl parle de «fonctionnaire d’humanité», Bachir est devenu un facteur d’universel et d’humanisme.
De Saint-Louis où il est né et où sa sacoche de facteur fut remplie des valeurs de la vieille ville, il part distribuer le courrier de la convergence spirituelle au monde. Pour Bachir Diagne, «en deux mots, être Saint-Louisien, c’est une culture faite d’une tolérance qui n’est pas condescendance, mais sens du pluralisme». Le facteur armé de cet esprit de Saint-Louis, comme Montesquieu parlait d’esprit général d’une Nation, part distribuer le courrier, partager la bonne nouvelle à Paris, Bayreuth, Dakar, Chicago et New York. Quand on est nourri de la sève de cet esprit de Saint-Louis, «la ville du fanal le 15 août et de la mosquée dont l’un des minarets abrite une cloche», on est forcément à la fois singulier et universel, enraciné dans un «islam lettré, rationnel et ouvert», mais aussi ouvert au monde. Le Président Senghor, qui a fait lire à la radio et à la télévision nationale la nouvelle de l’admission de Souleymane Bachir à Normale Sup avec sa civilisation de l’universel, est très proche de cet esprit de Saint-Louis que notre facteur propage dans un monde meurtri par le choc des civilisations et les entrepreneurs identitaires.
Cet esprit de Saint-Louis qui permet à notre facteur d’être concomitamment «althussérien et soufi», comme le qualifie la philosophe Catherine Clément, de passer sans transition et en toute symbiose de l’Indien Mohamed Iqbal au Français Bergson, ou comme on aurait dû le pressentir chez l’élève de Van Vo qui remporte le concours général en latin-grec alors qu’il est en Terminale C (S aujourd’hui). Naturellement, quand elle est facteur d’universel et d’humanisme, la question de l’identité devient centrale dans un monde pris en otage par les entrepreneurs identitaires et les extrémismes de tous bords, la question de l’identité devient fondamentale. L’identité chez Bachir n’est pas meurtrière comme le pense Maalouf, mais «elle s’éclaire si l’on pense d’abord à celle du devenir. Qui je suis se découvre dans la réalisation de qui je dois être et dans la fidélité à soi est dans le mouvement de ce devenir». Cette conception dynamique et non sclérosée ou figée de l’identité, digne de l’Allemand Fichte, «être ce n’est rien, devenir c’est tout», devrait être le leitmotiv des Africains et des musulmans qui passent leur vie devant le mur des lamentations ou se réfugient dans la tradition.
D’ailleurs, le facteur nous invite à lutter «contre l’autorité de la tradition», en s’appuyant sur «une analyse du doute comme Ghazali», parce que, dit-il, «les temps qui changent ne sont pas l’ennemi de la religion, mais la condition de l’approfondissement continue de la réalisation de sa promesse» ; d’où la croisade intellectuelle de Professeur facteur de présenter aux étudiants «l’islam comme une tradition intellectuelle et spirituelle que l’on peut questionner».
L’Afrique et la philosophie islamique sont deux centres d’intérêts de l’auteur ; d’où l’étape incontournable de Tombouctou où «Aristote était enseigné avant l’arrivée de l’explorateur René Caillé», mais aussi la rencontre avec le grand écrivain Kenyan Ngugi Wa Thiongo en Allemagne, qui a pour ambition de «décoloniser l’esprit» grâce à une «pensée décoloniale», en d’autres termes «répéter après Césaire que mettre en question une universalisation qui ne serait que manifestation d’un exceptionnalisme européen. C’est inviter à marcher vers la ‘’pluriversité’’». Cette «pluriversité» renvoie encore à cet esprit de Saint-Louis, à la fois insulaire et universel.
Quand on ferme le livre, on comprend pourquoi il s’ouvre avec «quand la mémoire va chercher du bois mort, il ramène le fagot qui lui plaît». Bachir a ramené le fagot de sa mémoire qui lui plaît. Ce fagot de Bachir est au Sénégal ce que le Parthénon est à la Grèce, c’est-à-dire un vestige dans un Sénégal où la culture et le débat d’idées sont en état de décomposition. Le livre de Souleymane Bachir Diagne est très dense, mais ces lignes sont le fagot de ma lecture. Naturellement il y a d’autres fagots, mais j’ai ramené celui qui me plaît.
*Le Fagot de ma mémoire de Souleymane Bachir Diagne
SAISON TERMINEE POUR KALIDOU KOULIBALY ?
Auteur d'une saison réussie avec le Naples, Kalidou Koulibaly pourrait dire adieu à l’exercice 2020-2021 avec la douleur du gastrocnemien de la jambe droite
Un coup dur pour Kalidou Koulibaly et le Naples. Considéré comme l’un des meilleurs joueurs à son poste en Serie A, le Sénégalais est victime d’une douleur du gastrocnémien de sa jambe droite. Selon un communiqué du club napolitain, le joueur formé à Metz sera absent des terrains deux à trois semaines.
Auteur d'une saison réussie avec le Naples, Kalidou Koulibaly pourrait dire adieu à l’exercice 2020-2021. En effet, le Sénégalais s’est blessé vers la fin du match contre Cagliari, lorsque les Rossoblu ont égalisé dans les arrêts de jeu. Solide en défense, le joueur souffre d’une douleur du gastrocnémien de sa jambe droite.
L'annonce a été faite par le club italien. «Koulibaly a subi des tests instrumentaux qui ont révélé une blessure au premier degré de la gastrocnémien médiale de sa jambe droite. Le défenseur Azzurri est en thérapie», a indiqué le club. Le défenseur sénégalais sera absent pendant au moins deux semaines et doit manquer les matchs contre la Spezia, l’Udinese et la Fiorentina. Ainsi, l'entraîneur Gennaro Gattuso est dans l'obligation de trouver un remplaçant de l'international sénégalais.
Toutefois, le club italien espère revoir le roc sénégalais lors du dernier match de la saison contre le Hellas Vérone, mais il n’est pas certain que ce dernier va récupérer à temps. Le staff napolitain comptait énormément sur le joueur de 29 ans pour retrouver la Ligue des Champions. Cette saison, le vice-champion d’Afrique a joué 26 matchs en Serie A. Il a manqué 3 matchs entre décembre et janvier en raison d’un problème musculaire, avant d’être isolé en février pour coronavirus.
Par El Hadji Omar MASSALY
ADIEU BECHIR BEN YAHMED
Je me suis battu dans mon for intérieur, en ce mois béni de ramadan, pour retenir mes larmes.
J’ai entrepris l’écriture de ce texte cinq minutes après avoir été informé du décès de Béchir Ben Yahmed, 93 ans, PDG de Jeune Afrique, homme d’affaires et éditorialiste. Un homme dont le pedigree personnel m’a exceptionnellement séduit et profondément marqué. Et pourtant, il faut préciser l’exception au passage, j’écris rarement des textes en hommage à un défunt que j’admire sans pour autant prendre le temps qu’il faut pour, d’un côté, méditer sur la condition métaphysique de l’homme et, de l’autre, sur le caractère discontinu de la vie, me plongeant quelquefois dans une tristesse immense à laquelle je me tire péniblement. Je dois avouer qu’apprendre la nouvelle brutale du décès de Béchir Ben Yahmed qui demeure, pour moi, un mentor et un maître de pensée, m’a interloqué. Je me suis battu dans mon for intérieur, en ce mois béni de ramadan, pour retenir mes larmes. La perte est à la dimension de l’homme : énorme. Mais en bon admirateur de Béchir, pour ne pas dire disciple, évidemment pour l’avoir lu constamment pendant plus de 10 ans et avoir appris des choses que je n’ai jamais apprises dans les amphis des universités, je dois à la vérité de placer quelques mots à l’endroit de cet homme d’une dimension rarement égalée.
BECHIR, LES CHRONIQUES ET MOI
Jeune Afrique. Vieux journal qui a marqué et qui marque les changements profonds de l’histoire africaine, avait très tôt attiré mon attention. Fraîchement débarqué à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, étudiant « bleu » au département de lettres modernes, passionné de lecture et d’actualité, habité par une envie débordante de savoir pour faire savoir, rat de biblio, animé par une immense curiosité intellectuelle qui m’a rendu quelque peu précoce, feuilletant, aux côtés de mon ami et grand frère Ibou Dramé Sylla des livres qui dépassent de loin mon niveau, j’ai découvert les chroniques de Béhir dans cette atmosphère de bouillonnement intellectuel. Mon frère aîné, qui était à l’époque journaliste au Sénégal et collaborateur de Jeune Afrique, pour qui j’avais une grande admiration du fait de la qualité de sa plume, de sa culture livresque, de son sens de la précision et de l’homme de conviction qu’il est, m’a fait découvrir l’intérêt qu’il y a de lire Jeune Afrique. Chez lui, il y avait toutes les nouvelles parutions du magazine. Je prenais du plaisir à les lire pour avoir une bonne culture générale. J’étais frappé, à l’époque, par les chroniques de Béchir Ben Yahmed (Ce que je crois) et les éditos de François Soudan. Deux plumes de Jeune Afrique qui me faisaient rêver. Plus tard, je suis devenu un accro de l’hebdomadaire panafricain avec la découverte d’autres belles plumes : Fouad Laroui, Damien Glez, Marwane Ben Yahmed… Il faut dire qu’il y avait, justement, quelque chose d’assez intéressant et particulier dans les chroniques ‘‘ Ce que je crois ’’ de Béchir Ben Yahmed qui attirait mon attention : l’engagement.
L’engagement, dont il fait montre dans ses textes, notamment sur les questions en rapport avec le développement de l’Afrique, a été, pour moi, une source d’inspiration. Ses positions, très courageuses, m’avaient inspiré sur la conduite à adopter, en tant que jeune étudiant, dans la société. J’ai démarré la rédaction de mes premières chroniques en imitant Béchir et en me mettant dans la peau de l’étudiant qu’il fut à Paris et qui, déterminé à libérer son peuple, participa fortement, avec des chroniques engagés qu’il signait d’un pseudonyme Arthur Jeef, à la lutte pour l’indépendance de la Tunisie. Un engagement citoyen, avec la plume en bandoulière, qui s’inscrit dans la lignée de Claude Bourdet, Hubert Beuve-Méry et… Albert Camus dont il reconnaissait l’influence. Béchir a très tôt écrit pour agir dans un contexte de décolonisation tendu pour défendre les intérêts de sa nation. Il l’a dit dans une formule qui prend son sens : « si vous me posez la question comment et pourquoi suis-je devenu journaliste et éditorialiste, je vous répondrai que je ne le sais pas moi-même très bien. Cela m’a pris à 24 ans et sans que j’y réfléchisse vraiment, alors que je finissais mes études à l’école des Hautes Etudes Commerciales (HEC) et à Sciences Po. Je l’ai fait d’abord tout en militant pour l’indépendance de mon pays, la Tunisie, et non moins clandestinement », Ce que je crois, Les années d’espoir 1960-1979, p 15. Son engagement citoyen a été moulé dans une prise de conscience et une philosophie qui ont alimenté l’esprit et façonné la carapace intellectuelle de plusieurs jeunes intellectuels africains, dont moi-même, conscients que leur rôle est déterminant dans le processus de développement de notre continent. En lisant Béchir, j’ai compris que l’avenir de l’Afrique est entre les mains d’une jeunesse qui, sans cesse, se forme pour comprendre les vrais enjeux du développement, une jeunesse audacieuse, courageuse, décomplexée devant l’autorité politique et déterminée à dénoncer le mal tout en tâchant d’y apporter des solutions. En plus de l’érudition qui transparaît dans ses écrits, les chroniques de Béchir Ben Yahmed ont été, pour moi et pour bien des jeunes, des cours de géopolitique, d’histoire et de journalisme citoyen.J’ai énormément appris avec ses chroniques et, à travers ses productions intellectuelles, étayées par des recherches approfondies, j’ai compris les grands enjeux de développement en Afrique. Ses textes demeurent une source de savoir où il étale sa générosité intellectuelle avec la révélation de beaucoup de livres intéressants dont il tire certains exemples. J’ai lu beaucoup d’auteurs que j’ai connus dans ma lecture de ses chroniques. Les chroniques, plus importantes qu’on ne l’imagine, ont été, pour lui, malgré son âge avancé, un moyen de partager ses expériences de lecture, sa vision, ses connaissances, ses analyses, ses prédictions, sa vision de l’Afrique. D’où l’immensité de sa générosité intellectuelle et de son sens de la responsabilité.
BECHIR, L’ECRITURE, LA RIGUEUR ET MOI
Quand j’écris, le sentiment qui m’anime c’est d’écrire parfaitement ; y ajoutant quelquefois du style et de la saveur pour, en dépit de la longueur du texte, plaire au lecteur. C’est une sorte d’obsession de la perfection qui m’habite en griffonnant et en m’apprêtant à publier. Ce purisme que je prends de François de Malherbe et cette rigueur que je dois à mon environnement. La rigueur de la rédaction de Jeune Afrique m’a séduit. Avec Béchir, me disait un ami qui a fait Jeune Afrique, il faut les mots justes. Lire Béchir m’a appris la rigueur dans la rédaction, la préciosité dans le choix des mots, la pertinence dans l’argumentaire et l’efficacité dans la production. J’ai appris, à travers la rigueur de la rédaction web, à écrire vite et bien, mais Béchir m’a livré les secrets d’un article parfait. L’écriture parfaite, la recherche du style, le génie de la formule et de l’expression, le sujet éminent, l’audace dans la restitution des faits, le culot dans l’élaboration des idées, sont des éléments essentiels qui font écho dans les chroniques de Béchir. Lire ‘‘ Ce que je crois ’’,tard dans la nuit, réchauffe mon cœur ; tant ses écrits sont d’une dimension intellectuelle fascinante. Le sérieux de la rédaction Jeune Afrique est le reflet de l’image de son boss : rigoureux, engagé, bosseur, passionné, libre dans sa pensée. Pour lui, le sens de la liberté de pensée réside dans l’acte d’écriture. En reprenant Joseph Pulitzer, Béchir écrit ce qui suit : « Écrire, c’est le prix à payer pour penser. Cela vous densifie, vous force au concept, exclut le bavardage. Chaque ligne est gravée, donc grave. Il n’est pas d’autre chemin de croix pour permettre d’aller au bout de soi-même. Ecrire, c’est penser, tandis que lire, c’est laisser les autres penser pour soi ». Béchir poursuit en y ajoutant: « tout homme libre devrait donc s’imposer l’exercice hebdomadaire de quelques feuillets. La liberté de pensée est à ce prix. Seule l’écriture sait prendre les mots au pied de la lettre, c’est-à-dire au sérieux. »
BECHIR, LE POUVOIR, LA LIBERTE ET L’HUMILITE
1954, secrétaire d’Habib Bourguiba, qui était assigné à résidence à l’époque à Paris, Béchir Ben Yahmed fut nommé ministre par ce dernier à l’âge de 27 ans. Puisque, dit-il dans la préface de son livre (tome 1 de Ce que je crois), « il était le seul directeur de journal du pays ou presque ». Il avait donc choisi les deux fonctions : directeur d’un journal indépendant et membre du gouvernement. Le clash, explique-t-il dans le livre, « né de la contradiction entre les deux fonctions arrivera près de deux ans plus tard et je choisirai alors le journalisme ». Démissionner de son poste de ministre ronflant (et bien payé en Afrique) avec tous les privilèges pour se lancer dans une aventure incertaine, il faut être un homme de conviction pour le faire. D’autant que nous voyons certaines autorités politiques faire des bassesses pour avoir des postes politiques et prêts à tuer pour les conserver. Béchir est revenu sur son bref passage au pouvoir et « ses effets sur les hommes les plus solides ».
Le journaliste de conviction qu’il était, engagé pour son pays, a préféré rester sur sa ligne de conduite, en gardant sa liberté de ton, d’analyse et de pensée que d’être dans un confort qui le maintient dans un conformisme béat et dans le politiquement correct. Il avait sans doute compris que le pouvoir, surtout politique, n’est pas une fin en soi. Cette conviction qui animait Béchir et qui a jalonné son parcours m’a permis de comprendre le vrai sens de la vie et de la liberté. La liberté de pensée n’a pas de prix chez un intellectuel. Quand on la perd pour des strapontins ou autres privilèges éphémères, on renonce, de facto, à sa condition d’homme et à sa responsabilité intellectuelle. Ce qui m’a toujours frappé, en lisant Béchir, c’est son courage intellectuel que je prends de lui. C’est le fait de ne pas souffrir d’un complexe de l’autorité politique. Ce qui lui permettait de remuer le couteau, quelquefois, dans la plaie pour alerter et attirer l’attention des autorités politiques sur certaines dérives. Son modèle d’engagement, son courage intellectuel et son audace dans l’écriture, qui lèvent le voile sur sa liberté de pensée, doivent inspirer la jeunesse africaine. L’histoire nous l’enseigne : aucun pays au monde ne s’est développé sans un engagement sincère et désintéressé de ses intellectuels, avec un patriotisme inouï, pour construire. Béchir Ben Yahmed est un homme qui n’est si prodigieusement intéressant que parce qu’il est totalement désintéressé. Il était un homme d’affaires certes, mais il demeure, pour l’histoire, un grand panafricain, qui a mis sa plume et sa pensée au service de l’Afrique. Son humilité intellectuelle, comme dans la vie, m’a inspiré. Béchir écrit plus qu’il ne parle ; je crois l’avoir très peu vu dans les médias. Il l’a noté, d’ailleurs, dans son livre : « mes collaborateurs qui insistent, dans l’intérêt de Jeune Afrique et de sa notoriété, pour que je réponde aux demandes d’interviews ou passe dans les télévisions et les radios, s’étonnent, voire se désolent de mes réticences à le faire. Je crois que l’origine de ce refus de l’auto-publicité est à rechercher dans cette période :très jeune, j’ai été frappé par l’inclinaison des hommes comme des femmes à beaucoup trop donner, y compris parfois la fierté et l’honneur, en échange d’un peu de publicité… Constater que tant de gens, par ailleurs estimables et qu’on juge normaux, s’adonnent à la drogue du paraître, m’a, je crois, prémuni. Jusqu’à ce jour, lorsqu’on me fait un compliment sur un article, une idée ou sur Jeune Afrique, ou bien lorsqu’on propose de publier ma photo, je sens quelque chose se hisser en moi et se lever des résistances ».