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24 septembre 2025
par Achille Mbembe
SUR LA PERMANENCE DES MÉCANISMES D'ÉTRANGLEMENT
Si la “question raciale” n’est pas automatiquement soluble dans la “question sociale”, c’est parce qu’avec le racisme, l’on a affaire à une classe de la population prise dans les rets d’un déshonneur aussi bien construit que rémanent
L’exécution publique de George Floyd en plein milieu d’une pandémie mortelle ne relève pas d’une simple coïncidence.
Certes, la mort d’un homme noir en conséquence de l’action d’un virus n’est pas exactement la même chose que son trépas, l’échine courbée et la nuque brisée par un policier blanc sur le trottoir d’une grande ville occidentale.
Des personnes de toutes les couleurs
Il ne s’agit cependant de deux phénomènes distincts qu’en apparence. Car en dépit de tout ce qui les sépare, le racisme anti-nègre a toujours eu une dimension virale, et tout virus a, comme par définition, une dimension éruptive.
Mis en relation, ces phénomènes sont deux manifestations du caractère quasi-pathogène du moment actuel, et c’est peut-être cette dimension pathogénique de notre temps qui explique la colère, mais aussi le sentiment de deuil et de perte suscité à peu près partout dans le monde par cet événement.
Les conséquences politiques et culturelles des mobilisations qui l’ont suivi restent à mesurer. Mais qu’un si grand nombre de “personnes de toutes les couleurs” se soient souciés de ce qui, il n’y a pas longtemps, ne concernait que les communautés racisées n’est pas sans intérêt.
Parmi les jeunes générations en particulier, nombreux sont ceux et celles qui, progressivement, sont convaincus qu’en dépit de toutes les dénégations, le racisme existe.
Il n’est pas un accident, mais un écosystème concret.
Il enserre des corps, des imaginations et des vies, et il ne suffit pas d’enlever le mot “race” de la constitution pour que le racisme disparaisse comme par miracle.
Nombreux sont également ceux et celles qui, petit à petit, s’éveillent à la conscience sourde qu’une “communauté de risques” pourrait les lier à tous les racisés, structurellement exposés qu’ils sont, eux aussi, a la perspective de lendemains sans futur objectif.
La fin du doute concernant la réalité du racisme et son caractère structurel, ainsi que la conviction selon laquelle le racisme représente une menace bien au-delà de ses cibles immédiates constituent un déplacement virtuel aussi bien sur le plan imaginaire, culturel que politique. Il reste à voir si ce déplacement ouvrira véritablement la voie a de nouvelles possibilités d’action et de réflexion et sur quoi celles-ci sont susceptibles de déboucher.
Le devenir-nègre du monde
Mais le racisme n’est pas seulement animé par la volonté de discrimination, l’érection de murs infranchissables entre différentes espèces supposées de l’humanité, bref le désir obstiné de sécession ou de confinement des “races avilies”, de tous les “intouchables” et autres communautés frappées d’ignominie.
La fonction ultime du racisme est de priver certaines catégories de l’humanité de la vie elle-même, dans son acception la plus élémentaire, à commencer par le droit à la respiration et la capacité de se mouvoir librement.
Cette redistribution inégalitaire des possibilités de respiration et de libre mouvement, et la privation de souffle qui en résulte, tendent désormais à être le lot de tous.
C’est ce que nous appelions, il y a plusieurs années déjà, l’universalisation tendancielle de la condition nègre.
L'AFRIQUE ET SES DÉPLACÉS, TRISTES CHAMPIONS DU MONDE DES DRAMES OUBLIÉS
Les tragédies mériteraient moins d’attention quand elles ont lieu en Afrique ? Difficile de conclure autrement l’analyse des crises oubliées par le Conseil norvégien pour les réfugiés
Le Monde Afrique |
Maryline Baumard |
Publication 14/06/2020
Les tragédies mériteraient moins d’attention quand elles se déroulent en Afrique ? Difficile de conclure autrement l’analyse annuelle des crises les plus négligées de la planète, alors que pour la cinquième année consécutive, le continent arrive en tête de ce palmarès publié par le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC). C’est même de pire en pire, puisque l’Afrique occupe neuf des dix premières places pour l’année 2019, contre sept en 2018 et six en 2017.
Tous les ans, à la veille de la journée des réfugiés, le 20 juin, le NRC passe au crible les crises qui ont entraîné le déplacement de plus de 200 000 personnes en s’arrêtant sur trois critères : le manque d’avancées vers la paix, le peu d’intérêt des médias et le défaut d’aide financière aux populations (calculé en fonction du taux de couverture des appels de fonds lancés par les Nations unies et leurs partenaires). C’est ainsi que l’ONG constitue sa liste des drames oubliés, ces zones où l’on meurt dans l’oubli général, au cœur d’un monde pourtant accro à la communication.
En RDC, « la plus grande crise de la faim après le Yémen »
Pour la deuxième année consécutive, « le Cameroun arrive en tête de la liste des pays les plus négligés de la planète », rappellele NRC, qui observe dans cet Etat « une exacerbation des attaques de Boko Haram dans le nord, un conflit violent dans l’ouest anglophone et une crise des réfugiés de Centrafrique ». S’ajoutent à ce tableau une résolution inefficace du conflit, le silence des médias et un manque d’aide financière.
La mort, le 3 juin, d’un jeune journaliste, Samuel Wazizi, après dix mois de prison en dehors de toute procédure légale, illustre tragiquement combien il est difficile de couvrir l’information au Cameroun, classé 134e sur 180 pays dans le classement annuel de Reporters sans frontières (RSF). En dépit de ce contexte, c’est l’un des pays où les appels humanitaires internationaux ont été les moins bien financés au monde, les donateurs se montrant peu enclins à aider ses habitants alors que 1,4 million de personnes y sont en insécurité alimentaire. En 2019, seuls 44 % des besoins en aide de ce pays ont été financés.
Le Cameroun est suivi par la République démocratique du Congo (RDC). Malgré l’accalmie politique, des opérations militaires, des attaques de groupes armés et des combats intercommunautaires ont encore forcé des centaines de milliers de Congolais à fuir les provinces orientales de l’Ituri, du Sud-Kivu et du Nord-Kivu.
THIÈS, LA SECTION DÉPARTEMENTALE DE PASTEF DONNE 164 POCHES À LA BANQUE DE SANG
Par cette opération, la section départementale de PASTEF a répondu à l’appel de son leader Ousmane Sonko, qui a récemment invité ses partisans à aller donner de leur sang, a expliqué son coordonnateur départemental Birame Soulèye Diop.
Cent soixante-quatre poches de sang ont été collectées samedi et mises à la disposition de la banque de sang de l’hôpital régional El Hadji Amadou Sakhir Ndéiguène de Thiès, lors d’une opération de don de sang organisée par la section départementale de PASTEF, un parti de l’opposition).
Ce don de sang a été organisé en partenariat avec le bureau régional de l’association nationale des donneurs volontaires de sang.
Par cette opération, la section départementale de PASTEF a répondu à l’appel de son leader Ousmane Sonko, qui a récemment invité ses partisans à aller donner de leur sang, a expliqué son coordonnateur départemental Birame Soulèye Diop.
Cela fait suite aux préoccupations exprimées par le directeur du Centre national de transfusion sanguine (CNTS), relatives au manque criant de sang dont souffrent les banques de sang du pays, en cette période de pandémie.
‘’A partir d’aujourd’hui, nous choisirons une période durant laquelle nous allons les approvisionner (régulièrement) ’’, a annoncé M. Diop.
Un calendrier sera établi pour la tenue de ces dons, en relation avec l’assistant social de la banque de sang, a pour sa part assuré Abdourahmane Guissé, président de l’Association régionale des donneurs de sang.
La banque de sang de l’hôpital régional est ‘’déficitaire’’, au point que les soignants recourent le plus souvent au don parental, consistant à faire appel aux parents d’un patient pour qu’ils donnent de leur sang, a indiqué M. Guissé.
Ibrahima Seck, surveillant de service de cette banque de sang a noté que ce don de PASTEF est une ‘’action qui vient à son heure’’, en ces temps de pandémie où ‘’les donneurs ont tendance à fuir les banques de sang’’.
Il estime que cette quantité sera utilisée dans les délais de péremption du produit, à savoir un mois.
Le don de sang n’est pas ancré dans les habitudes des Sénégalais, déplore M. Guissé. Il estime qu’une mobilisation des partis politiques, dahira (associations religieuses), entre autres regroupements, à l’image de PASTEF, pourrait aider à résorber ce déficit ‘’périodique’’.
Selon Ibrahima Seck, surveillant de service de cette banque de sang, ‘’la demande est (largement) supérieure à l’offre’’ dans cette structure qui approvisionne toute la région de Thiès. La structure est obligée de déplacer souvent une équipe pour collecter du sang à travers la région.
‘’Chaque mois, nous collectons au minimum 200 poches, quelle que soit la situation. Ce qui est loin de satisfaire la demande’’, a-t-il déploré.
A Thiès, la banque de sang de l’hôpital régional est la seule ‘’qui fonctionne normalement’’, a-t-il soutenu. Celle de l’Hôpital Saint-Jean de Dieu, un établissement privé, ne peut pas passer certaines commandes, a-t-il ajouté.
La consommation mensuelle de la région était estimée en 2019 en moyenne à 500 poches. Cela correspond dans l’année à ‘’6.000 poches testées et consommées’’, a-t-il noté, précisant que toutes les poches ne sont pas utilisables.
Pour satisfaire la consommation annuelle, la banque table sur ‘’6.000 à 7000’’ donneurs, note-t-il relevant qu’elle avait atteint l’année dernière, et ‘’difficilement’’, le chiffre ‘’record’’ de 5.000 poches.
CASAMANCE, UN VÉHICULE MILITAIRE SAUTE SUR UNE MINE, HUIT BLESSÉS LÉGERS
‘’Le véhicule en question est détruit à 40 %. L’incident a entrainé huit blessés légers qui sont pris en charge sur place’’, a confirmé à l’APS la Direction de l’information et des relations publiques des armées (DIRPA).
Huit militaires sénégalais ont été légèrement blessés ce samedi lorsque le véhicule à bord duquel ils avaient pris place a sauté sur une mine un peu avant 17 heures à hauteur de Lefeu, un village du département de Bignona, dans le sud du pays, a appris l’APS de source sécuritaire.
‘’Le véhicule en question est détruit à 40 %. L’incident a entrainé huit blessés légers qui sont pris en charge sur place’’, a confirmé à l’APS la Direction de l’information et des relations publiques des armées (DIRPA).
L’incident est survenu dans le cadre d’une opération de lutte contre les trafics de bois et de chanvre indien dans les localités du nord Sindian, a-t-on expliqué.
La semaine dernière un soldat de la zone militaire numéro 5 avait sauté accidentellement sur une mine antipersonnelle dans le village de Mbissine-Albondy (commune d’Adéane), dans le département de Ziguinchor.
Cet accident avait eu lieu en marge d’opérations de sécurisation des populations ayant opéré un retour massif dans les villages qui avaient été abandonnés en raison de violences notées dans cette partie méridionale du Sénégal en proie à une rébellion armée menée par le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC).
Ces deux incidents risquent de relancer le débat sur la problématique du déminage en Casamance à l’arrêt depuis plusieurs années
LE MALAISE PERDURE SUR L'AUTOROUTE À PÉAGE
«Il faut soit casser soit renégocier le contrat concédé à SENAC. Dakar-Thiaroye pour 1.000 francs CFA, c’est indécent pour une autoroute dont l’État a assuré 83% du financement. Ceux qui ont participé aux négociations seront entendus un jour par un juge»
Sputnik France |
Momar Dieng |
Publication 13/06/2020
Contestée sur ses tarifs, son modèle de réalisation et de gestion, la première autoroute à péage du Sénégal mise en service en 2013 est devenue une pomme de discorde entre ses usagers et l’entreprise SENAC, filiale du groupe Eiffage. Une de plus dans le vieil attelage franco-sénégalais que le Président Macky Sall est invité à arbitrer.
«Bouchon sur 1 km…». Pour bon nombre d’usagers de l’autoroute Dakar-Aéroport international Blaise Diagne, «l’arnaque» commence là. Ils auraient aimé que ce message qui s’affiche sur le panneau lumineux à l’entrée de la voie soit visible bien plus tôt, afin que l’usager ait le choix d’emprunter ou non le tronçon. Construite par l’entreprise française de droit sénégalais Eiffage, la nouvelle autoroute concédée SENAC cristallise des rancœurs.
«Nos exigences portent principalement sur le contrat originel qui nous semble inéquitable et désavantageux à double titre: pour l’État du Sénégal, principal bailleur de fonds, et pour les milliers d’usagers qui paient un coût excessivement cher pour son utilisation», explique à Sputnik l’ex-parlementaire Cheikh Oumar Sy.
Sy est le président du Collectif citoyen des usagers de l’autoroute à péage (CCUAP) à la pointe des revendications auprès de SENAC et de l’État.
«L’État désavantagé, les Sénégalais aussi»
L’autoroute à péage, ou Autoroute de l’Avenir, selon SENAC, sur le tronçon Patte d’Oie-Pikine-Diamniadio, soit environ 25 kilomètres, a été réalisée avec 140 milliards de francs CFA (214 millions d’euros) répartis comme suit: 79 milliards (120 millions d’euros) de fonds publics sénégalais et 61 milliards de francs CFA (40 millions d’euros) d’Eiffage. D’après l’Agence nationale pour la promotion des investissements et des grands travaux (APIX), c’est un partenariat public privé (PPP) qui donne à SENAC le droit d’exploiter l’infrastructure pendant 30 ans et ce depuis le 1er décembre 2009. À l’issue de cette période, l’autoroute retombera dans le patrimoine public. Ce modèle de PPP, dénommé CET (construction, exploitation, transfert), passe mal auprès du CCUAP.
«Dans sa forme, ce contrat ressemble à un PPP mais en réalité, il n’en est pas un. Sous le régime de l’ex-Président Abdoulaye Wade, notre pays avait investi plus de 85% des ressources qui ont permis le démarrage des travaux», souligne Cheikh Oumar Sy, non sans remettre en cause la légalité même du contrat signé entre l’État et SENAC.
Consultant sénior et expert en économie du développement, l’ingénieur Mbaye Sylla Khouma est encore plus radical contre le modèle PPP accepté par l’État sénégalais face à l’entreprise française.
«Il faut soit casser soit renégocier le contrat de concession à SENAC. Dakar-Thiaroye pour 1.000 francs CFA de péage, c’est indécent pour une autoroute dont l’État a assuré 83% du financement. Ceux qui ont participé aux négociations du côté État seront entendus un jour par un juge», prévient-il sur son compte twitter.
Shine to Lead a eu le plaisir de réunir une nouvelle fois ce vendredi 12 juin 2020 des panélistes de haut niveau, toutes engagées au quotidien autour de la question du développement et de l’automisation des jeunes filles
Shine to Lead a eu le plaisir de réunir une nouvelle fois ce vendredi 12 juin 2020 des panélistes de haut niveau, toutes engagées au quotidien autour de la question du développement et de l’automisation des jeunes filles.
Durant une heure, Fatima Diop Mbaye, Coach certifié, Fondatrice de Ubuntu Executive Coaching, Aida Ndiaye, Facebook Public Policy Manager, Rokhaya Ngom, UNV Specialist - Youth Advocate C4D chez UNICEF ainsi que Ndeye Ndiongue, jeune Lauréate de Shine To Lead se sont notamment interrogées sur les voies et moyens à activer pour booster la confiance et l’estime de soi chez les jeunes filles, dans cette période de déscolarisation pendant laquelle elles sont sujettes à de nombreuses contraintes dont celles liées aux corvées ménagères.
Le Panel était modéré par Rokhaya Solange Ndir, Vice-Présidente de Shine to Lead Shine to lead/Jiggen Jang Tekki, avec la participation de Nayé Anna Bathily, Fondatrice et Présidente de Shine to lead/Jiggen Jang Tekki.
Les « STL talks » sont des rendez-vous bimensuels autours de sessions d’échanges sur l’éducation et l’autonomisation des filles, leur apport sur le développement économique et social de notre pays et le continent africain. Ils rassemblent experts, acteurs engagés, sociologues, économistes, universitaires et acteurs de la société civile, autour de grands thèmes de la vie quotidienne.
À PROPOS DU DJIBRIL DIALLO CITÉ DANS UN SCANDALE DOMANIAL
Je ne pouvais point m'imaginer que cet homme était un diplomate, le Directeur général de l'OnuSida. Je comprends maintenant mieux pourquoi, malgré son statut, il faisait partie de la cour du vieux président
En lisant le quotidien "Enquête" du mercredi 10 juin, je suis tombé comme par hasard sur la photo de Djibril Diallo, celui que l'on présente comme un diplomate et qui serait attributaire d'un bail de 5000 m2 dans le domaine maritime sénégalais. Il m'a immédiatement rappelé un événement : le "sacre" du président Wade, qui avait lieu le 16 mai 2006 à l'UNESCO (Paris). Le vieux président-politicien recevait le Prix de la "Fondation Félx Houphouët-Boigny pour la Recherche de la Paix" qui lui était attribué cette année-là. Je ne m'attarde pas sur le lobby dont on disait qu'il était à la base du choix surprenant et contesté porté sur lui. De nombreux observateurs se demandaient ce que le président sénégalais d'alors avait vraiment fait en matière de ''recherche de la paix'' pour mériter ce prix. J'étais de ceux et de celles-là et m'étais exprimé dans une contribution, en particulier pour porter la contradiction au Magazine "Afrique /Diagnostic", numéro 606/juin 2006. Sur six pages abondamment illustrées, le magazine (mensuel) a fait un compte rendu élogieux de la cérémonie qu'il appelait "le double sacre de Me Wade". Il y présentait le vieux politicien comme "un homme hors du commun, respecté chez lui et dans le monde". Il y estimait que "l'opposant du Point E est devenu aujourd'hui le sage de l'Afrique qui poursuit l'œuvre d'un autre sage : Félix Houphouët-Boigny". Peut-être s'agissait-il d'un autre Wade que le nôtre.
Pour revenir à notre Djibril Diallo, en regardant à l'époque le film du "sacre", je me demandais bien qui était cet homme avec bonnet, marchant toujours devant le vieux président, élargissant le passage et applaudissant à tout rompre. Je l'ai retrouvé souvent, jouant exactement le même rôle, à l'occasion des nombreux voyages du président sénégalais à Washington comme à New York.
Je ne pouvais point m'imaginer que cet homme était un diplomate, le Directeur général de l'ONUSIDA. Je comprends maintenant mieux pourquoi, malgré son statut, il faisait partie de la cour du vieux président. Je n'invente rien. De nombreux médias ont couvert l'événement et la vérification de mes propos est facile.
Je répète, à Paris, c'est lui qui ouvrait le chemin au vieux président ou, du moins, était de ceux et de celles qui jouaient ce rôle et se distinguait par ses applaudissements particulièrement nourris.
Cet homme devait bien savoir que le vieux président-politicien était friand de louanges et qu'il pouvait tout obtenir de lui, même un bail de 5000 m2.
J'assume tous mes propos ici et chacun, chacune peut les partager.
LE TALK DE MARIE-ROGER BILOA ET OUSSEYNOU NAR GUEYE
VIDEO
L'ECO, LA NOUVELLE MONNAIE COLONIALE FRANÇAISE
EXCLUSIF SENEPLUS : La pression des nouvelles générations africaines aura-t-elle été décisive pour couper le cordon ombilical ? La monnaie de remplacement du franc CFA est-elle vraiment l’alternative attendue ?
Marie-Roger Biloa et Ousseynou Nar Gueye |
Publication 13/06/2020
Dans ce numéro de ‘‘C’est dit, c’est à faire'', Marie- Roger Biloa reçoit Souleymane Ndao, professeur en économie et finances aux universités de Dakar et de Ouagadougou. Il a effectué un passage académique à la Banque de France où étaient justement stockées 50% des réserves de devises des 8 pays de l'UEMOA qui ont en partage le franc CFA d'Afrique de l'Ouest.
Il est question dans cette émission de la fin annoncée du Franc CFA en Afrique de l’Ouest et actée en deux étapes.
D’abord, par une déclaration des présidents français Emmanuel Macron et ivoirien Alassane Ouattara le 21 décembre 2019 à Abidjan. Ensuite par un vote du parlement français en avril dernier, entérinant cette décision. Cela faisait des décennies que se manifestait la demande accrue pour en finir avec cette monnaie qualifiée, à raison, de coloniale.
La pression des nouvelles générations africaines, renforcées par des voix expertes et même des soutiens étrangers a été décisive pour couper le cordon ombilical. Toutefois, la monnaie de remplacement du franc CFA en Afrique de l’Ouest n’est pas encore née. Même si on connait déjà son nom : l'ÉCO. Un nom disputé par l'UEMOA et la CEDEAO. Alors, quels sont les enjeux de cette réforme à la résistible ascension et les balises à respecter pour la réussir ?
L'invité Souleymane Ndao défriche les pistes de réponse, pour cette première émission d’une série à venir sur le franc CFA, qui accueillera plusieurs experts.
Ousseynou Nar Gueye intervient en éditorialiste invité.
Réalisation et montage par Boubacar Badji.
‘‘C’est dit, c’est à faire'' est un talk de SenePlus en partenariat avec MRB Networks et Tract.
par Khadim Ndiaye
LA PRÉSENCE DÉRANGEANTE DE LA STATUE DE FAIDHERBE À SAINT-LOUIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Déboulonner ce monument, c’est s'affranchir de la colonialité de l'être. Il s'agit pour les Sénégalais et Africains en général de contester une histoire qui a consacré le point de vue du colon
Les nombreuses statues déboulonnées dans le sillage du crime raciste de George Floyd montrent que se jouent aussi une guerre des symboles et une reconquête des imaginaires. Il est contesté cette histoire qui donne la part belle aux racistes, esclavagistes et autres acteurs de la colonisation. Des tortionnaires aux mains ensanglantées ne sauraient être érigés en héros et honorés, proclament des milliers de manifestants indignés. Le symbolisme du bourreau auréolé et dont la statue est gravée dans la pierre ou le bronze a désormais un goût amer.
Le mois de juin est le mois de naissance du conquérant colonial Louis Faidherbe. Le déboulonnage de statues un peu partout dans le monde, nous rappelle que les siennes trônent toujours à Lille en France et à Saint-Louis au Sénégal. Relancer le débat sur ses statues controversées, c’est d’abord rappeler les sinistres exploits de ce conquérant colonial.
En Algérie où il a été envoyé en tant que soldat, Faidherbe, né le 3 juin 1818, y a commis les pires atrocités. Le soldat zélé s'est endurci dans ce pays avant de jouer son match sanglant au Sénégal. Sa technique d’extermination des villages sénégalais est l'aboutissement d'un stage sinistre de perfectionnement criminel sur le sol algérien. C’est sans gêne qu'il fit part à sa mère de ses exploits funestes, dans une lettre envoyée d'Algérie au mois de juin 1851 : « J'ai détruit de fond en comble un charmant village de deux cents maisons et tous les jardins. Cela a terrifié la tribu qui est venue se rendre aujourd'hui. »
La fougue du dangereux persécuteur n'épargna ni humains ni végétaux. C’est pourtant en l’honneur de ce destructeur des jardins de Kabylie qu’est nommé le bel acacia du Sahel : Faidherbia albida.
Lors d’une de ses missions dans les montagnes du Djurdjura en Algérie, le soldat Faidherbe glissa et tomba dans un torrent d’eau glacée. Il souffrira affreusement le reste de sa vie des séquelles de cette chute. À sa mort le samedi 28 septembre 1889 à Paris, son gendre, le capitaine Brosselard, envoie un communiqué à la presse dans lequel il est mentionné : « Le général Faidherbe s'est éteint ce matin à neuf heures un quart des suites d'une longue et douloureuse maladie, contractée en 1847 en Algérie. C'est en effet à cette lointaine époque qu'il faut faire remontrer l'origine de l'ataxie locomotrice dont le général était atteint ».
En 1875, Faidherbe perdit l'usage de ses jambes, vécut sous l'influence d'insomnies qui hâtaient son affaiblissement et subit des crises douloureuses. C'est à la suite d'une crise violente qu'il rendit l'âme. Un des journaux de l'époque nota que son ataxie locomotrice qui dura 43 ans, est un fait sans précédent dans les annales médicales. Cette ataxie s'est compliquée d'hydropisie généralisée qui entraîna une paralysie progressive dans l'accomplissement des fonctions vitales et, dans ses derniers jours, il est entré dans un état comateux qui causa l'engourdissement rapide de toutes ses facultés.
Si l’homme a longuement agonisé, les crimes du conquérant colonial ne sauraient être oubliés. Le devoir de mémoire l'exige.
La méthode punitive de Faidherbe ne laissait que misère et désolation. Quiconque avait l'outrecuidance de résister, il incendiait toute sa bourgade. Un seul résiste, tous payent. Telle était sa devise. Rien ne devait empêcher la machine coloniale d'étaler ses tentacules. C’est ainsi que furent détruites et incendiées beaucoup d’habitations au Sénégal en plus du pillage généralisé du cheptel. C'est dans ce pays pourtant qu'est érigée sa statue sous laquelle est mentionné : « À son gouverneur Louis Faidherbe, le Sénégal reconnaissant ».
Faidherbe a mis en place les bases idéologiques de l’occupation française du Sénégal et de l’Afrique occidentale. Il était le grand acteur de cette entreprise coloniale qui ouvrait une ère d’oppression et d’assujettissement. Son action montre qu’il n'y a pas de « colonisateur de bonne volonté ». Un colonisateur est un acteur d'une idéologie dominante et meurtrière. Le regretté Albert Memmi nous l'a rappelé : « Le colonisateur de bonne volonté est condamné au seul choix qui lui est permis, non pas entre le bien et le mal, mais entre le mal et le malaise ».
Le colonisateur avait un seul objectif : assurer un meilleur contrôle des âmes, des corps et des territoires. La ville de Saint-Louis au Sénégal, elle-même, n’était qu’un élément important de ce contrôle. C’est ce que laisse entendre Napoléon Jérôme, chargé du ministère de l'Algérie et des colonies, dans une lettre adressée au gouverneur Faidherbe, le 22 février 1859 : « La ville de Saint-Louis est la base de notre domination, c'est le point de ravitaillement de nos colonnes expéditionnaires, le chef-lieu de l'administration. Il me paraît donc indispensable d'y créer toutes les ressources qui doivent concourir à faciliter et à assurer l'exécution des mesures relatives à l'extension de notre occupation. »
Même quand Faidherbe conseillait à ses collaborateurs français de s’unir à des femmes indigènes, ce n’était pas d’abord par amour, mais pour supporter l’éloignement et éviter de succomber à la solitude dépressive qui ferait perdre des éléments à l’administration coloniale. L’union avec des femmes indigènes devait donc servir les objectifs de la colonisation. Cela engendra une cascade de relations illégitimes qu'il ne fallait jamais révéler en France de peur de subir des railleries. Faidherbe avait lui-même imposé une grande discrétion à sa relation avec la jeune Diokounda Sidibé, qui avait 15 ans lorsqu’il fit d’elle son « épouse à la mode du pays », comme on disait à l’époque. Pinet-Laprade, bras droit du gouverneur, qui deviendra lui-même gouverneur, suivit le conseil de Faidherbe à la lettre et prit comme femme indigène, Marie Peulh, qu’il présenta en France comme sa bonne.
La colonisation est une « chosification », disait Césaire. Le but de Faidherbe était de fabriquer des automates, de modeler les âmes. Un automate reste à sa place et attend qu'on lui impulse le mouvement. Voilà pourquoi il pouvait écrire, le 2 juillet 1857, dans le rapport de juin de l'instituteur laïc transmis au ministre de la Marine française, que les Noirs sont des « gens dont on fait tout ce qu'on veut en les prenant bien ».
Pour le colonisateur, toute action doit servir la cause coloniale. Ce fut le cas lorsqu’il mobilisa la force des indigènes pour construire des hôpitaux, des routes, des chemins de fer, des ponts, etc. Le poète Aimé Césaire avait « démoli » dans son Discours sur le colonialisme, l’argument de ceux qui avancent que la colonisation est un bienfait, qu’elle a permis de réaliser des ouvrages. Au-delà du fait que ces ouvrages nécessitèrent l’utilisation souvent forcée de bras et de matières premières locales, le poète nous dit que l’entreprise elle-même est une dépersonnalisation : « J’entends la tempête. On me parle de progrès, de “réalisations”, de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes. Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées. On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemin de fer. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. »
La colonisation n'a pas été un progrès mais plutôt un frein. Elle a vidé des sociétés entières de leur essence. C’est ce que comprit aussi Frantz Fanon lorsqu’il nota que pendant des siècles, « l'Europe a stoppé la progression des autres hommes et les a asservis à ses desseins et à sa gloire ; des siècles qu'au nom d'une prétendue "aventure spirituelle" elle étouffe la quasi-totalité de l'humanité. »
Faidherbe est l’initiateur du principe de l'assimilation culturelle au Sénégal. C’est lui qui créa la fameuse École des otages à Saint-Louis, en y faisant inscrire les fils de chefs de villages et de notables ramenés de campagnes militaires sanglantes et des tournées à l'intérieur du pays. L'école a changé de nom en devenant en 1893 l'École des Fils de Chefs et des Interprètes. Les enfants devaient y assimiler la culture française au prix d’une féroce acculturation. Conséquences : de nombreux jeunes passés dans ces écoles, complètement aliénés, se croyaient supérieurs à leurs semblables. Cette mentalité est encore actuelle. On se souvient des propos de feu le journaliste Golbert Diagne regrettant l'époque de Faidherbe où les habitants de Saint-Louis étaient des privilégiés, des « évolués » alors que les autres étaient des « indigènes ». « J'aurais eu encore trente ans, martelait-il, chaque matin je viendrais l'embrasser » [la statue de Faidherbe].
Un des rares à avoir compris le manège était Sidya Léon Diop. Il avait seulement 13 ans lorsque Faidherbe l’emmena à l’École des otages à Saint-Louis puis au Lycée Impérial d'Alger en 1861. Faidherbe lui donna même son prénom « Léon » afin de pousser à l’extrême le processus d’acculturation déjà entamé. À son retour, il devait gouverner selon les ordres de l’administration coloniale. Réveillé de sa torpeur, il rejoignit la résistance, renonça à son nom de colonisé et retrouva le sien : Sidya Ndaté Yalla Diop.
Faidherbe est celui qui s’adonna à des manipulations religieuses et ethniques tout au long de sa présence au Sénégal. Alors que nous savons que les groupes ethniques dans la période précoloniale étaient des ensembles mouvants et perméables, Faidherbe a contribué, par sa manipulation raciologique, à les figer en imposant des catégories rigides. Faidherbe est aussi celui qui célébrait le « guerrier blond logiquement triomphant », chargé de « régénérer la race noire ». Il n'hésitait pas à écrire en 1879, amplifiant les vues racistes de l’École d’anthropologie de Paris, que « l'infériorité des Noirs provient sans doute du volume relativement faible de leurs cerveaux. »
La polémique sur le fameux « dessert » offert aux Tirailleurs sénégalais n'aurait pas existé si Faidherbe n'avait pas créé ce fameux corps de soldats en 1857, motivé qu'il était par des idées racistes. Les Noirs font de bons soldats, écrivait-il en 1859, « parce qu’ils n’apprécient guère le danger et ont le système nerveux très peu développé ».
Mais Faidherbe c’était aussi et surtout les expéditions militaires sanglantes. Il est l’auteur de nombreux crimes. Son bilan est lourd : des milliers de personnes tuées et des dizaines de villages incendiés au Sénégal. Faidherbe n’a pas seulement envoyé des soldats pour massacrer des populations, il a lui-même participé à plusieurs expéditions militaires.
On n'efface pas l'histoire en déboulonnant une statue héritée de la colonisation et qui représente une figure coloniale symbole de l'assimilation aliénante et de méthodes sanguinaires. Une figure qui a tué, massacré, violé, pillé un territoire subjugué sur le plan militaire et dont toutes les réalisations avaient un seul but : consolider les bases matérielles et idéologiques de l’occupation française du Sénégal et de l’Afrique occidentale.
Une statue a une valeur éducative certaine. On exalte par elle une gloire nationale. On rappelle son souvenir et magnifie son œuvre. La statue de Faidherbe est le produit d’un récit, celui de la grandeur de l’entité colonisatrice. « Chaque statue, écrivait Frantz Fanon, celle de Faidherbe ou de Lyautey, de Bugeaud ou du sergent Blandan, tous ces conquistadors juchés sur le sol colonial n’arrêtent pas de signifier une seule et même chose : « Nous sommes ici par la force des baïonnettes».
La statue de Faidherbe à Saint-Louis signifie, pour tous les élèves du Sénégal, le bourreau honoré et glorifié. Elle consacre, aux yeux des enfants sénégalais qui la voient tous les jours, l'humiliation et l'asservissement subis par leurs ancêtres. En l’érigeant au centre de la ville de Ndar, elle participe à la colonisation de l’espace et des imaginaires. Déboulonner une telle statue, c’est s'affranchir donc de la colonialité de l'être et de l’espace.
Si le mois de juin est le mois de la naissance de Faidherbe, il est aussi celui de la disparition du cinéaste Sembene Ousmane (parti un 9 juin 2007). Sembene est l’un des tout premiers à s'insurger contre la statue de Faidherbe à Saint-Louis et les noms de rue célébrant des colonisateurs. En 1978, dans une lettre adressée au président Senghor, il écrivait ceci : « N'est-ce pas une provocation, un délit, une atteinte à la dignité morale de notre histoire nationale que de chanter l'hymne de Lat Joor sous le socle de la statue de Faidherbe ? Pourquoi, depuis des années que nous sommes indépendants à Saint-Louis, Kaolack, Thiès, Ziguinchor, Rufisque, Dakar, etc. nos rues, nos artères, nos boulevards, nos avenues, nos places portent-ils encore des noms de colonialistes anciens et nouveaux ? Notre pays n’a-t-il pas donné des femmes et des hommes qui méritent l'honneur d'occuper les frontons de nos Lycées, collèges, théâtre, université, rues et avenues, etc. ? »
En dénonçant la statue et les noms de rues, il s’agit pour les Sénégalais et Africains en général de contester une histoire qui a consacré le point de vue du colon et sa version des choses. La bataille contre les symboles est engagée. Elle ne suffit pas. Elle doit déboucher sur un combat plus vaste : la nécessaire décolonisation des rapports politiques et économiques avec les anciennes métropoles.
L'Afrique doit ÊTRE avant d'AVOIR, disait le regretté historien Joseph Ki-Zerbo.
"J'AI CONNU TOUTES LES GALÈRES"
Propulsé au devant de la scène par l'actualité, le patron d’Akilee, Amadou Ly, demeure une énigme pour nombre de Sénégalais. Derrière le garçon bon chic, bon genre, résonne encore un passé tumultueux plein d’enseignements. Portrait
Secoué par de fortes turbulences, le directeur général d’Akilee, Amadou Ly, demeure une énigme pour nombre de Sénégalais. Derrière le garçon bon chic, bon genre, résonne encore un passé tumultueux plein d’enseignements. Très gêné de parler de lui-même, il refuse catégoriquement d’aborder certaines étapes décisives de sa vie.
‘’Que ça soit clair. Je ne peux parler que d’Akilee et de mon parcours à partir du Baccalauréat. Pour la séquence d’avant-Bac, je le ferai peut-être, mais à des moments plus appropriés. Je ne veux pas que les choses soient trop personnalisées…’’. C’était la condition à accepter pour décrocher un entretien avec Amadou Ly, dans l’optique d’échanger sur la trajectoire de ce ‘’génie’’ inconnu du grand public, il y a peu.
Fondateur d’Akilee, start-up sénégalaise spécialisée dans le développement de solutions digitales dédiées à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables, l’ancien pensionnaire du lycée Abdoulaye Sadji de Rufisque avait, auparavant, décliné notre demande.
Aujourd’hui, alors que les nuages continuent de s’amonceler sur la tête de son bébé, l’homme reste droit dans ses bottes. Sans appréhension particulière sur son avenir ! ‘’Weurseuk, dit-il stoïquement, Yalla moko yoor. A la kouli haal, tu auras ce que tu dois avoir. Moi, c’est comme ça que je conçois les choses’’. Avec beaucoup de sérénité et d’humilité, il ajoute : ‘’Pour être issu d’une famille très pauvre, pour avoir vécu pendant des années dans les difficultés, je n’ai pas d’appréhension sur ce qu’est la galère… Parce que je l’ai déjà connue. C’est comme quelqu’un qui a déjà connu la mort et qui revient à la vie. S’il doit encore mourir, peut-être qu’il ne va pas l’appréhender comme quelqu’un qui n’a jamais connu cet état. Dans ma vie, j’ai connu toutes les galères’’, déclare le DG d’Akilee.
Sous les feux de la rampe depuis quelques mois, le docteur-ingénieur en physique, un des rares, pour ne pas dire le seul Sénégalais à avoir travaillé dans la construction d’une centrale nucléaire, se rappelle les péripéties de son retour au pays natal, suite à l’accession de Macky Sall à la magistrature suprême. Dans la foulée, le nouveau président lance un appel aux Sénégalais d’ici et d’ailleurs pour la construction du pays.
De Paris, l’ancien d’Electricité de France (EDF) décide d’abandonner confort, privilèges et carrière pour répondre à l’appel de la patrie. Le premier grand obstacle fut le refus diplomatique de certains membres de son proche entourage, particulièrement de sa maman, femme au foyer. Amadou Ly s’en souvient, le sourire en coin. ‘’Je me rappelle que ma mère me demandait : ‘Est-ce que tu as bien réfléchi à ce que tu veux faire ?’ Est-ce que… Est-ce que… Elle avait fini par me dire : ‘Si ça ne dépendait que de moi, tu allais encore rester quelque temps.’ J’avais compris que c’était une façon de dire non, sans vouloir dire non. Mais l’appel du pays a finalement pris le dessus sur toutes les autres considérations’’.
Sur plusieurs options à lui offertes, le jeune ingénieur, alors âgé de moins de 30 ans, choisit le moins assuré : l’entrepreneuriat. D’abord, c’est i-NES qui ne faisait que l’ingénierie-conseil, ensuite la fameuse Akilee qui ambitionne ou ambitionnait, dans un proche avenir, d’aller à l’assaut du marché sous-régional et régional. ‘’En 2022, disait sans complexe le fondateur de la start-up, Akilee sera le partenaire clef des opérateurs électriciens de la CEDEAO, pour les aider à mieux comprendre et servir leurs clients, dans une dynamique de digitalisation de leurs processus’’.
Comment est née Akilee
A l’origine, il y avait juste un boitier, un costume et une pizza. Aujourd’hui, il y a Akilee (intelligence, en pulaar), la langue de son fondateur Amadou Ly. Pour en comprendre la genèse, il faudra remonter en 2014, quand il n’y avait ni Senelec ni Etat du Sénégal, encore moins Mouhamadou Makhtar Cissé. Toute une histoire contée, avec fierté, par le ‘’self made man’’. Il précise : ‘’… i-NES a été notre première entreprise, quand je suis rentré au Sénégal. Je l’avais mise en place avec Victor Ndiaye du cabinet Performance Group. Nous faisions juste dans l’ingénierie-conseils. En 2014, j’ai décidé de faire évoluer les activités pour développer des solutions informatiques permettant de suivre les consommations d’énergie. Ça reste du conseil comme avant, mais du conseil en temps réel et pour plus grande masse.’’
Il lui fallut ainsi le fameux boitier qui permet de récupérer les données des consommations d’énergie, ainsi qu’un bon informaticien. Homme farci de grandes ambitions, Amadou savait où trouver le précieux outil, mais n’avait encore aucune idée sur son futur informaticien. Sur le chemin de la France, son ami Samba Laobé Ndiaye lui demande de lui apporter des costumes qu’il avait laissés au Gabon et qui lui ont été ramenés à Dakar. Parti pour remettre les costumes à Samba Laobé, après avoir acheté le boitier chez son partenaire à Paris, le jeune entrepreneur était loin de se douter qu’il allait trouver chez ce dernier l’informaticien qui devait compléter l’embryon Akilee.
‘’En fait, par un pur hasard, quand j’ai débarqué chez Samba, je suis entré chez lui avec le boitier que j’aurais bien pu laisser dans la voiture. Entre ingénieurs curieux, il m’a demandé ce que c’est ce boitier. Je lui ai alors expliqué ce que je voulais faire. Je l’informais en même temps qu’il me faut juste un bon informaticien. Et pendant que je lui disais ça, je me suis immédiatement souvenu que Samba est un très bon informaticien’’, confie le spécialiste.
Ainsi, ce qui était parti pour un court tête-à-tête, juste pour rendre le colis, a été transformé en séance de travail de plusieurs tours d’horloge. ‘’Nous avons fini vers les coups de 22 h. Et comme son épouse n’était pas là, nous avions acheté des pizzas pour le dîner. C’est sur le carton de cette pizza qu’on a commencé à esquisser ce qu’étaient les premiers schémas de ce qui allait devenir Akilee. Walahil anzim !’’, insiste le Hal Pulaar profondément enfoui dans ses racines.
Le duo se joint ainsi au célèbre Victor Ndiaye pour mettre en place la start-up, toujours sous le label i-NES. L’enfant de Keur Massar se plait d’ailleurs à rappeler qu’avant d’avoir Senelec dans son giron, il avait commencé à travailler avec la Sonatel, dont il gère des centaines de sites depuis 2016. Avec la société nationale d’électricité, les négociations avaient commencé en 2015, sous le règne de Pape Dieng, avant d’être finalisées sous le magistère de son successeur Mouhamadou Makhtar Cissé. A ceux qui soutiennent qu’il n’apporte rien de nouveau à la société d’électricité, il rétorque : ‘’D’abord, dire qu’on n’apporte rien de nouveau est archi-faux.
On fait des choses que Senelec n’a jamais fait jusqu’à notre arrivée. Rien que le fait d’apporter des services de suivi de la consommation pour les clients, Senelec ne l’a jamais fait. Ce que Senelec faisait, c’est collecter des données pour faire sa facturation…’’ Le dire, ce n’est nullement remettre en cause les compétences qu’il y a dans cette entreprise, tient-il à préciser. ‘’Savent-ils faire ou non ? Moi, je suis la première personne à reconnaitre qu’il y a des ingénieurs très compétents, à la Senelec, pour faire. Mais la question c’est de voir s’il s’agit de leur métier. En fait, ce n’est tellement pas leur métier qu’ils ont signé un contrat avec une compagnie chinoise qui s’appelle Kaifa, depuis 2014, pour gérer les clients grands comptes. Encore une fois, nous faisons plus que ce que faisait cette entreprise chinoise. D’ailleurs, je me demande pourquoi, tant que c’était la Chinoise, personne ne disait absolument rien.’’
Né à Dakar, il y a 38 ans, ayant grandi entre Guédiawaye, Rufisque et Keur Massar où habite sa famille depuis 24 ans, le DG d’Akilee a eu comme premier client au Sénégal le groupe NMA Sanders avec son PDG feu Ameth Amar. C’est un auditeur qui vendait la mèche, lors de son passage au ‘’JDD’’ d’iRadio, récemment. Ce dernier affirmait l’avoir vu tirer des câbles dans l’entreprise du défunt milliardaire. ‘’C’est vrai que ce témoin semblait bien me connaitre’’, confie-t-il très décontracté. Avant d’enchainer : ‘’NMA a effectivement été le premier client qui m’a payé. J’avais rencontré feu Ameth Amar à Espace Japoo - un réseau pour favoriser les rencontres et échanges entre cadres sénégalais établis en France. Il était, une fois, notre invité. Quand je suis rentré, je l’ai appelé pour lui proposer mes services et il m’a donné tout de suite ma chance. Aujourd’hui même (vendredi dernier) on a reçu un bon de commande de NMA Sandres’’.
Pour ses amis d’enfance, ses camarades de classe au lycée Abdoulaye Sadji où il a eu son Baccalauréat au début des années 2000, Amadou Ly est tout simplement un crac, une fierté pour toute une génération. ‘’On était dans la même classe, en 1re S2, avant d’être séparés en terminale. Il était déjà un crack, très bon partout, surtout dans les matières scientifiques, en Maths et PC. Il faisait partie de ceux qui participaient le plus aux cours. Il avait toujours de très, très bonnes notes. Sauf en allemand où on peinait un peu avec Mme Sembène’’, se remémore Souleymane Sèye, nostalgique.
Passionné d’informatique, de basket, Amadou était aussi ‘’the best’’, lors des jeux de Formule 1. ‘’Il faisait toujours partie des premiers dans ce game. Mais en basket, il était un piètre joueur, même s’il aimait bien’’, renchérit le technicien de labo dans une clinique sise à Rufisque.
Avec Amadou Gassama, Issa Dieng et Camara, tous devenus de grands scientifiques par la suite, ils étaient presque tout le temps ensemble, entre le lycée, la place Gabard de Rufisque et Ndeunkou chez Souleymane. ‘’C’est un homme très sociable. Un génie pur et dur ; c’est vraiment une fierté pour notre génération’’, se réjouit le Rufisquois.
Titulaire d’un doctorat en physique en 2009, Amadou Ly avait rejoint l’Institut polytechnique de Grenoble en 2003. En 2006, il est recruté par EDF qu’il va quitter 7 ans plus tard. Un long chemin parsemé d’embûches. Avec humilité, il précise : ‘’C’est vrai que ce n’était pas facile. Mais, il n’y a rien d’extraordinaire. Presque tous les étudiants sénégalais en France vivent la même chose. Commencer les cours à 8 h, terminer à 18 h ; démarrer le MacDo à 19 h pour terminer à 23 h, ça fait quand même des journées assez longues pendant 4 ou 5 ans ; jusqu’au cycle d’ingénieur. Ce n’est qu’à partir du doctorat que tu commences à gagner suffisamment d’argent pour ne pas avoir besoin de travailler à côté pour prendre en charge le loyer, la nourriture…. Sans oublier qu’on commence à envoyer de l’argent au Sénégal, dès qu’on commence à travailler.’’
Sur la page Facebook de Souleymane Sèye, les messages de soutien et de sympathie ont explosé après un petit message de soutien au camarade de classe qu’il n’a plus revu depuis plus de 20 ans. Toutefois, sur la page comme au niveau de l’opinion publique en général, Amadou est loin de faire l’unanimité. Lallia Ebène Sarr ne se gêne pas : ‘’On aime bien son parcours, mais nous aimons plus ce qui nous appartient, la patrie, notre cher Sénégal. Qu’il réussisse, c’est une fierté. Mais que le Sénégal soit debout, c’est encore mieux.’’ Pendant ce temps, ses camarades invoquent surtout son patriotisme, son talent, sa piété pour bétonner sa défense. ‘’Je l’ai connu très correct, pieux et talentueux. Il n’a besoin de personne pour réussir’’.
Orienté vers les nouvelles technologies, dans les services énergétiques innovants, Akilee arrivait pourtant à créer une grande émulation auprès de la diaspora sénégalaise, de par ses ambitions, la qualité de ses projets, leur envergure, les défis à relever… ‘’Des gens sont prêts à renoncer à leur équilibre, à leurs perspectives à l’étranger, pour revenir dans notre pays où il y a aussi des défis énormes. Honnêtement, si ce n’était que pour l’argent, nous ne serions jamais rentrés. Nous nous sentions très bien là où on était’’.
A tous les jeunes, il recommande : ‘’Il faut juste croire en soi. L’école est là. La chance est là pour tout le monde. L’essentiel est de travailler avec professionnalisme et abnégation. Si tu es menuisier, fais-le avec la plus grande rigueur pour être parmi les meilleurs. Si tu es balayeur, fais-le avec la même rigueur. Si tu es étudiant, il faut se donner au maximum pour réussir.’’ Pour ce qui est de son sort, Souleymane Sèye est très optimiste : ‘’De toute façon, dit-il, on peut tuer Akilee, mais personne ne pourra tuer ce qu’Amadou a dans le cerveau.’’