Le Pds boude la rencontre Information de taille.
L’installation du Comité de Pilotage du Dialogue National (Cpdn) prévue cette après-midi se fera sans la participation du Parti Démocratique Sénégalais (Pds). En dépit des retrouvailles entre le Président Macky Sall et son prédécesseur Me Abdoulaye Wade, les deux responsables libéraux Bara Gaye et Doudou Wade qui devaient représenter le Pds dans le Cpdn ont décidé d’adopter la politique de la chaise vide. Par cette démarche, ils veulent dénoncer l’inélégance dont a fait montre la Présidence dans le cadre de cette affaire. Selon des responsables libéraux câblés par « L’As », Me Abdoulaye Wade ainsi que ses collaborateurs n’ont pas été associés du début à la fin dans le choix de ceux qui devraient les représenter. En effet, le choix a été fait par le Front National de Résistance (Fnr) qui a confectionné, sans concertation, sa liste qu’il a envoyée à la Présidence de la République. A leur tour, les services du Palais ont validé cette liste sans prendre l’avis du Pape du Sopi et de son entourage. Face à ce comportement qu’ils considèrent comme un manque d’élégance notoire, les libéraux ont décidé de bouder la rencontre de cette après-midi. Il se dit aussi qu’ils ne veulent partager la table avec Oumar Sarr et Cie cooptés dans ce comité. Pourtant, les libéraux étaient dans les dispositions de prendre part aux concertations nationales. D’ailleurs, dans la déclaration conjointe lue par Mayoro Faye à l’issue de la rencontre entre le Président Macky Sall et le Président Wade, il avait été clairement soutenu que certaines questions seraient évoquées par le Pds et le régime au cours du Dialogue National. Malheureusement, la démarche peu cavalière du pouvoir a tout fait foirer. Rappelons que le Pds devait être représenté dans le Cpdn par Bara Gaye au titre de l’opposition et Doudou Wade au titre des personnes qualifiées.
Aly Ngouille Ndiaye désamorce la bombe
Les 1 976 familles victimes des démolitions du tracé de la troisième Voie de dégagement Nord (Vdn 03) ont décidé de suspendre leur mot de grève de la faim illimitée. La prouesse porte la signature de Aly Ngouille Ndiaye. Le ministre de l’Intérieur qui leur a accordé une visite hier les a convaincus de mettre un terme à leur diète. Le ministre de l’Intérieur, accompagné du maire de Tivaouane Peul, Papis Diop, du gouverneur Al Hassane Sall, a salué leur esprit de dépassement et leur a transmis les assurances du Président Sall.
Des exploitants de l’or arrêtés à Saraya
La Subdivision des Douanes de Kédougou a mis la main sur une bande de 7 individus de nationalité étrangère à hauteur du village de Guémédié, commune de Médina Baffé, département de Saraya. Les prévenus s’adonnaient à une exploitation clandestine de minerais. Ils ont réussi à aménager un site d’orpaillage clandestin sur la berge de la Falémé, dans un triangle non loin des frontières avec la Guinée et le Mali. En effet, sous la supervision du chef de Subdivision, Mamadou Aliou Diallo, les agents de la brigade mobile de Kédougou ont mené avec tact et professionnalisme l’opération qui a duré de la nuit du jeudi au vendredi en milieu de journée dans le site d’exploitation dénommé Sekola. Ainsi le lieutenant Sandoh Marone et ses éléments ont saisi du matériel notamment une pelleteuse excavatrice et 18 dragues servant à l’exploitation d’or. Ils sont poursuivis pour importation en contrebande de machines, utilisation frauduleuse d’engins mécaniques et exploitation clandestine de minerais. Selon le service de communication des Douanes, la bande utilise des produits nocifs, ce qui constitue un réel danger pour l’environnement et les populations d’autant plus que lesdits produits se retrouvent dans les eaux du fleuve et dans les terres environnantes détériorant du coup leur qualité. Les 7 prévenus ont été déférés au parquet de Kédougou. L’enquête suit son cours.
Moustapha Cissé Lo chez Me Wade
Après l’ancien Pm Me Souleymane Ndéné Ndiaye, c’est au tour de Moustapha Cissé Lo de rendre une visite de courtoisie à Me Wade. Le président du Parlement de la Cedeao était chez le pape du Sopi hier à Fann. Moustapha Cissé Lo retrouve son ancien mentor au moment où il entre en rébellion contre le régime du Président Macky Sall.
Khalifa Sall aussi
L’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, poursuit ses visites et rencontres entamées depuis sa sortie de prison. Après avoir rencontré plusieurs personnalités de la vie politique, sociale et religieuse du pays, il se rend ce soir chez l’ancien président de la République Abdoulaye Wade pour une visite de courtoisie. Depuis son retour de la France, Khalifa Sall a un calendrier chargé avec des rencontres et autres visites. Il y a deux jours, il avait reçu dans son quartier général les membres du collectif «Nio Lank Nio Bagne» qui protestent contre la hausse du prix de l’électricité. Avant cela, il avait échangé avec la députée Aida Mbodj et Serigne Mansour Sy Djamil. Selon ses proches, il prépare le terrain pour mettre en place une grande coalition élargie à tous les acteurs de la vie politique et social du pays.
Me Bassirou Ngom veut ressusciter l’Apr ..
En léthargie dans le département de Fatick depuis plusieurs mois, l’Apr connaît une certaine animation et la remobilisation de ses troupes. A Niakhar, les activités de la formation marron-beige se multiplient grâce au nouveau Dg de la Société Nationale de Recouvrement (SNR). Me Bassirou Ngom a pris part à différentes activités organisées à Fatick, Diakhao, Niakhar et Maronéme et s’est félicité de la présence de ses camarades dans leur fief pour communier avec la base et répondre favorablement à la demande sociale. Il a promis d’occuper désormais le terrain à travers des activités de sensibilisation et de massification de la base pour éviter que des politiques encagoulés l’envahissent et divertissent le peuple.
Sen TV, TFM et Zik Fm mises en demeure par le CNRA
Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) a mis en demeure la Sen Tv, TFM et la radio Zik Fm et leur demande de mettre définitivement un terme à la publicité des produits de dépigmentation. Avant de prendre cette décision, le CNRA dirigé par Babacar Diagne avait, par courrier en date du 04 novembre 2019, porté à la connaissance des éditeurs notamment les radios et les télévisions, l’interdiction légale de la publicité des produits cosmétiques de dépigmentation. Dans ledit courrier, le CNRA appelait les éditeurs à veiller au respect de la réglementation. Dans un communiqué, Babacar Diagne et son équipe soutiennent avoir constaté que certains éditeurs n’avaient pas agi dans le sens de respecter la règlementation, et ce malgré le courrier envoyé aux responsables des chaines et radios qui passent la publicité des produits de dépigmentation. Et le 21 novembre dernier, le CNRA a sorti un communiqué pour les sommer de prendre les dispositions nécessaires afin de mettre un terme à la diffusion de toute publicité relative aux produits cosmétiques de dépigmentation. Seulement les deux chaines de télévision privées Sen Tv et la TFM ainsi que la radio Zik Fm ont continué à diffuser des pubs faisant la promotion de ses produits interdits. Le CNRA considère ce non-respect de sa demande comme une attitude de défiance au moment où d’autres éditeurs se sont conformés à l’interdiction légale de publicité des produits de dépigmentation. Le CNRA rappelle dans le communiqué que le non-respect de cette mise en demeure expose les éditeurs concernés aux sanctions prévues par la loi.
Hamidou Diallo persécuté
Hamidou Diallo, un émigré rentré au pays crie au harcèlement. Il est en contentieux avec l’Ong Lumière. En effet, Hamidou Diallo avait été formé pour bénéficier d’un financement de la Cedeao et de l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM) à travers l’Ong Lumière. Mais depuis lors, lui et les émigrés bénéficiaires n’ont pas vu la couleur de l’argent estimé à plusieurs millions Fcfa. Diallo qui soupçonne un détournement des fonds avait réclamé la lumière à l’occasion d’une rencontre. Une sortie qui a irrité l’Ong Lumières. Le fait que Hamidou Diallo persiste dans ses accusations malgré les explications qu’elle lui a données constitue une diffamation selon l’Ong qui dit attendre toujours les fonds. Ainsi, elle a déposé une plainte à la gendarmerie qui a entendu M. Diallo avant de le placer en garde-à-vue. Mais ce dernier refuse de signer le procès-verbal d’audition parce qu’il ne s’y retrouvait pas. Devant son refus, il a été libéré avant d’être convoqué à nouveau aujourd’hui. Le coordonnateur national du Forum Civil, Birahim Seck, interpelle la Cedeao et l’OIM. Il réclame la lumière sur ces fonds destinés aux émigrés.
Un trafiquant de faune arrêté à Kédougou
Les agents des Eaux et Forêts de Kédougou, en collaboration avec les éléments du commissariat Central de Kédougou et l’appui du projet EAGLE Sénégal, ont procédé à l’interpellation d’un présumé trafiquant de faune œuvrant entre le Sénégal et la Guinée, en possession d’une peau fraîche d’un très jeune léopard abattu. Cette espèce, un des grands félins africains, est intégralement protégée au Sénégal. C’est mardi vers 13h que le présumé trafiquant de nationalité sénégalaise a été pris en flagrant délit de détention, circulation et commercialisation de la peau de ce jeune fauve. Aussitôt interpellé, il a été conduit dans les locaux du commissariat de Kédougou puis remis aux agents des Eaux et forêts pour la suite de la procédure. Il est actuellement entendu pour les faits qui lui sont reprochés.
COUP DE PROJECTEUR SUR LA HAUSSE DES PRIX DE L’ÉLECTRICITÉ
L’augmentation entrée en vigueur en décembre 2019 ne remet pas en cause la thèse selon laquelle l’actuel ministre du pétrole a donné à la Senelec un souffle nouveau - La baisse de 10% intervenue en 2017 était d’un point de vue économique injustifiée
Si la hausse des prix de l’électricité a été aussi vigoureusement récusée, c’est parce qu’elle était, pour dire le moins, inattendue par les populations. En effet, ces dernières années le gouvernement s’est beaucoup targué d’avoir remis la Senelec, longtemps dans les ténèbres, sur les rails, et d’avoir mis fin aux délestages qui, des années durant, furent un véritable calvaire pour les populations. Pour rendre le gâteau encore plus appétissant, une baisse des tarifs de 10% est décidée le 01/05/2017 par le gouvernement. Comme beaucoup de sénégalais, je fus très surpris tant les exploits de Mouhamadou Makhtar Cissé à la tête de la Senelec ont été chantés. Ma curiosité m’a alors poussé à m’intéresser de plus près à la question. De mes recherches, il ressort que cette hausse ne remet en cause ni la bonne santé financière de la Senelec, ni les résultats de Mouhamadou Makhtar Cissé, et que la baisse de 10% intervenue en 2017 était d’un point de vue économique injustifiée.
Le fonctionnement de la Senelec…
Une situation financière solide de la Senelec n’est pas incompatible avec une hausse des prix de l’électricité car la Senelec ne résonne pas en termes de bénéfices mais en termes de revenus. Hormis les consommateurs, trois acteurs majeurs interviennent dans le secteur de l’électricité. Il y a l’Etat du Sénégal et la Senelec qui sont liés par un contrat de concession. Entre les deux, il y a la commission de régulation du secteur de l’électricité (CRSE) instituée par la loi 98-29 du 14 Avril 1998, qui joue le rôle de régulateur et dont l’une des missions est de veiller à la préservation des intérêts des consommateurs et d’assurer la protection de leurs droits pour ce qui concerne le prix, la fourniture et la qualité de l’énergie électrique. Ainsi, chaque année, la commission fixe à la Senelec un revenu maximum à atteindre (RMA) dans l’année mais à ne pas dépasser, c’est-à-dire le montant des recettes que la Senelec doit faire dans l’année. Ce revenu est calculé de façon à garantir la viabilité économique et financière de la Senelec tout en préservant les intérêts des consommateurs. Il prend en compte plusieurs facteurs comme les investissements que la Senelec compte réaliser dans l’année, l’évolution des prix à la consommation, l’évolution des prix des combustibles, etc. A côté de ce revenu à atteindre qui lui est fixé par la commission, la Senelec estime les recettes qu’elle va faire dans l’année si les tarifs en vigueur sont maintenus.
Si les recettes estimées sont inférieures au revenu maximum à atteindre, l’article 36 du contrat de concession autorise la Senelec, sous certaines conditions, à demander une augmentation des tarifs, même si elle projette un résultat (bénéfice) positif. Cette augmentation doit être validée par la commission. Les nouveaux tarifs seront ceux qui vont permettre à la Senelec d’atteindre le revenu maximum autorisé. Si par le biais de la commission, le gouvernement s’oppose à l’augmentation des tarifs, il devra verser à la Senelec une compensation financière correspondant au manque à gagner. En revanche, si les recettes estimées sont supérieures au RMA, une baisse des tarifs est à envisager, ou alors le trop-perçu est à déduire du revenu de l’année suivante. Depuis le 1er Janvier 2017, les tarifs en vigueur n’ont pas permis à la Senelec d’atteindre son revenu. En d'autres termes, depuis le 1er Janvier 2017, les sénégalais n'ont pas payé le plein tarif de l'électricité. A titre d’exemple, le revenu maximum autorisé de la Senelec en 2017 est de 407 milliards 407 millions de F CFA, les recettes réalisées sont de 338 milliards 986 millions de FCFA et le manque à gagner est de 68 milliards 421 millions de F CFA. Le gouvernement du Sénégal a versé à la Senelec 57 milliards 215 millions de F CFA en guise de compensation. Les 11 milliards 205 millions de F CFA restant ont été ajoutés au revenu autorisé de 2018.
La hausse des prix…
En 2019, la commission a calculé un revenu maximum à atteindre par la Senelec de 487 milliards 974 millions de F CFA pour des recettes estimées à 386 milliards 238 millions de F CFA. Il en résulte un manque à gagner de 101 milliards 736 millions de F CFA sur l’année. Le gouvernement a versé une compensation financière d’environ 89 milliards de F CFA au titre des premier, deuxième et troisième trimestre. Le manque à gagner imputable au quatrième trimestre est évalué à 12 milliards 191 millions de F CFA. La Senelec a demandé que ce montant soit comblé par un ajustement tarifaire ou par une compensation du gouvernement. En date du 15 Novembre 2019, le gouvernement a signifié à la commission qu’il prenait en charge 9 milliards 720 millions de F CFA et qu’il répercutait 2 milliards 462 millions de F CFA sur les consommateurs, ce qui correspond à un ajustement tarifaire de +10% pour les clients basse tension exceptée la 1ère tranche et de +6% pour les clients haute et moyenne tension. Cette hausse résulte donc du refus du gouvernement de combler intégralement le manque à gagner.
La baisse de 2017….
Lors de son discours à la nation prononcé le 31/12/2016, le président de la république Macky Sall a annoncé une baisse de 10% des tarifs de l’électricité. Même si les recettes enregistrées par la Senelec en 2016 étaient supérieures au revenu autorisé en 2016, les tarifs en vigueur au 1er Janvier 2017 ne permettaient pas à priori à la Senelec d’atteindre son revenu autorisé en 2017. En effet, les calculs au 1er Janvier 2017 projetaient un manque à gagner de 21 milliards 354 millions de F CFA. Plutôt qu’une baisse des tarifs, il fallait s’attendre à une hausse. La baisse de 10% était donc d’un point de vue économique injustifiée. D’aucuns pensent qu’il s’agissait d’une baisse électoraliste. Le gouvernement aurait dû maintenir les tarifs à leur niveau et compenser le manque à gagner d’alors et ceux à venir. Cela d’autant plus que le cours du pétrole repartait à la hausse et que cela présageait d’un manque à gagner de plus en plus élevé. En d’autres termes, il vaut mieux maintenir durablement les tarifs à leur niveau que de les baisser pour les augmenter deux ans plus tard.
Mouhamadou Makhtar Cissé….
Nous avons vu que même si la Senelec projette un résultat positif (bénéfice), tant que son revenu n’est pas atteint, une augmentation des tarifs n’est pas à exclure. Par conséquent, l’augmentation entrée en vigueur le 1er Décembre 2019 ne remet pas en cause la thèse selon laquelle l’actuel Ministre du pétrole et des énergies a donné à la Senelec un souffle nouveau. A la lecture du rapport annuel 2017 de la Senelec, on s’aperçoit que Mouhamadou Makhtar Cissé a effectivement redoré le blason de la Senelec. D’une puissance installée de 886 mégawatts en 2015 la Senelec est passée à 1024 mégawatts en 2017. D’un résultat de 12 milliards de F CFA en 2015, elle est passée à 36 milliards de F CFA en 2017, soit une augmentation de 200% contre une augmentation de 30,22% du chiffre d’affaire.
L’augmentation annuelle des salaires est une nécessité…
A la lecture des documents mis à la disposition du public par la CRSE, on remarque que depuis 2015 le revenu autorisé de la Senelec ne cesse d’augmenter d’année en année, ce qui devrait logiquement conduire à une augmentation des tarifs chaque année. Cette augmentation annuelle du revenu autorisé de la Senelec est en partie due à l’inflation (augmentation du niveau général des prix). Pour que les populations puissent supporter l’inflation, il faut que leurs revenus augmentent avec un taux au moins égal au taux d’inflation. Pour le cas de la Senelec, cette analyse est un peu caricaturale puisqu’il y a d’autres facteurs qui influent également sur le revenu autorisé de la Senelec. En tout état de cause, si les salaires restent au même niveau alors que le taux d’inflation est positif, il en résulte une baisse de pouvoir d’achat pour les populations qui n’arriveront donc pas à supporter l’augmentation des prix, tous secteurs confondus, en particulier ceux de l’électricité.
Une interrogation demeure…
Une problématique importante qui n’est pas abordée dans cet article est : pourquoi le revenu autorisé de la Senelec est passé de 325 milliards 915 millions de F CFA en Décembre 2016 à un montant estimé à 487 milliards 974 de F CFA au 1er Octobre 2019. Difficile de répondre à cette question sans avoir accès aux détails du calcul effectué par la Senelec et certifié par la CRSE. Même si le cours du pétrole a globalement une tendance à la hausse depuis Décembre 2016, la vitesse de croissante est tout de même assez vertigineuse.
SODAV, UNE PISTE PAR LE MEDI’ARBITRAGE
C'est une nouvelle vision de prise en charge de la carrière des artistes et créateurs dans un contexte de révolution technologique où les marchés physiques cohabitent avec les marchés virtuels dans cette économie globalisée
Depuis un certain temps, des membres de la communauté des créateurs d’oeuvres, s’en ont pris à la SODAV. Même le ministre de tutelle, s’est aussi prononcé sur la SODAV. Entre dirigeants de la SODAV, artistes et la tutelle, c’est donc la parfaite incompréhension, avec en toile de fond, des sous-entendus et des malentendus. La Médi’arbitrage (contraction entre Médiation et Arbitrage), pourrait devenir pour la SODAV, les artistes et la tutelle, un mécanisme additif et complémentaire dans la protection des Droits d’auteurs.
Dans le monde des affaires, des appréciations divergentes sur les clauses du contrat peuvent intervenir. En de telle situation et dans un contexte de libéralisation et de déréglementation du système commercial mondial où la tendance mondiale dans la pratique des affaires de l’économie globalisée tend plus vers la Norme dans sa souplesse que dans la règle de droit dans sa rigidité (montant bloqué, honoraires d’avocat, préjudice sur la durée), le Médi’Arbitrage (Médiation et Arbitrage) apparaît à la fois comme un mécanisme additif et complémentaire à la SODAV (Société de Gestion Collective), dans la protection et la défense des intérêts des créateurs sur leurs droits d’auteurs, leurs droits patrimoniaux, leurs droits moraux, leurs droits de suite, leurs droits de prêt et/ou leurs droits d’exposition, hormis leur protection dite automatique.
Dans cette perspective, la Médiation devient une sorte de recherche de solutions à des divergences d’interprétation (incompréhension, différence de traduction) des termes du contrat de part et d’autres des co-contractants. Ainsi, le Médiateur a pour mission de mettre à jour la volonté des parties, les accompagne en les aidant à trouver une solution commune car il n’est pas une force de proposition.
Quant à l’Arbitrage, encadré par les accords de New York (1958) et pratique usitée par les professionnels du Droit, il a pour objectif de désengorger les Cours et tribunaux, tout en gardant dans l’esprit, une approche juridique du litige avec une sentence donnée selon la loi, le tout dans une rapidité des procédures remarquables et définitives en termes de délai. L’autre avantage compétitif et comparatif du Médi’Arbitrage est le fait que c’est un (le) mécanisme par excellence de règlement des litiges commerciaux nationaux et surtout internationaux, aussi bien en phase pré-contentieuse que contentieuse.
Mais aussi et surtout, le Médi’Arbitrage est une nouvelle vision de prise en charge de la carrière des artistes et créateurs dans un contexte de révolution technologique où les marchés physiques cohabitent avec les marchés virtuels dans cette économie globalisée où l’Art est (aussi) Économie et l’Économie est (aussi) un Art. Par exemple, dans un environnement marqué par un morcellement dans les métiers des Arts visuels (Artisanat, Arts décoratifs, Arts plastiques), le Médi’Arbitrage (Médiation & Arbitrage) devient un levier de protection des artistes créateurs sur les marchés mondiaux, à côté de la Société de Gestion Collective plus orientée marché domestique (local).
Ainsi, le Médi’Arbitrage devient un levier complémentaire qui permet d’établir une traçabilité des droits d’auteurs, permettant à son créateur de percevoir ses droits sur toutes les transactions commerciales de ses œuvres, sur les marchés domestiques, régionaux comme mondiaux. Le Médi’Arbitrage permet aussi à l’artiste, au créateur, de se consacrer et de se concentrer sur ce qu’il sait le plus et le mieux : la création. Parce que ses intérêts pécuniaires et ses perspectives de carrière sont en de bonnes mains.
Le Médi’Arbitrage, mécanisme de l’en amont, pro-actif et la SODAV (Société de Gestion Collective) institution de l’en aval, plus volontariste, plus audacieuse et plus entrepreneuriale, permettent donc de manager la carrière (et la vie) de l’artiste et du créateur, comme on manage la carrière des plus grands sportifs de ce monde (Messi, Federer, LeBron James). De bout en bout…
Siré Sy est président du Think Tank Africa WorldWide Group
LA LITTÉRATURE, FERMENT DES INDÉPENDANCES AFRICAINES
En 1960, 17 pays africains accédaient à l’indépendance. Les écrivains et les intellectuels furent les ferments des mouvements de ces émancipations. Retour sur un siècle de lettres africaines, de langue française et leurs liaisons complexes avec la société
En 1960, il y a six décennies, 17 pays africains accédaient à l’indépendance. Les écrivains et les intellectuels furent les ferments des mouvements qui ont conduit à ces émancipations. Retour sur un siècle de lettres africaines, de langue française et leurs liaisons complexes avec la société et la politique.
« Quand on fait le bilan des indépendances, le seul élément de fierté que nous puissions avoir, c’est notre littérature », aime dire le critique littéraire Boniface Mongo-Mboussa. Un constat qui fait l’unanimité parmi les éditeurs et les observateurs des lettres africaines.
Cette fierté est pleinement justifiée, selon Jean-Noël Schifano, directeur de la prestigieuse collection « Continents noirs » aux éditions Gallimard. « Continents noirs » fêtera en 2020 ses 20 ans d’existence avec à son actif une foultitude de découvertes prestigieuses qui vont de la Mauricienne Nathacha Appanah à la Rwandaise Scholastique Mukasonga, en passant par Aminata Haïdara, Théo Ananissoh, Ousmane Diarra, Libar Fofana, Kofi Kwawuleh, pour ne citer que ceux-là.
Pour Jean-Noël Schifano, la littérature africaine est « une pointe de diamant de la littérature universelle ». L’éditeur s’appuie sur la qualité et l’inventivité des auteurs de sa collection pour justifier sa fierté d’avoir publié 51 auteurs en l’espace de deux décennies. « Je publierai le 120e ouvrage pour les 20 ans de la collection : c’est un enthousiasme qui continue », ajoute-t-il.
La décolonisation des esprits
La littérature africaine est aujourd’hui centenaire. L’ancienneté de sa tradition n’est sans doute pas étrangère au succès d’estime qu’elle connaît et à l’enthousiasme qu’elle suscite. En 2021, on célèbrera le centenaire de l’attribution du prix Goncourt à Batouala(Albin Michel) de René Maran, qui portait le sous-titre « véritable roman nègre ». Ce roman sous la plume d’un haut fonctionnaire colonial franco-guyanais en poste à Oubangui-Chari, l’actuelle Centrafrique, marque le début de la littérature africaine francophone.
Batouala est le premier roman qui donne aux Africains le soin de parler de l’Afrique. C’est une parole critique, qui dénonce l’exploitation coloniale et la sous-humanisation du colonisé. Ce roman préfigure le mouvement de la Négritude. Ce mouvement théorique et poétique naît dans les années 1930. En redonnant sa dignité à l’homme noir, Il prépare les indépendances survenues dans les années 1960 pour de nombreux pays du continent.
Or, « cette renaissance sera moins le fait des politiques que des écrivains et des artistes nègres », disait Senghor. Une affirmation que contextualise Jacques Chevrier (1), ancien professeur à la Sorbonne de littératures africaines : « Ce mouvement des intellectuels et des écrivains a joué un rôle important dans la prise de conscience identitaire de l’homme africain. Les écrivains ont pris la parole et ont défini la perspective qui était la leur à l’époque. C’était une perspective de décolonisation matérielle et surtout celle des esprits. »
Pour la romancière camerounaise Kidi Bebey (2), rien n’illustre mieux ce travail de sape intellectuelle de la colonisation que l’action menée pas Senghor lui-même. « On a beaucoup critiqué Senghor pour des contenus souvent essentialistes de ses textes, affirme-t-elle.Mais il était vraiment le précurseur du mouvement de libération intellectuel et politique qui s’est engagé à la fin de la période coloniale. »
« Ce n’est pas un hasard si, devenu président du Sénégal, l’une de ses premières actions a consisté à organiser, à Dakar en 1966, le festival mondial des arts nègres, réunissant des personnalités noires venues du monde entier, de l’Afrique, mais aussi des États-Unis, des Antilles ou de la Guyane, rappelle la romancière. Il s’agissait de rappeler la filiation, les liens ancestraux entre toutes ces personnes et de montrer à quel point la force de la puissance culturelle africaine avait été niée par la colonisation. Pour Senghor, la reconstruction nationale africaine passait par le rétablissement de cette puissance dans toute sa vérité et son affirmation face au monde entier. »
L’ère du soupçon
Outil de libération politique pendant la période coloniale, la littérature africaine a continué de jouer, après les indépendances, son rôle critique, mettant à nu l’imposture postcoloniale et son cortège d’infamies, à travers le miroir grossissant, néanmoins fidèle, de l’imaginaire.
La période post-1960 se caractérise par une véritable explosion des productions littéraires africaines. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que la littérature africaine francophone connaît son essor pendant la période postcoloniale, lorsque la France se retire du continent en tant que puissance colonisatrice. C'est également vrai pour les littératures de l’Afrique anglophone. Les écrivains ont su être des témoins de l’histoire en train de s’écrire, mettant leurs œuvres au diapason avec les grandes questions qui traversent leurs nations naissantes : le statut de la femme, la polygamie, les dictatures, les traditions, les enfants-soldats ou la migration.
« Il y a un tournant après les indépendances qui marque la fin de la négritude, et l’émergence des nouvelles voix dénonçant ce qu’on peut appeler "l’imposture coloniale", rappelle Jacques Chevrier. Cette tendance est illustrée par L’État honteux (Seuil)de Sony Labou Tansi, sans doute l’un des romans africains les plus marquants de ces années. C’est cet “État honteux” que décrit aussi Ahmadou Kourouma dans son roman Les Soleils des indépendances (Seuil) paru en 1968. C’est une société violente et brutale que met en scène Kourouma dans son opus, devenu un grand classique africain. Le personnage central du roman, c’est Fama qui est un prince déchu, déclassé, et qui comprend que les indépendances ont été un leurre, qu’on a trompé les gens et que finalement la nouvelle société n’est pas meilleure que la précédente. Elle est peut-être pire. »
Malgré cette charge dissidente, les littératures africaines contemporaines ne peuvent être réduites à leur dimension d’engagement. Celles-ci se caractérisent aujourd’hui par leur grande diversité d’inspiration. Elles puisent leurs thématiques dans les maux de la société ainsi que dans des parcours individuels d’ici et d’ailleurs. Parmi les exemples les plus récents, on pourrait citer celui du Djiboutien Abdourahman Waberi dont l’avant-dernier roman La Divine chanson (Zulma) est consacré à la vie du musicien noir américain Gil Scott-Héron. Le Togolais Sammy Tchak nous entraîne en Amérique latine avec son roman Filles de Mexico (Mercure de France).
La littérature africaine s’est ouverte au monde, parle au monde, tandis que sur le plan esthétique, elle s’est attachée à inventer des poétiques nouvelles en se libérant des modèles littéraires occidentaux. Elle a également pris ses distances par rapport aux préoccupations politiques des pères fondateurs des lettres africaines qui sommaient les écrivains à assumer leurs responsabilités en faisant de leurs œuvres des « accoucheurs de l’Histoire » et des « inventeurs d’âmes ».
« Cette indépendance que revendiquent aujourd’hui les écrivains africains est le résultat d’un long cheminement intellectuel et littéraire, remarque Kidi Bebey. Il a fallu attendre les années 1980 avec des auteurs comme Sony Labou Tansi pour voir la littérature sortir de la référence et la déférence obligatoire à la langue française de France et aux modèles occidentaux. C’est aux deuxième et troisième générations d’écrivains qu’on doit cette liberté qui caractérise la littérature africaine contemporaine. »
Un vent de liberté souffle aujourd’hui sur les littératures africaines. Si les indépendances furent le produit de la littérature, les auteurs se sont inspirés à leur tour de l’esprit de l’indépendance pour affirmer leur originalité et renouveler radicalement leur inspiration.
1. Jacques Chevrier est l’auteur de plusieurs ouvrages de présentations de littératures africaine : Littérature nègre ( A. Colin, 1re éd. 1974), L'Arbre à palabres. Essai sur les contes et les récits traditionnels d'Afrique noire (Hatier), Les Blancs vus par les Africains (éditions Favre), Williams Sassine, écrivain de la marginalité (éditions du Cerf), Littératures d'Afrique noire de langue française (Nathan), Littératures francophones d'Afrique noire (Edisud)
2. Mon royaume pour une guitare, par Kidi Bebey. Editions Michel Lafon, 2016 (disponible en poche Pocket)
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
NDONGO SAMBA SYLLA : MONNAIE, OUTRAGES ET DÉFIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Sa lecture du contexte économique africain, ses perspectives historiques et politiques, fait de son expertise une matière très prisée - Entretien avec l’un des intellectuels africains les plus en vue - INVENTAIRE DES IDOLES
Ndongo Samba Sylla est l’un des intellectuels africains les plus en vue actuellement. L’économiste sénégalais, 4 fois champion du monde de scrabble, s’est notamment distingué par ses positions sur le franc CFA, à la fois humanistes et radicales. Auteur avec Fanny Pigeaud du livre L’arme invisible de la Françafrique, une histoire du franc CFA (2018), mais également de La Démocratie contre la République (2015) et de Le scandale commerce équitable (2013), le pensionnaire de la fondation Rosa Luxemburg ne rechigne jamais à débattre. Fort d’un mentor comme l’économiste franco-égyptien Samir Amin, et d’un ancrage à gauche, il milite pour une sortie du CFA par voie unitaire ou collégiale. Sa lecture du contexte économique africain, dans la dynamique mondiale, ses perspectives historiques et politiques, fait de son expertise une matière très prisée à l’international. Des analyses nourries par ses fondations africaines et ses ouvertures. Discret mais déterminé, il accompagne les vœux de souveraineté du continent et souhaite une économie plus soucieuse de la vie et de la dignité humaine. A l’heure où le continent est au carrefour de plusieurs enjeux, avec le risque pour les économistes d’être mobilisés par les seules questions du « symbole » concernant la question de la monnaie, il élargit le champ dans notre échange. C’est une vision plus globale et plus ambitieuse que promeut Ndongo Samba Sylla sur les questions du libéralisme, de l’industrialisation, des devanciers, de l’informel, de la monnaie, de la Françafrique, de la littérature existante sur le sujet…. Il n’est pas à l’abri de faire dans la contradiction et certaines de ses visions ne font pas l’unanimité. Il n’a pas souhaité le principe d’un portrait que nous lui avons proposé, préférant « parler de ses idées plutôt que de lui ». Voici donc notre entretien, réalisé avant l’annonce commune d’Emmanuel Macron et d’Alassane Ouattara de la sortie du CFA et de l’adoption de l’ECO.
Vous avez écrit avec la journaliste Fanny Pigeaud L’arme invisible de la Françafrique, concernant le CFA dont vous retracez l’histoire. Vous voyez la monnaie comme le symbole même de la survivance des liens coloniaux et l’une des thèses de votre livre, c’est que « stabilité supposée » que garantirait l’actuelle monnaie, contre-argument que vous opposent les tenants de la continuation dans la même formule, n’a pas permis le développement des pays de la zone. Par quelle mécanique à votre avis, les difficultés économiques que rencontrent les Etats sont le fait du CFA ? Dans quelles proportions ?
Dans notre livre, Fanny et moi avons eu pour objectif de raconter une histoire du franc CFA que tout le monde peut comprendre. Vraiment tout le monde. C’est le défi que nous nous sommes assigné : déconstruire le franc CFA et en particulier l’idée que la monnaie est un sujet trop technique pour être accessible au commun des mortels. Politiser la question du franc CFA requiert donc de la démystifier et de faire preuve de pédagogie. Ce que nous croyons avoir fait, au regard des nombreux feedbacks positifs que nous avons reçus jusque-là et au regard du fait que notre livre, déjà traduit en italien, sera publié l’année prochaine en anglais et en mandarin.
Fanny et moi montrons que le franc CFA est un dispositif politico-monétaire mis en place en 1945 par une France ruinée en vue de faire participer ses colonies africaines à son effort de reconstruction économique. Au moment des indépendances, à l’exception de la Guinée, la France réussit à maintenir tous les territoires de l’ex AOF et de l’ex-AEF sous son giron au moyen des « accords de coopération ». Ces accords qui concernaient des domaines de souveraineté – monnaie, diplomatie, commerce extérieur, enseignement supérieur, aviation, matières premières, etc. – revenaient de la part de la France à priver de substance l’« indépendance » qu’elle avait concédée. Ainsi, par exemple, jusqu’à la fin des années 1960, ces pays ne pouvaient pas importer des voitures ou des réfrigérateurs hors de la zone franc sans l’aval du gouvernement français ! Et, bien entendu, les banques centrales étaient à cette époque basées à Paris avec un staff français. L’« africanisation » du personnel des banques centrales et le transfert de leur siège sur le continent a eu lieu à partir du milieu des années 1970. Mais jusqu’à l’heure actuelle elle a laissé le système CFA intact dans ses fondements, ses mécanismes, sa gestion et ses objectifs.
La zone franc, qui se résume pour l’essentiel aujourd’hui aux deux blocs qui utilisent le franc CFA, a été conçue comme une annexe économique de la France. Elle est censée favoriser l’approvisionnement bon marché de la France en matières premières, le libre transfert de surplus économiques vers la métropole (l’extérieur) sans risque de change et avec l’assurance que ces sorties financières ne seront pas interrompues par une pénurie de devises.
La première raison pour laquelle le franc CFA est un mécanisme de sous-développement est d’ordre politique. Comme la France contrôle la politique monétaire et de change des pays qui utilisent le franc CFA (qui fut en réalité un franc français déguisé et maintenant un euro déguisé), elle contrôle donc la politique et l’économie des pays africains. En effet, celui qui contrôle la monnaie détermine ce qui est produit, le volume de l’emploi ainsi que les conditions de financement de l’activité économique domestique. Quelle raison la France aurait-elle d’aider les pays africains à s’industrialiser et à se développer ? Si elle voulait le faire, elle ne leur aurait pas privé de souveraineté monétaire. D’ailleurs, a-t-on déjà vu un bloc de pays anciennement colonisés se développer sous la férule bienveillante de leur ex-métropole ?
La seconde raison est d’ordre économique. Dans la zone franc, comme l’ont si bien analysée Samir Amin et Joseph Tchundjang Pouemi, la monnaie est gérée au service de l’extraversion coloniale. C’est-à-dire : pas de financement pour les activités intérieures, le crédit est accordé pour les produits d’exportation désirés par la métropole et pour créer un débouché pour les produits métropolitains, le taux de change est maintenu à un niveau artificiellement élevé, pas de liens commerciaux solides entre les pays partageant le franc CFA, les surplus économiques locaux sont transférés vers l’extérieur, etc. De sorte que l’on peut dire que le franc CFA a été et demeure d’abord et avant tout un instrument de protection des intérêts français.
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les pays de la zone franc aient pour la plupart stagné sur le long terme. La Côte d’Ivoire qui est le pays le plus important dans la zone franc avait en 2016 un PIB réel par habitant inférieur d’1/3 à son meilleur niveau obtenu en 1978 ! Le Sénégal en 2016 avait le même PIB réel par habitant qu’en 1960. Le constat est valable pour la majorité des pays de la zone franc qui ont également les performances les plus faibles au monde sur les indicateurs de santé et d’éducation.
A l’heure actuelle, si des pays de l’UMOA enregistrent des taux de croissance importants, cela est plus dû à une bonne conjoncture internationale qu'à leur dynamisme intrinsèque. Il faut d’ailleurs préciser que cette croissance, dans de nombreux cas, rattrape les décennies perdues antérieurement sur le volet économique. Elle est associée à une faible création d’emplois décents et à des transferts massifs de revenus sous la forme de profits rapatriés et de paiements d’intérêts sur la dette.
L’obtention d’un taux de croissance économique élevé n’est pas synonyme de développement. Le développement suppose une maîtrise des conditions de l’accumulation interne. Si vous ne maîtrisez pas votre système monétaire et financier, comment pouvez-vous espérer avoir une politique de développement cohérente ?
Dans votre ouvrage qui paraît être une charge contre la Françafrique, de chapitre en chapitre, il y a une forte pénétration historique ; de l’histoire de la monnaie à ses implications techniques, de ses modes de fonctionnements, à l’intervention récurrente de Paris pour la maintenir. D’où l’usage de votre titre l’arme invisible. N’est-elle pas finalement très visible cette arme, compte tenu des liens réels et peu confidentiels de cette relation ? Que gagne la France économiquement, au-delà de la question de l’influence, à garder ou imposer une monnaie ? Quel apport à l’économie française ?
La meilleure manière de répondre à cette question sans entrer dans des polémiques est de citer un rapport d’évaluation de la zone franc réalisé par le Conseil économique et social français en 1970. Ce rapport listait cinq avantages « indéniables » du maintien du franc CFA.
Tout d'abord, la France peut acheter dans sa propre monnaie et à crédit tous les biens et services vendus dans les pays de la zone franc. C'est un avantage qui a été historiquement important et qui a lui permis d’économiser ses réserves de change.
Le deuxième avantage est que les entreprises et les produits français bénéficient de débouchés importants et stables en zone franc. Mais c'est de moins en moins le cas depuis les années 2000 avec l'émergence de la Chine comme premier partenaire commercial de la plupart des pays francophones.
Le troisième avantage est que la France bénéficie d'un excédent commercial avec les pays de la zone franc, qui lui fournissent également des réserves de change importantes qui ont parfois été utilisées pour payer la dette française.
Quatrième avantage : les entreprises françaises sont assurées de pouvoir rapatrier leurs revenus et leurs capitaux librement et sans risque de change grâce à la politique de libre transfert et au fait que la France décide de la politique monétaire et de change en zone franc.
Enfin, grâce au franc CFA, la France a un système de contrôle politique qui sert ses intérêts économiques et qui a le mérite de ne rien lui coûter puisque sa prétendue « garantie » de convertibilité a rarement été effective. En dehors de ses fonctions économiques, le franc CFA est donc une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des chefs d’Etat africains, comme Laurent Gbagbo l’a appris à ses dépens en 2011.
Vous pointez dans votre livre, de manière très rapide, la question du déficit d’industries qui puissent porter les économies de la zone. Comment expliquez-vous ce constat d’une économie qui s’est peu transformée ? Quelle responsabilité revient aux gouvernants, aux économistes, aux élites en charge de la réflexion et de la mise en œuvre des plans ?
Les pays africains avaient fait certains progrès en matière d’industrialisation entre 1960-1980. Ces progrès ont été réduits à néant avec la mise en œuvre des plans d’ajustement structurel au début des années 1980. De sorte qu’à l’heure actuelle la plupart des pays africains demeurent des exportateurs de produits primaires. Ce qu’il y a de particulier dans le cas des pays qui utilisent le franc CFA est que l’industrialisation est un objectif tout simplement inatteignable.
Le maintien de la parité fixe avec la monnaie française (franc français puis euro) a pour contrepartie un faible financement des économies de la zone. Or, sans financement des PME-PMI, comment l’industrialisation serait-elle possible ? On ne connaît pas d’expérience d’industrialisation sans un engagement actif des banques centrales pour faciliter l’accès des « champions » nationaux et des PME-PMI à des taux d’intérêt abordables. A la différence des banques centrales « agents de développement », la BCEAO et la BEAC sont plutôt des « agents de l’extraversion économique » de nos pays. Elles n’ont aucun objectif de développement : elles se contentent de juste de faire en sorte de maintenir vaille que vaille la parité du franc CFA avec la monnaie française. A l’heure actuelle, ceci se traduit pour certains pays de la CEMAC par une croissance nulle de l’offre de crédits bancaires !
Par ailleurs, quand vous ne maîtrisez pas l’évolution du taux de change de votre monnaie, vous ne pouvez pas avoir une stratégie d’industrialisation cohérente à moyen terme. Les travaux de la BCEAO elle-même montrent que le franc CFA a été une monnaie forte qui a handicapé les exportations entre 1960 et 1994, année où le franc CFA a été dévalué de 50% vis-à-vis du franc français pour retrouver de la compétitivité. En 1999, l’euro remplace le franc français. Entre 2002 et 2008, en raison de son arrimage à l’euro, la valeur du franc CFA augmente graduellement de plus de 90% vis-à-vis du dollar, la monnaie dans laquelle nous recevons nos recettes d’exportation. Résultat : les exportations des pays africains sont handicapées. Beaucoup de filières agricoles avaient fait des pertes durant cette période car leurs recettes d’exportation en dollar perdaient de la valeur quand elles étaient converties en francs CFA.
Quand les Européens eux-mêmes, et le gouvernement français à leur tête, admettent que l’euro a tué les industries des pays les plus faibles, pourquoi s’attendre à ce que l’arrimage du CFA à l’euro ait des conséquences différentes pour nos pays ?
Donc, pas de financement d’un côté ; pas de possibilité d’exporter des produits compétitifs de l’autre en raison de la cherté du franc CFA. Ajoutez à cela les politiques de libéralisation commerciale (baisse des barrières tarifaires et non-tarifaires sur les importations), vous obtenez le résultat que nous voyons au Sénégal : tout est importé et cher et rien n’est produit sur place qui soit assez sophistiqué pour pouvoir être exporté à l’étranger.
Au-delà de ces constats, ma conviction est qu’une vraie politique d’industrialisation doit faire l’objet d’une concertation au niveau continental ou au moins au niveau régional. C’est une illusion de croire que le Sénégal, la Côte d’Ivoire, etc. peuvent chacun s’industrialiser séparément. Il est temps de relire Cheikh Anta Diop et Kwame Nkrumah.
Votre livre intervient dans un champ où la littérature est déjà abondante. Vos thèmes et vos développements enrichissent une base déjà présente, qu’il s’agisse de la critique de la Françafrique ou même de la monnaie. Que pensez-vous des travaux de Samir Amin du CODESRIA et de la nécessité pour l’Afrique d’inventer un moyen de développement endogène, qui s’émancipe du libéralisme ? En quoi, économiquement, pourrait-on aboutir à des recettes purement africaines dans un monde globalisé ?
Samir Amin est un GÉANT. Si le prix Nobel d’Economie était ouvert aux économistes hétérodoxes/radicaux, il l’aurait obtenu. A mon avis, on ne peut pas parler de manière convaincante des raisons du sous-développement (concept différent de celui de « pauvreté ») de l’Afrique et des stratégies pour en sortir si on ne passe pas par la case « Samir Amin ». Non pas que ce qu’il a écrit serait parole d’évangile mais que seule une confrontation fructueuse avec sa pensée et celle d’autres illustres économistes du Sud Global comme lui peut nous permettre de sortir de l’ornière.
Malheureusement, les étudiants dans les facultés d’économie en Afrique sont abreuvés depuis près de quatre décennies du poison intellectuel de l’économie orthodoxe. Leurs enseignants et eux-mêmes ignorent souvent les travaux de penseurs comme Samir Amin. Aussi, ce n’est pas une surprise si nos universitaires se sont pour la plupart alliés aux Institutions Financières Internationales, soit objectivement par des contrats de recherche ou subjectivement – par la reprise non-critique de leurs approches. Ceci a généré une sorte de Groupthink qui justifie en permanence des politiques économiques qui se font au détriment de l’écrasante majorité de nos populations.
Au mois de novembre passé, à Tunis, le nom de Samir Amin est revenu à de nombreuses reprises lors d’une conférence internationale portant sur le thème de la souveraineté économique et monétaire de l’Afrique qui a rassemblé un aréopage d’économistes venus des quatre coins du monde. Faisant écho à Amin, les participants ont dans leur grande majorité convenu de la nécessité de la « déconnexion » de l’Afrique vis-à-vis du système capitaliste mondialisé. La déconnexion, un thème cher à Amin, ne signifie pas autarcie/repli sur soi mais une inversion des relations globales : c’est au système mondial de s’adapter aux besoins et priorités des pays en développement et non le contraire.
Samir Amin peut aussi être considéré comme le père intellectuel des mouvements contre le franc CFA. Il est l’un des tout premiers intellectuels africains à avoir posé le débat économique sur le franc CFA à travers ses publications académiques et ses activités militantes. A la fin des années 60 et au début des années 1970, il a notamment œuvré aux côtés du président nigérien Hamani Diori pour une sortie collective des pays de l’UMOA du franc CFA et pour une coopération monétaire poussée entre les pays de la CEDEAO. Son plan de sortie, qui n’a pas pris une ride pour ce qui est de sa pertinence, a été accepté par tous les pays de l’UMOA, à l’exception du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et de la France bien entendu. C’est une histoire peu connue que je raconte dans un texte qui sera publié prochainement en Europe dans un livre collectif qui lui rend hommage.
Vous dressez des pistes de sorties du CFA par voie collégiale ou unitaire. Les infrastructures politiques actuelles des Etats - pour certains faillis - peuvent-elles supporter une aventure solitaire ? Dans quelle mesure l’état de la Guinée pourrait être une dissuasion ou un encouragement ?
Pour justifier le statu quo, les partisans de la servitude monétaire agitent souvent les cas de la Guinée de Sekou Touré et du Mali de Modibo Keita. La Guinée de Sekou Touré a été victime d’un sabotage politique et économique des services secrets français qui ont inondé le pays de faux billets de banque en guise de représailles à la suite de son retrait de la zone franc. Cette opération de sabotage a été conduite depuis Paris, Dakar, Rufisque et Abidjan. Les autorités sénégalaises et ivoiriennes ont donc été complices. S’agissant du Mali, un pays enclavé, ses voisins de l’UMOA ont mis en place des barrières protectionnistes pour sanctionner Modibo Keita d’avoir fait le choix de l’indépendance monétaire. Comment le Mali aurait-il pu réussir dans cet environnement d’isolement et de répression ?
La Guinée et le Mali ne montrent donc pas que les Africains sont incapables de bien gérer une monnaie nationale mais plutôt que le Sénégal et la Côte d’Ivoire se sont toujours alliés à la France et ont œuvré avec acharnement à tuer dans l’œuf toute velléité d’indépendance monétaire dans l’ancienne AOF.
Mais pourquoi donner les cas de la Guinée et du Mali ? Pourquoi ne pas citer les cas du Vietnam, du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie, d’anciens territoires de la zone franc, qui ont fait le choix de battre monnaie avec l’obtention de leur indépendance ? Pourquoi ne pas citer le cas du Rwanda, qui représente selon beaucoup de panafricanistes l’image d’une Afrique qui s’assume ?
Dans le monde d’aujourd’hui, à part les pays qui utilisent le franc CFA, ceux de la zone euro et les pays membres de l’Union monétaire des Caraïbes Orientales, tous les autres pays du monde ont pratiquement leur monnaie nationale. La norme est donc un Etat, une monnaie. L’exception ce sont les monnaies uniques, lesquelles sont des créatures coloniales par excellence. Elles ont connu leur apogée dans la période coloniale. Pourquoi cet entêtement pour les monnaies uniques ? A-t-on déjà vu un pays formellement souverain sortir du sous-développement dans le cadre d’une monnaie unique ? La réponse est non. Pourquoi penser que les pays d’Afrique noire francophone seraient incapables de battre monnaie comme la plupart de leurs homologues du continent ? Si la Gambie et l’île Maurice en sont capables, pourquoi le Sénégal et la Côte d’Ivoire ne le pourraient pas ?
Il est triste de constater que la propagande coloniale française continue de faire des dégâts chez les intellectuels francophones de toutes tendances, qu’ils soient progressistes ou pas. Pourquoi ? Parce qu’on a réussi à leur inculquer l’idée que les Africains francophones sont incapables d’avoir une monnaie nationale bien gérée. Du coup, la plupart de ceux qui veulent se débarrasser du franc CFA excluent d’emblée toute idée de monnaie nationale. Donc, pour eux, il faut nécessairement une monnaie unique. Le problème est qu’une monnaie unique ne peut marcher sans le préalable du fédéralisme politique. Etant donné que les pays africains francophones ne se font pas confiance entre eux et que leur « solidarité » n’existe que quand elle est organisée par l’ancienne métropole, cela implique qu’ils vont toujours rester dans un entredeux colonial : ni monnaie nationale ni monnaie unique fédérale souveraine.
Dans notre livre, nous montrons que l’ECO est une grossière copie de l’Euro, une expérience monétaire peu concluante et à ne jamais imiter. Nous proposons, à la suite d’économistes africains de premier plan comme Samir Amin, Mamadou Diarra et Joseph Tchundjang Pouemi, un système de « monnaies nationales solidaires », c’est-à-dire un système qui permet d’obtenir les avantages attendus d’une monnaie unique tout en minimisant ses inconvénients notoires.
Concrètement, chaque pays de la zone franc devrait avoir sa propre monnaie nationale, gérée par sa banque centrale. La solidarité entre ces monnaies nationales pourrait être organisée à trois niveaux. Premièrement, elles seraient liées par une unité de compte commune qui servirait à régler les échanges entre eux. Deuxièmement, les réserves de change seraient en partie gérées de manière solidaire dans l’optique que les monnaies se soutiennent mutuellement. Enfin, des politiques communes pourraient être mises en œuvre pour obtenir l’autosuffisance alimentaire et énergétique, et donc limiter les importations dans ces deux secteurs. A la différence du projet ECO, ce système a l’avantage de permettre une solidarité entre pays africains et une flexibilité macroéconomique au niveau national.
Dans le cas particulier du Sénégal, les découvertes de pétrole et de gaz changent la donne. D’une part, les recettes attendues permettent à notre pays de se doter d’une monnaie nationale. D’autre part, il faut bien se rendre compte que le triptyque pétrole + libéralisation commerciale + franc CFA est un cocktail mortifère. Si le Sénégal ambitionne de se développer et de profiter utilement de son pétrole et de son gaz, il devra sortir du carcan du franc CFA et ne pas céder aux sirènes de la libéralisation commerciale tous azimuts.
Le débat sur le CFA est vieux et historique. Au-delà du symbole, il y a de nombreuses implications techniques. Comme vous, Kako Nubukpo, Martial Ze Belinga, Demba Moussa Dembélé, Bruno Tinel, dans l’ouvrage Sortir l'Afrique de la servitude monétaire : A qui profite le franc CFA ? ont pressé les états de la zone CFA de sortir d’une servitude volontaire. Au niveau des opinions publiques, cette sortie est plébiscitée. Seules les institutions en charge, constituées elles aussi d’économistes, semblent sourdes à vos critiques et propositions. Comment expliquez-vous cela ? Est-ce purement et simplement, un déficit de conscience, ou un confort de la part des dirigeants ?
Ce livre publié en 2016 a contribué de manière décisive à relancer le débat sur le franc CFA. J’ai eu le privilège d’y contribuer. C’est le fruit d’une belle collaboration entre des chercheurs africains et des chercheurs européens. Donc, un beau symbole de l’internationalisme des peuples - de la solidarité entre les peuples – que nous ne devons continuer d’encourager.
A mon avis, ceux qui défendent le franc CFA peuvent être motivés par (i) des intérêts personnels (dans le cas de ceux qui occupent des postes de pouvoir ou qui ont des relations avec des acteurs du système CFA) ou par (ii) l'adhésion à la vision économique orthodoxe de la monnaie (qui suppose que la monnaie a un impact économique neutre). Parfois, il peut s’agir (iii) d’une ignorance pure et simple. C’est le cas de ceux qui pensent que le franc CFA n'est pas un problème majeur et qu'il serait même un moindre mal étant donné la « mauvaise gouvernance » des dirigeants africains. Un piètre raisonnement car il n’y a pas de cas de « mauvaise gouvernance » plus avéré que le franc CFA. Parfois, nous avons affaire à de l’aliénation culturelle (iv). C’est par exemple le cas des intellectuels qui reprennent l'argument colonialiste à leur compte en soutenant que les pays africains ne sont pas capables de gérer une monnaie nationale.
Lionel Zinsou, candidat malheureux à l’élection présidentielle du Bénin et actuellement à la tête de la fondation Terra Nova – un laboratoire des idées progressistes – pointe pour sa part que le manque de compétitivité que l’on impute au CFA serait plutôt le fait des défectuosités des systèmes de formation. Il minimise ainsi la responsabilité du CFA. Que pensez-vous de sa vision ?
Lionel Zinsou est un loyal serviteur des intérêts français. Il est dans son rôle de « gardien du temple », celui de justifier le statu quo.
A regarder la nature du débat sur le CFA, on a l’impression qu’il est captif de la seule question du « symbole », du lien avec l’ancienne puissance coloniale. En quoi est-ce une urgence est à votre avis, d’avoir une monnaie souveraine dans la configuration des économies africaines actuelles ?
Le symbole est important. Il est choquant et inacceptable que six décennies après les indépendances formelles une monnaie coloniale circule encore dans quatorze pays africains et aux Comores. A chaque fois que je sors du monde francophone et que j’ai l’occasion de parler du franc CFA, les gens – des économistes universitaires - sont généralement outrés. Ils me disent : où sont vos intellectuels, vos économistes, vos chefs d’entreprise ? Que font vos leaders politiques ? Qu’attendent-ils pour vous débarrasser de cette monnaie coloniale ? Ma réponse sobre est à chaque fois : nos leaders et économistes pensent que cette monnaie nous assure une « stabilité économique ». Pas besoin de vous dire à quel point le monde francophone est « spécial » sur le plan intellectuel…
Les militants panafricanistes ont donc raison de dénoncer l’illégitimité politique du franc CFA. Il faut les féliciter et les encourager. Ils ont eu le mérite d’avoir porté la question du franc CFA au niveau du débat public quotidien. Il est d’ailleurs révélateur que les « activistes » les plus engagés sont souvent mieux informés que les « experts de la monnaie » qui s’échinent à les démobiliser par des critiques généralement hors sujet.
L’abolition du franc CFA est une condition nécessaire mais non suffisante pour voir l’émergence de monnaies souveraines dans les anciennes colonies françaises. Avoir sa propre monnaie nationale et sa propre banque centrale est une condition de l’indépendance nationale. C’est la souveraineté monétaire sous son aspect formel. Mais elle ne suffit pas. Il faut compléter ce préalable par des politiques de mobilisation des ressources domestiques. Ce qui suppose un gouvernement qui contrôle le système bancaire et financier – et donc l’allocation du crédit domestique - et qui a une réelle souveraineté sur ses ressources économiques.
Une monnaie souveraine est une monnaie qui garantit l’indépendance financière du gouvernement. Les rares pays à disposer d’une monnaie souveraine sont les Etats-Unis, le Japon, la Chine, le Royaume-Uni, le Canada, la Suisse, l’Australie, etc. Leurs gouvernements ne s’endettent jamais en monnaie étrangère. Et comme ils ne peuvent jamais être insolvables dans leur propre monnaie, ils peuvent en principe financer, avec les termes qu’ils ont eux-mêmes déterminés, tous les projets utiles à la bonne santé de leurs économies. Il ne peut jamais manquer d’argent (c’est à dire des entrées électroniques sur les bilans de banque) pour la réalisation de projets d’intérêt public pour un pays qui a une monnaie souveraine. La contrainte principale qui se pose pour un pays ayant une monnaie souveraine est celle des ressources réelles : y a-t-il les terres, la main-d’œuvre, les ressources minérales, etc. ? En d’autres termes, la question du financement n’est jamais un problème pour un pays qui a une monnaie souveraine.
En Afrique, des monnaies souveraines nous dispenseraient de brader nos abondantes ressources physiques et humaines pour attirer des « financements extérieurs ». Au lieu de chercher des « financements extérieurs », nous devrions plutôt lutter pour conquérir cette souveraineté monétaire qui nous permettra de financer avec des fonds africains tous les projets désirables pour le continent et de créer des millions d’emplois décents.
Malheureusement, le débat sur le franc CFA n’est pas encore arrivé à ce niveau parce que les gardiens du temple ne savent pas ce qu’est une monnaie souveraine et ce qu’elle permet. Ils ont une compréhension erronée du rôle de la monnaie et de sa nature dans une économie moderne. Ils vont vous réciter les mythes suivants : la monnaie est née des inconvénients du troc ; la monnaie est une marchandise ; la monnaie a un impact neutre sur l’activité économique ; l’offre de fonds prêtables auxquels les agents économiques peuvent accéder est toujours limitée par définition ; les banques jouent le rôle d’intermédiaire entre les épargnants et les investisseurs ; l’épargne finance l’investissement ; les pays pauvres manquent de financements internes parce qu’ils sont pauvres et n’ont pas assez d’épargne ; etc.
Dès que vous leur parlez de souveraineté monétaire, ils vont tout de suite vous citer l’hyperinflation au Zimbabwe comme si cet exemple était représentatif.
Une chose cependant est claire pour le continent africain : sans des progrès en termes de souveraineté monétaire, l’indépendance politique et le développement économique demeureront illusoires.
Le CFA semble occulter tous les autres segments et sujets constitutifs du débat sur l’économie, quand on regarde les sujets de prédilection des économistes de la zone Franc. Un collectif dont vous êtes proche du leader, Guy Marius Sagna, « France Dégage », appelle à la rupture avec la France. Partagez-vous son avis ?
Guy Marius est un ami, frère et camarade de lutte. Il personnifie cette nouvelle génération d’Africains sans complexe aucun qui se bat pour que le continent dispose d’une souveraineté pleine et entière.
France Dégage ! est un slogan qui a une origine précise et un sens non-équivoque. Guy Marius et ses camarades l’ont employé au départ pour dire que la France doit sortir du système CFA. Moi-même j’avais parlé, bien avant eux, de Frexit. C’est donc une revendication spécifique liée au système CFA et non pas un appel à couper toutes les relations avec la France. Par la suite, ce slogan a été mobilisé dans le combat contre l’implantation des grandes surfaces françaises au Sénégal et contre la présence militaire française en Afrique, au Sahel notamment.
Pour ma part, je pense que le continent africain ne peut se dire libre tant que le système CFA reste en place et que les bases militaires étrangères continuent d’y pulluler.
L’influence étrangère en Afrique n’est pas ou plus que le fait de la France. A travers les fondations, les ONG, une diplomatie d’influence accompagne beaucoup de mouvements civils et jeunes. Est-ce une « arme invisible » de conquête à votre avis ?
Pendant longtemps l’injonction a été faite aux tenants du capitalisme, de l’adapter aux logiques et aux spécificités des économies africaines. Avec l’arrivée de Orange et de Free au Sénégal, qui s’inscrivent dans les logiques propres de l’économie sénégalaise, comme par exemple dans son réseau informel de détaillants, jusqu’à l’investissement dans la langue pour mieux toucher les populations, comment jugez-vous ces mues du capitalisme en vue de conquérir les marchés locaux ? Est-ce à encourager ou à combattre, et comment ?
Qu’est-ce que la monnaie change concrètement pour un commerçant dans le secteur informel ?
Les économies modernes sont des « économies monétaires de production ». Cela veut dire que la production ne peut pas démarrer (et ne peut pas croître durablement) si l’entrepreneur n’a pas accès au crédit bancaire. Cela veut aussi dire que le producteur vend des biens et services pour obtenir de l’argent, de la monnaie. Les personnes qui évoluent dans les segments les plus vulnérables du secteur informel sont souvent celles qui n’ont pas accès à un crédit bancaire abordable. D’une certaine manière, l’ampleur du secteur informel dans nos pays est elle-même un indice que le système monétaire et financier ne fonctionne pas en faveur des populations.
Bien qu’on inclue souvent les gros commerçants actifs dans l’import-export dans le « secteur informel » cela ne me semble pas justifié.
Sinon, de manière générale, le franc CFA monnaie forte arrange les importateurs et pénalise les exportateurs, qu’ils soient de l’informel ou pas.
Vous êtes économiste et vos références sont souvent les mêmes que les économistes formés dans les écoles occidentales. Est-ce que vous partez, consciemment ou inconsciemment, avec la matrice d’une épistémologie économique qui lit le fait africain avec des lunettes autres ?
Comment expliquez-vous que les économistes africains semblent peu audibles dans la proposition de solutions concrètes pour accompagner l’économie du continent ?
L’un des problèmes de nos pays, c’est souvent l’incapacité de lever des fonds par des leviers endogènes, fiscalité faible : ce qui les rend captifs des flux extérieurs. IDE, APD, transferts de fonds ! Comment envisager une politique publique nourrie par une ingénierie nationale de la collecte ? quelles politiques fiscales pourraient être testées ?
La critique du libéralisme est très ancienne, la revue du Mauss entre autres - on peut citer Bourdieu et bien d’autres auteurs - s’attèle à déconstruire la figure de l’homo economicus. Dans le champ africain récemment, dans Afrotopia notamment, Felwine Sarr critique l’injonction à la croissance, et Kako Nubukpo dans L’urgence africaine reprend la même idée en affirmant que l’Afrique est le laboratoire du néolibéralisme. Comment expliquez-vous alors que les pays africains qui semblent s’en sortir actuellement (le Rwanda par exemple) s’inscrivent dans les standards du capitalisme et du libéralisme ?
Le Rwanda semble être pour beaucoup de nos compatriotes le symbole d’une Afrique audacieuse qui avance. Le Rwanda est encore un pays très pauvre, bien loin encore d’un pays classé parmi les pays les moins avancés (PMA) comme le Sénégal. Certes, des progrès économiques y ont été réalisés. Mais ceux-ci n’ont pas l’impact que les gens imaginent. En tout cas, le Rwanda, pays enclavé, a fait le choix d’être une terre d’hospitalité pour les multinationales qui veulent élargir leurs activités en Afrique ou profiter d’une main-d’œuvre bon marché. Que des automobiles puissent être montées au Rwanda, tant mieux ! Il est clair cependant que ces véhicules ne sont pas destinés au rwandais moyen. C’est là que gît le problème. Quand le développement industriel ne se traduit pas par un élargissement des marchés intérieurs, donc des revenus des travailleurs, on reste encore dans une situation de sous-développement.
Je pense que le développement du continent est impossible dans le cadre du capitalisme qui, comme cela est de plus en plus apparent, est devenu une menace pour la survie de l’Humanité. La logique de l’accumulation pour l’accumulation conduit au gaspillage des ressources humaines et économiques, à la dévastation écologique, à des inégalités croissantes de revenus et de patrimoine, à la polarisation sociale et aux tensions entre les pays/les peuples/les nations.
En marge de la contrainte écologique, la croissance démographique importante attendue sur le continent au cours de ce siècle ainsi que les innovations technologiques, lesquelles tendent à réduire le besoin en main d’œuvre, doivent nous conduire à envisager un modèle de développement différent celui de l’Occident et des pays de l’Asie du Sud-Est. La croyance que la croissance économique peut créer des emplois décents pour tout le monde doit être sérieusement mise en question tout comme le principe sur laquelle elle se fonde : « tu ne travailles pas tu ne manges pas ».
Ma conviction est que toute politique de développement doit être guidée par le souci de faire tendre vers la gratuité tous les biens et services indispensables à une vie digne. Je ne dis pas que tout doit être gratuit. Je dis plutôt que la gratuité doit être l’horizon. Pour ceux qui ont un pouvoir d’achat, les biens et services indispensables doivent être accessibles. Pour ceux qui n’en ont pas ou pas suffisamment, parce qu’ils n’ont pas de travail ou sont handicapés ou sont âgés, etc. ils doivent être accessibles sur une base de gratuité.
Et, bien entendu, dans une société civilisée, le temps passé à travailler pour juste payer des factures doit être réduit dans la mesure du possible afin que le temps libéré puisse être consacré à des activités plus valorisantes individuellement et plus intégratrices socialement.
C’est l’un des corps les plus secrets de la République, veillant notamment à la sécurisation dans la transmission des informations gouvernementales. Il a décidé de rendre publique une complainte qui concerne ses jeunes pensionnaires diplômés
C’est l’un des corps les plus hermétiques et les plus secrets de la République, veillant notamment à la sécurisation dans la transmission des informations gouvernementales. Il a décidé de rendre publique une complainte qui concerne ses jeunes pensionnaires diplômés qui peine à être intégrés.
L’attente a été longue et l’endurance l’a été tout autant : quatre ans. Pourtant, le personnel du Chiffre s’est décidé à faire entendre sa voix, très rare au demeurant, pour dénoncer la mise à l’écart de la promotion 2015 de cette structure inconnue du grand public.
Elle a en charge l’étude, la conception, l’innovation et l’ensemble des mécanismes des outils et des techniques de mise en œuvre du Chiffre et de la sécurité des systèmes d’information de l’Etat. En somme, la formation des agents chargés de veiller sur la fiabilité et la viabilité des secrets de l’Etat. Ce dernier peut s’épargner de cheveux blancs, car la plainte parvenue à ‘’EnQuête’’ est plutôt un problème de ressources humaines : la non-titularisation de 26 sortants de la promotion 2015. Pour faire clair, souffle une source anonyme, ces derniers sont délibérément maintenus à un statut d’élève, alors que le décret qui devait les faire passer pour des titulaires aurait dû être pris depuis longtemps.
Le mal que dénoncent les indiscrétions tapies dans ce temple du silence, est comparable à celui qui frappe la Fonction publique sénégalaise de manière générale : ‘‘Les vieux chiffreurs ne veulent pas faire valoir leurs droits à la retraite. On leur signe des contrats spéciaux pour une charge de travail qu’ils ne peuvent pas remplir manifestement. Pourtant, les jeunes diplômés, frais émoulus, ne sont pas intégrés’’, se plaint-on. Pour des raisons de sensibilité, l’effectif de ce corps est gardé secret, mais une très grande majorité devait être renouvelée, estime-t-on.
Dans ce corps très hermétique, où l’on se fait un point d’honneur à sécuriser les communications gouvernementales intérieures et extérieures, l’on s’étonne que ces jeunes pensionnaires soient mis dans des situations de précarité de manière aussi délibérée, vu le haut degré de sensibilité des informations qui leur passent entre les mains. ‘‘C’est même paradoxal, par rapport aux hautes responsabilités qu’ils assument. Heureusement qu’ils sont de vrais patriotes’’, renseigne-t-on.
La complainte concerne les élèves de cette cuvée qui ont fini leur formation de treize mois et peinent à se voir appliquer des dispositions légales d’embauche qui leur feront gravir les dix échelons que comporte ce corps pour devenir, éventuellement, chiffreur principal de classe exceptionnelle, la classe la plus élevée. ‘‘Quatre d’entre eux ont même été remerciés en mars 2018, pour avoir exposé, de la manière la plus courtoise possible pourtant, cette préoccupation à qui de droit’’, nous apprend-on. Des élèves qui ont déjà perdu au change, si l’on considère l’article 29 du décret 2014-1306 qui consacre l’échelonnement des chiffreurs de 1re classe, 1er échelon et ceux de 2e classe, après deux années de service effectifs.
Il existe trois corps du cadre du Chiffre que sont les cryptologues, les ingénieurs du chiffre et les chiffreurs. Un dilemme d’autant plus cornélien que ces agents assermentés sont liés par l’obligation de discrétion permanente et définitive, et ‘‘n’ont aucun moyen de recours contre leur hiérarchie qui peut les révoquer ou les bloquer très facilement sans autre forme de procès. La présidence de la République n’ayant pas d’autre élément d’appréciation’’.
Les chiffreurs assurent, sous l’autorité et le contrôle des cryptologues et des ingénieurs du chiffre, l’ensemble des tâches relatives à l’exploitation du chiffre et des systèmes d’information ainsi que des transmissions cryptologiques. Ils servent au service central des chiffres sénégalais et peuvent être mis à la disposition des institutions de la République utilisatrices. La promotion de 2015 a pourtant eu la chance - ou la malchance - d’être la première, après le décret 2014-1306 du 1er juillet 2014 pris par le président Macky Sall, abrogeant et remplaçant certaines dispositions de la loi 83-03 du 28 janvier 1983 portant statut spécial personnel du Chiffre.
Très utilisés sous les présidents Senghor et Diouf, les chiffreurs auraient été relégués au second plan par le régime libéral. L’actuel président de la République, Macky Sall, est en train de redorer le blason de ce corps. Mieux, alors que seules quelques institutions, représentations diplomatiques, et un ministère sont pourvus en chiffreurs, le chef de l’Etat serait dans les dispositions d’en doter l’ensemble des départements ministériels et de l’Administration déconcentrée (préfectures).