Changement « cosmétique ». « Mort déguisée ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’acte de décès de la monnaie commune aux huit pays de l’UEMOA — ceux d’Afrique centrale et les Comores ne sont pas concernés pour le moment — n’a pas convaincu grand-monde quant à la disparition effective de cette monnaie « coloniale ». Toutefois, force est de reconnaître que les prétendus spécialistes en économie ont été plus dans la réaction, voire la critique, émotionnelle que dans l’analyse scientifique d’une décision — l’avènement de l’ECO — qui fait disparaître près de 75 ans de servitude monétaire imposée par la France à l’Afrique de l’Ouest. A ce niveau, il y a à magnifier la décision historique annoncée ce samedi 21 décembre à Abidjan par les présidents français et ivoirien, Emmanuel Macron et Alassane Dramane Ouattara. Un vrai coup gagnant pour la CEDEAO.
Le Franc CFA est mort, vive l’Eco ! Le symbole est fort car, jusqu’ici, il n’était guère pensable, ni envisageable une seule minute, que le « Franc des colonies françaises d’Afrique » FCFA mis en place depuis 1945 par le colonisateur français pour exploiter les ressources des pays de l’Afrique de l’Ouest sous sa tutelle, puisse disparaître de la circulation. Ou même mieux, mourir.
Malgré le changement d’intitulé dans les années 1960 avec le terme « Franc de la Communauté financière africaine » remplaçant celui des colonies françaises d’Afrique, les huit pays de l’Uemoa (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) continuaient de confier leur politique monétaire à l’ancienne puissance coloniale puisqu’ils plaçaient la moitié de leurs réserves de change dans un compte spécial du Trésor français. Des montants astronomiques puisque rien que pour la zone Uemoa, ces réserves étaient estimées à plus de 5000 millions dollars. Une obligation (de déposer ces réserves en France) jugée honteuse voire humiliante par de nombreux Africains. Et dénoncée avec véhémence par les détracteurs du CFA ainsi que par l’ancien président de la République du Sénégal, Me Abdoulaye Wade qui avait demandé le rapatriement de ces fonds pour financer les activités de développement de la zone Uemoa. Il n’a jamais obtenu gain de cause. L’autre tare dénoncée vigoureusement par les anti-Cfa fut la présence de représentants de la France dans les organes de gestion des instances de gouvernance de l’Union monétaire ouest-africaine.
A Abidjan, ce samedi 21 décembre, avec la mort décrétée du franc CFA, l’Afrique de l’Ouest francophone a désormais en mains son propre destin économique et monétaire. Outre le changement symbolique de nom avec l’avènement de l’Eco, la disparition du CFA symbole fort de la perpétuation du système néocolonial dans nos Etats, la fin du dépôt obligatoire des réserves de change en France et le retrait de ce dernier pays des instances de gouvernance de l’UMOA doivent être salués fortement. « L’ECO n’est que le CFA. Il n’y a rien d’autre » précise d’emblée le Dr Cheikh Ahmadou Bamba Diagne, directeur scientifique du Laboratoire de recherches économique et monétaire de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Toutefois, le chercheur estime que ce changement historique est une très bonne chose. « Depuis hier (Ndlr dimanche), j’ai entendu des soi-disant spécialistes économiques dire beaucoup d’inepties. J’ai beaucoup ri sous cape parce que ces gens n’ont rien compris.
Toutes les banques centrales du monde cherchent ce que nous avons au sein de l’Uemoa. A savoir une maitrise de l’inflation et la croissance économique. Or nous avons tout cela » souligne notre interlocuteur. Le Dr en économie prend en compte deux paramètres pour apprécier la nouvelle situation. Le premier aspect selon lui, lorsqu’on change de monnaie en allant du CFA à l’ECO, c’est de faire table rase de tout ce qui existait auparavant avec les inconvénients et les avantages. Si on procédait de la sorte, indique-t-il, il y aurait plus d’inconvénients que d’avantages.
Le second aspect, c’est de bénéficier de l’existant pour bâtir nos propres paradigmes. « La bonne démarche, c’était de travailler sur l’existant. La zone Cedeao, c’est 15 pays dont les 8 de l’Uemoa ont une seule monnaie. Ce qu’on demande à une banque centrale, c’est de maîtriser l’inflation et d’avoir la croissance économique. Nous avons cela au sein de l’Uemoa. C’est d’ailleurs ce que cherchent le Nigéria, qui connaît une inflation de 23 %, et le Ghana. Alors pourquoi ne pas commencer avec la zone CFA ? Donc, il n’est pas besoin de faire table rase puisqu’il y a un existant incarné par les pays de l’Uemoa. C’est la meilleure démarche ».
Le Dr Idrissa Yaya Diandy, enseignant à la Faculté des Sciences d’économie et de gestion (FASEG) de l’Université de Dakar partage les mêmes vues que le Dr Diagne. « Dire que rien n’a changé, c’est trop dire » estime-t-il. Selon lui, il y a fondamentalement une chance pour la création d’une monnaie unique de la Cedeao avec ce qui s’est passé ce samedi à Abidjan. « Depuis près de 75 ans, le système FCFA n’a pas évolué. L’accord obtenu par le président Ouattara ce samedi à Abidjan, c’est une bonne chose puisque c’est une évolution importante. La fin du dépôt des réserves de change en France, le retrait de la France des instances de gouvernance de l’Umoa sont synonymes en partie de la fin de l’ingérence de l’ancienne puissance colonisatrice sur la zone. Même s’il reste encore à apprécier les tenants et les aboutissants de l’accord d’Abidjan, je commence à croire à la possibilité de la création d’une monnaie unique pour la Cedeao » confie le Dr Diandy.
« L’ECO est une réponse politique à une exigence citoyenne. Il raisonne comme une réconciliation entre les gouvernants et les différentes sociétés civiles des activistes et des économistes engagés. Par conséquent, nous devons regarder les choses avec beaucoup plus d’optimisme et d’esprit de contribution. Nous devons faire confiance à nos brillants frères banquiers centraux et hauts fonctionnaires des ministères des Finances pour réaliser dans les meilleures conditions cette réforme. On ne les entend pas souvent, heureusement, ces banquiers centraux et ces hauts fonctionnaires mais ils nous écoutent en permanence et entendent les ÉCHOS de nos tiraillements sur le CFA » souligne pour sa part l’économiste Ousmane Biram Sané sur sa page Facebook ;
La France, garante de l’ECO, une bonne chose
La France continuera de conserver son rôle de garant financier pour les huit pays de l’Uemoa. « Si la Bceao fait face à un manque de disponibilités pour couvrir ses engagements en devises, elle pourra se procurer les euros nécessaires auprès de la France. Cette garantie prendra la forme d’une ligne de crédit » a expliqué Emmanuel Macron samedi dans la capitale économique ivoirienne. « Avec le maintien de cette garantie, en attendant l’ECO, nous voulons éviter la spéculation et la fuite des capitaux » a justifié Alassane Ouattara. Qui a reçu une volée de critiques de la part des détracteurs du CFA. Parce qu’une telle garantie, estiment ces derniers, serait une continuité de l’asservissement de la zone à la France. Des critiques « infondées » selon le Dr Cheikh Ahmadou Bamba Diagne. Le directeur scientifique du Laboratoire de recherches économiques et monétaires de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar pense qu’une telle précaution permet de continuer à garantir la stabilité monétaire et économique de la sous-région. « Si on perd cette stabilité, la zone va se retrouver avec une monnaie flottante et des taux d’inflation en hausse. Regardez le cas du Nigéria qui est à un taux d’inflation de 23 % ! Toute banque centrale recherche cette stabilité » insiste le Dr Diagne. « C’est un bon compromis, cette garantie de la France puisque nous n’avons jamais eu une monnaie flottante. La réflexion devra être menée sur l’instauration d’un système flexible ou semi-flexible adossé à un panier de devises comme le dollar, le yen, l’euro pour exposer le moins possible nos économies aux fluctuations du marché » ajoute le Dr Idrissa Yaya Diandy de la FASEG de Dakar.
Vers une monnaie unique de la CEDEAO
Désormais, la Cedeao a tous les atouts en mains pour mettre en place une monnaie unique commune aux 15 pays de la zone. « Nos dirigeants ont désormais une certaine liberté pour la création d’une monnaie unique s’ils ont le courage politique de continuer de réformer la politique économique en cours » selon l’enseignant à la FASEG. Le Dr Cheikh Ahmadou Bamba Diagne trace la voie. « Avec l’existant incarné par l’UEMOA, la plateforme pourrait désormais être ouverte aux 7 autres pays de la CEDEAO. Le seul problème se situe au niveau du Nigéria qui applique la planche à billets. A chaque fois que ce géant de l’Afrique de l’Ouest a besoin d’argent, il produit une quantité d’argent qui n’a rien à voir avec le dynamisme de son économie. Cette situation a engendré un taux d’inflation de 23 % dans ce pays. Maintenant, on pourrait mettre en place une stratégie de convergence, la tutelle française ayant disparu, pour que d’année en année chacun des 7 autres pays puisse rejoindre l’ECO » indique le Dr Diagne. A l’en croire, les anti-Cfa font un mauvais procès à Alassane Ouattara. « Si le président ivoirien a été mandaté pour parler au nom de ses pairs, c’est parce que ces derniers savent qu’il est un homme du sérail. Le président Ouattara peut bien parler au nom des 80 millions d’habitants de la CEDEAO puisqu’il a intégré la Bceao en 1967 avant d’en devenir le gouverneur en 1994. C’est lui qui a piloté la dévaluation du CFA en 1994, puis lancé toutes les réformes politiques. Il a commencé à travailler à la Bceao quand Macky Sall avait trois ans. Par conséquent, c’est lui faire un mauvais procès par rapport à la conduite d’un dossier qui lance un processus que de le critiquer de la sorte. Laissons ce processus se dérouler puisque, même s’agissant des réserves de la zone placées à la Banque de France, il y a eu beaucoup de mensonges et de contre-vérités de la part des détracteurs du CFA. Parce que même si ces devises sont rapatriées, elles ne serviront pas à grand-chose puisque leur rôle se limite à garantir nos exportations. Elles ne peuvent être utilisées sur place, sinon être placées dans d’autres banques centrales du monde » conclut le Dr Diagne.
«MON COMBAT POUR LA CRIMINALISATION DU VIOL …»
Députée à l’Assemblée nationale, membre du groupe parlementaire Benno Bokk Yakar, agricultrice de renom à Kolda, Coumba Baldé, rencontrée dans son terroir, le Fouladou, s’est prêtée aux questions du Témoin.
Députée à l’Assemblée nationale, membre du groupe parlementaire Benno Bokk Yakar, agricultrice de renom à Kolda, Coumba Baldé, rencontrée dans son terroir, le Fouladou, s’est prêtée aux questions du Témoin. Les violences faites aux femmes, la question des enfants de la rue, la construction de l’université de Kolda, le lycée technique et la réhabilitation de la boucle du Fouladou ont constitué les points essentiels de sa plaidoirie dans cet entretien.
Témoin : Mme la députée. Le marathon budgétaire 2020 vient de s’achever avec son lot de cacophonie et de guéguerre notée surtout entre les députés de la mouvance présidentielle. Cela ne confirme-t-il pas la thèse avancée par plus d’un et selon laquelle, cette 13eme législature est la plus médiocre de l’histoire politique du Sénégal ?
Coumba Baldé - Attendez ! Il ne faut pas juger le travail de toute une Assemblée par rapport aux querelles que se livrent deux ou trois parlementaires au sein de l’hémicycle. Bien que ces querelles soient déplorables, il faut quand même reconnaitre que des esclandres entre députés ne sont pas nouveaux dans l’histoire politique du Sénégal. Et puis, quelques fois même cela peut se comprendre par ce que nous sommes en démocratie. Le groupe parlementaire Benno Bok Yakkar auquel j’appartiens a fait un excellent travail. D’ailleurs, j’en profite pour féliciter son président, Aymérou Gningue, qui n’a ménagé aucun effort pour nous faciliter notre rôle de législateurs et de contrôleurs de l’exécutif. C’est pourquoi, les Sénégalais qui ont suivi tout le marathon budgétaire savent qu’il y a eu beaucoup de députés qui ont joué pleinement leur rôle avec des interventions qui cadrent avec les préoccupations des populations qu’ils représentent.
Justement, par rapport à ces préoccupations, actuellement la situation économique du pays est décriée partout avec des marches de protestation contre la hausse du prix de l’électricité. Ici, dans le monde rural, vous êtes témoins des affres de la précarité, non ?
Pas comme vous le prétendez quand même. Depuis l’arrivée du président Macky Sall au pouvoir, le gouvernement a consenti beaucoup d’efforts pour sortir le monde rural de la pauvreté. Plusieurs projets et programmes ont été lancés en ce sens. Les bourses de sécurité familiales et le PUMA constituent des exemples illustratifs de ces politiques qui visent essentiellement l’amélioration des conditions de vie dans les zones reculées du pays. Actuellement, il y a la seconde phase du Plan Sénégal émergent qui a été lancée par le chef de l’Etat. Et au niveau de Kolda, dans le cadre du PUDC, beaucoup de projets d’électrification et d’aménagement de pistes de production sont prévus. D’ailleurs, les études ont déjà démarré. Il ne reste que la finalisation pour débuter les travaux. Donc, il faut admettre que les populations de ce terroir ne sont pas oubliées par le Président Macky Sall.
Pourtant l’exode rural, l’émigration clandestine et le manque d’infrastructures de qualité continuent de plomber le Fouladou qui est réputé être une région riche en ressources naturelles. S’agit-il d’un échec des politiques publiques ou celui des représentants de cette zone au niveau des instances de prise de décisions ?
C’est vrai qu’il reste des choses à faire. En tant que porte-parole des populations de cette région, j’ai fait état de cette situation à l’hémicycle. L’année passée, j’avais constaté qu’un budget avait été alloué pour la construction du lycée technique de Kolda. Or, jusqu’à présent, cet établissement tarde à être effectif. Des élèves y sont orientés alors que les filières ne sont pas exhaustives. En ce qui concerne également l’extension de l’université Assane Seck de Ziguinchor à Kolda, les infrastructures n’ont toujours pas vu le jour alors qu’une telle réalisation va constituer un grand soulagement pour les nouveaux bacheliers de la région. Par ailleurs, des lenteurs sont aussi notées dans la construction, depuis 2016, du pont de Ilel situé dans la zone de Sikilo. Il y’a également la réhabilitation de ce qu’on appelle la boucle du Fouladou. A savoir la route qui relie Kolda et des commune comme Pata, Medina Yoro foula, Dabo et Fafacourou. En outre, la route de Salikegné qui traverse trois communes jusqu’à la frontière avec la Guinée Bissau doit être construite pour faciliter la mobilité dans cette zone. Toutes ces doléances de ma communauté, je les ai soumises à l’Assemblée nationale afin que des mesures idoines soient prises par l’Etat en ce sens.
Toujours à l’Assemblée, face au ministre de la Famille, du Genre et de la Protection de l’enfance, vous avez plaidé pour le retrait immédiat des enfants de la rue. Des enfants qui, selon vous, proviennent en majorité de la région de Kolda dont vous êtes issue. N’est-ce pas là un cri de cœur chronique ?
Effectivement ! La situation des enfants de la rue est devenue très inquiétante au Sénégal. Mais nous, de la région de Kolda, je pense que nous sommes plus concernés par ce fléau. Lors du dernier jour de vote des projets de budget, j’ai interpellé le ministre en charge de la protection de l’enfance sur la question. Car, l’un des constats que j’ai faits sur ce phénomène est le fait qu’à Dakar tous les enfants qui circulent dans les rues pour la mendicité, sont originaires de ma région. D’ailleurs, il suffit juste de s’adresser à eux pour se rendre compte qu’ils parlent le pulaar de Kolda et ses environs. La plupart de ces enfants proviennent aussi de la Guinée Bissau, dans la zone frontalière de Kolda. Cependant, le ministre m’a rassuré sur le projet de retrait des enfants de la rue qui bientôt sera relancé. L’autre problématique qui est une préoccupation majeure de la gent féminine et particulièrement du réseau des femmes parlementaires, ce sont les violences faites aux femmes. Aujourd’hui, Al hamdoulillah ! Le projet de loi portant criminalisation du viol est annoncé à l’Assemblée nationale. Moi, en ce qui me concerne, née dans une région où cette barbarie est banalisée, mon combat pour la criminalisation du viol est date de longtemps. C’est de nos jours que les gens jugent la situation intolérable car les cas de viol sont devenus monnaie courante et défraient la chronique mais en réalité la pratique est ancienne
Selon vous, pourquoi dès l’annonce de ce projet de loi, une controverse s’est-elle installée à propos du texte et de son fond ?
Vous savez, très tôt, moi j’ai compris que pour mettre fin à ces actes qui portent atteinte à la dignité de la femme, il fallait que je travaille avec les associations féminines de ma localité pour une large sensibilisation. Ceci permet aux populations une meilleure compréhension des problèmes et conséquences qui résultent du viol. Donc, j’estime que c’est juste une question de compréhension des enjeux. C’est pourquoi, en tant que parlementaire, je suis disposée à accompagner les autorités en charge de la question pour mieux sensibiliser les acteurs concernés. Mais au delà de ca, il y a d’autres fléaux comme l’excision et les mariages précoces qui sévissent dans le monde rural. Les femmes en souffrent également dans cette région.
En tant qu’agricultrice, quelle note accordez-vous à la politique du président Macky Sall dans ce secteur ?
L’agriculture est au cœur de la politique du chef de l’Etat Macky Sall. Sa volonté est de moderniser ce secteur considéré depuis longtemps comme étant l’apanage des pauvres. Sur ce, beaucoup d’investissements ont été faits dans ce secteur à travers le PSE. Une des mesures phares prises par le chef de l’Etat a été la subvention du prix des tracteurs au profit des agriculteurs. Le prix de la machine s’élevait à 30 millions de FCFA. Actuellement, l’Etat subventionne les 2/3 de cette somme, en plus des intrants agricoles. Et puis, en ce qui concerne le volet financement, les prêts sont accordés pour une durée de quatre ans. Donc il faut saluer les avancées notées dans le domaine de l’agriculture depuis l’arrivée du président Macky Sall au pouvoir.
SORO, LE FUGITIF
Le visage de l’ancien chef rebelle et candidat déclaré à la présidentielle ivoirienne 2020 est à la Une de tous les journaux de son pays. Et rien que le choix des titres indique la passion qui entoure cette personnalité
Le visage de l’ancien chef rebelle et candidat déclaré à la présidentielle ivoirienne 2020 est à la Une de tous les journaux de son pays. Et rien que le choix des titres indique la passion qui entoure cette personnalité. Certains sont strictement factuels. « Un mandat d’arrêt contre Soro » : c’est le choix du Quotidien d’Abidjan ou du journal Le Miroir. L’Intelligent d’Abidjan fait le récit le plus précis possible de son arrivée manquée dans la capitale économique, son avion dérouté vers Accra. Le Matin nous dit qu’il est en fuite vers l’Espagne, qu’Interpol est « à ses trousses ».
Mais il y a aussi des titres qui font davantage figure de commentaires. Le journal Le Rassemblement semble satisfait des derniers événements : « Soro a cherché, Soro a trouvé, enfin ! » Le Temps annonce : « Le président Gbagbo avait prévenu Soro ».
D’autres paraissent beaucoup moins enthousiastes, comme le Nouveau Courrier : « Le régime déclare la guerre à Soro ». « La machination ! », titre Générations Nouvelles. « La guerre des ex-alliés s’intensifie », ajoute Notre Voie.
Crainte pour la paix
Quoi qu’il en soit, le retour au pays de Guillaume Soro est manqué. C’est tout le sens de l’éditorial de l’Observateur Paalga. « Ce devait être le retour triomphal de l’enfant prodige, écrit le quotidien burkinabè. Cela s’est transformé en véritable désillusion. Drôle d’akwaba(bienvenue en baoulé) pour celui qui était, il n’y a pas longtemps, la 2e personnalité de l’État ivoirien.L’ancien patron des Forces nouvelles a passé presque un semestre à l’extérieur, tissant sa toile internationale, échappant de peu à Barcelone en Espagne à une arrestation dans son hôtel ; opération, selon lui, téléguidée depuis Abidjan, avant de déclarer sa candidature, même si c’était devenu un secret de Polichinelle. »
«Le divorce était déjà consommé entre Soro et son mentor ADO, poursuit le journal burkinabè. Avec ce dernier rebondissement, la guerre est maintenant déclarée, et elle sera impitoyable. N’ayant plus rien à perdre politiquement, il faut craindre qu’il ne joue le tout pour le tout pour sa survie politique, sociale et même physique. Malheureusement, quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit le plus. Il faut donc craindre que la paix ne soit menacée. »
Alliés d’hier, ennemis d’aujourd’hui
La descente aux enfers commence pour Guillaume Soro, estime pour sa part Le Pays. Mais « pour qui connaît sa pugnacité et sa ténacité, il y a lieu de craindre pour la Côte d’Ivoire, tant ce jeune loup aux dents longues est capable de tout. Soro, faut-il le reconnaître, compte de nombreux soutiens qui sont loin d’être des enfants de chœur. En tout cas, à l’allure où vont les choses, la Côte d’Ivoire n’est pas à l’abri d’une nouvelle rébellion. Cela dit, s’il y a quelqu’un qui, actuellement, peut boire son petit lait en voyant ADO et Soro dressés l’un contre l’autre, c’est bien Laurent Gbagbo contre qui les deux hommes s’étaient coalisés pendant la crise post-électorale de 2010-2011. Comme quoi, en politique, les alliés d’hier peuvent subitement devenir les ennemis d’aujourd’hui et vice versa. »
«NOTRE MISSION EN GAMBIE A ETE RICHE EN ENSEIGNEMENTS…»
Exclusif général d’Armée Cheikh Gueye, Chef d’Etat-major général des armées (Cemga) fait ses adieux
Après plus de quarante ans de bons et bons loyaux services, le Chef d’etat major général des armées (Cemga), le général d’armée Cheikh Guèye fait ses adieux ! promu dans la deuxième section, le général Cheikh Guèye part avec la fierté d’avoir été au service de son pays. avec loyauté, compétence et abnégation. après avoir rendu grâce à Dieu, il exprime sa très profonde gratitude au président de la république, Chef suprême des armées, pour la confiance qu’il avait placée en lui, en lui confiant les destinées des armées pendant trois ans. a la veille de son départ, le général Cheikh Guèye a choisi « le témoin » quotidien pour tirer une partie de son bilan élogieux et fermer le ban de sa brillante carrière. exclusif !
Le Témoin : Mon général, après près de 40 ans de bons et loyaux services rendus à l’Armée et à la nation sénégalaise, quel sentiment vous habite à la veille de passer dans la deuxième section?
Général Cheikh Guéye : Je ressens à la fois un sentiment de tristesse, de fierté et d’espoir. L’Armée est notre seconde famille, si ce n’est la première. Quand on y sert sans interruption pendant près de quarante ans avec des amis, des frères d’armes, on se sent triste au moment de quitter. Je pars, également, avec un sentiment de fierté d’avoir été au service de mon pays. C’est le lieu, ici, de rendre grâce à DIEU, de remercier mes parents, mon épouse et mes enfants. J’exprime également ma très profonde gratitude au Chef de l’Etat, Chef suprême des armées, pour la confiance qu’il a placée en moi en me nommant à la tête du commandement de nos armées pendant ces trois dernières années. Je suis également reconnaissant à mes collaborateurs, au premier rang desquels le Sous-chef d’état-major général des Armées, pour leur fidélité et leur engagement à mes côtés. Au moment de rejoindre la deuxième section, j’ai également une pensée pieuse envers nos frères d’armes arrachés à notre affection. Je réitère ma profonde compassion à leurs parents et à leurs proches.
En tant que Cemga sortant, quel bilan tirez-vous de votre commandement placé sous le signe de la défense, de la sécurité sous régionale, de la protection individuelle des soldats en opération et surtout du social?
Il convient de rappeler que le Chef de l’Etat est le Chef suprême des Armées. A ce titre, il définit la politique de défense de la Nation et fixe ses orientations sur la base desquelles nous définissons les nôtres en direction de nos grands subordonnés. Les Armées sont en première ligne dans l’exécution de la mission régalienne du Président de la république qui, en vertu de notre charte fondamentale, est chargé du respect des engagements internationaux du Sénégal et la défense de l’intégrité du territoire national, en particulier dans le Sud du pays en proie à un mouvement irrédentiste depuis bientôt quarante ans. Dans ce cadre, les Armées s’attèlent en permanence à l’exécution du mandat qu’elles ont reçu et qui consiste en partie à disposer d’une force de manœuvre capable d’intervenir simultanément dans deux directions différentes dans un conflit de moyenne intensité et de participer au maintien de la paix et la sécurité sous régionale dans le cadre bilatéral de la Cedeao, de l’Union Africaine ou internationale dans le cadre des Nations unies. Pour ce faire, il nous a fallu une gestion rigoureuse et rationnelle de la ressource. Fondamentalement, nous avons pu établir et maitriser un cycle basé essentiellement sur le triptyque engagement intérieur, engagement extérieur, préparation opérationnelle et remise en condition. Ce cycle nous a permis de mieux préserver notre potentiel et une meilleure mise en condition opérationnelle de nos unités ;
« L’Armée sénégalaise poursuit sa montée en puissance à la hauteur des enjeux du moment… »
S’agissant de notre engagement intérieur, il tourne essentiellement autour de la sécurisation des régions méridionales et orientales, mais aussi de la conduite d’actions de présence sous forme de nomadisations sur l’ensemble du territoire national. Quant aux opérations extérieures, elles rentrent dans le cadre de notre contribution aux opérations de paix partout où celle-ci est menacée au sein des organisations dédiées. C’est ainsi que sur le plan de la sécurité sous régionale, nous participons aux opérations de soutien à la paix au Mali, en Gambie, en République de Guinée Bissau et, ailleurs en Afrique, nous disposons d’un contingent en République centrafricaine axé principalement sur une composante hélicoptères de combat. Enfin, la préparation opérationnelle occupe une place prépondérante dans la mesure où elle conditionne le succès dans les opérations et constitue un baromètre pour apprécier le professionnalisme d’une armée. Cette phase est également mise à profit pour les différents stages et une remise en condition de nos unités. Sur un autre registre des efforts conséquents ont été consentis au profit des différentes armées (terre, air et mer) pour une montée en puissance à la hauteur des enjeux du moment et la création d’unités spéciales. Un accent particulier a été mis dans l’acquisition d’équipements spécifiques pour la protection individuelle et collective de nos hommes mais également sur la puissance de feu. Au plan des infrastructures, de belles réalisations ont été obtenues, en particulier avec la rénovation complète de l’Ecole nationale des officiers d’active de Thiès qui dispose maintenant d’un cadre digne des plus grandes académies, du 12 ème d’instruction à Dakhar Bango complètement modernisé pour accueillir les recrues du contingent dans d’excellentes conditions. Dans la même veine, de nouveaux cantonnements ont été érigés à Louga, Ourossogui, Kédougou et Némanding pour abriter de nouvelles unités. Enfin, l’état-major général des armées a bénéficié d’infrastructures modernes qui ont considérablement amélioré les conditions de vie et de travail des personnels. S’agissant du devoir de mémoire, plusieurs camps et centres d’entraînement ont été baptisés au nom de grands anciens et de défunts camarades qui ont rendu des services exceptionnels aux Armées et à la Nation. En outre, la revalorisation de la condition militaire est une réalité tangible. Depuis 2012 en effet, le traitement des militaires a été sensiblement amélioré, les invalides ont obtenu un soutien conséquent et les primes servies en opérations ont été revues à la hausse. Le pôle social des Armées a été également au rendez-vous et des progrès notables ont été obtenus dans la prise en charge sanitaire, l’accès au logement, l’accompagnement des veuves et des orphelins, la reconversion des retraités et des libérés du contingent.
Mon général, votre commandement restera surtout marqué par l’intervention sénégalaise sous l’égide de la Cedeao pour chasser l’ancien président Yaya Jammeh. Que retenez-vous de cette mission qui porte votre marque en tant que chef de guerre?
Vous savez, notre mission en Gambie a été riche en enseignements. Nous avons été en mesure de projeter, en autonome, une force de manœuvre opérationnelle avec toutes les composantes nécessaires en termes de fonction opérationnelle dans des délais courts, afin d’exécuter le mandat reçu du Chef de l’Etat. Nous avons été en mesure de planifier dans l’urgence cette opération, en liaison avec nos partenaires de la Cedeao. A noter que nous n’avons pas eu besoin de dégarnir nos positions dans les zones méridionales et l’engagement d’un fort contingent en Gambie n’a eu aucun impact sur la participation de notre pays à la sécurité collective. Nous avons continué à dérouler notre agenda avec des unités en regroupement pour effectuer à dates échues les différentes relèves.
A Washington vous avez fait votre entrée dans le Hall of Fame (Panthéon) de l’Université de défense américaine. Que représente cette distinction pour vous?
(Rires) Je perçois cette distinction à sa juste valeur. De mon point de vue, c’est le Sénégal et les Armées qui ont été honorés. C’est le Sénégal qui m’a donné l’opportunité d’y effectuer un séjour. Je l’ai dédié par conséquent à Monsieur le Président de la République et aux Armées.
Mon général, ces cinq dernières années, le président de la République Macky Sall, chef suprême des Armées, a consenti d’énormes efforts pour l’acquisition d’équipements de pointe pour nos Armées. Pensez-vous que cette montée en puissance soit suffisante pour faire face aux menaces sous régionales (criminalité transfrontalière, terrorisme jihadistes, etc.) surtout au moment où le Sénégal doit protéger ses ressources gazières et pétrolières?
Les efforts consentis par le chef de l’Etat ont démarré dès son accession à la magistrature suprême. Il a conforté le moral dans les rangs, par une revalorisation significative de la condition militaire. Sur le plan doctrinal, il est l’initiateur du nouveau concept de défense et de sécurité national qui prend en compte les menaces émergentes. Aujourd’hui, les Armées dans toutes leurs composantes, ont vu leur potentiel s’accroître. C’est important parce que l’efficacité opérationnelle est tributaire de ces différents facteurs : le moral, l’équipement et l’entrainement. Pour ce dernier point, nous avons renoué avec les campagnes de tir de grande envergure à Dodji et nous avons repris les manœuvres nationales interarmes et interarmées avec nos moyens propres. Donc, il est indéniable que des efforts importants ont été consentis. Cependant, il reste des capacités à parfaire et l’exécution progressive du plan stratégique d’équipement y contribue. Il est à noter l’effort particulier qui a permis de restaurer notre flotte maritime qui nous confère désormais les capacités hauturières de surveillance et de contrôle de nos eaux territoriales. En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, outre la capacitation des forces nationales, il est fondamental que nous parvenions davantage à une synergie d’action, à l’intérieur, entre les différentes forces de défense et les forces de sécurité mais, également, avec les pays de la sousrégion, par l’organisation d’opérations conjointes, l’échange de renseignements et l’harmonisation des législations en matière de lutte contre les organisations extrémistes violentes.
Le G5 Sahel regroupe cinq pays de la bande sahélo-saharienne, à savoir le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Pourquoi le Sénégal, devenu une puissance militaire sous régionale, n’en fait - il partie?
La non implication du Sénégal dans le G5 Sahel est une question qui ne relève pas de mon ressort. Dans tous les cas, le Sénégal participe aux opérations de sécurisation au Mali avec des effectifs très importants qui le placent parmi les premiers contributeurs.
La plupart des observateurs constatent que les femmes militaires du rang sont souvent confinées dans les corps d’administration et autres secrétariats. Leur recrutement dans l’Armée n’est-il pas un échec?
Non ! L’intégration du personnel féminin n’est pas un échec, loin s’en faut. Il n’existe aucune discrimination à l’égard du personnel féminin, relativement à l’accès aux emplois, encore moins pour l’avancement dans les grades. Le recrutement se fait aujourd’hui dans toutes les catégories et les fonctions exercées sont de plus en plus diversifiées. Les Armées sénégalaises ont toujours fonctionné selon le principe de la qualification et du mérite et cela continue. Nous procédons régulièrement à des évaluations de la présence du personnel féminin dans les Armées et prenons les mesures correctives nécessaires. Quant à la question de l’intégration des femmes au sein des unités combattantes, il convient de la considérer sous le prisme de la progressivité. Du reste, le personnel féminin a commencé à être engagé dans certains emplois techniques et à des postes de responsabilité en opérations extérieures. Le retour d’expérience montre que leur engagement a été très concluant.
Mon général, les soldats ont beaucoup apprécié votre récent et long séjour en Casamance. Quel était l’objet de cette mission?
En Casamance, comme à Tambacounda, Saint-Louis etc, les visites régulières que nous effectuons revêtent un double caractère. Il s’agit d’abord de s’enquérir de la situation sur le terrain, en s’informant sur les questions relatives aux opérations et la logistique, afin de donner aux autorités sur le terrain les orientations nécessaires et trouver des solutions durables à leurs préoccupations d’ordre matériel. Ensuite, notre présence aux côtés des personnels en opérations intérieures et extérieures est de nature à rehausser leur moral. En effet, une visite d’inspection sur le terrain renseigne beaucoup mieux qu’une centaine de rapports ou de comptes rendus.
Depuis l’accession du président de la République à la magistrature suprême, le calme est revenu en Casamance où il n’y a pratiquement plus d’attaques ou d’exactions sur les populations. Quel rôle a joué l’Armée nationale dans ce retour à la paix?
(Regard hostile) Il est vrai que le niveau de violence a fortement baissé au cours de ces dernières années. C’est le lieu de féliciter tous les acteurs qui y ont contribué et de s’incliner devant la mémoire de ceux qui y sont tombés au champ d’honneur. Notre dispositif de sécurisation n’est pas figé. Il est fonction de la situation sécuritaire. Celle-ci est constamment suivie et évaluée, afin d’adapter le volume de forces et les moyens qui leur sont consacrés. Nous avons adopté une posture dynamique qui se traduit par des patrouilles sur l’ensemble de la région naturelle de la Casamance afin d’anticiper les menaces et de contrer l’occurrence de toute violence contre les populations civiles. Nous sommes également à la pointe du combat contre les trafics illicites, celui du bois en particulier. Des efforts importants ont été consentis par les pouvoirs publics pour améliorer la mobilité, la puissance de feu et la protection des unités par la dotation d’équipements spéciaux. C’est ce qui explique le bilan satisfaisant en termes de saisies régulières et importantes de bois, de drogue et de produits illicites.
Le chef suprême des Armées, le président de la République a récemment créé une Agence pour le Logement des Forces Armées (ALFA). Cette agence est-elle opérationnelle? Si oui, quelles sont ses réalisations?
L’Agence pour le Logement des Forces Armées (ALFA) effectue un travail remarquable sur toute l’étendue du territoire national. La création de cette agence répond à un besoin opérationnel et à un souci de mettre les familles dans de meilleures conditions de vie. Dans quasiment tous les cantonnements, le patrimoine bâti était dans un état de délabrement très avancé et des bâtiments menaçaient même de tomber en ruine. De ce fait, les militaires préféraient généralement vivre en location dans le domaine civil. Aujourd’hui, grâce aux travaux de réfection entrepris, voir la construction de bâtiments neufs, les militaires reviennent loger dans les casernes où ils sont plus disponibles pour le service et bénéficient de meilleures conditions pour les familles.
Comment comptez-vous fermer le ban de cet entretien?
Pour fermer le « ban » comme vous le dites, je voudrais exprimer toute ma confiance pour l’avenir. Je suis convaincu que l’outil militaire que nous avons hérité de nos anciens, continuera à rester professionnel, au service exclusif de la Nation sénégalaise. Nous avons des femmes et des hommes de très grande qualité et nous continuerons de bénéficier de la sollicitude du chef de l’Etat, Chef suprême des armés, afin que le Sénégal continue de bénéficier de la paix et la sécurité indispensables pour parachever les grands chantiers en cours pour le développement économique et social.
LE COLLECTIF «GNI AM KER NGUINTH» DENONCE LE FORCING DE LA SOCIETE APROSI SUR SES TERRES
Quelques mois à peine après la sortie du président de la République mettant en garde contre la violation du domaine national, la société Aprosi veut accaparer les terres du collectif ‘’Gni am Ker Nginth’’.
Quelques mois à peine après la sortie du président de la République mettant en garde contre la violation du domaine national, la société Aprosi veut accaparer les terres du collectif ‘’Gni am Ker Nginth’’. Un collectif qui, par la voix d’Ibrahima Diédhiou, a dénoncé dimanche le forcing de la société « Gni am Ker Nginth » pour accaparer les terres de ses membres à Diamniadio
Le collectif « Gni am Ker Nguinth a dénoncé dimanche le forcing de la société Aprosi qui veut accaparer ses terres. Dénonçant un « forcing », ses membres demandent à l’Etat d’intervenir car ces terres constituent leur bien le plus précieux. Pour le garder, ils se disent donc prêts à tout. C’est ainsi que Ibrahima Diédhiou, qui portait la voix du collectif, a dénoncé fermement les agissements de l’Aprosi. « Nous sommes en colère parce qu’on a vu c’est temps-ci des tentatives d’intimidation de la part de l’Aprosi parce que cette société veut accaparer nos terres à Diamniadio plus précisément à Nginth qui est un lotissement administratif qui a été attribué par la mairie de Diamniadio », explique Ibrahima Diédhiou. Prenant à témoin les journalistes, il déclare : « vous voyez, il y a beaucoup de maisons qui sont entrain d’être construite et même des familles qui se sont carrément installées. Nous disons à l’Aprosi d’arrêter ce qu’elle tente de faire parce qu’elle est entrain d’accaparer nos terres » met-il en garde.
Pour les habitants Diamniadio, cette affaire est très importante car ils sont des pères de familles qui n’ont rien à part leurs terres. « Nous les avons eues dignement et nous sommes des pères de familles. Ce qu’ils sont entrain de faire n’est pas légal parce que le fait d’utiliser des moyens de l’Etat pour phagocyter nos terres montre qu’ils ne sont pas en règle », tacle Ibrahima Diédhiou. A l’en croire, la demande d’extension introduite par la société Aprosi a été rejetée par la mairie de Diamniadio. « Le président de la République M. Macky Sall avait dit il n’y a pas longtemps que les gens doivent cesser de vendre les terres de Diamniadio. L’Aprosi a bénéficié d’une superficie de 42h qu’elle a déjà utilisée et maintenant elle veut étendre ses terres. Nous disons non et nous ne céderons pas, ces terres c’est tout ce que nous avons », martèle encore Ibrahima Diédhiou.
Et de faire dans la menace : « Ce que nous comptons faire s’ils continuent de vouloir accaparer nos terres, c’est de nous battre par tous les moyens car c’est ça que nous avons et nous allons défendre nos terres aux prix de nos vies », assènent les populations par la voix de leur porte-parole.
Pour le collectif « Gni am Keur Nguinth, « le président de la République dois demander à l’Aprosi d’arrêter l’accaparement de nos terres car c’est luimême qui avait dit qu’on laisse le domaine national car il n’est pas à vendre et le domaine national c’est l’Etat et c’est nous aussi car un Etat ne peut pas aller sans ses populations. Donc l’Etat doit réagir car nous ne céderons pas », déclare encore Ibrahima Diédhiou. Il attire d’ailleurs l’attention sur l’incongruité de construire une usine à coté d’une université. Selon lui, « c’est un paradoxe car l’usine est construite près de l’université, de Dakar Aréna et j’en profite pour alerter le ministère de l’Environnement parce que c’est incompatible » a-t-il indiqué en conclusion.
TREIZE ATTESTATIONS ET DES DIZAINES DE BLESSES
La ville de Mbour a vécu hier, lundi 23 décembre 2019, une folle journée de contestations. Des pêcheurs et des policiers se sont affrontés toute la journée avant de faire une pause suite à une rencontre convoquée à la préfecture.
La ville de Mbour a vécu hier, lundi 23 décembre 2019, une folle journée de contestations. Des pêcheurs et des policiers se sont affrontés toute la journée avant de faire une pause suite à une rencontre convoquée à la préfecture. Le bilan des affrontements est de treize (13) arrestations et des dizaines de blessés dont des éléments des Forces de l'ordre. Deux guérites municipales du quai de pêche sont détruites et la mutuelle du Groupement interprofessionnel des acteurs de la pêche est incendiée.
Les causes de l'intifada sont consécutives à un projet d'extension du quai de pêche, un projet des acteurs de la pêche. De multiples réunions témoignent de cette volonté de voir un nouveau quai de pêche. Hier, tôt le matin, les Forces de l'ordre ont investi le site devant abriter les travaux du nouveau quai pour encadrer et sécuriser le chantier. Les acteurs de la pêche ont vite réagi pour faire face aux policiers sur le site. Ils démarrent une intifada, avec des jets de pierres. Les renforts des Forces de sécurité ont fini d'investir les quartiers 11 Novembre et Téfess. Des jets de gaz lacrymogènes ont infesté le quartier Téfess. Le résultat est douloureux : des personnes du troisième âge de Téfess sont évacuées pour être sauvées. Les dégâts collatéraux ; c’est aussi le centre de santé et la maternité de Téfess qui sont envahis par les souffles des gaz lacrymogènes, incommodant les malades.
Des acteurs de la pêche en veulent aux responsables du Comité de gestion de la pêche artisanale de Mbour. Pour eux, le langage tenu par ces derniers n'entre pas en droite ligne de leurs intérêts car avec le projet d’extension du quai, ils seront privés d'un site où accostent leurs pirogues. En plus, les pêcheurs rejettent le site de recasement qui leur est proposé. Selon leurs responsables, les raz de marée détruisent les pirogues amarrées en ces lieux.
Après la folle journée d'intifada, Alioune Ndoye, le ministre de la Pêche et de l'Economie maritime a présidé une réunion à la préfecture de Mbour. Les responsables ont opposé un niet catégorique à la construction d'un nouveau quai, après une pause pour informer leur base. Le ministre de la Pêche, face à la presse à la fin de la réunion, s'est ému de la tournure prise par le projet de construction d'un nouveau quai. A l'en croire, ce sont des acteurs mbourois de la pêche qui ont sollicité la réalisation de ce projet d'un coût de trois (3) milliards de F CFA.
A l’en croire, des gens ont intoxiqué l'environnement en faisant comprendre autre chose. Il a réaffirmé qu’il n’est pas prévu de construire une usine de fabrique de farine de poisson sur le site. Il a demandé aux acteurs de prendre leurs responsabilités face à ceux qui veulent pourfendre le projet car la perte du nouveau quai leur sera préjudiciable. Il a affirmé laisser les choses évoluer pour mieux prendre une décision. En plus, le ministre rappelle que le site est un terrain du domaine maritime de l'Etat du Sénégal. Interpelé pour la libération des personnes interpellées, il a informé que ces derniers sont des acteurs étrangers au monde de la pêche. Non sans révéler qu’une enquête est ouverte pour élucider cette affaire.
NDEYE TICKE NDIAYE DIOP APPLAUDIT
Le ministre de l’Economie numérique et des télécommunications, Ndèye Tickè Ndiaye Diop, apprécie la rude concurrence qui existe entre les opérateurs de télécommunication, tant que celle-ci reste saine.
Le ministre de l’Economie numérique et des télécommunications, Ndèye Tickè Ndiaye Diop, apprécie la rude concurrence qui existe entre les opérateurs de télécommunication, tant que celle-ci reste saine. S’exprimant en marge de la journée organisée par son ministère avec la presse, dénommée “Pencum numérique“, le ministre a profité de la tribune pour faire le bilan et les perspectives de son service en rapport avec la Stratégie Sénégal numérique 2025 (SN2025), dont notamment le projet phare du Parc des technologies numériques (Ptn) du Sénégal d’un coût global d’investissement de 46 milliards de FCFA.
Le dynamisme du secteur de la téléphonie mobile au Sénégal, avec son corolaire de concurrence rude entre opérateurs des télécommunications ne fait pas que le bonheur des consommateurs. Ou du moins, le ministère de l’Economie numérique et des Télécommunications s’en réjouit. C’est le moins que l’on puisse au vu de la satisfaction exprimée par le ministre en question, à savoir Ndèye Tické Ndiaye Diop, en marge de la journée “Pencum numérique“, organisée par ses services hier, lundi 23 décembre, avec la presse. En effet, se prononçant sur ladite concurrence, le ministère a laissé entendre que «nous (ministère) applaudissons cette guerre des tarifs». Elle pense en fait cette rivalité entre opérateurs va permettre de «réduire la fracture numérique». Donc, elle reste persuadée que c’est en réalité le consommateur qui en sortira gagnant. Toutefois, elle n’a pas manqué de signaler que cette guerre des tarifs doit rester une «concurrence saine», et que tout le monde doit «se conformer à la réglementation en vigueur». Toute chose qui lui fera déclarer : «Vivement cette guerre des tarifs».
A noter, par ailleurs que le ministre Ndèye Tické Ndiaye Diop a profité de la tribune que lui a offerte le “Pencum numérique“ pour faire un exposé sur le bilan ainsi que les perspectives de son service dans le cadre de la Stratégie Sénégal Numérique 2025 (SN2025) qui a pour vision, selon elle, «en 2025, le numérique pour tous et pour tous les usages au Sénégal avec un secteur privé numérique dynamique et innovant dans un écosystème performant». L’un des projets phares de ladite stratégie reste sans équivoque le Parc des technologies numériques (Ptn) du Sénégal d’un coût global d’investissement de 46 milliards de FCFA. Cofinancé entre la Banque africaine de développement (Bad) et l’Etat du Sénégal, le Ptn dont le lancement des travaux sur une superficie de 25 hectares est prévu le 30 décembre prochain, à Diamniadio, a pour objectif de créer plus de 35.000 emplois, selon le ministre. Elle dira à cet effet que l’un des vœux du président Macky Sall est de rapatrier toutes les compétences dans le domaine du numérique. Avec ce projet, il est visé une participation du numérique dans le PIB du pays à hauteur de 10%, selon toujours Ndèye Tické Ndiaye Diop. Le Ptn dont le fonctionnement est prévu en 2021 comprend : la construction et l’équipement des 3 tours pour les entreprises en Tic, la construction et l’équipement des bâtiments annexes dont le centre Business Process Outsourcing (Bpo) ou externaliser les processus métier en français, celui de recherche, d’incubation, de production audiovisuelle, et des bâtiments administratifs, sans oublier le centre de formation.
45 MAISONS NUMERIQUES DU CITOYEN D’ICI 2025
Autre projet phare du plan pour la démocratisation de l’accès à internet, c’est la mise en place, d’ici 2025, de 45 “Maisons numériques du citoyen“ dans le cadre du programme «Smart Sénégal». Le ministre renseigne que les services identifiés tournent autour de la justice, de l’urbanisme, des impôts, ainsi que des services privés. Dans la même veine, et concernant le processus de restructuration de la Sn La Poste, le ministre a annoncé un projet de vente des services internet virtuel du genre Opérateur mobile virtuel (Mvno). A noter, en outre, concernant la politique de promotion des startups du secteur du numérique que le projet de «loi portant création et promotion de la startup au Sénégal», a été voté hier, lundi 23 décembre, à l’Assemblée nationale. Ledit projet, selon le ministre, a pour objet de mettre en place un cadre incitatif pour la création et le développement des startups au Sénégal basé sur la créativité, l’innovation, la réalisation d’une forte valeur ajoutée ainsi qu’une compétitivité au niveau national et international.
LES CARRIERES D’EXTRACTION DE SABLE, DES CATASTROPHES ECOLOGIQUES ET… HUMAINES
Visite de presse du Forum africain des journalistes (African journalists forum - AFJ), les 18 décembre 2019, au niveau des carrières d’extraction de sable des communes de Sandiara (Département de Mbour) et de Tattaguine (Département de Fatick).
Le Forum africain des journalistes (African journalists forum - AFJ), dans le cadre de la mise en œuvre de sa Plateforme d’alerte sur le péril environnemental, a organisé une visite de presse, le 18 décembre 2019, au niveau des carrières d’extraction de sable des communes de Sandiara (Département de Mbour) et de Tattaguine (Département de Fatick). La descente sur les dits-lieux a permis de constater l’état de dégradation de l’environnement, à cause de l’extraction de sable dans les carrières. Cette sortie vise à pousser les décideurs à prendre des mesures pour mieux protéger l’environnement. En plus, l’interdiction de l’extraction du sable marin a fait naître d’autres conséquences. Le phénomène est apprécié de manière universelle dans les deux communes et des mesures envisagées pour trouver des solutions durables. Un expert environnementaliste conseille une requalification des sites en bassins de rétention pour y développer pisciculture et en espaces maraîchers.
Le Docteur Serigne Guèye Diop, maire de Sandiara, interpellé sur la question des carrières d’exploitation de sable, s’est déchargé sur l’ancienne Communauté rurale qui avait affecté un site pour l’extraction de sable sur une quarantaine d’hectares, défigurant l’environnement. Selon lui, la nouvelle équipe municipale sous sa conduite a arrêté, dès sa prise de fonction, les carrières. Il propose ainsi de replanter des arbres sur les anciennes carrières pour leur réhabilitation, en relation avec le service départemental des Eaux et forêts.
Les besoins en matière de construction d’une soixantaine d’usines, de lycées et des habitations à location modérée (HLM) ont poussé à la réouverture des carrières pour amoindrir les coûts. Le sable provenant des autres communes devenait trop cher. Son souci, avec l’installation de 2000 poubelles, c’est le traitement des ordures gisant dans l’ancienne carrière et de mettre en place, une usine de traitement des ordures, entre autres solutions envisagées. Pour Docteur Serigne Guèye Diop, la zone de Sandiara a une autre vocation que d’exploiter des carrières.
Ousmane Diome, le président de la Commission domaniale de la commune de Sandiara a fait le point sur la carrière privée de Ndioukh-Médoune s’étendant sur plusieurs hectares. Présent sur le site, il a expliqué le processus ayant abouti à l’exploitation de la carrière. A l’en croire, les propriétaires des terres l’ont cédé à des promoteurs qui vendent un cubage aux camionneurs. Le principe retenu est de faire de l’exploitation manuelle, permettant à des manœuvres habitant la commune de Sandiara d’avoir un revenu quotidien compris entre 7000 et 10.000 francs Cfa. Si un camion de sable vend la charge à 40.000 francs Cfa, il défalque 10.000 francs Cfa pour le gasoil.
POUR UNE RECONVERSION DES ANCIENNES CARRIERES EN CHAMPS DE MARAICHAGE ET DE PISCICULTURE
Le sous-préfet de Tattaguine se réjouit de la fermeture de la carrière bien avant sa venue. Il explique que la décision de fermeture de la carrière a été prise par le gouverneur de Fatick suite à de multiples complaintes des habitants du terroir déplorant des désagréments comme la mort du bétail piégé par des dénivellations remplies d’eau en hivernage. Il a, en outre, évoqué la dégradation de l’environnement suite à une exploitation abusive de la carrière.
L’appât du gain s’est invité, les cultivateurs tentés de gagner rapidement de l’argent ont rappliqué pour brader des terres tout autour, étendant la zone d’extraction du sable. Le sous-préfet pense à une possibilité de reconversion de cette ancienne carrière, avec le concours de l’Etat ou de partenaires. A l’en croire, des activités comme la pisciculture et le maraîchage peuvent être envisagées sur ce site pour fixer les jeunes dans leur terroir, car elles (ses activités) sont génératrices de revenus.
Ndick Diouf, le chef de village de Tattaguine-Sérère est revenu sur les raisons profondes de la fermeture de la carrière de Tattaguine. Selon lui, le rythme effréné de vente des terres de culture à des privés pour l’extraction de sable a abouti à un désastre. Car tout le monde s’y investit, des champs et des terres de parcours du bétail ont été vendus à grande échelle, entrainant des conséquences multiples. En premier le bétail (bœufs et petits ruminants), tenté de s’abreuver dans les mares et lacs intermittents remplis d’eau avec l’hivernage, a péri en grand nombre suscitant la grogne des paysans. Leurs complaintes ont poussé le gouverneur de la région de Fatick à fermer la carrière. Son souhait c’est la conversion de l’ancienne carrière envahie par des eaux saumâtres. Aussi désire-t-il l’érection d’installations pouvant limiter la remontée d’eau salée envahissant le site pour permettre le maraîchage. En attendant, des gens y ont aménagé des bacs pour élever du poisson.
SI LE CAHIER DE CHARGES DE L’OUVERTURE DE CARRIERES ETAIT RESPECTE, ON N’EN SERAIT PAS LA
Diop Mo Hary, environnementaliste et expert en décentralisation chargé de programmes de développement, sur le site de la carrière de Tattaguine, a répondu aux questions de la presse sur la situation. Se réjouissant d’avoir été associé à la visite de cette ancienne carrière, il a fait remarquer que l’urgence se conjugue au présent, avec la dégradation de l’environnement et le couvert végétal, la morbidité animale et les réactions des populations environnantes qui ont quitté ces terres devenues dangereuses pour elles.
Pour lui, la volonté des autorités à travers l’ouverture des carrières, c’est d’apporter des gains additionnels dans le but de participer à l’amélioration des conditions de vie des populations. Si le cahier de charges de l’ouverture conçu par l’Etat était respecté, relève-t-il, l’on ne devrait pas en arriver à la situation tant décriée sur le site de Tattaguine. Les études d’impact environnemental doivent se faire avant d’octroyer des permis d’exploitation. Si les textes sont excellents, bien conçus, il se pose un problème d’application. Au bout du compte, les dispositions ne sont suivies à la lettre ; une fois les autorisations données et le démarrage de l’exploitation effectif, tout est remis en cause avec un cortège de non-respect des règles.
Il a salué la démarche consistant à sensibiliser sur des situations pénalisant les populations dans leur environnement et cadre de vie. Il a approuvé également la mesure du gouverneur de Fatick ordonnant la fermeture des carrières mais, à son avis, il faut bien travailler à adopter des mesures d’atténuation.
ERRIGER UN BASSIN AQUACOL POUR UN OBJECTIF ALIMENTAIRE ET REGLER LA QUESTION ENVIRONNEMENTALE
Diop Mo Hary a rappelé le devoir des exploitants de prendre des mesures d’accompagnement à l’endroit des populations tout autour des carrières pour moins impacter sur leur quotidien de manière négative. Pour la viabilisation de l’ancienne carrière, il revient à l’Etat qui peut y ériger un bassin de rétention pouvant permettre de faire l’aquaculture d’apprécier. L’aquaculture, selon lui, va permettre d’atteindre un objectif alimentaire avec l’approvisionnement en poissons et régler la question environnementale avec les aménagements. Une autre activité naitra avec la commercialisation du poisson.
Docteur René Massiga Diouf, président de AFJ a indiqué que l’exploitation des carrières d’extraction de sable a pris des proportions importantes et inquiétantes, malgré l’existence de lois l’encadrant. Le non-respect des règles entrainant des conséquences graves, des populations abandonnées à elles-mêmes ne jouissant plus des potentialités de leur terroir et de la protection de l’environnement. L’écosystème quasiment détruit, selon le docteur Diouf, pose la problématique l’exploitation des carrières ; d’où la visite de terrain des sites affectés avec les journalistes pour sensibiliser les décideurs à prendre conscience du phénomène et des mesures idoines.
LES HUILIERS ETALENT LEURS INQUIETUDES, LES PRODUCTEURS SE FROTTENT LES MAINS
Sud Quotidien revient sur le déroulement de la campagne arachidière dans les régions de Kolda, Diourbel, Ziguinchor et Kaolack.
La campagne de commercialisation de l’arachide 2019-2020 qui a démarré depuis le 3 décembre passé bat de l’aile. En effet, pour cette année, on note une campagne à double vitesse car au moment où les producteurs sont en train de vendre leurs récoltes à un prix supérieur à celui fixé par l’Etat qui est 210 francs le Kg, les huiliers ne savent plus à quel saint se vouer puisque les Chinois ont amassé une grande partie de la production arachidière de cette année. Les huiliers, inquiets du rythme de cette campagne, demandent à l’Etat de mettre de l’ordre dans le secteur arguant qu’une menace de perte d’emplois plane au niveau de la Sonacos Sa. Sud Quotidien revient sur le déroulement de cette campagne dans les régions de Kolda, Diourbel, Ziguinchor et Kaolack.
KOLDA : Les producteurs aux anges, les opérateurs se plaignent
Jamais de mémoire de producteur d’arachide, une aussi belle campagne de commercialisation arachidière n’a été enregistrée. Enfin le producteur peut vendre au plus offrant. « Nous étions souvent obligés, les années passées, de bazarder nos graines. Dieu a fait venir les Chinois qui se déplacent avec des camions dans nos villages pour acheter de 225F a 275F le kilo sans criblage. Vraiment, c’est une chance pour les paysans. Il ne faut surtout pas nous parler de la SONACOS qui ne sert qu’à exploiter les producteurs », lance tout sourire Demba Baldé.
Le discours est pratiquement le même chez les producteurs. Ils sont en train de vendre a 250F le kg à Niaming, dans le département de Médina yéro Foulah, nouveau Bassin arachidier. Ici personne ne peut avoir une graine à moins de 240F, nous explique un des acteurs à Niaming. L’homme est dans le sérail depuis plus de 40ans. « C’est une campagne pour les producteurs. La SONACOS est obligée de s’adapter ou disparaitre. Ne parlez surtout pas des subventions des semences », fulmine Aly, producteur a Saré Mamoudou.
Allant dans le même sens, Oumar Baldé déplore : « les subventions vont au Café de Rome, pas pour nous producteurs. Il faut travailler pour que chaque producteur puisse garder ses propres semences. Et aujourd’hui, il faut que la sensibilisation soit accentuée sur le sujet. Mais avec cette vente libre, la SONACOS n’a aucune chance ».
Il souligne que la filière a été toujours gangrénée par des intermédiaires et autres truands. « Certains opérateurs qui pleurnichent sur leur sort aujourd’hui, ont toujours fait du mal aux paysans. Les histoires de bons impayés et autres opérateurs ayant vendu des mauvaises semences ont jalonné toutes les anciennes traites arachidières. Même lors de la dernière campagne a Bouborel, dans la commune de Coumbacara, des paysans étaient obligés après plusieurs mois d’attente de prendre des sacs de maïs pour ne pas perdre leur arachide», explique Omar Baldé de Coumbacara.
A côté, les Chinois ont aussi introduit des batteuses qui facilitent véritablement la finition des travaux champêtres. Dame Cissé, président des OPS de la région de Kolda et habitant le département de Médina yéro Foulah regrette cette situation, car dit-il, sur le terrain, ils n’osent pas affronter les Chinois. Pour lui, il faudra que la SONACOS trouve une solution. Car personne ne peut faire la concurrence à ces hommes qui font village par village pour tout emporter. Toutefois, il reconnait que c’est une chance unique pour les producteurs d’arachide.
DIOURBEL /MAUVAISE DEMARRAGE DE LA CAMPAGNE DE COLLECTE DE L’ARACHIDE : Les huiliers invitent l’Etat à mettre de l’ordre dans la filière
La campagne de commercialisation de l’arachide est très mal partie pour les huiliers. En effet ,la Sonacos Sa n’a pas encore collecté plus de 1 000 tonnes contrairement à l’année dernière à la même période où il y avait une collecte de 10 000 tonnes .En ce qui concerne l’unité de Diourbel, une collecte de 300 tonnes a été effectuée. C’est une campagne de collecte qui est très mal partie. Sauf exception, on risque d’avoir une mauvaise campagne de commercialisation. La situation n’est pas reluisante. On était à une collecte de près de 10 000 tonnes l’année dernière à la même période mais aujourd’hui, on n’a pas atteint 1 000 tonnes. La campagne est complètement déréglée, parce que les Chinois sont arrivés sur le terrain bien avant que le commercialisation ne démarre. Ils se sont déplacés jusqu’au niveau des champs pour marchander avec les producteurs agricoles. Et à cela s’ajoute le fait que la production enregistrée depuis le début de la campagne n’est pas fameuse », déplore Monsieur Thie Mbaye Ndiaye, le secrétaire général adjoint du Syndicat national des corps gras. Et Thie Mbaye d’ajouter : « l’argent est disponible pour acheter des graines. Nous allons demander à l’Etat de mettre un peu de règles dans le jeu, c'est-à-dire dans la commercialisation des graines. Ce n’est pas rassurant. La Sonacos Sa avait recruté un certain nombre de jeunes pour l’entretien et le démarrage des usines, mais nous leur avons donné des préavis pour qu’ils arrêtent. Ce qui constitue des pertes d’emplois. Elle avait recruté 1 800 agents, l’année dernière ». Les producteurs agricoles de Diourbel se tournent au niveau de Touba pour écouler leurs graines. Mamadou Ngom de la commune de Taiba Moutfa déclare : « je préfère vendre ma production arachidière à Touba que de la vendre dans le circuit officiel. Nous vendons le Kg d’arachide entre 290 et 300 frs au marché de Gare Bou Ndaw », confie-t-il. Pour Gora Ndiaye , un producteur agricole de Bambey, il est impensable de vendre le kg en deçà du 275 frs. Pour que la Sonacos Sa puisse avoir des graines, soutient-il, il faut qu’elle revoie le kg d’arachide à la hausse. Pour sa part, le Président de la Fédération nationale des opérateurs semenciers et stockeurs Cheikh Bara Gueye invite l’état à réglementer la collecte des semences bien avant les écrémées. Sans cela, indique-t-il, nous risquons de ne pas collecter la quantité de graines souhaitée. Il faut rappeler que l’usine est prête à recevoir jusqu’à 5 000 tonnes de graines d’arachide par jour.
KAOLACK : L’inquiétude des entreprises huilières se manifeste de plus en plus
Vingt (20) jours après son démarrage officiel, la campagne de commercialisation agricole et arachidière n’est pas toujours au bonheur des industries huilières et les nombreux opérateurs qui les accompagnent. Contrairement aux précédentes éditions où l’on voyait les producteurs en souffrir le plus, la campagne sourit cette année plus aux paysans qu’aux entreprises huilières. Car après près de trois (3) semaines d’intenses activités, ces entreprises peinent à conquérir le marché et beaucoup d’entre elles n’arrivent guère à collecter les tonnages prévus dans leurs prévisions. Les points de collecte qu’elles ont installés un peu partout dans les villages et au niveau de certaines communes sont quasiment vides au profit des marchés hebdomadaires ou autre lieu de spéculation implantés dans les villes et leurs alentours. Ainsi en la date du 23 Décembre, la compagnie de production des Oléagineux (Copéol) n’a pu faire réception que de 400 t sur un objectif de 80.000 t. La Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos) en a 780 t, sur une prévision de 65.000 t. Durant la première semaine d’évaluation du comité régional de suivi de la campagne, il était constaté que les trois entreprises de Kaolack réunies à savoir la Sonacos, la Copéol et le West Africa Oil (Wao) n’ont pu dépasser le cap du millier de tonnes et se sont limitées à 600 tonnes. Contrairement au marché de l’exportation qui ne s’était contenté que de 26.000 t. Une situation qui, visiblement est synonyme de la faiblesse de la production obtenue cette année en arachide, mais surtout du montant des prix fixés sur le marché dont l’essentiel tourne entre 240, 250, 275 et même 300 Frs au niveau de certains lieux de spéculation où la qualité de graine en vente se trouve meilleure. C’est aussi une problématique qui découle en grande partie de l’impossibilité des compagnies huilières d’intégrer cette concurrence, autrement dit, respecter cette loi du marché et payer ces prix au même titre que certains opérateurs privés ou les exportateurs. Ce qui du regard de certains observateurs n’est pas encore autorisé, compte tenu de la nature des budgets détenus prévus par chaque entreprise pour acheter la quantité prévisionnelle et l’absence d’une ligne subventionnelle que l’Etat pouvait accorder aux compagnies afin de leur permettre de pouvoir absorber en évidence la marge différentielle tarifaire, car même au sein des producteurs, beaucoup ont peur que les industries ne réussissent pas à mobiliser les quantités nécessaires de semences pour garnir la prochaine campagne agricole. Dans le système de transport régional et interrégional, cette situation a relativement réduit les activités des milliers de transporteurs de gros camions. D’habitude à pareilles moments de campagne, ils étaient des centaines de grosses caisses à faire la queue devant les unités industrielles attendant leur tour pour être déchargés. Ce qui n’est pas pour le moment le cas devant les entreprises huilières où ces gros porteurs se font de plus en plus rares.
ZIGUINCHOR : Acteurs et huiliers plongés dans l’inquiétude totale
Le démarrage de la campagne est des plus calamiteux à Ziguinchor où aucune graine n’est encore réceptionnée par l’usine Sonacos Ziguinchor. Certains acteurs de cette campagne sont dans l’inquiétude la plus totale, c’est le cas des Opérateurs privés stockeurs qui n’ont toujours pas démarré les opérations de collecte. Eux qui réclament la hausse du prix du kilogramme fixé à 210 f par l’Etat « Pas question de vendre à ce prix si nous sommes obligés d’acheter le kilo à 250 francs CFA chez les paysans. En brousse, le prix du kilo s’échange à 250 francs CFA. Il faut que la Sonacos revoie son prix, sinon nous ne pouvons acheminer les graines avec cette situation … » martèle Assane Mbaye, Secrétaire général de l’Association des OPS du sud. Une situation qui indispose ces acteurs de la filière qui ont immobilisé leurs camions, le temps d’y voir plus clair. Un tour dans les zones rurales laisse dégager une véritable spéculation dans cette campagne. Les paysans campent sur leur position et vendent le kilo à 250 francs. Bourama Sonko, trouvé dans son champ dans les environs de Sindian, est catégorique « Nous ne pouvons pas travailler difficilement et brader l’arachide au prix fixé par la Sonacos. Ici, nous échangeons le kilogramme à 249 francs à des privés qui collectent et acheminent vers le centre du pays. Si la Sonacos veut l’arachide, il faut qu’elle débourse comme ces privés ou ces Chinois ». Une campagne de commercialisation arachidière qui se déroule sur fond d’inquiétude pour la plupart des acteurs. Et les soucis vont crescendo du côté des huiliers qui s’interrogent sur leur avenir à ce rythme où vont les choses et c’est un parfum de chômage qui est perceptible à l’usine. Aujourd’hui, les préposés à la réception des graines tournent les pouces dehors. Pas d’activités; ils s’inquiètent « Nous sommes là ; on attend mais on a vraiment peur pour notre avenir. Par ce que sans activité, on risque de ne pas avoir de salaires...», lance avec dépit un travailleur sous le couvert de l’anonymat. L’objectif de quarante-cinq mille tonnes d’arachide assigné à l’usine Sonacos Ziguinchor, pour cette année, risque de ne pas être atteint. Il faut rappeler que lors de la précédente campagne, l’usine Sonacos n’a pu réceptionner que 28 mille tonnes sur l’objectif de 45 mille tonnes.
Par Moustapha Kassé
L’ECO OU LA CONTINUITE DES FONDAMENTAUX DU CFA
Je ne suis pas surpris par l’effacement du CFA et la continuité de ses fondamentaux dans une nouvelle institution monétaire : l’éco.
Je ne suis pas surpris par l’effacement du CFA et la continuité de ses fondamentaux dans une nouvelle institution monétaire : l’éco. Depuis les années 80, dans plusieurs articles et ouvrages toutes mes recherches ce sont focalisées sur l’impérative nécessité des réformes adaptatives, encouragé en cela par le Professeur Samir Amin. Je dois rappeler trois écrits qui, depuis les années 90, jalonnent mes réflexions sur l’impérative nécessité de réformes adaptatives de la Zone Franc en vue de l’organisation d’un Système Monétaire Régional en Afrique de l’Ouest (SMR) comme alternative aux crises permanentes du Système Monétaire International (SMI) et aux défaillances des organisations internationales de régulation (FMI, Banque mondiale, BRI, l’OMC) révélée par l’impertinence de leur épure théorique, la panne d’idéologie, le manque de légitimité, la concurrence d’autres organes de régulation (PNUD, CNUCED etc.). En premier lieu, dans mon ouvrage sur le « Développement par l’intégration » au chapitre 4 relatif à la création d’un système monétaire régional (aux NEA) dans lequel j’avais conduit une évaluation critique de la disparition de la Chambre de compensation de l’Afrique de l’Ouest (CCAO) dont la faillite était évidente du fait de certains facteurs dont les difficultés opérationnelles notamment l’instabilité du taux de change, les mauvaises télécommunications, le retard dans le traitement des transactions, l’accumulation d’arriérés importants payables en devises étrangères, la faiblesse des systèmes de paiements dans certains pays etc.).
En second lieu, nous avons organisé avec le Professeur Hakim Ben HAMMOUDA un Colloque qui a réuni à Ouagadougou, en 2001, plus de 300 chercheurs africains. Les travaux ont été consignés dans l’ouvrage : « L’avenir de la zone franc » (Editions Karthala). Dans la même direction, dans le cadre de l’Union Africaine, le Congrès des Économistes africains a traité, en 2009, à Nairobi de l’unification monétaire en Afrique conformément à la Charte Constitutive de cette organisation panafricaine. En 2009, nous avons assuré la présidence du Comité scientifique d’une recherche collective regroupant les économistes et universitaires de la CEDEAO autour du thème « Sortir du sous-développement, quelles nouvelles pistes pour l’Afrique de l’Ouest ». Cette organisation regroupait les Professeurs Bamba Abdoul GADIRI (Problématique de la convergence), IGUE John Historien (« Le Bénin un État entrepôt ») et G. SEMEDO (« La Zone franc Mécanismes et perspectives ») et des auteurs anglophones (Nigéria, Ghana, Libéria, Cap Vert etc…), un symposium de restitution a été organisé à Ouagadougou en juin 2010, suivi de la publication d’un ouvrage en 3 tomes sur le même titre (Éditions l’Harmattan).
En troisième lieu, nous avons publié en2016 un article de synthèse intitulé : « Perspectives de réformes adaptatives de la zone franc: Pour des ajustements concertés ». Je soulignais en toute lucidité les avantages des fondamentaux du CFA et les réformes qui peuvent être introduites.
I/ QUELS SONT LES APPORTS DU DÉFUNT SYSTÈME.
Dans toutes les mutations, il faut savoir sauvegarder les bonnes règles qui ont induit des progrès certains. La Zone franc a produit des avantages bien connus qui sont au nombre de cinq : la stabilité de la monnaie que recherchent toutes les monnaies du monde ; la convertibilité qui encourage les Investissements Directs étrangers rendus nécessaires par le lourd déficit d’épargne ; l’accroissement des échanges avec l’UE qui est la première puissance commerciale mondiale suite à l’absence de risque de change et de commission; le levier pour l’assainissement des finances publiques et la lutte contre l’inflation ; un espace de solidarité et de coprospérité tiré par les principaux moteurs que sont la Côte d’Ivoire et le Sénégal : les excédents des uns ont toujours comblé le déficit des autres.
Ces avantages ont créé un climat de confiance qui a facilité les Investissements Directs étrangers et ont eu pour conséquence d’abord une croissance économique appréciable des États (que les politiques d’offre du PSE peuvent accroitre), ensuite une faible croissance monétaire et une inflation maitrisée (influe sur le pouvoir d’achat), en outre, une forte surliquidité des banques et enfin un niveau appréciable des réserves extérieures de la Banque Centrale. À cela s’ajoute une rigoureuse discipline monétaire consistant à contenir l’expansion de la liquidité pour éviter les tensions inflationnistes ruineuses ( Cf, Zaïre, Mali, Zimbabwe, etc.).
II/ QUE FAIRE DES RÉSERVES DE LA BCEAO ?
Antérieurement, 50% des avoirs étaient placés auprès du Trésor public français (Compte d’Opération) qui les rémunérait au taux de fiscalité marginal de la Banque Centrale Européenne. Il semblait apparaitre un paradoxe apparent entre des besoins de financement les États et les réserves substantielles, mais brutes de la BCEAO. En réalité, cette question se décompose en deux interrogations, la première est de savoir si effectivement les réserves extérieures de la BCEAO sont excessives par rapport à leurs utilisations et la seconde étant, si tel était le cas, comment tirer profit de l'ampleur de ces réserves.
Le compte d’opération est fermé, mais la question demeure toujours de savoir que va-t-on faire de ces ressources trop fortement fantasmées en ignorance totale avec les utilisations de tels avoirs dans une Banque Centrale ?
Théoriquement, le niveau des réserves de toute Banque centrale est apprécié à partir de ratios clairement établis et qui sont de quatre ordres: (i) le respect d’un ratio des réserves rapportées à la masse monétaire, c’est le taux de couverture de l’émission monétaire dont le niveau dépend des caractéristiques institutionnelles (il est à 60%, 183% au Japon, 53% en Corée et 71% en Thaïlande, ce taux est modifiable); (ii) l’amortissement des risques de change face à la montée en puissance des forces du marché réel ou supposé, les actions individuelles des États seraient inopérantes suite à la spéculation financière), (iii) la couverture des importations la couverture de sept mois d’importation pour l’ensemble des États est modifiable et (iv) les avoirs déposés par le système bancaire caractérisé par sa surliquidité qui relève d’une optimisation des profits en fonction de la nature des crédits. Ces divers ratios conjugués montrent que le volume des réserves extérieures brutes est moins important que les chiffres faramineux avancés dans le débat. À ce montant brut, il faut soustraire le total des utilisations obligatoires, les accumulations d’arriérés extérieurs des États et les dépôts du système bancaire. C’est le surplus disponible qui formait le compte d’opération géré par le Trésor français était rémunéré par un taux de placement supérieur à celui de l’EURIBOR, du LIBOR et à certains taux d’intérêt des obligations émises par les Trésors publics des États membres.
Alors quelle serait l’affection possible des excédents (surplus ou bénéfices)? L’utilisation de ces bénéfices relève du Conseil des Ministres de l’UMOA (art 67 des statuts). J’avais postulé quatre scénarios d’emploi possibles : le premier pourrait être le transfert d’une partie des réserves extérieures restantes de la Banque Centrale aux Trésors publics des États membres. Cela reviendrait tout bonnement à faire des avances directes de la Banque Centrale aux trésors publics. Dans le passé, cette pratique s’était avérée inefficiente, le second serait la répartition des avoirs entre les États de l’Union au prorata de leurs parts respectives, dans ce cas de figure, la Cote d’Ivoire raflerait la mise, suivi du Sénégal? Certains pays auront des parts modestes et même d’autres pourraient ne rien avoir. Le troisième scénario serait l’Émission d’obligations publiques, soit à la diligence des États ou de la Commission de l’UEMOA pour financer le Programme économique Régional (PER) ce qui va consolider la gouvernance et approfondir l’intégration par le développement des infrastructures économiques, les investissements productifs, la promotion des ressources humaines et les innovations et la recherche. Le quatrième cas de figure pourrait être l’affectation d’une partie des ressources excédentaires à la BOAD qui emprunte sur les marchés externes pour prêter aux États membres.
III/ QUELLES MUTATIONS INSTITUTIONNELLES ET DE GOUVERNANCE DE LA BCEAO : QUELLES NOUVELLES MISSIONS POUR UNE BANQUE CENTRALE INDÉPENDANTE.
Selon Dominique PLIHON, « Dans leur histoire, les banques centrales ont rempli plusieurs fonctions (financement des États, stabilité économique et monétaire, etc.), 1) depuis leur création, elles ont dû évoluer pour s’adapter aux transformations de leur environnement ; 2) au cours de la seconde moitié du 20e siècle : deux générations de banquiers centraux « keynésiens » et « monétaristes » ont appliqué les mutations de leur chapelle idéologique et 3) au début du 21e siècle, elles tentent de s’adapter pour faire face à trois défis majeurs : L’instabilité financière, le changement climatique et la transition écologique (économie verte).
La principale mission de la BCEAO, prêteur en dernier ressort, demeure toujours de garantir la stabilité de la monnaie avec de nombreuses règles prudentielles (les règles de Bale) et d’assurer un certain niveau des liquidités pour lutter contre l’inflation comme objectif central (contestée par les partisans du free banking). Depuis la dure crise financière de 2007/2008, les Banques centrales ont de nouvelles missions : booster l’économie, protéger les États par des taux directeurs très bas, injecter plus de liquidités afin d’inciter les banques à accroitre les prêts. Cette mission prend du relief pour notre système bancaire caractérisé par une forte concentration de l’activité sur le court terme, l’absence de différenciation de l’offre bancaire (mêmes types de produits et de services), la présence de plus en plus affirmée de non-banques sur certains segments du marché bancaire (marchés contestables avec entrée et sortie à moindre coût, Pape Diallo, ISF, Financial Afrik). Ce système ne peut guère financer le long terme et sert des taux d’intérêt élevés.
En évaluant la courbe des taux, les rendements à court terme sont supérieurs aux rendements à long terme ce qui signifie que les banques vont arbitrer en faveur des opérations de court terme donc au détriment de l’investissement productif. Seule la BCEAO peut inverser cette évolution pour amener les rendements à long terme à un niveau supérieur à ceux du court terme. Les leviers existent par exemple l'établissement d'une corrélation entre taux directeur et taux d’intérêt, l'exonération des crédits d’investissements lourds de la TOB, la révision à la baisse ou l'élimination même des réserves obligatoires (sous réserve des recommandations de Bale 1,2 et 3). Ces missions sont celles d’une Banque centrale indépendante même s’il est vrai que la souveraineté de la Banque Centrale n’est pas inscrite dans les traditions monétaires francaises. Cette option d’autonomie de la BCEAO est réalisable progressivement par amélioration des organes d’audit, de contrôle interne de gestion et par révision de la réglementation bancaire en supprimant les multiples protections dissuasives. Le Sénégal de par sa stabilité pourrait abriter des «Banques offshore» (le premier Président sénégalais de la Chambre de commerce, Issa DIOP, avait fait la proposition au Président SENGHOR dans les années 70).
EN CONCLUSION
Les réformes à venir de la Zone Franc qui viennent d’être prises notamment le changement d’appellation, la fermeture du compte d’opération, l’éviction des représentants de la France dans les diverses instances monétaires, l’arrimage à l’euro avec une parité fixe constituent des pas importants qu’il faut articuler au projet de création d’une monnaie unique de la CEDEAO. Les autorités politiques font preuve d’un engagement renouvelé pour une mise en œuvre rapide du projet : les institutions chargées de la mise en œuvre redoublent d’effort pour une collaboration accrue; les pays membres sont plus que déterminés à accélérer ou au moins soutenir le processus de mise en œuvre; des progrès même s’ils sont insuffisants ont été faits dans le cadre du Programme de Coopération Monétaire.
En définitive, d'initiative en initiative, cette stratégie tarde à se matérialiser à cause des difficultés d’instaurer des mécanismes de convergence économique et d’harmonisation budgétaire et fiscale. Pourtant, les critères, arrêtés depuis 2000 déjà, ne sont pas très éloignés de ceux en vigueur dans l’UEMOA à savoir : l’inflation devait être réduite à 10% en 2000 puis 5% en 2003, le déficit budgétaire à 5% en 2000 et 4% en 2002, la limite maximale des avances par la Banque centrale à 10% des recettes fiscales de l’année précédente, les réserves de change de trois mois en 2000 et six mois en 2003, la pression fiscale d’au moins 20%, des investissements publics et d’au moins 20% des recettes fiscales et une masse salariale de 30% au maximum des recettes fiscales.
Ces insuffisances et d’autres ont conduit au blocage de la première phase relative à la création de la seconde zone au sein de la CEDEAO, dénommée Zone Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (ZMAO) qui est sensée regrouper des pays à indépendance monétaire, fortement asymétriques (Nigéria, Ghana, Guinée, Sierra Léone, Libéria, Cap-Vert, Gambie). Les reports successifs du lancement de cette Zone ont alimenté le pessimisme quant à la volonté politique des États de la ZMAO d'aller, comme prévu, à la fusion des différents mécanismes monétaires. Si tout cela était réglé, il faudrait finir par définir de nouvelles règles de parité entre toutes les monnaies, de convertibilité et de gestion de la monnaie centrale (KASSE, Pour un Système monétaire régional, 1994). Depuis l’élaboration de la stratégie «d'Approche accélérée de l'intégration» formulée en décembre 1999 à Lomé », les échéances sont toujours ajournées ce qui me fait dire que la monnaie unique de la CEDEAO est un véritable serpent de mer.
Par Professeur Moustapha Kassé,
Doyen honoraire, Membre de l’Académie et Officier des Palmes académiques, Commandeur de l’Ordre du Mérite universitaire