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4 octobre 2025
PAR Amadou Tidiane Wone
TOUT CE QUI EST EXCESSIF DEVIENT INSIGNIFIANT…
A force de banaliser les séjours carcéraux, la peur de la prison s’estompe et, de plus en plus de témérité va repousser les frontières des interdits. A force de bander des muscles pour tout, et trois fois rien, on se fait une réputation de dictateur
En France, notre modèle forcé, la loi punissant la destruction d’un billet de Banque datait de 1810. Mais elle a été abrogée complètement en 1994. Il n’est donc pas illégal de détruire un titre monétaire en le brûlant.
« Une jurisprudence de 1974 va également dans ce sens : détruire un billet de banque n’est pas considéré comme la destruction du bien d’autrui, car le billet appartient à son porteur et non à la Banque Centrale qui l’émet. »
Au Sénégal, la peine encourue pour le même délit peut être une condamnation allant de cinq ans à dix ans de prison selon l'article 411 du code pénal sénégalais. En plus d’une amende.
Pour dire que, en la matière, la loi française est plus conforme à la raison : qui brûle un billet de Banque, lui appartenant, s’appauvrit d'autant ! Si la personne estime que ce geste a une portée militante qui en vaut le prix, autant lui en laisser le bénéfice. Et la vie continue.
Je dis cela pour me désoler de la tournure que prend ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Kemi Seba. Il était déjà suffisamment douloureux de voir un africain, originaire d'un pays voisin et frère, le Bénin, se faire déporter en… France… Que cette personne, soit engagée dans le combat pour le panafricanisme et la reconquête de la souveraineté africaine, rajoute à la confusion. Par ailleurs, le Benin et le Sénégal partagent plusieurs organisations dont la vocation est de favoriser la circulation des personnes et des biens et l’intégration économique. L'UEMOA, la CEDEAO notamment. A l’intérieur de ces zones tout citoyen, notamment ressortissant de l'un quelconque des États membres, devrait se sentir chez lui et en sécurité. Même en prison !
C'est dire que la déportation de Kemi Seba en France posait déjà problème dans son principe. Même s’il jouit de la nationalité française, il est surtout béninois. Visiblement. Le Sénégal doit, à son Histoire et à la jeunesse africaine, des signaux forts d'une conscience politique aiguë des défis que nous impose la balkanisation de notre continent, ainsi que notre décolonisation inachevée. Par-dessus tout, le sens de l’Histoire nous commande de ne pas rejeter les fils de l'Afrique. Surtout pas vers l’ancienne puissance coloniale.
Alors ce qui me semble excessif, c'est l’arrestation, à nouveau, de Kemi Seba à l’aéroport Blaise Diagne alors même qu'il venait, dit il, répondre devant la justice sénégalaise des faits qui lui avaient valu déportation ! Sachant le risque pénal qu'il encourt, Kemi Seba aura posé un acte courageux. Il faut le lui reconnaître. Cependant, et à moins que l'on ne nous ait pas tout dit, des négligences ont dû être commises à un moment ou à un autre. Car Kemi Seba a annoncé sa venue au Sénégal depuis des jours en en donnant les raisons. Il était loisible aux autorités d'informer ses avocats de la non tenue, à cette date, du procès ou de leur signifier que son arrêté d’expulsion étant toujours en vigueur, il courrait le risque de ne pas être autorisé à entrer dans le territoire. Cela aurait évité la perte d'un billet d'avion ainsi qu’un incident dommageable à l'image de sanctuaire des libertés dont le Sénégal a bénéficié sous tous les régimes précédents. A moins que les avocats aient été saisis mais que la stratégie du coup de force ait été adoptée… on y verra plus clair !
Au demeurant, et comme évoqué plus haut, le Sénégal a toujours été un sanctuaire pour les militants africains : tous les opposants du continent, les mouvements de libération nationale de plusieurs pays alors en guerre, l'OLP de Yasser Arafat, l’ANC et tant d’autres ont toujours bénéficié du soutien et de l’hospitalité du Sénégal, de ses autorités politiques et de son peuple. Des chefs d’États africains comme Ahmadou Ahidjo qui repose en terre sénégalaise, ainsi qu' Hissene Habre, malheureusement emprisonné, ont trouvé refuge au pays de la Teranga et bénéficié du soutien des sénégalais… Que va-t-il en rester désormais ?
Kemi Seba n'est pas un terroriste. Il a un discours virulent sur des causes de plus en plus partagée par des jeunes africains. Ce discours n'est pas nouveau. Mais il bénéficie de l'effet d’amplification des réseaux sociaux. A son âge, certains n’avaient que des tracts difficilement ronéotypés pour crier leur colère. Mais ils en disaient fichtrement pire !! Plusieurs en sont morts d’ailleurs. N'insultons pas l’Histoire !
Pour ce qui est de l’excès, il en est de même que pour ce qui concerne Guy Marius Sagna. Et à son sujet, je m’interroge sur les motivations du garde présidentiel qui l'a ceinturé et introduit à l’intérieur du Palais de la République alors qu'il était sensé lui en interdire l’accès ! J’ai regardé plusieurs fois les images de son interpellation devant les grilles du Palais de la République. Mais Il y a quelque chose qui cloche dans cette affaire ! Au lieu de l'immobiliser, le temps de faire venir une fourgonnette et de l’emmener au Commissariat central, on l'a entraîné à l’intérieur du Palais ! Imaginez qu'il fut un terroriste muni d'une ceinture explosive … imaginez seulement ! De quel supérieur le garde présidentiel en question a t-il reçu l'ordre d’entraîner Guy Marius Sagna à l’intérieur du Palais de la République ? Et à quelles fins ? Pourquoi Guy Marius a été le seul à être entraîné à l’intérieur du Palais ? Pourquoi il est le seul à être maintenu dans les liens de la détention, alors que ses compagnons ont été libérés les uns après les autres ? Quelque chose cloche. Mais quoi ? On y verra plus clair !
Au total, il est temps de remettre de la sérénité dans le maintien de l'ordre et la gestion des temps de crise. A force de banaliser les séjours carcéraux, la peur de la prison s’estompe et, de plus en plus de témérité va repousser les frontières des interdits. A force de bander des muscles pour tout, et trois fois rien, on se fait une réputation de dictateur. Un dictateur qui mobilise une armée d’éléphants pour écraser des fourmis… A moins que…
texte collectif
RÉFORME DU FRANC CFA, LES DÉPUTES FRANÇAIS MAL INFORMÉS PAR LEURS TECHNICIENS ?
La Commission des finances de l’Assemblée nationale française s’est penchée, le 12 février, sur la réforme du franc CFA. Mais une partie des explications que deux techniciens du Trésor et de la Banque de France ont données aux députés s’écartent des faits
Fanny PIGEAUD et Ndongo Samba SYLLA |
Publication 25/02/2020
La Commission des finances de l’Assemblée nationale française s’est penchée, le 12 février, sur la réforme du franc CFA, annoncée fin décembre 2019. Mais une partie des explications que deux techniciens du Trésor et de la Banque de France ont données aux députés s’écartent des faits ou s’avèrent partielles. Décryptage, par Fanny Pigeaud (journaliste) et Ndongo Samba Sylla (économiste).
Le 12 février 2020, la Commission des finances de l’Assemblée nationale française a consacré une séance de travail à la réforme du franc Cfa, annoncée quelques semaines plus tôt, le 21 décembre 2019, par le Président français Emmanuel Macron et son homologue de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara.
Créé en 1945 par le gouvernement provisoire français, le franc Cfa est la dernière monnaie coloniale qui circule encore sur le continent africain. Placé, aujourd’hui encore, sous la tutelle politique et financière du gouvernement français, il est utilisé par 187 millions de personnes, réparties entre les six pays de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac), et les huit pays formant l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). La réforme dont il est question concerne uniquement le franc Cfa de l’Uemoa (une autre réforme est apparemment à l’étude pour le franc Cfa de la Cemac).
Pour expliquer aux députés les changements qui allaient être opérés et répondre à leurs questions, un cadre du Trésor français et un représentant de la Banque de France avaient été invités. La vidéo de cette réunion est accessible sur Internet.
Si cette séance a permis de formuler quelques rappels importants et d’apporter des précisions, une partie des explications que les deux techniciens ont données aux parlementaires s’écartent des faits ou s’avèrent très partielles. A l’évidence, très peu des députés présents semblaient outillés -ou préparés- pour traiter et comprendre cette question et ses enjeux.
Nous avons déjà écrit sur cette réforme. Mais il nous a semblé utile de reprendre ce qui avait été dit à l’Assemblée nationale, et de faire le point, afin que les citoyens ordinaires et les responsables politiques français, européens et africains, soient informés le mieux possible, sachant que les parlements nationaux (africains et français) seront consultés pour la ratification du texte de cette réforme, probablement dans les mois à venir. La France devra aussi -si ce n’est déjà fait- aviser les autorités monétaires de la zone euro de la réforme envisagée (ces dernières encadrent la coopération monétaire entre la France et les pays de la zone franc en vertu de la décision du 23 novembre 1998 du Conseil de l’Union).
Dans un premier temps, nous allons reprendre les quelques éléments d’information utiles qui ont été communiqués aux députés pendant cette réunion. Dans un deuxième temps, nous reviendrons sur les propos qui nous semblent problématiques, voire très problématiques.
Partie 1 : Les informations et rappels utiles Rien ne change
Les cadres du Trésor et de la Banque de France ont commencé par indiquer que la réforme laissait intacts des «éléments essentiels» du système Cfa, à savoir la parité fixe avec l’euro et la «garantie de convertibilité illimitée» de la France. L’objectif a été avant tout de «sortir les irritants politiques», lesquels «ne sont pas nécessaires pour assurer la parité fixe et la garantie».
Les «irritants politiques», ce sont le nom du franc Cfa (devant être rebaptisé «eco»), la présence de représentants français dans les instances techniques de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (Bceao) et l’obligation pour la Bceao de placer 50 % de ses réserves au Trésor français. Ce sont en effet les indices les plus visibles de la subordination des pays membres de l’Uemoa à la France.
Par leurs propos, les deux intervenants ont confirmé que la réforme qualifiée «d’historique» par MM. Macron et Ouattara ne… changeait rien au fond. On comprend bien qu’en supprimant les «irritants politiques», Paris espère mettre un terme aux nombreuses critiques sur le franc Cfa, qui ont pris de plus en plus d’ampleur ces trois dernières années.
La France reste la patronne
Les deux orateurs ont donné des précisions sur la manière dont la France va assurer la «maîtrise de son risque», en tant que «garant». «Maîtriser son risque» revient pour la France à définir les conditions de l’octroi de sa «garantie».
Ils ont expliqué que cette «maîtrise du risque» passera «par d’autres moyens» que ceux utilisés jusqu’ici (dont la présence des représentants de la France dans les instances et la centralisation de la moitié des réserves au Trésor français), évoquant «des questions de reporting, de dialogue en cas d’approche des crises». Ils ont ajouté : «Nous avons travaillé avec la Bceao sur un cadre de reporting sur des éléments d’informations financières, les évolutions monétaires, l’évolution des réserves, nous permettant d’avoir le même niveau d’informations qu’avant et un canal de dialogue pour que, quand on s’approche d’une situation où la garantie de l’Etat pourrait être appelée, on puisse faire valoir notre point de vue sur la restauration des grands équilibres».
C’est encore la confirmation que rien ne change : le Trésor français va continuer à avoir un droit de regard/exercer un contrôle sur les activités de la Bceao et de ses pays membres.
Soulignons que les deux techniciens ne semblent pas être sur la même longueur d’onde que le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, qui déclarait le 28 janvier dernier devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale : «Le cordon ombilical qui reliait encore les pays membres de la zone du franc Cfa, devenu l’eco, au Trésor français se trouve ainsi coupé.». A moins qu’il ne s’agisse d’un revirement dans la communication de Bercy.
Les pays africains devront ratifier le texte préparé par la France
Lors de cette séance, il a été précisé que le nouvel accord conclu entre l’Uemoa et le ministère français des Finances devrait être ratifié par le Parlement français et celui de chacun des huit Etats membres de l’Uemoa. «Nous travaillons sur le projet de loi de ratification, ça prendra quelques mois pour que le texte soit soumis aux parlements. L’idée est d’aller vite.» Sont aussi en préparation les «textes secondaires d’application», dont la «convention de garantie» pour les modalités techniques concernant la «garantie de convertibilité illimitée». A noter : ni l’Uemoa ni le ministère français de l’Economie et des finances n’ont jusqu’à présent jugé utile de rendre public l’accord qu’ils ont signé le 21 décembre 2020, juste après l’annonce de la réforme.
Lorsque nous avons demandé, début janvier, au ministère de l’Economie et des finances, s’il était possible d’obtenir ce texte, on nous a répondu : «Le texte n’est pas public pour le moment. Le Trésor n’a toujours pas de délai de publication.»
L’eco Cedeao n’est pas pour demain
Les invités des parlementaires ont soutenu que la France était «favorable à une intégration régionale» en Afrique de l’Ouest. Mais ils ont aussi dit à plusieurs reprises que la monnaie unique de la Cedeao était une perspective de «très très très long terme».
Rappelons que la Cedeao est une organisation régionale qui rassemble les quinze pays de l’Afrique de l’Ouest dont ceux de l’Uemoa. Elle a un projet de monnaie unique qui remonte à 1983. En juin 2019, elle a décidé de donner à cette future monnaie le nom eco (diminutif d’Ecowas, traduction anglaise du sigle Cedeao).
Les deux techniciens ont reconnu que, depuis l’annonce de MM. Macron et Ouattara, le nom «eco» «renvoie à deux réalités différentes» : l’eco de la Cedeao et l’eco, nouveau nom choisi pour le franc Cfa de l’Uemoa. Ils n’ont toutefois pas fait allusion aux critiques émises par plusieurs pays de la Cedeao au sujet de la réforme du franc Cfa. Les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales du Nigeria, du Ghana, de la Guinée, de la Gambie, de la Sierra Leone et du Liberia ont exprimé, le 16 janvier 2020, leur inquiétude à propos de la décision de l’Uemoa de rebaptiser le franc Cfa avec le nom retenu pour la monnaie unique de la Cedeao ; ce qui ne correspond pas à la feuille de route de la Cedeao.
De l’avis du représentant du Trésor français, la mise en place rapide d’une monnaie unique régionale ne semble pas être une urgence pour les pays africains dont «le Nigéria qui n’a pas l’air pressé» et «les pays de l’Uemoa qui n’ont pas l’air non plus particulièrement pressés de passer à une union monétaire à quinze». Ce qui suggère, selon lui, que la parité fixe du franc Cfa avec l’euro va durer encore quelque temps. «Il est possible, probable» que l’intégration monétaire en Afrique de l’Ouest «se fera par agrégation progressive de certains pays qui pourraient avoir un intérêt à rejoindre l’Uemoa», a-t-il conclu. Une vision qui n’est pas conforme non plus à la feuille de route de la Cedeao.
La Bceao et la Beac sont de «gros clients» de la Banque de France
Une information intéressante a été livrée par le représentant de la Banque de France : « La Bceao est le deuxième client après la zone euro de la Banque de France pour l’impression des billets.» La Bceao et la Beac (Banque des Etats d’Afrique centrale) sont «ses deux principaux clients extérieurs de la zone euro et représentent plus de 40 % et même près de la moitié de son plan de charges sur l’avenir». Ce sont des «clients importants pour l’avenir de cette activité en France». Ceci explique sans doute pourquoi, après 60 ans de «coopération monétaire», la Beac et la Bceao sont toujours incapables de fabriquer elles-mêmes leurs billets de banque. Comme nous l’écrivons dans notre livre L’arme invisible de la Françafrique. Une histoire du franc Cfa (page 130) :
«Entre 2013 et 2017, la Bceao a dépensé 226,8 millions d’euros en “entretien de la circulation fiduciaire”, ce qui comprend l’achat des signes monétaires, leur transport et leur assurance, soit une moyenne de 45 millions d’euros par an. Entre le milieu des années 2000 et 2017, la facture se chiffre à un peu plus d’un demi-milliard d’euros.»
Indication donnée par le représentant de la Banque de France : cette dernière n’a pas encore reçu de commande d’impression pour des billets de banque libellés en eco.
«Aucun risque de transfert»
Les deux orateurs ont apporté plusieurs précisions importantes concernant la «garantie de convertibilité illimitée». Elle n’a été exercée que très rarement entre les années 80 et le début des années 90, ont-ils rappelé. Depuis 1994 au moins, cette «garantie» n’a plus été sollicitée par la Beac et la Bceao. De plus, son existence n’implique pas que les deux francs Cfa sont entièrement convertibles avec les autres monnaies, l’euro y compris. La «garantie» «est tout à fait compatible avec une convertibilité relativement limitée de ces monnaies [les deux francs Cfa] qui est limitée par le contrôle des changes». En d’autres termes, il est impropre de parler de «convertibilité illimitée». Une conclusion logique que le représentant de la Banque de France ne tire pas pour autant.
Enfin, la vraie fonction de la «garantie» française, (nominale plutôt que réelle, comme nous le verrons dans la seconde partie), est de faciliter la liberté des transferts : la «garantie française élimine le risque de transfert : à aucun moment vous n’allez manquer de devises», a-t-il précisé. Ce qui confirme l’intérêt du système Cfa pour les multinationales opérant dans les pays de la zone franc et qui réalisent leurs profits en francs Cfa.
L’Uemoa n’a pas de justification économique
Le représentant de la Banque de France a reconnu que l’Uemoa -au même titre que la Cedeao- n’est pas une « zone monétaire optimale», c’est-à-dire que les pays qui la composent ne remplissent pas les préalables institutionnels, politiques et économiques qui rendent le partage d’une même monnaie bénéfique pour chacun d’entre eux. Il aurait cependant pu aller plus loin en tirant les conclusions de ce constat : dans ce cas, pourquoi avoir une monnaie unique, le franc Cfa/eco ? On voit bien que, en marge de la tutelle française, l’autre aspect qui fait du franc Cfa une monnaie coloniale est le fait qu’il soit partagé par des pays qui ont des fondamentaux économiques, des niveaux de développement, des cycles économiques, etc., très différents.
Partie 2 : Les propos problématiques
Passons maintenant en revue les propos tenus pendant cette réunion de la Commission des finances qui, de notre point de vue, posent problème.
Sur le choix du régime de change fixe
Déclaration : «Les accords de coopération monétaires sont destinés à aider ces pays (de la zone franc, ndlr) à maintenir le choix de régime de change qu’ils ont fait eux-mêmes. La France, par la garantie inconditionnelle et illimitée qu’elle apporte, vise à soutenir ce choix d’un régime de change fixe», ont affirmé les deux invités aux membres de la Commission des finances.
Notre commentaire : Les pays africains se sont vu imposer le franc Cfa et le régime de change fixe pendant la colonisation. Avant de leur octroyer l’«indépendance», les autorités françaises ont obligé les futurs Etats à signer une longue liste d’accords dits de «coopération», dont des accords monétaires exigeant l’utilisation du franc Cfa. Le Premier ministre français Michel Debré résume ce principe de ces indépendances conditionnées dans une lettre, adressée en juillet 1960, à son homologue gabonais, Léon Mba : «On donne l’indépendance à condition que l’Etat, une fois indépendant, s’engage à respecter les accords de coopération. […] L’un ne va pas sans l’autre.»
A sa création, le franc Cfa n’avait pas pour autre but que de permettre à la Métropole de continuer à acquérir en monnaie française les matières premières africaines à des prix bas et sans risque de change, et à fournir des débouchés à ses entreprises. Comme le système Cfa n’a jamais changé depuis 1945, sa finalité est restée la même.
La France tient à la parité fixe parce qu’elle va de pair avec la «garantie», un prétexte qui lui offre un instrument de contrôle politique sur ses anciennes colonies. La France ne peut octroyer une «garantie» dans la monnaie d’un pays tiers, en raison du risque de change. C’est pourquoi elle ne s’est pas montrée jusqu’ici enthousiaste à l’idée d’ancrer le franc Cfa à un panier de monnaies.
Sur la «stabilité du franc Cfa»
Déclaration : Le franc Cfa est une monnaie «extrêmement stable» grâce à sa parité fixe avec le franc au départ et l’euro aujourd’hui (un euro = 656 francs Cfa).
Notre commentaire : Avant le passage à l’euro, en 1999, le franc Cfa était arrimé au franc français, une monnaie faible et très instable qui a fait l’objet de dix dévaluations entre 1945 et 1986. La forte instabilité du franc français rejaillissait sur la valeur externe du franc Cfa.
La prétendue «stabilité» du franc Cfa n’existait donc que par rapport au franc français. Du fait de la parité fixe, les pays Cfa subissaient les dévaluations du franc français dans les mêmes proportions. Ces dévaluations avaient un fort impact sur leurs économies car le dollar est la monnaie dans laquelle sont libellés une proportion importante de leur dette extérieure ainsi que les prix d’une grande partie de leurs produits d’exportation. Les dettes qu’ils avaient dans d’autres monnaies que le franc augmentaient donc. Tandis que leurs réserves de change, essentiellement détenues en franc français (100% entre 1960 et 1973 ; puis 65% entre 1973 et 1999), perdaient de la valeur à chaque dévaluation du franc.
Malgré l’arrivée de l’euro, une monnaie beaucoup plus stable que le franc français, la valeur externe du franc Cfa est demeurée très volatile, étant donné que la valeur de l’euro en dollar varie librement. Lorsque l’euro s’apprécie par rapport au dollar, les pays Cfa perdent en compétitivité-prix : ils ont plus de mal à vendre leurs produits à l’extérieur et leurs recettes d’exportation en dollar perdent de la valeur quand elles sont converties en francs Cfa. Entre octobre 2000 et mi-juillet 2008, le franc Cfa s’est apprécié graduellement de plus de 90 % par rapport au dollar ! Durant cette période, une étude de l’Agence Française de Développement soulignait que la parité fixe du Cfa avec l’euro avait été l’un des principaux facteurs responsables de la banqueroute des producteurs et des sociétés de commercialisation de coton au Burkina Faso :
«A terme, étant donné le potentiel d’appréciation de l’euro […] et sachant qu’une hausse significative des cours mondiaux de la fibre [de coton] en Usd est peu probable […], la filière cotonnière burkinabè apparaît menacée. Sans ajustement en terme nominal [i.e., sans une révision de la parité franc Cfa/euro], le risque est d’assister à la poursuite de l’ajustement en termes réels [i.e. une baisse du niveau de vie général] -rendu inévitable par la dégradation des termes de l’échange- et donc à la fragilisation continue des sociétés cotonnières et des acteurs qui lui sont liés.»
L’arrimage du franc Cfa à un euro «fort» et les accords de libre-échange avec l’Union européenne sont deux facteurs dont l’effet combiné est d’appauvrir les paysans africains et d’empêcher toute perspective de transformation industrielle.
Sur la surévaluation du taux de change
Déclaration : A propos du taux de change : «Il n’y a pas de désalignement en Uemoa ou Cemac. Le taux de change est en ligne avec les fondamentaux. C’est ce que dit le Fmi aussi ! Il n’y a pas à notre connaissance de poids sur la compétitivité à l’export. Il n’y a pas de surévaluation du franc Cfa depuis 1994», a-t-il été répété aux députés pendant la réunion.
Notre commentaire : Le rapport du Fmi sur l’Uemoa daté de mars 2019 souligne que le franc Cfa est surévalué de 5 % en moyenne (page 30). Historiquement, le franc Cfa est né surévalué. A sa création en 1945, 1 franc Cfa s’échangeait contre 1,70 franc. En 1948, 1 franc Cfa valait 2 francs. Cette parité monétaire (en dépit du changement d’unité de compte du franc devenu «franc lourd» en 1960) est restée stable jusqu’en 1994 ! Les travaux de la Bceao elle-même montrent que le franc Cfa a été chroniquement surévalué, dans les différents pays de l’Uemoa, des années 1960 à la dévaluation de 1994.
Par la suite, la disparition du franc au profit de l’euro a anéanti les gains en termes de compétitivité extérieure que la dévaluation de 1994 avait permis de réaliser, comme l’a confirmé la Cnuced dans son Rapport sur le commerce et le développement 2007 (pages 134-135).
Il faut cependant aller plus loin dans l’analyse, car un taux moyen de surévaluation pour huit pays n’a aucune signification économique. Le taux de surévaluation varie selon les pays et c’est là le principal problème. D’où la question une fois de plus : est-il judicieux économiquement de maintenir cette monnaie unique ?
Sur la «garantie» française
Déclaration : La supposée «stabilité» du franc Cfa est «liée à la présence d’une garantie que la France apporte» et que l’on appelle «garantie de convertibilité illimitée» : si la zone manque de réserves de change pour couvrir ses engagements extérieurs, la France lui «apporte des euros».
Notre commentaire : La France «prête» des euros aux banques centrales, et pas «apporte», ce qui n’est pas exactement la même chose. D’ailleurs, elle ne leur a jamais prêté d’euros jusqu’à aujourd’hui…
La «stabilité» du franc Cfa est d’abord liée au fait que la politique monétaire de la Bceao et de la Beac suit celle de la zone euro, qui a une inflation faible. Le franc Cfa est devenu un euro déguisé depuis 1999, tout comme il était auparavant un franc français déguisé. A bien parler, le franc Cfa n’est même pas une monnaie, mais un signe monétaire du Trésor français. C’est le premier rapport sur la zone franc publié en 1953 qui faisait un tel constat : toutes les monnaies de la zone franc sont des multiples ou des sous-multiples de la monnaie française !
Cette «stabilité» résulte ensuite du fait que les pays de la zone mènent une politique (dictée par Paris, il est vrai) consistant à maintenir un niveau de réserves permettant de couvrir largement leurs engagements extérieurs. Ce qui a toujours rendu superflue la «garantie» française.
Comme nous l’expliquons dans notre livre, L’Arme invisible de la Françafrique. Une histoire du franc Cfa, la «garantie» française est un concept putatif. Ce sont les Etats africains eux-mêmes qui, avec leurs réserves de change, garantissent la valeur du franc Cfa et donc sa parité fixe avec l’euro. C’est exactement ce qu’écrivait en 1980, Bernard Vinay, ex-directeur à la Banque centrale des Etats d’Afrique centrale et du Cameroun (l’actuelle Beac), cité par l’économiste sénégalais Makhtar Diouf : «La garantie est virtuelle aussi longtemps que les instituts d’émission (africains) disposent de réserves … Lorsque les pays de la zone franc disposent de réserves de change, cette garantie est purement nominale puisqu’elle n’est pas mise à contribution».
Notons que l’adjectif «illimitée» associée à la «garantie» est mensonger : la France ne peut prêter de manière illimitée des euros. Les intervenants à la séance au Parlement ont parlé aussi de garantie «inconditionnelle». Le terme est aussi inexact puisque la France dispose jusque-là de plusieurs contreparties : les réserves de change déposées sur les comptes d’opérations ouverts dans les livres du Trésor français (en dépit des affirmations contraires du représentant de la Banque de France), le stock d’or monétaire de la Bceao dont près de 90 % sont déposés à la Banque de France, sa présence dans les instances «techniques» de la Bceao et de la Beac, sans oublier le Fmi – qui est son paravent.
En 1994, la France a décidé, avec le Fmi, d’une dévaluation de 50 % des deux francs Cfa, au lieu de jouer son rôle de garant.
Sur l’usage des réserves de change des pays africains
Déclaration : «On ne finance pas du tout la dette de la France avec ces réserves» (= les réserves placées sur le compte d’opérations auprès du Trésor français).
Notre commentaire : C’est pourtant le contraire, comme l’a admis dès 1970 un rapport du Conseil économique et social français. On y lit :
«L’avantage que représente pour le Trésor français l’existence de soldes créditeurs aux comptes d’opérations :
1. Les soldes créditeurs des comptes d’opérations sont l’une des ressources qu’utilise le Trésor français pour financer la charge qui résulte pour lui des découverts d’exécution des lois de finances et de l’amortissement de la dette publique.»
En 2019, un cadre du Trésor français a déclaré à la radio allemande Deutsche Welle : «Ce qui est factuellement vrai est que ces sommes [placées sur le compte d’opérations], très limitées, viennent très marginalement atténuer le volume de dette qui est émis chaque année par l’Etat, puisque de facto, elles sont présentes en trésorerie sur le compte de l’Etat. C’est techniquement vrai, mais financièrement marginal.»
Les réserves de change apportées à la France par la Beac et la Bceao (des liquidités disponibles à court terme pour le Trésor français) représentaient 15 % du déficit public français en 2017. Ce type de comparaison fait plus sens que de les comparer à un stock de dette publique payable sur des décennies.
Sur la rémunération des avoirs placés sur le compte d’opérations
Déclaration : Le compte d’opérations «donne lieu à rémunération avec un intérêt favorable». Les réserves de change des pays de la zone franc déposées sur les comptes d’opérations sont «rémunérées à 0,75%». C’est «très avantageux pour les banques centrales d’avoir ce placement». Cette «rémunération des comptes est bien supérieure à que ce que la France a, elle, quand elle dépose à la Bce sa trésorerie (aujourd’hui, c’est -0,50%)». «Globalement, ça coûte et ça a couté à la France. C’est un élément de libéralité par rapport aux zones franc.»
Notre commentaire : Les réserves de change déposées sur le compte d’opérations sont des ressources que les pays africains mettent à disposition de la France. Il est normal que ce placement soit rémunéré. Il n’y a aucune «libéralité» là-dedans : «Lorsque le solde (des comptes d’opérations) est positif, il constitue un gain de devises pour la France», a écrit Bernard Vinay, en 1980.
D’un point de vue historique, les taux d’intérêt réels -c’est-à-dire les taux d’intérêt nominaux ajustés de l’inflation- servis par la France ont souvent été négatifs. Cela veut dire que les pays africains payaient la France pour leur garder leurs devises, pour utiliser l’expression de l’économiste camerounais Joseph Tchundjang Pouemi ! Ce sont donc les pays africains qui ont longtemps perdu au change. Ceci continue d’être la norme avec la poursuite par la Banque centrale européenne de politiques de taux d’intérêt nuls.
Il est vrai que le taux de 0,75 % servi par la France à la Bceao et à la Beac est supérieur au taux auquel elle pourrait se financer sur les marchés. Ce surcoût a sans doute partie liée avec la décision (de la France) contenue dans la réforme de fermer le compte d’opérations de la Bceao. Mais cette situation -où la rémunération des réserves de change des pays africains est supérieure aux taux sur les marchés- est le résultat des politiques monétaires non conventionnelles, adoptées par les banques centrales des pays développés dans le sillage de la crise financière de 2007-2008. Ce n’était pas le cas auparavant. D’ailleurs, comme le taux d’inflation est supérieur au taux de 0,75%, les pays africains perdent eux aussi en termes réels en plaçant leurs réserves sur le compte d’opérations !
L’absurdité de la situation tient à ceci : des pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire émettent des titres de dette en monnaie étrangère à des taux annuels de 5-6%, alors qu’ils auraient pu faire un tout autre usage de leurs réserves de change qui sont soumises à des rendements réels négatifs. Au lieu de s’endetter à ces taux prohibitifs, ils auraient mieux fait de faciliter les conditions d’octroi de crédits bancaires domestiques. Mais, comme une politique monétaire plus expansive peut mettre en péril la parité intouchable du franc Cfa avec l’euro, ils sont obligés de s’accommoder de cette situation absurde.
Sur l’attractivité de la zone franc
Déclaration : « Pour les investisseurs étrangers, la parité fixe est très attractive. »
Notre commentaire : Ce n’est pas ce que les chiffres montrent. Petit extrait de notre ouvrage :
« Les Investissements directs étrangers en Afrique sont captés par les pays qui ont les PIB les plus importants et ceux qui sont les mieux dotés en hydrocarbures ou en ressources minières. En 2016, l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Nigeria, le Maroc et l’Angola avaient reçu plus de 50 % du stock d’IDE entrants en Afrique. La CEMAC représentait seulement 7,1 % de ce stock en 2016 tandis que la part de l’UEMOA se situait à 3 %. Seuls trois pays de la zone franc figuraient dans le top 20 africain : le Congo (10e), la Guinée équatoriale (17e) et la Côte d’Ivoire (20e). Le Ghana, dont la monnaie, le cedi, est réputée moins stable que le franc CFA, enregistre pourtant un stock d’IDE entrants supérieur à celui de tous les pays de l’UEMOA réunis. Plus frappant, en termes de stock d’IDE entrants, le Congo est le seul pays de la zone franc plus « attractif » que la République démocratique du Congo. Tout cela montre que les investisseurs étrangers sont mus par des considérations autres que celles que leur prêtent les thuriféraires du franc CFA. L’ironie de l’affaire, c’est que la zone franc n’est pas la première destination de l’IDE de la France en Afrique. En 2012, ce dernier s’établissait à un peu moins de 58 milliards de dollars (soit 3,7 % du total du stock d’IDE de la France dans le monde), dont 60 % étaient reçus par quatre pays hors zone franc : le Maroc, l’Angola, le Nigeria et l’Égypte. »
Sur le bilan de la « coopération monétaire »
Déclaration : Le bilan de la coopération monétaire entre l’UEMOA et la France est « très positif ». « L’objectif, c’était la stabilité, une inflation faible et un cadrage macroéconomique favorable au développement et à la croissance. Notre analyse : oui, ça a fonctionné et c’est la raison pour laquelle nous sommes favorables à poursuivre cette coopération monétaire avec les fondamentaux que sont la parité et, pour que cette parité fixe soit crédible, la garantie de la France. » Pour appuyer ces propos, les deux intervenants ont mentionné les taux de croissance actuellement élevés dans certains pays de l’UEMOA et le faible niveau de l’inflation. « Le régime de change fixe a été efficace avec en zone UEMOA et CEMAC des taux d’inflation proche de leurs cibles, même légèrement inférieure », ont-ils dit.
Notre commentaire : Si l’on se situe uniquement dans une perspective française, l’accord de coopération monétaire a été très bénéfique et sans grand coût. Les trois mécanismes issus de la période coloniale auxquels la France est tant attachée – une parité fixe du franc CFA avec la monnaie française stable sur la longue durée, une liberté de transferts et une tutelle monétaire – sont toujours en place. Leur produit dérivé – la faiblesse du niveau de l’inflation des pays de la zone franc comparé au reste du continent africain – est le seul motif de consolation côté africain.
La prétendue stabilité procurée par le franc CFA a eu d’énormes coûts pour les populations africaines. La parité fixe empêche les pays de la zone franc de se servir du taux de change comme moyen d’ajustement. En cas de crise, ils se retrouvent obligés de s’ajuster en réduisant les dépenses publiques et de baisser le niveau de vie des populations. Autrement dit, cette rigidité monétaire se traduit par une certaine instabilité sur le plan de l’activité économique. Pour défendre la parité fixe, les banques centrales sont obligées d’avoir des conditions très restrictives d’octroi des crédits bancaires aux ménages, aux entreprises et aux États. Une preuve éloquente : les entreprises privées du secteur productif de la Guinée-Bissau n’avaient reçu que 39,5 milliards FCFA de crédits bancaires en 2017, là où la BCEAO accordait à ses quelques 3600 employés des prêts d’un montant de 52,8 milliards FCFA ! Qui peut croire que la Guinée-Bissau peut connaître un quelconque développement économique avec des importations annuelles de biens d’équipements et de biens intermédiaires d’un montant total de 36 milliards FCFA ?
La conséquence de tout ceci est que le système CFA paralyse les dynamiques productives et contraint les États à emprunter à l’extérieur, à des taux élevés, pour financer leur développement. Il cantonne ultimement les pays de la zone franc dans un rôle de producteurs de matières premières et de consommateurs de produits importés.
Près de 75 ans après la naissance du franc CFA, les chiffres parlent d’eux-mêmes : les 14 pays concernés sont tous des pays pauvres, sans exception.
La Côte d’Ivoire qui est le pays le plus important dans la zone franc avait en 2018 un PIB réel par habitant inférieur de 31 % à son meilleur niveau obtenu en 1978. Ce n’est qu’en 2015 que le Sénégal, deuxième « poids lourd » de l’UEMOA, a retrouvé son meilleur niveau de PIB réel par habitant obtenu en 1961. Le PIB réel par habitant du Niger en 2018 était inférieur de 44 % à son meilleur niveau datant de 1965. La Guinée-Bissau, ancienne colonie portugaise, a enregistré son meilleur niveau de PIB réel par habitant en 1997, année de son entrée dans l’UEMOA. 21 ans plus tard, cet indicateur a diminué de 18 % ! De ce point de vue, il apparaît évident que les taux de croissance observés depuis une décennie dans la zone UEMOA sont l’arbre qui cache la forêt de la détresse économique : ils ne font que rattraper les décennies antérieurement perdues.
Dans les pays de la CEMAC, le constat est globalement le même. Le Gabonais moyen est moitié moins riche de nos jours qu’il ne l’était en 1976. Même chose pour le Cameroun et le Congo qui avaient en 2018 un PIB réel par habitant inférieur respectivement de 18 % et de 22 % à leurs meilleurs niveaux, datant respectivement de 1986 et de 1984.
En 2018, le Niger, la République centrafricaine et le Tchad étaient les trois derniers du classement de l’Indice de Développement Humain sur un total de 189 pays.
Doit-on juger le « bilan » de la zone franc eu égard seulement au fait que la Côte d’Ivoire, le Cameroun et d’autres pays CFA ne vivent pas l’hyperinflation du Zimbabwe ? Les représentants du gouvernement français peuvent parler de « bilan positif ». Mais les faits ne leur donnent pas raison.
Sur l’influence française au sein de la BCEAO
Déclaration : « La présence de la France dans les instances techniques de la BCEAO donne droit à une chaise parmi neuf » (chaque État membre de l’UEMOA a un siège et la France en a un en tant que « garant »). « C’est donc une présence extrêmement minoritaire sans droit de gouvernance particulier pour la France. »
Notre commentaire : Au sein du conseil d’administration de la BCEAO et de la BEAC, la France dispose en effet du même nombre de représentants et de voix que chaque État membre des deux espaces monétaires concernés. Dans le passé, elle a eu un droit de veto explicite dans ces instances (c’était défini dans les statuts des deux banques centrales). Comme nous l’écrivons dans notre livre, aujourd’hui « les décisions se prennent à la majorité simple des voix, sauf celles concernant la modification des statuts de la BCEAO et de la BEAC qui doivent être prises à l’unanimité par les administrateurs. Cela signifie que la France a un droit de veto implicite sur les questions essentielles ». De toute manière, le statut de « garant » financier assure au gouvernement français un contrôle effectif sur la gestion monétaire des pays de la zone franc. Ce point est confirmé par un arrêt rendu par... le Conseil d’État français, en 2012 :
« La gestion et le contrôle de la BEAC sont notamment assurés par la représentation de la France au sein de cet organisme […] l’activité de la BEAC, qui régit la coopération monétaire entre la France et cinq États d’Afrique centrale, présente un intérêt particulier pour l’économie française. »
Il est sans doute temps que le gouvernement français arrête de faire croire à l’opinion publique française et européenne qu’il joue un rôle bénévole et désintéressé dans la persistance d’un système monétaire colonial, de plus en plus désavoué par l’opinion publique africaine, en Afrique francophone et au-delà.
Pour plus d’informations et d’analyses, nous vous conseillons bien entendu de lire L’Arme invisible de la Françafrique. Une histoire du franc CFA (La Découverte, 2018).
ROBERT SAGNA EXHORTE LA JEUNESSE CASAMANÇAISE A ETRE AUDACIEUSE
Pour le président du Conseil régional de la jeunesse (Crj) de Ziguinchor, la paix en Casamance intéresse l’ensemble de la jeunesse ziguinchoroise
Robert Sagna, président du Groupe de réflexion pour la paix en Casamance (Grpc), a exhorté ce week-end les jeunes de la Casamance à développer le culte de l’audace et de s’engager véritablement, au-delà de leur combat pour la paix, dans le développement socioéconomique de la région. Des propos tenus dans le cadre d’une rencontre initiée au niveau du Conseil départemental de Ziguinchor par le Conseil régional de la jeunesse (Crj) de Ziguinchor avec le Grpc sur la problématique du processus de paix en Casamance. Occasion également pour les jeunes de revendiquer aussi bien leur place au sein du Grpc, mais également à la table des négociations au niveau national.
Pour le président du Conseil régional de la jeunesse (Crj) de Ziguinchor, la paix en Casamance intéresse l’ensemble de la jeunesse ziguinchoroise. C’est pourquoi Mamadou Talibé Diallo est aussi d’avis que s’il y a des groupes tels que le Grpc qui s’activent dans le processus de paix, le Crj se doit de prendre langue avec eux pour faire le diagnostic, connaître l’état des lieux du processus de paix, leurs actions sur le terrain par rapport à la paix définitive en Casamance tant attendue par toutes les populations sénégalaises et notamment la jeunesse de Ziguinchor. C’est donc tout le sens de cette rencontre initiée par le Crj en partenariat avec le Grpc pour discuter, dit-il, des problèmes de la Casamance, des avancées et des acquis de la paix et de voir ensemble quelle synergie il peut y avoir.
Au nom du Crj, Mamadou Talibé Diallo estime que les jeunes sont prêts à descendre dans le maquis pour parler à leurs frères, jeunes comme eux et qui sont, estime-t-il, également victimes comme eux de cette crise. «Il s’agira de discuter avec eux, les conscientiser par rapport à la perception actuelle que la jeunesse ziguinchoroise a du conflit casamançais», a souligné le président du Crj. Quid des perspectives pour le Crj ? Pour Mamadou Talibé Diallo, c’est de travailler à avoir la paix, de rencontrer toute la population pour échanger avec elle et faire en sorte que les jeunes puissent également intégrer le Grpc pour jouer leur partition dans le cadre de la recherche et de la gestion de la paix en Casamance. «80% des membres du maquis sont des jeunes. Et si donc au sein du Grpc il n’y a pas de jeunes pour aller parler aux jeunes du maquis, cela va poser problème», martèle-t-il. Une manière pour lui de plaider pour l’intégration de la jeunesse au sein du Grpc pour la recherche de la paix en Casamance. Une démarche conforme, selon M. Diallo, à la résolution 2250 des Nations unies qui donne mandat à la jeunesse de parler des questions de paix. «Et il s’agit de faire de cette résolution une réalité au Sénégal. Nous revendiquons notre place au sein du Grpc et à la table des négociations au niveau national. C’est cela notre combat aujourd’hui», dixit Mamadou Talibé Diallo.
Robert Sagna exhorte la jeunesse casamançaise à développer le culte de l’audace
Pour le président du Grpc, toutes les couches sociales sont importantes et doivent être associées à ce grand mouvement qui est engagé pour restaurer la paix en Casamance. C’est ce qui explique, dit-il, qu’après les sages, les jeunes puissent prendre part à cette activité afin que la paix revienne en Casamance. «C’est tout l’objectif de cette rencontre qui, au-delà des contacts individuels pris avec les jeunes dans leur village que toute cette frange de la société puisse venir aujourd’hui pour échanger et discuter avec le Grpc», soutient-il.
En termes de messages livrés à la jeunesse fortement mobilisée pour la circonstance, Robert Sagna et le Grpc ont d’abord partagé des informations sur l’état des lieux, les activités du Grpc avant d’insister sur le rôle qui est le leur. Pour le président du Grpc, les jeunes doivent être engagés, participer et être déterminés. Et sur un autre aspect, Robert Sagna a en outre insisté sur la nécessité pour les jeunes ici en Casamance d’être audacieux et de s’engager véritablement pour participer au développement socioéconomique de la région. «Et qu’ils n’attendent pas tout de l’Etat. Leur rôle est de prendre part à tout ce qui se fait. L’Etat met à leur disposition des moyens, des possibilités, mais je crois que nos jeunes manquent d’enthousiasme, d’audace et nous leur avons surtout demandé d’oser», a indiqué Robert Sagna face à la presse au terme de cette rencontre. Il est convaincu qu’au-delà de la lutte pour la paix, il y a également la lutte pour le développement de manière à ce que cette Casamance puisse avancer avec eux. «Mais ils se sont surtout engagés pour le futur à prendre leurs responsabilités et leur part dans ce processus de recherche de la paix en Casamance», s’est-il réjoui.
FAIRE FACE A MACKY
Me Abdoulaye Tine mise sur une coalition sociale et libérale pour faire face à Macky Sall. Dans ce sens, il a rencontré le secrétaire général du Pds et Serigne Modou Kara. «Prochainement», ce sera Khalifa Sall pour la mise en œuvre de cette plateforme.
Me Abdoulaye Tine mise sur une coalition sociale et libérale pour faire face à Macky Sall. Dans ce sens, il a rencontré le secrétaire général du Pds et Serigne Modou Kara. «Prochainement», ce sera Khalifa Sall pour la mise en œuvre de cette plateforme.
Une coalition entre Socialistes et Libéraux pour affronter Macky Sall. C’est ce que prône Me Abdoulaye Tine. Le président de l’Union pour le socialisme et le libéralisme (Usl) a fait cette proposition après avoir rencontré Me Abdoulaye Wade le 14 février dernier, mais aussi Serigne Modou Kara le samedi. Il annonce une rencontre avec Khalifa Sall «prochainement».
«Cette coalition sociale libérale représenterait la diversité politique sénégalaise sous toutes ses formes et sera ouverte à toutes les familles intellectuelles et idéologiques. Il s’agit de faire émerger une nouvelle plateforme politique capable de vaincre la coalition présidentielle, Benno bokk yaakaar, en obtenant une majorité politique stable aussi bien pour les prochaines élections locales et législatives», explique l’avocat.
Il estime, en effet, que Libéraux et Socialistes devront construire une alliance «large contre le recul de la démocratie et de l’Etat de droit». Dans ce sens, il note un dénominateur commun entre Karim Wade (Libéral) et Khalifa Sall (Socialiste) qui ont tous les deux été victimes de «l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques».
Cette alliance souhaitée, ajoute Me Tine, devra être plus inclusive en y associant «toutes forces vives de la Nation». «Nous devons nous mettre d’accord sur un front commun et renverser le rapport de forces. Une démarche basée sur le dépassement des clivages idéologiques.
Ce qui importe aujourd’hui pour les Sénégalais, ce n’est plus vraiment l’appartenance à telle ou telle famille politique, mais plutôt quelles sont les solutions concrètes et opérationnelles que les forces politiques sont en mesure d’apporter face aux difficultés qu’elles rencontrent actuellement», souligne le leader de l’Usl qui voit dans cette mayonnaise sociale et libérale un «pragmatisme politique».
DIONNE A CONTRE-COURANT DE MACKY
Le secrétaire général de la présidence de la République doute de la pertinence de la limitation des mandats présidentiels. Boun Dionne semble ainsi s’aligner sur la proposition mortnée de Serigne Mbacké Ndiaye
Le secrétaire général de la présidence de la République doute de la pertinence de la limitation des mandats présidentiels. Boun Dionne semble ainsi s’aligner sur la proposition mortnée de Serigne Mbacké Ndiaye. Pourtant, Macky Sall, lui, avait déclaré être favorable à cette limitation.
C’est au moment où la question d’une troisième candidature de son «patron» est sur toutes les lèvres que Mahammed Boun Abdallah Dionne en rajoute. Dans une longue interview avec le groupe Emedia Invest, le Secrétaire général de la présidence de la République a décidé, contrairement à nombre de certains responsables du parti présidentiel, de ne pas se «dérober sur cette question».
Il admet tout de même que la question de la durée et du nombre de mandats est «extrêmement difficile parce qu’elle n’est pas tranchée au plan international de la doctrine par les juristes». Selon lui, les pays où il n’y a pas de limitation de mandats sont beaucoup plus nombreux que les pays où, au niveau de l’Exécutif, il y a des limitations. Mais même en donnant des exemples, il met toujours des gants dans un style interrogatif.
Il enchaîne : «Je pose d’abord une question : est-ce que les mandats des députés sont limités dans le temps ? On peut être député pendant 50 ans. Au niveau de l’Exécutif, un autre pouvoir, pour le chef de l’Etat ou le chef de gouvernement, dans la minorité des pays, il est limité. Je ne parle pas de troisième candidature, je ne parle du Président Macky Sall, je me pose la question : est-il pertinent d’abord de limiter le nombre de mandats ?
Au plan de la doctrine, il faut réfléchir. Et pourquoi ce n’est pas valable au niveau du Législatif ?» Sauf qu’il y a des questions qui sont… affirmatives. Et celle du Secrétaire général de la présidence de la République est dans ce lot. Parce qu’il ne s’est jamais interrogé sur la question lorsque cette révision constitutionnelle de 2016 qui verrouillait la limitation des mandats présidentiels a été approuvée par le Peuple.
Quand Dionne s’aligne sur Serigne Mbacké Ndiaye
Cette interrogation de Dionne n’a rien de différent d’ailleurs de la suppression de la limitation des mandats qu’avait voulu proposer Serigne Mbacké Ndiaye. Benno bokk yaakaar et son pôle qui siège au dialogue politique avaient vite fait de rectifier cette incongruité de l’ancien porteparole de Abdoulaye Wade. Alors, que le numéro 2 de l’Apr s’interroge sur la limitation des mandats, cela pose problème.
L’on a l’habitude de voir les ballons de sonde partout, jusque dans cette sortie de l’ancien Premier ministre, mais il est difficile de croire que son «patron» l’a envoyé lancer cette «promotion», ce «produit» «illimix», pour reprendre le surnom que les réseaux sociaux ont collé à Serigne Mbacké Ndiaye.
Macky Sall en 2014 : «Je suis favorable à la limitation des mandats dans le temps»
Sauf revirement, le président de la République est un paladin de la limitation des mandats. En novembre 2014, à la veille du 15ème Sommet de la Franco phonie à Dakar, il était l’invité de feu Jean Karim Fall sur France 24. «A la lumière de ce qui s’est passé au Burkina, ce qu’on a appelé le printemps burkinabè, est-ce que vous êtes favorable à une limitation des mandats dans l’espace francophone, par exemple deux mandats, pas plus ?»
C’était la question. Voici la réponse de Macky Sall : «Oui, au Sénégal, nous avons réglé cette question puisque notre Constitution de 2001 a limité le nombre de mandats à deux. Il y a eu une variation et c’était sur la durée. Et moi-même j’ai été élu sur le régime du septennat. Et pour revenir à une norme, deux mandats de cinq ans, j’ai décidé d’appliquer une réduction sur mon propre mandat. (Ndlr : Il fera 7 ans finalement).
Donc, je suis favorable à la limitation des mandats dans le temps.» Et sur ses pairs africains qui durent au pouvoir, il avait ajouté : «Aujourd’hui, tous doivent tenir compte de la réalité du monde.» Au moins sur cette question, Dionne ne semble être sur la même onde que Macky Sall.
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HOSNI MOUBARAK EST MORT
L'ancien président égyptien est mort mardi, à l'âge de 91 ans, à l'hôpital militaire du Caire. Retour sur l'ascension, le règne et la chute de celui qui fut, 30 ans années durant, le visage du pouvoir en Égypte.
L'ancien président égyptien Hosni Moubarak est mort mardi, à l'âge de 91 ans, à l'hôpital militaire du Caire, ont annoncé sa famille et la télévision d'État égyptienne. Retour sur l'ascension, le règne et la chute de celui qui fut, 30 ans années durant, le visage du pouvoir en Égypte.
L'ancien homme fort d'Égypte, Hosni Moubarak, âgé de 91 ans, s'est éteint, mardi 25 février, à l'hôpital militaire Galaa, au Caire. L'ancien raïs a régné en maître sur l'Égypte pendant trois décennies avant d'être renversé à la faveur de la "révolution du Nil", le soulèvement populaire de 2011 réprimé dans le sang. Il a ensuite été emprisonné durant six ans, condamné à la perpétuité pour complicité et conspiration en vue de tuer des manifestants.
Après le retour au pouvoir de l'armée dirigée par l'actuel président, Abdel Fattah al-Sissi, Hosni Moubarak avait été remis en liberté lorsque les dernières charges ont été abandonnées contre lui en mars 2017. Une libération qui a mis un point final aux poursuites contre lui et au long feuilleton judiciaire qui l'avait contraint à passer l'essentiel de ses six années de détention dans l'hôpital militaire du Caire.
Jusqu'à sa chute en 2011, deux tiers des Égyptiens n'avaient alors connu que lui à la tête du pays.
Ascension fulgurante
Hosni Moubarak ne se destinait pourtant pas à une telle carrière. Avant d'accéder à la plus haute fonction de l'État égyptien, en 1981, il envisageait plutôt de consacrer sa vie à l'armée.
Brillamment diplômé de l'Académie de l'armée de l'air en 1950, le jeune Hosni gravit les échelons militaires jusqu'à être nommé commandant des Forces aériennes égyptiennes, en 1972. Sous ses ordres, les pilotes égyptiens infligent de lourdes pertes à Israël lors de la guerre du Kippour, en 1973. Considéré comme un héros de guerre, Hosni Moubarak est promu général.
Deux ans plus tard, Anouar al-Sadate, alors chef de l'État, en fait son vice-président. "Moubarak était le second idéal : un homme discipliné, travailleur, loyal, sans ambition ni charisme, rapporte en 2005 le politologue Hicham Kassem au quotidien Le Monde. Le secrétaire d'État américain Henry Kissinger, qui le rencontra à cette époque, crut qu'il appartenait au 'petit personnel' tant il était effacé."
En six ans, l'homme "effacé" écoute, regarde, apprend. Le président Sadate le mandate régulièrement auprès des chefs d'État étrangers, arabes et occidentaux. En l'absence du président, il est par ailleurs souvent chargé de diriger le conseil des ministres. Quand Sadate est assassiné en 1981, Hosni Moubarak est donc rompu aux pratiques du pouvoir... Une semaine plus tard, il est élu à la présidence. Il a alors 53 ans.
Moubarak redonne une voix diplomatique à l'Égypte
Dès son entrée en fonction, le nouveau président s'attache à redonner à son pays un rôle clé sur la scène internationale. "L'un des succès fondamentaux d'Hosni Moubarak a été de rallier les pays arabes aux Américains en 1990, lors de la première guerre du Golfe. Un coup de maître", selon Jean-Noël Ferrié, politologue, auteur de "L'Égypte entre démocratie et islamisme : le système Moubarak à l'heure de la succession".
Sans pour autant retrouver le leadership dont elle jouissait sous Nasser, président entre 1952 et 1970, l'Égypte d'Hosni Moubarak se replace au cœur des enjeux stratégiques du Proche-Orient. Le pays devient, en particulier, un médiateur incontournable du conflit israélo-palestinien.
Mais la confiance que lui accordent les pays arabes finit par s'étioler, notamment après l'opération militaire israélienne contre la bande de Gaza, entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009. Pendant les raids, l'Égypte refuse d'ouvrir entièrement sa frontière avec l'enclave palestinienne bombardée. "Hosni Moubarak a poursuivi la politique de Sadate : celle de se tourner vers les États-Unis et Israël", analyse Jean-Noël Ferrié.
Dérives autoritaires en interne
Sur le plan interne, au début de son mandat, Hosni Moubarak semble vouloir assouplir la politique de son prédécesseur. Il fait par exemple libérer 1 500 membres de la confrérie islamiste des Frères musulmans. Mais cette tolérance relative fait long feu. Dès 1984, l'organisation, tolérée mais non reconnue, acquiert une assise politique en s'alliant avec le parti Wafd et remporte quatre sièges au Parlement. Hosni Moubarak resserre la vis. Entre 1990 et 1997, la répression contre les Frères musulmans atteint son paroxysme : 68 islamistes sont exécutés et 15 000 sont enfermés dans les geôles égyptiennes.
Pour faire taire les voix dissonantes, le raïs s'appuie sur un redoutable appareil policier et sur un système politique dominé par sa formation, le Parti national démocratique (PND). Seul et unique candidat aux élections présidentielles de 1987, 1993 et 1999, il les remporte, chaque fois, avec plus de 95 % des voix. En 2005 cependant, face au mécontentement grandissant de la population, il fait modifier la Constitution pour permettre la tenue d'élections multipartites. Un pluralisme de façade : au cours de la consultation organisée cette année-là, le pouvoir a minutieusement sélectionné les candidats. Et, sans surprise, Hosni Moubarak est réélu avec plus 88 % des voix.
"La révolution du Nil"
Les dernières années de règne du président égyptien ont été marquées par une contestation croissante au sein de la population, qui a débouché sur le mouvement de protestation ayant conduit à sa chute, le 11 février 2011. Déclenchée 18 jours plus tôt, la révolte a vu des centaines de milliers de personnes descendre dans les rues du Caire pour protester contre leurs conditions de vie et réclamer le départ du vieux raïs. Lâché tour à tour par l'allié américain, puis par l'armée égyptienne, Hosni Moubarak jette l'éponge.
Aussi rapide que spontanée, la révolution s'est nourrie des difficultés économiques et sociales endurées par les Égyptiens. En 2010 en effet, 44 % de la population du pays vivait encore avec moins de 2 euros par jour. Après avoir réduit l'opposition au silence, Hosni Moubarak s'était arrangé pour être reconduit dans ses fonctions haut la main avant d'être soupçonné de vouloir transmettre le pouvoir à son fils Gamal. En vain.
Depuis sa destitution, la santé fragile d'Hosni Moubarak a été l'objet d'incessantes spéculations et d'informations contradictoires faisant état tour à tour de dépression aiguë, d'un cancer, d'accidents cardiaques ou de problèmes respiratoires. Il avait régulièrement été hospitalisé et admis en soins intensifs depuis son départ du pouvoir.
GRIBOOUILLE DE LA SEMAINE PAR IBOU LO
LES MÉSAVENTURES DE KÉMI SÉBA
EXCLUSIF SENEPLUS - Devenu presque paria en Afrique, le militant "anticolonialiste" a été refoulé lundi soir du Sénégal, pays qui revendique pourtant des valeurs d'hospitalité, au grand dam de ses soutiens en rogne contre le président Macky Sall
Cette fois, il n'aura même pas eu l'occasion de humer l'air de la Teranga sénégalaise. Le militant "anticolonialiste" Kémi Séba, qui voulait venir à Dakar afin d'être jugé en appel pour avoir brûlé un billet de 5.000 francs CFA (7,6 euros), a été refoulé lundi soir vers Bruxelles. Le français d'origine béninoise qui fait toujours l'objet d'un avis d'expulsion, selon les autorités sénégalaises, était retenu depuis dimanche "en zone de transit" de l'aéroport dès sa descente d'avion.
Une mésaventure de plus pour l'activiste régulièrement interpellé ou expulsé de pays comme la Côte d'Ivoire ou la Guinée. La justice burkinabé l'a condamné fin décembre à "deux mois de prison avec sursis" pour "outrage" au président Roch Kaboré et à ses homologues ivorien Alassane Ouattara et nigérien Mahamadou Issoufou.
Retrouver sur SenePlus, chaque semaine la "Griboouille de la semaine" sous la plume de l'illustrateur Iboo Lo.
par notre éditorialiste, serigne saliou guèye
LE COUP DE MAÎTRE D’AMINATA MBENGUE NDIAYE
L'actuelle secrétaire générale du PS a réussi la prouesse d’avoir suscité la rencontre, même fortuite, entre Mackty Sall et Idrissa Seck, deux ennemis jurés de la scène politique nationale
Au moment où toute la classe politique, y compris l’Alliance pour la République (APR), tire à boulets sur elle parce que lui reprochant de vouloir porter le projet d’un « statut particulier pour Dakar », Aminata Mbengue Ndiaye a réussi la prouesse d’avoir désamorcé, un tantinet, la bombe qu’elle a posée en organisant un hommage spécial à Ousmane Tanor Dieng, regretté secrétaire général du Parti socialiste (Ps). Pendant ces trois derniers jours, le défunt président du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) a occupé l’actualité au point d’éclipser la polémique suscitée par les velléités de nommer un administrateur à la tête de la ville de Dakar à la place de l’élection du maire.
Cessant le feu le temps d’un weekend, toute la classe politique nationale s’est retrouvée ce samedi à la maison du Parti socialiste pour honorer le premier président du HCCT. Et parmi l’aréopage de personnalités présentes à la cérémonie d’hommages, il y avait le président de la République Macky Sall, des membres de son gouvernement, la présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese) mais aussi des leaders de partis de l’opposition comme Idrissa Seck de Rewmi, Malick Gakou du Grand parti et le Pr Issa Sall du PUR. Cette rencontre à la Maison Léopold Sédar Senghor aura été l’occasion de réunir simultanément les deux premiers de la dernière élection présidentielle en l’occurrence Idrissa Seck et Macky Sall qui sont rarement serré la main depuis la campagne présidentielle de 2012.
Ainsi Aminata Mbengue Ndiaye, l’actuelle secrétaire générale du Ps, a réussi la prouesse d’avoir suscité la rencontre, même fortuite, entre deux ennemis jurés de la scène politique nationale. L’image qui fait actuellement le tour de la toile est celle du président de la République et du Rewmiste en chef, tous les deux arborant de larges sourires comme pour faire tomber le rideau de fer qui s’est dressé entre eux un an après l’alternance de 2012. Cette image de Macky Sall et Idrissa Seck tout sourire renvoie dans sa forme aux fameuses retrouvailles entre le premier nommé et son prédécesseur Me Abdoulaye Wade le jour de l’inauguration de la grande mosquée Massalikoul Jinane.
Des retrouvailles rendue possibles par l’entregent du khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké. Un point précieux marqué par Aminata Mbengue puisque Idrissa Seck est connu pour être l’un des plus radicaux adversaires politiques de Macky Sall. Et en ce moment de dialogue politique où le président Sall a demandé à toute la classe politique de se réunir et de lui faire des propositions allant dans le sens de renforcer la démocratie, réussir à réunir des personnalités politiques que tout oppose relève assurément d’un véritable coup de maître.
C’est pourtant ce qu’a réussi la nouvelle patronne du Ps. L’occasion faisant l’opportuniste, le chef de l’Etat n’a pas manqué de lancer un appel pressant à ses opposants présents à la Maison Léopold Sédar Senghor en ces termes : « Je salue mon cher aîné, Idrissa Seck, mon frère Malick Gakou et tous les autres. Je voudrais vous dire qu’au-delà de la diversité de nos trajectoires, nous avons en commun la seule et grande référence qui est ce pays, qui est le nôtre. Cette terre de nos ancêtres. Il (nous) faut bien que toutes les contradictions soient dissoutes dans l’unité autour de la grandeur de notre nation » a-t-il souhaité. Une telle déclaration de Macky Sall a été analysée comme une invite à plus de décrispation car, depuis la nuit de la présidentielle de 2019, on a senti une sourde radicalisation du leader de Rewmi qui s’est engoncé dans un silence abyssal, à la limite mystérieux. Idrissa Seck va-t-il saisir la balle de la décrispation au bond ?
Pour l’instant, les supputations vont bon train sur le sens et la portée de cet appel du président Sall. La personne d’Ousmane Tanor Dieng a été magnifiée parce que, comme l’a affirmé Idrissa Seck, le défunt leader socialiste était un rassembleur qui « n’était pas exclusivement la propriété du Partisocialiste » mais qui « était dans le cœur de tous les Sénégalais et au-delà même dans celui de tousles Africains et aussi de ses camarades de l’Internationale socialiste ». Et le candidat malheureux à la présidentielle de 2019 de conclure qu’« à toutes les échelles où se mesurent la grandeur et la rigueur de l’homme d’Etat, la vision et la clairvoyance du chef de parti, l’élégance vis-à-vis des adversaires, la capacité d’endurance face aux épreuves de la vie, la fidélité et la loyauté en amitié, Ousmane Tanor Dieng a toujours été au premier rang ».
En réussissant à rassembler cette brochette de personnalités au sein du temple politique des socialistes, la nouvelle secrétaire générale du Ps aura pris des galons dans sa nouvelle stature de chef des socialistes. Et même si la poignée de main « chaude » et les rictus de Macky et Idy ne devaient rester que dans les clichés des photos et aussi sur les vidéos des réseaux sociaux, la présidente du HCCT, elle, aura réussi le pari de créer la rencontre entre deux adversaires politiques que tout sépare depuis 2012. Deux adversaires, surtout, que le défunt Tanor aura lui aussi réunis ne serait-ce que l’instant d’une cérémonie d’hommage à sa mémoire.
LE DÉCRET DE MACKY À PROPOS DES NOMS DE LYCÉES FAIT PARLER
La décision du chef de l'Etat a soulevé des rancœurs et des incompréhensions notamment à Ouakam, Yoff, Mbao et Rufisque où l’on s’étrangle de rage si le décret lui-même n’est pas tourné en dérision
Ce 13 février, le président de la République a pris un décret de dénomination de certains lycées dans la région de Dakar. C’est ainsi que le lycée de la Patte d’Oie Builders porte désormais le nom de la grande dame des Lettres, Mme Aminata Sow Fall, celui de Yoff est baptisé du nom du cinéaste Ousmane Sembène, le lycée de Ouakam devient lycée Amath Dansokho, celui de Mbao s’appelle désormais lycée Cheikh Hamidou Kane du nom de l’auteur du célèbre roman « L’Aventure Ambiguë » et enfin, celui de Diamnadio devient lycée Ousmane Sow (artiste, sculpteur). Seulement, si ces hommes et femmes méritent largement de voir leurs noms au fronton des édifices de nos établissements d’enseignement secondaire au vu des immenses services qu’ils ont rendus à la Nation, le décret de Macky Sall a soulevé des rancœurs et des incompréhensions notamment à Ouakam, Yoff, Mbao et Rufisque où l’on s’étrangle de rage si le décret lui-même n’est pas tourné en dérision. A Ouakam, certains soutiennent avoir préféré un dignitaire lébou à la place de Amath Dansokho. A la Patte d’Oie, le sentiment est mitigé pour le choix porté sur Mme Aminata Sow Fall. A Yoff, l’incompréhension est totale puisque « l’oubli » par rapport à Mamadou Diop, l’ancien maire de la capitale et premier édile de la commune d’arrondissement éponyme est dénoncé avec vigueur. A Mbao, le choc est plus terrible encore puisque toute la contrée attendait que Demba Seck donne son nom au lycée de la localité. A Rufisque, les partisans de feu Me Mbaye Jacques Diop ne sont pas contents de l’omission de leur mentor par le chef de l’Etat. Ils demandent à ce dernier de réhabiliter l’ancien président du CRAES en donnant son nom au lycée moderne de Rufisque.
A Rufisque, les partisans de feu Me Mbaye Jacques Diop accusent le coup. Ils sont sonnés, ce vendredi 21 février, lorsqu’ils ont constaté « l’oubli » — ils n’osent pas penser qu’il puisse s’agir d’autre chose — dont a fait montre le chef de l’Etat par rapport à leur mentor au sujet de la dénomination de certains lycées de Dakar. Dans le département de Rufisque, Diamnadio aura un lycée qui portera le nom du célèbre artiste-sculpteur Ousmane Sow. « Nous avons appris, ce vendredi, la décision du président de la République de dénommer par décret certains lycées du pays à des hommes et des femmes qui ont participé à divers niveaux à la construction de ce pays. Des hommes et des femmes bien méritants certes, nous le remercions vivement pour ces actes. Maisil me semble qu’il a omis d’y associer le président feu Mbaye Jacques Diop.
A Rufisque, tous les compagnons de route et les sympathisants de l’ancien président du Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales (Craes) ont relevé cette omission pour la déplorer. Notre conviction est que les hommes et les femmes honorés n’ont pas fait plus que le président Mbaye Jacques Diop pour cette République » explique Oumar Fall, le coordonnateur du Parti pour le Progrès et la Citoyenneté (PPC) fondé par le défunt président de l’institution devancière de l’actuel Conseil économique, social et environnemental. « Nous demandons de la manière la plus solennelle que cette injustice soit réparée. Le président Macky Sall doit honorer le président Me Mbaye Jacques Diop en donnant le nom de ce dernier au lycée moderne de Rufisque. Nous sommes persuadés que le président Macky Sall va entendre notre doléance parce qu’il a toujours considéré notre leader comme un père. Surtout que pendant la maladie et lors des funérailles de notre mentor, le président Macky Sall a été présent aux côtés de la famille. Nous retenons aussi que le président Mbaye Jacques Diop l’a accompagné fidèlement aussi bien en 2007, lorsqu’il dirigeait la direction de campagne du président Abdoulaye Wade, que lors de la campagne présidentielle de 2012. Nous avons noté aussi que le président Macky Sall, lors de la campagne présidentielle de 2019, avait particulièrement accordé un hommage particulier au président Mbaye Jacques Diop. Parce qu’il sait parfaitement le rôle que le défunt président Mbaye Jacques Diop a joué dans la construction politique et civique du Sénégal. Il a honoré de dignes fils de Rufisque en nommant le stade de Rufisque au nom de Ngalandou Diouf, la gare routière au nom d’Alioune Badara Mbengue, l’hôpital de la ville au nom de Youssou Mbargane. Alors aujourd’hui, il est temps qu’un édifice d’une grande dimension puisse porter le nom de Me Mbaye Jacques Diop. C’est pourquoi nous pensons, nous, la famille de l’ancien maire de Rufisque, qu’à juste titre le lycée moderne de Rufisque doit porter son nom» ajoute notre interlocuteur. Qui conclut en indiquant que « parler d’héritage politique est réducteur de l’action de cet homme au parcours exceptionnel parce que Me Mbaye Jacques Diop est un tout.
De toutes ses dimensions, la politique n’est qu’une passion de l’homme, mais son vrai engagement c’est la construction d’un homme doté d’une citoyenneté parfaite pour la construction de la République. C’est pourquoi, il a profité de sa position au sein de la communauté urbaine pour offrir des bourses à de nombreux jeunes Sénégalais qui n’avaient pas les moyens pour aller étudier en Europe. Aussi bien à Rufisque que partout au Sénégal et dans le monde, de brillants cadres doivent leur réussite professionnelle au président Mbaye Jacques Diop. Il appartient à tous ceux qui se réclament de cet homme de se retrouver ensemble pour vivifier davantage son legs qui est loin d’être seulement politique ».
… A Mbao, l’oubli de Demba Seck au profit de Cheikh Hamidou Kane fait mal
Dans la ville lébou de Mbao, les populations ne sont pas contentes de la décision du président de la République. Feu Demba Seck qui fut maire de la grande ville Pikine du temps des Socialistes, malgré sa disparition en 2013, reste encore très populaire à Mbao. « Nous sommes désolés, M. le Président de la République, Mbao a un illustre fils pour être parrain du lycée. Demba Seck est né à Mbao, y a grandi, y a toujours habité et y est enterré. Il est le premier enseignant originaire de la commune de Mbao, a été directeur de l’école Mame Wassour Seck avant d’entrer en politique. Ce qui lui a valu d’être député, puis maire de la ville de Pikine. Non, le lycée de Mbao doit porter le nom de Demba Seck, natif du terroir et ancien député, enseignant et maire. Cheikh Hamidou Kane est un Sénégalais émérite, mais c’est Demba Seck que doit revenir l’honneur d’être le parrain du lycée de notre commune », témoigne ce natif du village de Mbao. « Un homme généreux, courageux, fier de sa ville natale, un combattant pour sa population demoul Almadies mba Mamelles, Nord foire wala Sud Foire, Point E, Mbao maka geuneul fepp wakhouma lycée mais loudoul lycée meritenako paix à son âme (Il n’a pas choisi d’aller habiter aux Almadies, ni aux Mamelles encore moins à Nord Foire ou Ouest-Foire ne parlons pas du Point E. Il a choisi de vivre auprès des siens » réagissent sur la Toile des résidents de Mbao indignés. « Certes, le président de la République est dans son droit puisque le lycée de Mbao appartient à l’Etat à travers le ministère de l’Education. Seulementsur cette question, la mairie de la commune de Mbao avait pris une délibération pour demander que le lycée de Mbao porte le nom de Demba Seck.
La délibération envoyée au ministre de l’Education n’a pas été prise en compte. Et c’est vraiment dommage. Nous sommes déçus par l’acte posé par le chef de l’Etat. Nous n’avons rien contre Cheikh Hamidou Kane qui reste un digne fils du pays, mais nous ne connaissons que Demba Seck qui fut le premier enseignant de Mbao et qui s’est surtout sacrifié pour l’instruction des fils de Mbao » indique le conseiller municipal Abou Sy. Le maire de la commune, Abdoulaye Pouye Obama, a aussi regretté la tournure des choses. Il aurait souhaité que le vœu du conseil municipal fût respecté. Cependant, il promet qu’il va se battre pour honorer Demba Seck en faisant de sorte que le stade municipal de Mbao porte le nom de Demba Seck. Un autre combat politique en perspective.
…Amath Dansokho, un nom peu connu à Ouakam
Si Amath Dansokho reste une figure du monde politique sénégalais et africain, un opposant de grand talent et fondateur du Parti de l’Indépendance et du Travail, son nom reste peu connu au lycée de Ouakam où « quatre-vingt-dix neuf pour cent des élèves ne le connaissent même pas » explique Nafissatou Harb en classe de terminale scientifique, selon Senenews. « Dansokho, oui, il a beaucoup fait pour le Sénégal, mais on aurait pu, au moins, nous demander - notre avis avant de faire quelque chose ». Ibra Guèye, en première S ne connait pas non plus Amath Dansokho. « J’ai entendu dire qu’il habitait à Kédougou mais pourquoi pas… A Kédougou, il a y des lycées. Pourquoi ne pas donner son nom aux lycées qui sont à Kédougou ? Ici à Ouakam, il y d’autres personnages ». Les élèves de citer les noms de certains dignitaires religieux. Joint par RFI, Yaya Diaw, professeur d’histoire et géographie dans l’établissement, ne s’explique pas le peu de notoriété de l’ancien ministre chez ses élèves. « Peut-être qu’il faudra revoir les contenus au programme, essayer de voir comment intégrer le nom de ces personnalités en fonction de leurs responsabilités ou des événements qu’ils sont eu à vivre. Rebaptiser le lycée de Ouakam en lui donnant le nom de feu Amath Dansokho, je trouve que c’est une bonne chose » dit-il cependant. Bref, le président de la République, en croyant bien faire mais en ne consultant visiblement personne, vient encore d’allumer un nouveau front contre lui !
LYCÉE AMINATA SOW FALL
A la Patte d’Oie Builders, on applaudit même si beaucoup d’élèves ne connaissent pas la marraine !
Le Témoin a fait un tour au lycée de la Patte d’Oie Builders qui porte désormais le nom de la célèbre écrivaine Aminata Sow Fall, l’auteure de l’« Empire du mensonge » et du chef d’oeuvre « La grève de Bàttu ». Appréciée mondialement, cette Grande dame des Lettres n’est paradoxalement pas connue par les élèves de ce lycée qui vient d’être baptisé à son nom. Quant aux professeurs, ils s’indignent des infrastructures de l’école qui sont dans un piteux état indigne du nom de sa prestigieuse marraine.
« Où se trouve le lycée de la Patte d’Oie Builders ?», demande le visiteur à trois élèves en tenues identiques. « Nous allons comme ça au lycée. Allons-y ensemble », proposent elles en chœur. On échange avec ces apprenants sur l’appellation de leur lycée qui porte désormais le nom de la grande dame des Lettres, Mme Aminata Sow Fall. « Je ne connais vraiment pas Aminata Sow Fall. Nous connaissons plutôt Mariama Ba dont l’œuvre «Une si longue lettre » était au programme. Sincèrement, je n’ai jamais entendu son nom », dit l’une d’entre ces lycéennes sans gêne. Elle a même l’acquiescement de ses camarades qui ignorent eux aussi tout de la célèbre romancière. 12 heures passées de quelques minutes devant le lycée Aminata Sow Fall. Des élèves entourent les vendeuses de beignets et autres mets. On commande des sandwichs par-là, on achète des bonbons par ci. A l’intérieur de l’établissement, les élèves discutent en se chambrant. La cour est sablonneuse si bien qu’il est difficile d’y déambuler, du moins pour le visiteur car les élèves, eux, semblent habitués à s’y mouvoir. Les chaussures sont vite enveloppées par une couche de poussière. Le nom de la nouvelle marraine, beaucoup de pensionnaires de ce bahut semblent l’ignorer.
Sous la véranda d’une classe de 5e , quelques jeunes filles débattent. Notre question semble les intéresser. « Nous ne la connaissons pas. Mais, nous sommes contentes de savoir qu’elle est une grande intellectuelle », s’exclament-elles. L’une d’entre elles du nom de Aïssatou Sandrine Seck lève le doigt. « C’est vendredi dernier que mon père m’a fait connaitre la marraine de notre établissement. Il m’a expliqué qu’elle est une grande écrivaine », confie fièrement la petite lycéenne. « Je pensais qu’elle s’appelle Fatoumata Sow. Pourquoi on n’étudie pas ses œuvres au programme comme celle de Mariama Ba, l’auteure d’ « Une si longue lettre? », demande l’une des filles du groupe. Ousseynou Fall est en 1ere, pressant le pas pour rejoindre sa classe, il donne son avis. « Je n’ai jamais lu un ouvrage de Aminata Sow Fall. Mais, hier, j’ai fait des recherches la concernant sur Google. J’ai vu qu’elle a écrit des ouvrages. Je suis vraiment ravi de voir notre lycée porter le nom d’une intellectuelle de renom », se réjouit le jeune homme avant de rejoindre sa salle de classe. La proviseure du lycée Aminata Sow Fall, Mme Camara, est devant la grande porte de son bâtiment qui fait face à la cour sablonneuse du lycée, surveillant ses potaches. Après quelques salamalecs, elle nous reçoit dans son bureau. «Nous ne pouvons accueillir le décret que positivement. Parce que Mme Aminata Sow Fall est une grande dame des Lettres très connue, de renommée internationale. Je crois que le lycée de la Patte d’Oie Builders ne pourra qu’en profiter, vu que c’est une dame qui est honorée. Elle est également honorée en sa qualité d’enseignante.
Et par rapport à sa renommée, je pense que le lycée ne peut qu’en profiter » confie Mme Camara, exprimant sa satisfaction de voir une dame méritante donner son nom au lycée dont elle est la personne morale. Selon la proviseure, des efforts considérables devraient être faits pour pousser les élèves à aimer la lecture. « Il faudra un effort pour faire connaitre aux élèves la romancière. Pour ce faire, les auteurs sénégalais devraient être intégrés au programme et les établissements scolaires devraient dispose de bibliothèques pour pousser les élèves à aimer la lecture. Cela doit même se faire au niveau national pour donner le goût des livres aux apprenants. Les élèves de 3ème connaissent Mariama Ba parce qu’ils étudient « Une si longue lettre ». Il faut surtout que les écoles soient dotées de bibliothèques. Vous avez vu que notre établissement n’en dispose pas. Je pense que c’est la première bataille à gagner », a soutenu Mme la proviseure.
Dans tous les cas, assure Mme Camara, leur lycée ne peut être qu’honoré de porter le nom d’une dame de la trempe de Mme Aminata Sow Fall. « Il n’y a aucune contestation du nom de Aminata Sow Fall. Comme cela vient de la plus haute autorité de l’Etat, nous l’acceptons. C’est une enseignante qui est honorée. Nous ne pouvons que féliciter Mme Aminata Sow Fall et nous réjouir que notre lycée porte son nom. Je viens d’avoir un contact avec elle. Elle passera d’abord voir le lycée et on lui parlera de nos projets et essayer de tirer quelque chose de positif dans nos échanges », informe notre interlocutrice.
« Un semblant de lycée ! »
Par ailleurs, la proviseure n’a pas manqué d’évoquer le manque d’infrastructures du lycée qu’elle dirige. « Notre établissement était un groupe scolaire, une école élémentaire qu’on a transformée en partie en CEM (collège) et par la suite c’est devenu un lycée depuis 2014. Donc, il y a beaucoup de choses à faire. D’abord, on n’a pas d’infrastructures, rien qu’à voir le lycée, on a l’impression d’être dans une école primaire. Il nous faudrait d’abord des infrastructures. C’est notre premier besoin vital. Après, il faudra construire des salles de classe et les équiper. Notre problème actuellement, c’est la construction du lycée. Ce que nous avons ici, c’est vraiment un semblant de lycée. Il nous faudrait tout raser et construire en hauteur. Il nous faut une bibliothèque, un laboratoire, une infirmerie, une salle informatique, un bâtiment administratif », énumère Mme Camara.
A quelques mètres du bâtiment du provisorat, celui du corps professoral. Les professeurs discutent à l’intérieur. D’aucuns prennent congé, d’autres rejoignent leurs classes. Professeur de maths et physique-chimie, El Hadj Oumar Guèye discute avec quelques-uns de ses collègues.
Interpellé sur le nom que porte désormais le lycée où il officie, il soutient sans ciller que ce n’est pas honorer la dame que d’en faire le parrain de cet endroit. Car, selon lui, l’établissement n’est pas digne d’un lycée. « Je ne peux pas parler en termes de satisfaction du nom que porte désormais cet endroit, à savoir Aminata Sow Fall. Ce que je sais, c’est que ce lycée-là ne l’est que de nom. Ça, c’est des abris provisoires qui ont été construites après la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, ces bâtiments-là ne devraient plus abriter des êtres humains parce que la garantie n’est plus de jour. C’est très risqué d’enseigner dans ces bâtiments qui sont des préfabriqués dont la durée de vie a été complétement dépassée », martèle El Hadj Oumar Guèye.
Ayant du mal à cacher son courroux, il estime que ces préfabriqués, « ça devrait être détruit et reconstruit. On nous parle de Sénégal émergent alors que si on va en Corée du Sud, par exemple, il y a des écoles construites qui ont des durées de vie de 300 ans. Alors qu’ici les deux bâtiments (Ndlr, il les indexe) ont été construits après 2010 et vous voyez déjà leur état. Si on veut atteindre l’émergence, il faudrait construire des écoles de qualité parce que le développement ne pourra être atteint qu’avec des ressources humaines de qualité. Mais aussi des infrastructures de qualité ».
En parlant du lycée où il travaille, il estime que l’Etat devrait mettre les moyens et le construire ou le reconstruire. « Vraiment si on respectait Mme Aminata Sow Fall qui est une grande personne, une éminente femme de lettres qui a beaucoup fait pour cette nation, je crois que la moindre des choses, c’était de construire l’établissement en bonne et due forme avant de lui donner son nom. Le coup est déjà passé. Maintenant, il convient de trouver les moyens pour construire l’établissement avant de mettre le panneau Aminata Sow Fall. Si c’était le nom de mon père ou ma maman qu’on devait donner à cet établissement, j’aurais refusé », a-t-il conclu. Une de ses collègues abonde dans le même sens. « Je pense que c’est du sabotage. L’Etat ne nous respecte pas. Au lieu de construire le lycée, il change son nom ! Aminata Sow Fall mérite plus que ça. Son nom doit être donné à un lycée digne de son nom », a lancé cette dame qui a requis l’anonymat.