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21 juillet 2025
par Madiambal Diagne
MACKY AURA-T-IL LA FOI DU CHARBONNIER ?
La rationalisation des dépenses de l’Etat ne devrait pas se limiter à la gestion du parc automobile. Il existe des niches budgétivores qui méritent un coup de rabot
Dans le cadre de la réduction du train de vie de l’Etat, le président Macky Sall a décidé de suspendre «toutes les acquisitions de véhicules de fonction et de service, au nom de l’Etat, des structures parapubliques et des sociétés nationales». Cette mesure prend effet «à compter de ce 20 février 2020, et jusqu’à nouvel ordre». Macky Sall a demandé à son gouvernement de «finaliser le recensement intégral de l’ensemble des véhicules administratifs, de réviser leur réglementation, de proposer un schéma de réforme des véhicules âgés de cinq ans et plus et d’examiner, pour les ayants droit rigoureusement retenus, les modalités d’allocation d’une Indemnité forfaitaire globale (Ifg), intégrant l’amortissement du véhicule, le carburant, l’entretien et l’assurance». Macky Sall voudrait mettre de l’ordre dans le parc automobile de l’Etat. On pourrait dire que l’histoire se répète.
Qui ne se rappelle pas, qu’installé le 2 avril 2012, le Président Macky Sall avait donné des instructions à la ministre d’Etat, secrétaire générale de la présidence de la République, Mme Aminata Tall, pour s’occuper à mettre de l’ordre dans le parc automobile de l’Etat ? Ainsi, les premières mesures signées par Mme Tall, en l’occurrence les notes circulaires n° 0000001 et 0000002 du 13 avril 2012, avaient pour objet de mettre à l’arrêt tous les véhicules appartenant à l’Etat et à ses démembrements qui étaient en circulation et qui étaient détenus par des personnes n’en ayant ni titre ni droit. Les services de police et de gendarmerie avaient été commis à rechercher et immobiliser plus d’un millier de véhicules. La démarche avait provoqué une levée de boucliers, car de nombreux chefs religieux et autres personnalités politiques, des artistes et des célébrités du monde des sports s’en étaient offusqués. De nombreuses voix s’étaient élevées pour demander la fin de l’opération qui était perçue comme une «humiliation» dont faisaient l’objet des personnalités. Dans les allées du pouvoir, on murmurait des récriminations contre «cette forme de gestion pauvre et appauvrissante». L’opération sera stoppée net. Le 28 octobre 2012, au micro de Mamoudou Ibra Kane à l’émission «Grand Jury» de la Radio futurs médias, je regrettais cette reculade, soulignant que cette opération menée à bout aurait été «un acte concret» dans le cadre de la politique de gestion sobre et vertueuse. Non seulement l’opération de traque des véhicules administratifs indûment affectés à des personnes a été arrêtée, mais le régime du président Sall était tombé lui-même dans les mêmes travers de la gouvernance de Abdoulaye Wade. On en connaît encore de nombreuses personnes qui disposent de véhicules de l’Etat sans y avoir droit. Le communiqué du Conseil des ministres du 20 février 2020 avoue même «qu’il a été constaté le manque de rigueur dans l’application intégrale de la réglementation, entraînant des abus aux conséquences budgétaires et financières énormes pour l’Etat».
En 2020, un septennat plus une année sont passés. Macky Sall, réélu le 24 février 2019, vient à nouveau, avec cette même volonté ou résolution. On attendra encore pour juger, avec un brin d’espoir, qu’enfin le Président Macky Sall va s’y tenir cette fois-ci, contre vents et marées.
En effet, nous pouvons nous accorder sur le fait que le temps est réellement venu de travailler ensemble sur la performance de la dépense publique. En effet, l’argent du contribuable n’est pas utilisé à bon escient. Le débat est difficile, car il nous concerne tous et touche à ce que nous devons appeler le contrat social. C’est assurément un combat citoyen. La réduction du train de vie de l’Etat devrait impacter positivement le déficit budgétaire, mais aussi le Président Sall aura beaucoup à gagner, car ce serait un moyen de lutter contre l’arrogance des tenants du pouvoir qui s’exhibent devant les populations avec une ostentation qui pourrait révulser. Ces cohortes de grosses cylindrées rutilantes et toutes sirènes hurlantes, entre autres, creusent assurément un fossé entre les populations et leurs gouvernants.
Les véhicules, l’arbre qui cache la forêt
On retiendra que le président Macky Sall a engagé le gouvernement, le ministre des Finances et du budget notamment, à communiquer autour du processus en cours, avant le déploiement du nouveau système de gestion des véhicules administratifs à partir du 1er avril 2020.
Pour rappel, lors du vote du budget 2020, le ministre des Finances et du budget, Abdoulaye Daouda Diallo, avait expliqué qu’il ressortait des statistiques que le montant décaissé pour les dépenses de véhicules, de 2012 à 2018, s’élevait à 119 milliards de francs Cfa. Pour l’année 2019, il est estimé à 3 milliards 490 millions de francs Cfa. Quant aux prévisions de 2020, c’est un montant de 6 milliards 600 millions de francs Cfa qui est affecté à l’achat des véhicules dont seulement 1 milliard pour la Direction du matériel et du transit administratif (Dmta) qui reste pourtant l’organe approprié pour ce type d’acquisitions. Il y a 5 ans, le montant affecté à la Dmta pour l’acquisition des véhicules était de 6 milliards. Ce chiffre est toutefois assez trompeur, quand on sait que plusieurs départements ministériels, pour contourner les restrictions liées à l’achat de véhicules, se rabattaient vers les agences et les projets sous leur tutelle pour s’approvisionner. C’est ainsi que les dépenses liées à l’achat de véhicules pour les projets et agences pouvaient s’élever à 11 milliards par an. Le gouvernement avait déjà supprimé les bons d’essence pour les remplacer par les cartes magnétiques. Cela permettait d’éviter des fraudes, parce que lesdits bons servaient souvent de monnaie d’échange à certains fonctionnaires assez peu scrupuleux.
Il faut donc relever que cet effort de rationalisation des dépenses de l’Etat a commencé depuis quelque temps déjà, et s’était manifesté par la décision de réduire les frais de téléphone ainsi que les indemnités de logement. Ces indemnités sont directement inclues dans le salaire, et les bénéficiaires s’en acquittent directement.
L’ensemble de ces décisions de réduction du train de vie de l’Etat fera passer le pourcentage des dépenses de fonctionnement de l’Etat de 56% l’année dernière à 54% cette année, soit en valeur réelle de plus de 80 milliards de francs.
Les autres niches à élaguer
La rationalisation des dépenses de l’Etat ne devrait pas se limiter à la gestion du parc automobile. Il existe des niches budgétivores qui méritent un coup de rabot. On ne s’imagine pas que les billets d’avion et frais de mission à l’étranger coûtent plus d’1 milliard 500 millions par an au budget de l’Etat, sans compter les dépenses des agences et structures autonomes comme l’Assemblée nationale, le Conseil économique, social et environnemental (Cese), le Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct), la Cour des comptes, la Cour suprême, le Conseil constitutionnel et les autres projets de l’Etat et entreprises publiques. La publication du dernier rapport de la Cour des comptes a par exemple révélé que l’Asepex avait dépensé, entre 2013 et 2015, la bagatelle de 481 millions 494 mille 446 F Cfa en frais de mission, dont 340 millions 078 mille 117 F Cfa pour la seule année 2015. Peut-on s’imaginer les dépenses des autres structures qui n’ont pas encore reçu la visite des magistrats de la Cour des comptes ? Il conviendra cependant d’adapter la réglementation pour éviter que des procédures obsolètes et des barèmes irréalistes soient appliqués à des agents en mission. L’inadéquation des procédures est source de manœuvres qui se révèleront fatalement préjudiciables aux ressources publiques.
L’Etat devrait pouvoir faire d’une pierre deux coups dans la gestion de la commande des mobiliers pour les administrations publiques. Des économies importantes pourraient être réalisées et le secteur de l’artisanat pourrait gagner une bouffée d’oxygène avec le marché du mobilier national. Dans sa livraison du 29 novembre 2017, le journal Le Quotidien rapporte la satisfaction des membres de l’Organisation nationale des professionnels du bois (Onpb) qui relevaient que «deux ans après que la Direction du matériel et du transit administratif de l’Etat (Dmta), sur instruction du président de la République, a ordonné qu’une partie de la commande publique leur soit attribuée, au total, 18 entreprises nationales sont attributaires de ce marché du mobilier national. Ce qui représente un chiffre d’affaires de 449 millions 739 mille 568 francs Cfa pour ces entreprises… Les retombées de ce marché de fournitures du mobilier et de matériels d’appoint resteront entre les mains des Sénégalais. Cet argent va toucher les menuisiers bois, métalliques, le tapissier du coin, le quincailler, le vendeur de tissus, le matelassier et même la vendeuse de cacahuètes installée à côté du menuisier». Pourtant, la Dmta ne leur avait alloué que 15% de la commande publique en mobilier.
Sur un autre registre, l’Etat du Sénégal devrait pouvoir réaliser des économies non négligeables avec une meilleure gestion des personnels en poste dans les ambassades et consulats du Sénégal à l’étranger. Des personnels non essentiels y sont maintenus et leurs rémunérations pèsent lourdement sur les finances publiques. Le plus absurde est qu’il est de notoriété publique que de nombreux agents diplomatiques et consulaires ne s’acquittent guère de leurs missions. Il s’y ajoute que nos ambassades et consulats deviennent des points de chute de personnes qui y sont affectées pour des raisons médicales. De nombreuses personnes trouvent des postes à l’étranger, non pas pour des nécessités de service, mais pour leur permettre de suivre des traitements médicaux, aux frais du contribuable sénégalais, dans le pays de leur choix. Ce serait également l’occasion de régler la lancinante question de la carte diplomatique du Sénégal pour optimiser la couverture diplomatique. L’Etat s’y était essayé avant de reculer, peut-être pour mieux sauter ? C’est la même chose avec la délivrance des passeports diplomatiques. Macky Sall avait, en 2012, retiré de la circulation plus de 30 mille passeports diplomatiques délivrés par le régime Wade. Il est regrettable qu’en quittant le ministère des Affaires étrangères en 2019, Me Sidiki Kaba aura laissé derrière lui un autre scandale lié à la distribution sauvage de passeports diplomatiques.
Une politique en yoyo depuis 2012
On ne saurait quand même ne pas reconnaître les efforts qui ont pu être consentis pour la rationalisation des dépenses publiques. On retiendra globalement que depuis 2012, le montant issu de la rationalisation des dépenses courantes s’élève à environ 133,051 milliards F Cfa. Ces économies réalisées expliquent le comportement du ratio dépenses courantes par rapport au Pib qui n’a cessé de reculer, passant de 12% du Pib en 2011 à 7,5% du Pib en 2018.
L’une des mesures qui ont frappé le plus les esprits est la coupure des lignes téléphoniques, décidée en août 2019. Le président Sall indiquait que : «Malgré les efforts qui ont été faits, nous continuons d’enregistrer beaucoup de dépenses. On a évalué les factures de téléphone de 16 à 17 milliards par an pour les agents de l’Administration.» Pour lui, l’Administration doit «optimiser» ces ressources pour apporter un mieux-être aux populations. Cette rationalisation des dépenses publiques avait d’abord porté sur la suppression de 48 agences et structures, la fermeture de quelques postes diplomatiques et consulaires et la suppression d’institutions comme le Sénat et la vice-présidence de la République, qui était dotée d’un budget de fonctionnement même si le poste n’avait jamais été pourvu par le Président Abdoulaye Wade.
Déjà, pour le cas spécifique des dépenses permanentes, toutes les lignes de téléphone mobile, hormis certaines des services de défense, de sécurité et de justice avaient déjà été suspendues le 1er mai 2012, avec un réabonnement au cas par cas, suivant une restriction des bénéficiaires et des montants plafonds fixés par circulaire du Premier ministre. Des économies de 11 milliards de F Cfa avaient été réalisées sur les dépenses du téléphone. La rigueur avait été relâchée, pour ne pas dire que la bride a été lâchée, pour qu’on en arrive encore à couper les téléphones en 2019. Aussi, le gel et la résiliation de toutes les conventions de location de bâtiments à usage de logement ont permis de réaliser des économies de 7 milliards. En lieu et place de la location, des indemnités de logement ont été octroyées aux ayants droit. Depuis 2014, la compensation tarifaire sur l’électricité pour 20 milliards de F Cfa a été économisée. C’est cette enveloppe qui avait permis d’allouer sa première dotation au Pudc dont les populations rurales louent les mérites. Malheureusement, les hérésies commises dans la gestion du secteur de l’électricité ont fini par pousser l’Etat à allouer plus de 200 milliards à la Senelec par an.
Pour les consommations d’eau, les cent plus gros consommateurs de l’Administration ont été identifiés et suivis de façon très rapprochée. S’agissant des corps émergents de l’éducation, suite au rapport de juillet 2011 de l’Inspection générale des finances relatif à l’audit de leurs salaires, il a été décidé de supprimer le quota sécuritaire. Des économies ont été également réalisées sur les subventions octroyées aux agences qui bénéficient de ressources propres, pour 1,080 milliard de F Cfa. La réduction des dotations consacrées aux fêtes et cérémonies, conférences, congrès et séminaires ainsi qu’aux lignes «habillement et accessoires». En outre, les crédits destinés à l’achat de mobilier, matériel de bureau, matériel informatique, véhicules et autres biens amortissables ont été revus à la baisse à hauteur de 2,262 milliards de F Cfa.
LA TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE EST EN RETARD EN AFRIQUE
Selon Alioune Sall, des études empiriques montrent qu’il y a une corrélation très forte entre l’âge médian d’une population et le recours à la violence comme mode de gestion des conflits et des contradictions
La transition démographique de l’Afrique a connu un ‘’retard’’, à l’inverse de sa croissance économique, constate le directeur exécutif de l’Institut des futurs africains (IFA), Alioune Sall, qui établit une relation de cause à effet entre l’âge médian de la population africaine et l’ampleur de l’insécurité et de la violence dans le continent.
‘’Il y a incontestablement une croissance rapide, même s’il faut la relativiser. Mais il y a surtout un retard dans la transition démographique de l’Afrique, alors que dans les autres continents, la transition démographique est avancée’’, a signalé M. Sall dans un entretien avec l’APS à l’occasion du 20e anniversaire du Forum de Bamako, qui s’est déroulé dans la capitale malienne de vendredi à dimanche.
En Afrique, la transition démographique est relativement lente, selon le sociologue et spécialiste de la prospective en Afrique.
‘’Cela tient en partie au fait que (…) la population africaine est jeune, d’autant plus que l’âge médian en Afrique tourne autour de 20 ans, ce qui (…) a une incidence sur les problèmes de sécurité’’, a expliqué le directeur de l’IFA, qui a donné un discours inaugural sur le thème ‘’Quelle Afrique à l’horizon 2040 ?’’, lors du 20e Forum de Bamako.
Selon Alioune Sall, des études empiriques montrent qu’il y a une corrélation très forte entre l’âge médian d’une population et le recours à la violence comme mode de gestion des conflits et des contradictions.
‘’Plus l’âge médian d’une population est bas, plus la tendance est forte à recourir à la violence. Ailleurs, où l’âge médian est plus élevé, il y a des instances de médiation’’, a ajouté M. Sall.
La démographie, ce n’est pas seulement la natalité, la mortalité et le solde migratoire, qui sont les trois déterminants de la croissance démographique, c’est surtout la qualité du capital humain, a précisé le directeur exécutif de l’IFA.
De ce point de vue, a-t-il poursuivi, on doit se poser des questions sur l’éducation, la santé et l’emploi, selon lui. ‘’Le grand défi qui se pose aujourd’hui, en ce qui concerne la démographie, c’est de savoir traduire le bonus démographique en dividende démographique’’, a souligné M. Sall.
‘’Et, pour moi, cela n’est pas une question de démographie, mais une question de politique publique pour faire en sorte que le capital humain soit disponible, qu’il soit éduqué et en bonne santé’’, a-t-il expliqué.
Concernant l’économie, M. Sall constate ‘’une multiplicité de systèmes de production dans tous nos pays, qui ne se traduit pas par un développement soutenu’’.
‘’Il y a très peu de connexion entre ces divers systèmes de production’’, a remarqué le prospectiviste, qui diagnostique dans plusieurs pays africains ‘’un système hautement capitalistique, où on trouve une multitude de très petites entreprises et un secteur informel non structuré, très important’’.
‘’Il y a aussi la forte dépendance qui caractérise les économies africaines, parce que l’Afrique est certainement le seul continent où l’on produit ce qu’on ne consomme pas, où on consomme ce qu’on ne produit pas’’, a expliqué M. Sall.
L’Institut des futurs africains a pour mission d’aider les pays africains à ‘’formuler une vision à long terme pour [leur] développement’’ et à ‘’promouvoir une planification et une réflexion stratégiques à long terme’’.
VIDEO
MACKY SALL DANS LE COLLIMATEUR DES FANS DE KEMI SEBA
L’ONG Urgence Panafricanistes accuse le gouvernement sénégalais de haute trahison contre l'Afrique pour avoir interdit l'accès à son territoire à l'activiste franco-béninois sous la pression de la France
L’ONG Urgence Panafricanistes accuse le gouvernement sénégalais de haute trahison contre l'Afrique toute entière pour avoir interdit l'accès à son territoire à Kémi Seba, "digne fils du continent" sous la pression de la France.
Khadim Mbacké Sall, porte-parole de l'ONG, qui a dénoncé l'interdiction à l'activiste d'entrer au Sénégal et l'arrestation arbitraire de Guy Marius Sagna, soutient que personne ne pourra arrêter le processus d'auto-détermination de la jeunesse africaine qui veut se libérer de l'emprise française.
Voir sa déclaration en vidéo.
par Nioxor Tine
UN AN APRÈS LE HOLD-UP, LA CRISE S’AGGRAVE !
Le régime apériste est en train de vivre les affres d’un déficit de légitimité doublé d’une défiance croissante, de la part aussi bien des couches populaires que des militants de la grande coalition BBY
Un an après le hold-up électoral du 24 février 2019, le régime apériste est en train de vivre les affres d’un déficit de légitimité doublé d’une défiance croissante, de la part aussi bien des couches populaires que des militants de la grande coalition Benno Bokk Yakaar.
C’est dire que le fameux dialogue entre acteurs politiques n’a pas encore pu dénouer la crise politique née d’une mauvaise gestion du processus électoral. En effet, même si les résultats officiels de la dernière présidentielle semblaient indiquer une victoire éclatante au premier tour du président Sall, il ne faisait aucun doute que sa réélection avait surtout été le fruit de toute une série de combines.
Après s’être lui-même réélu, le président Sall a très précocement – avant même la proclamation officielle des résultats – invité les acteurs politiques, à un dialogue politique. Était-ce là le signe d’un triomphe modeste ou faisait-il profil bas pour faire oublier ses frasques du premier mandat ? Malheureusement et comme l’avaient pressenti certains acteurs politiques, il ne semble s’être agi, encore une fois, que d’une ruse, lui permettant de différer des élections locales, pour lesquelles, il n’était pas prêt, situation qui risque d’ailleurs de perdurer.
Déjà, des scandales escamotés par le tumulte électoral d’avant-présidentielle, comme celui de Pétrotim, ont refait surface, conduisant à la mise sur pied, par les acteurs de la société civile, de la plateforme Aar li ñu bokk.
En outre, pris au collet par la Banque Mondiale et le FMI, empêtré dans des tensions de trésorerie inextricables et une dette en croissance exponentielle, le pouvoir de Macky se voyait obligé d’appliquer une politique d’austérité, porteuse d’instabilité sociale et d’impopularité. Là encore, il va se servir du dialogue et de la bienveillance de certains opposants pour tenter de pacifier le front social, en ébullition, du fait de la hausse des prix du carburant, de l’électricité et de certaines denrées de première nécessité. Cette fois, il va se heurter à la farouche résistance des mouvements de jeunesse patriotique et de Guy Marius Sagna réunis dans le mouvement Ño Lankk.
Par ailleurs, la situation va être aggravée par les errements des politiques publiques mises en œuvre par le régime apériste dans des domaines aussi divers que la pêche (Mbour, Saint-Louis), l’hydraulique (Notto-Diobass, Ndagane…), l’agriculture (campagne de commercialisation désastreuse), les innombrables litiges fonciers, le transport (impactés du TER), l’éducation, la santé…et même l’énergie.
Dans tous les secteurs, l’opinion met à nu les mensonges pré-électoraux de l’APR et de ses alliés, ce qui conduit à des grèves et des manifestations populaires, un peu partout dans le pays.
C’est dire qu’il y a un hiatus flagrant entre la volonté proclamée de dialogue politique et les innombrables conflits sociaux, creusant davantage le fossé entre certaines élites et les masses fondamentales.
Au moment où le peuple fait montre de sa détermination à ne plus être gouverné comme auparavant, des fissures se font jour au sein de la caste, qui nous gouverne et dont les membres s’accusent mutuellement de tous les péchés d’Israël, notamment de comploter contre le Prince.
Cette situation apocalyptique ne traduit que l’incapacité du régime apériste de résoudre la crise politique en cours et son absence de volonté politique de procéder à des réformes démocratiques venues à maturité et identifiées depuis bien longtemps, au moins depuis les Assises nationales.
C’est ce qui explique les désaccords persistants, au niveau du dialogue national, sur l’abrogation de textes liberticides comme l’article 80 du code pénal, l’arrêté Ousmane Ngom…etc., On observe également le refus constant de poser des actes forts pour décrisper l’atmosphère politique, instaurer une gestion vertueuse des ressources publiques, en mettant fin à l’impunité pour les auteurs de crimes économiques, dont la plupart sont des responsables politiques de la majorité.
Pire, dans un système politique, qui prend de plus en plus les allures d’une autocratie, des membres éminents du camp présidentiel s’illustrent par des déclarations inquiétantes comme un statut spécial pour Dakar, la suppression de la limitation des mandats d’un président, qui donne l’impression de vouloir rester au pouvoir jusqu’en… 2035 !
Il ne reste qu’à espérer, que le Président de la République, pour les quatre années qui lui restent à la tête de l’État sénégalais, se ressaisisse en mettant fin aux atteintes aux droits et libertés des citoyens et en opérant les ruptures préconisées par les Assises nationales et la Commission Nationale de Réforme des Institutions.
CORONAVIRUS : "TOUT CONCOURT À CE QUE LE VIRUS CIRCULE SUR LE CONTINENT AFRICAIN"
Avec un seul malade recensé, l’Afrique semble épargnée. Mais Pierre-Marie Girard, de l’Institut Pasteur, interroge la réalité de ce chiffre, vu l’ampleur des échanges avec la Chine
Libération |
Eric Favereau |
Publication 24/02/2020
Après avoir été chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, le professeur Pierre-Marie Girard est aujourd’hui le directeur des Affaires internationales à l’Institut Pasteur de la capitale et à la tête du Réseau international des Instituts Pasteur, dont 10 sont situés en Afrique.
La grande crainte autour de cette nouvelle épidémie était qu’elle atteigne l’Afrique. Or il n’y a qu’un seul cas connu, en Egypte. Est-ce une bonne nouvelle ?
Aujourd’hui, personne ne comprend pourquoi l’épidémie ne s’est pas encore développée sur le continent africain. Nombreux sont les experts qui doutent de la réalité des chiffres affichés. Les plus optimistes s’en étonnent mais ils font le pari que l’épidémie s’éteindra avant que le continent africain ne soit touché. Pour les pessimistes, il existe deux possibilités : soit des cas n’ont pas encore été repérés et ce n’est plus qu’une question de temps, soit l’évolution toujours croissante de l’épidémie en Chine, les failles inéluctables des mesures d’isolement et l’ampleur de leurs contraintes entraîneront obligatoirement une extension de l’épidémie vers l’Afrique.
Pourquoi y a-t-il un doute si fort ?
Un constat simple : en Afrique, il y a plus d’un million de ressortissants chinois qui font des allers-retours dans leur pays, et il y a eu, en plus, un fort mouvement autour du nouvel an chinois. Tout concourt à ce que le virus circule. D’ailleurs, mercredi, il y a eu une remarquable modélisation faite par une équipe de l’Inserm autour de la chercheuse italienne Vittoria Colizza montrant que l’Egypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud seraient les portes d’entrées les plus probables du coronavirus sur le continent africain. Ils ont pour cela travaillé sur l’importance des échanges aériens avec les provinces chinoises contaminées, en pointant les grands hubs aériens par où transitent beaucoup de voyageurs. Ces trois pays sont aussi parmi les mieux équipés du continent pour détecter rapidement les nouveaux cas et les prendre en charge. Dans d’autres pays d’Afrique, selon cette recherche, le risque d’importation est plus faible mais les carences sanitaires peuvent faire craindre une diffusion rapide.
Dans ce cas, qu’est-ce qui explique l’absence ou presque de cas ?
Il est possible qu’il y ait des cas cachés, des personnes infectées qui n’ont pas eu accès aux tests ou, surtout, des personnes infectées en période d’incubation, donc non repérables. L’hypothèse la plus probable, c’est que le coronavirus circule au moins à bas bruit.
Peut-être que le climat ne convient pas à ce virus ?
Non. Le climat tropical n’est pas un frein puissant à la réplication des coronavirus même si une saisonnalité partielle est probable comme pour la plupart des virus respiratoires. Parier sur la protection climatique en Afrique ou le contrôle spontanée de l’épidémie lors de la fin de l’hiver serait absurde.
Que faut-il faire, néanmoins, pour l’Afrique ?
Se préparer, et, c’est le cas de nombreux pays africains, avec l’appui de l’aide internationale. Avec nos 10 instituts, nous avons pu rendre les tests moléculaires disponibles dès leur mise au point. Les centres de référence ont été équipés et les biologistes formés à partir de la mi-janvier. Heureusement, les personnes infectées se révèlent contagieuses principalement lors des premiers symptômes, ce qui permet de repérer les personnes les plus à risque, celles qui peuvent y compris être sévèrement atteintes et transmettre le virus à leur entourage proche. Cela permet d’agir plus efficacement et de circonscrire rapidement la transmission.
Reste qu’à vos yeux, il y aura de toute façon une épidémie en Afrique…
En tout cas, rien n’est fini. L’épidémie n’est pas du tout contrôlée actuellement en Chine, on ne sait pas jusqu’à quand les personnes touchées resteront contagieuses, et comme dans toute épidémie, il peut y avoir des rebonds après des phases d’accalmie relative. Cela va durer encore des mois. Le pire est peut-être devant nous. Mais si le pire n’est jamais sûr, il serait collectivement inadmissible de ne pas s’y préparer et ignorer ainsi les risques encourus par les pays les plus démunis.
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, EMMANUEL DESFOURNEAUX
LA MISE EN DÉBAT DE LA CREI
EXCLUSIF SENEPLUS - La lutte contre la corruption, objectif majeur de la bonne gouvernance, ne saurait exclure le respect du principe de la présomption d’innocence. La présomption de culpabilité est une facilité procédurale
Emmanuel Desfourneaux de SenePlus |
Publication 24/02/2020
Je remercie sincèrement l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye de s’être prêté au jeu de l’interview avec franchise. Celle-ci permet de poser les termes d’un débat de très haute facture sur fond de montée des affaires de corruption et de l’inertie de l’Etat sénégalais dans la lutte contre les détournements de deniers publics.
Discordes idéologiques. La CREI, placée sous statut d’intermittent de spectacle judiciaire depuis sa création en 1981, suscite de moultes interrogations : entre maintien et suppression, entre présomption d’innocence et présomption de culpabilité, entre exigence éthique et justice politique.
Contrairement à la France, le Sénégal a fait le choix souverain de l’enrichissement illicite. Abdoul Mbaye, Premier ministre durant la réactivation de la CREI, innocente cette juridiction inédite au regard des conséquences économiques et sociales graves de la corruption en Afrique. Dans l’interview, il ne mâche pas ses mots à l’endroit des voleurs de deniers publics.
Comment s’élever contre ces arguments développementalistes plaçant le bien-être de la population au cœur de la lutte contre la corruption ? Chaque année, l’Afrique perd 148 milliards de dollars à cause de ce fléau, soit environ 25 % de son PIB moyen. Selon un rapport de l’OFNAC, la moyenne des montants de pot-de-vin payés par la population totale s’élève à 24.803 FCFA au Sénégal (pour la tranche de revenus mensuels de moins de 90.000 FCFA). Dernièrement, une étude indépendante révèle que 7,5 % des aides au développement octroyées par la Banque mondiale aux pays les moins avancés sont détournées dans les paradis fiscaux.
Peut-être la CREI est-elle un prolongement indirect du droit au développement, à la fois relié à la défense des intérêts généraux de la collectivité et à la promotion de la solidarité, compatibles tous deux avec la problématique des droits de l’homme propre à l’Afrique. Les bénéfices du développement dont sont en droit d’attendre les populations sont entravés par la corruption. Le renversement de la charge de la preuve et la présomption de culpabilité qui en résulte, en sont alors justifiés.
Je n’ai jamais caché mes réserves, voire mon aversion, pour la CREI, que j’ai qualifiée de « Léviathan judiciaire » (expression reprise par Abdoualye Baldé dans une interview sur TV5 courant novembre 2018). La principale défectuosité de cette infraction est la part belle faite au déterminisme si cher à l’école positive italienne. Dans l’interview d’Abdoul Mbaye, cela se mesure par les propos suivants : « présumés coupables dument identifiés ». Ou encore lors d’une de ses déclarations sur la CREI en janvier, « l’origine de l’argent du politicien est très rarement licite ». Il est établi que la culpabilité est déduite au profit du groupe, l’innocence étant à prouver par l’individu, peu importe l’acte illicite étant à l’origine de l’enrichissement.
Le droit a toujours été marqué par des controverses doctrinales. Des opinions « dissidentes » des juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme sont publiées après l’arrêt auquel ils ont pris part. L’enrichissement illicite n’échappe pas à ce phénomène de débat-objection. Le Cameroun et le Maroc tergiversent sur l’entrée de cette infraction dans leur ordre juridique. Ces pays pèsent le pour et le contre !
C’est un débat technique sur le régime de la preuve certes, mais c’est aussi affaire philosophique, et politique de choix de société. Je fais mienne la citation d’Albert Camus : « Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout ». Là-encore, l’interview d’Abdoul Mbaye concernant l’amélioration des imperfections de la justice sénégalaise, dévoile sa préférence en faveur du tout répressif ; l’innocence, la liberté, ne seraient que secondaires : « Moins d’ailleurs pour ne pas punir des innocents, c’est plutôt un combat pour que personne ne puisse passer au travers des mailles du filet ». Pour ma part, la lutte contre la corruption, objectif majeur de la bonne gouvernance, ne saurait exclure le respect du principe de la présomption d’innocence. L’efficacité n’en sera nullement atteinte. Bien au contraire !
Politisation et imperfections génétiques de la CREI. Le caractère politique de la traque des biens mal acquis ne faisait aucun doute pour les commentateurs et pour l’opinion. Mais l’entendre de la bouche de la 2ème personnalité politique de l’Etat, après le président de la République, à l’époque de la réactivation de la CREI, apporte un autre regard sur l’affaire Karim Wade.
Le plan de lutte contre la corruption d’Abdoul Mbaye a été rejeté par le président Macky Sall, et l’ancien Premier ministre a été écarté de la traque, sans doute au profit de la ministre de la justice Mimi Touré, femme du sérail politique, plus perméable aux tactiques politiciennes, qu’un nouveau venu en politique.
La démarche intellectuelle d’Abdoul Mbaye n’est pas à remettre en cause. Certains railleront au sujet de sa non-responsabilité dans toutes les affaires qui ont secoué le premier mandat de Macky Sall, à l’exemple des contreseings des décrets Petrotim. Mais sa constance à maintenir la CREI, prouve le contraire. Pourquoi n’a-t-il pas alors démissionné après le rejet de son plan ? L’auriez-vous fait à sa place ? Et puis, il a respecté l’adage : « Un ministre ça démissionne ou ça ferme sa gueule ». Aujourd’hui, opposant, l’ancien Premier ministre parle pour notre plus grand plaisir.
Abdoul Mbaye se fonde sur sa propre expérience judiciaire pour démontrer que ce n’est pas la nature de la juridiction qui est en cause mais l’indépendance et l’impartialité des juges. Ce n’est pas totalement faux ! Cependant, avec la CREI, le risque de politisation y est plus fort que n’importe quelle autre juridiction. La présomption de culpabilité est une facilité procédurale, à nul autre pareil, pour abattre un ennemi politique. A fortiori lorsque des biens immobiliers, en vue d’établir l’enrichissement nouveau, sont attribués pêle-mêle de façon pittoresque et sans comptabilité sérieuse (voir DP WORLD). Abdoul Mbaye avait conscience des limites de la CREI car il ne la concevait qu’en ultime recours.
Autres voies possibles. L’ancien Premier ministre, bien qu’il s’arc-boute sur la CREI, n’exclut pas d’autres possibilités comme la création d’un Parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption. Il est donc ouvert au débat.
La majorité des affaires soulevée dans les rapports des organes de contrôle, relèvent du reste d’infractions « ordinaires ». Prenons un exemple à travers les menaces de traduire devant la CREI Moustapha Diakhaté, nouvel opposant au régime de Macky Sall. Me Djibril War, responsable APR, cite entre autres les 300 000 000 FCFA perçus par Moustapha Diakhaté en sa qualité de président du groupe parlementaire de Benno. Si cette infraction de détournement était établie, elle ne saurait relever de la compétence de la CREI au motif qu’il n’est pas nécessaire de passer par l’enrichissement illicite (conséquence d’un acte illicite) !
En France, sans l’enrichissement illicite, Teodore Obiang, vice-président de Guinée équatoriale, a vu ses biens parisiens saisis et a été condamné à 3 ans de prison avec sursis.
La CREI et toute sa procédure sont sujettes à controverses, avec un mélange des genres inégalé ! Comment, en effet, la CREI a-t-elle conclu à l’absence de corruption et de détournement de deniers publics dans l’affaire Karim Wade ? D’une part, la CREI se prononce exclusivement sur l’enrichissement illicite, l’acte illicite à l’origine de l’enrichissement étant indifférent. D’autre part, comment établir un enrichissement illicite de Karim Wade tout en reconnaissant l’absence de corruption (acte illicite à l’origine de l’enrichissement) ? Par ailleurs, les techniques probatoires sont confuses variant la charge de la preuve sur le mis en cause (enrichissement) et le parquet (identification du patrimoine). Mais in fine la question patrimoniale s’étend à la problématique de l’enrichissement, élargissant le renversement de la preuve !
Compte tenu de ma culture juridique, j’ai plus foi aux juridictions ordinaires qu’aux juridictions d’exception expéditives. L’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye, a raison de pointer plus globalement le dysfonctionnement de la justice. Celle-ci, sans une indépendance avérée, ne saurait devenir un instrument efficace dans la lutte contre la corruption d’agents publics, des hauts fonctionnaires et des responsables politiques. C’est toute une nouvelle culture d’ordre politique et juridique qui doit voir le jour. Les manifestations des citoyens sénégalais contre les affaires de corruption et les inégalités sociales incitent les autorités politiques à agir en ce sens. La maxime du Juge Mbaye est toujours d’actualité : « Les sénégalais sont fatigués » et qui plus est les sénégalais ont changé. Ils exigent plus d’éthique, indispensable au développement du Sénégal, et au respect de leur droit au développement.
Il existe aussi des instruments de prévention contre l’enrichissement illicite : la formation et l’éducation. Mais également des actions en faveur de plus de transparence dans la vie politique. Les caisses noires, même si celles-ci ont à titre exceptionnel des justifications pour la sûreté de l’Etat, sont souvent à usage clientéliste. La lumière faite sur ces caisses évitera tout enrichissement illicite. Si la corruption transnationale complique l’administration de la preuve, le renforcement du journalisme d’investigation contribuera à divulguer à terme des comptes offshores. Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a mis à jour à travers les « Luanda Leaks » les malversations d’Isabelle Dos Santos, la femme la plus riche d’Afrique ! Je plaide pour un régime protecteur en faveur des journalistes d’investigation, lanceurs d’alerte. Il faut les protéger contre des poursuites inopportunes au titre de la diffamation publique. Ces journalistes méritent aussi des mesures de sécurité physique.
Je terminerai par évoquer le respect du droit international. J’y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Il est incohérent de justifier la CREI sur la base de l’article 20 de la convention des Nations unies contre la corruption, et de ne pas appliquer les observations issues du même système onusien, en l’espèce celles du Comité des Droits de l’homme de Genève. Cette incohérence montre qu’« il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la Justice » (Montesquieu). Il est de surplus incohérent de maintenir la CREI avec la force constitutionnelle de l’article 9 de la DDH garantissant la présomption d’innocence. L’article 20 de la convention onusienne introduit une limite constitutionnelle à l’institution de l’enrichissement illicite (« Sous réserve de sa Constitution et des principes fondamentaux de son système juridique »).
Le 21 décembre dernier, le président ivoirien Alassane Ouattara avait annoncé le remplacement prochain du Franc Cfa par une nouvelle monnaie dénommée «Eco», indexée sur l’euro et garantie par la France. Une annonce qui ne prenait pas en compte la situation des autres pays de la Cédéao n’appartenant pas à la zone Cfa, et qui, de plus, créait une confusion entre la réforme du Cfa et la monnaie unique de la Cédéao, également dénommée «Eco», dont la mise en place était prévue pour 2020. C'est dans ce
contexte que le puissant Nigeria a demandé, ce 10 février, le report du lancement de la future monnaie ouest-africaine.
Une question se pose à présent : le grand projet de la souveraineté monétaire des pays d’Afrique de l’Ouest sera-t-il sacrifié sur l’autel de la réforme controversée du Franc Cfa ?
Invités :
- Fanny Pigeaud, Journaliste. Auteure avec Ndongo Sylla
de «L’arme invisible de la Françafrique - Une histoire du
franc CFA», aux Editions La Découverte
- Yves-Stéphane Mbele, Analyste financier
- Makhoudia Diouf, Enseignant. Coordinateur du collectif
«Sortir du Franc CFA»
AU SAHEL, L'EXCEPTION MAURITANIENNE FACE AU JIHADISME
C'est un modeste mais efficace maillon du dispositif sécuritaire qui, mêlé à un travail sur les esprits, préserve la Mauritanie de la menace jihadiste alors que celle-ci ne cesse de s'étendre chez ses voisins sahéliens
A des kilomètres de la première ville, au fond de la seule tente d'un campement en plein désert de Mauritanie, trône une radio VHF.Qu'un étranger passe par ici, et les habitants actionnent l'appareil pour prévenir les autorités.
C'est un modeste mais efficace maillon du dispositif sécuritaire qui, mêlé à un travail sur les esprits, préserve la Mauritanie de la menace jihadiste alors que celle-ci ne cesse de s'étendre chez ses voisins sahéliens.
Tandis que le Mali frontalier compte ses morts à intervalles réguliers, la Mauritanie, quatre millions d'habitants, n'a pas connu d'attaque sur son sol depuis 2011.
"Il faut remonter aux années 2005 pour comprendre", explique un diplomate occidental.L'expansion de groupes islamistes en Algérie, voisin du nord, touche alors de plein fouet la Mauritanie, théâtre de plusieurs attentats.
En 2008, l'ancien chef de la sécurité présidentielle, le général Mohamed Ould Abdel Aziz, prend le pouvoir par la force.Un an plus tard, il est élu président.
Les partenaires occidentaux sont circonspects, mais pragmatiques: en raison du nombre substantiel de Mauritaniens dans les groupes jihadistes naissants dans le nord du Mali, "la France a très vite compris que la menace jihadiste pouvait s'étendre à la Mauritanie", selon un ancien coopérant français, tenu comme d'autres sources à cacher son identité.
Paris, et Washington dans une moindre mesure, envoient des formateurs encadrer les unités antiterroristes et renforcer le renseignement mauritanien.
Les autorités mauritaniennes investissent sur la formation et travaillent à fidéliser les soldats: budgets gonflés, nouveaux équipements, salaires versés à la banque, accompagnement social des militaires.
- Bataille des idées -
Aujourd'hui, des dizaines de checkpoints jalonnent chaque axe routier.Une immense région jouxtant le Mali a été classée "zone militaire" où les civils n'ont pas le droit de circuler."Toute voiture qui y circulerait serait repérée et contrôlée.Cette mesure a permis le repérage de bandes armées de trafiquants de cannabis qui ont subi des bombardements de l'armée de l'air par le passé", souligne Hassane Koné, chercheur à l'Institut d'études de sécurité à Dakar.
Au même moment, Nouakchott engage la bataille des esprits.Un dialogue est organisé en 2010 entre les principaux oulémas et environ 70 jihadistes en prison.Les leaders religieux en convainquent une cinquantaine de se repentir.Parmi eux, certains sont envoyés à la télévision, dans les mosquées, pour prêcher auprès des jeunes que le jihad n'est pas la bonne voie.
Plus de 500 imams sont recrutés, et les jeunes sortis des mahadras (écoles traditionnelles islamiques) se voient offrir une formation professionnelle.
"Nous avons vu à cette époque une forte baisse des recrutements jihadistes", explique M. Koné, par ailleurs ancien directeur des renseignements de la gendarmerie mauritanienne."Les gens sont moins sensibles aux idées radicales, les populations collaborent plus avec l'Etat", continue-t-il.
L'actuel président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, ancien chef d'état-major et ex-bras droit du président Aziz, louait en janvier cette "ouverture spirituelle" fondée sur "l'ancrage des valeurs de tolérance et d'acceptation de l'autre pour déstructurer et détruire les fondements religieux de l'action des terroristes".
Au travail idéologique et sécuritaire s'est greffée la création de villes ex nihilo, synonymes d'activité économique et de services de proximité, quand les groupes jihadistes prospèrent dans d'autres pays sur l'absence de l’Etat.
Ainsi sont nées en plein désert Nbeiket Lahwach, Termessa, Bouratt et Chami.
- Pacte secret ? -
"Il s'agit d'occuper le terrain, de dire aux populations nomades qui n'avaient pas de sentiment d'appartenance étatique: +Votre pays s'occupe de vous, vous protège, vous soigne, éduque vos enfants+", analyse Isselmou Ould Salihi, journaliste mauritanien spécialiste des questions jihadistes.
L'immunité mauritanienne aux attaques ainsi que des déclarations américaines ont nourri les interrogations sur l'existence d'un pacte de non-agression secret entre Nouakchott et jihadistes.
Les Etats-Unis ont affirmé avoir trouvé en 2011, dans la cache pakistanaise où a été tué l'ancien leader d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, des documents faisant état d'une tentative de rapprochement entre le groupe et Nouakchott en 2010.
"Rien n'a jamais permis de corroborer ces rumeurs, elles sont fausses", oppose une source proche du pouvoir.
Le diplomate occidental interrogé par l'AFP abonde: "Pas de deal mais des relations tribales évidentes et historiques entre habitants du nord du Mali et de la Mauritanie".
La Mauritanie prend cette semaine la présidence tournante du G5 Sahel coordonnant la coopération de cinq pays de la sous-région sur la sécurité et le développement."La Mauritanie est un acteur qui a pu venir à bout du terrorisme en 2011.Nous attendons beaucoup de leur présidence", explique une source française.
BISSAU : "IL N'Y A PAS DE PRÉSIDENT ÉLU"
Le candidat du parti au pouvoir, Domingos Simoes Pereira, donné battu par la commission électorale lors de la présidentielle de décembre, accuse son adversaire de bafouer la légitimité des institutions du pays
Le candidat du parti au pouvoir en Guinée-Bissau, Domingos Simoes Pereira, donné battu par la commission électorale nationale lors de la présidentielle de décembre, a estimé lundi qu'il n'y avait pas encore de "président élu" et accusé son adversaire de bafouer la légitimité des institutions du pays. "Il n'y a pas de président de la République élu, on est dans le processus électoral. La seule instance qui peut déclarer ce processus clos c'est la Cour suprême", a martelé M. Pereira, dans un entretien à l'AFP à Paris. "Aujourd'hui, il y a deux candidats: celui qui respecte la loi et qui demande à l'instance compétente de trancher une dispute électorale et un autre qui paraît pressé", a-t-il ajouté.
Son rival, Umaro Sissoco Embalo, donné vainqueur par la commission nationale électorale (CNE) avec 53,55% des voix, a affirmé qu'il comptait être investi jeudi à la tête de ce pays d'Afrique de l'Ouest.Un scénario impensable pour Domingos Simoes Pereira (crédité de 46,45%) qui se qualifie de "légitimiste" et qui en appelle à la Cour Suprême pour exiger un recomptage des voix. "Lorsqu'on se présente comme candidat, on doit s'engager à respecter la loi de son pays, sa souveraineté et le choix du peuple", pointe le candidat du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), la formation qui domine la vie politique de cette ancienne colonie portugaise depuis son indépendance en 1974. "Qui a peur d'ouvrir les urnes ? Pourquoi cherche t-on d'autres solutions que la vérité des urnes ?", s'interroge t-il. "On discute depuis plus de cinquante jours alors qu'on pourrait recompter en 48 heures", regrette t-il.
Saisie par M. Pereira, la Cour suprême a rendu plusieurs arrêts qui n'ont pas permis de trancher les contentieux électoraux. Dans sa dernière décision rendue le 14 février, la plus haute juridiction du pays a refusé de prononcer l'annulation du scrutin, réclamée par le PAIGC. Mais elle a dans le même temps exigé que la commission électorale effectue à nouveau une vérification des procès verbaux des résultats, ce que la CNE assure avoir déjà fait.
«L’HISTOIRE DU PRESIDENT MACKY SALL AVEC LE PEUPLE SENEGALAIS N’EST PAS TERMINEE»
Alors que son nom est cité parmi les potentiels dauphins embusqués, Mahammad Boun Abdallah Dionne a fait une sortie qui a le don de clarifier un pan de son vœu intime.
Ceux qui plaident pour un troisième mandat de Macky Sall ou même pour la suppression de la limitation des mandats ont de qui tenir. Présidant un forum organisé par la convergence des jeunesses républicaines de Guédiawaye, le ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence, a été sans équivoque à ce propos.
Alors que son nom est cité parmi les potentiels dauphins embusqués, Mahammad Boun Abdallah Dionne a fait une sortie qui a le don de clarifier un pan de son vœu intime. «L’histoire du Président Macky Sall avec le peuple sénégalais n’est pas terminée, et ça va vers 2035 s’il plaît au Bon Dieu. L’histoire du Président Macky Sall avec Guédiawaye n’est pas terminée. L’histoire du Président Macky Sall avec le peuple sénégalais n’est pas terminée parce qu’il nous convie à l’émergence pour 2035 et il nous amènera à l’émergence par ses idées et par son amour pour le pays.»
C’est en ces termes que le ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la République, a répondu aux pourfendeurs de son mentor à qui l’on prête l’intention à tort ou à raison de vouloir briguer un troisième mandat en 2024. L’ancien Premier ministre a formulé ce vœu hier à Guédiawaye lors d’un forum organisé par la jeunesse locale de l’Apr.
Boun Abdallah demande en effet aux jeunes de soutenir le chef de l’Etat dans sa logique de pensée pour défendre les acquis du Plan Sénégal émergent et se tenir prêts politiquement pour les prochaines échéances, pour la défense des réalisations du Président Macky Sall. «Et vous jeunes, je vous demande de soutenir les actions et les réalisations du Président qui vont vers l’horizon 2035. Donc l’heure est au travail et à la consolidation des acquis. Je vous demande de défendre son bilan exceptionnel qui n’est plus à démontrer», a-t-il martelé. Les responsables et les jeunes qui se sont succédé au micro ont tous adhéré aux propositions faites par Boun Abdallah Dionne avant de réitérer leur engagement à défendre le bilan de leur champion partout où besoin se fera sentir.