La balade de Macky déchaîne les passions
Sans escorte visible et accompagné de sa fille, le Président Macky Sall était au volant de sa voiture pour faire un tour dans les artères de la capitale sénégalaise, ce samedi. Dans une vidéo virale sur les réseaux sociaux et reprises en boucle par ses admirateurs qui l’exhibent comme un trophée de guerre, le chef de l’Etat, à bord de son véhicule semble admirer les changements intervenus sous son magistère. Quelques instants après, la publication a déchaîné toutes les passions. Aussitôt, les internautes ont commencé à réagir, les commentaires allant bon train. Si beaucoup ont salué la démarche du Président parlant d’humilité, d’autres dénoncent une opération de charme de mauvais goût. Pour ces derniers, cette mise en scène digne d’une propagande russe intervient dans un contexte social et économique inapproprié.
Des malfaiteurs arrêtés à Saint-Louis
Les voleurs reprennent du service à Saint-Louis. Avant-hier, c’est la station d’essence située à la cité Vauvert qui a été visitée dans la soirée par des malfaiteurs. Ces derniers, organisés en bande, ont fait irruption et battu sauvagement le caissier qui a reçu plusieurs coups de couteau. Ils l’ont par la suite ligoté avant d’emporter l’argent avec eux. Après avoir réussi leur coup, ils se sont évaporés dans la nature. Alertés, les gendarmes ont vite quadrillé la zone sur un rayon de dix kilomètres. Les malfaiteurs n’ont pas été chanceux puisqu’ils ont été arrêtés à quelques encablures de la brigade de Gendarmerie de Khor. La victime, évacuée aux urgences de l’hôpital de Saint-Louis, se porte mieux. La bande est entre les mains de la justice. Une enquête est ouverte par les pandores.
Accident d’un véhicule «Tata» à Guet-Ndar
Les transporteurs sont revenus à de meilleurs sentiments. Après l’accident qui avait emporté un enfant de 8 ans à Guet-Ndar, les populations avaient brûlé le bus impliqué dans l’accident. Un acte qui avait irrité les transporteurs qui avaient décidé de suspendre la ligne 3. Mais le maire de Saint-Louis, Amadou Mansour Faye, a réuni les deux parties pour arrondir les angles. Au début de la rencontre, la discussion a été très houleuse. Finalement, un compromis a été trouvé. M. Faye a demandé aux conducteurs de «Tata» de revenir à de meilleurs sentiments et de reprendre la ligne 3, avant de les appeler à la prudence à Guet-Ndar qui est un quartier populeux. Aussi, Mansour Faye a-t-il salué le courage des deux camps. Le porte-parole des populations dudit quartier, Oumar Sarr et le président de la fédération des transporteurs de la région de Saint-Louis, Ibrahima Diol, ont plaidé pour un apaisement. Cependant, ils ont regretté ce qui s’est passé avant de prier pour le repos de l’âme de la victime Mouhamed Thiam.
Décès de l’ingénieur foreur Henry Gunning
Jusque-là, seuls des dégâts matériels ont été enregistrés suite à l’incendie du puits de gaz de Ngadiaga. Hélas ! On déplore depuis samedi une perte en vie humaine. L’ingénieur foreur Henry Gunning de Forteza, qui s’était brûlé lors de l’accident et transféré à l’hôpital Principal de Dakar, est finalement décédé.
Erection de Boune en commune
Les populations de Boune poursuivent la lutte pour l’érection du village en Commune. Les habitants ont lancé un cri du cœur à l’occasion des 72 heures de Boune, un événement organisé par la fédération des acteurs pour le développement du village. Le président de ladite fédération, Moussa Camara a décrié le retard de changement de statut du village en cause, le mauvais découpage administratif de 1996. A cet effet, M. Camara a expliqué au cours d’une journée de don de sang que leur village manque d’infrastructures éducatives et sanitaires. Il n’y a qu’une seule école élémentaire publique, et un seul poste de santé qui dispose d’ambulance pour les 19 quartiers.
Un électricien de bâtiment pris avec 500 g de drogue
L’électricien de bâtiment, Saliou Nd. habitant à Malika, se livre à ses heures perdues à la vente de l’herbe qui tue. Mais la police a mis fin à son business. Il a été alpagué par les limiers du Commissariat des Parcelles assainies avec 500 grammes de chanvre indien. Selon nos sources, c’est lors d’une opération de sécurisation que les hommes du commissaire Thierno Diop, notamment ceux de la brigade de recherches, ont investi le quartier Nord-Foire et environs. Les limiers avaient établi une planque pour surveiller les moindres déplacements des gens près du terrain de basket. Une surveillance qui a porté ses fruits car, Saliou qui avait un comportement suspect a été interpellé. Sa fouille a permis la découverte par devers lui de 500 grammes de chanvre indien en vrac. Interpellé sur la provenance de la drogue, le dealer déclare l’avoir acquis à Rufisque pour les besoins de sa propre consommation. Il est conduit au commissariat de Police et placé en garde à vue après son audition. Il sera par la suite déféré au parquet pour détention et trafic de chanvre indien.
Les jeunes réclament le centre de santé de Cas-Cas
Les jeunes de l’Ile à Morphil, regroupés autour du mouvement dénommé «génération Alternative», sont très remontés contre les autorités sénégalaises. Ils dénoncent, en effet, les lenteurs dans la construction du Centre de Santé de Cas-cas dont la pose de la première pierre remonte à plus de deux décennies. Le porte-parole du mouvement, Amadou Tidiane Lom, estime que la pandémie de covid-19 qui n’épargne aucune localité du pays doit enfin inciter les autorités à accélérer les travaux d’achèvement du centre afin de le rendre fonctionnel avant la fin de l’année 2021. C’est la seule manière, dit-il, de réduire les longues distances lors des évacuations des malades de l’Ile à Morphil vers Ndioum, Matam ou Saint-Louis, distantes de plusieurs kilomètres. Ainsi la «Génération Alternative» déplore qu’après six décennies d’indépendance, les populations du département de Podor continuent de mourir faute d’infrastructures sanitaires dignes de ce nom. Poursuivant, le porteparole du mouvement renseigne qu’au mois de décembre, deux personnes sont décédées au cours de leur évacuation sur Dakar, sans compter le nombre de femmes enceintes qui perdent quotidiennement la vie dans la localité, faute de structures médicales.
Mame Thierno Wagne, la 2e victime de l’incendie de Badalona
Le deuxième sénégalais décédé dans l’incendie de Badalona en Espagne est formellement identifié. Il s’agit de Mame Thierno Wagne, un jeune originaire de Kaolack. A rappeler que la première victime de cet incendie est Baye Guèye. Aujourd’hui, le bilan définitif de cet incendie est de 4 morts dont deux Sénégalais, deux Gambiens (Diouldé Salla et Fatimata Dramé) et 18 blessés. Ces derniers sont tous sortis des hôpitaux sauf deux Sénégalais qui sont encore sous traitement.
Un avion d’Air Sénégal endommagé par un container
Un choc qui n’est pas sans conséquences pour la compagnie Air Sénégal. L’avion baptisé Sine-Saloum de la compagnie nationale a été heurté hier par un container à l’aéroport de Roissy. L’incident a eu lieu lors d’une opération de manutention qui a cloué l’avion au sol. L’avion qui devait opérer le vol d’hier entre Paris et Dakar fait l’objet d’une inspection et de maintenance. Cependant, la compagnie rassure que les passagers sont pris en charge à l’hôtel et ils seront avisés de l’heure de départ.
144 cas communautaires et 02 décès
La courbe de contamination du virus poursuit son ascension. Et ce n’est pas demain son fléchissement au regard du comportement des populations qui ne respectent plus les gestes barrières. Durant le week-end, le taux de positivité a été de 8,55%. En fait, sur les 2749 tests réalisés 240 sont revenus positifs à la covid-19. Sur ce nombre, les 144 cas positifs sont issus de la transmission communautaire contre 96 cas contacts. Les cas communautaires sont recensés à Kaolack (13), Touba (16), Dahra (4), Dakar-Plateau (9), Maristes (3), Grand-Dakar (2), Matam (3), Mbao (2), Thiès (7), Almadies (3), Amitié (2), Bambey (1), Cité-Biagui (1), Cité-Millionnaire (1), Darou-Mousty (2), Grand-Yoff (1), Guinguinéo (2), Louga (2), Mamelles (1), Mbour (4), Ouakam (3), Ouest-Foire (2), Ourrossogui (1), SacréCœur-3 (1), Saraya (1), Tivaouane-Peul (2) et Yoff (3), Fatick (5), Saint-Louis (6), Mermoz (4), Linguère (3), Parcelles Assainies (3), Tivaouane (3), Castors (2), Joal(2), Khombole (2), Liberté-5 (2) Mbao (2), Médina (2) Ngor (2), Sud-foire (2), Diourbel(1), Fann (1), Kaffrine (1), Coki(1), Liberté-4 (1), Liberté-6 (1), Mamelles (1), Maristes (1), Richard-Toll (1), Rufisque (1), Scat-Urbam (1), et zone-B (1). Cependant, le taux de guérison reste élevé. Durant le week-end, 151 malades de covid-19 sont déclarés guéris. Les cas graves ont connu une légère baisse à cause des deux décès enregistrés. Hier, 32 malades étaient pris en charge dans les services de réanimation. A ce jour, le Sénégal a enregistré 18 609 cas positifs dont 16 936 guéris, 388 décédés, et 1284 sous traitement. 1254 sous traitement. Le Ministère de la Santé et de l’Action sociale exhorte les populations au respect strict des mesures de prévention collective et individuelle.
Les mises en garde de l’OMVS
Le patron de l’Organisation mondiale de la santé(Oms) Tedros Adhanom Ghebreysus a appelé dans un message vidéo à tirer les leçons de la pandémie de Covid-19 pour mieux se préparer aux prochaines épidémies. «La pandémie provoquée par le coronavirus ne sera pas la dernière et les tentatives pour améliorer la santé humaine sont vouées à l’échec si on ne s’attaque pas au changement climatique et au bien-être animal», soutient-il. Cependant, il condamne aussi l’engrenage dangereusement myope qui consiste à dépenser de l’argent sans compter, lorsque flambe une épidémie mais à ne rien faire pour se préparer à la prochaine. Pour Tedros, il était temps de tirer les leçons de la pandémie de Covid-19. «Pendant trop longtemps, le monde a fonctionné selon un cycle de panique et de négligences. Nous jetons de l’argent sur une épidémie et quand elle est terminée, nous l’oublions et ne faisons rien pour empêcher la suivante», regrette-t-il. A l’en croire, l’histoire nous dit que ce ne sera pas la dernière pandémie et les épidémies sont une réalité de la vie. Pour l’ancien ministre éthiopien de la Santé, la crise du coronavirus n’aurait pas dû être une surprise, étant donné les avertissements répétés. Selon lui, tous les pays devraient investir dans des capacités de préparation pour éviter, détecter et atténuer les urgences de toutes sortes, c’est pourquoi il appelle à un renforcement de l’offre de soins.
Pape Diouf et le «battrer»
Malgré l’interdiction de rassemblements à cause de la propagation de la covid-19, le chanteur Pape Diouf a tenu à organiser sa soirée. Une soirée qui a vu des sénégalais distribuer de manière ostentatoire des liasses de billets dans un contexte de conjoncture économique redoutable. Mais, puisque dans ce pays, on ne fait que violer la loi, il ne sert à rien de rappeler qu’il y a une loi qui interdit la gabegie lors des cérémonies familiales.
PAR Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye
NOTRE NATION INTERPELLÉE
S.O.D., étudiant en dernière année de médecine à l’Université Cheikh Anta Diop, souffre d’une aplasie médullaire. Sa santé est à notre charge ; et sa place, parmi nous
La plus dangereuse erreur qu’une nation puisse commettre est de dissocier son sort de celui de chacun de ses membres. Restée indifférente quand l’inacceptable se produit, se taire, quand elle doit prendre sa défense, contribuent à sa fragilisation. Pour être forts ensemble, il nous faut être aux soins de chacun.
L’épreuve tombée sur S.O.D. nous est adressée à tous. C’est notre réaction qui est attendue. Qui doit dire qui nous sommes, qui nous aspirons à être.
Cet étudiant en dernière année de médecine à l’Université Cheikh Anta Diop souffre d’une aplasie médullaire. Une maladie rare rendant insuffisante la production, par sa moelle épinière, des lignées sanguines. Elle l’a pris de court il y a un an, alors qu’il était au service de notre nation, en stage rural à Saraya, à l’Est de notre pays.
Aujourd’hui, la vie du natif de Thiaroye est menacée : si aucun traitement ne lui est procuré.
Sa situation est critique, à bien des égards.
Il y a d’abord cette course contre la montre, pour la vie. Qui vient s’immiscer, faire irruption, dans le parcours de S.O.D. Il s’apprêtait à être médecin, non celui à soigner en toute urgence.
Il y a aussi la question de moyens, d’argent (encore lui !). Une somme de 288 000 000 F CFA. Que sa famille, sans savoir comment y parvenir, est sommée de débourser, dans l’espoir de le garder en vie. En l’envoyant se faire soigner en France, le traitement de l’aplasie médullaire n’étant pas disponible au Sénégal.
Un fait insupportable, invivable, pour lui et pour nous tous. Un pied de nez, un échec, un défi à la fois. Que notre pays ne dispose pas des compétences pour soigner cette maladie est déjà grave. Que l’accès aux soins soit déterminé par la richesse d’une personne, sa capacité à s’offrir un tourisme médical, l’est davantage.
Que des cas comme celui de S.O.D. soient récurrents, et que nous les abandonnions dans les mains épuisées de leurs familles, dans la douleur et le dénuement, en attendant que la mort arrive, est affreux.
Quelles sont les actions prises par l’Université Cheikh Anta Diop, le COUD, les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé, l’Ordre des médecins, la présidence de la République et la mairie de Thiaroye ? Où en sont-ils dans leurs démarches ? Ou comptent-ils rester derrière, taciturnes, en attendant que l’Amicale des étudiants de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie finissent de faire le travail à leur place ?
À côté de ces derniers, qui ont organisé un appel à contribution, nous devons refuser de livrer S.O.D. à la mort. Celui-ci, qui est le premier à se battre, dans la dignité et l’excellence, contre la fatigue et les saignements incontrôlés, doit soutenir sa thèse dans quelques semaines.
Sa santé est à notre charge ; et sa place, parmi nous. Demain, rétabli, S.O.D. le chirurgien pédiatrique, redonnera le sourire à nos enfants. Qui, cette fois-ci, seront soignés chez nous.
Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye est ancien Enfant de Troupe du Prytanée Militaire de Kadiogo (Burkina Faso). Diplômé en droit de Sciences Po Paris et de Panthéon-Assas, il est l’auteur du blog Assumer l’Afrique.
LA CHRONIQUE HEBDO DE PAAP SEEN
RUFISQUE, VILLE RUINÉE (2)
EXCLUSIF SENEPLUS - Le visage de Rufisque est hideux. Ce qui frappe l’observateur, en regardant la ville, c’est la crasse, le délabrement et toutes les énergies qui se perdent dans le vide - NOTES DE TERRAIN
Vendredi 25 décembre 2020. 17 heures. Je n’étais pas venu à Rufisque depuis trois semaines. Ça fait beaucoup. Je ressens comme un manque, à chaque fois je reste longtemps loin de la cité de Maam Kumba Làmb Ndóoy. Malheureusement, je n’ai plus vraiment le temps d’y aller chaque week-end. Il y a toujours un sentiment désagréable qui me saisit, à chaque fois que je pose les pieds dans la ville. J’ai l’impression que quelque chose a changé. Mais dans le mauvais sens. Rufisque est une ville, de culture et d’histoire, négligée. Elle semble figée dans le passé. Telle une œuvre d’art à l’abandon, qui perd d’année en année son éclat, mais n’en reste pas moins authentique. C’est pourtant avec grand plaisir que je flâne dans les artères de la ville. Pour observer la prodigieuse somme des vies et des choses contradictoires qui germent en elle.
D'habitude, lors de mes promenades, je fais un long tour qui mène dans plusieurs quartiers de la ville. Mais aujourd’hui, j’ai à peine marché moins de dix minutes, avant de me rendre compte que mon pied enflait. Une blessure mal soignée, qui s’est réveillée, et qui fait mal. Ce n’était pas assez dissuasif. J’ai décidé d’aller, au moins, à Jokkul. Je me suis aperçu qu’il y avait des Jakarta stationnés au bord de la route. En m’approchant, trois chauffeurs de motos-taxis m’ont hélé. J’ai négocié avec celui qui était le plus proche. Il a proposé de faire la course à 500 F CFA. Nous nous sommes entendus pour une course à 300 F CFA, en aller simple. En montant sur la moto, mon genou continuait à me faire souffrir, j’ai proposé au chauffeur un aller-retour.
Il ne connaissait pas bien Jokkul. Je lui ai indiqué le chemin. Il s’appelle Mandaw. Il exerce le métier depuis deux ans. Il a acheté la moto à 390.000 F CFA, après avoir beaucoup trimé pour épargner des sous. Avant, il transportait des marchandises avec un pousse-pousse. Il est originaire du Saalum. Du village de Jóli. Il est arrivé à Rufisque en 2016, et habite Ndar-gu-ndaw. Sur le chemin du retour, je lui ai posé des questions sur ses perspectives d’avenir. Se plaisait-il dans ce métier de chauffeur de moto-taxi ? Comptait-il faire autre chose de sa vie ? Il n’était pas trop bavard. Il m’a juste confié que ça allait pour lui. Le travail qu'il mène lui permet de subvenir à ses besoins. Il dépense 200 F CFA pour payer la caisse commune du garage.
Je me suis présenté. Je lui ai rappelé mes origines rufisquoises. Je lui ai dit que je n'habitais pas dans la ville, néanmoins. Je n’y viens que les week-ends, normalement. Je lui ai raconté ce que je faisais. Mandaw ne connaît pas sa date de naissance exacte. Il m’a avoué qu'il n’avait pas de papiers. Il n'a pas été déclaré à l'état civil à sa naissance. Il sait juste qu’il est né en 2002. Je lui ai alors dit qu’il n’avait pas pas vraiment d'existence juridique. Comme s’il n’était pas vivant. Et que fera-t-il si des flics lui demandent sa pièce d’identité ? Cette réflexion n’a pas dû lui plaire. Au début très sympathique, et disponible, Mandaw a commencé à esquiver gentiment mes questions. J’ai senti qu’il devenait laconique, et peu disposé à continuer la discussion. Peut-être que les clients, en général, ne l’importunent pas autant. Et que le fait que je n’arrêtais pas de confier un peu de ma vie, et de lui demander de révéler quelques vérités sur la sienne, le heurtait. J’ai pensé à lui demander son numéro de téléphone, pour me renseigner sur les démarches à mener pour avoir une pièce d’identité. Je me suis ravisé.
C’était la première fois que je montais à bord d’un Jakarta. La première fois que j’ai vu ces taxis à Rufisque, j’ai eu un petit frisson. J’étais dans la voiture de mon petit frère. Je lui ai dit que c’était la preuve de la déchéance totale de la ville. Rufisque n’est plus seulement en état de décrépitude, et sale. C'est aussi, maintenant, une ville qui accueille des milliers de jeunes, sous-éduqués, sans qualification ni savoir-faire. Une ville ruinée, qui n'a pas un secteur privé dynamique, capable d'absorber la quantité énorme de main-d'œuvre qu'elle doit pourtant héberger. J’admets qu’il n’y a pas de boulot indigne. Mais, le métier de jakartaman est l’un des ultimes recours d’une jeunesse installée dans la précarité, abandonnée à un sort cruel. Je parie qu’on ne choisit pas délibérément de faire ce travail. Il y a certes pire, et je pense à ces milliers de marchands ambulants, qui arpentent nos rues poussiéreuses et polluées. Qui racontent, eux aussi, la faillite des politiques d’emploi et de jeunesse au Sénégal.
Ce que l’apparition de ces motos-taxis, à Rufisque, nous dit encore, c’est la prodigieuse poussée démographique de la ville. Et partout dans la périphérie de Dakar. La question de la démographie est un sujet tabou en Afrique et souvent mal posé. D’une part, il y a parfois le prisme déformant de la religion, qui empêche la sérénité du débat. D’autre part, comme l’Occident s’est emparé du sujet, la réaction spontanée a été de lui opposer un contre-discours. « Il n’y a pas de problème démographique en Afrique », disent en chœur intellectuels malmenés, citoyens chauvins et bigots paresseux. L’émotion ne permet pas d'établir un diagnostic sans concession. Il y a comme un déni, d'une réalité pourtant flagrante. Nous voyons bien que beaucoup de nos États sont en banqueroute. Les élites politiques ne savent que faire des humains qui habitent nos pays. Comment les nourrir ? Comment les soigner ? Comment les éduquer ? Comment leur trouver des emplois ? Comment assurer leur sécurité ? Comment les protéger ? Comment les rendre heureux et épanouis ? Comment leur éviter la mort, en tentant l’émigration clandestine ? Comment empêcher qu’ils soient réduits en esclavage dans les pays arabes ? Il n’y a toujours pas de solutions à ces équations. Tout cela, c'est sûr, ne mène pas à la prospérité et à la paix sociale.
Rufisque est un laboratoire en miniature, qui permet de comprendre les grands défis qui attendent l’Afrique. Rufisque a un visage hideux. Ce qui frappe l’observateur, en regardant la ville, c’est la crasse, le délabrement et toutes les énergies qui se perdent dans le vide. On peut bien venir à bout de la saleté et des débris qui encombrent l’environnement. Avec des élus plus compétents et volontaires, une transformation urbaine est possible. Il suffit juste de créer des espaces verts, et d'entrenir les lieux publics. Mais l’autre problème, à Rufisque comme partout au Sénégal, qui n’a aucun début de solution, c’est la prise en charge d’une jeunesse sous-éduquée et sous-qualifiée. Il demande pourtant des réponses fermes, d’urgence. Ainsi que des réflexions prospectives courageuses. Si nous continuons d'abandonner à leur sort les millions de jeunes, qui s'entassent dans nos villes, nous risquons de les laisser à la merci de la pauvreté. Et aussi des nouveaux dangers qui pointent : grand banditisme, extrémisme religieux. Ce sera alors le temps des déflagrations incontrôlables.
Notes de terrain, la chronique de notre éditorialiste Paap Seen, s'arrête pour un moment. Retrouvez, dimanche prochain, le récapitulatif de toutes les chroniques.
LA TRANSFORMATION NUMERIQUE PEUT PROPULSER LA CROISSANCE EN AFRIQUE
Astou Dieng consultante en marketing et communication digitale salue l'initiative du ministère de l’emploi, de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’insertion dans sa volonté de mettre en place des diplômes liés au secteur du numérique
Que pensez-vous de la stratégie du ministère de vouloir mettre en place des diplômes liés au secteur du numérique…?
Excellente initiative du ministère à saluer. Il n’est plus à démontrer que la transformation numérique, si elle est bien menée peut apporter au Sénégal, pour ne pas dire à l’Afrique subsaharienne une hausse positive de la croissance et permettre de réduire drastiquement la pauvreté.
Des ressources bien formées , compétentes et opérationnelles dans les métiers du numérique permettront de nourrir l’ambition du Sénégal d’embrasser cette transformation digitale.
Comment avez-vous travaillé pour soutenir l’initiative (marketing digital/communication) ?
Nous avons travaillé en parfaite synergie avec d’autres professionnels du métier, des acteurs du ministère de la formation professionnelle dans diverses activités : ateliers, plénières, brainstorming avec l’approche par compétence qui vont permettre de produire les différents référentiels liés à ce métier. Cette démarche permettra de renforcer l’adéquation entre l’emploi et la formation.
LE NUMERIQUE POUR DIVERSIFIER L'OFFRE ET RENFORCER LA FORMATION DES JEUNES
Ousmane Seck, Cchef de la division Formation professionnelle publique revient sur l’importance de ces programmes de formation en partenariat avec le projet Skill-UP du BIT
Le Ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Insertion a entamé cette année, un large plan d’élaboration de programmes de formation dans les métiers du numérique. L’objectif est d’une part de diversifier l’offre de formation et d’autre part, de renforcer la formation des jeunes dans ce secteur en pleine mutation tout en se conformant aux exigences du chef de l’Etat qui a souhaité que 30% des élèves sortant du cycle fondamental soit orienté au-delà des filières classiques, dans les métiers du numérique à l’horizon 2035.
Comment est née cette initiative d’intégrer les TIC dans la formation professionnelle et technique du côté de la tutelle et quels sont les objectifs?
Ce projet qui a démarré en Décembre 2018 pour une durée deux ans en partenariat avec le projet Skill Up du BIT est orienté vers le secteur du numérique. C’est le fruit d’un partenariat entre l’Organisation internationale du Travail (OIT) et le gouvernement de la Norvège qui appuient l’introduction et le développement du numérique dans la formation professionnelle et technique avec comme enjeux : la diversification de l’offre de formation à partir du numérique, l’employabilité des jeunes, l’adéquation formation / emploi et l’élargissement de l’accès à une formation professionnelle et technique pour le plus grand nombre.
Ces écritures de programmes se sont faites à la suite d’une étude diagnostique dans le secteur du numérique au Sénégal qui a abouti à une stratégie de développement du numérique dans la formation professionnelle et technique. Un premier appui a été réalisé en 2019 avec l’élaboration de deux programmes ; un en BTS Développeur d’application mobile et un autre, de niveau BT sur la domotique qui concerne l’ensemble des techniques de gestion intelligente des habitations (confort, sécurité, communication).
Pour cette année, le travail est centré sur l’écriture de trois programmes dans le domaine du numérique. Tout ceci entre en droite ligne avec la stratégie de d’introduction et de développement du numérique dans la formation professionnelle et technique, stratégie qui a été présentée devant les acteurs du numérique, les établissements de formation professionnelle et technique et cela sous la présidence effective de Monsieur Dame DIOP, Ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Insertion
L’écriture de ces trois programmes accès sur le BTS Marketing Digital, le BTS Business digital et le BEP infographie, constituent pour nous des piliers sur lesquels nous devons réfléchir déjà et nous préparer à nous ouvrir à d’autres métiers dans le secteur.
Comment sont effectivement organisés ces ateliers d’élaboration de programmes ?
En fait, il y’a eu un changement de paradigmes au niveau de la méthodologie d’écriture des programmes dans la Formation professionnelle. Auparavant, les programmes étaient proposés par le ministère à travers des commissions où le milieu du travail n’était pas bien représenté, afin de prendre en charge les réalités de l’entreprise.
Désormais tous les programmes sont définis selon la modalité pédagogique de l’Approche par les Compétences, avec au premier plan les professionnels du métier avec la contribution des experts-méthodologues du Ministère.
Dans le cadre de ces ateliers, il est question d’écrire 5 référentiels pour chaque métier (Analyse de situations de travail, référentiel métier-compétences, référentiel de certification, référentiel de formation, guide d’organisation matériel et pédagogique). Un ensemble de chefs d’entreprises et de professionnels sont mis à contribution afin de réaliser une description monographique des métiers pour disposer du portrait le plus complet possible de l’exercice des métiers ciblés et aboutir à un référentiel de métier qui définit et décrit de manière précise le métier, en définit les tâches, tâches qui seront, dans un autre référentiel, dérivées en compétences. Un processus d’ingénierie est ainsi suivi jusqu’à l’élaboration des 5 référentiels qui composent le programme de chaque métier.
Pourquoi un changement pareil dans la formation professionnelle quand on sait que le secteur du numérique impulse le monde de l’emploi ? Adaptation à la réalité numérique ou obligation de conformité?
Cette question dépasse même le cadre du ministère. C’est une orientation de Mr le Président de la République. Cela fait suite à une décision qui proposait que la plus grande partie des 30% des sortants du cycle fondamental plus précisément la classe de 3e, mais aussi du baccalauréat et du brevet de technicien soient orientés dans la formation professionnelle et technique à l’horizon 2035.
Avec ce constat et partir de l’étude diagnostique, il est ressorti que le secteur du numérique occupe une place importante en termes d’opportunité d’emplois et de métiers. Dans un autre volet, le numérique peut bien absorber une large partie des 30% des demandes d’orientation dans la FPT d’ici l’horizon 2035, si l’on se prépare en conséquence.
C’est la raison pour laquelle, l’année dernière, deux programmes ont été intégré. Cette année trois autres sont en cours d’élaboration et l’année prochaine le cap sera maintenu pour écrire d’autres programmes, afin d’être en conformité avec les orientations de la haute autorité.
L’intégration du numérique dans la formation professionnelle, une nouvelle innovation. Au sortir de cette rencontre, quelles seront les stratégies du ministère pour aider les jeunes dans le cadre des formations ?
La stratégie d’introduction et du développement du numérique dans la formation professionnelle pour être en phase avec les réalités de la formation par rapport à l’insertion et à l’emploi a permis de décliné un plan d’action élaboré avec l’ensemble des acteurs et budgétisé. Le fait que le volet emploi fasse désormais partie intégrante du département ministériel nous oblige depuis plusieurs mois à prendre en charge ce volet important qu’est l’entrepreneuriat.
Il permet dans une très large mesure aux sortants de la formation professionnelle d’avoir beaucoup d’aptitudes dans le monde de l’auto-emploi, donc de gérer leur propre compte, leur propre business et d’ouvrir d’autres perspectives pour les jeunes.
C’est à cet effet que le ministère ait pris l‘option d’internaliser les modules entrepreneuriales dans les curricula de FPT.
Quelle sera la place des partenaires comme la DER, dans le financement des projets ainsi que la collaboration avec le ministère?
Deux séances de travail ont déjà été effectuées entre la DER et la DFPT (Direction de la Formation professionnelle et technique) et se poursuivent encore. Le volet entrepreneurial et la formation vont de pair. Les deux séances de travail avec la DER ont permis la création d’unité d’incubations dans les centres de formation professionnelle. Ces centres permettent de préparer les jeunes à l’auto-emploi. Nous sommes aussi en contact avec d’autres partenaires dans le monde entrepreneurial.
Un centre de formation dédié à l’entrepreneuriat sera ouvert au courant du mois de décembre. Il a été financé par le royaume du Maroc. C’est pour dire que les volets insertion, formation entrepreneuriat et emploi font partie des prérogatives du ministère pour résoudre la problématique de l’emploi au Sénégal.
En somme, combien de jeunes seront formés ?
En termes de nombre, juste un gap est pris et l’espoir est permis. Pour les 30% des sortants de la formation qui sont ciblées, nous souhaitons atteindre le résultat à défaut, atteindre au moins la moitié des sortants même si on est aux environ de 10 à 11%.
Un nombre certes, très faible pour nous, mais nous espérons que le Ministère de la formation professionnelle va apporter sa contribution avec l’appui de de ses structures de financement telles que le 3FPT et l’ONFP, ainsi que les partenaires techniques et financiers qui accompagnent le Ministère à travers les projets et programmes.
Le projet SKILL UP Sénégal
SKILL UP Sénégal, financé par le Gouvernement de la Norvège et executé par le Bureau international du Travail, vise à appuyer la structuration du système des compétences du secteur numérique pour faciliter l’accès des jeunes à l’emploi dans les sous -secteurs porteurs par la formation professionnelle.
Ce projet s’inscrit dans le Programme de réalisation de l’ Agenda horizon 2030 et vise à contribuer à l’ODD 8 « travail décent et croissance », particulièrement à l’ODD 8.b.1 « Existence d’une stratégie nationale de promotion de l’emploi des jeunes, qu’il s’agisse d’une stratégie à part entière ou d’une com- posante d’une stratégie nationale de promotion de l’emploi, et application de cette stratégie ».
''L’objectif du projet SKILL-UP est d’aider les mandants et partenaires sociaux à préparer leurs systèmes de compétences aux opportunités offertes par les plus récents moteurs de changement, notamment la mondialisation, les changements climatiques, les changements technologiques et la migration''.
Il vient soutenir le secteur du numérique à travers l’identification et le développement de compétences nécessaires à sa croissance par la formulation d’un cadre de structuration des métiers du secteur, SKILL UP vise à renforcer les capacités des acteurs nationaux de la formation professionnelle et prend en compte la dimension genre dans le développe-
ment de stratégies des compétences sectorielles .
DES COMPAGNIES AÉRIENNES VONT DISPARAITRE APRÈS LA PANDÉMIE
Invité à l’émission, Le Jury du Dimanche (JDD), ce dimanche, 27 décembre2020, M. Kane a décliné la stratégie de résilience d’Air Senegal Sa. Il a souligné que l’élément clé dans cette résilience a été le soutien de l’Etat.
À l’image des autres secteurs de l’économie, les transports aériens ont connu une année 2020 particulièrement difficile. La pandémie de Covid-19 a cloué au sol des avions pendant plusieurs semaines. Ce qui a fait que des compagnies ont été frappées de plein fouet par cette crise sanitaire. Air Senegal Sa n’y échappe pas. Mais, la compagnie aérienne nationale aura la chance de résister et de survivre après la Covid-19. Une assurance de son Directeur général, Ibrahima Kane, qui n’a pas manqué de prédire la mort de certaines compagnies aériennes après la crise sanitaire.
Invité à l’émission, Le Jury du Dimanche (JDD), ce dimanche, 27 décembre2020, M. Kane a décliné la stratégie de résilience d’Air Senegal Sa. Il a souligné que l’élément clé dans cette résilience a été le soutien de l’Etat. « Une résilience est un pari. Le président de la République, en personne, s’est engagé en disant : ’’Je mets sur la table d’Air Senegal 45 milliards de F CFA. Lorsque l’Etat donne cette garantie, cela veut dire que, quand je suis en face d’un fournisseur ou d’un créancier, ils auront à l’esprit qu’Air Sénégal, à priori, fera partie des compagnies qui seront là après la pandémie. Et ça change toute la discussion avec eux », a-t-il déclaré. Selon M. Kane, ce soutien de l’Etat leur a permis de négocier avec leurs fournisseurs et leurs créanciers, de report de créances ou d’annulation de dette.
LE SACRIFICE INTERNE
Il n’y avait pas que l’Etat pour soutenir Air Senegal. Le personnel de la compagnie a aussi été dans la logique de redressement de leur entreprise en sacrifiant leurs congés annuels. Un bel exemple de patriotisme que le DG d’Air Sénégal n’a pas manqué de magnifier. « Les trois mois que l’arrêt a duré constituent le tiers de la masse salariale. Nos expatriés ont également accepté d’aller en congé sans solde. Avec juste un engagement que si les affaires reprennent, on les reprend. Tout le monde a fait des efforts. Résultat des courses : nous arrivons à la fin de l’année avec un bilan financier tout à fait soutenable », s’est-t-il réjoui.
UN DÉCÈS ET 86 NOUVEAUX CAS RECENSÉS
Aucun cas de Covid-19 importé n’a été signalé au cours des dernières vingt-quatre heures, selon El Hadj Mamadou Ndiaye.
Dakar, 27 déc (APS) – Le ministère de la Santé a déclaré dimanche avoir recensé 86 nouvelles infections de Covid-19, un décès causé par la maladie à coronavirus et 55 guérisons chez les patients.
Les nouvelles contaminations ont été diagnostiquées à la suite de 1.200 tests effectués, avec un taux de positivité de 7,17%, indique le dernier bulletin quotidien de la pandémie de coronavirus, publié par le docteur El Hadj Mamadou Ndiaye, directeur de la prévention.
Les 86 infections sont constituées de 36 cas contacts suivis par les services sanitaires et de 50 cas causés par la transmission communautaire.
Aucun cas de Covid-19 importé n’a été signalé au cours des dernières vingt-quatre heures, selon El Hadj Mamadou Ndiaye.
Trente-deux cas graves de coronavirus sont pris en charge dans les services de réanimation des hôpitaux, a-t-il ajouté, annonçant la mort d’un patient.
Depuis le début de la pandémie de Covid-19, le ministère de la Santé a recensé 388 décès causés par la maladie à coronavirus.
Cinquante-cinq patients ont été contrôlés négatifs et déclarés guéris au cours des dernières vingt-quatre heures, indique le bulletin publié par le directeur de la prévention.
Le Sénégal a recensé 18.609 cas de Covid-19, dont 16.936 guéris. Et 1.284 patients sont sous traitement.
par François Soudan
L'ONU EST-ELLE RACISTE ?
Soixante-quinze ans après sa fondation, l’ONU est encore très largement la chasse gardée des Occidentaux et plus précisément de la sous-espèce des mâles blancs
Jeune Afrique |
François Soudan |
Publication 27/12/2020
Poser cette question à propos d’une organisation dont les fondements reposent sur des valeurs d’égalité entre les peuples, les races et les genres, et dont la légitimité s’est forgée dans les combats pour la décolonisation et contre l’apartheid peut sembler déplacé. Après avoir pris connaissance de l’enquête que la revue Foreign Policy a consacré, mi-octobre, à la représentation de la diversité au sein de cette « Maison-monde », force est pourtant de constater qu’émettre pareille interrogation revient à y répondre : oui, l’ONU est encore très largement la chasse gardée des Occidentaux et plus précisément de la sous-espèce des mâles blancs.
Le fait que deux des neuf secrétaires généraux de l’Organisation, depuis sa fondation, en 1945 – l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali et le Ghanéen Kofi Annan – aient été Africains, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Sur les quelque 40 000 salariés permanents de l’ONU, les ressortissants d’une demi-douzaine de pays occidentaux (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Italie, Allemagne, Espagne) occupent une place disproportionnée parmi les emplois les mieux rémunérés et les plus sécurisés, à New York et à Genève. À l’inverse, les originaires des pays du Sud et plus particulièrement les Africains sont affectés en priorité aux « jobs de terrains », dans les zones de conflit, comme la RD Congo, le Mali, la Centrafrique ou la Somalie.
Le tentaculaire Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha), qui coordonne les activités des multiples agences de secours d’urgence de l’ONU, est à cet égard un cas quasi caricatural. Dirigée depuis treize ans par quatre secrétaires généraux adjoints successifs, tous de nationalité britannique, cette colonie de Sa Gracieuse Majesté réserve 70 % des emplois au sein de son siège new-yorkais à des Occidentaux, une proportion qui atteint 90 % dans certaines directions stratégiques (communication et politique). Les Africains, qui comptent pour 23 % des effectifs, sont invisibles dès que la hiérarchie s’élève.
« Héritage colonial »
Ce n’est pas un plafond de verre, mais le couvercle d’une cocotte-minute qu’une main invisible semble avoir posé sur l’expression de la diversité au sein de l’Ocha. « Qui paie commande » semble d’ailleurs être la règle à l’ONU, où le fameux P5 – les cinq membres permanents du Conseil de sécurité – se partage les principaux départements avec l’élégance d’un gentlemen’s agreement. Aux Américains les affaires politiques, aux Russes la sécurité et le contre-terrorisme, aux Chinois les affaires économiques et sociales – une aubaine pour leur projet des Nouvelles Routes de la soie – aux Britanniques, on l’a vu, l’humanitaire et aux Français les opérations de maintien de la paix, chasse gardée de Paris depuis plus de vingt ans.
L'AVENTURE AMBIGUË DES ÉMIGRÉS QUI ONT RATÉ LEUR VIE EN OCCIDENT
Ils font partie de la première vague de migrants en Europe. Aujourd’hui, ils vivent un véritable drame social, pour n’avoir pu rentabiliser le fruit de leur aventure en investissements porteurs
Ousseynou Masserigne Gueye & Saer Sy |
Publication 27/12/2020
Madiop Bèye est amer. Mine déconfite, regard absent, le sexagénaire vit un véritable drame social. A Hersent, son quartier, il s’est brouillé avec tout le monde. Il ne parle plus à personne. L’homme en veut à tout le monde. Pour cause ! Emigré en Italie (région Lombardie) depuis 1985, Madiop qui s’est définitivement fixé à Thiès depuis 4 ans, n’a pas réussi son retour. «J’ai fait 30 ans en Italie, mais je peux dire que j’ai raté mon aventure en Europe, car je n’ai rien pu investir au pays. A part, un bâtiment construit dans la maison familiale, je n’ai rien. Je suis aujourd’hui sans le sous, alors que je menais une vie de pacha à chacun de mes retours au pays, quand j’étais encore émigré en Italie.» Nostalgique, Madiop plonge dans ses souvenirs. «En Italie, j’étais marchand ambulant. J’achetais des habits bon marché que je revendais à prix d’or. J’enlevais l’étiquette pour y mettre celle des grandes marques de couture. J’étalais mes marchandises sur la voie publique. Je n’avais pas de papiers. Mes aînés m’ont initié à la vente clandestine. Je m’en sortais très bien», informe-t-il. Le vieux Thiessois note qu’il gagnait beaucoup d’argent à l’époque. Il envoyait de l’argent sans compter au Sénégal. «Aujourd’hui, les gens ne m’ont pas rendu l’ascenseur. Ils sont ingrats. J’ai tout fait pour mes parents et mes voisins. Puisque je n’ai plus rien à donner, on me considère comme le raté de la famille», signale-t-il. Il pointe le bâtiment en dur situé presque à l’entrée de la maison familiale. «C’était le plus beau bâtiment dans le quartier dans les années 1990. Je l’ai construit alors que je projetais de me marier.» Son père lui avait conseillé d’occuper cet espace de la maison pour s’y installer avec son épouse, mais aujourd’hui, c’est le plus grand regret de Madiop. «Si c’était à faire, je ne le referai pas. J’ai construit dans la maison de mon père, alors que j’avais les moyens d’acheter une parcelle ailleurs», pleure-t-il.
«J’étais le prince de mes beaux-parents quand je venais en vacances au Sénégal, c’est à peine s’ils me saluent aujourd’hui»
Madiop Bèye, marié à 4 épouses, vit avec sa première femme et ses enfants. Les autres sont retournées chez leurs parents, il n’a plus les moyens de les entretenir. La dernière est en instance de divorce. «Les femmes sont ingrates. Quand j’avais les moyens, je leur offrais toutes sortes de cadeaux. Chacune d’elle a reçu au moins une dot d’un million de F CFA et des parures en or. Elles ont oublié tout ce que j’avais fait pour elles.» Madiop ne se rend d’ailleurs plus aux domiciles de ses autres épouses restées chez elles, faute d’avoir la dépense à leur donner, quand il y est de tour. L’homme partage la grande concession familiale avec ses frères et sœurs, mais l’ambiance y est très tendue. «Je les ai entretenus pendant plusieurs années. A chaque fin du mois, j’envoyais de l’argent pour prendre en charge toutes les dépenses de la maison. Eux, ils n’avaient rien. J’ai tout partagé avec eux, aujourd’hui, ils n’éprouvent que du mépris pour moi et mon épouse», signale-t-il. Madiop Bèye est parti en Italie quand il n’avait que 25 ans. Il en rit encore, se souvenant de la manière dont il a roulé les autorités aéroportuaires. «A l’époque, nous sommes tous partis avec le même passeport. J’avais un grand-frère qui était là-bas. Il m’a envoyé son passeport par l’entremise d’un de ses amis qui venait au Sénégal. J’ai voyagé avec le passeport de mon grand-frère. Je n’ai pas eu de problèmes. Pour les Blancs, tous les Africains se ressemblent à quelques différences près. La perception que nous avons des Chinois qui se ressemblent tous, c’est pratiquement la même chose que les Toubabs ont de nous», indique-t-il. Arrivé en Italie le 22 juin 1985, Madiop a été accueilli par son grand-frère à Toscane. Il lance un petit sifflement pour marquer son étonnement. «Quand je suis arrivé dans l’appartement de mon frère, j’étais vraiment déçu. Je pensais qu’il vivait seul dans une très belle maison. C’est ce que je m’imaginais parce que quand il venait au Sénégal, il distribuait beaucoup d’argent. En vérité, il partageait avec une dizaine de personnes un tout petit appartement qui serait considéré comme une chambre au Sénégal», révèle-t-il.
Madiop a vécu dans la plus grande promiscuité dans cet appartement où il y avait à peine le chauffage. Et c’est à peine s’il mangeait correctement, surtout que son frère lui servait tous les jours de la pâte ou du vermicelle. Il note que les émigrés font toujours une course contre la montre et vont de ville en ville, de plage en plage pour vendre. «Ce que je regrette, c’est de n’avoir pas investi au Sénégal, alors que j’en avais la possibilité, afin de préparer ma retraite. Le mal de la génération des émigrés des années 1980, c’est de n’avoir pas été clairvoyants. Nombre d’entre nous ont gaspillé leur argent dans des futilités. Des «Modou-modou» donnaient des voitures, des villas et faisaient des virements (les 3 V) pour épouser des filles. Toutes les jeunes filles voulaient avoir des maris émigrés. De nos jours, elles n’en veulent plus parce qu’elles savent qu’ils n’ont rien», confie-t-il. Désœuvré, Madiop vit aux crochets de ses grands enfants qui se débrouillent dans le secteur informel. «J’ai plusieurs enfants (une quinzaine). Beaucoup d’entre eux sont mariés. Le revers aussi de l’émigration, c’est que j’ai longtemps séjourné en Italie. Et je n’ai pas été là pour encadrer mes enfants. Ils ont très tôt arrêté leurs études. Ils sont en train d’ailleurs de le regretter amèrement», argue-t-il. Dans la commune mitoyenne de Thiès-Nord, Mbaye Souaré n’est pas mieux loti que Madiop Bèye. Polygame, il peine à entretenir ses deux épouses et sa ribambelle d’enfants. A 56 ans, Souaré a vécu plus d’une vingtaine d’années en Espagne. Maître d’arts martiaux, il a été enrôlé avec des sportifs sénégalais qui avaient des compétitions internationales en France. Arrivé à Paris, il a fait faux bond à la délégation pour se rendre en Italie puis en Espagne. De retour au Sénégal, il avait ouvert un magasin de vente de matériels de construction, mais l’homme a vite fait faillite. «La jeune génération a plus de chance que nous parce qu’elle investit dans l’immobilier. Cela rapporte plus. Ils ont tiré des leçons de nos erreurs. Souvent, je me reproche d’avoir été assez bête. J’étais un épicurien. Avec le temps, je me suis rendu compte que j’ai investi dans le paraître, mais c’était trop tard. L’Europe était devenue difficile pour les émigrés», constate-t-il. Et pour éviter de mener une vie de misère dans un pays étranger traversé par la crise, il a choisi de rentrer au Sénégal, le temps que les choses s’améliorent pour repartir. Souaré n’y pense même plus, surtout que ses amis restés en Europe lui décrivent une situation économique insoutenable. «Je vis une situation très difficile. Au Sénégal, on ne compte pas si on n’a pas d’argent. Avant, j’étais le prince de mes beaux-parents. Ils me déroulaient le tapis quand je venais en vacances au Sénégal, c’est à peine s’ils me saluent quand ils viennent chez moi», soupire-t-il.
«Parce que je suis rentré sans argent, ma famille me refuse le droit de fonder un foyer»
A 89 km de là, dans la capitale du Baol, Mouhamadou Bamba Thiam, 57 ans, célibataire, sans enfants, cuve son dépit. Lui est parti à 13 ans en France pour poursuivre ses humanités. Mais malade, il écourte son séjour. Il retournera au pays de Marianne en 1985 et s’inscrit à l’Université Paris Sorbonne et à l’Institut des Hautes études internationales (Ihei). Promis à un bel avenir, sa vie bascule quand sa tante rejoint son père en France. Ce dernier, chauffeur de taxi à Paris, fait partie des premiers émigrés sénégalais en France. «Pour préserver son ménage avec sa seconde épouse, mon père m’a obligé à abandonner les études et à aller en Italie pour tenter ma chance dans l’informel, en tant que Modou-Modou», explique-t-il. Fraîchement débarqué à Milan, Bamba qui refuse d’être considéré comme un Modou-modou, s’essaie à divers métiers. Il croise le chemin d’un dealer gambien qui lui propose de vendre de la cocaïne afin de se faire de l’argent rapidement. Futé, Modou décline. Un sourire en coin, il narre : «Je sais que si je l’avais fait, je ne serais pas dans cette précarité aujourd’hui.» Lassé de vivre des lendemains incertains, loin des siens et désargenté, Bamba décide de rentrer au bercail et de fonder un foyer. Mais il s’est heurté à la dure réalité. Sa première tentative bute contre le désaccord de sa mère. Et la seconde contre la désapprobation de son père. «Quand j’ai fait part de ma décision à mon père, il m’a clairement dit qu’il ne pouvait m’entretenir, moi et ma femme. Ma famille me refuse le droit de fonder un foyer parce que je suis rentré sans argent.» Avec juste de la frustration et une autobiographie, «Les vents du destin» qui cherche éditeur. Depuis 20 ans.