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25 juin 2025
L’UNESCO VEUT FAVORISER LA MISE EN PLACE D’UN RESEAU DE FACT–CHECKERS EN AFRIQUE DE L’OUEST
De manière générale, plusieurs médias en Afrique de l’Ouest ne disposent quasiment pas de journalistes spécialisés sur les questions scientifiques. Et la majorité des médias ne sont pas engagés dans l’exercice de fact-checking (Ndlr, vérification des fait
Etienne NDIAYE (Correspondant permanent à Mbour) |
Publication 24/03/2021
De manière générale, plusieurs médias en Afrique de l’Ouest ne disposent quasiment pas de journalistes spécialisés sur les questions scientifiques. Et la majorité des médias ne sont pas engagés dans l’exercice de fact-checking (Ndlr, vérification des faits). Conséquence, les éléments de désinformation et de mésinformation circulent avec des conséquences inestimables au sein des populations. Dans le même temps, les citoyens et les acteurs de la société ne disposent pas des compétences relatives à la maitrise des médias et de l’information pour se prémunir et faire face au déferlement de la désinformation. Face à ce phénomène, l’UNESCO, avec l’appui de l’Union Européenne, a développé et met en œuvre dans plusieurs pays le projet « CoronavirusFacts : Addressing the ‘Disinfodemic’on Covid -19 in conflict –prone environments ».
Ainsi pour renforcer la résilience des populations contre la désinformation sur la pandémie de Covid - 19 et contribuer à la réalisation de l’ODD 16 en favorisant l’accès de la population à l’information crédible et fiable sur la Covid -19, l’Unesco, avec ses partenaires dont l’Union Européenne, l’OMS, le Réseau International des Factcheckers (IFCN), l’ONG FAMEDEV et l’URAC/RIF, a organisé à Saly un atelier de deux jours à l’intention d’une trentaine de journalistes issus de sept (7) pays francophones de l’Afrique de l’Ouest.
La réunion de Saly vise d’une part à soutenir la mise en place d’un réseau régional de Factcheckers, et d’autre part, de procéder au lancement d’un manuel sur la couverture de l’information en période de pandémie. Plus spécifiquement, il s’agira de définir les mécanismes pour la constitution d’un réseau francophone de fact-checkers en Afrique de l’Ouest ; d’engager les médias dans l’adoption des mesures efficaces pour une meilleure résilience et un meilleur traitement de l’information en période d’épidémie ou de pandémie. Et enfin, renforcer les capacités des journalistes à débusquer la désinformation sur les vaccins et la vaccination contre le Covid -19. Venu présider l’ouverture de cet atelier, le directeur de la Communication au ministère de la Culture et de la Communication, a relevé l’ « urgence et la nécessité de recentrer » le traitement des questions d’utilité publique, estimant que le monopole de l’information et de la communication n’appartient plus aux médias traditionnels. « Aujourd’hui, la pandémie de Covid-19 nous a montré la nécessité et l’urgence pour les médias de recentrer le traitement de toutes les questions qui concernent nos populations », a dit M. Ousseynou Dieng.
Pour qui la multiplication des réseaux sociaux et des plateformes a fait en sorte que le monopole n’appartient plus aux médias traditionnels. « La question de la mésinformation, c’est-à-dire le fait de mal informer, et celle de la désinformation, qui est le fait d’informer autrement, préoccupent l’ensemble des organisations », a souligné M. Ousseynou Dieng. Que ce soit l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui est en première ligne dans le traitement de la pandémie, l’UNESCO qui se bat pour un monde juste, de paix et de stabilité à travers la maîtrise de l’information, mais aussi nos Etats qui ont déployé énormément d’efforts pour arriver à bout de cette pandémie, on se rend compte malheureusement que la question de l’information devient une préoccupation majeure », s’est désolé le directeur de la Communication.
Selon lui, il appartient aux acteurs des médias, journalistes et aux autres professionnels de l’information et de la communication, de prendre cette question au sérieux et de faire en sorte que les fondamentaux du journalisme soient strictement respectés. Selon Ousseynou Dieng, en effet, les réseaux sociaux offrent à la fois des avantages mais aussi beaucoup d’inconvénients. Le conseiller régional pour la communication et l’information au Bureau régional de l’UNESCO pour l’Afrique de l’Ouest, Michel Kenmoe, a salué pour sa part le travail accompli par les journalistes depuis le début de la pandémie pour faire en sorte que les populations puissent avoir accès à une information « crédible et fiable ». « C’est pour garantir l’accès des populations à une information crédible et fiable, qui est un droit fondamental, que cette formation a tout son sens. Lorsque le droit à l’information est garanti, il permet à chaque être humain de pouvoir prendre des décisions sur tous les aspects de sa vie », a-t-il souligné. « Cet atelier vient à son heure parce qu’avec la prolifération des médias sociaux, beaucoup d’organes qui diffusent des informations n’utilisent pas des journalistes professionnels. Lesquels peuvent vérifier les informations ou les rumeurs avant de faire la diffusion alors que les récepteurs donnent beaucoup de crédibilité a beaucoup d’informations qui, malheureusement, sont des outils à but décisionnels et peuvent emmener des personnes à prendre des décisions qui soient contradictoires avec la véritable information. C’est en cela que nous saluons l’initiative de l’Unesco et je pense qu’elle mettra à la disposition des professionnels des médias et des journalistes des ressources permettant de pouvoir vérifier toutes les rumeurs qui circulent autour de la pandémie du Covid 19 », a relevé Médoune Seck, directeur des projets de l’ONG FAMDEV.
Face à la prévalence de la désinformation et la mésinformation, ainsi que des risques que cellesci font peser sur la santé publique et le vivre ensemble, la directrice générale de l’UNESCO a souligné que le «rôle des journalistes dans l’information du public pendant la crise actuelle est absolument crucial». Fort de ce constat, le Bureau régional Afrique de l’Ouest/ Sahel de l’organisme onusien, et l’ONG FAMDEV, ont jugé utile d’organiser un séminaire régional au profit des journalistes pour mettre en place un réseau de Factcheckers en Afrique de l’Ouest.
Par Cheikh FALL
LA REVOLTE DE LA DEMOCRATIE SILENCIEUSE
Quand la demande de démocratie et de bonne gouvernance des populations dépasse l’offre des acteurs du système administratif, les exigences citoyennes ne peuvent être comprises par les autorités
Le Sénégal jadis de tradition démocratique, un pays stable, a pendant quelques jours vacillé dans des eaux troubles. Trois jours de tensions vives, de violences inouïes et de diplomatie politique intense. C’est surtout des journées symboliques d’explosion d’une longue sédimentation de frustration, de colère, d’amertume, de vide, d’injustice et de sentiment d’ignorance.
Une «révolution juvénile» spontanée et virulente, que seuls ceux qui sont capables d’une écoute active pourraient décrypter et en tirer des leçons. Une révolution d’une démocratie silencieuse portée par une jeunesse citoyenne ayant soif d’un Etat de droit et d’une justice équitable. Quand les aspirations démocratiques dépassent les propositions politiques, cela crée un vide dont se nourrissent les frustrations populaires.
Quand la demande de démocratie et de bonne gouvernance des populations dépasse l’offre des acteurs du système administratif, les exigences citoyennes ne peuvent être comprises par les autorités. Je définis la démocratie silencieuse comme étant l’expression publique d’une partie de la population, restée longtemps aphone et qui se positionne en force de contestation pour des exigences républicaines. C’est aussi quand les forces citoyennes qui composent la Nation dépassent de loin les acteurs politiques, par rapport aux exigences démocratiques. C’est une crise de la démocratie qui nécessite une refonte des réponses systémiques.
Une centaine d’intellectuels universitaires du Sénégal l’ont qualifiée par «l’incapacité de la normativité institutionnelle à essentialiser la démocratie, la remise en cause de la fondation unitaire de l’Etat par l’atomisation du pouvoir, la justice sélective, l’organisation judiciaire de la compétition politique, l’urgence de la conservation et de la patrimonialisation du pouvoir etc.». Ces éminences grises concluent en ce sens que cette «crise du droit se prolonge en une crise de société».
#FreeSenegal, Monsieur le Président avez-vous entendu ce cri du cœur de la jeunesse ?
Un discours d’annonce d’un réajustement de la politique de jeunesse ou de réallocation de fonds supplémentaires pour l’entrepreneuriat ne constitue pas la véritable réponse à cette situation. Comprendre cette crise, c’est l’aborder hors de la bulle institutionnelle et sans oeillères partisanes. Ceux qui sont sortis manifester ne sont pas tous des chômeurs ou des jeunes en quête de travail. Les internautes sénégalais qui ont porté #FreeSenegal ne sont pas tous des demandeurs d’emploi. Ceux qui ont jeté des pierres à l’Université ne sont pas que des politiques.
Parmi les jeunes qui sont sortis défier les Forces de l’ordre, il y a ceux que vous avez traité par le passé d’oisifs errants sur les réseaux sociaux ; ceux dont les frères et les sœurs ont péri en mer en voulant rejoindre l’Europe dans l’espoir d’une vie meilleure. Ce sont les mêmes jeunes qui n’ont cessé de vous interpeller sur les mesures d’urgence par rapport au phénomène de l’émigration clandestine et le fort prix en vies humaines qu’il coûte à la Nation. Toujours parmi ceux qui sont sortis manifester, il y a ceux-là qui ont demandé en vain la vérité sur l’affaire de l’enquête de la Bbc accusant Aliou Sall. Et qui ne cessent de réclamer leurs «400 000».
Les jeunes qui étaient dehors, c’est également ceux à qui vous aviez promis une gouvernance sobre et vertueuse. Ceux à qui vous avez vendu la théorie de «la Patrie avant le parti». C’est à cette jeunesse aussi que vous avez promis de ne faire que deux (2) mandats. C’est à cette même population que vous avez brandi la menace à propos des vaccins : «Si vous ne les prenez pas, je vais les offrir à d’autres pays africains qui en ont le plus besoin.» C’est cette jeunesse qui pense que Karim Wade est victime de votre pouvoir et que Khalifa Sall est otage du système judiciaire. Si vous avez omis toutes ces exigences et toutes ces revendications, vous avez certes entendu la rue, mais pas compris son cri du cœur. La demande de #FreeSenegal, c’est : Une écoute active et une communication responsable et permanente pour plus de transparence et de redevabilité Une loyauté républicaine et démocratique qui voudrait que la limite des deux mandats consécutifs soit respectée Défendre et protéger les principes du constitutionnalisme, de l’Etat de droit et du respect de la limitation des mandats Une justice indépendante et stable Encourager le consensus national en garantissant les libertés et droits humains.
La jeunesse au front : Les 3 mobiles
1- La chimère d’un Etat-nation
L’Etat-nation peut être compris comme un Etat dont les citoyens forment un Peuple se reconnaissant comme ressortissant essentiellement d’un pouvoir souverain émanant d’eux et les exprimant. Quand ce même Peuple se cherche et cherche ses autorités, il vit un sentiment d’abandon et de déception. Le fait majeur de la gouvernance du Président Macky Sall c’est la rareté de sa parole. Au-delà de cette rareté, ses discours sont souvent source de polémiques et de commentaires hostiles. Quand la jeunesse n’a pas l’impression qu’on lui parle ou que la population attend en vain la réaction de son leader sur des questions cruciales, cela crée un vide. Le dernier exemple en date est la sortie du Président Macky Sall à propos des vaccins : «Si vous ne prenez pas les vaccins, je vais les offrir à d’autres pays africains qui en ont le plus besoin.» Tenir un tel discours est inadmissible pendant qu’il fallait sensibiliser, encourager et inviter les populations à se vacciner. Il est arrivé aussi à plusieurs reprises que des citoyens se lèvent pour demander une sortie du chef de l’Etat. Cela a été le cas lors de la disparition en mer de plus de 480 jeunes sénégalais. Le long silence du Président avait poussé les internautes sénégalais à décréter d’eux-mêmes une journée de «deuil national».
2 - Sentiment d’absence de justice
Du dossier du fils de l’exPrésident de la République Karim Wade à l’affaire du maire de Dakar Khalifa Sall, les Sénégalais ont été témoins de plusieurs autres dossiers de justice qui ont fait couler beaucoup d’encre. La perception d’une justice équitable est tellement importante que quand ceux qui la symbolisent ne sont pas perçus comme impartiaux, ils lui font perdre sa crédibilité. Quand elle donne l’impression d’être instrumentalisée, elle devient contestée. Cela constitue les germes d’un sentiment d’inégalité et d’injustice. Quand la perception fait penser que la justice ne s’applique que pour une partie de la population, cela installe un climat d’absence de justice. Rappelons que le frère du Président de la République a été directement indexé par une enquête de la Bbc à propos d’un scandale à 10 milliards de dollars. Il n’a toujours pas été inquiété par la justice sénégalaise. Il en est de même pour certains membres de l’administration épinglés par les rapports de l’Inspection Générale d’Etat (Ige).
3 - Une jeunesse connectée à l’école de la démocratie participative
C’est dans un environnement marqué par l’élargissement des espaces d’interconnexion à travers ce qu‘on peut appeler un village planétaire que les Sénégalais ont porté l’expression d’une indignation collective en ligne. Les combats citoyens portés par des Algériens sont aussi portés par des Béninois ou des Sénégalais. La panafricanisation des exigences politiques, démocratiques et citoyennes est aujourd’hui une réalité. Le soutien massif des Africains et même des Antilles en est une preuve. Cela témoigne encore une fois de l’état de déliquescence des démocraties au niveau du continent.
Portés par des dynamiques d’intelligence collective, les révolutions citoyennes constituent des amplificateurs des révolutions. Qu’elles aboutissent ou pas, elles contribuent à redistribuer les cartes afin de rappeler les principes fondamentaux de la démocratie. «Le pouvoir du Peuple, par le Peuple et pour le Peuple.» Quand ce Peuple est connecté et organise la circulation de l’information à travers le cyberespace, il devient une force de pression, de contestation, de plaidoyer in extenso, une force de contribution et de participation. Il a fallu moins d’une semaine à #FreeSénégal pour réunir plus de 10 millions de francs Cfa pour les familles des victimes et les blessés. Un simple appel à mobilisation a permis en 72H au centre de transfusion sanguine de collecter plus de 300 poches de sang. «Ils ont essayé de nous enterrer mais ils ne savaient pas que nous étions des graines» proverbe mexicain Il y a 10 ans, le 19 mars 2011, je parlais de cette jeunesse qui a su manifester pacifiquement à la Place de la Nation et qui a pris le soin de nettoyer les lieux après le rassemblement.
Cette jeunesse mature et responsable a fait face à Abdoulaye Wade et n’a jamais fait usage de violence ou de pillage. Elle s’est toujours manifestée pacifiquement en respect aux institutions de la République. Le mouvement Y’en à marre, cette jeunesse est plus qu’un exemple en Afrique, elle est devenue une inspiration pour bon nombre de pays. Entre 2011 et 2012, elle s’est dressée au premier plan sur le front contre les velléités du Président Abdoulaye Wade d’imposer la dévolution monarchique du pouvoir. Dix ans après, j’ai l’impression de vivre la même situation aujourd’hui avec un Président qui a attendu que plusieurs jeunes se fassent tuer pour prendre la parole. Un ministre de l’Intérieur prend la parole sans même exprimer une once de compassion aux victimes et les taxer de terroristes. La jeunesse sénégalaise est de loin en avance sur les acteurs politiques. C’est une jeunesse mature, responsable, républicaine et très patriote. Elle a su démontrer sa maturité depuis plusieurs années et c’est cette maturité qui a conduit Macky Sall au pouvoir. Cette grande mobilisation de ces derniers jours, dépasse la personne de l’opposant politique Ousmane Sonko. C’est l’expression d’une longue sédimentation de frustrations, d’injustice et de perception d’une démocratie bafouée. Ce qui est attendu des autorités, c’est une ECOUTE active et attentive et des actions concrètes.
SERIGNE MOUNTAKHA MBACKE DEMANDE AUX DEUX CAMPS D’ENTERRER LA HACHE DE GUERRE
«Serigne Mountakha va parler avec Macky Sall. S’il est favorable, on le dira. Si ce n’est pas le cas, on avisera aussi»
Les 10 points de revendication du Front de résistance nationale seront portés sur la table de Macky Sall par Serigne Mountakha Mbacké. L’annonce a été faite par l’émissaire du khalife des Mourides qui a rencontré les responsables de l’opposition hier. Serigne Bassirou Mbacké Porokhane annonce que le khalife va mener la médiation.
Dans les couloirs des Résidences Mamoune, les tractations en coulisse se font entre camarades de parti, alliés ou coalitions. Saliou Sarr et Khalifa Sall d’un côté, les deux frères «Bara Dolly», Mayoro Faye et Madické Niang de l’autre. Ousmane Sonko s’est même retrouvé autour d’une table avec ses ex-alliés de la coalition Jotna. Au même moment, Maïmouna Bousso guette devant le portail de l’hôtel la silhouette de Serigne Bassirou Mbacké Porokhane, émissaire du khalife général des Mourides. Le Front de résistance nationale, qui a reçu hier l’envoyé de Serigne Mountakha Mbacké, ne voulait pas rater une si belle occasion de mettre la pression sur Macky Sall en soumettant à Touba sa plateforme revendicative. L’émissaire du khalife général des Mourides, qui a remis les 50 millions de F Cfa de soutien aux victimes des violences, dit avoir pris bonne note des 10 points de revendication lus par Abdoul Mbaye.
«L’Etat a l’obligation d’organiser des élections transparentes»
Il s’agit de la suppression du parrainage, du respect du calendrier électoral, d’une amnistie pour Khalifa Sall et Karim Wade, la libération des «détenus politiques», de la levée des restrictions, d’une enquête pour situer les responsabilités dans les récentes manifestations, l’arrêt de la chasse aux opposants, une déclaration publique de Macky Sall de ne pas faire un 3ème mandat… «Il faut deux personnes pour se battre. Je demande à tous les deux camps d’enterrer la hache de guerre», a d’emblée souhaité l’hôte de l’opposition. Sans le citer, il interpelle le président de la République pour la paix dans le champ politique. «Chacun a le droit de défendre sa vision. Les électeurs sont là pour élire. Si les élections sont organisées, les candidats iront recueillir les suffrages des électeurs. Que chacun vote pour qui il veut ! On n’accède pas au pouvoir par des armes ou des pierres», a déclaré l’envoyé du khalife général des Mourides. Selon lui, «l’Etat a l’obligation d’organiser des élections libres et transparentes, et que le meilleur gagne».
«J’ai bon espoir que le Président va écouter le khalife»
Au Président Macky Sall, Serigne Bassirou Mbacké rappelle la difficulté de diriger un pays. «Quand on est à la tête d’un pays, on doit pardonner. J’ai bon espoir que le président de la République va écouter le khalife des Mourides dans cette médiation pour un retour définitif de la paix au Sénégal et dans le champ politique en particulier», espère-t-il. Pour le religieux, ce qui s’est passé au Sénégal allait dégénérer si c’était dans d’autres pays. «Serigne Mountakha va parler avec Macky Sall. S’il est favorable, on le dira. Si ce n’est pas le cas, on avisera aussi», souligne-t-il aux côtés de Mamadou Diop Decroix, Moctar Sourang, Aïda Mbodj, entre autres personnalités de l’opposition.
LE DROIT DANS SES BOTTES
A 71 ans, Babacar Kanté succède au défunt Mamadou Niang à la présidence de la Commission politique du dialogue national. Il prend la place d’un ami avec qui il a cheminé dans l’histoire politique et électorale du Sénégal
A 71 ans, Pr Babacar Kanté succède au défunt Général Mamadou Niang à la présidence de la Commission politique du dialogue national. Il prend la place d’un ami avec qui il a cheminé dans l’histoire politique et électorale du Sénégal. Parcours d’un homme de Droit.
Pr Babacar Kanté a pris le volant après le décès du Général Mamadou Niang qui a conduit le dialogue politique comme une voiture, parfois en panne. Mais le défunt a quand même su réparer certaines pièces pour avancer.
Le président de la République a donc jeté son dévolu sur une personne-ressource en ce qu’elle connaît, presque comme personne d’autre, la politique et le processus électoral. De 1998 à 1999, il a été membre de l’Observatoire national des élections du Sénégal (Onel), «composé de neuf personnalités indépendantes reconnues pour leur intégrité». «Intègre», c’est d’ailleurs le mot qui revient dans certains témoignages de ses anciens étudiants, anciens collègues universitaires.
Mais auparavant, de 1997 à 1998, il a été membre de la Commission cellulaire de concertation des partis politiques du Sénégal. Voilà un des profils que la Commission cellulaire version 2019 cherchait. Qui donc mieux que lui remplit les conditions de succession au défunt président de la Commission politique du dialogue national ?
En fin mai 2019, lorsque Macky Sall misait sur le quarté (Niang, Kanté, Sall et Ndiaye) pour gérer les concertations politiques, il ne s’était pas trompé de «chevaux». Pour ce pari, les pronostics étaient favorables. Pourraitil d’ailleurs avoir mieux qu’un ancien organisateur des élections, deux universitaires (Babacar Kanté et Aliou Sall) qui connaissent le processus électoral et un expert électoral en l’occurrence Mazide Ndiaye ?
Préfacier du livre du Gl Niang
Entre Pr Babacar Kanté et son prédécesseur, c’était une complicité telle qu’ils ont cheminé dans l’Onel. Et ce sont ces atomes crochus qui ont été à la base du choix que le Général Niang avait porté sur l’universitaire pour préfacer son livre, Mémoires synchrones du fleuve de mon destin, paru à l’Harmattan Sénégal en 2012. La suite de leurs retrouvailles au sein de la Commission du dialogue politique. Et ce n’est point un hasard que l’un succède à l’autre.
En dépit de son rang de Professeur de droit public, le natif de Diourbel (26 juin 1950 à Diourbel) a, par son humilité, le sang Baol-Baol. Ce «vieux» est une «bibliothèque» au sens Hampâté Ba du terme, c’est-à-dire par le savoir et la sagesse et non l’âge. Il a mérité l’hommage de ses collègues et anciens étudiants dans Mélanges en l’honneur de Babacar Kanté, ouvrage dirigé par les titulaires des universités Ismaïla Madior Fall et Alioune Sall, et édité par L’Harmattan Sénégal. Cheveux blancs d’un homme blanchi sous le harnais des amphis et des grandes universités du monde. Combien sont-ils, les journalistes qui ont assisté aux séminaires du Conseil constitutionnel à Mbodiène et Saly, à être séduits par cet artiste du verbe ? Il est magistral comme ses cours. La Constitution est comme une langue chez Babacar Kanté. Il la manie aisément. Savamment. Des jurisprudences et des exemples à l’appui puisés de son tour du monde en… plus de 40 ans de carrière. C’était un homme idéal pour en faire le vice-président du Conseil constitutionnel du Sénégal de 2002 à 2008.
Le jour où il a refusé sa nomination à l’Ufr Sciences juridiques de l’Ugb
En 1971, Babacar Kanté décroche son Baccalauréat, série A4, équivalent des séries littéraires aujourd’hui, notamment, L2 avec la Mention Assez bien. Le voilà qui est outillé pour se lancer dans des études en droit. En 1985, il est agrégé de droit public et de sciences politiques. Mais dès 1977 et ce jusqu’en 1983, il est Assistant de droit public aux Universités de Dakar et d’Orléans, en France. Alors que l’Université Cheikh Anta Diop étouffait d’étudiants et manquait d’infrastructures académiques, le gouvernement socialiste décide d’ouvrir une nouvelle université à Saint-Louis en 1990. Gaston Berger est né, mais doit faire de nouvelles orientations. Pr Kanté est choisi comme directeur de l’Ufr de Sciences juridiques et politiques (doyen de la Faculté de droit). Il lui revient de procéder au «recrutement des personnels enseignant et administratif, à l’élaboration du programme d’enseignement et des textes régissant l’organisation et le fonctionnement de la nouvelle Faculté, à la validation des premiers diplômes par le Cames». Il le sera de 1990 à 2000.
Mais dans un entretien publié sur la page Facebook «Meilleure école du Sénégal», en février 2020, le Doyen honoraire de la filière juridique de Gaston Berger explique : «C’est avec une très grande surprise que j’ai appris, en même temps que tout le monde, à travers la presse, ma nomination en qualité de directeur de l’Ufr des Sciences juridiques de l’Université de Saint-Louis. Ma première réaction a été de refuser cette nomination qui est intervenue sans consultation, et à un moment où j’avais un autre projet de vie et professionnel. Mais avec l’insistance d’un certain nombre de personnalités, dont le doyen de la Faculté de droit de Dakar, le recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le ministre de l’Enseignement supérieur et du recteur Ahmadou Lamine Ndiaye, j’ai fini par accepter.» Partout et sur tout Pr Kanté, c’est aussi les séminaires de formation et conférences de haut niveau. Afrique, Europe, Etats-Unis…, il a livré ses connaissances partout. C’est cette générosité intellectuelle qui lui a valu les nombreux titres honorifiques comme le Chevalier dans l’Ordre national du mérite du Sénégal ou encore Chevalier dans l’Ordre des palmes académiques du Cames.
Dans les contributions mensuelles de Wathi, un think tank citoyen, en février 2017, cet homme très respecté dans le gotha des constitutionalistes estime que la Constitution doit être une «synthèse des valeurs qui constituent le socle de nos sociétés» et non, «comme on a l’habitude de le dire, la charte fondamentale qui régit l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs».
Babacar Kanté a le sens de l’adaptation et du progrès du droit. En mars 2020, Professeur de droit public, co-titulaire de la chaire Auf/Imera (Institut d’études avancées d’Aix-Marseille), il publie Droit et coronavirus.
Dans cette contribution, le juriste écrit : «La question fondamentale est de savoir si, et dans quelle mesure, le droit peut ou doit être conçu comme un élément de la stratégie de lutte contre le nouveau coronavirus et non comme un instrument de répression des citoyens à la faveur des circonstances exceptionnelles que constitue la crise sanitaire.» Mais aussi dans le débat sur les vaccins, il s’interroge sur «la place de la solidarité et de l’équité dans l’accès au médicament». Le droit est dans sa poche.
UNE FORTE HAUSSE DES CONTAMINATIONS
Les infections de Covid-19 sont remontées en flèche, 178 nouveaux cas étant annoncés mercredi, avec un taux de positivité de 9,34 %, contre 36 contaminations représentant 4,92 % du nombre de tests virologiques mentionnés dans le précédent bulletin
Dakar, 24 mars (APS) – Les infections de Covid-19 sont remontées en flèche, 178 nouveaux cas étant annoncés mercredi, avec un taux de positivité de 9,34 %, contre 36 contaminations représentant 4,92 % du nombre de tests virologiques mentionnés dans le précédent bulletin quotidien, a-t-on appris mercredi du ministère de la Santé et de l’Action sociale.
Les nouvelles infections proviennent de 1.906 tests virologiques, selon le bulletin publié par El Hadj Mamadou Ndiaye, le directeur de la prévention.
Elles sont constituées de 71 cas contacts déjà suivis par le corps médical et de 107 infections causées par la transmission communautaire, le mode de contaminations dont la source n’a pu être identifiée.
Le bulletin de ce mercredi annonce la guérison de 329 personnes. Il signale que 31 cas graves sont pris en charge dans les services de réanimation.
Selon le directeur de la prévention au ministère de la Santé et de l’Action sociale, trois décès liés à la pandémie de Covid-19 ont été recensés au cours des dernières vingt-quatre heures.
A ce jour, 38.134 cas de Covid-19 ont été dénombrés au Sénégal, et 35.508 patients ont recouvré la santé.
Mille vingt-trois personnes ont succombé à la maladie à coronavirus, et 1.602 autres sont encore sous traitement.
Selon le bulletin publié par El Hadj Mamadou Ndiaye, 10.810 personnes se sont fait vacciner contre le Covid-19 durant la journée de mardi. Au total, 180.463 personnes ont été vaccinées au Sénégal, a-t-il précisé.
LA COMMISSION POLITIQUE SE REUNIT AUJOURD’HUI
Les membres de la Commission politique du dialogue national sont convoqués aujourd’hui. L’objet de la rencontre porte sur les modalités de démarrage de l’évaluation du processus électoral.
Les membres de la Commission politique du dialogue national sont convoqués aujourd’hui. L’objet de la rencontre porte sur les modalités de démarrage de l’évaluation du processus électoral.
Le journal Les Echos a annoncé hier la prolongation du Comité de pilotage du dialogue national présidé par Famara Ibrahima Sagna pour deux mois. C’est d’ailleurs aujourd’hui que les membres de la Commission politique vont se réunir pour discuter des modalités de démarrage de l’évaluation du processus électoral. Son financement doit être assuré par l’Etat du Sénégal, l’audit du fichier financé par l’Usaid, quant à lui, est en cours depuis le 17 février dernier. Le Professeur Babacar Kanté aura la délicate tâche de consolider la confiance entre les différents acteurs, surtout dans un contexte où l’affaire Sonko et ses développements divisent la majorité et l’opposition. En effet, la Commission politique du dialogue national a repris ses travaux depuis août à la suite d’une pause imposée par la situation liée à la pandémie à Covid-19.
Joint par téléphone hier, Déthié Faye, plénipotentiaire du pôle des non-alignés, a rappelé que sur les 27 points sur la table, 25 ont fait l’objet de consensus. Les questions liées au statut de l’opposition, au cumul de statut de chef de l’Etat et de chef de parti restent les points de désaccord entre les parties prenantes au dialogue politique.
Le président de la République, Macky Sall, s’était engagé à ce que tous les points de consensus soient appliqués. Par contre, s’agissant du dialogue national, depuis le 23 mars dernier, une suspension des travaux d’autres commissions a été constatée. «Il y a beaucoup de questions qui sont posées. On ne connaît pas les raisons profondes de la non reprise des travaux de ces commissions. Non seulement le gouvernement ne donne aucune explication, mais le président du Comité de pilotage aussi n’a pas réagi, n’a pas éclairé l’opinion. Ce qui fait donc qu’à ce niveau, c’est une situation qui est regrettable puisque nous pensions que ces commissions-là avaient des points importants à débattre et qui présentent un intérêt majeur pour le devenir de notre pays. Il n’y a pas donc de raison d’arrêter ces discussions-là», a déclaré Déthié Faye.
Par Yoro DIA
ADJI SARR, LA DOUBLE PEINE
La notion de complot politique lancée par Sonko dès le début de l’affaire a produit les mêmes effets que celle de «propagande ennemie» en devenant un mur entre les Sénégalais et la raison ou le simple bon sens
Le Dr Joseph Goebbels, ministre de l’Education, du peuple et de la propagande de l’Allemagne nazie (1933- 1945), avait un immense talent. Dr Goebbels avait convaincu les Allemands que tout ce qui n’était pas pro Hitler, et surtout quand ça venait de l’étranger, était «propagande ennemie».
Cette notion de propagande ennemie était devenue un réflexe mental chez les Allemands, et avait fini par être un mur entre les Allemands et la raison ou le bon sens, parce que la Grande Allemagne, le pays de la pensée, secrétait par réflexe des «mécanismes du soupçon» pour tout ce qui ne venait pas des officines du Dr Goebbels.
Au Sénégal, toute chose étant égale par ailleurs, la notion de complot politique lancée par Sonko dès le début de l’affaire Adji Sarr a produit les mêmes effets que celle de «propagande ennemie» en devenant un mur entre les Sénégalais et la raison ou le simple bon sens. C’est de bonne guerre parce qu’étant redoutablement efficace. Par réflexe, l’idée du complot a développé des mécanismes du soupçon contre toute parole et même contre le bon sens ou l’empathie.
Si la notion de complot politique n’était pas devenue un rempart contre la raison et le bon sens, on comprendrait vite que Adji Sarr, la petite Niominka, n’est pas une nouvelle Mata Hari et encore moins Judith de Bethulie de l’ancien testament décapitant le Général Holopherne, scène immortalisée par le Caravage à la Galerie d’art ancien de Rome. Judith, après avoir séduit et enivré le Général assyrien, le décapita pour sauver son Peuple de l’offensive que se préparait à lancer ce bourreau.
La petite Sérère Niominka que j’ai vue à l’écran n’a pas le sens de l’intrigue d’une Mata Hari ou le cran de Judith. Cette jeune fille est doublement victime et le rempart contre le bon sens que renferme la théorie du complot politique nous empêche de le voir. Elle est victime physiquement, moralement, pour avoir été condamnée avant d’être entendue, avec une présomption de culpabilité et surtout socialement (c’est dur à l’âge de l’insouciance de devoir trimer pour survivre).
Vingt ans, c’est le bel âge, l’âge de l’insouciance, de la Fac, des grands rêves, pas un âge pour être l’agnelle de sacrifice d’un pays en transes. Je ne pense pas que Adji Sarr, qui n’est ni Mata Hari, encore moins Judith, puisse pousser la logique du complot jusqu’à attraper une grossesse. Celle qui appelle naïvement Sonko à venir jurer sur le Coran ne peut pas être aussi cynique ou machiavélique. Nous assistons à l’éternel combat entre David et Goliath.
Si Adji Sarr est dans cette situation, c’est en grande partie parce qu’elle est la fille de personne ; d’où cette succession d’abus de faiblesse sur le plan professionnel, sur le plan social. On est en train de transformer une pauvre petite victime en coupable de tous les péchés d’Israël. Comme dit le proverbe africain, «quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en souffre».
La petite Niominka qui est l’herbe dans cette bataille d’éléphants est forcément une victime, quel que soit le schéma. Les féministes du pays de la Téranga et de la parité avaient une grande cause, mais ont déserté à cause de la terreur intellectuelle ou du caractère infranchissable du mur de la notion du complot politique qui nous déconnecte du bon sens et des grands principes.
Même si Adji Sarr a fait tomber un pan du mur de la notion du complot politique qui nous séparait de la raison, du bon sens, de l’empathie et même de la pitié, il est peu probable que nos féministes s’y engouffrent.
A l’ère et l’heure de Me Too, nos féministes ont manqué d’audace. Ça aussi, c’est une exception sénégalaise
SONKO OUT, KHALIFA EN BERNE, KARIM SERA-T-IL LE MESSIE ?
Face à Macky Sall, il n’y a plus grand-chose. C’est comme s’il avait réussi son pari de réduire l’opposition à sa plus simple expression comme il l’avait promis
Face à Macky Sall, il n’y a plus grand-chose. C’est comme s’il avait réussi son pari de réduire l’opposition à sa plus simple expression comme il l’avait promis. Quoiqu’il ait usé de moyens et méthodes peu orthodoxes pour réussir son pari, il est quand même parvenu à maîtriser le jeu politique qu’il manipule à sa guise. Le dialogue politique auquel il appelle ?
Cela apparaît comme un leurre, une sorte de miroir aux alouettes pour attirer les opposants fauchés et en mal de célébrité ou… d’électeurs. Macky Sall n’est opposé aujourd’hui qu’à Abdoul Mbaye, Bougane Guèye Dany, Bruno d’Erneville et d’autres menus fretins comme ces derniers qui, s’ils se présentent à une quelconque élection, auront des résultats identiques à ceux qu’avait obtenus un certain professeur Ibrahima Fall lorsqu’il s’est essayé à la politique. Autant dire des miettes. Alors s’il se présente à une troisième élection que le Conseil constitutionnel validera à tous les coups le cas échéant, qui pourra l’empêcher d’en sortir victorieux haut la main ? Sans doute Karim Wade. A condition qu’il bénéficie d’une loi d’amnistie qui pourra lui permettre de faire partie de la compétition.
Abdoulaye Wade ayant pris les airs pour le Golfe, Dubaï ou Qatar selon des sources diverses, il se susurre qu’il n’a voyagé que pour aller chercher Karim Wade et le ramener au pays. Car ces mêmes sources laissent entendre que l’ancien et l’actuel président de la République sont en contact et posent des actes pour 2024. Lesquels ? Un potentiel retour de Karim au pays et toutes les charges retenues contre lui effacées ? Ou un forcing du père Wade qui reviendra au pays avec son fils adoré dans son avion pour réitérer le coup de son premier retour de Paris après sa perte du pouvoir ? On se rappelle que le retour du Président Wade à cette occasion avait fait sortir dans les rues une foule monstre qui l’avait accompagné pratiquement de l’Aéroport international Blaise Diagne jusqu’à Dakar, au domicile de maître Madické Niang, de qui il ne s’était pas encore séparé.
Khalifa Sall ne fait plus que des apparitions sporadiques et Ousmane Sonko pourra difficilement tenir d’ici 2024 sans faire de faux pas. La nature ayant horreur du vide, de même que la politique, le retour de Karim Wade s’impose d’autant plus qu’il n’a quitté ce pays que contraint et forcé. Mais le père Wade, connu pour être un négociateur hors-pair, pourrait bien le faire revenir pour revigorer le PDS et affronter Macky Sall à la prochaine présidentielle. Si la justice le reconnaît innocent et qu’aucune charge ne pèse plus sur lui, il serait le favori ou, à tout le moins, celui qui conduira le candidat de Macky Sall à un deuxième tour. Le favori de 2024, c’est donc Karim ou Ousmane Sonko si l’un recouvre la plénitude de ses droits et que l’autre échappe des griffes acérées d’Adji Sarr. Et ce n’est pas une simple vue de l’esprit.
LE TEMPS N’EST PLUS UN ALIBI POUR L'ORGANISATION DES LOCALES
Considérées comme un véritable baromètre, les élections locales permettent souvent d’avoir une idée sur le leader et le camp politique qui prendront les rênes du pays à la présidentielle en 2024
Jamais des élections locales n’ont été autant repoussées dans le pays. Après deux reports, elles devraient se tenir normalement le 28 mars prochain. Mais les lenteurs notées dans l’audit du fichier et l’évaluation du processus électoral ont rendu impossible cette éventualité. Un troisième report est inévitable. Toutefois, le temps n’est plus alibi. Et l’organisation du scrutin pour 2021 devient une question de volonté gouvernementale.
Prévues initialement en juin 2019, les «Locales» ont battu le record en termes de reports. Et à ce jour, aucun acteur politique ou autre observateur ne peut dire avec certitude si le scrutin se déroulera cette année ou non. D’aucuns parlent même d’une possibilité de coupler les élections municipales et départementales avec les Législatives en 2022. Or, rien n’empêche au gouvernement de lever aujourd’hui ces suspicions et de se prononcer clairement sur la date du scrutin. En effet, l’audit du fichier a été entamé depuis le mois de février et l’évaluation du processus électoral est imminente.
En effet, selon nos informations provenant de la commission politique du dialogue, vu l’évolution des travaux des auditeurs, toutes les estimations montrent que les élections peuvent se tenir en 2021. Parce qu’en réalité, une fois que l’audit et l’évaluation sont faits, les autres procédures pourront être accélérées. Il est évident que les élections ne pourront pas se tenir dans les trois prochains mois du fait de l’audit et de l’évaluation. Si on y ajoute les trois mois d’hivernage, toutes les projections montrent que les locales peuvent bel et bien être organisées entre octobre et décembre 2021.
Ainsi, le gouvernement est édifié sur la question et pourrait d’ores et déjà se prononcer ou tenir des engagements fermes sur la bonne date en tenant compte de l’intervalle précitée. Pour l’heure, l’audit qui a démarré le 17 février et qui devrait durer trois mois se déroule normalement. Il reste, cependant, l’évaluation du processus électoral. Et aujourd’hui, la commission politique devrait être informée des mesures prises pour que l’évaluation du processus démarre convenablement. C’est à la suite de cela que la commission politique pourra annoncer la date effective du démarrage de l’évaluation du processus électoral. Tout compte fait, l’espace politique sénégalais est aujourd’hui très bouillonnant. Tous les états-majors politiques sont en train de se préparer en perspective de cette échéance. D’ailleurs, les guerres de positionnement ont commencé aussi bien du côté du pouvoir que de l’opposition malgré la crise Covid-19 et les récentes troubles dans le pays. Il suffit que le gouvernement annonce la date des élections pour que les hostilités soient lancées. Surtout que ce scrutin a des enjeux énormes et déterminera le camp politique qui sera le plus à même de prendre le pouvoir et de gouverner le pays au cours des prochaines années.
Considérées comme un véritable baromètre, les élections locales permettent souvent d’avoir une idée sur le leader et le camp politique qui prendront les rênes du pays à la présidentielle en 2024.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
LES GRAVES MANQUEMENTS DU CNRA
EXCLUSIF SENEPLUS - Quand on est habitué pendant 16 ans à n’obéir qu’aux ordres dans le cadre de son métier dont le substrat est la liberté, on ne peut que souffrir de voir des journalistes jouir de la liberté au grand bonheur des citoyens
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 24/03/2021
« Toute personne a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen que ce soit ».Déclaration universelle des Droits de l'Homme / article 19
La violence qui s’est abattue dans notre pays du 3 au 8 mars derniers n’a pas épargné le secteur de la presse. Au tout début des événements, les médias mainstream tout comme la presse en ligne couvraient les émeutes consécutives à l’arrestation du député Ousmane Sonko. Il a fallu que le CNRA, cette instance de dérégulation dirigée par un potentat, lance un oukase aux télévisions diffuseuses des échauffourées entre l’association des forces de l’ordre et tonton Mackyttes (nervis de Sa Majesté) pour que certaines chaînes cessassent toute retransmission en direct de cette violence mortifère. Cette décision unilatérale est arbitraire et viole la sacralité de la liberté d’expression et de diffusion consacrées dans la Déclaration universelle du 10 décembre 1948 dont le Sénégal est signataire. Elle va aussi à l’antipode de la Constitution sénégalaise qui donne une place de choix à la liberté d’expression. Les deux chaînes de télé en l’occurrence WalFadjri et Sen Tv rétives et considérées comme rebelles ont subi le glaive de la censure de Babacar Diagne. Pourtant, certaines chaînes qui se sont conformées à la mesure arbitraire du président du CNRA n’ont pas eu la même attitude les 23 et 27 juin 2011, jours pendant lesquels toutes les images des échauffourées ont été retransmises en direct. Les blessures saignantes du rappeur Simon ostensiblement montrées au journal télévisé de la TFM surnagent dans nos mémoires.
Pendant trois jours, à travers la TNT, les téléspectateurs ont été sevrés des images de la révolte populaire. Mais les plateformes digitales de ces groupes de presse censurées ont explosé parce que des millions de téléspectateurs s’y étaient rabattus pour suivre l’actualité afférente aux événements violents qui ont suivi la mise aux arrêts du leader de Pastef. Même si le CNRA est un collège composé d’hommes et de femmes de principes et de valeurs choisis selon l’article 3 de la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006 portant sa création, la responsabilité exclusive de Babacar Diagne dans la censure des organes de Sidy Lamine Niass et de Bougane Guèye Danny est engagée parce qu’agissant seul sous les ordres de l’Exécutif. Une telle attitude censoriale, digne du Glavlit soviétique des années 1920, jure avec les principes qui fondent essentiellement une société démocratique et les combats politiques qui ont mené à l'instauration d'un régime républicain.
L’ancien Premier ministre québécois Philipe Couillard déclarait devant la montée de l’extrême droite qu’« avec la liberté d’expression vient la possibilité de dire des conneries et parfois même des horreurs et que c’est à la société de réagir, non pas en brimant la liberté d’expression, mais de condamner par la parole ces paroles inacceptables ».
Babacar Touré (paix à son âme), chevillé aux principes sacro-saints de la liberté d’expression, même en cas d’errements et d’abus, n’a jamais accepté de jouer le sale jeu auquel se prête l’actuel président de l’organe de censure. Babacar Diagne devrait consulter la page 77 du Rapport 2010 du CNRA pour appréhender réellement la nature de l’institution qu’il dirige. Il y est dit : qu’« il convient de préciser la régulation n’est pas la censure ; c’est une activité d’éducation, de sensibilisation, d’accompagnement au service de la liberté d’information et de la protection des droits fondamentaux. La mission du CNRA est de discipliner, de modérer, de maintenir l’équilibre afin d’assurer le déroulement harmonieux du processus complexe de la démocratisation de la société sénégalaise ». Mais dans la cour du zélé roitelet du CNRA, pas de modération, pas de sensibilisation devant les colères débridées de Sa Majesté. La seule règle pour punir sans aménités les exactions et les abus de la presse pécheresse qui refuse d’aller à la résipiscence, c’est le bâillonnement ou la censure.
Normal que le mot « sanction » revient itérativement dans le langage du président du CNRA qui a blanchi sous le harnais des médias de soumission. Mais quand on est habitué pendant 16 ans à n’obéir qu’à des ordres dans le cadre de son métier dont le substrat est la liberté, on ne peut que souffrir de voir des journalistes indépendants jouir de cette liberté au grand bonheur des citoyens.
Aujourd’hui, les méthodes du CNRA sont éculées et en net déphasage avec les exigences de la régulation moderne. C’est ce qui a permis au Coordination des associations de presse (CAP) de ruer dans les brancards, d’exiger la dissolution du CNRA et de mettre sur pied la Harca (Haute autorité de régulation de la communication audiovisuelle) qui cadre mieux avec le nouveau code de la presse.
C’est un truisme de dire que la liberté est un vain mot dans l’espace des médias d’État dont la trajectoire éditoriale est conceptualisée par le palais. Au lieu d’être des médias de service public, ils sont réduits en relais et simples outils de propagande du chef de l’État et de son parti. On ne régule pas le travail des médias en fonction de leur statut. Pourtant, jamais Babacar Diagne et ses collaborateurs n’ont notifié à la RTS la violation permanente de l’article 17 de la loi portant création du CNRA parlant de « l’accès équitable des partis politiques, des syndicats et des organisations reconnues de la société civile aux médias d’État ».
Depuis l’indépendance, les médias audiovisuels, inféodés au parti présidentiel et dirigés pour la plupart par des politiciens, peinent à s’affranchir de la tutelle de l’exécutif. Matar Sylla, qui a voulu sous le régime de Wade dépolitiser la RTS et se départir des injonctions du palais, en a fait amèrement les frais après l’avoir dirigée 17 mois.
Au moment où Walf et la Sen TV étaient plongées, à leur corps défendant, dans le noir de la censure, certains journalistes pontifes, tanguant dans un équilibrisme suspect et distillant des homélies moralisatrices, ont laborieusement ménagé la chèvre du CNRA et le chou des médias rétifs à toute subordination. D’autres, masquant mal leur délectation sous le maquignon d’une concurrence malsaine, ne se sont même pas indignés de cette régression démocratique. Mais qu’ils méditent la phrase historique d’Angela Davis, la figure charismatique du mouvement Noir américain : « S'ils viennent me prendre ce matin, ils viendront te prendre ce soir. »