Sadio Ousmane Diédhiou (SOD) est un jeune étudiant en médecine issu de la banlieue dakaroise (Thiaroye) qui souffre depuis quelques jours d’une aplasie médullaire : une maladie rare qui nécessite une greffe de moelle osseuse. Il a aujourd’hui besoin de 280 millions francs Cfa pour une intervention chirurgicale à l’étranger. Ce, dès lors que la thérapie curative n’existe pas, pour le moment, au Sénégal. D’où le lancement sur les réseaux sociaux de la « cagnotte solidaire » pour récolter la somme due. En attendant que ses amis réussissent à collecter la somme, SOD a besoin chaque une à deux semaines de poches de sang pour rester en vie.
C’est une histoire triste. Celle qui vous fend le cœur. La vie chahutée d’un jeune médecin. Il fut « beau gosse » avec un visage bien dessiné et la mine joviale. Il avait choisi la voie des sciences. Celle qui consiste surtout à soulager des douleurs. Aujourd’hui, c’est lui qui a plus besoin de soutien. Etudiant à la Faculté de médecine de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), il doit soutenir sa thèse de doctorat d’Etat en médecine cette année même, avant de signer sa spécialisation.
La chirurgie pédiatrique, c’est le rêve le plus fou de Sadio Ousmane Diédhiou (SOD). Mais ce jeune médecin qui voulait continuer ses études, se spécialiser en chirurgie pédiatrique pour ensuite soigner les « tout petits » souffre d’une maladie rare. Son état de santé du moment ne lui donne plus les chances de voir son souhait le plus ardent se réaliser dans les délais. Depuis quelques mois, le jeune étudiant, « gravement malade », est resté allongé sur son lit d’hôpital. Il vit une situation d’inconfort. « Je ne bénéficie d’aucune subvention de prise en charge », se désole ce jeune médecin alité depuis des semaines d’une maladie rare demandant beaucoup de moyens dans le traitement. Il n’oubliera pas de sitôt le jour où il a été diagnostiqué d’une « aplasie médullaire » qui nécessite une greffe de moelle osseuse. Une « maladie rare » qu’il a apprise dans les cours en médecine. C’est une anémie aplasique qui entraine de la fatigue, des saignements incontrôlés, une probabilité d’infection…
D’où ce « choc » qu’il peine à gérer. Tellement, il a été surpris. Une pathologie qui a un coût, et qui nécessite une évacuation à l’étranger. « J’ai été surpris quand on m’a diagnostiqué une aplasie médullaire. C’est une maladie rare que j’ai eue connaissance à travers les cours. C’est pourquoi, quand on m’a diagnostiqué d’une aplasie médullaire, cela m’a choqué ». Il a été choqué, parce que maitrisant bien les complications liées à cette maladie qui nécessite une évacuation sanitaire à l’étranger. Surtout dans un pays comme le Sénégal où le traitement curatif n’existe pas.
En attendant son évacuation en France, il subit des traitements symptomatiques. « Pour le moment, le traitement curatif n’existe pas au Sénégal. Et pour me maintenir en vie, ce sont des traitements symptomatiques en fonction du taux de plaquette et d’hémoglobine. On me transfuse des kilos plaquettaires et des kilos globulaires au niveau du Centre national de transfusion sanguine (Cnts). Avec la transfusion sanguine qui m’aide beaucoup, j’essaie tant bien que mal d’avoir une vie assez normale ». Un traitement à perfusion qui le soulage un peu. Mais qui ne dure que le temps d’une rose ! Tellement cette maladie n’a rien de rose. Surtout quand il ne reçoit pas sa dose de sang dans le mois.
Et cela l’indispose parfois. « Quand, je reste un mois sans recevoir des concentrés hémoglobulaires, dit-il, j’ai extrêmement mal à la poitrine. Je n’arrive pas à bien respirer ». Dans ces moments, seule la transfusion lui donne cet espoir de mener une vie normale. Encore que c’est pour, « à peu près, une à deux semaines ».
Personne ne souhaite que la « pénurie » de sang s’accentue davantage au Sénégal pour éviter que son cas s’aggrave. Aujourd’hui, le Sénégal ne dispose pas des moyens techniques pour cette maladie, alors que son évacuation tarde à se réaliser. Qui disait que la santé à un coût ! La mine de cet enfant de Thiaroye, jadis rayonnante, a cédé la place à un visage joufflu. Un changement physiologique causé par des complications liées à sa maladie qui nécessite des millions pour son traitement. Ce, sans compter le stress qui le ronge de jour en jour. Aussi, il remercie ses camarades qui ont organisé en sa faveur une opération de collecte de fonds pour assurer son évacuation à l’étranger.
Le Sénégal ne dispose pas de moyens techniques pour ce genre d’intervention concernant surtout la greffe de moelle osseuse. Il va devoir casquer fort pour payer la facture estimée à près de 30 millions francs Cfa. Surtout l’ordonnance, c’est 28 millions de francs à mettre sur la table pour subir l’opération chirurgicale afin de pouvoir faire sa thèse, et démarrer sa spécialisation en chirurgie pédiatrique.
Face au mutisme des autorités malgré les annonces et autres alertes faites sur les réseaux sociaux et qui concernent le « cas SOD », ses amis et camarades étudiants ont lancé sur les réseaux sociaux une cagnotte de solidaire. Mais avec cet élan de solidarité, ils n’ont pas pu collecter la somme nécessaire. L’argent récolté, plus de 50 millions, est loin du compte malgré la participation du parti « Pastef » d’Ousmane Sonko à hauteur d’un million francs Cfa. Ce qui a mis ses camarades étudiants dans tous leurs états. Eux qui n’envisagent pas de reprendre les activités pédagogiques pour le reste de l’année en cours, -2021 si leur camarade n’est pas évacué et ne bénéficie pas d’une prise en charge médicale.
ELAN DE SOLIDARITE POUR L’EVACUATION DE SOD A L’ETRANGER : Un médecin invite ses camarades à reprendre les cours, et de solliciter l’aide des Organisations humanitaires pour une intervention plus rapide
Loin de lui, dit-il, l’idée de s’opposer ou de dénigrer l’élan de solidarité lancé sur les réseaux sociaux par l’Amicale des étudiants de la Faculté de médecine de l’université de Dakar pour la prise en charge médicale de leur camarade alité depuis quelques jours et pour laquelle la maladie nécessite une greffe de moelle osseuse. Un médecin, qui dit avoir travaillé avec des Ong pendant des années, invite les camarades étudiants de SOD de continuer les cours tout en essayant de contacter les ONG (organisations non gouvernementales qui s’activent dans l’humanitaire) et les autorités sanitaires pour une intervention plus efficace et plus rapide de ce cas qui, de son avis, n’est pas un cas isolé.
Le cas de SOD qui devient de plus en plus compliqué n’est pourtant pas un cas isolé. Au Sénégal, beaucoup de citoyens sont restés allongés sur des lits d’hôpitaux depuis des mois. Sans sentir personne à leur côté. Malgré leur situation de précarité, ils n’ont pas d’argent pour se faire soigner. Encore moins pour se faire opérer ici ou ailleurs. Ils n’ont pas cette chance que bénéficie Sadio Ousmane Diédhiou (SOD), du nom de ce jeune étudiant en médecine qui jouit de l’élan de solidarité de ses camarades. Ces derniers ne comptent pas lâcher l’affaire. Quid à rester des mois sans faire cours. Selon un médecin, les camarades de SOD n’ont pas pris la bonne voie dans leur combat. « Ils devaient plutôt essayer de contacter les Ong, voire les autorités à travers des procédures pour arriver à sauver leur camarade le plus rapidement possible ». L’Etat, dit-il, ne peut pas se pencher sur le « cas SOD, seulement parce que c’est un médecin ou que les étudiants l’ont forcé à le faire ». « Sinon, le jour où l’enseignant, le journaliste ou quelqu’un d’autre est dans ce cas, si l’Etat ne cède pas sur le coup de la pression et de l’intimidation, bonjour les dégâts. Ils vont dire que c’est du favoritisme », a-t-il fait remarquer tout en invitant les étudiants à essayer de se rapprocher des Ong qui font de l’aide humanitaire sans distinction de race.
par Abdou Salam Fall et Momar-Coumba Diop
ABDOULAYE BARA DIOP, UN PIONNIER DE L’UNIVERSITÉ SÉNÉGALAISE
EXCLUSIF SENEPLUS - Sa carrière remarquable est jalonnée par des études novatrices au croisement de la sociologie, de l’anthropologie, de l’histoire, de la démographie. Il symbolisait une forme élevée de la noblesse morale. Il était surtout un homme libre
Abdou Salam Fall et Momar-Coumba Diop |
Publication 05/01/2021
Abdoulaye-Bara Diop nous a quittés dans la discrétion, comme à son habitude, le 3 janvier 2021, à Dakar. Cet immense intellectuel a marqué de son empreinte les sciences sociales en Afrique, francophone d’abord, mais aussi dans les autres zones culturelles du continent.
Abdoulaye-Bara Diop a été le véritable grand maître et fondateur de la sociologie sénégalaise. Ses anciens étudiants occupent, de nos jours, des positions importantes dans l’enseignement, la recherche ou les fonctions gouvernementales au Sénégal et ailleurs en Afrique. Les publications de cet enseignant-chercheur connu pour sa grande humilité, sa discrétion et sa droiture morale font partie du patrimoine le plus important de l’université sénégalaise en raison de leur originalité réflexive ou hétérodoxe, de la solidité de leurs fondements et de la précision de leurs résultats. Cette œuvre magistrale, déjà saluée par de nombreux commentaires, a été forgée sur la longue durée. Elle a été dominée par des publications exceptionnelles par leur qualité. Elle a constitué une séquence majeure dans la production de la « grande bibliothèque » relative à la vie de notre pays. Abdoulaye-Bara Diop incarne l’art de la recherche fondamentale. Il a abordé diverses problématiques d’études.
L’itinéraire d’un brillant chercheur hétérodoxe
Né le 19 août 1930 à Saint-Louis, il a effectué ses études primaires dans cette ville. Entre 1948 et 1953, il fréquente la célèbre École normale William Ponty à Sébikotane. À la suite d’une année de propédeutique à l’Institut des Hautes Études devenu, plus tard, l’Université de Dakar, il entame, en 1954, des études à l’Université de Toulouse. En 1958, il obtient une licence de psychologie et de sociologie. Il détient également le certificat de philosophie et le DES de sociologie. En 1958, de retour au Sénégal, il est recruté à l’IFAN, alors dirigé par Théodore Monod. En 1959, il est nommé assistant titulaire. Il prépare sa thèse de doctorat de troisième cycle qu’il soutient avec brio en 1964. Il est maître-assistant en 1968. En 1979, Abdoulaye-Bara Diop soutient sa thèse de doctorat d’État en sociologie à l’Université de Paris-Sorbonne, sous la direction de Georges Balandier. Il sera le premier sociologue professeur titulaire de l’Université de Dakar. Il se consacre alors entièrement à l’enseignement et à l’encadrement de ses doctorants africains.
Entre 1986 et 1995, il dirige l’Institut fondamental d’Afrique noire Cheikh Anta Diop. Admis en 1995 à faire valoir ses droits à la retraite, il poursuit néanmoins ses enseignements à la Faculté des Lettres et Sciences humaines. Il est également sollicité par ses collègues pour participer à des jurys de thèse au Sénégal, mais aussi dans d’autres pays africains et en Europe.
Sa sensibilité politique de gauche l’a rapproché d’Abdoulaye Ly, grande figure intellectuelle, politique et morale du Sénégal contemporain (alors directeur adjoint de l’IFAN), d’Amadou Mahtar Mbow, d’Assane Seck et d’autres universitaires et patriotes africains de renom. C’est en reconnaissance de ses qualités intellectuelles et morales que la présidence de la Commission scientifique des Assises nationales du Sénégal lui a été confiée. Par ailleurs, tout le monde sait le rôle important qu’il a joué au sein de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) qui a produit – le fait mérité d’être souligné – le meilleur rapport disponible dans le pays en matière de réforme des institutions.
Il a obtenu de nombreuses distinctions, parmi lesquelles le titre de professeur honoraire de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’UCAD, d’Officier de l’Ordre du Mérite de la République du Sénégal, de Chevalier des Palmes académiques de la République française, de Chevalier de la Légion d’honneur de la République française.
Un pionnier des études sur les migrations
Le succès de ses livres sur les Wolof a tendance à occulter son œuvre fondatrice sur les migrations. Avant l’indépendance du pays, il a lancé une grande enquête sur la migration toucouleur à Dakar dans le cadre des recherches de la Mission socio-économique du Sénégal (MISOES). Cette enquête a été effectuée entre avril 1958 et mars 1959 dans les centres urbains. Ses résultats avaient fait l’objet d’un premier rapport. Il en tirera une thèse de troisième cycle en 1964. C’est à partir de cette base solide qu’il a encouragé ses étudiants à s’intéresser aux migrations sereer et joola. Il a conduit avec ses partenaires des programmes de recherche en y insérant certains de ses étudiants. En 1996, il a édité, en collaboration avec Philippe Antoine (démographe à l’ORSTOM devenu IRD), le livre au titre évocateur La ville à guichets fermés : Itinéraires, réseaux et insertion urbaine, IFAN-ORSTOM, 1995, 363 p. [en ligne : https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes....
Deux ans plus tard, il a rédigé la préface de l’ouvrage sur L’insertion urbaine à Dakar et à Bamako, dans le cadre d’un partenariat entre le CERPOD (Centre d'études et de recherche sur la population pour le développement), l'IFAN-CAD (Institut fondamental d'Afrique Noire-Cheikh Anta Diop), l'ORSTOM (Institut français de recherches scientifiques pour le développement en coopération), le CEPED (Centre français sur la population et le développement) et le Département de démographie de l'Université de Montréal. Ce livre de référence est intitulé Trois générations de citadins au Sahel : trente ans d’histoire sociale à Dakar et à Bamako, Paris, L’Harmattan, 1998, 290 p. (Collection « Villes et Entreprises ») [en ligne : https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers17-08/0...
Abdoulaye-Bara Diop a marqué un intérêt soutenu en faveur de la comparaison internationale, de la recherche empirique de terrain et de l’analyse biographique en l’occurrence. Il s’est déployé au-delà de sa discipline. Sa carrière remarquable est jalonnée par des études novatrices au croisement de la sociologie, de l’anthropologie, de l’histoire, de la géographie et de la démographie. Son intérêt pour la démographie a été permanent. Voilà pourquoi il a dispensé des enseignements à l’IPDSR (Institut de formation et de recherche en population, Développement et Santé de la reproduction), alors qu’il avait déjà pris sa retraite de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Des études magistrales sur la société et la famille wolof
On retiendra du Pr Abdoulaye-Bara Diop les œuvres monumentales que sont : La société wolof, les systèmes d’inégalité et de domination, Paris, Karthala, 1981 et La famille wolof. Tradition et changement, Paris, Karthala, 1985, 262 p. Le premier livre traite notamment des castes, ordres monarchiques et de la société religieuse confrérique. Il y explique, entre autres, les conditions d’émergence du système des confréries religieuses. En conséquence, il a été sollicité pour participer, avec Christian Coulon et Donal Cruise O’Brien, à la présentation critique du livre de Jean Copans (Les marabouts de l’arachide, Paris, Le Sycomore, 1980), dans le n° 4 de la revue Politique africaine (La question islamique en Afrique noire, décembre 1981 : 111-121).
Ses travaux sur la famille wolof traitent successivement de la parenté (structure, terminologie, système d’alliance, comportements), des cérémonies matrimoniales (de l’organisation traditionnelle et des changements socio-économiques), de la polygamie et du divorce. Il a mis au point une méthodologie à la fois descriptive et analytique du système de parenté et d’alliance avec une terminologie d’une grande précision. Il a surtout mis en évidence les changements et problèmes d’adaptation qui se posent à la société wolof et les effets de la très rude domination du pays par le système capitaliste. C’est ce qui l’avait amené à insister sur la nécessité de rechercher une autre forme de développement mettant l’intérêt des paysans au centre de ses préoccupations et dont ils seraient eux-mêmes partie prenante.
On se souvient encore de la chronique bibliographique établie par l’un de ses collègues, un théoricien hétérodoxe très attaché au Sénégal : « Ce travail est important à plus d’un titre : à cause de la place des Wolof dans l’histoire des sociétés sénégambiennes et sénégalaises d’abord, mais surtout parce qu’il s’agit là de la première étude d’ensemble, sociologique et ethnologique, sur cette population (ce qui par ailleurs est tout à fait paradoxal). Ce travail est également décisif en ce qu’il allie travail de terrain (recueil de traditions orales et de questionnaires sociologiques) et travail de relecture de la littérature disponible » (voir Politique africaine, n° 4, La question islamique en Afrique noire, décembre 1981 : 137-138).
D’autres travaux de Diop ont été consacrés à la tenure foncière en milieu wolof ou à la formation de la nation au Sénégal. Boubacar Barry, l’auteur du remarquable ouvrage Le royaume du Waalo. Le Sénégal avant la conquête, a célébré la richesse exceptionnelle du travail de Diop, notamment en ce qui concerne « l’évolution de la tenure foncière sous le lamanat et la monarchie jusqu’à nos jours ». A.-B. Diop s’est également intéressé aux paysans du bassin arachidier, notamment à leurs comportements de survie au début de la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel qui ont affecté durablement l’économie et la société sénégalaises.
Un homme de méthode, de rigueur scientifique et morale
Abdoulaye-Bara Diop a marqué des générations de sociologues et d’anthropologues. Il leur a notamment appris que le succès d’une recherche dépend de sa préparation, de sa bonne planification, mais aussi des références théoriques solides qui la soutiennent et l’orientent. Connu pour sa grande rigueur intellectuelle, il a enseigné à ses étudiants les fondements et les exigences du métier de chercheur. Il leur a surtout montré que l’excellence est le fruit de l’épreuve, de l’apprentissage organisé et patient de la méthode, de la mise à jour des connaissances théoriques. Les recherches rapides, ponctuelles et portant sur des objets circonstanciels peuvent, en effet, conduire à des conclusions superficielles. Le succès de l’œuvre d’A.-B. Diop est le fruit d’un patient travail de méthode et de créativité scientifique. Dr Arame Fal, chercheure également à l’IFAN et éminente linguiste, a, sans doute, joué un rôle important dans la grande précision de la terminologie linguistique adoptée dans les publications de ce brillant chercheur.
Abdoulaye-Bara Diop a organisé, du 27 février au 3 mars 1989, une rencontre internationale destinée à célébrer le cinquantenaire de l’IFAN, un Institut qui fut prestigieux et qu’il a tenté de redresser de toutes ses forces pour l’inscrire à nouveau dans la trajectoire définie par Théodore Monod, son fondateur. Ce symposium a marqué la mémoire de l’Institut par la qualité des participants et des contributions (voir la présentation qu’en font E. Le Bris et Christian Coulon dans Politique africaine, 34, juillet 1989, États et sociétés nomades : 133-135).
Abdoulaye-Bara Diop a fait partie des enseignants et chercheurs, venant de toute la sous-région ouest-africaine, qui ont marqué l’institution universitaire du Sénégal durant les années 1960 et 1970. Ces enseignants et chercheurs bien formés et recrutés avec rigueur ont rendu l’université attrayante pour les jeunes de la sous-région, malgré la vigueur du syndicalisme étudiant de l’époque. Ils constituaient une élite prestigieuse et respectée.
Le professeur Abdoulaye-Bara Diop a donné à plusieurs étudiants et chercheurs l’inspiration et la force leur permettant de produire des savoirs originaux sur les sociétés africaines. Son territoire de prédilection a toujours été l’université. Malgré son âge, il n’avait pas arrêté la quête du savoir. Il continuait à travailler sur un grand projet éditorial dédié à la nation sénégalaise.
Figure intellectuelle majeure du Sénégal contemporain, A.-B. Diop a aussi fait partie de ses grandes figures morales. Comme cela a été dit à propos d’autres universitaires et nationalistes ayant marqué l’histoire des idées de notre pays, personne n’a pu le corrompre et encore moins le « capturer » pour domestiquer sa pensée. Abdoulaye-Bara Diop était un homme intègre. Il symbolisait une forme élevée de la noblesse morale. Il était surtout un homme libre. Il a pu transmettre ces valeurs d’éthique et de rigueur à ses enfants comme l’éminent docteur cardiologue le Prof Iba Bara Diop, à ses frères/sœurs et à ces nombreux fils spirituels qu’il a formé et encadré. Voilà pourquoi il mérite d’être célébré par ses collègues universitaires d’abord et par le pouvoir central du Sénégal ensuite.
Abdou Salam Fall est sociologue, responsable de la formation doctorale “Sciences sociales appliquées au Développement" (ETHOS, UCAD), Coordinateur du Laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales (LARTES-IFAN)
par l’éditorialiste de seneplus, serigne saliou gueye
QUAND DON QUICHOTTE DIOME SE BAT CONTRE DES MOULINS A VENT
S’il y a un parti politique qui empêche Macky Sall et ses ouailles de dormir, c’est bien le Pastef. En effet, le communiqué du ministre de l’Intérieur, Antoine Diome, pondu au forceps vers le 3 janvier vers 3h du matin, en est une illustration.
S’il y a un parti politique qui empêche Macky Sall et ses ouailles de dormir, c’est bien le Pastef. En effet, le communiqué du ministre de l’Intérieur, Antoine Diome, pondu au forceps vers le 3 janvier vers 3h du matin, en est une illustration.
Dans ledit communiqué, le ministre de l’Intérieur relève qu’«un message audiovisuel diffusé sur les réseaux sociaux informe une campagne de levée de fonds internationale au profit du parti politique dénommé PASTEF afin de financer ses activités».
Diome rappelle qu’en «vertu de l’article 3 de la loi n° 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques, modifiée par la loi n°89-36 du 12 octobre 1989, les partis politiques ne peuvent bénéficier d’autres ressources que celles provenant des cotisations, dons et legs de leurs adhérents et sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations.»
Et Diome de conclure que «tout parti politique qui reçoit des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal s’expose à la dissolution conformément à l’article 4 alinéa 2 de la loi sur les partis politiques.» Et pourtant celui qui menace de dissoudre le Pastef, c’est un magistrat donc un praticien et connaisseur de la loi. Une loi, c’est d’abord un esprit avant d’être une lettre. Aujourd’hui son statut ministre politicien apériste le pousse à vouloir franchir le rubicond en menaçant de dissolution l’un des rares partis à respecter littéralement la loi n°89-36 du 12 octobre 1989.
Le 02 janvier 2021, Pastef a lancé son fundraising ‘‘Nemmeeku Tour’’ auprès de ses militants et sympathisants d’ici et de la diaspora. En quelques heures record, le parti dirigé par Ousmane Sonko a collecté 125 millions dont la traçabilité et la transparence ne font l’objet d’aucun doute. C’est ce modèle de financement rapide qui sème le désarroi dans le camp gouvernemental au point que Don Quichotte Diome est monté en première ligne pour exhumer la loi n°89-36 du 12 octobre 1989 aux fins de donner un coup d’arrêt à cette levée de fond qui inquiète en haut lieu. Mais, comme l’a déclaré le juriste Seybani Sougou, «il n’existe aucun texte ou aucune disposition juridique qui interdisent à un citoyen sénégalais de l’extérieur de financer un parti politique, mais mieux encore, il n’existe aucun plafond imposé : tout citoyen sénégalais vivant sur le territoire national ou à l’étranger peut, en toute liberté, donner un don, en déterminant le montant». Mais il sied de revenir un peu sur l’historique de la loi 89-36 pour montrer que le zélé ministre de l’Intérieur a tout faux en décidant d’interdire ce que cette loi autorise.
De la loi 64-09 à la loi 89-36
Au Sénégal, il existe depuis fort longtemps une loi qui réglemente l’existence des partis politiques. En effet la loi 64-09 du 24 janvier 1964 stipule que «tout parti politique est tenu chaque année au plus tard le 31 janvier, de déposer le compte financier de l’exercice écoulé. Le compte doit faire apparaitre sous peine de dissolution de l’association que le parti politique ne bénéficie que des ressources prévues par la loi du 1er juillet 1901 pour les associations déclarées et ne reçoit notamment aucun subside de l’étranger». Mais cette disposition étant incomplète et ouvrant toujours la brèche à tout parti politique de pouvoir bénéficier de subsides venant d’un étranger établi au Sénégal, fut modifiée par l’article 4 de la loi 75-68 qui stipule que «tout parti, sous peine de dissolution, ne bénéficie directement d’aucun subside de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal». Mais la lacune de cette loi se trouve dans l’adverbe «directement» puisque cela permet de façon sous-jacente aux partis de bénéficier «indirectement des subsides venant de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal. Mais la loi 81-17 du 6 mai 1981 est venue corriger cette faiblesse en ajoutant que «la dissolution intervient également lorsqu’un parti a reçu directement ou indirectement des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal». Cette rédaction est confirmée par la loi 89-36 du 12 octobre 1989 en son article 4 qui énumère les cas de «dissolution des partis politiques qui sont, outre le non-respect de leurs obligations de déclaration et de dépôt de documents et le financement par des subsides reçus de l’étranger, l’application d’une modification statutaire qui n’aurait pas été acceptée par le ministre de l’Intérieur».
Par conséquent, le ministre de l’Intérieur dispose de toute une législation pour dissoudre les partis politiques contrevenants car peu d’entre eux, qui ne disposent même pas de compte bancaire, ne déposent pas le compte financier de l’exercice écoulé à la date échue ou ne le déposent même pas. Contrairement au Pastef qui est l’un des rares partis sinon le seul à se conformer à ce que dit la loi du 12 octobre 1989.
Le 4 janvier 2016, Pastef, convaincu que la plupart des formations politiques ne s’étaient pas à pareille date correctement conformées aux exigences de la loi n°89-36 du 12 octobre 1989 relative aux partis politiques, avait saisi d’un recours Abdoulaye Daouda Diallo, le ministre de l’Intérieur, aux fins de dissolution des partis transgresseurs. Le cas échéant Sonko et les Patriotes avaient demandé à Abdoulaye Daouda Diallo «de vouloir bien publier ou déclarer sur l’honneur, que la totalité des innombrables partis politiques, et singulièrement ceux dits grandes formations, sont en parfaite conformité avec ces obligations légales». Et les Patriotes de conclure leur communiqué en ces termes : «D’ores et déjà, nous vous signifions que toutes réponses, explicites ou implicites, autres que la dissolution exigée, pendant ou après le délai administratif de rigueur, fera l’objet d’une saisine de la Cour Suprême conformément aux dispositions des articles 73 et suivants de la loi organique n°2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour Suprême». Mais cette lettre est restée sans réponse. Une façon de dire que ceux qui sont chargés de faire respecter les lois sont les premiers à se soustraire à leurs obligations.
PS, PDS, APR : éternels transgresseurs de la loi 89-36
Si la loi du 12 octobre 1989 était mise en application, non seulement ces partis lilliputiens qui s’agrippent aux basques des grands partis, qui se noient dans des coalitions ou forment des coalitions dont le nombre de militants ne dépassent pas celui des leaders qui les composent, seraient dissous mais même certains grands partis dont les méthodes de financement restent totalement opaques ne disposeraient pas de certains gros moyens financiers déployés lors des campagnes électorales. Ils sont nombreux ces partis qui partent à l’étranger demander de l’aide à certains chefs d’Etat ou lobbys. On se souvient de cette missive du président de l’Alliance pour la République datée du 3 janvier 2009 et synthétisée ci-après: «C’est avec un immense plaisir que je m’adresse à vous pour vous témoigner toute ma reconnaissance, mon affection et ma gratitude pour l’attention que vous portez sur la situation politique au Sénégal. Votre sagesse et votre leadership (…) témoigne de vos hautes qualités de dirigeant reconnu et respecté. Je sollicite vos conseils éclairés, vos orientations et votre appui à tout point de vue.» Il s’en est suivi une seconde lettre de remerciement le 9 janvier suivant et dont la chute «…Je souhaite, pour plus d’efficacité et de discrétion, attendre l’audience que vous voudrez bien m’accorder pour aborder certaines questions me concernant.» lui avait attiré bien des ennuis du régime du président Abdoulaye Wade. Et ces deux correspondances lui avaient ultérieurement valu des accusations de blanchiment. Le mardi 27 janvier 2009, le tout nouveau leader de l’Alliance pour la République, Macky Sall, avait répondu à une convocation de la police judiciaire en rapport avec des accusations de blanchiment d’argent. L’alors ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom avait annoncé, deux jours auparavant, «avoir recueilli des informations faisant état de l’existence d’un réseau de blanchiment d’argent sale impliquant M. Sall et un certain Abdoulaye Sall, Sénégalais résidant au Gabon et que les services de police affirmaient avoir intercepté, à cet égard, des correspondances avec un chef d’Etat africain tendant à avaliser l’idée que les fonds incriminés proviendraient de ce dernier».
Mais n’eût-été la mobilisation des Sénégalais qui avait fait reculer Wade, Macky ne serait pas aujourd’hui là où il est. Dans l’entre-deux-tours de la campagne 2012, Macky Sall avait avoué au micro de la TFM avoir reçu des participations financières consistantes de la diaspora pour mener à bien sa campagne électorale contre Abdoulaye Wade. Harouna Dia, le milliardaire sénégalais vivant au Burkina Faso, avait déclaré dans le journal l’Observateur du 31 mars 2012 que lui et des foutankés de la diaspora africaine ont beaucoup contribué à la réussite de sa campagne de 2012. Le Parti socialiste depuis son existence n’a jamais clarifié ses onéreuses dépenses de campagne et l’argent qui lui a servi à acquérir un terrain avant d’y construire son siège. Abdoulaye Wade opposant et président n’a jamais communiqué sur l’origine des fonds qui alimentaient le PDS et finançaient ses campagnes électorales. D’où vient l’argent qui lui a permis de construire à coup de centaines de millions sa permanence actuelle ? Quid de Rewmi dont le leader en 2007 a mené une campagne à l’américaine avec des hummers dont l’unité coutait plus d’une soixantaine de millions ?
Abdou Mbow désavoue Diome
Antoine Diome, le nouveau don Quichotte de sa Majesté, engage un combat qui, à terme, risque faire un effet boomerang. Il doit savoir que les Sénégalais de l’extérieur ne sont pas des étrangers dans leur propre pays mais dans leur pays d’accueil. En cela, les considérer comme des étrangers revient à leur nier leur sénégalité, à les loger dans une catégorie juridique discriminante. En cela, le ministre de l’Intérieur doit être poursuivi pour déni de nationalité à des Sénégalais vivant à l’étranger. Vivre à l’étranger ne fait pas de ces émigrés des étrangers chez eux. La diaspora, c’est la 15e région du Sénégal avec ses députés élus à l’Assemblée nationale. Alors pourquoi nier à des citoyens sénégalais installés à l’étranger le droit d’accompagner, sur le plan pécuniaire, leur parti politique ? Heureusement que le 1er vice-président de l’Assemblée nationale et porte-parole adjoint de l’Apr, Abdou Mbow, a désavoué le ministre de l’Intérieur en précisant que «la loi n’interdit pas que des Sénégalais qui sont à l’étranger contribuent dans le financement d’un parti politique».
Selon lui, «la loi précise bien des étrangers et non des Sénégalais vivant à l’étranger». Par conséquent, il conclue que «l’Apr n’a jamais bénéficié des financements d’un étranger ou des étrangers qui vivent au Sénégal». Vouloir chercher noise à Ousmane Sonko ne doit pas inciter le ministre Diome à violer la loi et à désénégaliser nos compatriotes qui participent à plus de 13% par an dans notre PIB. Et s’il est courageux, il doit jeter un regard sur l’origine des fonds de son nouveau mentor qui a créé son APR avec de l’argent dont l’origine licite reste à prouver. En sus, en ce début d’année 2021, il n’a qu’à passer en revue tous les partis qui ne se seraient pas conformés tous azimuts avec la loi du 12 octobre 1989 dans son entièreté et la leur appliquer dans toute sa rigueur. C’est une piste glissante qui risque d’éclabousser l’APR dont la comptabilité annuelle n’a jamais fait l’objet d’un dépôt au niveau du ministère de l’Intérieur.
«QUE PERSONNE N’ESSAIE DE NOUS DISTRAIRE»
Sa réaction n’a pas tardé sur les menaces du ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diome. Sur un ton ferme, Ousmane Sonko a averti Macky et compagnie
Sa réaction n’a pas tardé sur les menaces du ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diome. Sur un ton ferme, Ousmane Sonko a averti Macky et Cie afin que personne n’essaye de les distraire.
Après avoir fait le bilan de cette campagne de levée de fonds initiée depuis quelques heures par son parti, le leader de Pastef/Les Patriotes est revenu sur le concept « Nemmeeku Tour ». Le mode opératoire de cette initiative peut être assimilé, selon le leader de Pastef, à l’impôt. La seule différence est que « c’est un acte qui n’est pas obligatoire ». Tout le monde sait qu’en politique, les moyens sont incontournables. « Nous avons par exemple besoin de disposer de notre propre siège, d’un parc automobile pour faire nos tournées sur le territoire sénégalais, disposer d’un matériel logistique etc...
En faisant recours à ce mode de financement, nous pouvons en même temps, en toute indépendance financière, faire notre politique avec éthique et transparence», note Ousmane Sonko sur la chaîne Jotna Tv. Le leader du Pastef poursuit en insistant sur l’utilité des fonds, minimes qu’ils soient. Mieux, à l’en croire, il n’a pas éprouvé un besoin de disposer de sommes colossales, mais simplement, de quoi poser des politiques stratégiques qui ne mettent pas en avant la gabegie. Il renchérit en ces termes : « Contrairement aux autres, on n’a pas besoin de milliards à n’en plus finir. Une politique basée sur la tricherie, la démagogie n’est pas notre option. Peut-être, ceux qui sont là (faisant allusion au régime) ont besoin de ces sommes colossales pour se payer des électeurs. » En revanche, Ousmane Sonko estime qu’avec la conviction et le sens de l’éthique et de la responsabilité, leur parti va être en mesure, une fois qu’une somme significative sera collectée, de mener les activités nécessaires au bénéfice des Sénégalais.
« Nous n’avons pas le temps pour des débats secondaires »
Toutes ces actions que le Pastef doit, selon le leader de Pastef, mettre en pratique, sont une attitude évolutive. Autrement dit, il faut engranger les acquis et se positionner à un niveau supérieur. « Nous devons le faire d’autant plus que nous n’avons plus le temps pour les débats secondaires. En revanche, nous devons être en permanence sur le terrain. Que personne n’essaie de nous distraire », prévient Ousmane Sonko qui indique, enfin, qu’une seule chose compte actuellement pour lui et son parti. La conquête du pouvoir en 2024...
MACKY, AGENT MARKETING DE SONKO ?
Jusqu’en 2016, Ousmane Sonko n’était qu’un jeune anonyme Inspecteur des Impôts et Domaines. Mais, 4 ans plus tard, il est devenu le leader incontestable de l’opposition grâce à son « agent marketing » Macky Sall
Jusqu’en 2016, Ousmane Sonko n’était qu’un jeune anonyme Inspecteur des Impôts et Domaines. Mais, 4 ans plus tard, il est devenu le leader incontestable de l’opposition grâce à son « agent marketing » Macky Sall, président de la République …
Ses sévères critiques contre Macky Sall et son clan avaient poussé le chef de l’Etat dans ce qu’on pourrait considérer comme un accès de colère, à le radier de la Direction générale des Impôts et Domaines en août 2016. Le prétexte pour le moins fallacieux reposait sur un «manquement au devoir de réserve». Une radiation qui a réveillé ses ambitions politiques et sa détermination à lutter pour « chasser Macky Sall du palais présidentiel et remettre le pays sur le bon chemin ». Ainsi, le jeune cadre des Impôts et Domaines décide de se jeter sur la scène politique sénégalaise. Il crée en 2014 le parti politique Pastef avant d’être élu député à l’Assemblée nationale du Sénégal aux élections législatives de 2017. Conscient que sa stratégie est payante, Ousmane Sonko multiplie les révélations et les attaques contre le « Macky ». Chacune de ses sorties est suivie de réactions hostiles de la part des responsables de l’Alliance pour la République (APR), le parti de Macky Sall, et de leurs alliés de «Benno Bokk Yaakar». Ahmed Khalifa Niasse, un des alliés de Macky, avait été envoyé au charbon pour traiter Ousmane Sonko de Salafiste. Le porte-parole du gouvernement d’alors, Seydou Guèye, n’avait pas raté l’occasion de rebondir sur les propos d’Ahmed Khalifa Niasse. L’alors premier vice-président du parlement, Moustapha Cissé Lô, n’avait pas aussi hésité à user de gros mots quand il s’agit de parler du leader du «Pastef». Des sorties qui faisaient la promotion de l’opposant Ousmane Sonko en qui Macky, son gouvernement et ses alliés, semblent avoir une peur bleue tant leurs réactions après chaque sortie du leader du Pastef paraissent incontrôlées.
Et Macky créa « 125 millions » de sympathie à Sonko…
En un laps de temps, Ousmane Sonko est devenu l’un des acteurs les mieux cotés à la Bourse politique du Sénégal. Ses sorties font l’objet de réactions à tous les niveaux, les unes très laudatives à son endroit, les autres plus que virulentes à son encontre. Ce qui lui a valu une notoriété à la vitesse d’un TGV. En l’espace de 4 ans, le leader des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) est devenu une personnalité très en vue. Macky Sall ne semble pas apprendre de ses erreurs passées. De jour en jour, il fait bénéficier Ousmane Sonko de la sympathie de la majorité des Sénégalais. Le samedi dernier encore, Macky Sall, par le biais de son ministre de l’Intérieur, menace de dissoudre le parti de Ousmane Sonko qui a réussi la prouesse de collecter plus de 125 millions de francs Cfa et 80 millions de promesses de dons en seulement quelques heures. « Tout parti politique qui reçoit des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal s’expose à la dissolution », menace Antoine Felix Diome. Une « intimidation » qui a encore augmenté l’aura dont Ousmane Sonko bénéficiait déjà sur le plan national et dans la diaspora. Car, depuis la sortie de ce communiqué les réactions fussent de partout. Que cela soit au niveau des grand’places, dans les télés, les sites et les journaux, l’on ne parle que de cette énième bourde de Macky Sall et de son gouvernement pour neutraliser un adversaire qui ne cesse de se poser en leader. Même ceux qui ne sont pas du même bord politique que Sonko se mettent à ses côtés et tirent sur Macky Sall et son gouvernement. Le professeur Moussa Diaw est du même avis. À en croire l’enseignant chercheur en politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Macky Sall et son clan contribuent involontairement à faire la promotion de Ousmane Sonko en s’attaquant à lui, le considérant comme le principal opposant actif contre leur gouvernance. « En s’acharnant sur lui, ils le renforcent auprès de l’opinion publique et crédibilise son discours. Sonko apparaît comme un acteur prépondérant de l’espace politique, et vouloir l’éliminer par des procédés peu orthodoxes, risque d’être contreproductif au regard de son capital de sympathie auprès des populations. Il en résulterait des tensions politiques au moment où les efforts sont à déployer pour faire face à cette deuxième vague de la covid-19 », soutient Moussa Diaw.
PR MOUSSA DIAW : «Macky pouvait éviter cet agissement qui crée un débat non prioritaire »
Pourtant Macky Sall et son clan pouvaient bien éviter cet agissement contre Sonko qui va créer un débat non prioritaire, si l’on en croit le professeur Moussa Diaw. Pour ce faire, il faut procéder sans attendre à des réformes sur les partis politiques et de leur financement afin de régler cette question plutôt que de chercher à l’instrumentaliser à des fins politiques. Cette velléité pourrait, pense-t-il, engendrer des situations incontrôlables « si elle correspond à une stratégie de «neutralisation» d’un opposant gênant par ses invectives politiques et les attaques centrées sur la gouvernance de la majorité. » À la question de savoir comment Macky devrait s’y atteler pour éviter de créer une dualité entre lui et Ousmane Sonko ? L’enseignant chercheur à l’UGB pense que tout reste dans les débats d’idées et des propositions concrètes allant dans le sens de convaincre les citoyens d’une bonne gouvernance et des politiques publiques conformes aux attentes ou aspirations des populations. « La communication judicieuse et des arguments solidement ancrés dans des offres programmatiques représentent des voies à privilégier dans la compétition politique au sein d’une démocratie à revitaliser », pense en conclusion le professeur Moussa Diaw. Par cette méthode, si Macky Sall pense neutraliser un adversaire insaisissable, il est encore en train de s’aventurer dangereusement contre Ousmane Sonko et son parti. Ses conseillers et « amis » de Benno Bokk Yaakar risqueraient de le conduire avant même 2024 au bûcher…
par l'éditorialiste de seneplus, emmanuel desfourneaux
LE NOUVEAU PLAN DE MACKY SALL À DOUBLE FACE POUR CETTE ANNÉE
EXCLUSIF SENEPLUS - Avec la suppression de la CREI, le président cherche à se protéger. Le rapport de force est à l'avantage des Wade. Les équations sont plus complexes qu'on ne le croit du côté de l'APR
Emmanuel Desfourneaux de SenePlus |
Publication 05/01/2021
Il l'a fait ! Enfin ! Bien que Macky Sall ait mis en place la Cour de Répression de l'Enrichissement Illicite (CREI), il décide de la supprimer après 8 ans d'existence polémique. Il se dédit. C'est un fait unique dans la politique sénégalaise qui n'a pas été suffisamment souligné par la presse. C'est un acte politique majeur qui conditionnera 2021. Contrairement à ce que je lis, ce n’est pas l’ONU qui a contraint Macky Sall à revoir sa copie sur la CREI. Ce n’est donc pas une victoire des avocats de Karim Wade, encore moins du justiciable ; c’est plutôt la mise en scène d’un jeu d’échec politique où un nouveau pion vient d’être déplacé par le joueur Macky Sall.
Un an après la débâcle de la diplomatie sénégalaise à Genève, le président sénégalais valide, sans le dire expressément, les observations du Comité des Droits de l'Homme. Il reprend à son compte la principale critique onusienne, à savoir l'absence d'une juridiction d'appel. Pour ma part, c'est la présomption de culpabilité qui posait un problème. D’ailleurs, reprendre les arguments dudit Comité sur le double degré de juridiction est un moindre mal. C’était la CREI qui était viciée, contraire à la Constitution sénégalaise de 2001.
Je ne peux qu'approuver cette décision politique salvatrice. Amadou Ba et Mimi Touré ne sont plus aux côtés de Macky Sall, sa décision en a-t-elle été plus facile à prendre pour lui ? En tous les cas, après Genève, Amadou Ba était tenu pour responsable, en coulisse, par les plus grands leaders du PDS, de l'échec du rapprochement entre Macky Sall et les Wade.
Quelle joie de voir ses prédictions et ses invocations se produire en tant qu’éditorialiste ! Macky Sall nous prend tout de même de court comme d'habitude ! Le nouveau ministre de l'Intérieur, substitut du procureur près la CREI à l'époque du procès de Karim Wade, doit se sentir quelque peu dérangé par l'annonce de Macky Sall.
Le temps politique n'est pas celui de la Justice. Le budget 2021 de la CREI avait même été approuvé. Malgré les nombreuses imperfections de la CREI, il aura fallu attendre presque plus d'une décennie pour la supprimer. Il est évident que cette décision répond à des opportunités politiques du moment. Derrière cette annonce du nouvel an, il y a évidemment un calcul politique. Lequel ?
Le plan de Macky Sall se dessine en deux temps : la suppression de la CREI et l'Amnistie. Il se protège judiciairement et il séduit son ancien prisonnier, en la personne de Karim Wade.
Avec la création d'un parquet financier, l'exécutif conserve la main sur les poursuites "politiques" à venir. Il n'y aura donc pas de grande révolution concernant les menaces pesant sur l'opposition. Macky Sall pourra d'ailleurs utiliser ce nouvel instrument beaucoup plus vite, contre Amadou Ba, Mimi Touré et autres, si besoin est ! La CREI était lente, lourde. Un parquet, c'est plus souple, rappelez-vous la mise en cause de Khalifa Sall et sa condamnation à toute vitesse avant la validation des candidats de 2019 par le Conseil constitutionnel. Un exploit judiciaire !
Le nouveau parquet financier rapportera surtout à Macky Sall et à ses collaborateurs en cas de poursuites pénales lorsqu’ils perdront le pouvoir. L'enrichissement illicite disparait a priori de l'ordre juridique sénégalais puisque cette infraction était reliée à la CREI. Ainsi la présomption de culpabilité a juste été utilisée contre Karim Wade dont Macky Sall a pu apprécier les dégâts. Une fois pris en tenaille par la CREI, vous n'avez aucun moyen d'en réchapper. Le second mandat, c'est l'incertitude d'un troisième mandat. Il faut s'y préparer. L’avantage de ce parquet ? Dorénavant, il va falloir prouver. C'est une autre paire de manches sauf si les preuves sont évidentes !
Avec la suppression de la CREI, Macky Sall cherche à se protéger. C’est une évidence ! La CREI pouvait tôt ou tard se retourner contre lui. Il fallait s'en débarrasser. Il cherche aussi de nouveaux alliés. Je vous l’écris depuis longtemps, il veut Karim Wade à ses côtés. Pour à la fois diminuer l'opposition mais aussi et surtout s'offrir certaines adresses financières prestigieuses en vue d'achever ses chantiers. Eh oui le syndrome de la fin des chantiers ! La France en ce moment n'a plus d'argent dans les caisses ! Et si Bolloré, avec la complicité des diplomates français, a toujours été à la manœuvre pour la CREI, de sa réactivation jusqu'en octobre 2019 à Genève, il ne peut pas grand-chose pour le redressement économique du Sénégal. Et Bolloré n'est pas soutenu par Emmanuel Macron.
Cela discute ferme entre Macky Sall et les Wade : les portes s’ouvrent, se ferment. Il arrive même qu’elles claquent brutalement. Aucune des parties ne semble vouloir céder. Quoique ! Avec la suppression de la CREI, c’est un signal très fort qui a été lancé par le président. C’était une demande du PDS et des Wade. C’est obtenu. Le dernier discours de Karim Wade, me diriez-vous ? De la comédie sénégalaise ! Ou alors une mauvaise compréhension de l'évolution des faits politiques ! Chacun joue, et rejoue jusqu’à obtenir plus ! Malgré les critiques acerbes de Karim Wade à l’égard de Macky Sall, il n’évoque ni l’amnistie ni la révision judiciaire. Dans son long discours du nouvel an (habituellement, ils sont courts), il revient sur son exil forcé et sur le don qu’il a fait au moment du premier confinement sénégalais. Karim Wade, s’il tenait à éclairer l’opinion publique, avait l’opportunité de rappeler son unique demande : la révision judiciaire. Et en conséquence de rejeter l’amnistie dont un projet de loi serait dans les tuyaux de l'Assemblée nationale. Pourquoi revenir sur un don fait en mai et non sur l'amnistie débattue ces dernières semaines ?
L’amnistie est aujourd’hui admise au sein de la famille Wade, contrairement à ce qui est dit et écrit çà et là. La révision judiciaire est faite pour les justiciables (ce n’est pas chose facile à obtenir), pas pour les hommes politiques ! Pour la première fois depuis l'arrivée de Macky Sall, le rapport de force est à l'avantage des Wade. Comme me soufflait à l'oreille un membre de l'opposition, Karim Wade peut s'allier avec Khalifa Sall et gagner les élections législatives pour obtenir l'amnistie qui sera alors une demande du peuple. Macky Sall en connaît le danger. D'autant plus qu'il s'est séparé de son argentier, Amadou Ba. Les équations sont plus complexes qu'on ne le croit du côté de l'APR !
Il reste néanmoins des possibilités pour Macky Sall de tromper son monde. Il suffit de coupler les élections avec la présidentielle en 2024. Finalement, la politique sénégalaise n'en finit pas d'être un jeu de casse-tête ! Pas si sûr que cela profite aux populations !
Il me vient une idée : Et si Macky Sall, par la suppression de la CREI, introduisait une amnistie limitée à toutes les condamnations rendues par la CREI dont le président reconnaît l'illégalité. C'est une proposition que j'avais émise à l'époque : une sorte d’Amnistie-Révision. Ce serait un coup gagnant, assurément ! Karim Wade obtiendrait l'amnistie et non Khalifa Sall ! Vous imaginez un seul instant les frustrations politiques des uns et les joies des autres. Une bonne manière de diviser encore et encore l'opposition !
Je vous avoue qu’il m’est difficile de vous dire si le plan réussira ou si le plan se passera ainsi : les parties sont tellement secrètes et parfois fantasques. En revanche ce dont je suis certain, c’est qu’à partir du moment où le président lui-même reconnaît l'illégalité de la CREI au niveau procédural, il va bien falloir en tirer les conséquences pour le procès de Karim Wade. Une juridiction illégale engendre des condamnations illégales ! Là-encore, Macky Sall est maître du temps. Les négociations se poursuivent ; je préviens Karim Wade de ne pas être trop gourmand quel que soit le sentiment d’injustice qu’il éprouve depuis son séjour à Rebbeus. A vouloir trop réclamer la révision judiciaire, il pourrait l’obtenir par Macky Sall si ce dernier ne parvient pas à son dessein. Dans ce cas de figure, la révision pourrait être longue, très longue à obtenir.
Bonne année 2021, politiquement parlant elle nous réserve encore beaucoup de surprises !
Retrouez ci-dessous, tous les articles signés de notre éditorialiste, sur la CREI :
«IL Y A DES GENS, QUAND ON LES ARRETE, CELA PEUT CONDUIRE LE PAYS DANS LE CHAOS»
Lors de son « Grand Entretien » avec la presse le 31 décembre dernier, le président Macky Sall a lâché une phrase qui en dit long sur les relations entre l’Exécutif et le pouvoir judiciaire
Lors de son « Grand Entretien » avec la presse le 31 décembre dernier, le président Macky Sall a lâché une phrase qui en dit long sur les relations entre l’Exécutif et le pouvoir judiciaire. Expliquant l’absence de poursuites contre des personnalités épinglées par les corps de contrôle, Macky Sall a soutenu que l’arrestation de certaines personnes peut faire sombrer le Sénégal dans un chaos total.
Face à la presse le 31 décembre dernier, Macky Sall a fait une révélation fracassante sur les relations jugées parfois sulfureuses entre l’Exécutif et le Judiciaire.
Pis, le chef de l’Etat a laissé entendre que le pays compte quelques intouchables qui ne doivent pas l’objet de poursuites judiciaires quelles que soient leurs fautes. « Le Procureur de la République est investi du pouvoir de poursuites. Donc, Il lui revient de voir s’il vaut la peine de poursuivre ou de ne pas poursuivre une personne. Il peut, dès fois, arriver qu’il soit amené à arrêter une personne dont l’arrestation peut conduire le pays dans un chaos total», a clamé le président de la République sans sourciller devant des journalistes triés au volet.
Et de mettre carrément les pieds dans le plat en assument entièrement la mise sous le coude de certains dossiers. «Le Procureur peut être dans un dilemme qui peut l’amener à demander l’avis du ministre s’il doit arrêter ou non cette personne. Et le ministre remonte l’information au président de la République. Si le Président estime que l’arrestation de cette personne peut conduire à un désastre, il pourrait amener à étudier d’autres conditions à appliquer à cette personne pour régler son cas», a soutenu Macky Sall vers la fin de son entretien.
Il convient de noter que cette gravissime déclaration a failli passer inaperçue. Que ce soit l’opposition ou la société civile p romptes à rappeler le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs n’ont pas jugé utile de réagir à cette sortie. Contacté par «L’As», l’enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis Moussa Diaw juge extrêmement incompréhensible ce discours du chef de l’Etat. « Même s’il le pensait sérieusement, il ne devrait pas le dire. Parce que sa parole peut donner une certaine légitimité à ce discours», relève l’analyste politique qui estime que ces propos exposent particulièrement le Président. «D’autant que cela donne une idée de ce que représente la Justice aux yeux des citoyens. Alors qu’en démocratie, il faudrait une séparation des pouvoirs», dit le Pr Moussa Diaw qui relève ainsi l’excès de pouvoirs de l’Exécutif. Compte tenu du fonctionnement du système judiciaire, souligne l’analyste politique, il va s’en dire que l’Exécutif s’immisce très souvent dans des dossiers qui relèvent du domaine de compétence du pouvoir judiciaire. «On ne peut pas dire qu’il y a des gens qui sont au-dessus de la loi. Par exemple, on a vu dans le Fouta que la condamnation d’une personnalité religieuse a entrainé l’affectation d’un juge et l’affaire avait fini par créer des remous au sein de la Magistrature», rappelle-t-il.
Pour éviter des cas de cette nature, Moussa Diaw invite le président de la République à quitter le Conseil Supérieur de la Magistrature (Csm). «Je ne pense pas que l’Etat soit faible parce qu’il y a des Institutions au Sénégal qui correspondent à une démocratie. Mais, il faut réformer ces Institutions de façon à les adapter par rapport aux aspirations des citoyens. Il faudra aussi des leaders qui pourront extérioriser un certain nombre de principes de ces Institutions à la hauteur des enjeux qui interpellent les Etats», affirme Moussa Diaw. Malheureusement, dit-il, le Président Macky Sall n’est pas prêt à inverser la tendance. «D’autant que l’actuel chef de l’Etat continue à défendre des principes de gouvernance propres au temps de Senghor qui est d’une autre époque», lance l’enseignant-chercheur.
LA POPULATION CRIE A UNE MONSTRUOSITE ECOLOGIQUE
Regroupées autour d’un collectif dénommé Association pour la Défense, la Protection et la Sauvegarde Ecologique du site de Ndougouman et alentours, elles dénoncent le «projet le plus scandaleux de l’Etat» et interpellent directement le chef de l’Etat.
Les populations de Ndayane sont très remontées contre les autorités étatiques qui veulent ériger un port dans leur localité. Regroupées autour d’un collectif dénommé Association pour la Défense, la Protection et la Sauvegarde Ecologique du site de Ndougouman et alentours, elles dénoncent le «projet le plus scandaleux de l’Etat» et interpellent directement le chef de l’Etat.
Les membres de l’Association pour la Défense, la Protection et la Sauvegarde Ecologique du site de Ndougouman et alentours ne lâchent pas prise sur l’affaire dite du port de Ndayane. Après une première plainte déchirée par le juge du tribunal de Mbour prétextant que l’association n’était pas habilitée à porter plainte, les jeunes, à travers leur avocat Me Doudou Ndoye ont réintroduit une nouvelle plainte. Ils estiment que «la monstruosité d’une telle infrastructure mérite de la part des plus hautes autorités de la patience, de l’écoute, de l’humilité et non une posture d’adversité, d’écrasement et de violence verbale» adoptée par les autorités notamment celles en charge de l’environnement. Ces dernières, soutiennent les populations, ont refusé de donner suite à toutes leurs correspondances.
Dans un communiqué parvenu à «L’As», les membres de l’association dénoncent «la démarche de vanité et d’autorité injustifiable» du directeur du port qui, affirment-ils, a toujours répondu à leur questionnement concernant le projet du port de Ndayane par «des éloges inconsidérés et une posture à plat ventre face à l’investisseur Dp World». Raison pour laquelle ils interpellent directement le chef de l’Etat qui, clament-ils, avait estimé à 450 voire 600 hectares la superficie devant abriter le port. Mais, ils ont été grandement surpris de relever dans un communiqué du service des Impôts et Domaines de Mbour la surface totale retenue pour la construction du deuxième port du Sénégal. «Le document fait état d’une expropriation de 1 200 hectares qui a été annoncée par le Président lui-même, contrairement à sa décision précédente portant sur 600 hectares, au plus», soulignent avec déception les membres du Collectif qui soupçonnent «un inacceptable hold-up de fonctionnaires camouflés et dénués de toute valeur morale».
Dans la même veine, ils regrettent que les études environnementales qui devaient accompagner le projet soient restées à ce jour «dans une insoutenable nébuleuse». Forts de tout cela, ils interpellent directement le président de la République pour que les autorités analysent les conséquences «néfastes» de ce projet qui ne semble pas avoir été mesurées. Entre autres conséquences, le collectif cite une dépossession massive des terres, le mépris des droits des citoyens, l’arrivée de maladies infectieuses et handicapantes dues à de violentes pollutions, un chômage accru, la disparition de la pêche artisanale, la disparition des commerces des femmes de Ndayane-Toubab-Dialaw-Yène, la prostitution, l’errance et la misère.
Par ailleurs, ils invitent Macky Sall à mettre fin à ces méthodes mafieuses, en demandant que soit publiée la liste totale des propriétaires à qui ont été affectés les 1 200 hectares déclarés. «Car, ne pas le faire, c’est laisser l’opacité et la corruption vaincre la lumière», disent-ils avant d’exiger de l’autorité le dialogue, le travail en commun, une étude d’impact et environnementale comme l’exige la loi rendue publique, un contrôle démocratique et un débat à l’Assemblée Nationale sur le sujet, la création d’une commission spéciale pour clarifier l’impact environnemental écologique et social ainsi que le soutien des maires par l’information et non par la cachotterie.
MACKY TORD LE BRAS À EIFFAGE ET DPW
Par fait du prince, le chef de l’Etat a renégocié le contrat d’exploitation de l’Autoroute à péage. Il est demandé au géant français de mettre en application ses propositions dans quinze jours
Par fait du prince, le chef de l’Etat a renégocié le contrat d’exploitation de l’Autoroute à péage. Du coup, Macky Sall demande au géant français de mettre en application ses propositions dans quinze jours. Il l’a fait savoir au Pdg de Eiffage, Benoît de Ruffray, qu’il a reçu en audience le 29 décembre dernier. Conséquence : au lieu de 1000 francs CFA, la Société Eiffage de la Concession de l’Autoroute de l’Avenir (SECAA SA) va débourser 800 millions chaque année pour la location du foncier. Cerise sur le gâteau, l’Etat du Sénégal devient actionnaire à hauteur de 25% dans ladite société.
Dans son discours du 31 décembre dernier, Macky Sall a crevé l’abcès sans donner détails : l’Etat est désormais actionnaire dans la société concessionnaire de l’Autoroute à péage. En effet, « L’AS » a tenté d’aller plus loin.
D’après une source officielle anonyme , en réalité, le président de la République a imposé la renégociation du contrat avec la Société Eiffage de la Nouvelle Autoroute Concédée (SENAC S.A.) alors qu’aucune clause ne prévoyait cela. Jugé scélérat et totalement en défaveur du Sénégal, le contrat initial établi sur 30 ans prévoyait 50 mille passages quotidiens.
Visiblement, la Société Eiffage de la Concession de l’Autoroute de l’Avenir (SECAA SA) qui en est la gestionnaire est en train de réussir des prouesses. Grâce à sa gestion et la qualité de son service, le flux dépasse même 100 mille au quotidien. Une aubaine qui a permis à Eiffage de rembourser une bonne partie de ses dettes aux partenaires ayant financé cette première Autoroute du pays dite autoroute de l’Avenir. Cela a suscité un appétit gargantuesque du Sénégal notamment des associations de consommateurs qui ont réclamé purement et simplement la reprise de la concession. Sans crier gare, Macky Sall a reçu et imposé ses desiderata au Pdg de Eiffage international, Benoît de Ruffray, qu’il a rencontré le 29 décembre dernier.
D’après nos sources, l’Etat va s’adjuger 25% dans ladite société pour seulement dix milliards soit 50% du prix initial. Aussi la location du foncier de l’autoroute, qui coûtait la modique somme de 1000 francs CFA le mètre carré toute l’année au concessionnaire, est maintenant estimée à 800 millions de nos francs. Qui plus est, le compte séquestre qui reçoit les recettes issues des passages au-delà de 50 000 va être supprimé au bénéfice de l’Etat.
D’ailleurs, soulignent-elles, Macky Sall a donné 15 jours à Benoît de Ruffray pour finaliser avec ses collaborateurs l’accord sur la base des conditions précitées. Nous avons tenté de recueillir la version de la SECAA SA mais en vain. Signé entre l’Etat et le Groupe Eiffage pour un coût d’investissement qui s’élève à 148 milliards de F CFA sous Karim Wade, le contrat d’exploitation de l’infrastructure est établi sur une période de 30 ans.
Récemment, un rapport réalisé par Legs Africa expliquait que de 2009 à 2019, l’Autoroute à péage a fait un chiffre d’affaires de 147 milliards CFA alors que ce sont 107 milliards qui étaient prévus durant ces 10 ans. Ainsi la décision du chef de l’Etat va sans doute mettre du baume au cœur des membres du Collectif Citoyen des usagers de l’Autoroute à Péage (CCUAP) qui appréhendent ce partenariat entre le gouvernement et la SECAA SA comme un contrat léonin.
PORT DE NDAYANE, MACKY EFFACE KARIM WADE
Étant donné que chat échaudé craint l’eau froide, Macky Sall a encore pris les devants dans un autre grand projet en décidant de faire de l’Etat un actionnaire dans la société concessionnaire, avant sa mise en œuvre. Il s’agit du Port de Ndayane dont le contrat a été négocié aussi par le fils de Wade. Sans contrepartie financière, l’Etat va détenir 40% des actions de DP World, chargé de piloter le projet. Le groupe émirati va d’ailleurs investir plus de 840 millions de dollars, soit plus de 448 milliards de francs CFA pour la réalisation de la première phase du port en eau profonde de Ndayane.
L’infrastructure sera le plus grand port d’Afrique de l’Ouest et pourra accueillir les plus grands navires, d’après les autorités étatiques. Elle sera également jumelée à une zone économique spéciale pour « en faire un pôle qui pourra accueillir un grand nombre d’investisseurs et contribuer ainsi à la création de milliers d’emplois pour la jeunesse ». Dans ces deux cas, il est fort approprié de dire qu’à quelque chose, il est bon d’être dictateur…
OUSMANE SONKO, LE PHÉNIX
De la radiation de la fonction publique à une campagne de diabolisation en passant par le parrainage destiné à freiner l’ancien inspecteur des Impôts et Domaines, le régime n’a pas lésiné sur les moyens pour stopper sa progression
Les menaces de dissolution que le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Diom a faites contre Pastef montrent des velléités de museler un Ousmane Sonko qui, depuis son entrée en politique, donne le tournis au pouvoir. De la radiation de la fonction publique à une campagne de diabolisation en passant par le parrainage destiné à freiner l’ancien inspecteur des Impôts et Domaines, le régime n’a pas lésiné sur les moyens pour stopper sa progression. Mais tel un Phénix, Ousmane Sonko renait toujours de ses cendres.
2014. C’est la date de la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE). C’est aussi l’année où le parti Pastef et son président Ousmane Sonko ont fait un saut en politique. Et depuis lors, le gouvernement n’a ménagé aucun effort pour mettre en pratique le PSE.
Paradoxalement, la même volonté est notée chez le régime de Macky Sall pour freiner les velléités politiques du leader de Pastef. Se positionnant dans le paysage politique sénégalais avec un discours de rupture fait de révélations sur la gouvernance du Macky, accusant notamment certaines personnalités politiques d’avoir bénéficié illégalement d’avantages fiscaux, Ousmane Sonko a commencé à accrocher une partie de la jeunesse et la diaspora. Il avait révélé dans la foulée que l’impôt sur les salaires des députés n’a pas été prélevé pendant plusieurs années.
Formé à l’Ena et riche d’une expérience de 15 ans à la DGID comme inspecteur des Impôts et Domaines, le ‘’phénomène ‘’ Sonko commence à inquiéter au plus haut sommet. Le 29 aout 2016, la sentence tombe : «Monsieur Ousmane Sonko, inspecteur des impôts et domaines (…) est révoqué sans suspension des droits à la pension pour manquement à l’obligation de discrétion professionnelle», lit-on dans le communiqué qui sonne le glas de la carrière de cet homme politique de type nouveau. Les Sénégalais ayant manifestement un faible pour les victimes, sa trajectoire politique prend ainsi le sens inverse de sa carrière professionnelle. Loin de le museler, cette décision va davantage revigorer le leader des ‘’patriotes‘’.
Ousmane Sonko ne désarme pas et continue les sorties au vitriol contre les tenants du régime. De plus en plus, Pastef a le vent en poupe. Sur l’ensemble du pays et de la Diaspora, les adhésions se multiplient. Le «Phénix» Ousmane Sonko renait de ses cendres. Presque une année après sa radiation, il est élu à l’Assemblée nationale.
Décrit comme une personne radicale et cohérente dans ses discours, le député Ousmane Sonko donne le tournis à la majorité et aux ministres à chacune de ses interventions à l’hémicycle de la Place Soweto. Dans la foulée, il oriente le débat économique sur la transparence dans la gestion du pétrole, du zircon et des autres ressources du pays. Il accuse aussi de hauts dignitaires du régime comme le frère du Président Aliou Sall et l’ancien directeur des Domaines Mamour Diallo de détournements.
Ainsi, des chercheurs en sciences politiques aussi avertis que Maurice Soudiek Dione et Moussa Diaw trouvent que le «patriote» est une bonne nouvelle pour la démocratie sénégalaise. En face, le régime ne se laisse pas faire et abat ses cartes. Aventurier, intégriste, rebelle, opposé aux confréries, novice, immature…, les termes ne manqueront pas pour ‘’diaboliser’’ M .Sonko. d’ailleurs, le parrainage devait entre autres régler le problème des opposants politiques sans représentativité et créés de «toutes pièces par les medias».
Avec ce nouveau mécanisme, le phénomène Sonko ne devait sortir des «réseaux sociaux». Et cette «bande de dissidents» de l’administration serait vite une page tournée. Mais l’énarque passe haut la main cette étape des parrainages et prend le cap pour l’élection présidentielle de 2019. Auparavant, il a déjà sorti un livre pour mettre en exergue les goulots qui, selon, qui étranglent le développement du Sénégal tout en ébauchant sa vision.
Avant l’élection de 2019, il est la cible de nombreuses attaques si bien que le chroniqueur Babacar Justin Ndiaye dira à ce sujet : «Si Sonko est attaqué, il tient le haut du pavée. S’il attaque, il tient le haut du pavée. Ses adversaires n’ont qu’à faire attention». Le Président Macky Sall est réélu à l’issue de l’élection de 2019 mais désormais avec la certitude que «Sonko n’est plus un phénomène, mais une réalité politique». Depuis cette date, le président du parti Paest, loin de s’essouffler, continue d’étendre ses tentacules.
Avec l’entrée de Rewmi (Ndlr : arrivé deuxième lors de la dernière élection présidentielle) dans le gouvernement et la dislocation de la coalition Jotna, le Président Macky Sall semblait reprendre la mainmise sur ses adversaires. Mais avec ce dernier communiqué du ministre de l’Intérieur mettant en garde le Pastef après son «Nemeku Tour» à succès, commerce à perdre encore le contrôle du paysage politique.
Ousmane Sonko a visiblement repris la main eu égard à la salve de soutiens et d’indignations qui a suivi la sortie de Antoine Féix Diome. Jusqu’où ira le régime de Macky Sall pour adoucir les ardeurs du flinguant politicien ? Dans tous les cas, la bataille sera âprement disputée d’ici 2024.Et les munitions sont loin de finir des deux côtés.