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26 juin 2025
GAMBIE, UNE VINGTAINE D'INCULPATIONS APRÈS DES VIOLENCES CONTRE DES PÊCHEURS SÉNÉGALAIS
Le 15 mars, la localité de Sanyang, à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale Banjul, a été le théâtre de violences après le meurtre par un Sénégalais d'un Gambien qui l'avait surpris lors d'une tentative de cambriolage
Une vingtaine de personnes ont été inculpées mardi en Gambie, une semaine après des violences contre des pêcheurs sénégalais installés dans le pays, a annoncé la police gambienne. Le 15 mars, la localité de Sanyang, à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale Banjul, a été le théâtre de violences après le meurtre par un Sénégalais d'un Gambien qui l'avait surpris lors d'une tentative de cambriolage, selon les autorités. En représailles, les communautés locales ont mis le feu à un commissariat où le meurtrier présumé s'était réfugié, ont pillé une usine chinoise de farine de poisson employant des Sénégalais et détruit une douzaine de pirogues et plusieurs véhicules, a indiqué mardi la police gambienne dans un communiqué.
Cinquante personnes ont été interpellées, dont 22 ont été inculpées notamment d'incendie criminel, de destruction de biens ou encore d'association de malfaiteurs.Quelque 250 personnes, principalement des Sénégalais, ont été emmenées dans une localité voisine pour éviter de subir d'autres violences, selon la même source.Ces familles "ont quitté leurs domiciles le 15 mars, nous comptons les y ramener vendredi", a déclaré dans le quotidien sénégalais L'Observateur l'ambassadeur du Sénégal, Bassirou Sène. "La tension est en train de baisser. Les familles sénégalaises et gambiennes ont toujours vécu en paix", a-t-il ajouté.
La Gambie, ancienne colonie britannique d'Afrique de l'Ouest, est enclavée dans le Sénégal, à l'exception d'une étroite façade atlantique prisée des touristes. Le départ en exil de l'ex-président gambien Yahya Jammeh le 21 janvier 2017 a été suivi d'un réchauffement des relations entre les deux pays, matérialisé deux ans plus tard, jour pour jour, par l'inauguration du "pont de la Sénégambie", attendu depuis des décennies.
MÉDIS ATTEND TOUJOURS LA PERFUSION DE L'ÉTAT
14 mois sans salaire, ni couverture médicale, les familles des travailleurs dans «la pauvreté, l’angoisse et la frustration»
Une urgence de la reprise des activités de Médis Sénégal a été signalée hier par les employés de la firme pharmaceutique, en conférence de presse, au siège de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (Cnts).
14 mois sans salaire, ni couverture médicale, les familles des travailleurs dans «la pauvreté, l’angoisse et la frustration» : C’est la situation décrite par les employés de la firme tunisienne, Médis Sénégal. Selon eux, tous les médicaments du portefeuille de Médis Sénégal, qui soulageaient la classe moyenne du Sénégal, sont actuellement en rupture sèche dans les pharmacies et les établissements de santé. Ils interpellent ainsi le ministre de la Santé et de l’action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, et le ministre des Finances, Abdoulaye Daouda Diallo, pour signer les deux protocoles d’accord entre Médis et l’Etat du Sénégal afin de permettre à la direction générale de relancer immédiatement les activités de l’entreprise. En effet, les employés et la direction générale ont déjà signé en début janvier 2021 un protocole d’accord qui définit les modalités de relance, mais dont les mesures d’accompagnement de l’Etat sont un pré-requis.
Hier en conférence de presse, les travailleurs de la boîte ont décrié les lenteurs alors que le chef de l’Etat avait pris la ferme volonté de relancer Médis Sénégal. Ils disent : «Depuis plusieurs mois, les deux conventions qui matérialisent les mesures d’accompagnement de l’Etat du Sénégal à Médis, préconisées par le chef de l’Etat, sont en attente de signature au niveau des ministères des Finances et de la Santé, bloquant ainsi la relance de l’entreprise. Cette attitude est incompréhensible et inconcevable par rapport à la volonté de souveraineté pharmaceutique, au Programme de relance de l’économie nationale (Pren) et à la sauvegarde des emplois.»
Ils rappellent aussi que le Président Macky Sall a pourtant fait des rappels de sa directive présidentielle pour la relance de Médis à plusieurs reprises en Conseil des ministres (15 juillet 2020, 27 janvier 2021 et 10 mars 2021). Et, ajoutent-ils, suite à l’apparition du Covid-19 au Sénégal qui a montré l’extrême nécessité d’une souveraineté pharmaceutique, le Président Macky Sall avait donné instruction au gouvernement, depuis le 21 avril 2020, de prendre toutes les mesures nécessaires pour le redémarrage en urgence des activités de production de Médis Sénégal. C’est ainsi que des négociations tripartites ont été immédiatement entamées entre les employés, la direction générale et l’Etat du Sénégal pour trouver dans les plus brefs délais une sortie de crise.
Lors de son arrivée au Sénégal, le groupe s’était engagé à améliorer les conditions des travailleurs ainsi qu’à développer le portefeuille des produits, d’après toujours les employés. Ces derniers regrettent qu’après moins de 3 années d’exploitation, le 15 janvier 2020, Médis Sénégal a arrêté toutes ses activités pour motif de pertes financières. «Les représentants du personnel avaient immédiatement saisi toutes les autorités compétentes (ministères et directions) pour dénoncer l’injustice subie ainsi que les risques de rupture de médicaments. Il est important de souligner que Médis Sénégal était jusqu’à ce jour la seule usine pharmaceutique sénégalaise disposant d’un procédé complet de fabrication et de conditionnement de comprimés, de sirops et d’injectables, couvrant plusieurs domaines thérapeutiques et avec des prix accessibles à la population sénégalaise», indiquent-ils.
par Hamidou Anne
AMADOU MAHTAR MBOW, PROFONDÉMENT MODERNE
Il n’a cessé d’être disponible au service de son pays par une œuvre de modernisation de la démocratie afin de rendre la République plus juste, plus sociale et plus égalitaire
Nous avons célébré, ce samedi 20 mars, le centenaire de Amadou Mahtar Mbow, figure majeure de notre pays dont il a accompagné le destin, de la deuxième Guerre mondiale à la deuxième alternance de 2012. Nous avons célébré le patriarche quand notre pays venait de traverser une des plus violentes crises de sa jeune histoire. Crise qui, par sa nature et ses divers intrants, laisse augurer des lendemains sombres pour le Sénégal.
Notre pacte républicain et notre démocratie ont vacillé, nous interpellant sur la nécessité de repenser notre pays en profondeur, par-delà les diverses chapelles. Nos institutions républicaines sont imparfaites, mais jusque-là elles sont le rempart contre l’anarchie sans lendemain créateur. Cette crise nous oblige à revisiter notre passé et le legs de nos pères fondateurs. Parmi eux, nous avons Amadou Mahtar Mbow, un trésor humain vivant, dont l’œuvre a été marquée par la sacralisation dont il a toujours fait sienne de la République et des institutions démocratiques.
En 2007, l’opposition groggy par une victoire «surprise» au premier tour de Abdoulaye Wade avait boycotté les Législatives et occupé la rue et les médias. Elle était absente des institutions, ce qui constituait un danger pour une démocratie comme la nôtre. Elle avait eu la lumineuse idée de proposer ce grand moment de refondation démocratique et de modernisation de nos institutions que furent les Assises nationales. Amadou Mahtar Mbow dirigea les travaux et permit de faire des propositions révolutionnaires afin de moderniser la démocratie sénégalaise et de la mettre en cohérence avec nos objectifs de progrès économique et social. Les Assises nationales ont été un formidable moment de bilan de cinquante ans de politiques publiques, mais aussi un temps de réflexion et de production de nouveaux savoirs en vue de rendre l’horizon moins sombre, moins incertain.
Amadou Mahtar Mbow est allé au-delà des chapelles, des rancœurs et des postures pour convier les différentes composantes de la Nation dans un même élan de réflexion afin de bâtir des communs et mener la bataille pour le progrès humain et social. Je me souviens encore des menaces de Abdoulaye Wade vis-à-vis de toute personne ou organisation qui répondrait à l’appel des «Assisards». Hélas, des années plus tard, les Assises ont été pour certains un prétexte, pour d’autres un marchepied ou un instrument cosmétique aux fins d’ambitions politiciennes en déphasage avec ce qui en a été l’essence.
En 2012, Amadou Mahtar Mbow ne s’est pas découragé. Il n’a pas ignoré l’appel pressant du pays quand, à nouveau, on eut besoin d’une figure pour réfléchir sur les institutions après la deuxième alternance. Ainsi naquit la Cnri, dont la mission était d’apporter une réponse aux querelles dans l’espace public, provoquées par la nature de nos institutions. L’œuvre de la Cnri a été révolutionnaire en vue du renforcement de l’ancrage démocratique du Sénégal. Hélas, ses conclusions ont été ignorées par le régime actuel malgré leur pertinence.
Parmi les jeunes sortis récemment dans la rue, certains ont crié justice, Etat de droit, libertés publiques, institutions républicaines. Leur demande en matière d’approfondissement démocratique sied à notre tradition historique que semble ignorer une bonne partie de la classe politique.
Je fais partie des citoyens déçus de voir les conclusions des Assises nationales remisées dans les oubliettes en dépit des engagements d’avant. Le Sénégal a raté le coche des Assises pour refermer le premier cycle procédural de sa démocratie, qui concerne les institutions afin d’inaugurer le deuxième, ayant trait au progrès économique et social. Voir les politiques afficher encore leurs désaccords sur la question du fichier électoral et le bulletin unique renvoie une image triste d’un si grand pays qu’est le Sénégal.
Amadou Mahtar Mbow n’a pas seulement joué un rôle d’avant-garde durant sa jeunesse. Il n’a cessé d’être disponible au service de son pays par une œuvre de modernisation de la démocratie afin de rendre la République plus juste, plus sociale et plus égalitaire. C’est en cela que l’homme est profondément moderne. C’est en cela qu’il doit être pour ceux qui gouvernent ou aspirent à gouverner une source sincère d’inspiration sur l’éthique républicaine.
C’est en cela que son œuvre doit inspirer les jeunes tentés par le déni et la désacralisation des institutions républicaines. Ces institutions qui font que notre pays a tenu en 1962, 1988 et 1993 et qu’il tient encore en 2021.
LA VACCINATION À L'ÉPREUVE DE LA CHAÎNE DU FROID
Avec la réception des premiers vaccins, le Sénégal doit faire face au défi de la conservation et de l’acheminement dans les régions. Comment les réfrigérateurs peuvent-ils fonctionner correctement dans des zones où l’électricité est absente ou instable ?
Le Monde Afrique |
Théa Ollivier |
Publication 23/03/2021
Puisant dans une petite glacière bleue, Khady Sarr extrait, une à une, les doses de vaccin Sinopharm qu’elle s’apprête à injecter à ses patients. Le geste est le même que pour les vaccins de routine. « Les glacières permettent de ne pas ouvrir trop souvent le réfrigérateur installé un peu plus loin et d’assurer le maintien de la chaîne du froid », précise l’infirmière du centre de santé Gaspard-Kamara de Dakar. Des équipements indispensables à la campagne de vaccination qui a débuté le 23 février au Sénégal sur fond de troubles sociaux.
Pour la mener à bien, Dakar a acheté 200 000 doses à la Chine et en a reçu 324 000 autres de la part d’AstraZeneca grâce au mécanisme de solidarité internationale Covax. Près d’un million de vaccins supplémentaires devrait arriver dans les prochains mois. Des produits qu’il faudra à tout prix préserver de la chaleur et de la congélation jusqu’à ce qu’ils puissent être transportés vers les différents services de vaccination dans les centres urbains et les zones les plus reculées du pays.
Responsable de l’acheminement et de la distribution des vaccins dans les quatorze régions du pays, la Pharmacie nationale d’approvisionnement (PNA) dispose de deux grands camions frigorifiques. « Ce sont des chambres froides roulantes qui permettent de garantir la chaîne du froid durant tout le trajet, explique Sokhna Gaye, la pharmacienne à la tête de la gestion des stocks. Nous faisons un suivi des températures, et des accumulateurs et glacières sont prévus en cas de panne. »
Afin de stocker les doses, le pays a également investi dans 1 117 réfrigérateurs homologués par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la conservation des vaccins contre le Covid-19 entre 2 et 8 degrés. Du matériel dont le coût est estimé à plus de 3 milliards de francs CFA (quelque 4,5 millions d’euros) et qu’il a fallu acheminer en amont vers les postes de santé et les dépôts locaux.
Comment ces machines peuvent-elles fonctionner correctement dans des régions où l’électricité est absente ou instable ? Ousseynou Badiane, coordonnateur du programme de vaccinations du Sénégal se veut rassurant. « En plus du matériel acheté récemment, nous avons environ 400 réfrigérateurs solaires répartis dans les localités où il y a moins de huit heures d’électricité par jour », affirme-t-il.
Coin paradisiaque niché entre l’océan Atlantique et le fleuve Casamance, Diembéring se meut, aujourd’hui, dans la morosité. En cause, l’impact de la Covid-19 sur les activités touristiques
Coin paradisiaque niché entre l’océan Atlantique et le fleuve Casamance, Diembéring se meut, aujourd’hui, dans la morosité. La cause ? Évidemment l’impact de la Covid-19 sur le tourisme. Actuellement, les habitants s’en remettent à quelques activités de survie, comme le maraîchage et la pêche, en attendant des lendemains meilleurs.
Sur une distance de près d’un kilomètre des côtes de Diembéring, on aperçoit environ une dizaine de campements se dressant face à la mer. Ce jour-là, le grand bleu est très agité, avec des vents très forts et des vagues qui s’élèvent à plus de 10 mètres sous un soleil accablant. Sur la berge, notamment sous les campements dont certains sont situés sur les dunes de sable, c’est le grand calme. Sur le haut des collines de sable, on a une vue idéale sur l’océan et le village. Diembéring, « le beau village qui se mire au clair ruisseau et juché dans les feuillages parmi l’ombrage », comme l’a chanté Metzo Diatta, se dévoile dans toute sa splendeur.
Avec ses 1000 âmes composées essentiellement de Diolas autochtones et de pêcheurs nordistes qui y ont élu domicile depuis longtemps, cette commune casamançaise est un melting-pot ethnique. Les habitants vivent en parfaite harmonie depuis plusieurs décennies. Le rond-point, avec son grand fromager, est l’épicentre du village. C’est là que les taxi-clandos en provenance de Cap Skirring font demi-tour pour repartir sur Boucotte. L’endroit fait office de garage et de mini-marché aux airs de bazar : légumes, fruits et friperie s’y côtoient sur des étales à côté des boutiques. C’est le cœur du village.
« C’est ici que tout se passe ; je peux dire que la vie du village se résume à cette place », commente Joe Diatta, un jeune. Les jeunes du village s’y donnent rendez-vous pour échanger ou chercher un petit boulot journalier.
Mais, depuis plus d’un an, ces jeunes sont dans un désœuvrement total. Ils valsent entre oisiveté et précarité. Avec l’arrêt du tourisme, ils peinent à trouver de nouveaux créneaux faute de formation. Beaucoup n’ont même pas terminé le cycle secondaire. Le leitmotiv était d’arrêter tôt les études et venir chercher du travail dans les campements ou dans les hôtels. Aujourd’hui, c’est la galère. « Je cherche du travail depuis plus d’un an, mais difficile d’en trouver », déclare Léa Diatta, fraîchement bachelière. Certaines de ses amies sont devenues des domestiques au service d’Européens installés au Cap, Boucotte ou Kabrousse.
L’espoir d’une reprise du tourisme
Aujourd’hui, leur espoir est suspendu à la relance du tourisme. Dans cette perspective, René Diatta, un jeune d’une trentaine d’années, est en train de réhabiliter un campement à l’entrée du village. Ce campement est resté longtemps fermé. En l’absence de touristes étrangers, René cible les vacanciers locaux, leur proposant des prix allégés pour des séjours de courte durée. « Je veux en faire un espace pour enfants, en plus des chambres à coucher », dit-il. Avec une piscine, l’endroit a de quoi séduire les enfants, le temps d’un week-end.
Les travaux avancent bien. Pour les chambres, « c’est presque fini », dit-il. Trois chambres sur cinq sont déjà livrées.
Pascal Diédhiou, gérant d’un campement situé en face de la mer, est étendu sur un hamac. Il attend désespérément des visiteurs. « Nous vivons une période difficile », relate-t-il sur un ton sobre.
Certains s’inquiètent pour leur investissement. C’est le cas de Patrice Manga. « La situation est très compliquée pour nous qui avions beaucoup misé sur ce secteur. Imaginez, j’ai injecté beaucoup d’argent pour rendre plus attrayant mon site. Si la situation perdure, je ne sais pas ce que je deviendrais », lance-t-il d’une voix pleine de détresse.
Le maraîchage et la pêche, activités de survie
Pourtant avec son climat doux et sa terre fertile, Diembéring offre d’autres opportunités que le tourisme. Notamment le maraîchage. D’ailleurs, certains habitants du village s’adonnent à cœur joie à cette activité pour leur survie.
Quelques jardins appartenant au groupement d’intérêt économique de Diembéring et à quelques familles donnent au village un décor verdoyant. « C’est une activité qui rapporte pas mal », confie Raphael Diatta, un maraîcher, en dépit des difficultés qu’il rencontre pour l’écoulement de la production. La Fondation du Club Med est venue à la rescousse de ces maraîchers en achetant une partie de la production qu’elle a distribuée aux familles démunies surtout en cette période de pandémie où l’hôtel n’a pas ouvert ses portes. L’autre activité qui permet aux habitants de tenir, c’est la pêche artisanale. « C’est une activité qui, depuis longtemps, nous permet de subvenir à nos besoins et de vivre dignement », soutient Demba Ndiaye.
Hamidou Anne
LA REPUBLIQUE EN RAMPART CONTRE L'INSECURITE DEMOCRATIQUE
Les récents événements du Sénégal appellent à prendre conscience des menaces qui pèsent sur la stabilité de nos pays et sur la démocratie.-Par Hamidou Anne
Le Sénégal vient de traverser une épreuve difficile avec une série de manifestations violentes qui ont embrasé le pays et fait une dizaine de morts. Une partie de la jeunesse a exprimé son ras-le-bol sur la gouvernance du régime de Macky Sall. S'il est heureux que les citoyens puissent exprimer dans la rue leur colère, les actes de vandalisme tout comme les brutalités policières sont, eux, inacceptables dans une société civilisée.
Des jeunes qui ont soif de démocratie, mais aussi…
Parmi ce peuple sorti exprimer sa colère, il y a des jeunes qui ont soif de démocratie et de liberté. Le sentiment d'une oppression démocratique leur est insupportable. C'est avec cette jeunesse que la démocratie quitte les institutions pour réinvestir la rue et provoquer des avancées remarquables. Une frange des manifestants ne s'intéresse, quant à elle, ni à la politique ni à la respiration démocratique. Ces gens ont investi la rue au nom de leur droit à une vie décente face à un quotidien difficile exacerbé de surcroît par les effets néfastes du coronavirus sur l'économie mondiale.
… un nouveau courant extrémiste dans l'espace public
Il faut toutefois reconnaître que ces émeutes sont aussi celles d'un courant extrémiste qui émerge dans l'espace public. Ce courant apporte de mauvaises réponses à de vraies questions politiques et sociales. Nourri aux discours identitaires, aux mécanismes fascisants et aux théories complotistes qui pullulent sur Internet, il n'est qu'une forme de tropicalisation d'une tendance mondiale. Nous assistons à une internationale populiste qui constitue un danger pour nos démocraties libérales et s'impose aux républicains, aux progressistes et à toutes celles et ceux qui envisagent le monde dans la créolité de Glissant ou dans le métissage senghorien, un monde qui devrait non pas être celui du choc des civilisations de Huntington, mais celui d'une interpénétration des identités plurielles que suggère le romancier italien Claudio Magris.
Un populisme qui a des racines profondes
On aurait tort de s'en tenir à une reductio ad hitlerum du populisme autoritaire qui émerge au Sénégal, car ses racines sont profondes et méritent une attention particulière eu égard aux montées partout dans le monde du discours identitaire. Le populisme autoritaire monte grâce à deux intrants. D'abord, la colère issue des misères du peuple opprimé, si elle est institutionnalisée par des forces politiques réactionnaires, génère des régimes populistes comme c'est le cas, par exemple, au Brésil, en Hongrie ou, jusqu'à un passé récent, aux États-Unis. Ensuite, il faut reconnaître que ceux qui nous dirigent ne sont pas exemplaires. Les politiques publiques génèrent des inégalités et abandonnent les masses dans une misère sociale insoutenable pendant que la pratique politique et la proximité avec le pouvoir constituent un véhicule d'enrichissement rapide.
Promouvoir une justice au service de tous…
Les Sénégalais sont aussi sortis dans la rue pour réclamer justice. La perception la plus répandue de la justice dans notre pays est qu'elle est au service des puissants contre les faibles. Les affaires Karim Wade et Khalifa Sall ont forgé l'image d'une justice aux mains du pouvoir pour éliminer l'adversité politique. Il est indéniable qu'il y a un énorme problème au sein de la justice sénégalaise. Le juge Ibrahima Hamidou Dème a démissionné de la magistrature, car il ne la juge plus crédible. Le magistrat chargé de l'affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr, victime de menaces après que son nom a été jeté en pâture dans une stratégie visant à le discréditer, s'est dessaisi avec notamment comme motif l'appartenance ethnique de sa femme. Or, quand la justice s'affaisse, la démocratie est en danger.
… et éviter de la vilipender
Il est normal de critiquer le fonctionnement de la justice, mais il est inacceptable de la vilipender publiquement et de propager un discours discréditant nos institutions qui sont notre bien commun. En démocratie, en effet, lorsque le citoyen se sent lésé, saisir la justice reste sa seule alternative. La maison d'un avocat a été incendiée durant la crise. Or, même le pire criminel doit être défendu à plus forte raison Adji Sarr qui, dans cette affaire, a porté plainte pour viol. Même les nazis ont eu droit à une défense rigoureuse et acharnée lors du procès de Nuremberg.
NOS VIES EN AFRIQUE SERVENT D'ENGRAIS AU MONDE DES PILLARDS
L'écrivaine sénégalaise Fatou Diome présente son nouveau livre : "De quoi aimer vivre" dans lequel elle tâcle les dirigeants complices de la mal gouvernance sur le continent africain
L'écrivaine sénégalaise Fatou Diome présente son nouveau livre : "De quoi aimer vivre" dans lequel elle tâcle les dirigeants complices de la mal gouvernance sur le continent africain.
Par Mariam Selly KANE
IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RTS
Pourquoi alors les Sénégalais révoltés ne jugent la RTS qu’à travers la couverture de l’actualité politique ou politicienne ? La RTS ne fera pas le travail des acteurs politiques pour bouter certains dehors ou favoriser la venue d’autres
En ce début mars 2021, le Sénégal a vécu la pire semaine de son existence depuis plusieurs décennies. Les émeutes, qui ont émaillé les évènements de la convocation du leader de l’opposition Ousmane Sonko suite à l’affaire de viol présumé l’opposant à une jeune masseuse, ces émeutes ont montré ce que beaucoup d’observateurs avaient vu et avaient prédit depuis des mois mais surtout ce que les Sénégalais ont tout fait pour le cacher au monde c’est-à-dire la détresse du peuple et sa désorientation ! Cette déferlante mortelle a présenté une face hideuse de notre nation. Cette envie de destruction des manifestants n’avait d’égale que leur colère et leur désolation.
Depuis mars 2020, quand le gouvernement a décidé de placer le pays dans une situation d’état d’urgence sanitaire combiné à un confinement partiel et à un couvre-feu, la vie socioéconomique des Sénégalais a été complètement bouleversée. Malgré la création par l’Etat d’un fonds de résilience et ses multiples tentatives de pallier aux manques engendrés par le contexte du Covid 19, quand on sait que 70 % de l’économie repose sur le secteur informel, les Sénégalais n’ont fait qu’avaler des couleuvres tout en rongeant leur frein. Ainsi donc, il a suffi d’une étincelle pour que la soupape explose ! Dans cette expression de la colère populaire, certains en sont venus à vouloir attaquer et brûler tous les symboles de l’Etat coupable, pour eux, d’avoir créé leur souffrance et leur faim. L’Etat et ses alliés. Et parmi les symboles de l’Etat se retrouve en plein milieu la Radiodiffusion Télévision sénégalaise, la RTS ! La RTS, forte de 60 années de radio et de 45 ans de télévision, détentrice de la mémoire audiovisuelle de ce pays, a été ciblée par des manifestants qui, par la grâce de Dieu et à cause de la brigade de gendarmerie renforcée qui s’y situe, n’ont pas pu atteindre la maison et mettre le feu à ce symbole.
Ouf, on a eu chaud !
Cependant, les agents de la RTS font, depuis lors, l’objet de menaces, d’insultes et de quolibets dans tous les réseaux sociaux. Que nous vaut cette animosité ? La RTS semble-t-il n’est pas assez du côté du peuple, la RTS n’ouvre pas ses portes aux opposants politiques, la RTS ne fait que la propagande de l’Etat, etc. Voilà ce qu’on nous reproche. Ou, en tout cas, ce qui circule sur les réseaux sociaux et que même des acteurs politiques, si ce ne sont des conducteurs d’émissions de tous genres, répètent avec force sur les plateaux. Mais, il nous faut nous entendre sur ce qu’est la RTS et sur sa mission. Il nous faut aussi nous entendre sur ce qu’on appelle le « peuple » et ce qu’on qualifie sous nos cieux « d’Etat ». Je crois être, au bout de trente ans de présence à la RTS, légitime de vous parler de la maison. Nous sommes au bas mot près de mille agents dont les 80 % au moins sont des bacheliers. Des hommes et des femmes, professionnels des métiers de l’audiovisuels, aguerris à la tâche, attachés à la mission de garants du service public, qui travaillent jour et nuit pour livrer aux Sénégalais d’abord, partout où ils se trouvent, une information vraie et vérifiée. La RTS est le groupe de presse du service public par excellence qui n’appartient à personne en particulier mais qui sert tout le monde à travers les activités du gouvernement que les Sénégalais se sont choisi. La RTS permet aux Sénégalais de monitorer au jour le jour l’affectation et l’orientation des milliards de CFA de budget qu’ils ont confiés au gouvernement. Elle montre des réalisations sociales et économiques, culturelles et ludiques que, parfois, les autres médias ne jugent pas opportun de faire voir. Quid d’un pont réalisé à Diouloulou ou Madina Ndiathbé, d’une école construite à Kaffrine, d’un hôpital finalisé (ou pas) à Ourossogui, des marathons budgétaires à l’Assemblée nationale, des daaras modernisés, des Magals de Touba, des gamous de Tivaouane ou dans d’autres foyers Tidiane, des cérémonies d’appel des Layènes ou de ziarra omarienne ou de daaka à Madina gounass ? La RTS peut dans la même semaine assurer la production d’un méga match de championnat d’Afrique de football et filer à Bissau assurer la couverture de la fête de la révolution ou encore à Abidjan pour coproduire les jeux de la francophonie. Parce qu’elle se doit d’être là où le prestige du Sénégal se joue, là où la voix de la nation est attendue et souhaitée. La RTS est suivie sur les quatre continents sur tous les faisceaux horaires. Pourquoi alors les Sénégalais révoltés ne jugent la RTS qu’à travers la couverture de l’actualité politique ou politicienne ? Et encore, tout se rapporte à l’antenne de la première chaine de la télévision à savoir la RTS1. Alors que ce groupe de presse compte 14 stations de radios, 5 pôles régionaux de télévisions dont deux chaînes nationales (RTS1 et RTS2) sans compter Radio Sénégal, Dakar FM et Radio Sénégal international (RSI) en plus du portail web ! Est-il juste de « brûler » la RTS quand on voit le formidable travail que font tous les jours les journalistes et animateurs de radio Sénégal et de RSI ? Doit-on sacrifier la RTS quand on écoute leur liberté de ton qui n’a rien à envier aux meilleures radios du monde ? Quand on se réfère à la diversité des langues utilisées pour permettre à tout Sénégalais de s’approprier cet outil ? Quand on donne aussi bien la parole et la visibilité au paysan de Bignona qu’on la donne au ministre des Affaires étrangères ou à la vendeuse de poissons de Bargny ? La RTS est partout et pour tout le monde !
La RTS est aussi une école
La RTS est aussi une école. Elle a semé, au fil des années, des pépinières qui font aujourd’hui la fierté dans toutes les radios et TV privées du Sénégal et même ailleurs. Y compris ceux qui nous insultent. Evaluons. Comment sortir « la main » de la RTS des cinq meilleurs journalistes, animateurs ou même simples conducteurs d’émissions du paysage audiovisuel sénégalais ? Et ne parlons pas des techniciens : réalisateurs, cadreurs, machinistes, directeurs de la photo etc. La RTS n’est pas du côté du peuple diton. Et de quel peuple parle-t-on ? Du peuple qui s’est choisi un président, des députés, des élus locaux et qui deux ans après le regrette déjà comme il avait regretté le Président Diouf ou le Président Wade ? Peut-on suivre ce peuple quand on sait que, contrairement à ce que nous entendons depuis quelques temps sur les plateaux, un peuple n’a pas toujours raison ! Un peuple a raison à un temps T. Après, il peut très bien se rendre compte qu’il s’est trompé. C’est le jeu de la démocratie qui commande que la majorité dicte sa loi mais elle peut très bien avoir tort. Au bout de trente ans à la RTS, nous sommes nombreux à vous assurer que le service public de l’audiovisuel n’a pas intérêt à suivre le peuple et à entrer dans le jeu des politiciens. Il a intérêt à rester droit dans ses bottes, à servir un Etat légitime et légal que la majorité de nos concitoyens, du fait du jeu démocratique, a mis en place. Il n’a pas vocation à fragiliser l’Etat, à piéger ses ministres, à les ridiculiser, à insulter l’intelligence et la conscience des Sénégalais en laissant insulter ses autorités religieuses, coutumières ou politiques. A chacun son rôle. La RTS ne fera pas le travail des communautés et des acteurs politiques pour bouter certains dehors ou favoriser la venue d’autres. Nous servons loyalement ceux qui gouvernent tant qu’ils sont légitimes et représentants des Sénégalais. En réalité, nous sommes fondés de le faire tellement nous avons vu nos pourfendeurs d’hier quand ils étaient dans l’opposition devenir nos aficionados d’aujourd’hui quand ils accèdent au pouvoir. Ils sont bien contents d’avoir un outil et des professionnels pour montrer, à ceux qui leur ont fait confiance, le travail qu’ils apportent au développement de notre pays. Alors, cela ne sert à rien de nous menacer et de nous insulter. Nous aimons ce pays comme tout le monde. Peut-être même plus. Nous, qui sommes les vieux de la vieille, nous avons tout vu, nous avons tout entendu mais nous restons attachés au service public car nous l’avons choisi et nous sommes convaincus du besoin de sauvegarder une voix forte de la nation et un visage raisonnable du Sénégal. Nous le devons aussi à nos devanciers. Ne nous y trompons pas, il y a des symboles et des institutions qui n’ont pas intérêt à être affaiblis si nous voulons rester un Etat fort et une démocratie efficace. Maintenant, tout est question de management. Une lecture intelligente du contexte s’impose. Faut-il laisser le poste de manager en chef de la RTS être un poste purement politique ? Assurément non. Mais, ce sont là des points de réforme en profondeur que les Sénégalais doivent garder en tête au moment de se choisir un prochain dirigeant ; tout comme ils doivent changer le mode de sélection et d’élection de leurs élus et autres représentants.
En trente années…
En trente années, il y en a eu des managers à la tête de la RTS. Le management de Racine Talla n’est pas celui de Marcel Dione, la vision de Babacar Diagne n’est pas celle de Daouda Ndiaye. Le style de Mactar Sylla n’est pas celui de Guila Thiam ou de feu Tidiane Daly Ndiaye ou de Abdou Xudoss Niang etc. Cependant, nous avons toujours accepté et les reproches et les satisfécits du peuple sans état d’âme en essayant de toujours mieux faire. Car, en effet, derrière ces hommes, ces directeurs généraux nommés par décret qui tous ont apporté leurs pierres à l’édification d’un service audiovisuel public sénégalais respecté et respectable dans le monde, il y a ces centaines d’ouvriers que nous sommes, qui ne sont d’aucun bord et qui pensons que, comme la police ou la gendarmerie, nous devons être au service de la République. Alors, non ! Nous ne laisserons pas « brûler » la RTS. Tout comme nous ne laisserons pas « caillasser » les autres médias ou fermer des chaînes de télévision surtout quand le mode de diffusion par voie hertzienne ou numérique terrestre est de plus en plus dépassé par le mode IP et aussi parce que chaque groupe a ses audiences et son utilité dans la construction d’une liberté de la presse réelle, garante d’une grande et belle démocratie digne de notre histoire. Wa Salam.
Mariam Selly Kane est journaliste à la RTS
LES BIJOUTIERS VEULENT QUE TOUT CE QUI BRILLE SUR LEUR COMPTOIR SOIT DE L’OR
Le comptoir d’achat d’or du village de Soumbédioune, inauguré depuis 2017, n’a reçu jusqu’à présent aucun gramme d’or. Et pourtant, c’est dans notre pays qu’est produit l’or de Sabodola
Les bijoutiers du pays ont exprimé leur ras-le-bol lors d’un point de presse au village artisanal de Soumbédioune. Leur président, Ibrahima Niang, ne faisant pas dans la langue de bois, a fustigé la politique de l’Etat faisant que tout l’or du Sabodola est destiné à l’exportation.
Le comptoir d’achat d’or du village de Soumbédioune, inauguré depuis 2017, n’a reçu jusqu’à présent aucun gramme d’or. Et pourtant, c’est dans notre pays qu’est produit l’or de Sabodola. De l’or dont toute la production est exportée, aucun gramme ne restant dans le pays. Une chose que n’arrivent pas à comprendre les bijoutiers de notre pays. « Nous ne pouvons pas comprendre le fait que nous produisons de l’or et qu’ici, au niveau du comptoir d’or, il n y ait même pas un seul gramme d’or. Nous subissons également la contrainte majeure de la TVA de 18 % qui rend l’or brut trop cher et hors de portée des bijoutiers et de la clientèle », fustige le président de l’Association nationale des bijoutiers du Sénégal, Ibrahima Niang.
A l’en croire, cette taxe n’existe dans aucun pays du monde pour ce qui concerne le métal précieux. Il se désole de la situation chaotique de la politique de l’Etat. Car, explique-t-il, toute la production d’or de la mine de Sabodola, dans la région de Kédougou, est exportée. Selon les bijoutiers nationaux, il est vraiment temps de mettre fin à cette situation. M. Ibrahima Nang insiste sur le fait qu’il n’existe pas un seul gramme d’or dans le comptoir d’or de Soumbédioune. Une image qui, selon lui, n’honore pas le Sénégal. Les difficultés d’approvisionnement en or font que le secteur est impacté. Ce qui fait que beaucoup de jeunes évoluant dans le secteur ont pris la voie de l’émigration clandestine. Entre autres doléances, Ibrahima Niang et ses collègues réclament l’approvisionnement du comptoir d’achat en matières premières. C’est-à-dire en or et en argent pour contribuer à la lutte contre le recel et ainsi amoindrir les risques de vols encourus par les bijoutiers. Ils réclament aussi une fiscalité adaptée au secteur de la bijouterie, l’implication des acteurs dans la délivrance des licences d’importation, la prise en charge de la bijouterie par le PEJA (Projet d’employabilité des jeunes par l’apprentissage) et le renforcement des capacités des maîtres bijoutiers.
Last but not least, ils veulent la création d’un market gold moderne qui englobe toute la chaine de valeur. De la raffinerie à la commercialisation en passant par la production. L’autre danger qui guette le secteur de la bijouterie est lié au port de bijoux fantaisistes à base de plomb. Ce qui, selon ces professionnels, peut affecter sérieusement la santé. Le président de l’association a également demandé aux acteurs judiciaires de faire preuve de compréhension car beaucoup de bijoutiers sont en prison parce qu’ils sont victimes d’un abus de confiance de voleurs.
Pour Ibrahima Niang, les problèmes que rencontre le secteur de la bijouterie sont nombreux. Il urge donc, estime-t-il, que les autorités agissent afin de sauver le secteur. C’est dans cette optique que l’association avait adressé une demande d’audience au président de la République pour qu’il puisse lui exposer leurs maux. Hélas, depuis lors, cette demande n’a connu aucune diligence.
OUSMANE SONKO À LA RECHERCHE D’UN BOUCLIER POPULAIRE
La visite du leader de Pastef chez Ahmet Khalifa Niass fait couler beaucoup d’encre et suscite un flot de commentaires. A en croire l'analyste politique Momar Diongue, l'homme serait en train de recadrer son discours sur le système
Depuis qu’il a été placé sous contrôle judiciaire par le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance hors classe de Dakar, Ousmane Sonko multiplie les visites à divers partis politiques et mouvements de la société civile mais aussi à des groupes de presse. Il est même allé chez Ahmet Khalifa Niass qui l’avait traité une fois de tous les noms d’oiseaux. Il faut dire que dans cette histoire de viol dont il est accusé, le marabout et politicien l’a publiquement soutenu. Le député Ousmane Sonko serait ainsi, selon des observateurs, à la recherche d’un bouclier populaire avant son éventuel procès !
La visite de Ousmane Sonko chez le marabout Ahmet Khalifa Niass et leader du parti Front des alliances patriotiques (FAP) fait couler beaucoup d’encre et suscite un flot de commentaires sur la toile. En effet, dans un passé récent, réagissant au meurtre tragique d’une militante du Pastef, Mariama Sagna, à Keur Massar, le marabout et homme politique soutenait ce qui suit en 2018. « Mariama Sagna ne portait pas le voile. Et Daesh ne cautionne pas les femmes qui ne portent pas le voile. C’est sûrement pour cela qu’ils (Daesh) l’ont tuée ». Une manière très grossière de faire croire que le député Ousmane Sonko est un terroriste. Il poursuivait : « il y a lieu de savoir que l’idéologie d’Ousmane Sonko est la même qui a sévi à Grand Bassam, en Cîte d’Ivoire, dans la zone de Mopti et au nord du Mali. Elle a ouvert un front au Burkina Faso, ancienne Haute Volta. Mais au Sénégal, le salafisme a utilisé le langage dit de la Taquya, qui était l’apanage du chiisme, c’est-à-dire celui du double langage », chargeait Ahmet Khalifa Niass. Face à une telle accusation, le plus jeune des candidats lors de la élection présidentielle répliquait en ces termes : « Dans le système, il n’y a pas que les politiciens. Il y a aussi des saï-saï religieux, des opportunistes. Vous avez entendu ces derniers jours quelqu’un qui se dit chef religieux m’attaquer. Peut-être que les plus jeunes ne connaissent pas son histoire. Quand il va en Iran, il leur dit qu’il est chiite, on lui donne des milliards. Quand il va en Arabie Saoudite, il leur dit qu’il est Wahhabite, on lui donne des milliards. Quand il va chez Kadhafi, il se fait passer pour un petit- fils du prophète et il encaisse des milliards et rentre au Sénégal. C’est dire qu’il a été de tous les complots en Afrique et au Sénégal » avait riposté énergiquement Ousmane Sonko.
La hache de guerre enterrée !
Dans l’affaire du viol dont est accusé le leader de Pastef, le marabout et politicien a ouvertement soutenu Ousmane Sonko pendant que ce dernier était entre les mailles des filets de la justice. Le professeur Ousmane Ba, sociologue et chercheur en sociologie politique, a une autre lecture de la visite du député Ousmane Sonko chez l’ex-« ayatollah de Kaolack ». « La visite du leader des patriotes est une visite de reconnaissance pour toutes les personnes et les leaders qui l’ont soutenu dans des moments difficiles. Mais ceci n’est pas une alliance politique. Toutefois, Sonko a compris qu’à lui seul, il ne peut gagner les prochaines élections. Qu’elles soient municipales et présidentielle. Cela dit, il faut qu’il fasse très attention par rapport à ses visites car la politique est d’abord une question d’image et de perception », alerte le sociologue.
A l’en croire, la visite de Sonko chez le marabout Ameth Khalifa Niass peut prêter à confusion. Ce même si tous les leaders politiques ont besoin d’une couverture. Qu’elle soit populaire, institutionnelle où judiciaire. Selon le sociologue, les cadres de Pastef doivent sortir davantage afin d’expliquer aux gens c’est qu’est le système. « Nous sommes dans l’arène politiques et les détracteurs peuvent en profiter pour semer la confusion chez les populations. Surtout au niveau des réseaux sociaux », soutient notre interocuteur.
Le sociologue est persuadé que, dans ce bras de fer qui oppose Sonko au régime de Macky Sall, le député, en dehors du soutien populaire, a forcément besoin de soutiens politiques de taille. « Mais pas du genre de ceux dont il a bénéficié en 2019 lors de l’élection présidentielle. Et c’est là où réside toute la difficulté. De ce fait, toutes les couvertures ou tous les boucliers ne sont pas forcément bons pour le leader incontesté de l’opposition », soutient M. Ba.
A l’en croire, la recherche de couverture peut se comprendre dans la mesure où Sonko peut être comparé à « un poisson dans un océan de requins ». De ce fait, étant persuadé que l’adversaire n’a pas encore lâché prise et que la ligne d’arrivée c’est 2024, il lui faut chercher des couvertures. Son collègue Abdoul Aziz Diop avertit le leader des « patriotes » sur ses prochaines actions. « Il est temps qu’il assume pleinement sa dimension. La guerre politique qui a toujours existé entre le député Ousmane Sonko et le président Macky Sall ne fait que commencer. Et une fausse note pourrait lui être fatale » estime-t-il.
Par conséquent, estime-t-il, Ousmane Sonko a plus que jamais besoin d’une couverture populaire car le système judiciaire est ce qu’il est dans ce pays. « Aucun leader politique de l’opposition ne peut compter sur la justice. Ce qui est malheureux » déplor Abdoul Aziz Diop. A l’en croire, seul le bouclier populaire peut protéger le député Ousmane Sonko.
A en croire le journaliste et analyste politique Momar Diongue, le leader de Pastef serait en train de recadrer son discours sur le système. Mais également, il se positionne davantage comme leader de l’opposition.