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1 juillet 2025
OUMAR YOUM DEMENT UNE HAUSSE DES TARIFS DES BUS TATA
«Toute augmentation des tarifs constituerait une infraction à la règlementation sur les tarifs de transport routier, notamment la loi n° 94-63 du 22 août 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux économique »
Un communiqué du ministère des infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement estompe la spéculation sur une hausse programmée du coût des tarifs dans les minibus appelés Tata. Le document parvenu à la rédaction, hier dimanche 12 juillet, signale que l’augmentation des prix est décidée par les autorités étatiques.
«Des documents relatifs à une augmentation des tarifs des transports urbains par autocars dans la Région de Dakar, qui semblent émaner de certains membres de l’Association de Financement des Transports urbains de Dakar (AFTU), sont diffusés dans la presse.
A cet égard, le Ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement rappelle que les tarifs des transports publics routiers de personnes sont fixés par le décret n° 2009-20 du 22 janvier 2009», a précisé El Hadji Oumar Youm dans un communiqué parvenu à la rédaction hier, dimanche 12 juillet. Mieux, il tient à préciser qu’ «aucune augmentation des tarifs de transport n’a été discutée encore moins arrêtée avec les opérateurs».
En conséquence, tranche le ministre des Infrastructures des transports terrestres et du désenclavement, «toute hausse unilatérale des tarifs serait contraire au décret précité et aux conventions signées entre l’autorité de régulation des transports urbains, le Conseil exécutif des Transports urbains de Dakar (Cetud) et les groupements d’intérêts économiques membres de l’Aftu». Mieux, signale-t-il, «toute augmentation des tarifs constituerait une infraction à la règlementation sur les tarifs de transport routier, notamment la loi n° 94-63 du 22 août 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux économique ».
Le ministère exhorte de ce fait, les opérateurs à «veiller à l’application stricte de la règlementation sur les tarifs et se réserve le droit de prononcer à l’encontre de tout contrevenant les sanctions prévues par la règlementation en vigueur». Il invite, également, les Forces de sécurité, chargées du contrôle routier, à veiller strictement au respect des tarifs actuels.
A signaler qu’une note qui viendrait de l’Association de financement du transport urbain (Aftu), avait fait l’annonce de la hausse des tarifs sur les bus communément appelés Tata. Mieux, le prix de 100 CFA pour les courtes distances serait selon la note transmise à la presse ramené à 150 FCA. Le début de l’augmentation du prix des tarifs était annoncé pour ce mardi 14 juillet.
«LA CARTE DE LA PRATIQUE DU JUDO AU SENEGAL EST EN TRAIN DE CHANGER »
Invité du Club de Presse organisé ce samedi 11 juillet par l’ANPS, le président de la Fédération sénégalaise de judo et disciplines assimilées (FSJDA), Babacar Wade a passé en revue les points saillants de l’actualité de sa discipline.
Invité du Club de Presse organisé ce samedi 11 juillet, l’Association nationale de la presse sportive du Sénégal (ANPS), le président de la Fédération sénégalaise de judo et disciplines assimilées (FSJDA), Babacar Wade a passé en revue les points saillants de l’actualité de sa discipline. De l’état du judo sénégalais, aux chances de qualification aux JO Tokyo 2021 de Mbagnick Ndiaye, champion d’Afrique et porte-étendard du Sénégal, en passant par la préparation des JOJ 2022, le patron du judo sénégalais fait le point.
L e judo sénégalais a été au centre du forum organisé ce samedi 11 juillet par l’Association Nationale de la Presse Sportive du Sénégal (ANPS). Une occasion pour le président de la Fédération sénégalaise de judo et disciplines assimilées (FSJDA), Babacar Wade de faire un large exposé sur les grands points qui touchent à l’actualité et aussi pour faire l’état de la discipline.
“7 AXES DE DEVELOPPEMENT STRATEGIQUE QUI FONDENT NOS ACTIONS”
“Le judo a traversé quelques turbulences en 2010. Ce qui avait valu la mise en place du comité de normalisation. Une fédération a été élue en 2014. On a essayé de mettre en place un certain nombre de chantiers. Le premier, c’était de remettre à niveau l’ensemble de nos textes qui n’étaient pas en adéquation. Il s’agissait de travailler à la massification de la discipline car, le nombre de licenciés était très bas au niveau des statistiques. C’est dans ce cadre que nous avons mis en place le judo à l’école qui nous donner pas mal de satisfactions. Cela nous a permis durant la première année, d’ouvrir 33 dojos scolaires, dans 8 régions. Il s’agissait aussi de travailler à l’autonomie financière de la Fédération et à la gestion de l’élite qui reste la vitrine. On a relativement réussi car le Sénégal n’avait pas de titre de champion d’Afrique chez les hommes depuis 1996. On l’a eu en 2019 (Mbagnick Ndiaye, Ndlr). Il s’agissait aussi de la reprise au mieux de la formation ou encore le volet social pour voir comment venir en aide nos anciens champions. En somme, nous avons 7 axes de développement stratégique qui fondent les actions de notre fédération” campe le patron du judo. Une discipline qui a valu au Sénégal l’une ou la plus grosse satisfaction au cours de l’année 2019 avec la médaille d’or décrochée aux championnats d’Afrique de 2019 à Cape Town, en Afrique du Sud dans la catégorie des lourds après 23 ans d’infructueuses tentatives.
“LE CHEMIN A ETE LONG ET DIFFICILE POUR ARRIVER AU TITRE DE CHAMPION D’AFRIQUE DES LOURDS”
Babacar Wade rappelle que Mbagnick Ndiaye, garde ses chances de qualification pour les Jeux olympiques de Tokyo initialement prévus du 24 juillet au 9 août 2020 et finalement reportés du 23 juillet au 8 août 2021. “Si on garde les listes, Mbagnick serait qualifié. Maintenant, on va continuer à parfaire son classement parce que le classement au judo se fonde sur la ranking-list mondiale, donc il faut que lorsque les compétitions sur le plan international reprendront qu’il puisse se remettre sur le circuit international pour garder son classement actuel. Il reste quelques éléments qui, peut-être, ont encore quelques petites chances de qualification. On essayera d’apporter un appui au mieux. Ces athlètes pourront nous faire la bonne surprise et d’offrir la qualification au Sénégal pour les JO” note a-t-il. “Il nous a valu 23 ans pour reconquérir le titre de champion d’Afrique chez les hommes. C’est la plus prestigieuse catégorie de poids dans le monde du Judo. Le chemin a été long et difficile pour qu’on y arrive au titre de champion d’Afrique des lourds. Mais on y est arrivé. La fédération que je dirige a travaillé pendant 3 ans pour la reconquête du titre. Avant ça, les gens travaillaient aussi pour ça, mais les résultats n’y étaient pas”, soutient t-il. “Les femmes, il est vrai, ont, ces dernières années eu plus de palmarès que les hommes. C’est une constante. Mais, l’autre analyse qu’il faudrait faire est que depuis le début des années 2000 où on a eu les femmes qui ont été sacrées championnes d’Afrique, que soit Hortense Diédhiou, Fary Sèye ou Fanta Keïta, c’est peut-être parce qu’à l’époque ces femmes avaient la chance d’être dans des centres de perfectionnement. Toutes les 3 étaient dans un centre au Maroc, et toutes les 3 ont été championnes d’Afrique. Elles étaient dans des conditions de performances qui leur permettaient d’être au top niveau”, poursuit-il.
MBAGNICK NDIAYE “UN DIAMANT QUI A ETE POLI!”
Babacar Wade n’a pas manqué d’assimiler le championnat d’Afrique Mbagnick Ndiaye à “un diamant qui a été poli” et un produit de toutes pièces au Sénégal. “Depuis 2010, à ma connaissance, il n’y a pas eu de Sénégalais dans ces centres. Donc, tout ce qui se faisait était fait sur le plan local. Et c’est là que la victoire de Mbagnick (Ndiaye, Ndlr) est importante pour moi. Parce que c’est un produit qui a été formé de toutes pièces avec nos méthodes de chez nous au Sénégal, contrairement aux autres formés dans des centres de perfectionnements. Mbagnick, on s’en est occupé sur place et lorsqu’on a senti que le diamant était prêt, on l’a poli et on l’a mis sur des stages que ce soit au niveau de l’INSEPS, au niveau de la Hongrie. Cela nous a donné les résultats qu’on a eus” s’est il réjoui.
AU CONTACT D AVEC LE CHAMPION OLYMPIQUE TEDY RINNER”
“Nous souhaitons voir Mbagnick entrer dans l’histoire du judo mondial”. Poursuivant son propos, il a émis le souhait de voir le judoka sénégalais continuer de côtoyer le champion olympique français Teddy Rinner et d’entrer dans l’- histoire du judo mondial. “En marge d’un stage en France, les entraîneurs français ont vu Mbagnick et ont proposé qu’il intègre l’inseps et à s’entraîner avec Tedy Rinner parce qu’en terme de gabarit, de technicité et de sérieux dans le travail, les gens avaient senti que les deux pourraient travailler sérieusement. Rinner est un monument. Ce qu’on souhaite à Mbagnick, c’est de continuer de le côtoyer et qu’il puisse entrer dans l’histoire du judo mondial”, avance-t-il
“AUJOURD’HUI, LE BUDGET DEPASSE 100 MILLIONS PAR AN”
Sur la même lancée, le patron du judo sénégalais informe qu’en terme des activités, du déroulement de son calendrier national et même sur le financier, le judo sénégalais se porte bien. “Le judo se porte pas mal. Toutes les compétitions se déroulent normalement. On a pu faire revenir les compétitions qui étaient disparues, il y a une quinzaine d’années notamment les coupes de l’ambassade du Japon, des Forces armées. Les finances restent l’axe sur lesquels on doit travailler. Lorsque l’on venait le budget de la Fédération tournait autour de 14 à 15 millions. Aujourd’hui, le budget dépasse 100 millions par an. Mais, il reste de points faibles sur lesquels on doit travailler”, confie t-il.
LE JUDO A L’ECOLE EN VUE DE “DAKAR 2022”
Toujours sur l’état du judo sénégalais, le président Wade fait remarquer que la carte de la pratique du judo au Sénégal est en train de changer. “La carte de la pratique du judo au Sénégal est en train de changer. On a des dojos au niveau de toutes régions. Notre projet de judo à l’école, c’est un projet sur lequel nous fondons beaucoup d’espoir dans la perspective de former des champions capable de rivaliser avec les meilleurs lors des JOJ “Dakar 2022”. «(...) Depuis 2015, nous sommes en train de décentraliser les compétitions et nous avons organisé les championnats nationaux notamment à Thiès, Saint -Louis nous avons quasiment des dojos dans quasiment toutes les régions...
” COVID 19 ET JUDO NE FONT PAS BON MENAGE “
Le judo est un sport combat et de contact. Donc, assurer les mesures barrières c’est quelques chose que l’on ne pourra naturellement pas être faite. On a déjà proposé au ministère des sports un programme. Il tient sur trois phases en fonction de l’évolution de la pandémie. La dernière est phase globale où on reprendrait les entraînements. En cette période de pandémie, les judokas ne sont pas restés sans rien faire. On a organisé des challenges et travailler sur des exercices et travailler sur la technique”, indique le responsable fédéral.
REHABILITATION DES INFRASTRUCTURES POUR JOJ DAKAR 2022
«Les études techniques sont en train d’être finalisées», dixit M. Wade. En sa qualité de membre du comité d’organisation des JOJ de Dakar 2022, Babacar Wade est également revenu sur la réhabilitation des infrastructures. Il a précisé qu’en termes d’infrastructures, il faut savoir qu’il n’y a pas de nouvelles constructions spécifiques (en dehors du nouveau stade olympique) pour Dakar 2022. “Il y a des réhabilitations qui sont prévues, notamment pour Iba Mar Diop, pour la piscine olympique. Je pense que la procédure est en cours. Les études techniques sont en train d’être finalisées avec les équipes du CIO, les équipes en charge du projet. Je pense que sous peu on aura des informations précises sur le démarrage effectif des travaux de réhabilitation des différents sites, ainsi que les durées des travaux. Juste pour remarquer que pour ce qui est des réhabilitations, c’est Iba Mar Diop, la piscine olympique du tour de l’œuf et la caserne Samba Diery Diallo. Pour le club de tennis du parcours, il n y a pas de réhabilitation en vue parce que cela ne fait pas partie des sites qui sont retenus pour abriter Dakar 2022”.
LA COSAS DENONCE UNE GESTION DANS LE FLOU TOTAL
« Il n’y a pas de réel outil de décision et d’évaluation », a déclaré Pr. Abdoulaye Kane, président de la Coalition nationale pour la santé et l’action sociale (Cosas).
« Il n’y a pas de réel outil de décision et d’évaluation », a déclaré Pr. Abdoulaye Kane, président de la Coalition nationale pour la santé et l’action sociale (Cosas). Selon le dernier rapport de ladite coalition, « il n’y a pas assez d’approche inclusive » dans la gouvernance de cette gestion et « elle est sans boussole » car « nous ne comprenons pas très bien la cohérence entre les mesures qui sont prises d’un mois à l’autre ». Aussi, déplore le cardiologue, « nous perdons des enfants, des personnes âgées, parce que c’est seulement le centre Cuemo qui devrait les prendre en charge » et il urge, poursuit-il « de trouver le juste milieu au niveau de la pyramide sanitaire ». Non sans indiquer que « nous n’avons aucune idée de la réelle prévalence de cette maladie dans le pays » et de ce fait, « il y a des décès dans des centres de santé, cliniques, au niveau communautaire liés à la Covid 19 qui ne sont pas comptabilisés ».
La Coalition nationale pour la santé et l’action sociale (Cosas) a pointé du doigt, dans son dernier rapport sur la gestion de la pandémie du nouveau coronavirus au Sénégal, des tares qui rendent inefficaces et inadéquates les stratégies de la riposte adoptée par l’État. En effet, son patron, le Professeur Abdoulaye Kane, après avoir déballé quelques chiffres statistiques montrant la flambée des cas de contamination et surtout de décès dans le pays, indique « qu’en ce qui concerne la gouvernance, nous avons encore un intérêt à adopter une approche plus inclusive et moins verticale de la gestion de la crise de la Covid-19 ».
Pour le cardiologue, « nous avons encore l’impression que les organisations de la société civile, des sociétés savantes, des professionnels, des socio anthropologues et travailleurs sociaux, notamment devraient être mieux impliqués. Nous pensons également que la vision devrait être mieux partagée ».
Pour cause, poursuit-il « nous ne comprenons pas très bien la cohérence entre les mesures qui sont prises d’un mois à l’autre ». Ainsi, pour rompre avec cette gestion « unilatérale » constaté par la Cosas, « il est très utile d’avoir des cadres de réflexion beaucoup plus fonctionnels. Non seulement au niveau national, mais au niveau local et communautaire. Il y aussi la question de la transparence » soutien son président.
Et de relever : « nous n’accusons pas mais nous voyons clairement qu’il y a une incompréhension de la part de plusieurs acteurs, et non les moindres. Les partenaires sociaux, par exemple, ne comprennent pas toujours certaines décisions qui ont été prises, tels que la mise en place d’un comité de suivi, les modalités d’appui aux ménages, l’achat d’équipements médicaux et de consommables ».
En clair, « on voit de plus en plus des partenaires sociaux ou de professionnels faire des sorties pour dénoncer ce qu’ils pensent être des approches pour lesquelles il n’y a pas une transparence optimale » fait savoir le Pr. Abdoulaye Kane. Aussi, l’incivisme des populations n’est pas passé inaperçu dans les pages d’audit de la Cosas. Pour elle, cette faible adhésion des populations aux mesures qui sont prises pour endiguer la maladie de la Covid-19, est due au fait qu’il « y avait un peu le caractère spectaculaire des transferts et ensuite de façon inattendue il y a eu un changement d’axe, avec l’assouplissement des mesures sous slogan « apprendre à vivre avec la Covid 19 », explique le cardiologue. C’est la raison pour laquelle, selon la Cosas : « sur le plan de la communication, on constate que le déni, la peur, le rejet, la stigmatisation sont toujours là. Parce qu’au départ, il y avait la dramatisation de la maladie ».
Dans la même foulée, M. Kane indique que la Cosas avec plusieurs d’autres spécialistes en santé publique note en conséquence une faible adhésion des populations aux mesures prises, « des limites dans la mise en œuvre du programme de résilience économique et sociale, la détérioration du climat social dommageable à l’application des interventions non pharmaceutiques ».
LA COSAS DENONCE LA REGRESSION DES TESTS ACTES PAR L’ETAT
« Depuis le début il nous a paru utile d’avoir une stratégie plus intelligence de dépistage qui serait plus active en ciblant les sujets à risque, des clusters, en ayant un meilleur traçage des contacts » a déclaré Pr. Kane. Et de poursuivre : « nous avons pensé également qu’un pays comme le Sénégal devrait faire beaucoup plus de tests », non sans rappeler que « dans le programme qui avait été initialement annoncé par le ministère de la Santé, on devrait être aux 4000 tests par jour. Ce qui suppose qu’on devrait décentraliser les laboratoires, mais tel n’est pas le cas à ce jour ». Au contraire, le ministère de la Santé lors du dernier point mensuel a annoncé que « seuls les cas asymptomatiques seront désormais testés », ce qui signifie pour la Cosas « une dynamique de réduction du nombre de tests ».
« IL Y A CERTAINEMENT DES DECES…QUI NE SONT PAS COMPTABILISES »
La Coalition nationale pour la santé et l’action sociale (Cosas) renseigne par ailleurs « qu’il n’y a pas un outil de décision » parce que « nous n’avons pas une idée de prévalence de la maladie ». Pour son patron, « continuer à rechercher des cas suspects, des cas contacts et s’en arrêter là ne permet pas d’avoir une bonne vision sur la prévalence ». « Ce qui aurait pu se faire, poursuit-il, par un échantillonnage représentatif ». Touchant l’algorithme diagnostic de cette nouvelle maladie, le Professeur Kane explique « qu’il y a un réel décalage entre la réalité clinique et les formes suspects ». En effet, « depuis plusieurs semaines, nous avons des formes sévères qui sont identifiées par le scanner et toute la communauté scientifique le sait » déplore-t-il. Et le pis, poursuit Pr. Kane, « ces formes sévères ne sont simplement pas répertoriées comme des cas Covid-19 et ne sont même pas dans un parcours de soins dédiés, alors que ces formes méritent peut-être plus d’attention et c’est bien connu par la communauté scientifique ». Ainsi pour lui, « il y a une grande lenteur à comprendre cette approche là et à l’intégrer dans les nouveaux algorithmes diagnostics ».
Aussi, « cette méconnaissance de la prévalence indique qu’il y a certainement des décès liés à la Covid 19 dans les centres de santé, cliniques, au niveau communautaire, entre autres, qui ne sont pas comptabilisés », renseigne le président de la Cosas. Et d’ajouter : « si on avait testé un nombre important de personnes, on aurait pu avoir plus de 500 personnes infectées en 24h ». « Nous perdons des enfants, des personnes âgées… » La saturation des structures sanitaires est palpable. Le Sénégal compte à la date d’hier, dimanche, 8135 cas de contaminations et un taux de contamination qui vient de passer la barre des 12% en moyenne.
Autrement dit, les structures sanitaires du pays n’ont plus suffisamment de lits pour accueillir les malades, raison pour laquelle le ministère de la Santé a opté pour « des prises en charge à domicile ». Plus grave, les services de réanimation sont au bord du gouffre ce qui explique en conséquence la montée des cas de décès, soit 148 cas au dernier bilan. Aussi, à côté de cette saturation des structures sanitaires, ce sont les autres services de soins d’urgence qui sont paralysées et donc enfantent en conséquence des cas de décès. « Nous, les cardiologues, nous avons une liste de malades du cœur qui n’ont pas pu être opérés » déplore avec amertume le Pr. Abdoulaye Kane. Le cardiologue indique que « nous perdons des enfants, des personnes âgées, parce que c’est seulement le centre Cuemo qui devrait les prendre en charge. Ce sont des décès en série auxquels nous assistons de plus en plus ». À cet effet, poursuit-il, « il faut qu’on retrouve le juste milieu au niveau de la pyramide sanitaire », non sans fait savoir que c’est la même photographie dans les services de traumatologie et orthopédie..
PAR Babacar Touré
DE LA CULTURE AU CULTE DE LA VIOLENCE
La violence de la rue, celle faite aux femmes, aux groupes vulnérables et défavorisés, interpelle nos consciences détournées même si on a plutôt tendance à les occulter par le déni ou à se défausser par ponce pilatisme
«Les grands esprits discutent des idées, les esprits moyens discutent des évènements, les petits esprits discutent des gens » (apocryphe)
LE SÉNÉGAL ENTRE DÉFI ET DÉNI
Le Sénégal n’a jamais autant mérité son surnom de Ndoumbélane, ce royaume magique sorti de l’imaginaire de deux monstres sacrés de notre littérature, Léopold Sédar Senghor et Abdoulaye Sadji. C’était au temps où les animaux parlaient. Leuk-le-lièvre, rusé, espiègle et gouailleur, représente le Sénégalais de notre époque. Il tient de Kakatar le caméléon, toujours aux aguets, doté d’yeux à mobilité indépendante, d’une capacité à changer de couleur à des fins de communication (séduction) et de camouflage. La nature a également pourvu ce reptile d’une langue protractile à même d’attraper sa proie, comme le font certains compatriotes passés maîtres dans l’art de médire, d’affabuler et de jeter en pâture d’honnêtes citoyens, parfois par méchanceté envieuse, souvent par mesquinerie gratuite.
A cet égard, Ndoumbélane peut se targuer d’une solide tradition remontant aux temps immémoriaux. Quand on prête attention à la geste de certains de nos héros, figures traditionnelles et même religieuses, les victimes expiatoires et les critiques de leurs hauts faits d’armes ou miracles, souvent des rivaux ou des sceptiques, sont affublés de tous les noms d’oiseaux, symboles de leur infamie supposée ou réelle. Cela est tout aussi vrai dans le registre de la satire sociale où la critique de la société, par les moqueries, la caricature, voire la stigmatisation sont monnaie courante. Coépouses, belles-familles, prétendants éconduits et époux suspectés d’avarice sont la cible des quolibets « agrémentant » les joutes verbales des troubadours, des « takhouranekatt », « khakharkates », accompagnateurs et autres préposés à l’art divinatoire et oratoire.
Les guerres de rapine et la chasse aux esclaves ont forgé une mémoire faite d’exactions et d’outrances verbales, de servitude et de bannissements que l’on cherche aujourd’hui encore à enfouir dans d’inénarrables secrets de familles.
La chronique de certaines rivalités politiques ne fait pas exception du point de vue de l’exercice de la violence, y compris par l’Etat. La violence est consubstantielle à notre histoire politique et sociale. Elle a parfois débouché sur la mort d’hommes dont les plus marquantes sont celles de Demba Diop, Omar Blondin Diop sous Senghor, Me Babacar Sèye à la suite d’une compétition Abdou Diouf / Abdoulaye Wade.
Les querelles syndicales ont également transformé des bourses du travail en scènes de batailles meurtrières, les manifestations d’étudiants désarmés en ont envoyé certains ad patres, sous les balles de policiers ou de gendarmes. Ces mêmes policiers ont subi la furie meurtrière de manifestants politico-religieux ayant provoqué la mort, en février 1994, de six d’entre eux, piégés dans leur véhicule en stationnement lors d’un meeting de l’opposition. C’est une des raisons majeures des difficultés rencontrées par ceux qui veulent réduire l’Histoire du Sénégal à des histoires de familles, de grandes familles «ceddo », «religieuses » ou politiques.
Des secrets d’alcôve ou de polichinelle jalonnent notre histoire qui n’échappe pas à la nature des hommes et des femmes qui la font. Une histoire sublimée par de hautes œuvres d’hommes et de femmes exceptionnels et exemplaires qui font la fierté et la bonne réputation de notre pays, mais aussi d’adeptes de violence physique et verbale pouvant aller jusqu’à provoquer la mort par assassinat ou suicide. Le Sénégal actuel est aussi le résultat – mais pas uniquement - de guerres d’occupation et d’annexion menées par des familles régnantes entre elles , des envahisseurs, du Nord comme du Sud du Sahara, des caravaniers et des propagateurs de la foi, chrétiens et musulmans et de rugueux bâtisseurs de royaumes ou d’empires, sabre au clair. A ce propos, on feint d’ignorer que les djihâds sont des entreprises de soumission par la violence qui réservaient hier comme aujourd’hui, aux mécréants et à ceux qui voulaient préserver leur religion, leur culture et leur mode de vie traditionnels, un sort peu enviable (amputation, castration, décapitation, etc.)
Point d’orgue de la destruction de nations non encore constituées, encore moins cristallisées, la conquête coloniale et le dépeçage du continent par les puissances européennes à la Conférence de Berlin (novembre 1884- février 1885), ont achevé de déstructurer nos sociétés et les entités qui la composaient. L’Histoire, c’est à dire l’expérience d’hommes et de femmes en mouvement, dans une séquence spatio-temporelle longue, permet aux spécialistes d’explorer de manière compréhensive et d’exposer, à grands traits, les facteurs et les acteurs de l’évolution des sociétés antiques et modernes- ou en déficit de modernité transformationnelle assumée. Les anachronismes non adressés, la déculturation imposée par le fait colonial et religieux sont symptomatiques de pathologies anciennes dont le traitement curatif ne peut plus être différé. Sous peine de la plus affligeante des sanctions, la relégation dans les coursives de l’histoire !
A côté de la Téranga sénégalaise tant vantée, se distille une culture de violence atavique, qui ne cherche que la moindre occasion pour s’exprimer, y compris de la plus hideuse et la plus cruelle des manières. On est loin des pogroms et des massacres de masse, cependant la violence domestique prend des proportions qui ne cessent d’inquiéter. Chaque jour qui passe apporte son lot de crimes crapuleux ou passionnels, de violence sur ascendants ou descendants, au sein de la famille, dans le quartier ou le village.
VIOLENCE ATAVIQUE
Les passes d’armes non conventionnelles, de discrédit massif entre sociétaires d’un même parti, - au pouvoir - et entre opposants et gouvernants, procède, en réalité d’une culture de violence inhérente à notre société dont les formes varient selon les époques et les protagonistes. Présente tout au long de notre histoire et dans nos histoires, cette culture de la violence semble être aujourd’hui érigée en culte du fait de l’appauvrissement du débat, de la lutte des places et des querelles de personnes autour du chef, qui s’est substituée à la lutte des classes, poreuse aux débats d’idées, d’orientation, de programmes. L’effondrement du système d’enseignement, d’acquisition de connaissances et d’apprentissage, l’analphabétisme et le néo-analphabétisme éducatif et politique ont pavé la voie à un ersatz idéologique des plus débilitants. La formation politique dispensée naguère dans des « écoles du parti », dans les séminaires, les conseils nationaux, les congrès à thèmes, les universités d’été, ont disparu dans la pratique et dans la mémoire des militants et des citoyens, livrés à eux-mêmes et tenaillés par la nécessité. Le seul choix qui s’offre à eux, reste celui de se nourrir à travers des ambitions matérielles et non de s’encombrer l’esprit avec des projets de société ou de promouvoir un vivre-ensemble soucieux de progrès et d’harmonie.
DEFICIT DE LEADERSHIP
De la chance, plutôt qu’une licence (d’enseignement) ou le hasard plutôt que l’effort, l’argent de la débrouille plutôt que gagné honnêtement, à la sueur de son front ou avec la « force de ses bras », résume cette mentalité de plus en plus partagée dans notre société, notamment dans sa frange jeune. A sa décharge, les exemples et les pratiques qui structurent cette vision de la vie, s’illustrent dans le système du modèle en cours chez les puissants et les nantis au pouvoir et dans la société. Dans ces conditions, l’argument de la force verbale ou physique, s’impose – tout aussi forcément- à la force de l’argument. Le déficit dans le leadership constaté à l’occasion de certaines querelles alimentées par des rivalités autour de la proximité du chef, de la famille et des cooptés du moment, se traduit souvent par une incapacité de trancher ou même d’arbitrer. Le "laisser-faire", « laisser dire” alors de mise, contribue à asseoir une véritable culture de l’impunité. Ce phénomène de groupes dédiés à des travaux de masse, de protection de sécurisation de leurs mentors, de riposte et de représailles de ceux qui ont l’outrecuidance d’émettre la moindre réserve ou critique à leur endroit. Les politiques, les chefs religieux, les entrepreneurs de la foi, de même que des populations abandonnées par la sécurité publique se sont arrogé des prérogatives désertées par l’État. Des dahiras n’hésitent pas à camper devant les tribunaux et les prisons pour libérer certains des leurs en délicatesse avec la justice. Les auteurs d’attaques contre des personnes et leurs biens sont rarement poursuivis et leurs commanditaires plastronnent à l’occasion, aux côtés des autorités politiques et étatiques. Des intouchables utilisent une jeunesse désorientée et abusée comme masse de manœuvre et monnaie d’échange. Leur pendant, dans la sphère politique, s’apparente aux comités d’action (des Socialistes), aux Calots bleus, (de Abdoulaye Wade) et aux Marrons du feu (de Macky Sall), séides et bras armés des différents régimes. L’énoncé et la profération de cette violence outrancière et outrageante sont pour autant forgés dans la sève matricielle de nos langues et de nos expressions langagières, avec à la base, des motivations tactiques ou situationnelles, voire émotionnelles. La rubrique des faits divers des quotidiens, radios, télévisions et sites d’informations est abondamment alimentée par des histoires de personnes ébouillantées, éborgnées défigurées, amputées. Même les morts ne sont pas épargnés, dont les sépultures profanées, les linceuls et les organes prélevés font l’objet de trafic à but lucratif et mystique. Que dire des sacrifices rituels en vue d’obtenir faveurs, fortunes et pouvoir ?
MISERE SOCIALE ET MORALE
Qui, enfant, n’a pas « aiguisé » ses apprentissages de lecture en essayant de décrypter certaines incroyables inscriptions et images dessinées au charbon dont les insanités tapissent toujours les murs, à côté des « défense d’uriner ». La violence de la rue, celle faite aux femmes, aux groupes vulnérables et défavorisés, interpelle nos consciences détournées même si on a plutôt tendance à les occulter par le déni ou à se défausser par ponce pilatisme. Fugueurs ou en rupture de cocon familial, à qui on a volé enfance et rêves, sans domicile et livrés aux intempéries et à toutes sortes d’agressions, les enfants de la rue - plutôt dans la rue -, sont l’expression de cette violence banalisée de notre société. Quand ils ne sont pas déscolarisés et rendus à l’analphabétisme de la plupart de leurs congénères qui n’ont pu fréquenter l’école française, l’enseignement coranique, dans une large mesure, leur inculque les préceptes de la religion et du Livre saint. Des pratiques et des méthodes dont la barbarie le dispute à l’indigence, rythment leur quotidien de parias promis à la délinquance précoce. Jetés à la rue, à la recherche de pitance et de pécule pour les maîtres oisifs, abrités sous le parapluie d’un obscurantisme à la fois inhibiteur et réducteur.
Viols, agressions, violence économique, misère sociale et morale, décrochage scolaire, chômage, déclassement, déchéance ! La violence peut être sourde, douce, vicieuse, pernicieuse, dissimulée, active, au grand jour, consciente, revendiquée ou non, inspirée ou déléguée, brutale ou atténuée. Toujours motivée, rarement gratuite, elle interroge et est sujette à interprétation forcément. Elle est souvent une réponse à d’autres types de violence institutionnelle, sociale, endogène et/ou exercée de l’extérieur. Les causes de la violence s’expliquent toujours. Avec l’avènement d’Internet, la concurrence entre anciens et nouveaux, certains animateurs et usagers des médias, se nourrit de surenchères, de fake news, d’infox, d’injures et de propos infamants, de la part de ceux qui ont délibérément tourné le dos aux formidables opportunités du web. Les médias de la surenchère entretiennent un climat malsain, anxiogène et conflictogène, titillant les bas instincts et préparant les esprits –consciemment ou non-à des situations extrêmement compliquées. Les médias et les nouveaux outils de communication sont des moyens extraordinaires d’interaction, d’accès et de partage de connaissances, un raccourci efficace pour entrer de plain-pied dans la société globale. Détournée de cette fonction émancipatrice, la révolution numérique peut déboucher sur un message tragique. Les pires ennemis de la liberté, les criminels de tous les ordres, ont fini d’établir que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Des brigades du Net préposées à une cyberguerre peu glorieuse et dégradante, à la solde de politiciens, d’hommes d’affaires de lobbies, etc., envahissent l’espace viral pour distiller leur venin. La violence est en nous, à fleur de peau ou enfouie, elle nous accompagne partout, prompte à surgir sous l’effet de la colère, de la contrariété, de la défiance et de nos pulsions refoulées. La détention et le port d’armes blanches sont à usages multiples, allant des applications de protection, fonctionnelles, domestiques, professionnelles, des sacrifices et de l’abattage d’animaux, etc. Elles sont tellement incrustées dans nos mœurs, qu’on en mesure même plus les dégâts. Les armes blanches sont au Sénégalais ce que le revolver était au cow-boy du Far West américain, où la seule vérité est celle de celui qui dégaine le premier.
"NDIAGA NDIAYE’’ ET AUTRES ’’DIALLO PICC’’, VERSION SÉNÉGALAISE DE L’ESPRIT D’ENTREPRISE
Le rappel à Dieu du célèbre transporteur sénégalais El Hadj Ndiaga Ndiaye, à l’âge de 89 ans, est l’occasion de revenir sur un type spécifique d’entrepreneurs
Dakar, 12 juil (APS) - Le rappel à Dieu du célèbre transporteur sénégalais El Hadj Ndiaga Ndiaye, à l’âge de 89 ans, est l’occasion de revenir sur un type spécifique d’entrepreneurs sénégalais partis de rien pour se hisser haut, souvent contre toutes les logiques de la rationalité économique, bien des fois à l’encontre des codes convenus de la libre-entreprise, version occidentale.
De Ndiaga Ndiaye, l’histoire et les jeunes générations retiendront un esprit entrepreneurial légendaire, dont le symbole naturel consiste en ces "cars Ndiaga Ndiaye", du nom de ces véhicules de transport en commun popularisés par leur accessibilité.
Une indentification qui traduit toute la force de la marque que Ndiaga Ndiaye a laissée sur son pays et l’imaginaire de ses compatriotes, bien avant son rappel à Dieu.
Le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, El Hadji Omar Youm, ne s’y est pas trompé, qui a salué sa mémoire dans un communiqué, avant de lui rendre un hommage appuyé.
"C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le rappel à Dieu de Monsieur Ndiaga Ndiaye, figure emblématique du secteur des transports routiers. Avec sa disparition, le Sénégal perd un pionnier et une référence, imbu des valeurs de citoyenneté, qui a œuvré, toute sa vie durant, au développement d’un transport responsable au service des populations".
"Lorsque le nom d’une personne est associé à un produit au point de finalement identifier ce produit, cela traduit assurément un grand succès commercial ou marketing. C’est ce qui est arrivé à Ndiaga Ndiaye, le plus grand transporteur que le Sénégal ait connu", écrivent les journalistes sénégalais Mody Diop et Amadou Bator Dieng, dans leur livre consacré au parcours de grands entrepreneurs sénégalais.
Dans leur livre intitulé "Croire en soi" (Parcours de grands entrepreneurs), Mody Diop et Amadou Bator Dieng, rappellent que Ndiaga Ndiaye est considéré comme "le père du + carrapide+". Ils écrivent : "En effet le Sénégalais ne dit plus : +je vais prendre un transport en commun’’, il dit : +Je vais prendre un Ndiaga Ndiaye+".
Dans cette publication datant de décembre 2019 (Editions Nègre International), les deux journalistes font naturellement la part belle à la classe des Ndiaga Ndiaye, Lobatt Fall, Diallo Picc, Silèye Guissé et autres Bocar Samba Dièye.
"Partis de rien, souvent issus de familles modestes", ces entrepreneurs "ont réussi à se hisser au sommet par la seule force de leur intelligence, de leur volonté d’entreprendre", écrivent les deux journalistes sénégalais au sujet de ces "précurseurs".
Des self made men partis de rien, sans passer par les bancs de l’école française.
Ils peuvent se prévaloir d’une certaine "générosité" aussi, de même qu’il peuvent se targuer d’avoir expérimenté avant l’heure "cet esprit d’entreprendre que d’aucuns nommeront de façon triviale +débrouillardise+ (…)", sans doute toute la force de ces "self made men qui se sont faits tout seuls, sans forcément passer par les bancs".
Les deux journalistes reviennent ainsi sur le parcours de "certains traitants comme Ahmet Gora Diop, le marabout-agriculteur Cheikh Anta Mbacké, Wagane Diouf, Alassane Seydi de la Casamance, Amadou Assane Ndoye et bien d’autres".
"Ils seront suivis par les pionniers dont certains ont même bâti des empires. On pense à El Hadj Djily Mbaye et Ndiouga Kébé, mais aussi à Tamsir Mboup, Bara Mboup, Lobatt Fall, Diallo Pic, Rokhaya Sall, Dior Diop, Ndiaga Ndiaye, Silèye Guissé, Bocar Samb Dièye et autres".
Il y a ensuite les "héritiers naturels" comme Serigne Mboup, mais également des +inconnus+ tels Cheikh Amar, Harouna Dia, Aimé Sène, Babacar Ngom, El Hadj Ndiaye, Youssou Ndour, Diouma Dieng Diakhaté, etc."
S’agissant de Ndiaga Ndiaye, après des études coraniques, il s’installe à Mbacké où il apprend le métier de chauffeur avant d’obtenir le permis de conduire à Saint-Louis (nord) en 1955.
Il se voit chauffeur de car, obtient son premier véhicule et décide de faire le trajet quotidien Darou Mousty-Dakar. "Il se fait un devoir de permettre aux ruraux d’accéder à la capitale et vice-versa. S’imposant alors une rigueur sans égale, Ndiaga Ndiaye ne sort de son trajet pendant près de 20 ans et économise beaucoup d’argent", écrit MM. Diop et Dieng.
Il achète par la suite "un car Mercedes-Benz 508 qui deviendra plus tard le fameux +Ndiaga Ndiaye+, puis un autre, pour finalement se retrouver avec un parc impressionnant".
"Ndiaga Ndiaye est pratique et il va le montrer. Il ouvre deux garages mécaniques pour entretenir ses véhicules et diminue ainsi les lourds frais de maintenance. Ensuite, il délaisse le volant et organise les départs, choisit les chauffeurs, fixe les versements et supervise tout. Les 20 ans passés sur les routes du Sénégal comme chauffeur l’aident énormément", raconte les deux journalistes.
Ils ajoutent : "Ndiaga Ndiaye met enfin en place un système qui fera du chauffeur d’un car le propriétaire du véhicule après quelques années de service. En 1986, il comptait jusqu’à 350 bus dans son parc".
Le parcours de "Diallo Picc", parmi d’autres, n’en est pas moins passionnant et riche d’enseignements, de son loin Diaba natal, dans le Podor profond, au nord du Sénégal, à Dakar, une trajectoire ressemblant à "un véritable conte de fée tant il était improbable que le jeune Foukanté puisse atteindre les sommets de la réussite sociale et cela à la seule force de son intelligence et de son esprit d’entreprise".
"Diallo Picc’’ passait pour un original sinon un fou
"Diallo Picc", employé à ses débuts dans une société de pêche, remarque la forte attirance des amis de son patron blanc pour les oiseaux. "Il se dit qu’il tient là une opportunité et n’hésite pas à commander de multiples oiseaux en brousse pour les revendre à Dakar", souligne les deux auteurs.
Selon eux, "Diallo Picc" est d’abord pris pour un original, pour ne pas dire un fou, quand il se met à aménager des terrasses en coquillages pour les oiseaux alors que les gens ont besoin de maisons pour se loger. "Mais il n’en a cure. Il organise son business, met à contribution de jeunes villageois qui l’approvisionnent et cela marche au-delà de ses espérances".
"Le voilà même bientôt en train d’aller vendre ses oiseaux en France et les commandes affluent de partout dans le monde. La fortune est au rendez-vous et notre homme d’affaires investit dans la pêche. C’est ainsi qu’il va se retrouver à la tête d’une véritable flotte de bateaux de pêche", relèvent-ils.
Comme Ndiaga Ndiaga et "Diallo Picc", ces lignes peuvent se coller à la trajectoire de bien d’autres entrepreneurs sénégalais, bien plus qu’on ne le croit.
La vie et le parcours de ces self made men a ceci de vertueux qu’ils donnent aux plus jeunes l’exemple vertueux de gens qui se sont faits sur le tas, contre les discours économiques modernisants qui incluent tous les paramètres sauf la profondeur de la foi de celui qui croit en soi et à son destin.
L'AMA N'A AUCUNE COMPÉTENCE PA ENQUÊTER SUR LES CONTRATS MARKETING
Papa Massata Diack prend la parole. Après avoir manqué le procès de l’IAAF à Paris dont son nom a été trainé dans la boue, l’ancien conseiller marketing de l’IAAF sort de son mutisme.
Papa Massata Diack prend la parole. Après avoir manqué le procès de l’IAAF à Paris dont son nom a été trainé dans la boue, l’ancien conseiller marketing de l’IAAF sort de son mutisme. Il accorde une exclusivité à www.challengesports.info pour sa première sortie. Le fils de Lamine Diack brandit ses preuves et réplique sur les accusations portées contre lui. Diack fils se lave à grande eau dans CHALLENGE SPORTS. Le long entretien qu’il nous a accordé va être publié ici par jet tous les jours pour démonter le dossier judiciaire monté contre lui et son père pour faire accéder selon ses propres termes Sebastian Coe à la tête de l’ancienne IAAF devenue aujourd’hui World Athletics.
Monsieur Papa Massata Diack, vous avez été l’agent marketing de l’IAAF de 2007 à 2015. Le procès IAAF vient d’être bouclé à Paris le 18 juin dernier. On vous reproche d’avoir mal négocié des contrats de sponsoring et accusé de corruption, plaidez-vous coupable ou non coupable ?
Je dois préciser d’abord que j’étais le conseiller marketing de l’IAAF et non l’agent Marketing qui se nommait Dentsu (Ndlr : Agence japonaise de publicité et de marketing) qui avait les droits exclusifs achetés en 2001 et jusqu’en 2029. C’est à partir de 2007 que je suis venu comme conseiller en marketing de l’IAAF pour les aider à pénétrer neuf marchés émergents. C’était ça mon rôle. J’ai bien rempli ma mission dans la mesure où en moins de quatre ans, j’ai pu trouver une base de quatre clients clés sur les marchés chinois, Coréen du Sud, et Russe. Et cela a abouti à des contrats à hauteur de 128 millions de dollars.
J’ai très bien négocié contrairement à ce que la justice française me reproche. Nous avons fait notre mission, nous avons rendu compte en mai 2015 à la commission marketing et personne ne s’en était plainte. A travers nos activités de conseils et d’appuis, nous avons réussi pendant huit ans à engranger presque 138 millions de dollars. Et cela a permis à Dentsu de continuer sa collaboration avec l’IAAF jusqu’en 2029. Toutes ces accusations sont fallacieuses et mensongères. Ils disent que l’IAAF m’a payé 1.900.000
Dentsu ne vous a jamais reproché cela ?
Il n’y a aucune déclaration venant de Dentsu ou AMS attestant que j’ai mal négocié un contrat. Ce n’est pas un tribunal à Paris qui devrait apprécier mon travail. Il appartient à l’agent marketing dont je dépends d’apprécier mon boulot. Pour l’IAAF, j’ai apporté 27 millions 100 mille dollars. En huit ans de collaboration ils ont dit dans le rapport que j’ai gagné 5 millions 900 mille dollars.
Rien que cela, c’est infime par rapport à ce que j’ai apporté à Dentsu et à l’IAAF. Ce qui fait un total de 155 millions de dollars. Et on dit que je n’ai rien versé à l’IAAF. Le tribunal s’est lourdement trompé dans ses accusations.
Vous dépendiez du Secrétariat général n’est-ce pas ?
Absolument ! (Il insiste). Le premier contrat était signé avec le Président, mais le second c’était avec le Secrétaire Général parce qu’à l’époque il n’était pas en fonction. Monsieur Essar Gabriel qui est français est venu en 2011 en tant que secrétaire Général. Je dépendais aussi du vice-président chargé du marketing Helmut Digel. Y avait aussi un Directeur marketing. Et pourtant les enquêteurs de l’AMA (Ndlr : Agence mondiale antidopage) disent dans les rapports que je faisais ce que je voulais. C’est faux. (Il se répéte).
Pourquoi on vous fait porter ce chapeau-là alors que vous aviez des supérieurs aux quels vous dépendiez ?
Parce que tout simplement ceux qui ont déposé cette plainte là à Paris n’ont pas enquêté. Il y a une chaîne de responsabilités au sein de l’IAAF. Il y avait un Directeur de marketing qui s’appelait Luis Carulla et Pierre Weiss aussi qui était secrétaire général en 2006. Dire que c’est Massata Diack qui gérait le marketing c’est abusé. C’est une pure invention des enquêteurs de l’AMA en l’occurrence Monsieur Gunter YOUNGER et Martine Dubecq.
Pourquoi l’AMA qui est au cœur du scandale pourrait se permettre de se constituer partie civile pour vous traduire devant les tribunaux?
L’AMA s’est permise d’enquêter sur les faits de dopages en accusant la Russie, sur des faits de corruptions et même sur des contrats de marketing, les droits de télévisions et l’attribution des championnats du monde.
Cela ne relève-t-il pas de leurs prérogatives ?
Non ! non ! Ce n’est pas son rôle. Malheureusement personne n’a soulevé que l’AMA n’a aucune compétence à enquêter sur les contrats marketing. Ces dénonciations sont purement mensongères et fallacieuses. Ils auraient peut-être dû demander à m’auditionner. Mais rien n’est fait. La commission d’enquête indépendante a été constituée en décembre 2014. Ils ont commencé à enquêter en janvier 2015.
Et le rapport a été déposé le 09 novembre 2015. Ils ne m’ont jamais entendu. Ils n’ont jamais entendu Lamine Diack, ni Habib Cissé. Ils se sont permis de faire des accusations sur la base des déclarations faites par des personnes et sur de simples déductions. Quand on fait une enquête judiciaire, il faut le faire à charge et à décharge.
Mais ils ne l’ont pas fait. Ils se sont précipités dès le 15 juillet à déposer des dénonciations à Interpol et le 04 août 2015, Richard William Pound qui est un avocat canadien et membre du CIO a déposé cette plainte. Contrairement à ce qui a été dit en arguant que c’est Anthony Hooper (Ndlr : l’enquêteur anglais qui avait saisi PMD de l’affaire) qui a déposé la plainte. Il n’a rien à voir avec l’AMA. Il n’a jamais déposé un rapport d’enquête au niveau de la justice française.
AGRESSION CONTINUE DU DOMAINE PUBLIC MARITIME
Face au débat sur le foncier au Sénégal, Sud Quotidien propose à ses lecteurs un dossier réalisé par un journaliste chevronné, Pape Samba Kane (PSK, comme on le surnomme) sur les violations du Domaine public maritime
Face au débat sur le foncier au Sénégal, Sud Quotidien propose à ses lecteurs un dossier réalisé par un journaliste chevronné, Pape Samba Kane (PSK, comme on le surnomme) sur les violations du Domaine public maritime dans la presqu’ile du Cap-Vert. Une enquête qu’il avait réalisée du 16 août au 9 septembre 2008, dans le cadre de la rédaction d’un ouvrage collectif pour le compte de l’ONG «Aide Transparence». Dans ce premier jet, le journaliste-écrivain passe en revue le domaine public maritime, du Cap-Manuel à la zone de MBao et de Yoff Waarar à toute la Corniche. PSK arrive à la conclusion selon laquelle, le DMP «ne peut être occupé qu’à titre précaire et révocable».
I. UNE TRÈS VIEILLE HISTOIRE QUI RISQUE DE FINIR MAL
Cette enquête s’est déroulée du 16 août au 9 septembre 2008 et portait sur les violations du Domaine public maritime (DPM) dans la presqu’ile du Cap-Vert (précisément, du Cap-Manuel à la zone de MBao et de Yoff Waarar à toute la Corniche), dans le cadre de la rédaction d’un ouvrage collectif pour le compte de l’ONG « Aide Transparence ». Cette partie du travail, un dossier dans notre jargon de journaliste, que nous avions personnellement réalisé dans ce cadre, prend aujourd’hui un relief particulier avec cette actualité chaude autour de ce que nous avions alors appelé – on était en plein dans les préparatifs du sommet de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), en 2008 : « Le bradage du littoral dakarois » - ou Domaine public maritime (DPM) pour parler comme la loi.
Les parties du littoral concernées par la notion de Domaine public maritime, qui fait partie du Domaine public naturel de l’État sont, contrairement aux affirmations souvent entendues lors de nos investigations, bien décrites par la loi : « …les rivages de la mer couverts et découverts lors des plus faibles marées, ainsi qu’une zone de 100 mètres de large à partir de la limite atteinte par les plus faibles marées. » (Article 2 de la loi n° 76 – 66 du 2 juillet 1976 portant Code du Domaine de l’État, dont une exégèse éclairante a été faite dans les colonnes de ce journal par Abdoulaye Dièye, enseignant chercheur à la faculté de Droit de l’UCAD)
À se promener sur le littoral, tout le monde se rendait compte de l’occupation massive du DPM tout le long des côtes dans toute la presqu’ile du Cap-Vert. Ce phénomène s’était accéléré de façon remarquable depuis quelques années avant ce travail, et était lié, aux yeux de tous les observateurs, à l’émergence, depuis 2000, de nouvelles élites politiques et économiques particulièrement gourmandes en terres, encouragées dans leur boulimie foncière par un État encore plus tatillon que jamais et dont les plus hauts responsables s’étaient eux-mêmes lancés dans une spéculation foncière sans réserve, y compris sur le DPM.
Cette ambiance de ruée vers l’or n’était évidemment pas propice au respect des lois et règlements, et quasiment toutes les occupations de terrains sur le domaine public maritime étaient sujettes à caution, notamment celles faites dans le sillage des travaux de l’Agence nationale de l’Organisation de la Conférence islamique (ANOCI) dirigée alors par Karim Wade. Apparemment, des porteurs de projets ayant eu du mal en temps normal à trouver les autorisations nécessaires, se sont engouffrées dans la brèche des urgences ouvertes par les responsables de l’agence, pour obtenir les sésames nécessaires. Ou, quand ils ne les avaient pas obtenues, s’en passer carrément dans une ambiance d’impunité ou d’excessive bienveillance favorisée par lesdites urgences de l’Anoci.
Les porteurs de ces projets n’avaient certainement pas les mêmes priorités que l’Agence nationale, car aucun des projets hôteliers et autres qui nous avaient été présentés comme étant partie intégrante des travaux préparatoires du sommet n’était achevé au moment où ces lignes étaient écrites. Et ne le sera pas avant le sommet en question. Certains de ces bâtiments, aujourd’hui encore, douze ans après – nous avons refait le même circuit cette semaine, du môle 1, au Virage vers l’aéroport LLS - voir encadré -, sont restés inachevés, véritables fantômes de béton gris qui hantent le littoral dakarois, d’est en ouest ; beaucoup étant devenus des repaires de marginaux et autres malfrats ; d’autres ont été finis - longtemps après la chute des Wade, avec la bienveillance des nouvelles autorités - soit tels qu’ils avaient été présentés, soit après avoir changé d’objet.
Un véritable gâchis, comme jamais l’occupation anarchique du DPM ne l’avait permis. Et pourtant, comme on le verra, tous les régimes qui ont eu à gérer ce pays ont enfreint la législation en ce qui concerne l’occupation des terres du littoral.
Nous avons tenté de savoir, à propos de cela et d’autres questionnements encore. Notamment, comment et pourquoi des terrains non aedificandi ont-ils pu se transformer en Titres fonciers, parfois avec une rapidité déconcertante sur toute la corniche ouest ; et comment aussi, beaucoup plus loin, sur la bretelle menant vers l’ancien Club Med, des restaurants, alors baraquements informels, dotés de titres d’occupations provisoires ou pas du tout, sont devenus des lieux huppés, repris par de riches opérateurs à leurs propriétaires d’origine, des squatters heureux de céder à prix d’or des fonds de commerce sans grande valeur, sinon leur situation “les pieds dans l’eau”, comme on dit. Et ce n’est pas tout – oh, que non ! -, on va le voir...
La période hivernale, particulièrement pluvieuse l’année au cours de laquelle s’est déroulée cette enquête, met immédiatement à l’esprit de quiconque se penche de prés sur l’occupation anarchique du Domaine public maritime (DPM), les questions liées à la sécurité des bâtiments et autres lieux d’- habitations construits sur la façade marine, trop près de la mer, ainsi que celle des personnes les occupant. Il faut compter parmi ces bâtiments les infrastructures routières et les ouvrages fonctionnels, ainsi que les hôtels et cliniques, construits ou encore en construction dans le cadre de la tenue dans notre pays du sommet de l’Organisation de la Conférence islamique en avril 2008. Ces ouvrages, ainsi que leurs usagers sont bien évidemment, eux aussi, concernés par les questions de sécurité évoquées tantôt. « Ces périls qui frappent a nos portes » sont vieux comme Dakar, et le supplément numéro 19 du 27 janvier1999 de Sud quotidien auquel nous avons emprunté son titre ici mettait déjà l’accent sur les risques induits par l’avancée de la mer, les séismes, les glissements de terrain et le réchauffement climatique sur le littoral dakarois et soulignent, avec Mme Isabelle Niang Diop, Maitre de conférence en Géologie côtière, que l’urbanisation inconsidérée de cet espace est un facteur aggravant pour ces risques. Il y avait donc alors vingt ans, les risques liés à ces occupations étaient déjà alarmants ; aujourd’hui, au vu des révélations parues dans la presse depuis le 2 juin 2020 (reportage de Sud Quotidien), suivies de cette sorte de déballage tous azimuts où l’on sent que la ruée sur les terres du littoral ne s’est jamais arrêtée, revenir sur cette question, dans son fond, dans un dossier ample, sans passion, et autant que possible précis, apportera un éclairage, pensons-nous, beaucoup plus utile que les querelles, accusations et contre-accusations notées ces dernières semaines dans les médias ; où l’on ne sait plus qui, de l’État, des mairies, et des bénéficiaires, est responsable de quoi, où, comment, pourquoi et depuis quand. En novembre 2006, lors d’une conférence à Nairobi sur le réchauffement climatique, consacrée aux risques pour l’Afrique, le Programme des Nations unies pour l’Environnement (Pnue) lançait un cri d’alarme, prévenant que dans moins de70 ans les inondations pourraient causer la destruction de 30% des infrastructures côtières en Afrique et provoquer des déplacements massifs de populations 1.
Mme Annie Jouga, architecte, interrogée par nos soins près de dix ans après Mme Niang Diop (voir page 1), soutient également que les arguments selon lesquels ces constructions sur les falaises constituent des facteurs de stabilisation de la roche et contribueraient à stopper ou ralentir l’érosion des côtes ne sont pas recevables. Elle les voit plutôt comme des facteurs aggravants et invite les autorités au réalisme en faisant recours aux techniques éprouvées en matière de protection côtière.
Selon elle, les vibrations subies par les côtes du fait de la multiplication de gros chantiers qui vont chercher des emprises à des profondeurs incertaines fragilisent la roche. Les deux nouvelles voies de la Corniche où la circulation se fait à grande vitesse ne sont pas non plus, de son point de vue, pour stabiliser les côtes. En tout état de cause, elle en appelle au respect des lois organisant l’occupation du domaine public. Mme Jouga en appelle aussi à l’éthique dans la distribution et l’occupation de ces espaces dont la jouissance revient de droit aux Sénégalais de toute condition. Rappelant qu’elle est elle-même originaire du Plateau, où elle a grandi, elle regrette qu’aujourd’hui ses enfants ne puissent, comme elle à leur âge, se baigner dans toutes ces plages de la côte est de Dakar qui sont ou privatisées, de fait comme de jure, ou polluées. Le phénomène n’est pas nouveau, admet-elle, mais il aurait de nos jours atteint des niveaux insupportables. « Aujourd’hui, il faut faire des dizaines de kilomètres pour trouver une plage fréquentable », conclut-elle, sous ce chapitre. (Rappelons que ce dossier, inédit dans les médias date de 12 ans, et que depuis, rien n’a été fait pour arrêter cette occupation anarchique, illégale ; au contraire ! Comme le démontrent les débats et controverses actuels, la fête continue de plus belle).
L’occupation massive et illégale du littoral dans la presqu’ile du Cap-Vert n’est pas une affaire nouvelle, mais elle a pris un tour précipité ces dernières années avec l’avènement de nouvelles élites politiques et économiques, les deux catégories se recoupant à travers les mêmes personnes. La Corniche de Dakar, qui borde la ville d’est en ouest est le lieu privilégié de cette mainmise peu soucieuse de légalité, malgré tout un arsenal de codes et de lois, de plans d’aménagement et de directives, superbement ignorés par ceux qui sont chargés de les faire respecter : les mêmes coteries, bien évidemment, qui occupent ces espaces destinées à une jouissance collective démocratique, respectueuse des normes environnementales et des consignes de sécurité. La décision prise par les autorités de l’État, à travers l’Agence nationale de l’Organisation de la Conférence islamique, d’embellir la corniche de Dakar et de construire de nouvelles infrastructures hôtelières d’est en ouest de cette façade maritime de la capitale du Sénégal, a transformé cette précipitation, faite d’initiatives individuelles quelque peu mondaines, en une véritable industrie d’accaparement de cet espace public à des fins privées qui, même avec l’imprimatur officiel, ne se soucient pas plus de légalité que les mainmises individuelles sur le Domaine public maritime. Au contraire !
LE DOMAINE PUBLIC MARITIME NE PEUT ÊTRE OCCUPE QU’A TITRE PRÉCAIRE ET RÉVOCABLE
Le Domaine public maritime peut faire l’objet d’actes administratifs autorisant son occupation sous diverses formes (concession, bail, etc.), mais « à titre précaire et révocable », dit expressément l’article 13 du Code du Domaine de l’État d’où toute construction sur cet espace est soumise a des conditions de durée (avec les baux, par exemple) et obligations architecturales qui en garantissent la précarité, comme la construction sans emprises sur les sols. Or, avant les chantiers de l’ANOCI, mais surtout pendant ceux-ci, on a vu s’ériger le long de la corniche, en contrebas des falaises, sur les plages, taquinant l’eau, de solides bâtiments d’habitation ou destinés à un usage public comme des hôtels ou des cliniques, et même des écoles privées qui ont l’air de tout sauf de cabines démontables.
Et aujourd’hui, en 2020, dans les faits relatés par les médias, on parle même de titres fonciers sur la DPM, d’autorisations de construire délivrées par des maires, et d’autres actes hérétiques au regard des dispositions invoquées, ici. Sauf si la loi a été changée, et ce ne sera qu’en catimini (cela s’est vu au Sénégal), on est en pleine anarchie juridique ! Sauf, bien sûr, et nous l’avons vérifié, que la loi n’a pas changé (voir encadré). Imposants et massifs, indifféremment construits en contrebas de la falaise ou au-dessus d’elle, ces constructions ont pour première particularité de jeter à la figure du passant l’opulence de leurs propriétaires pour les résidences individuelles, des promoteurs et de leur clientèle pour les complexes résidentiels, les hôtels, cliniques, parcs d’attractions et clubs privés –certains parmi ces derniers datant de l’époque coloniale, ou en étant des survivances entretenues par l’ancien régime des socialistes, et ayant encore, apparemment, de beaux jours devant eux. Seconde particularité de ces constructions, elles densifient, avec la nouvelle infrastructure routière et ses ouvrages lourds, le mur de béton entre l’océan et la ville, privant ainsi Dakar, une presqu’ile étroite, des vents marins qui l’empêchaient d’étouffer de chaleur.
RANDONNÉE SUR UNE CORNICHE QUI ÉTOUFFE D’EST EN OUEST
Une petite randonnée, étape après étape, de l’axe quittant le môle 1 du Port de Dakar pour s’engager dans la corniche-est, jusqu’au quartier de Yoff, juste après le lieu dit Le Virage, sera instructive, à la fois sur les violations flagrantes des lois sur le DPM -depuis l’indépendance et audelà -, sur l’accaparement privé, souvent à des fins d’enrichissement personnel, des ces terrains très prisés par les classes dirigeantes successives et leurs oligarchies économiques. Et surtout sur l’absence de retenue qui caractérise aujourd’hui, avec l’avènement du pouvoir libéral, la ruée sur les réserves foncières de l’État, notamment ceux du Domaine public maritime, par les mêmes classes dirigeantes, à travers les mêmes procédés, aux mêmes fins, ou pire : de fortes présomptions d’opérations financières frauduleuses, notamment de blanchiment d’argent, pèsent sur les constructions immobilières luxueuses et foisonnantes qui poussent comme des champignons dans Dakar, en contradiction flagrante avec l’état de pauvreté avancé du pays et de la grande majorité de ses habitants. Notre randonnée renseignera aussi sur le peu de cas fait du bienêtre des populations riveraines, et donc, forcément des questions environnementales qui conditionnent tout développement durable.
On n’aura pas parcouru cinq cent mètre que la vue sur l’ile de Gorée est perdue, bouchée par Le Lagon I et II, avec ses entrées surélevées. Les hôtels, eux, sont construits en contrebas de la falaise, avec restaurant sur un ponton s’enfonçant dans la mer. Un mur de clôture allant au-delà des surfaces occupées par les bâtiments protège et interdit au promeneur l’accès de la plage jouxtant ces établissements qui datent du début des années soixante. Aucune loi, aucun bail, aucune concession n’en donnent l’autorisation à personne. Le fait accompli fait ici office de loi.
Avant la construction du mur, la plage était timidement fréquentée par le public. Après, même ceux qui, connaissant la réglementation, insistèrent un temps en passant par la berge, finirent par se lasser des brimades et autres remarques des vigiles, sinon des obstacles physiques érigés par les exploitants. Aujourd’hui, dans l’entendement populaire, cette plage est - et s’appelle - : « la plage du Lagon II ». Un peu plus loin, le fantôme qu’est devenu le restaurant Le Niani, ravagé par un incendie alors que des bruits couraient sur sa convoitise par une autorité au plus haut sommet de l’État, interpelle. Cet établissement a aussi été autorisé par l’ancien régime socialiste et date des années 70. Imposant et construit avec emprise sur le sol, ce restaurant va disparaître pour laisser la place, selon toute vraisemblance, a une structure paramédicale de luxe, une clinique de thalassothérapie, massage, kinésithérapie, et dont les promoteurs, des Libanais, seraient proches de la famille présidentielle. La structure sera située juste derrière les murs du palais de la République, une zone depuis peu sous une étrange, toute nouvelle, et stricte surveillance policière. Plus bas, peu avant la plage de l’anse Bernard (Terrou Baye Sogui, de son nom traditionnel), les clubs quasi coloniaux, exclusivement réservés à une clientèle française (L’Union amicale corse, le Club de Bridge, Fédération sénégalaise (sic) de Chasse et de tir, Les Caïmans, club multisports : rugby, pétanque, tennis, etc.). Ils seront sûrement laissés par le régime libéral à leurs usagers privilégiés qui, eux aussi, ont privatisé leur part de plage. Ce qui ne va pas être le cas pour les pêcheurs et promeneurs de Terrou Baye Sogui, plage de débarquement pour la pêche artisanale, de baignade et de villégiature pour nombre de Dakarois menacée depuis toujours par des promoteurs immobiliers et qui devrait céder sous la pression des nouvelles autorités apparemment moins scrupuleuses que leurs prédécesseurs socialistes, même si ces derniers n’étaient pas mal non plus, comme on va le voir.
Sur les rochers, peu avant la plage de sable, trône une villa léchée par les vagues. Elle appartenait à l’origine à la Société nationale des eaux du Sénégal (Sones). Ancien Secrétaire général de la Sones, puis ministre dans le gouvernement socialiste, parti dont il était un des membres dirigeants, son occupant actuel en est devenu, depuis, le propriétaire ; la villa lui ayant été cédée dans des conditions que l’on ignore par la société nationale. Les nouvelles autorités ont tenté de la lui reprendre en vain jusqu’ici, cependant des sources fiables indiquent que ce feuilleton où n’ont pas manqué marchandages et chantages politiques touche à sa fin
LES CONSTRUCTIONS SUR LE DPM CONSTITUENT DES AGRESSIONS CULTURELLES
Ce n’est pas le sort de l’ancien ministre qui nous préoccupe, ici, cette plage, encore une, va être soustraite à la collectivité selon des modalités non démocratiques, avec des implications financières non transparentes et peut-être pas au bénéfice exclusif des contribuables sénégalais. Alors qu’elle est un lieu abritant une activité économique de survie pour une collectivité de pêcheurs, en plus d’abriter une plage tranquille que des Dakarois de toute condition aiment à fréquenter pour la baignade, les promenades ou la méditation (il est à préciser que les convoitises sur Terrou Baye Sogui n’ont pas été assouvies, et aussi celles sur la villa de l’ancien ministre).
Sur le site devait être construit un hôtel, « L’hôtel des Sirènes » dont le propriétaire serait le roi du Maroc, Mohamed VI. Quoi qu’il en soit, le projet tel qu’il nous apparaissait allait occuper toute cette plage, « pieds dans l’eau », et au-delà, vers les falaises argileuses et friables au-dessus de l’unique plage restante et encore accessible au public dans cette partie du littoral, derrière l’- hôpital principal et l’ambassade de Grande-Bretagne, à quelques encablures de l’hôtel Savannah. Le Savannah, un vieil occupant, lui aussi pieds dans l’eau, et qui interdit l’accès à toutes les plages et criques plaisantes qu’il surplombe, ne se privant pas de poser des grilles où il faut, afin d’empêcher l’accès de ces lieux par la berge. Ce qui n’est pas expressément interdit par la loi, mais l’aménagement de commodités pour un libre accès à la berge au nom de l’intérêt général est une condition à l’obtention de concessions et baux pour l’exploitation de sites touristiques balnéaires.
Le principe du libre accès au domaine public maritime intègre l’idée que les servitudes d’utilité publique comprennent les servitudes de passage. « Mais l’illégalité de telles restrictions peut … être déduite d’une lecture de l’article 20 alinéa 1 du Code du Domaine de l’État qui stipule : « Nul ne peut, sans autorisation délivrée par l’autorité compétente, occuper ou exploiter une dépendance du domaine public ou l’utiliser dans des limites excédant le droit d’usage qui appartient à tous sur les parties de ce domaine affecté au public ». On verra qu’aucun des concessionnaires que nous allons visiter le long de notre, itinéraire, du Terrou-bi au restaurant Le Virage ne se prive d’interdire au public l’accès des plages qu’il occupe. Or, ils n’en ont pas le droit, c’est clair dans l’esprit et la lettre de la loi.
Après le Savannah, au premier virage vers le Cap-Manuel, un projet sort de terre : l’hôtel Gorée, 152 chambres qui seront construites quasiment sur l’eau - comme le montre la maquette sur l’affiche géante annonçant le chantier - fait face au large, « avec vue imprenable sur l’ile de Gorée », écrivent les promoteurs, le groupe Mixta. Encore un hôtel prévu dans le cadre du sommet de l’OCI, aujourd’hui derrière nous, mais toujours en construction, comme tous les autres prévus par les organisateurs, ainsi que les cliniques, eux aussi inscrits dans le même cadre et qui tardent a sortir de terre
Quand on contourne la pointe la plus avancée de Dakar, le Cap manuel où se situe le chantier du futur « hôtel Gorée » de Mixta, en contrebas des rochers, et qui abrite depuis toujours, sur ses hauteurs, la résidence du représentant de l’Union européenne jusqu’ici seule face a l’ile de Gorée, on tombe sur les chantiers d’une future clinique. Elle est située en haut de la falaise qui fait face aux iles de la Madeleine, de l’autre côté de la route qui contourne l’imposant ancien tribunal de Dakar, laissé à la ruine en attendant son accaparement (selon une rumeur persistante) à des fins de spéculation immobilière. «La clinique de la Vision» (aujourd’hui “Clinique Belle Vue” – voir encadré : NDA), clinique ophtalmologique, propriété de la SARL Lynn, appartiendrait à des Libanais, ce que tend à confirmer le nom de l’architecte du projet, un certain Sleiman. Elle est destinée à une clientèle à hauts revenus économiques comme toutes celles qui fonctionnent déjà ou vont, dans un avenir proche, fonctionner sur le littoral.
Grâce aux urgences de l’Anoci, ces dernières poussent avec ou sans les autorisations nécessaires, en tout cas en violant tel ou tel code, entre celles de l’Environnement, de l’Eau, de l’Hygiène, de l’Urbanisme, un arsenal juridique qu’on aura contourné ou interprété au bénéfice de promoteurs dont le business est aux antipodes des préoccupations de la majorité de la population. À moins de deux cents mètres du chantier de la future clinique, la déjà vieille «Clinique du Cap» qui fait face, à côté de sa voisine mitoyenne - la villa du défunt ex-président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo - à la résidence de l’ambassadeur de France, sagement installée de l’autre côté du goudron. La clinique comme la villa de l’ex-président du Cameroun, exilé au Sénégal avant d’y mourir, ne sont pas en plein dans le DPM. Elles obstruent cependant la vue sur la mer.
Autorisées par l’ancien régime socialiste apparemment dans les mêmes conditions que les passe-droits de l’ANOCI du régime libéral sur le Domaine public de l’État. Cependant qu’ici, les constructions n’empiètent pas sur les rivages, et les rares promeneurs ou exploitants artisanaux de la mer encore tentés par les berges rendues difficiles d’accès de cette zone, ne rencontrent pas d’opposition à leurs activités. L’administration précédente des socialistes avait-elle plus de souci pour la préservation de l’intérêt collectif ?
Le temps de s’interroger et nous passons devant des monuments historiques, l’Institut Pasteur, bâtisse coloniale à bonne distance de la mer, l’hôpital Aristides Le Dantec, immense domaine hospitalier, qui respire grâce à sa proximité avec l’océan qu’il surplombe à distance respectueuse du DPM. Plus loin, en bifurquant à gauche, le Camp Dial Diop, siège de l’Etat major de l’armée sénégalaise, puis le lycée Lamine Gueye.
Selon des informations données régulièrement par la presse depuis l’avènement du pouvoir libéral et jamais démenties, l’hôpital, le siège de l’État-major de l’armée et le lycée devraient être délocalisés, parce qu’ils seraient dans le collimateur des nouvelles autorités libérales qui ne verraient en eux que d’immenses réserves foncières de grande qualité marchande sur lesquelles il fallait mettre la main à tout prix. Cette rumeur apparemment délirante ne l’était pas tant que ça (NDA : il faut se souvenir que trois ans après 2008, le pouvoir libéral était entré dans un tourbillon politico-affairiste qui allait conduire à sa chute, avec l’élection présidentielle perdue de 2012, après l’étape cruciale du 23 juin 2011).
Et il n’y avait pas que la «boulimie foncière» dont la clameur populaire accusait les tenants du pouvoir, qui ne faisaient rien pour nier cette réputation, que tendaient à confirmer ces projets insensés. Pour ce qui concerne l’hôpital au moins, une avocate réputée nous avait confirmé l’existence du projet, nous promettant même le dossier, avant de se dérober progressivement face à nos relances. La délicatesse du sujet, peut-on présumer (NDA Des levées de boulier régulières, et très médiatisées, de la société civile et d’autres forces organisées - qui ressemblent beaucoup à celles auxquelles le régime actuelles fait face pour les mêmes raisons- ont empêché ce funeste projet d’aboutir, peut-être seulement gelé ; puis intervint la chute du régime).
La prochaine étape de notre randonnée sur la corniche est un projet qui préoccupe beaucoup l’architecte déjà citée, Mme Annie Jouga. C’est le grand complexe hôtelier et de loisir en cours de construction sur le lieu anciennement connu sous le nom de « Club antillais », son chantier, alors circonscrit au domaine de l’ex-club où était déjà érigé un immense hôtel au nom bigarré de «Sokhamon», s’étendait progressivement sur sa gauche. Ce gros chantier, dont les dégâts causés par les travaux d’excavation étaient visibles sur la chaussée qui le surplombe, le goudron étant lézardé sinon crevassé, est construit sur une zone non aedificandi et n’avait pas fini, si l’on en croit Mme Jouga, de révéler ses nuisances.
D’abord, comme toutes ces immenses bâtisses qui colonisent le littoral, le complexe ajoute aux perturbations environnementales et augmente les risques, en violation de toutes les dispositions légales : il est construit avec de solides emprises sur le sol et la roche, il interdit l’accès de la berge à la collectivité. Ensuite sa structure, surtout à hauteur du restaurant, plus élevée que celle de l’ex-Club, obstrue la vue sur l’océan - magnifique depuis la Place Soweto -, avec en toile de fond les ilots Sarpan et un ciel fantastiquement beau au coucher du soleil. Les promoteurs du complexe de loisirs à la place du « Club des Antilles », qui seraient des Libanais, ont cependant de qui tenir.
Leurs voisins immédiats, l’ambassade d’Iran et la résidence de feu Djily Mbaye (rachetée par une célèbre famille libanaise) sont également construites sur un terrain non aedificandi et leurs très hauts murs font plus qu’obstruer la vue sur l’océan, ils empêchent la brise marine de souffler sur toute la zone des ministères de l’Éducation nationale, du Tourisme, de l’Économie et des Finances… On allait l’oublier, entre ces deux derniers privilégiés installés par le régime socialiste, s’est niché un tout nouveau complexe résidentiel privé de luxe au nom évocateur d’Eden Rock, bien évidemment, lui aussi, construit sur les rochers, avec l’aval des nouvelles autorités libérales. Dès qu’on s’engage sur l’avenue de la République, à hauteur du Musée des Armées, tout un ensemble de maisons, en face du tribunal du Bloc des Madeleines, appartient au Patrimoine bâti de l’Etat, dont l’ancienne résidence du Premier ministre Idrissa Seck.
Après, vient l’immeuble abritant une grande société d’informatique qui couve, en la dissimulant aux regards, la villa de Yacine Diouf, fille de l’ancien président Abdou Diouf, villa bien située sur le DPM dont la construction avait fait l’objet, a l’époque, de controverses animées sur fond d’énergiques dénonciations par la presse du privilège princier. La zone qui suit est presque déserte sur le DPM, à part l’immense affiche de propagande vantant le dynamisme de l’équipe de l’Anoci, un peu ostentatoire, certes, jusqu’à l’intersection de la Corniche à deux voies avec l’avenue Malick Sy. La Porte du millénaire, controversée, néanmoins monument d’utilité collective, a été le prétexte à un affairisme inconséquent et précipité avec la construction d’un restaurant en contrebas du monument qui défie le bon sens, installé sur les rochers.
Les grosses vagues au cours des marées hautes avaient commencé à en endommager la façade, nécessitant déjà des travaux de renforcement (NDA. Aujourd’hui, la mer a complètement mangé le restaurant qui n’existe plus). À partir d’ici, commence une longue étape de notre randonnée, forcément différente des autres. La Corniche à deux voies de l’Agence nationale de l’organisation de la Conférence islamique (Anoci) et ses ouvrages lourds sont un symbole pour notre enquête. Ils constituent l’exemple type de la relation naturellement conflictuelle entre les constructions sur le littoral et leur voisinage social. Et qu’elle recommande des attitudes aux antipodes de l’apparente arrogance et la précipitation avec lesquelles ce projet a été mené. Elles sont venues renforcer le désordre sur fond d’accaparement des terres du domaine public, y compris maritime, sur tout le littoral de la Corniche-ouest, à partir de l’avenue Malick Sy jusqu’ a la mosquée de la divinité a Ouakam.
LES CONSTRUCTIONS SUR LE DPM CONSTITUENT DES AGRESSIONS CULTURELLES
Les quartiers populaires de la Medina et de la Gueule tapée, avec leurs rues étroites et leurs populations denses n’étaient déjà pas de sites aérés, les nouvelles infrastructures sur la corniche, notamment le toboggan, qui contourne en la surplombant le cimetière musulman des « Abattoirs » et le tunnel, qui longe et isole le village artisanal et le marché aux poissons de Soumbedioune, s’interposent désormais entre leurs maisons surpeuplées et la brise marine. Et ils constituent un obstacle physique à l’accès de leurs populations à la mer avec laquelle ils entretiennent des liens quasi sacrés.
Avec l’océan atlantique leurs habitants ont tissé à travers les âges des relations étroites qui vont bien au-delà du confort, et ayant engendré toute une culture faite de métiers familiaux et claniques séculaires, au-delà de l’exploitation économique de la mer, entre médecines ou religions traditionnelles et cosmogonie : des libations annuelles mémorables, séances d’exorcisme avec rites sacrificiels où bœufs et moutons étaient immolés se tenaient à l’endroit situé entre la Cour de cassation et le parc d’Attraction Magic Land. Mme Anta Teuw n’habite plus la Medina où elle est née et a grandi, à la rue 17. Elle raconte : « Aujourd’hui encore, il m’arrive, quand j’ai un souci qui me dépasse, ou quand je suis malade, de quitter Guédiawaye pour aller là-bas, jeter quelques pièces de monnaie et de la kola dans la mer. Ma mère qui habite encore ici nous y encourage, mes sœurs et moi ». Mme Anta Teuw n’est bien évidemment pas la seule à sacrifier à ce type de rituel, seulement, les propriétaires du parc d’attractions ont commencé depuis longtemps à interdire l’accès de la crique au tout-venant, avant d’entreprendre d’y construire je ne sais quoi. Une structure encore inachevée (NDA Le complexe cinématographique Sembene Ousmane, achevé depuis).
Thierno Amath, 56 ans, rue11 X 16, se souvient de ses séjours méditatifs, avec une bande d’amis, sur la tombe du musicien de légende, le joueur de Kora, Lalo Kéba Dramé, située au pied d’un gros figuier stérile ; après une baignade dans l’une des nombreuses criques rocheuses situées derrière le cimetière. David Dioum, 54 ans, ex-habitant de la rue 4 X 17, avec un grand sourire nostalgique n’arrive pas a se débarrasser, encore aujourd’hui, de son étonnement quand, pour guérir l’épidémie de coqueluche qui sévissait chez leurs petits frères et sœurs, leurs mamans leur demandèrent, lui et sa bande d’amis en vacance scolaire, de ramener de leurs randonnées aux abords du cimetière, dans sa partie surplombant la mer, des « barboteurs » - c’est ainsi qu’ils appelaient une espèce de lézard bleu et jaune. L’animal, qu’ils s’amusaient à traquer pour le plaisir, sommairement cuisiné et donné à manger aux malades, les guérissait quasi instantanément de la coqueluche.
En plus de rendre difficile, voire impossible en certains endroits, l’accès à la mer aux populations pour sa jouissance divertissante ou utilitaire (pêche à la ligne de petits poissons des rochers, collecte d’oursins et de coquillages divers) les constructions sur le Domaine public maritime et les infrastructures hôtelières et routières sur la corniche constituent des agressions culturelles qui auraient dû faire l’objet d’études sociologiques plus attentives à la question humaine. Et en fermant l’accès de la Medina et de la Gueule Tapée aux véhicules engagés sur la Corniche, dans un sens ou dans un autre, ses concepteurs en interdisent l’usage à leurs habitants, sauf à prendre d’énormes risques.
Revenant de la ville, pour aller a n’importe quel point de la Medina, tout automobiliste est obligé de bifurquer vers l’avenue Malick Sy pour prendre la rue 6, et ne pourra plus accéder à la Corniche qu’après avoir traversé tout ce quartier et une bonne partie de la Gueule, prenant et semant d’énormes risques, en ayant déambulé dans ses rues surpeuplées, impraticables aux alentours du marché éponyme, sauf à prolonger la rue 6 (devenue rue 54 dans G. Tapée) jusqu’au lycée Delafosse, le Canal et ruser en empruntant l’université par la rue difficile passant devant la cité Claudel. Dans le sens opposé, venant de Ngor ou Ouakam, n’importe quel habitant de l’un ou l’autre des deux quartiers, à partir de l’avenue des ambassadeurs, ne peut plus rallier sa maison en voiture, à moins de renoncer aux joies de la conduite sur la Corniche et aller souffrir les embouteillages et imprévisibilités de l’avenue Cheikh Anta Diop, puis de l’avenue Blaise Diagne.
La nouvelle Corniche s’imposant également dans une intimité envahissante aux habitants de ces deux quartiers qu’elle longe sur deux à trois kilomètres, sans que sa jouissance ne leur soit destinée : toutes les rues perpendiculaires qui donnaient sur l’ancienne Corniche à partir desdites localités ont été bouchées par la nouvelle infrastructure où il n’est prévu aucune voie de dégagement devant y mener.
Le cimetière de la Médina, véritable nécropole abritant la tombe de Cheikh Tourad, dignitaire de la confrérie Khadria, qui reçoit des « pèlerins » de tout le pays et jusques de la Mauritanie, celles d’autres figures religieuses tout autant visitées, celles de Lamine Gueye et de Blaise Diagne, est un patrimoine historique, un lieu de prière, une manière de musée. Son accès est devenu si difficile, ses visiteurs se faisant de plus en plus rares, et les foules d’humbles gens qui y venaient les vendredis attendre leurs oboles ont migré on ne sait où.
Fann Höck et une partie de Fann Résidence souffrent des mêmes problèmes d’enclavement que la Gueule Tapée et Médine, mais en connaissent d’autres tenant à la santé de leurs habitants, notamment les insomnies et autres troubles liés aux nuisances sonores induites par les vrombissements des voitures roulant à grande vitesse sur cette Corniche naturellement dévolue à une allure de promenade. Personne ne respecte la consigne des 60 km/heure réglementaires difficilement applicable, et même paradoxale sur une infrastructure ayant pour justifications de rendre facile et rapide l’accès au centreville, de rendre fluide la circulation des voitures sortant du plateau aux heures de pointe.
La nuit, les deux voies avec leurs largeurs incitatives sont naturellement considérées par certains usagers comme des circuits automobiles. Et ça vrombit dans les maisons que les trottoirs de la Corniche viennent taquiner, certaines se situant à moins de quatre mètres de la route qui est venue les trouver là. Cette veuve désirant garder l’anonymat- elle estime qu’elle s’est déjà assez fait remarquer en ayant apostrophé un jour le maire Dakar en visite des chantiers- trouve que « la façon dont ils ont traité les riverains que nous sommes prouve que ces gens n’ont aucun sens des responsabilités.
À qui on va se plaindre maintenant ? Et pourquoi ? Est-ce qu’ils vont mettre un agent derrière chaque automobiliste ? » Ses griefs ne portent pas seulement sur les bruits, mais aussi sur les émissions polluantes de gaz des pots d’échappement « que les vents amènent jusqu'à nos chambres » se plaint-elle. Peu après Soumbédioune, venu s’installer plus près de la mer que la Cour de cassation, plus massif et plus laid que le bâtiment abritant l’institution judiciaire, le parc d’attractions Magic Land, autorisé par les socialistes, aujourd’hui couvé par les libéraux, a privatisé plus de deux cents mètres de plages et criques, les soustrayant aux activités économiques, rituelles et de plaisance de populations riveraines n’ayant pas les moyens de se payer la piscine et les autres loisirs de son voisin, le Terrou-bi.
Libanais, comme les promoteurs de Magic Land, les propriétaires du Terrou-bi (deux restaurants, bars, night-club, piscine, casino et salle de machines à sous), les Rahal sont en train d’étendre leurs activités à l’hôtellerie avec la bénédiction des pouvoirs publics, en faisant main basse sur un site stratégique destinée à la surveillance et à la protection de la faune maritime, et par ricochet, sur une petite plage, quasi-réserve naturelle, une zone de ponte pour une espèce protégée de tortue marine. Or, selon un document tout ce qu’il y a d’officiel, cet animal (il s’agit de la tortue caouanne, qui n’atteint sa maturité pour pouvoir pondre et perpétuer l’espèce qu’à l’âge de 30 ans), déjà mis en danger pour les vertus curatives prêtées à sa chair en médecine traditionnelle, est menacé de disparition par divers facteurs dont le document énumère les trois suivants :
« - l’Abandon de grumes, et l’éclairage artificiel du littoral et en mer ;
- la pratique de certaines activités, telles que : les ports, l’exploitation minière, l’encombrement des plages par les véhicules, le tourisme...
- la destruction des habitats marins avec l’urbanisation littorale »
(Rapport national sur l’état de l’environnement marin et côtier. Direction de l’Environnement et des Établissements classés - 2006).
Les gardes forestiers, que l’extension du Terrou-bi a contraint au déguerpissement, avaient pourtant pu, grâce à leur voisinage avec les pêcheurs traditionnels, sensibiliser ces derniers à la protection des tortues de mer, notamment celle-ci, appelée Mawo en wolof. Aujourd’hui, quand ils en prennent une au large, vers les ilots Sarpan, ils la remettent à la mer, en dépit de sa réputation, en tant que mets, parce qu’il serait un puissant aphrodisiaque.
À partir de quel point les agents des Eaux et forêts vont-ils désormais organiser leurs rondes en zodiaques sur l’océan pour surveiller la faune protégée ? Et, à l’occasion, porter secours aux pêcheurs artisanaux sur leurs frêles embarcations ? Je doute que ceux qui ont donné leurs agréments pour l’extension du Terrou-bi et la construction de son hôtel se soient souciés de telles interrogations (NDA : près de dix ans après, juste après la plage de Soumbédioune, avant la Cour suprême, un bâtiment a été construit pour être affecté aux Eaux et forêts).
Sinon, ils n’auraient certainement pas délivré les mêmes autorisations aux promoteurs de l’immense et lumineux complexe immobilier (il faut voir les maquettes sur le site) en construction sur la plage, moins d’un kilomètre plus loin, par le groupe Teylium.
Juste après la Place du Souvenir africain, avec son architecture légère, ses lignes courbes, sa masse en grande partie transparente qui s’intègre assez harmonieusement a son environnement, l’ouvrage cher au chef de l’État du Sénégal (Abdoulaye Wade à l’époque), comporte cependant une esplanade en forme de carte géographique de l’Afrique construite sur les rochers, quasiment au-dessus de l’eau. On a la très nette impression que cette plateforme est déjà sous la menace de l’érosion, voire, plus sûrement d’une brutale poussée de vagues en marée haute, ou lors de ces montées d’eau imprévisibles que connaît la mer en ces endroits (NDA : ce qui est dit ici se vérifie tous les jours qui passe, il suffit d’y faire un tour).
Encore un ensemble de villas luxueuses destinées a la vente par un promoteur privé privilégié auquel on a vite fait d’offrir des pans entiers de plages sous les falaises, parce qu’à l’instar de tous les autres, y compris ceux du Terrou-bi, il avait inscrit son projet dans les ambitions des organisateurs du sommet de l’OCI de loger certains de leurs hôtes dans des villas de luxe.
Le fait qu’aucun des constructeurs d’hôtel, de clinique, et de villas sur ces sites privilégiés n’ait pu achever son chantier à temps (certains au moment où ces lignes étaient écrites construisaient encore NDA) peut faire légitimement penser à une tromperie délibérée sur les délais donnés aux responsables de l’Anoci, rien que pour obtenir les autorisations nécessaires. Mais on peut se demander s’il fallait le prétexte de l’OCI pour voir l’accaparement a des fins privées du Domaine public maritime prendre des allures de foire, et même si c’est avec l’avènement du pouvoir libéral que la spéculation s’est accélérée, force est de reconnaître que le cas de Mermoz-est, face a «Atépa Technologies» est la preuve que le régime précédent ne s’est pas privé de servir sa nomenclature sur les terrains du Domaine public maritime.
Et très souvent à des fins spéculatives d’enrichissement personnel. Les 10 000 mètres carrés que constituent ces terrains, allant de la trémie se trouvant a hauteur d’ « Atépa Technologies », au prochain rondpoint aux deux stèles recouvertes de céramique, et dont prés de la moitie était classée non aedificandi, sont aujourd’hui presque entièrement bâtis et habités par des gens qui les ont achetés.
Certains pouvant brandir des Titres fonciers. Vous vous demandez peut-être comment des terrains ayant pareils statuts peuvent bénéficier de Titre foncier ? Eh bien, nous aussi. Et nous étions loin d’imaginer la réalité racontée par une de nos interlocutrices, architecte, elle aussi. Elle a eu pour client une notabilité de l’ancien régime disposant d’un permis d’occuper sur quelques milliers de mètres carrés de terrain non aedificandi qu’il avait entrepris de morceler au grand étonnement de la technicienne. Quelle ne fut sa surprise, quelques années plus tard, l’alternance étant intervenue, de retrouver son client et de constater que le non aedificandi était devenu TF, certainement muté en violation de toute éthique –ne parlons pas de la loi -, entre peut-être les deux tours de février et mars 2000
12 ANS APRÈS, NOUS AVONS EMPRUNTÉ LE MÊME CIRCUIT
Sur le même circuit, douze ans, après, quelques surprises face à ce que sont devenues nos vieilles connaissances, enfants avortés de l’ANOCI, et prématurés mis sous couveuse et devenus de beaux et riches bâtiments ou encore se débattant pour émerger de leur semi-coma ; et un certain effarement devant le fait que, sans bruit, depuis 2012, ont poussé sur le même circuit, ici ou là, de véritables cités côtières, avec un nombre notable de résidences vouées à la spéculation immobilière de luxe, de résidences privées à jouissance personnelle et des inévitables sites hôteliers. Tout d’abord, le Lagon II a étendu sa privatisation de la plage, en plantant des cactus, végétation plus dissuasive certes que tout grillage, mais qui fait genre et dissimule bien leur intention de s’approprier ce qui est, selon la loi, le bien d’autrui.
Autrui étant le public, les populations. L’ex-Nianing est encore un chantier pour ce qui est vraisemblablement un complexe de loisir, hôtel restaurant, piscine ; avec un gardien peu coopératif devant. La piscine de l’hôtel Teranga ‘aujourd’hui Pullman), située en dehors du bâtiment principal, alors discret, a pignon sur rue aujourd’hui, avec une enseigne ostensible en bleu et blanc « Teranga Beach », inutile de préciser que la plage en contrebas n’accueille plus aucun promeneur. Plus loin, Terrou Baye Sogui a résisté aux convoitises d’alors, et échappe encore aujourd’hui - alors que rien n’a changé dans la gourmandise en terres côtières des en haut d’en haut, au contraire – à la colonisation économico-affairiste.
Sûrement la protection de Mame Coumba Bang ; enfin, espérons-le. Une longue accalmie, due certainement au terrain accidenté sur cette partie de la côte, offre un répit, en paysage encore semi-sauvage sur le rivage, auquel font face l’ambassade et résidence de l’ambassadeur de Grande-Bretagne, celle de Belgique, puis l’ancienne résidence des Premiers ministres sous les socialistes, jusqu’au vieil hôtel Savannah que nous connaissons déjà. Ici, une nouveauté frappante, aux limites des bâtiments de l’établissement, où pouvait encore au moment où nous réalisions cette enquête, en 2008, se glisser un promeneur intrépide, un grillage a été installé sur plusieurs centaines de mètres, jusqu’au lieu où, dans le cadre du sommet de l’Anoci, devait s’ériger ce fameux Eden Rock installé sur les rochers de la plage que surplombe la résidence de l’Union européenne. Cet hôtel au nom paradisiaque est aujourd’hui l’exemple parfait de ce que nous avons appelé les fantômes de béton gris ; enfant avorté des projets du sommet, il est devenu un squat. Ceux qui l’occupent doivent être très débrouillards, ou peut-être très introduits : ils ont de l’électricité, sommairement installée certes, avec des fils qui pendent dehors et, quand nous passons là, un occupant qui fait ses ablutions sur la terrasse sommaire en zinc galvanisé d’un des bâtiments qui composent l’ensemble.
Passée cette étape, la fameuse « Clinique de la Vision » est achevée, rebaptisée « Clinique Belle Vue » ; ses promoteurs, moins mis sous pressions par les délais, ont eu l’inspiration plus poétique pour dénommer leur bijou. Clinique déjà opérationnelle, le beau bâtiment – on est loin de l’avorton à la survie incertaine de 2008 - s’est donné un jumeau : «Résidence Belle Vue». La clinique ophtalmologique s’est découverte une vocation pour le tourisme de luxe, on dirait! Je me demande si les propriétaires de Belle vue vont goûter le voisinage, mais tout à côté d’eux, est en train de pousser un gros machin qui n’était pas là en 2008, au moins quatre étages encore inachevés, mais du solide, qui surplombe leurs résidence et clinique, bâtiment bas qui se la jouent modernistes. Le nouveau gros machin a tout l’air d’un futur hôtel (ici, nous sommes passés en voiture, au ralenti d’ailleurs, mais le panneau indicateur de l’objet des travaux est illisible ; nous ne voudrions pas nous avancer sur ce phénomène, mais plusieurs parmi les dizaines de nouvelles constructions sur cet axe corniche est-ouest, soit dissimulent cet indicateur réglementaire, soit en négligent la clarté exigée).
Après, rien à signaler (que di classique que nous connaissons déjà), jusqu’à l’avenue des Jambars qu’occupe le camp Dial Diop. Elle se termine à gauche du camp par un cul-de-sac où il y avait une poche qui permettait de voir la mer. Eh bien, il n’y a plus de poche. Presque achevée, l’université catholique de l’Afrique de l’Ouest, département d’enseignement supérieur de l’Institution Sainte Jeanne d’Arc (ici le panneau est honnête, toutes indications utiles réglementaires y sont inscrites) occupe une partie de l’espace ; l’autre est un chantier loin de l’achèvement, dont on ne sait pas grandchose. Les deux, peut-être à bonne distance de la rive qu’ils surplombent, participent à cet étouffement de Dakar ayant pris ces proportions qui énervent tout le monde ces jours-ci.
De l’autre côté - l’extrémité droite du camp qui ferme l’avenue -, c’est la foire à la construction. Les chantiers restés inachevés en 2008 ont repris de plus belle, et les nouvelles constructions poussent ; sur cette bretelle, une sorte de demi-cercle, qui, contournée, mène à l’ancien Club des Antilles dont nous avons parlé, le chantier qui fissurait la route selon l’architecte Annie Jouga (voir article introductif) est quasi achevé ; mais il a des voisins sur les chantiers desquels l’activité est frénétique. On dirait que la levée de bouclier médiatique de ces dernières semaines a fouetté, sur tout le parcours, nous allons le constater jusqu’aux Almadies, l’ardeur des promoteurs : « vite, finissons-en ! Avant que cette meute d’activistes, journalistes et autres enragés ne mette du sable dans notre couscous », semble être le mot d’ordre. Rien à signaler de nouveau sur plusieurs centaines de mètres, jusqu’à la porte du millénaire, sauf ce grand espace qui fait face à l’ambassade du japon et destiné à l’érection du Mémorial de Gorée, vide.
Autant les projets entrepreneuriaux et individuels privés vont vite, les chantiers d’utilité publique initiés par l’Etat traînent en longueurs qui souvent signent leur mort prochaine. Espérons que ce ne sera pas le cas pour ce mémorial qui résiste au temps depuis son initiateur, Diouf. Et a résisté à Wade –qui avait presque réussi, pour d’autres desseins, à mettre la main sur l’espace qui donne une vue panoramique sur le large vers l’Îlot Sarpan – grâce à la pugnacité de son maître d’œuvre, le poète Amadou Lamine. Il semble que le président Macky Sall, lui, est déterminé à en commencer et achever la construction. En descendant un peu plus vers l’ouest, un panneau signale clairement, à hauteur du cimetière de la Médina, des travaux pour un ouvrage d’assainissement des eaux usées ; l’État ses maîtres d’œuvre respectent scrupuleusement ce volet de la réglementation, contrairement à beaucoup de privés. Cette dernière observation sied parfaitement pour introduire le deuxième volet de cette conclusion. Car, à partir du tunnel de Soubédioune, jusqu’au rond-point qui fait jonction entre la rue de la résidence privée de Macky Sall et la Corniche, nous n’avons de bâtiments considérables que des vieilles connaissances déjà visitées en 2008. Mais à partir de là, on se rend bien compte qu’après le régime libéral, la curée s’est poursuivie de plus belle. Et jusqu’aux Almadies.
LE MAIRE DU BORD DE MER
Nous allons commencer par là-bas, pour descendre faire la jonction avec ce fameux rond-point et ce qui se passe en contrebas pour finir cet article qui, comme rien que peut contenir un seul journal, ne peut faire le tour de cette ruée vers les terres du littoral dakarois. L’hôtel des Almadies, anciennement Club Med., jadis était caché de la vue depuis le goudron par une végétation dense faite d’arbres et de bosquet, une sorte de forêt en miniature qu’il fallait contourner pour accéder au lieu. Eh bien, cette végétation a été rasée proprement et des chantiers ont commencé à y pousser. Le problème avec ces abus, c‘est qu’ils sont toujours le fait de gens puissants ou protégés par des puissances politiques, tellement que personne ne pense à protester.
À côté de ces chantiers pas encore très avancés, en poussant vers ce lieu de résidence composé de containers habitables qu’occupèrent des festivaliers lors du fameux Fesman de Wade, poussent deux autres chantiers sans indication d’objet visible. Puis vient le campement des festivaliers, longtemps resté en place, et plus pour beaucoup de temps, car les conteneurs ont été déplacés, le terrain déblayé et des engins destinés à des travaux de construction sont en place. Suit la chaîne des hôtels et restaurants de standings différents de la fameuse bretelle menant au lieu de prière des Layènes, et qui commencèrent tous par ces baraquements précaires pour devenir ce qu’ils sont aujourd’hui –nous en avons déjà parlé ...
Toutes les poches qui restaient de cette longue corniche sont aujourd’hui bouchées à la vue, entravant la circulation de l’air du large dans le quartier des Almadies. Dans le lot des constructions plus ou moins achevées, remarquables, des appartements destinées à la location. Et pour ça, les indications en gros caractères bien rouges sont très nettement visibles : «A LOUER». Sur tout le long, une seule construction d’utilité publique, la nouvelle direction de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne (Asecna) ; un bâtiment très bas. Au sortir de cette nouvelle agglomération, certes petite, tournons à droite comme pour aller vers la ville. À moins de cent mètres du rond-point - face à l’agencesiège de la Bank of Africa (BOA), de l’autre côté de la route -, construite en creusant la roche, au-dessous du niveau du terreplein la surplombant, une vieille connaissance sortie de terre avec l’Anoci et restée inachevée jusqu’il y a très peu de temps. Aujourd’hui, cette léthargie semble avoir pris fin, l’espace occupé s‘est élargie d’autres dépendances, et un coup de pinceau d’une peinture d’un beige discret colore l’édifice. On nous l’avait annoncée, dans la folie des grandeurs de l’Anoci, à l’instar de « Belle Vue » de l’autre côté, comme « une clinique de haut niveau ». Ses promoteurs, selon la clameur publique alors, étaient des Espagnols. Nous le comptions, il y a peu, douze ans après parmi les « fantômes en bétons gris », squatté par cette population interlope qui hante ces lieux qui s‘étendent jusqu’aux rivages derrière la mamelle - celle qui reste des deux, après que la première, comme un sein cancérigène, a subi une ablation, remplacée comme une prothèse par ce fameux et controversé Monument de la Renaissance, cauchemar des défenseurs de l’environnement.
Sur tout cet espace, qui exhibe de fières vielles connaissances, bien loin de la DPM - la clinique des Mamelles, le restaurant La Calebasse, la Pharmacie des Mamelles, tous visibles e la route - le passant ne devine pas que derrière, à part au moins quatre gros bâtiments qui n’étaient pas là il y a douze ans, et sont eux aussi visibles de la rue, a poussé une cité, pas loin du rivage, avec des immeubles en béton de plusieurs étages, dont certains sont franchement laids. Ils ont pris la place de maisons rupestres, certes, mais bien jolies et basses qui ne privaient pas la ville d’air, sûrement rachetées à leurs propriétaires ou à l’État par de riches parvenus.
Pour ceux qui connaissent le coin, c’est tout à côté des bureaux de l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM), bâtis sur les rochers. Le rivage, tout en contrebas de l’OIM, est colonisé par un restaurant huppé tenu par un Italien, et généralement fréquenté par des étrangers. Les vagues qui frappent à trois ou quatre mètres arrosent régulièrement sa terrasse. La plage qu’il surplombe, encore fréquentée par le tout-venant, gageons-le, ne le sera plus bien longtemps.
La prochaine étape de ce parcours à rebours sera donc cette plaie béante qu’un privé, sinon inconscient, au moins étourdi, a creusée au bas de la Mamelle qui reste et qui porte le phare, objet et point de départ de l’énorme levée de boucliers médiatique de ces dernières semaines, animée par des activistes, mais qui horripile tout le monde. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase trop plein des abus subits par le littoral du point de vue foncier, mais aussi sociologique, environnemental et …moral. On va arrêter l’inépuisable recensement de ce qui s’est fait sur ce Domaine public maritime d’infaisable, parce qu’inacceptable, en indiquant que de La Pointe des Almadies au rond-point voisin de la résidence privée du Chef de l’État - où, sur les berges et les hauteurs qui les surplombent a poussé un vrai quartier, avec ici aussi plein de maisons À LOUER - s’est érigée une cité dont il serait intéressant que les services de l’État nous donnent le nombre d’habitants. Il friserait ou dépasserait celui de certains gros bourgs. Si ses bienheureux habitants, qui pompent l’air pur marin sans scrupule –avec au moins la complicité des autorités d’hier et d’aujourd’hui – poussent loin la hardiesse dont ils ont fait montre pour coloniser le bien d’autrui (le Domaine PUBLIC maritime) ; ils pourront réclamer l’érection de leur cité en commune. Et bientôt éliront le maire du bord de mer. Et ainsi ils feront prendre à leurs édiles un arrêté interdisant leurs plages aux manants de Tilène, Gueule Tapée, Ouakam Ngor.
Sérieusement : si cette curée n'est pas arrêtée, et certains grossiers accaparements réparés, on peut craindre qu'elle mène à une rupture du Contrat social dans notre pays. Pire, la nature qui sait être patiente, pourrait un jour décider de récupérer ce qui lui appartient. Tous ceux qui habitent à la Médina, à la gueule Tapée ou à Fann et même Fass depuis assez de temps pour avoir vu certains phénomènes naturels, qui menèrent la mer, par vagues furieuses, loin dans les terres de ces quartiers, obligeant leurs habitants à aller au marché en pirogues, savent qu’il n’y a rien d’exagéré à envisager pareille catastrophe, aujourd’hui que la moitié peut-être, de l’économie dakaroise est construite sous le nez de Leuk Daour, génie tutélaire de Dakar.
LA UNE DE DIRECT NEWS DE CE LUNDI
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Publication 13/07/2020