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27 septembre 2025
par Abdallah Atyr Ba
LES MAIRES ET LA PÉRIODE POST COVID-19
Dans le nouvel ordre qui se dessine, des textes clairs devront donner aux élus des attributions sans ambages et leur assurer, un certain nombre de garanties et de droits
La pandémie du Covid-19 a bouleversé le monde et ses effets sur l'homme, son environnement, son mode de vie et les différents systèmes d'organisation mis en place sont encore méconnus. Mais d'ores et déjà, la situation actuelle a fini de tracer les contours du rôle et de la place de l'élu local auprès de ses administrés. Une occasion pour, au sortir de cette crise, repenser, redéfinir, rehausser, revaloriser et redonner du prestige à cette fonction. Le maire, est un citoyen certes mais, c'est le dépositaire de la confiance de tout un terroir, c'est le représentant d'une communauté – quelle que soit sa taille - il est au service des citoyens. Il a droit à un statut digne de son rang et de sa fonction.
Le processus de décentralisation, au Sénégal, a franchi, ces dernières années, une évolution significative, grâce aux différentes réformes engagées et visant à faire du territoire l'acteur majeur de conception et de mise en œuvre des politiques de développement socio-économique du pays.
Et dans le contexte actuel de lutte contre le Covid-19, les exécutifs locaux au Sénégal, à l'instar de toutes les élites locales du monde, sont en première ligne dans cette bataille engagée contre cet ennemi invisible. Car la proximité aidant, il est plus facile de sensibiliser, de mobiliser et de réaliser le faire-faire.
Plusieurs initiatives de sensibilisation et de mobilisation sont mises en œuvre, dans les contrées les plus reculées du pays, auprès des populations et en fonction des réalités locales, déroulées dans les quartiers et les villages, sans grands rassemblements et avec toutes les précautions préconisées par les autorités sanitaires.
Ainsi donc, des moyens conséquents sont mobilisés, avec une célérité rarement observée dans les procédures d'engagement, de liquidation et de paiement des dépenses, pour faire face à la crise alimentaire, mais aussi pour organiser la résilience au niveau local, avec des actions de soutien aux structures sanitaires et aux comités locaux de lutte contre la pandémie.
Cependant, en dépit de tous ces efforts et nonobstant la kyrielle de possibilités accordées par l'État aux collectivités territoriales depuis l'indépendance, différentes évaluations, tout au long du processus, ont unanimement révélé l'existence de grandes contradictions qui minent la politique de décentralisation au Sénégal.
Après la victoire contre cette pandémie, nous assisterons à une reprise culturelle, sociale, politique et économique…, avec un nouvel ordre. Celui-ci, qui se profile déjà à l'horizon, verra entre autres, immanquablement sous nos tropiques, une redéfinition de concepts tels que solidarité, proximité, décentralisation, territoire, élu local,...
Dès lors, il devient légitime d''engager une sérieuse réflexion sur les jalons à poser, pour aplanir ces écueils de la gouvernance urbaine et/ou territoriale, pour des élus réconciliés, avec eux-mêmes d'abord, avec les services déconcentrés de l'État ensuite, et, avec les organisations de la société civile au niveau local, enfin.
Être élu local au Sénégal, est presque devenu une mission impossible, en raison de la place qu'il occupe dans l'action publique locale et de la fonction même qu'il incarne.
Qu'ils soient maires, adjoints, ou conseillers, ils sont pour la plupart victimes d'un sentiment d'impuissance vis-à-vis des services déconcentrés de l'Etat central (préfet, infirmier, chef de poste, procureur de la République ...) et des organisations de la société civile, (du secteur privé, des mouvements de jeunesse,...)
Dans le nouvel ordre qui se dessine, après cette crise sanitaire, des textes clairs devront donner aux élus des attributions sans ambages et leur assurer, un certain nombre de garanties et de droits pour un statut de l'élu local à la hauteur des défis inhérents à la gestion des affaires sociales, culturelles, domaniales,...locales.
Un statut permettant à ces grands commis au service des collectivités territoriales de bénéficier dès leur installation, des formations nécessaires, susceptibles de les mettre en situation de relever les défis de la représentation, et, de s'acquitter convenablement de leur mission tout en préparant leur insertion professionnelle à l'issue du mandat.
Par ailleurs, désigné pour gérer et administrer les affaires de ses concitoyens, le maire ou le président du conseil départemental doit pouvoir bénéficier d'un régime juridique, dérogatoire au droit commun dans ses rapports avec la justice, pour une nécessaire protection de l'exercice du mandat.
Non ! Le premier magistrat d'une localité au Sénégal, ne devrait plus être embarqué manu militari, pour des faits se rattachant à l'exercice de ses fonctions. Les demandes d'autorisation d'arrestation et les mesures privatives ou restrictives de libertés pourraient être formulées par le Procureur général près la cour d'Appel et transmises au Garde des sceaux, ministre de la Justice. Et celui-ci appréciera le caractère sérieux, loyal et sincère des poursuites civiles ou pénales.
Il ne s'agit pas là de violer le principe sacro-saint de l'égalité des citoyens devant la loi mais d'un souci de protection d'un mandat. Il ne s'agit pas d'un privilège, mais d'un moyen destiné à assurer la liberté nécessaire à l'exercice d'un mandat
Enfin, pour lutter contre la corruption et la concussion dans les Collectivités territoriales, la déclaration de patrimoine devrait être obligatoire, au plus tard un mois après la date de prise de service, pour tous ceux qui ont été désignés pour assurer les charges de chef de l'exécutif local.
Abdallah Atyr Ba est Conseiller Technique AMS
par Philippe Nelson Ndiaye
L'ANNULATION DE LA DETTE PUBLIQUE, VERS UN AUTRE ENDETTEMENT
Le constat est que les nombreux crédits contractés par les Etats n'ont produit aucun effet positif visible à long terme sur le vécu des ménages
L'actualité du moment fortement marquée par la pandémie du covid-19 n'a cessé, depuis janvier 2020, de drainer son lot de polémiques et de théories conspirationnistes.
Dans ce quadrant rocambolesque entre gouvernance, mondialisation, médecine et économie, l'Afrique cherche encore son rythme, beaucoup de gouvernement ont déjà commencé à tirer leur épingle du jeu, d'autres par contre en profite pour avancer leur cartes politiques (faire voter des lois, donner les pleins pouvoirs au président...).
En effet, si certains dirigeants du tiers monde apprennent de la crise pour changer de cap dans la gouvernance, avec des réformes positives, des structures plus durables dans l'appui au développement et l'autonomisation des secteurs industriel et agricole. D'autres par contre s'enfoncent d'avantage dans un cercle vicieux d'endettement, de rééchelonnement de la dette ou tout simplement d'une « annulation de la dette publique » souvent précoce dans des conditions mal négociés.
Au Sénégal, le plan d'ajustement structurel est resté dans les mémoires. En effet, le pays comme d'autres de la sous-région, s'était rapproché du FMI pour un prêt. Le déblocage des fonds de l'institution est cependant toujours subordonné au respect absolu de conditions précises relatives à la gestion économique du pays emprunteur.
En nous arrêtant sur cette première forme de condition, il est clairement visible que la dette ici n'est pas seulement une somme d'argent à rembourser avec ou sans taux d'intérêt sur un délai donné, mais c'est une imposition d'intrusion dans la gestion publique. Vu sur cet angle, si l'économie politique est le socle de la gouvernance, car comme on dit « l'argent est le nerf de la guerre » autrement dit le FMI dicterait sa loi aux gouvernements.
Parmi les nombreuses conditions, il y a la dévaluation immédiate de la monnaie nationale pour stabiliser l'économie, afin de booster les exportations. Cependant, si le pays ne produit pas assez, cela constitue un coût globalement négatif.
Prenons l'exemple de la Chine, en tant que pays producteur à grande échelle, il a la capacité de baisser sa monnaie pour augmenter la valeur de ses exportations et ainsi réduire le coût des importations. Par contre pour le Sénégal qui produit très peu, la charge de ses importations revient plus chère encore pour des exportations presque nulles.
Une autre condition concernait la réduction de façon drastique de la balance des payements, en réduisant les dépenses publiques et en augmentant les impôts afin de dégager les ressources pour payer la dette. La conséquence est la suppression de la gratuité du service public, tel que l'éducation et la santé. Ce qui a mené rapidement à une dégradation des conditions de vie.
D'autres conditions étaient la libéralisation des prix pour favoriser une économie de marché, la réduction des dépenses courantes (baisse des salaires des fonctionnaires et forces de l'ordre, coût élevé de l'électricité... ), la libéralisation du marché du travail (non-respect des conditions légales du travail, augmentation du chômage...), l'élimination des barrières de protection douanière (asphyxie des entreprises nationales), libéraliser les flux de capitaux installation des multinationales, leur accorder des exonérations de taxes (Total, Orange, Auchan...), privatisation du service public, la banque centrale devient indépendante (libre de tout contrôle de l'Etat), etc.
Voilà un ensemble d'éléments qui a ainsi freiné l'élan de développement de la plupart des pays d'Afrique sub-saharienne.
Aujourd'hui, le débat est autours de la nouvelle monnaie africaine l'Eco, pour une nouvelle dévaluation avec 1 euro = 1200 eco, l'économie de nos pays en subirait un coup encore plus énorme et pour une énième fois et pourtant pour éviter cela nos gouvernants n'ont pas facilité les choses.
On croirait presque qu'il manquerait de professeurs d'histoire ou d'économie dans nos différents palais ou que les leaders préfèrent fermer les yeux sur les erreurs passés. Peut-être se disent-ils qu'au moment de payer l'addition et de vivre les conséquences désastreuses de leur choix politiques, ils seront déjà en sécurité avec les leurs, aujourd'hui la pandémie à prouver le contraire.
Bref, le constat est que les nombreux crédits contractés par les Etats n'ont produit aucun effet positif visible à long terme sur le vécu des ménages. C'est le cas d'ailleurs de nombreux ONG et donateurs qui pullulent encore en Afrique, laissant les pays souvent dans des situations pires.
Serait-il ainsi le moment propice de mener une analyse pertinente sur la situation économique, de réfléchir sur les réels enjeux de l'aide international ?
La question était encore en débat lorsque le secrétaire de l'Union Africaine Moussa Faki Mahamat se présentait sur France 24 le 06/04/2020 pour demander un soutien financer, pour faire face au covid-19, à la communauté internationale.
Cette sortie médiatique avait révolté plusieurs activistes panafricanistes, l'avis général voulait que les leaders africains essaient d'abord de trouver des solutions concrètes en interne avant de faire appel à l'aide international.
Il faut rappeler que 5 jours avant (le 01/04/2020), le FMI approuvait un prêt de 221 millions de dollars du président de la République du Sénégal Macky Sall. Ce dernier oubliant ou tout juste minimisant l'histoire encore récente du pays avec le FMI. Allant plus loin, sur France 24 encore au jour du 17/04/2020 il demandait tout bonnement l'annulation de la dette publique pour les « pays pauvres ».
Est-il ainsi possible d'annuler une dette de 365 milliards de dollars pour un emprunteur qui a une industrie presque inexistante, des matières premières et des ressources naturelles encore inexploitées ?
"EN TEMPS DE CRISE, LES CROYANTS SE TOURNENT VERS LEUR RELIGION POUR L'INTERROGER"
Le philosophe Souleymane Bachir Diagne, analyse les leçons politiques du hadith - traditions relatives aux actes et aux paroles de Mahomet - dans la gestion étatique du covid-19 au Sénégal
France Culture |
Emmanuel Laurentin et Manon Prissé |
Publication 23/04/2020
Face à la pandémie de coronavirus, Le Temps du Débat avait prévu une série d’émissions spéciales « Coronavirus : une conversation mondiale » pour réfléchir aux enjeux de cette épidémie, en convoquant les savoirs et les créations des intellectuels, artistes et écrivains du monde entier. Cette série a dû prendre fin malheureusementaprès le premier épisode : « Qu'est-ce-que nous fait l'enfermement ? ».
Nous avons donc décidé de continuer cette conversation mondiale en ligne en vous proposant chaque jour sur le site de France Culture le regard inédit d’un intellectuel étranger sur la crise que nous traversons.
En ce jour de début du ramadan,Souleymane Bachir Diagne,professeur à Columbia et philosophe sénégalais déconstruit les préjugés autour des présumées interférences de l'islam dans la gestion de la crise sanitaire par l’État laïc sénégalais.
Leçons du hadith de la peste ...
Il est naturel qu’en temps de crise, quand il y va de la vie ou de la mort, les croyants se tournent vers le message de leur religion pour l’interroger sur ce qu’il faut penser de ce qui arrive et la manière de faire face à la situation qu’ils vivent.
"C’est ainsi que l’on entend souvent citer aujourd’hui, dans les sociétés musulmanes où sévit le fléau du Covid-19, cette parole du prophète Mahomet : « Si la peste se déclare dans une contrée n’y allez pas, mais si vous vous y trouvez déjà, n’en sortez pas."
Cette tradition prophétique (hadith) contredit le préjugé qui présente l’islam comme une religion fataliste et fanatique, fanatique par fatalisme. Un préjugé répété non pas seulement par la vox populi mais même par un philosophe comme Leibniz qui a cru pouvoir affirmer que l’aveugle croyance des musulmans en l’inéluctable fatalité de ce qui « est déjà écrit » (qu’il a appelée fatum mahometanum) est telle qu’ils sont prêts à se rendre dans un lieu où ils savent pourtant que sévit une épidémie, dans la conviction que ce qui leur arrivera ne dépend que de l’éternel décret de Dieu.
On notera comment la force du préjugé a conduit le philosophe à lire complètement à contresens le propos auquel il fait allusion.
Cette tradition est donc souvent évoquée par les musulmans, en ces temps inouïs où sévit le Covid-19, d’abord dans le but pratique de répondre aux questions urgentes de l’heure : « quoi penser ? » et « que faire ? »
"Comment faire entendre alors aux croyants que « aimez-vous les uns les autres » puisse aujourd’hui signifier « écartez-vous les uns des autres" ?
Au Sénégal, où je me trouvais au moment où les premiers cas déclarés ont fait sonner l’alarme, on a pu ainsi craindre au début une résistance « religieuse » à ces mesures (qui aurait été « islamique » pour l’essentiel, les catholiques ayant vite suivi les décisions venues du Vatican). Renoncer à la prière du Vendredi à la mosquée ? Renoncer aux célébrations programmées par les différentes confréries soufies auxquelles adhère une majorité de musulmans sénégalais et qui drainent vers les capitales religieuses comme Touba ou Tivaouane des centaines de milliers de fidèles ?
Il est heureux que l’État, tout en ayant pris le temps d’expliquer aux guides spirituels du pays le sens de ses actions, ait appliqué les décisions que commandait seule sa responsabilité devant les citoyens : fermeture de l’aéroport, interdiction des rassemblements, religieux et autres, et bientôt état d’urgence avec couvre-feu la nuit pour mieux faire respecter les mesures barrières.
Certes, les décisions ont été dictées par le seul bon sens et la science à l’État laïc sénégalais. Elles n’en sont pas moins une traduction contemporaine du hadith de la peste.
Qui donc enseigne d’abord que mettre Dieu au défi en tentant le diable est la négation de l’attention que l’on doit porter aux autres, à cette humanité que le Coran appelle « les enfants d’Adam » :
"celui qui se rend à un rassemblement religieux, n’a pas seulement décidé que sa foi lui dictait de jouer sa propre santé et celle des disciples avec qui il fait foule, mais aussi celle de ses concitoyens qui n’ont pas la même religion, ou qui n’ont pas de religion du tout : il ne se comporte pas en “gardien de son frère”.
Qui enseigne ensuite que le décret de Dieu ne parle pas contre le bon sens. Que faire fi de celui-ci et de ce que dit la science n’est pas le signe d’une intensité de foi, ni de la remise confiante de soi à Dieu qu’elle demande.
Quand la science aura vaincu le fléau, la leçon du hadith de la peste devra continuer de rappeler que la religion trouve son sens lorsqu’elle est religion de l’humanité, l’identification de la foi en Dieu avec la fraternité humaine. Et continuer ainsi d’éclairer le sens de cette autre parole islamique, inscrite dans le texte coranique même (5 : 32) : « celui qui sauve une vie humaine est comme s’il avait sauvé toute l’humanité. »
"LA CHINE N'EST PAS EN POSITION DE JOUER LES GRANDS SEIGNEURS AVEC LES AFRICAINS"
Qu'est ce qui change dans la relation sino-africaine depuis le début de l'épidémie de coronavirus ? Adama Gaye, auteur de « Le dragon et l'autruche » en 2006, répond aux questions de Christophe Boisbouvier
Un milliardaire chinois distribue de l'aide à l'Afrique tandis que des policiers tabassent des résidents africains dans les rues de Canton... Qu'est ce qui change dans la relation sino-africaine depuis le début de l'épidémie de coronavirus ? Après la sortie de son livre « Le dragon et l'autruche » en 2006, l'essayiste sénégalais Adama Gaye est devenu l'un des spécialistes de cette relation Chine-Afrique. Dernier livre en date : « Otage d'un État », aux éditions L'Harmattan. En ligne du Caire, Adama Gaye répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Est-ce que la pandémie du coronavirus va affaiblir ou renforcer l’influence de la Chine en Afrique ?
Adama Gaye : Les deux perspectives sont possibles. D’un côté, évidemment ce qui s’est passé dernièrement, ce sont les Africains qui ont été vus dans des images violentes et virales être malmenés à Guangzhou [Canton], dans le sud de la Chine, par des Chinois ordinaires qui les ont tabassés et les ont presque présentés comme étant les porteurs de ce virus. Ces images ont été reçues par l’ensemble des populations africaines, et aussi par les dirigeants africains, comme des images insultantes qui portent préjudice à une coopération qui semblait être lisse. Cela étant dit, cette relation est une relation forte, longue, assise sur une coopération financière solide, sur une présence massive des opérateurs chinois. Cela fait que la Chine fera tout pour essayer de rattraper l’image négative qui est sortie de cette bastonnade d’Africains.
Y a-t-il un décalage entre Pékin et la province, entre les élites chinoises et le peuple chinois ?
Bien évidemment. Pour ce qui est de l’élite chinoise, elle a choisi comme le dit le président chinois actuel [Xi Jinping] de faire de ce XXIe siècle celui de la renaissance de la Chine. Donc, cela nécessite un engagement de plusieurs régions du monde, y compris celle du continent africain qui est devenu donc un des grands partenaires de la Chine. Par contre, le Chinois lambda, quand on vit en Chine, semble être déconnecté de cette approche. Il y a un racisme continu à ce niveau-là. Il faut qu’un aggiornamento soit engagé et peut-être que cela pourrait se faire à l’occasion du prochain sommet Chine-Afrique qui devrait avoir lieu, si cette crise sanitaire est surmontée, à Dakar l’an prochain.
Depuis le début de cette pandémie, on voit s’aiguiser cette compétition entre la Chine et l’Occident en Afrique. Sur le terrain de l’aide matérielle d’abord, sur la livraison des masques, du matériel médical, sur l’envoi d’experts, de médecins, qui est gagnant : plutôt la Chine ou plutôt l’Occident en Afrique ?
Si on s’arrête à l’image, a priori la Chine a fait des efforts en déployant par exemple l’une de ses figures de proue du capitalisme chinois qui n’est autre que Jack Ma [le milliardaire chinois], qui a proposé à travers le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, de donner à l‘ensemble des pays africains des masques, une aide financière. C’est le pouvoir de séduction que la Chine essaie de déployer pour essayer de conquérir les cœurs et les esprits. Mais, au-delà de ça, le temps des médecins chinois aux pieds nus, à l’aube de la coopération entre la Chine et l’Afrique au début des années 1960, cette ère est un peu révolue. On peut dire que, dans la coopération, l’Occident a quand même le logiciel de la coopération médicale avec l’Afrique. Ce sont les pays européens en particulier qui ont établi les premiers centres hospitaliers où la recherche fondamentale dans le domaine des maladies infectieuses a pu être menée. C’est le cas de ce qui se passe à Dakar [Centre des maladies infectieuses de l'hôpital Fann, institut Pasteur, etc.] de ce qui s’est passé à Lambaréné [Centre de recherches médicales de Lambaréné (Cermel)-Gabon].Et on pourrait prendre comme exemple emblématique aujourd’hui celui du professeur Raoult [Didier Raoult, fondateur et directeur de l'IHU Méditerranée Infection], qui, à Marseille, a autour de lui beaucoup d’Africains. Il n’y a pas de compétition, il y a complémentarité au plan médical. La Chine n’est pas partie prenante dans l’investissement en matière de santé sur le continent. Par contre, la compétition ne pourra pas être évitée sur le plan économique et sur le plan géopolitique. Là, ça va reprendre de plus belle une fois que la crise du coronavirus aura été surmontée.
Quelque 40% de la dette africaine est due aux Chinois. Sur le terrain économique, qui peut être le gagnant entre la Chine et l’Occident en ces temps de pandémie ?
Le problème qui se pose, c’est que l’endettement souscrit au niveau de la Chine l’a été sur des bases léonines, dans des conditions obscures, parfois qui ont été destructrices de démocratie sur le continent africain. Et engager le débat aujourd’hui sur l’annulation de la dette, c’est absoudre un peu ces dirigeants africains qui ont utilisé la voie chinoise pour eux-mêmes s’enrichir. Cela pose problème, et vous l’avez vu, beaucoup d’Africains sont contre l’annulation [de la dette]. Je fais partie de ceux-là qui pensent qu’il faut créer un compte séquestre et que tout ce qui pourrait être annulé comme dette devrait être mis dans ce compte pour que son utilisation se fasse dans des conditions transparentes. Alors la Chine évidemment voudra faire un effort pour l’annulation des dettes. Elle le fait lors des sommets Chine-Afrique, ou Afrique-Chine si on veut, mais souvent la Chine n’est pas très généreuse en la matière. Lors de la dernière rencontre du G20, elle fait partie de ceux qui ont accepté un moratoire. Mais je ne pense pas que, compte-tenu des difficultés que la Chine rencontre aujourd’hui, avec le tassement de ses réserves extérieures, avec le tassement de sa croissance économique, aujourd’hui la Chine n’est pas en posture de vouloir jouer les grands seigneurs vis-à-vis du continent africain. Surtout le président chinois sait qu’il lui faut répondre aux attentes d’une population de plus en plus exigeante et qui sait qu’il y a un mandat du ciel, selon la tradition confucéenne, qui veut qu’un dirigeant qui ne donne pas de résultats, peut être contesté par l’opinion publique et par le peuple chinois.
"N'EÛT ÉTÉ LE NON DE LA GUINÉE, LE SÉNÉGAL SERAIT UN TERRITOIRE FRANÇAIS"
Plus jeune prisonnier politique du Sénégal sous Senghor, Dialo Diop revient dans cet entretien sur les conditions d'acquisition de l'indépendance du pays
Plus jeune prisonnier politique du Sénégal sous Senghor, Dialo Diop revient dans cet entretien sur les conditions d'acquisition de l'indépendance du Sénégal.
M. Diop, frère de l'activiste sénégalais Oumar Blondin Diop, est aussi l'ancien secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), formation politique fondée par le savant Cheikh Anta Diop,
Il dénonce la Françafrique et déclare que le processus d'indépendance n'est pas encore achevé.
A-t-on donné à l'Afrique une réelle indépendance en 1960?
60 ans après l'accession des pays africains à leur souveraineté, le Dr Dialo Diop est interrogé par Rose-Marie Bouboutou, Maxime Domegni et Alassane Dia.
DES CHERCHEURS SÉNÉGALAIS TRAVAILLENT À UN INDICE DE SÉVÉRITÉ DU COVID-19
Dans ses photographies hebdomadaires, le BPE classe pour l’instant plusieurs pays africains – dont le Sénégal – dans le haut du panier à l’international, alors que certains pays occidentaux comme le Royaume-Uni, les Pays Bas sont en queue de classement
Jeune Afrique |
Manon Laplace |
Publication 23/04/2020
Au Sénégal, le Bureau de prospective économique travaille à l’élaboration d’un indice de sévérité du Covid-19, faisant le pari des statistiques pour tirer les leçons de la gestion mondiale de la crise.
« Tirer les leçons » de la gestion de la pandémie de Covid-19, pays par pays, grâce aux statistiques. C’est l’ambition du Bureau de prospective économique (BPE) du Sénégal, rattaché au Secrétariat général du gouvernement. Depuis le début du mois d’avril, le BPE planche sur l’élaboration d’un “indice de sévérité du COVID-19″ au niveau mondial.
Depuis sa création en 2018, le Bureau a déjà mis sur pieds plusieurs indicateurs, censés mesurer, entre autres, le niveau d’émergence économique d’un pays ou la qualité de vie. Aujourd’hui, il propose un classement hebdomadaire des pays du monde en fonction des résultats atteints dans leur gestion de la crise sanitaire qui secoue le monde entier depuis plusieurs mois. Un exercice statistique qui s’appuie notamment sur les taux d’infection, de décès et de guérisons, afin de déterminer quels sont les pays les plus sévèrement atteints par le Covid-19, puis d’examiner mathématiquement les facteurs de résilience, et comprendre pourquoi certains pays sont plus résilients que d’autres.
Dans ses photographies hebdomadaires de la sévérité du COVID-19 au niveau mondial, le BPE classe pour l’instant plusieurs pays africains – dont le Sénégal – dans le haut du panier à l’international, alors que certains pays occidentaux comme le Royaume-Uni, les Pays Bas et les États Unis sont en queue de classement.
Pour Jeune Afrique, l’ingénieur-statisticien et économiste Moubarack Lô, directeur général du BPE et co-concepteur de l’indice, avec Amaye Sy, revient sur la méthodologie, l’évolution et la fiabilité des résultats, l’indépendance des travaux ou encore les limites d’une analyse purement mathématique d’une crise sanitaire.
Jeune Afrique : Quel est l’objectif de cet indice de résilience des pays face au coronavirus ?
Moubarack Lô : C’est un indice à deux niveaux : d’abord, on mesure la sévérité de l’épidémie dans le pays en fonction des infections, des guérisons et des décès. Ensuite, on étudie les facteurs de résilience.
Un indice permet de synthétiser le flux d’informations et de données concernant l’épidémie en un indicateur unique. Cela permet de classer les performances des pays et de tirer les leçons des succès et des échecs de chacun. Que font les pays qui s’en sortent face à ceux où la crise est moins bien gérée ? Quels facteurs structurels et conjoncturels ont fait la différence ? C’est la première fois depuis la grippe espagnole de 1918 qu’une épidémie atteint le monde entier au cours d’un même trimestre. Il faudra tirer des leçons de tout ça.
Nous avons élaboré un papier de recherche relatif à cet indice et nous l’avons soumis, pour publication, au Policy Center for the New South, basé au Maroc, où je sers comme Senior Fellow.
Sur quels critères basez-vous vos calculs concernant la résilience ?
Nous avons sélectionné une quantité élevée de variables candidates, structurelles ou conjoncturelles, comme la qualité du système de santé, l’âge des populations, la stratégie d’identification des cas, de dépistages… D’autres ont été écartées, comme le total de cas par pays, certains pays ayant commencé à comptabiliser tardivement. Nous ne regardons donc que les nouveaux cas chaque semaine.
Les variables utilisées ne sont pas figées. La méthode est évolutive et en construction, d’ici peu nous devrions être fixés sur les variables les plus significatives. L’utilisation ou non de la chloroquine sera également étudiée, afin de savoir s’il s’agit d’un facteur déterminant.
Classer les pays du monde en fonction de leur gestion de la crise ne suppose-t-il pas que le scénario de propagation du virus soit le même partout ? Ce qui semble ne pas être le cas…
Nous ne maîtrisons pas la propagation du virus. L’idée n’est pas de créer un modèle de prédiction de sa propagation mais de se concentrer sur la gestion des cas confirmés.
Une méthode purement mathématique n’exclut-elle pas un certains nombre de facteurs humains, d’interprétations scientifiques ?
Nous avons une approche scientifique, pas intuitive. Il s’agit de vérifier mathématiquement des intuitions : sur le port du masque, le déconfinement, le dépistage massif, le climat… Qu’est-ce qui marche réellement ?
Au-delà de l’équipe de quatre statisticiens du BPE vous ne collaborez donc pas avec des médecins, des épidémiologistes ?
Si l’indice est purement statistique, la littérature qui découlera de nos travaux elle, sera davantage soumis à interprétation. Nous consulterons des spécialistes, des épidémiologistes, ou encore des sociologues.
Pourtant, vous mentionnez « la culture nationale » dans les critères structurels que vous évoquez dans le calcul de l’indice. Comment un élément comme celui-ci peut-il s’intégrer dans un modèle statistique ?
Effectivement, ce type de variable est difficile à quantifier. La culture nationale implique notamment le degré de discipline et d’acceptation des directives, des éléments qui serviront dans la littérature découlant de nos travaux. Il faut rappeler que l’élaboration de cet indice est toujours en travaux, certaines notions restent à affiner.
Dans vos premiers classements, le Sénégal apparaît dans les premiers rangs. Dans le dernier, publié cette semaine, il est douzième mondial…
Cela nous a surpris. Ce qui semble sauver le Sénégal, c’est son taux de guérisons exceptionnellement élevé. On ne sait pas si un pays fait mieux aujourd’hui. Le pays a très tôt suivi les méthodes du professeur Raoult et je pense que ce n’est pas un hasard. Il ne compte également que six décès sur 442 cas, à la date du 22 avril, c’est très peu.
Vous êtes une agence gouvernementale, comprenez-vous que cela puisse créer une forme de suspicion ?
En tant que statisticiens, nous travaillons sans état d’âme. Nous sommes une agence gouvernementale mais nous avons une ligne éditoriale purement scientifique. Si le gouvernement sénégalais est le premier destinataire de nos enseignements, il s’agira d’un capital savoir utile au monde entier.
Avec le Sénégal, les pays africains qui s’en sortent le mieux, selon votre classement, sont la Mauritanie, le Togo, le Bénin et le Burkina Faso. Des pays occidentaux comme le Royaume-Uni, les États-Unis et les Pays Bas figurent dans le bas du classement. Leur système de santé n’a pourtant rien de comparable, leurs moyens de réponses non plus…
La Mauritanie compte officiellement sept cas, dont un décès et deux guérisons, c’est ce qu’il faut prendre en compte. C’est mathématique. Un pays peut avoir un bon système de santé, et une mauvaise stratégie. En France, il n’y a pas eu de stratégie de détection précoce. Au Sénégal on a un système de santé moins bon, mais la stratégie mise en oeuvre semble permettre d’éviter une situation où il aurait été extrêmement éprouvé. Tout le contraire de la Nouvelle Zélande, où le virus est le moins sévère et qui est donc le premier pays au niveau mondial à la date du 18 avril.
Les pays européens et les États-Unis ont pris des mesures tardivement, ce qui n’est pas le cas de l’Afrique qui a fermé ses frontières alors que les cas étaient encore peu nombreux. Si l’Afrique résiste, les leçons serviront aux pays qui se sont laissés surprendre alors qu’ils avaient bien plus de moyens pour gérer la crise.
Quels sont les premières limites auxquelles est confronté votre modèle statistique ?
Pour l’heure, la collecte de données est l’un des principaux problèmes. Certains pays n’avaient, jusqu’à récemment, pas le matériel pour faire leurs propres tests, comme la Somalie qui envoyait ses prélèvements au Kenya. D’autres sont soupçonnés de manipuler leurs données, comme la Biélorussie ou la Chine. Ce qu’ils récusent.
Justement, comment établir des statistiques fiables sur la bases de données fournies par des États, dont certains manquent de transparence ou biaisent les chiffres ?
Nous nous fions aux données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais ce qui nous intéresse ce n’est pas un pays en particulier mais un enseignement global sur les bonnes pratiques, les bonnes politiques. En plus des conclusions globales, il y aura des zooms régionaux, qui permettront de dégager des facteurs de résilience. Si des pays donnent des informations trop parcellaires, ils seront écartés. 10% de données de pays pas fiables, c’est une marge d’erreur qui ne gênera pas les conclusions globales.
Comment peut-on classer des pays où l’épidémie est apparue avec plusieurs mois d’écart, comme le Sénégal, la Chine ou l’Italie ?
L’indice ne sera vraiment significatif que d’ici fin avril, l’épidémie étant arrivée tard dans certains pays. Mais j’insiste sur le fait qu’il s’agit de photographies hebdomadaires qui évoluent sans arrêt. Il faut se donner du temps pour mesure la sévérité et la résilience.
Il est donc trop tôt pour identifier certains facteurs de résilience ?
D’ici mai, nous aurons un bilan de quatre mois de mondialisation de l’épidémie, aujourd’hui nous n’avons pas assez de données ni de recul pour tirer des conclusions. Mais il semblerait que la détection rapide des cas, induisant une prise en charge médicale rapide joue un rôle.
Nous avons déjà développé un indice de calcul de l’émergence économique, il pourrait s’adapter à la résilience économique liée au coronavirus. Il s’agit cependant d’un indice annuel donc il faudra attendre la fin de l’année pour obtenir des résultats. Un indice sanitaire peut être calculé à la semaine, pour l’économie, il faut plus de temps. Nous réfléchirons néanmoins sur l’élaboration d’indices économiques infra-annuels.
POURQUOI LE SAVON TUE-T-IL LES VIRUS ?
On n’arrête pas de nous dire de bien nous laver les mains, et de le faire souvent, pour barrer la route du virus Sars-CoV-2. Mais comment donc un geste si simple peut-il freiner une pandémie ?
On n’arrête pas de nous dire de bien nous laver les mains, et de le faire souvent, pour barrer la route du virus Sars-CoV-2. Mais comment donc un geste si simple peut-il freiner une pandémie ? Pour le comprendre, il faut faire un peu mieux connaissance avec ce virus.
Il fait partie de ce qu’on appelle les virus enveloppés. Quand ces derniers ont infecté un organisme, ils repartent pour en infecter un autre. En repartant, ils emportent sur eux un morceau d’enveloppe de la cellule dans laquelle ils étaient. Ils sont alors comme dans une petite bulle, qui les protège. Cette «bulle», «c’est du gras, de l’huile, indique Meriadeg Le Gouil, virologue et écologue. Elle rend les virus fragiles parce qu’elle est molle et peut être facilement détruite par du savon.»
Avant d’aller plus loin, faisons connaissance avec le savon. Ses molécules ont une tête qui aime bien l’eau et une queue qui n’aime pas l’eau mais aime le gras. Quand le savon rencontre l’eau, toutes ses molécules se mettent dans le même sens : les têtes qui aiment l’eau d’un côté, les queues qui n’aiment pas l’eau de l’autre.
Maintenant qu’on connaît un peu mieux le virus et le savon, il est temps d’organiser leur rencontre. On l’a vu, la queue des molécules de savon aime le gras. Et le virus est entouré d’une bulle de gras. Alors que se passe-t-il si on les met ensemble ? Les molécules de savon se mettent autour du gras et… aïe, aïe, aïe, attaquée par le savon, la protection du virus se casse en petits morceaux !
Les morceaux de virus se retrouvent alors emportés dans des sortes de petites bulles créées par le savon et qui se déplacent dans l’eau. Quand on se rince les mains, pouf les petites bulles contenant les bouts de virus s’en vont !
Tout ça, ça ne se fait pas en un claquement de doigts. C’est pour ça qu’on nous conseille de nous laver les mains pendant au moins vingt ou trente secondes. «Vos mains sont pleines de vie, entre les doigts, entre la peau et les ongles… Il y a énormément d’espaces où peuvent se cacher les virus, les résidus de poussière, les peaux mortes, du gras… Tout ça, ça peut quelque part protéger le virus et le rendre un peu moins accessible que sur une surface en inox par exemple», affirme Meriadeg Le Gouil. Il faut donc laisser le temps au savon de se débarrasser de tout ce qui traîne sur nos mains pour être sûrs que le virus ne reste pas caché quelque part.
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LES SÉNÉGALAIS ET LES MESURES BARRIÈRES CONTRE COVID
Ma question est la suivante, si jamais une grande partie de notre personnel de santé devait se retrouver en quarantaine, qui prendra soins de nos malades ?
Dans un esprit qui valse, je pense aux citoyens sénégalais et plus encore au personnel de santé, à nos enfants talibés et à cette population démunie. La sécurité du personnel de santé ne cesse de me titiller la tête. Avec certitude j’ai noté 1 hôpital et 2 centres de santé dont une partie de leur personnel s’est retrouvée en quarantaine. Je ne parle pas de probables autres structures de santé citées dans les rumeurs. Ma question est la suivante, si jamais une grande partie de notre personnel de santé devait se retrouver en quarantaine, qui prendra soins de nos malades ?
À noter qu’au-delà des cas positifs au Covid-19 il y a d’autres personnes qui souffrent d’autres pathologies. Pourquoi le personnel doit se contenter de ses précautions habituelles que sont les gants, masques et désinfectants (qui parfois manquaient) ? Nous savons qu’ils ne tiendront pas toute une journée de consultation dans une combinaison mais pourquoi le ministère de la santé et de l’action sociale ne leur fournit pas des surblouses et des lunettes de protection ? Pourquoi il ne réorganise pas l’accueil dans les structures de santé et éviter d’exposer le personnel ?
Et d’ailleurs, je glisse vers les moyens et méthodes qui peuvent permettre d’éviter d’exposer notre personnel. Il nous faut régler le problème des numéros d’urgence. Hélas, des sénégalais se plaignent sans cesse d’absence de réponses ou de réponses inadéquates. Qui a-t-il ? Les centres d’appel sont-ils surchargés ? Si c’est le cas, que le ministère concerné fasse appel à des bénévoles et mette en place le dispositif nécessaire. Je reste convaincue que nous répondrons car déjà au début de la pandémie, des bénévoles s’étaient inscrits sur une liste pour ce genre de besoin. J’ai tellement à dire, que mes concitoyens me pardonnent le ramassage. Qu’ils me permettent de titiller le transport et de finir par les enfants de la rue appelés talibés.
La surcharge des moyens de transport est perceptible aux yeux de tous pendant qu’on parle de la multiplication des cas communautaires. Le sénégalais qui a la chance de garder son emploi à ce jour mais la malchance de ne pas pouvoir être en télétravail peine à avoir un bus, un car et parfois le prix du taxi est insoutenable. Et si les entreprises qui font dans la location de bus, cars, etc. mettaient à la disposition de l’Etat et du peuple leurs biens, une forme d’aide et le premier se chargera du carburant et de la désinfection régulière. Et parlant de ces entreprises qui travaillent toujours, certaines comptent des cas ou un employé en quarantaine mais les responsables choisissent de faire travailler son personnel sans précautions supplémentaire et d’ailleurs la seule qui vaille et de mettre en sécurité chacun le temps au moins de désinfecter et tester les cas contacts.
À défaut de tout cela, l’État devrait oser le confinement généralisé et nourrir son peuple démuni. Ledit peuple qu’il a l’obligation d’accompagner même en l’absence de confinement. Nos enfants, nos jeunes frères et sœurs… , je conclus ce texte avec eux. Des amis et moi avons enchainé quelques semaines à faire des daaras, à essayer de les confiner en apportant de quoi les nourrir et les rendre propres mais que fut douloureuse cette expérience. Nous pouvons peut être fiers de nous mais j’ai ce besoin de le dire, ces enfants sont loin d’être en sécurité. Entre l’étroitesse de leur daara, parfois l’insalubrité, parfois le manque d’eau et d’électricité, parfois l’inconscience des adultes qui les entourent, etc. je tire la sonnette d’alarme et exige que l’Etat prenne soin de ces innocents, qu’il leur assure à manger et à boire mais également la bonne santé et d’ailleurs d’en profiter pour régler le problème de la mendicité une bonne fois.
Citoyennement vôtre
Yaye Fatou Sarr
Par Demba Anta DIONE
NON AU CONFINEMENT DE LA POPULATION GENERALE !
Pour se faire comprendre, nous ne pouvons pas ne pas nous attarder un peu sur ce que nous entendons par une approche santé publique.
Pour se faire comprendre, nous ne pouvons pas ne pas nous attarder un peu sur ce que nous entendons par une approche santé publique.
En effet, cette dernière veut que tout problème de santé soit défini par des indicateurs de mesures en terme de Morbidité (nombre de cas) de mortalité (nombre de décès) ou d’invalidités. C’est une fois défini comme épidémie en fonction de son ampleur et de sa gravité que le problème de santé doit être analysé à travers ses déterminants que sont ses causes et/ou ses facteurs favorisants. On pourrait alors se demander qu’est ce qui est lié à notre environnement qui peut faire apparaître ou exploser ce phénomène ?
Quelles sont nos habitudes et coutumes ? De quels moyens disposons nous ? Comment est structuré et fonctionne notre système de santé ? Est ce qu’il pourra faire face ? Analysons ce phénomène avec beaucoup d’humilité et ne cédons pas à la panique !
In fine, après cette compréhension du problème qui est aujourd’hui le Covid-19, nous pourrons parler des stratégies et interventions nécessaires pour l’endiguer. Ces interventions pouvant être de plusieurs ordres dans le cadre d’une approche inclusive et participative et pas seulement un apanage d’Experts, de Chercheurs ou de Médecins !
Alors prenons les chiffres et analysons les ! Quand une maladie touche 80% de la population pour en tuer 0,1% parmi les plus de 75 ans qui représentent moins de 10% de cette population, combien en a telle tué ??? Alors qui doit-on protéger ? Qui est vulnérable ? C’est cette précieuse population âgée qui nous a tous mis au monde et éduqués qu’on doit sauver ! Mais jamais nous confiner dans certaines conditions qui ressemblent à : « aller tous vous enfermer avec eux et contaminez les ! »
Le confinement va venir augmenter la population vulnérable en y rajoutant des personnes qui avait déjà une maladie soit connue ou ignorée la plupart du temps quand on vit en Afrique. Le confinement va faire des malnutris avec comme corolaire, une baise de leur système immunitaire ; il fera plus de diabétiques déséquilibrés car les populations vont peut être manger très mal, insuffisamment ou trop et bonjour l’obésité ; le confinement va augmenter le stress de tous ces gens qui n’en ont pas d’habitude, alors bonjour les hypertensions de stress ou de sédentarité !
Additionnez juste 1% de chacun de ces phénomènes et vous conviendrez avec moi que vous avez largement dépassé le seul cas communautaire, mal défini et très mal communiqué dans la représentation sociale des sénégalais, que vous voulez traquer !
Regardez bien l’évolution des statistiques en Europe dans les pays les plus touchés, le Covid19 tue à travers ces comorbidités. Quand on a un peuple de croyants à 99% le message le plus perçu demande un canal adapté ! Un de nos maitres feu le professeur I. WONE (paix à son âme) nous disait, pour faire passer le message de lavage des mains lors d’une épidémie de cholera, il avait demandé aux communautés du Fouta de se laver les mains à la manière du prophète ! Alors le résultat ne pouvait être que positif !
Quand on se glorifie du nombre de cas bien traités dans nos maigres hôpitaux pour parler de l’exception sénégalaise alors que nous n’avons même pas testé 0,0001% de la population, cela veut bien dire que nous n’avons vraiment pas bien géré la prévention en amont ! Comment peut on être une exception Sénégalaise avec 377 dont 5 décès (1,3%) ? Au même moment, la Guinée a 662 cas dont 5 décès (0,8%); le Rwanda 147 cas et 0 décès ; Madagascar, 140 et 0 décès, Djibouti 846 cas et 2 décès (0,2%) et j’en passe.
Revenons sur terre, l’Europe n’est pas l’Afrique et le Sénégal n’est pas la France, nous avons ni le même système de santé ni les mêmes moyens pour avoir la même approche ! Notre population n’est pas la même et nous n’avons pas le même écosystème !
Quand l’Island a décidé de tester massivement sa population, plus de 10% ce sont soumis à ce test et les autorités ont multiplié les tests aléatoires qui leur ont permis de constater que 50% des gens déclarés positifs sont asymptomatiques ; pendant que la France qui confine toute une population durant plus de 6 semaines ne serait qu’à 5,7% de couverture en test d’ici le 11 Mai ! Et pendant ce temps regardez l’hécatombe chez eux !
Et pourtant la France n’a pas de stratégies figées, elle se réadapte en fonction de la dynamique de l’épidémie dont la compréhension est favorisée par l’analyse des données. Au moment où elle allège son confinement, on demande de corser les mesures chez nous.
Une prise de décision en situation d’épidémie doit toujours être orientée par les données sanitaires fiables et une compréhension des déterminants de la maladie. Il est temps de se réadapter et aller vers une communication positive qui malheureusement est infestée par des scandales de denrées alimentaires dont on n’avait pas besoins si les gens continuaient à gagner quotidiennement leur pain.
Les gens croient à la présence de la maladie chez eux, mais malheureusement c’est cette communication, information par le bon exemple qui fait défaut. De la manière avec laquelle ont vend l’image d’un colonel de l’armée dans la lutte, l’expertise de ces vaillants professeurs de maladies infectieuses, réanimateurs et urgentistes, on devait vraiment cacher la face de certains hommes politique car l’heure n’est pas à cela. Ceux qui gèrent la paix sont très différents de ceux qui vont à la guerre !
Laissons les gens travailler en appliquant les mesures barrières recommandées, et protégeons les personnes vulnérables. Ce combat contre l’ennemie invisible demande tact délicatesse et humilité, nul ne peux être un héros dans cette guerre ! in fine ce sont les valeureux peuples disciplinés qui gagnent.