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29 juillet 2025
AUDIO
OBJECTION AVEC MOMAR DIONGUE
Le désir d'indignation est-il devenu un délit au Sénégal ? Comment analyser la posture du pouvoir de Macky Sall face à un climat social tendu ? Le journaliste et analyste politique est l'invité de Baye Oumar Guèye
Momar Diongue, journaliste et analyste politique est au micro de Baye Omar Gueye de (Sud Fm) dans l'émission Objection.
CE SERAIT UNE GROSSE ERREUR DE PLACER LE SENEGAL DANS UNE APPROCHE PUREMENT SECURITAIRE
Une approche holistique qui va passer par la mise en place d’une stratégie nationale de prévention de l’extrémisme violent : C’est ce que recommande Dr Bakary Samb qui présentait hier l’étude réalisée par Timbuktu institute sur les facteurs de radicalisat
Une approche holistique qui va passer par la mise en place d’une stratégie nationale de prévention de l’extrémisme violent : C’est ce que recommande Dr Bakary Samb qui présentait hier l’étude réalisée par Timbuktu institute sur les facteurs de radicalisation et la perception du terrorisme chez les jeunes dans les zones frontalières du Sénégal et de la Guinée. L’enquête menée à Labé et à Vélingara montre que le chômage, la pauvreté et l’exclusion sociale peuvent être des facteurs de radicalisation.
La dernière étude menée par Timbuktu institute sur les facteurs de radicalisation dans la zone de Labé (Guinée) et Vélingara (Sénégal) montre encore que des moyens doivent être trouvés pour lutter contre le chômage, la pauvreté et l’exclusion sociale.
En effet, l’étude réalisée par cette structure, en collaboration avec la Fondation Konrad Adenauer dans cette zone frontalière de la Guinée et du Sénégal auprès de 800 jeunes, montre que «chômage, pauvreté exclusion sociale et la cyber-radicalisation sont perçus comme des facteurs de la radicalisation». Analysant ainsi les résultats de cette étude, le directeur de Timbuktu institute a insisté, lors de la restitution, sur la nécessité de mettre en place une stratégie nationale de prévention de l’extrémisme violent. Selon lui, il faut que le Sénégal arrive «à assumer cette stratégie».
Pour ce qui est de la Guinée, Bakary Sambe informe que la stratégie existe, mais elle n’est pas encore adoptée. Insistant sur ce point, le directeur de cette structure précise que la stratégie de prévention est différente de celle de la lutte contre le terrorisme. Pour suivant ses explications, il soutient que le problème ne peut pas seulement être réglé avec «des moyens sécuritaires».
«Il faut trouver des emplois aux jeunes, réduire les vulnérabilités socioéconomiques, c’est-àdire avoir une approche holistique d’un problème fondamental : La question de l’inclusion ou de l’exclusion sociale des jeunes», a-t-il déclaré. A l’en croire, ce serait «une grosse erreur de la part des pouvoirs publics de plonger le Sénégal dans une approche purement sécuritaire et dans une forme d’engagement accru au niveau militaire sans le préalable d’une stratégie nationale de prévention de l’extrémisme.» Prenant l’exemple du Mali et du Burkina Faso, Dr Sambe renseigne que ces Etats font face à «un rejet de la politique sécuritaire par les populations».
Pour lui, c’est très important d’avoir cette stratégie de prévention «qui permettra à l’Etat de faire de la sensibilisation, de mobiliser les religieux, la société civile, le milieu éducatif autour d’une cause nationale à laquelle adhère l’ensemble de la population». Selon Bacary Sambe, « la priorité du Sénégal se trouve dans l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention assumée».
Si on ne le fait pas, prévient-il, «on verra les pouvoirs politiques se confronter aux mêmes problèmes qu’au Mali et Burkina où la stratégie sécuritaire est rejetée». Autres problèmes : Gestion du religieux et dualité dans le système éducatif Autre signe inquiétant relevé par l’enseignant-chercheur concernant le Sénégal, c’est le fait que l’Etat n’a aucune emprise sur la gestion du religieux. En Guinée, renseigne-t-il, l’Etat a une capacité de gestion du religieux avec «le secrétariat général des Affaires religieuses qui gère les mosquées et parfois l’harmonisation du sermon» des imams.
D’ailleurs, à l’en croire, lorsqu’il y a dérive, la personne est appelée à la raison. Contrai rement à la Guinée, Bakary Sambe souligne que «le Sénégal n’a pas d’emprise sur la gestion du religieux». Un paradoxe, informe-t-il, qui «concerne tous les pays francophones laïcs».
Aujourd’hui, la question qui doit être posée, c’est comment gérer ce paradoxe de pays laïc, mais qui doit s’occuper des questions religieuses avec une dimension sécuritaire. Dans la même veine, il déclare qu’au Sénégal «on est dans une opération infinie de charme, de concurrence qui est très dangereuse pour l’équilibre du pays parce qu’ils (les religieux) sont classés au centre de tous les débats».
Selon Bakary Samb, les hommes politiques, aussi bien ceux du pouvoir que ceux de l’opposition, manipulent les symboles religieux. «Les hommes politiques cherchent dans les religieux la légitimité qu’ils n’ont pas. Ils veulent faire plaisir à toutes les structures religieuses», a-t-il dit.
Autre point relevé par l’enseignant-chercheur à l’Ugb, c’est la «dualité des systèmes éducatifs». D’après lui, si «en Guinée il y a une réglementation et ils arrivent à gérer les foyers coraniques», ce n’est pas le cas du Sénégal. Là aussi, il déclare que «l’Etat n’a pas d’emprise totale sur tout le système éducatif».
Dr Sambe relève deux types d’écoles au Sénégal, celle «des élites qui vont prendre leur référent en Orient, dans le monde arabe, et une autre dont les élites vont prendre leur référent en Occident». Pour l’enseignant, «on est en train de vouloir construire une Nation sans le ciment national qui est l’éducation». Il appelle ainsi à uniformiser les programmes d’enseignement, quelle que soit la langue.
LA SONACOS COMPTE TIRER SON ÉPINGLE DU JEU (DG)
La Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (SONACOS) a des arguments à faire valoir dans le cadre de la campagne de commercialisation de l’arachide, lesquels devrait lui permettre de tirer son épingle du jeu, assure son directeur
Dakar, 14 déc (APS) - La Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (SONACOS) a des arguments à faire valoir dans le cadre de la campagne de commercialisation de l’arachide, lesquels devrait lui permettre de tirer son épingle du jeu, assure son directeur général, Modou Diagne Fada.
"La SONACOS aussi a d’autres propositions pour tirer son épingle du jeu. Nous avons aussi des arguments, notamment la stabilité de notre prix, notre efficacité, nos excellents instruments de mesure et aussi notre impact" dans l’économie nationale, a-t-il indiqué.
Modou Diagne Fada s’entretenait avec des journalistes, samedi, lors de la journée dédiée à la région de Louga, dans le cadre de la 28e édition de la Foire internationale de Dakar (FIDAK, 5-22 décembre), axée sur le thème "Industrialisation et transfert de technologies : enjeux et perspectives en Afrique de l’Ouest".
Selon Modou Diagne Fada, l’impact de la SONACOS dans l’économie nationale se fait sentir également à travers la préservation des emplois et la nécessité de trouver des moyens d’investissement au profit de l’outil de production.
"Nous constatons une ruée des amis producteurs du Sénégal vers la Chine, car cette dernière propose un meilleur prix. Nous sommes des libéraux commerciaux et nous croyons à la concurrence et à la compétition", a-t-il dit, avant d’évoquer la volonté du chef de l’Etat sénégalais de ne pas arrêter un prix de vente fixe de l’arachide mais plutôt un prix-plancher de 210 francs CFA le kilogramme.
"C’est une volonté politique qui se concrétise par un renforcement du pouvoir d’achat des paysans, nous ne pouvons que nous en féliciter", a-t-il estimé,
A l’en croire, malgré la "ruée" des producteurs d’arachide vers la Chine, la SONACOS est assurée de trouver des opérateurs patriotes qui lui vendront leurs graines.
"Chaque entité mène la concurrence selon ses arguments, donc il est très tôt de faire le bilan de la campagne de commercialisation arachidière, car d’ici quelques semaines, l’offre sera plus importante", a-t-il souligné.
Si l’offre "devient plus importante, la demande sera moins forte et dans ces conditions-là", la SONACOS "trouvera son compte", a poursuivi son directeur général.
ENVIRON 15 TONNES D’ORDURES COLLECTÉES À LA FIDAK DEPUIS LE 5 DÉCEMBRE DERNIER (RESPONSABLE NETTOIEMENT)
Entre 10 et 15 tonnes de déchets sont collectés par jour à la Foire internationale de Dakar (FIDAK), depuis le coup d’envoi de la 28e édition, le 5 décembre dernier, a indiqué Babacar Fall, coordonnateur de la société Sénégal assainissement global service
Dakar, 14 déc (APS) - Entre 10 et 15 tonnes de déchets sont collectés par jour à la Foire internationale de Dakar (FIDAK), depuis le coup d’envoi de la 28e édition, le 5 décembre dernier, a indiqué Babacar Fall, coordonnateur de la société Sénégal assainissement global service (SAGS), en charge du volet assainissement à la Foire.
"Chaque jour, nous arrivons à évacuer deux à trois tonnes d’ordures. Et si l’on doit faire le cumul, nous avons déjà évacué de dix et quinze tonnes de déchets depuis l’ouverture de la foire", a-t-il déclaré samedi, dans un entretien avec l’APS.
"Comme on a eu à le faire durant deux années de suite, nous assurons (...) le nettoiement de la foire que nous avons commencé un mois avant même son ouverture", a-t-il indiqué.
Selon Babacar Fall, ce capital expérience a permis à Sénégal assainissement global service de "maitriser tout ce qui est ordure, désherbage, curage de caniveaux et évacuation des déchets".
"Par rapport aux années passées, on a eu l’expérience de travailler ici. Ce qui nous a permis d’augmenter le nombre de personnel divisé en groupes dont une partie travaille dans les pavillons et d’autres dans les latrines, pour satisfaire le public", a expliqué M. Fall.
Aussi la société compte-elle désormais sur une centaine de personnes environ pour prendre en charge le volet nettoyage et assainissement de la FIDAK, do,nt l’édition 2019 se poursuivra jusqu’au 22 décembre prochain.
De même, compte tenu de la demande à la FIDAK, elle ambitionne d’augmenter ses effectifs, "pour pouvoir satisfaire tout le monde en maintenant la propreté au niveau de la foire", a fait savoir son coordonnateur.
"LES EMBLÈMES DU DÉSIR’’, NOUVEAU RECUEIL DE POÈMES DU JOURNALISTE-ÉCRIVAIN EL HADJ HAMIDOU KASSÉ
Le journal et écrivain sénégalais El Hadj Hamidou Kassé a présenté samedi à Dakar son dernier recueil de poèmes, intitulé "Les emblèmes du désir’’ et paru aux éditions "Maguilen" de Dakar.
Dakar, 14 déc (APS) - Le journal et écrivain sénégalais El Hadj Hamidou Kassé a présenté samedi à Dakar son dernier recueil de poèmes, intitulé "Les emblèmes du désir’’ et paru aux éditions "Maguilen" de Dakar.
Le nouveau recueil de M. Kassé "est un condensé d’images, de symboles et rythmes. Tous les attributs de la poésie lyrique avec aisance et éloquence’’, souligne une note de l’éditeur.
Il ajoute que l’auteur propose à travers ce recueil "une grande poésie faite de sublimation, d’évocation et d’incantation lyrique".
De nombreux amis et parents de l’auteur ainsi que des universitaires, des artistes et journalistes ont pris part à cette cérémonie de présentation au cours de laquelle El Hadj Hamidou Kassé a réaffirmé "son amitié et son affection" à l’endroit du chef de l’Etat Macky Sall.
"J’ai beaucoup voyagé avec le président de la République (Macky Sall), c’est un homme engagé, très engagé pour son pays", a dit le journaliste et écrivain, ancien responsable du pôle communication de la présidence de la République et ex-directeur général du quotidien Le Soleil.
"C’est normal qu’il y ait une opposition engagée dans une démocratie. C’est tout à fait normal, mais nous qui l’avons approché, connaissons la volonté du président de la République (Macky Sall) de travailler pour le bien-être de son peuple", a-t-il assuré en présence notamment du ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, Mahammad Boun Abdallah Dionne.
Plusieurs autres membres du gouvernement étaient également présents à cette rencontre, de même que des officiels, élus, éditeurs et écrivains.
M. Kassé, philosophe de formation, a dit avoir fortement apprécié le concours du chef de l’Etat dans l’organisation de la cérémonie de présentation de son ouvrage, ponctuée par une représentation scénique de quelques poèmes".
ABDOURAHMANE CAMARA, LA MORT D’UN PIONNIER
Discret et talentueux, le journaliste décédé la nuit dernière au Maroc, a déteint sur le Groupe Walfadjri qui était sa seconde famille, à travers sa personnalité et sa longévité
Le journaliste, Abdourahmane Camara, ancien Directeur de publication de Walfadjri Quotidien est décédé cette nuit au Maroc. Il tire ainsi sa révérence à 65 ans.
Discret mais talentueux, il est de la trempe des gens de presse consciencieux et travailleurs toujours en quête de sens pour livrer la bonne information. Formé au CESTI (10ème Promo), il a fait presque toute sa carrière professionnelle au sein de l’hebdomadaire Walfadjri, devenu quotidien à la fin des années 80. Compagnon de feu Sidy Lamine Niasse, fondateur du journal éponyme, Camou a traversé tous les cycles de vie de la presse sénégalaise aux côtés justement de Sidy Lamine qui non seulement l’a adoubé mais mieux, l’a investi de son entière confiance pour conduire les changements opérés au sein de cet atypique organe qui a donné naissance à un Groupe de presse inédit, au parcours singulier, ayant agrégé des audiences, donc divers publics.
L’influence grandissante de Walf Groupe découle d’un travail méticuleux auquel a pris part Abdourahmane Camara, sans ostentation, toujours réservé mais vigilant sur la marche de l’entreprise. Il a fait les beaux jours du fameux groupe de presse avec Tidiane Kassé (son ami de toujours), Mame Less Camara, Mademba Ndiaye, Jean Meïssa Diop, Ousseynou Guèye et Mamadou Ndiaye du Groupe E-Media.
Un domou Ndar
Les souvenirs défilent sur les dossiers chauds, les révélations, la couverture d’évènements qui portent la signature d’une rédaction pointilleuse sur la véracité des faits et l’absolue distance critique du journaliste vis-à-vis des sujets qu’il traite. Correcteur attentif, Camou n’hésitait pas à lire et à relire un « papier » quitte à renverser sa perspective pour souligner la hiérarchie factuelle. Il était rigoureux. Amoureux de la presse, il n’a jamais été pris en défaut de connivence ni de complaisance vis-à-vis des pouvoirs, de tous les pouvoirs. Ses amitiés avec les détenteurs de parcelles de pouvoirs, dont certains furent ses camarades de classe au lycée et à l’université, ne le dispensaient nullement de s’en tenir à la vérité, s’écartant par là de toute tentation de compromission. Il aimait par dessus tout le terrain qui lui permettait de renouveler le regard d’observateur qu’il n’a jamais cessé d’être.
Fin analyste, il alignait avec une réelle dextérité des éléments d’information pour structurer habilement ses textes. Homme de goût, il aimait la lecture et les études d’opinion pour conforter ses investigations acceptant toujours de s’en ouvrir à des confrères pour l’authenticité de ses propres sources d’information.
Journaliste chevronné, ce Saint-Louisien lettré cultivait l’amitié avec discernement et l’entretenait avec subtilité. Impossible de le situer sur le plan politique, qualité rare en ces temps de soupçons et de médisance. Sa personnalité et sa longévité ont déteint sur le Groupe Walfadjri qui était sa seconde famille. Il a vu grandir des jeunes journalistes très portés sur des questions complexes, les aidant à mieux articuler leurs approches pour sortir par le haut. Ces derniers lui seront d’une grande redevabilité.
Camou était un passeur. Décédé au Maroc où il était hospitalisé pour une sévère maladie, son corps arrive mardi. Après la prière mortuaire à Dakar, Camou sera inhumé à Saint-Louis, sa ville natale qu’il chérissait tant. A son épouse Tabara, à ses enfants et à notre ami Professeur Jacob Ndiaye, le Groupe E-Média présente ses fraternelles condoléances et renouvelle son affection en ces moments de grande peine.
DÉCÈS DU JOURNALISTE ABDOURAHMANE CAMARA
Le Directeur de publication de Walfadjri Quotidien est mort cette nuit au Maroc à 65 ans
Le groupe Walf est à nouveau endeuillé. Un an après la disparition de son Président directeur général, Sidy Lamine Niass, le groupe vient de perdre son Directeur de publication, Abdourahmane Camara.
Ami et proche de Sidy Lamine Niass, Abdourahmane Camara, 65 ans, a formé de nombreux journalistes.
Il est décédé, ce dimanche, 15 décembre, au Maroc, a appris emedia.sn. Selon les sources proches de sa famille, la dépouille arrive mardi, 17 décembre, à Dakar. Il sera inhumé dans sa ville natale à Saint-Louis.
Le groupe Emedia invest présente ses condoléances.
À DAKAR, UNE BOUFFÉE D'OXYGÈNE À CAMBÉRÈNE
Alors que le bâti s’étend et que la presqu’île étouffe, jardins et aménagements paysagers regagnent du terrain, notamment à Cambérène, dont le parc respire à nouveau
Jeune Afrique |
Manon Laplace |
Publication 14/12/2019
À Cambérène, commune du littoral nord-est de Dakar, la saison des pluies a dragué son lot de sable, d’ordures et de problèmes. Comme dans toute la capitale, l’hivernage a défoncé la chaussée, abattu quelques toitures, inondé les friches, et il ferait presque oublier de lever les yeux pour découvrir les douces frondaisons du parc paysager : une oasis d’acacias, de ficus et de flamboyants, dont les fleurs orange vif balisent les sentiers aménagés pour les piétons.
Moins connu que le parc zoologique de Hann, souvent présenté comme le seul grand espace vert de la capitale, le parc de Cambérène fait pourtant partie du paysage dakarois depuis 1948. D’abord destiné à accueillir des courses hippiques, il connut ensuite trente heureuses années au cours desquelles ses 10 hectares furent divisés en pépinières et en roseraies, avant d’être peu à peu laissés à l’abandon.
Dans les années 1980, les espaces verts sont devenus le parent pauvre de la politique d’aménagement de l’État. « À la fin des années 1990, le parc était dans un état de délabrement avancé », déplore Mbaye Diop Druh, à la tête de la direction des paysages urbains et des espaces publics depuis 2018.
École d’horticulture
Depuis deux ans, le jardin se refait enfin une beauté. Dans une agglomération où le bâti grignote toujours plus de terrain au point de ne plus offrir que 1 m² d’espace vert par habitant – quand l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande 10 m² –, Cambérène veut redevenir l’un des poumons de la ville. Symbole de ce renouveau, un canal artificiel bordé de palmiers et de bouquets de roseaux traverse désormais le parc sur 300 mètres. Bientôt, annonce Mbaye Diop Druh, les promeneurs pourront profiter de bungalows au bord de l’eau, ainsi que d’une gargote, dont l’ossature est déjà installée au centre d’une esplanade qui vient d’être dallée.
Mais déjà le budget de 1,5 milliard de F CFA (près de 2,3 millions d’euros) alloué chaque année par le ministère de l’Urbanisme et du Logement au programme national Ville verte est grevé par le réaménagement du centre-ville, dont le président Macky Sall a fait une priorité de son second mandat, et la construction de la ville nouvelle de Diamniadio.
« Entretenir un espace vert, c’est un budget. Il faut des moyens, de l’eau, des agents en permanence », égrène Mbaye Diop Druh, qui doit se contenter de 40 millions de F CFA par an pour faire tourner son administration – la part allouée au jardin varie. Résultat, le canal souffre des débordements du réseau public d’évacuation des eaux.
Le directeur des paysages urbains ne se décourage pas pour autant. Il souligne la bonne santé de ses pépinières : quatre immenses carrés d’arbres et d’espèces ornementales, devenus le terrain d’étude de l’école d’horticulture installée dans le parc. Quelque 4 000 boutures sortent chaque année de la pépinière de Cambérène, qui vont verdir et reverdir les espaces publics et les bâtiments administratifs de toute l’agglomération, du Plateau à Diamniadio.
par Babacar Gaye
LE VOTE SANS DÉBAT
La procédure utilisée pour adopter le budget du ministère des Finances est entachée d'irrégularités et constitue une grave entrave à la liberté d'expression du député ainsi qu'à son droit de contrôle de l'action gouvernementale
Il m'a été donné l'occasion de suivre avec intérêt la polémique suscitée par l'épisode de l'examen du budget du Ministère des Finances et du budget qui a été adopté sans débat sur décision de l'Assemblée nationale. Dans les développements qui suivent, j'essaierai de démontrer que la loi a été délibérément violée.
De la discussion générale
L'Assemblée nationale est par essence le lieu du débat démocratique sur toutes les questions qui intéressent la vie de la Nation. Les décisions obligatoirement prises à la suite d'un vote sont toujours précédées d'une discussion générale sur le rapport fait par la commission compétente, une intercommission ou une commission ad hoc. Le débat qui s'ensuit est libre. Néanmoins, il peut être organisé pour en déterminer la durée, par la Conférence des Présidents qui, seule, peut en décider.
La discussion générale qui est prévue et encadrée par la loi organique 2002-20 du 15 mai 2002 modifiée, est plus connue sous le concept de DÉBAT PARLEMENTAIRE.
De la clôture des débats
La discussion générale peut être interrompue, mais nul ne peut l'empêcher de manière définitive à moins de rejeter le texte en examen par la plénière.
En effet, le débat peut être clôturé en application des dispositions l'article 72 du Règlement Intérieur (RI) suivantes: "Lorsqu’au cours d’un débat, la première liste des orateurs est épuisée et que le Ministre a répondu, le Président ou tout membre de l’Assemblée peut en proposer la clôture." C'est par un vote que l'Assemblée décide de le clôturer
…"Si la demande de clôture est rejetée, la discussion continue. Mais la clôture peut être à nouveau demandée, et il est statué sur cette nouvelle demande dans les conditions prévues ci-dessus."
De la question préalable aux fins de rejet du texte
Il est devenu fréquent que notre Assemblée déclare avoir adopté "SANS DÉBAT", un projet ou une proposition de loi, en application des dispositions de l'article 74 du RI. Or, la question préalable n'a pas vocation à faire adopter un texte sans débat. Au contraire, quand l'assemblée décide QU'IL N'Y A PAS LIEU À DÉBATTRE, le texte est rejeté purement et simplement.
Car selon l'article 74 du RI de l'Assemblée nationale précité, "après la lecture du rapport, tout membre de l’Assemblée peut poser la question préalable tendant à décider qu’il n’y ait pas lieu à délibérer....Il peut motiver verbalement sa demande sur laquelle ne peuvent intervenir que le Président, le rapporteur de la commission saisie sur le fond et le représentant du Président de la République." Et pour un temps de parole d'au maximum cinq minutes par intervenant.
"Si la question préalable est adoptée, le projet est rejeté. Si elle est repoussée, la discussion générale du rapport s’engage."
Conclusion: la question préalable ne peut pas déboucher sur un "VOTE SANS DÉBAT" d'un projet ou proposition de loi.
De la motion préjudiciable aux fins d'ajourner le débat
Il peut arriver au cours de la discussion générale qu'un député ou le représentant du Président de la République estime que toutes les conditions ne sont pas réunies pour l'examen et l'adoption d'un texte de loi. Alors il peut en vertu des dispositions de l'article 75, présenter une motion préjudiciable ayant pour conséquence, si elle est adoptée, l'ajournement du débat ou la saisine à nouveau de la commission compétente ou une autre commission désignée à cet effet, pour avis sur la question.
"Toutefois, le renvoi à la commission saisie au fond est de droit si le représentant du Président de la République le demande"
En résumé, la motion préjudicielle ne peut pas avoir pour conséquence, le "VOTE SANS DÉBAT"
Du vote bloqué ou le pendant de l'article 49.3 français
En vertu des dispositions de l'article 78 du RI, le gouvernement, dans le but de ne faire passer que ses amendements ou ceux qu'il a acceptés, peut exiger que "l'Assemblée nationale se prononce, par un seul vote, sur tout ou partie du texte en discussion." (Article 82 de la Constitution). Cependant, "l'application de cette disposition ne permet pas de bloquer les débats."
Moralité: l'exigence de débat prend toujours le dessus sur les velléités du passage en force des acteurs du débat parlementaire, qu'ils appartiennent à l'Exécutif ou au groupe parlementaire majoritaire car il n'existe aucune disposition légale qui permet le "VOTE SANS DÉBAT".
En conclusion, la procédure qui a été utilisée pour adopter le budget du Ministère des Finances et du Budget "SANS DÉBAT", est entachée d'irrégularités et constitue une grave entrave à la liberté d'expression du député ainsi qu'à son droit de contrôle de l'action gouvernementale. On dit que le texte a été adopté "SANS DÉBAT" quand tous les députés renoncent volontairement à leurs prérogatives en s'abstenant de demander la parole et passent directement au vote.
Bon week-end
LES MIGRANTS DANS LA NASSE D'AGADEZ
Située aux portes du Sahara, Agadez est devenue un poste de contrôle des mouvements de population vers la Méditerranée. Sous la pression de l’UE, le Niger a interdit l’aide à la migration, plongeant l’économie locale dans le chaos
Le Monde Diplomatique |
Rémi Carayol |
Publication 14/12/2019
Une douce torpeur enveloppe la gare routière d’Agadez, ce mercredi matin. La saison chaude approche. Dès l’aube, un voile de poussière est tombé sur la ville. Mais la météo n’explique pas la rareté des voyageurs. « Il n’y en a plus depuis longtemps », se désole un guichetier. « Les gens qui vont au nord se cachent », poursuit-il, allongé sur une natte à côté d’un collègue endormi.
Surnommée par les agences de tourisme la « porte du désert », Agadez, principale ville du nord du Niger, ne mérite plus ce label. Jadis, la gare centrale, d’où partaient les convois pour rejoindre Dirkou et la Libye, était pourtant le cœur battant de la cité. Chaque lundi, plusieurs dizaines de véhicules, parfois près de deux cents, s’ébranlaient vers le désert, transportant bétail et passagers. Ces derniers, venus d’Afrique de l’Ouest et, plus rarement, du centre ou de l’est du continent, cherchaient pour la plupart à rallier la Libye et, inch’Allah, l’Europe. Escortés par l’armée jusqu’à la frontière libyenne, les convois étaient synonymes, pour ceux qui s’y glissaient, de grandes espérances, et, pour les habitants d’Agadez, de bouffée d’oxygène. « Toute la ville en vivait, soupire, rêveur, M. Mahaman Sanoussi, un militant associatif bien connu ici. La migration était licite. Les transporteurs avaient pignon sur rue. Ils payaient leurs taxes comme tous les entrepreneurs. La loi 2015-36 a tout changé. »
Le premier destinataire de l’« aide » de Bruxelles
Décrite comme un fléau dans le nord du Niger, la loi du 26 mai 2015 relative au trafic illicite de migrants a, du jour au lendemain, rendu illégal ce qui était auparavant un commerce comme un autre, et jeté en prison des dizaines de jeunes du pays. 2015, c’est l’année où l’Union européenne construit un mur invisible pour stopper les migrants venus du sud ; l’année de l’agenda européen en matière de migration et du sommet de La Valette. Réunis dans la capitale maltaise, les Vingt-Huit imaginent alors comment externaliser leur lutte contre l’immigration, avec la complicité de certains États africains. Bruxelles sait comment convaincre ses « partenaires » : des sommes colossales (plus de 2 milliards d’euros) sont promises à ces gouvernements désargentés pour les « accompagner » dans la rétention de ceux qui veulent tenter le grand voyage. Un fonds fiduciaire d’urgence (FFU) « en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique » finance de nombreux projets dans le cadre de ce que la Commission européenne appelle une « coopération sur mesure (1) »avec le Nigeria, le Sénégal, l’Éthiopie, le Mali et le Niger.
Frontalier de l’Algérie et de la Libye, le Niger occupe une place centrale dans la stratégie européenne. Après la liquidation du régime de Mouammar Kadhafi par la coalition franco-britannique, en 2011, Agadez est devenue le principal lieu de transit vers le Vieux Continent. En 2016, près de 400 000 migrants y seraient passés, en route vers le Maghreb (2), puis, pour une grande partie d’entre eux, vers la Méditerranée. En 2015, Bruxelles en a fait l’une des cibles principales de sa politique de tarissement migratoire. Pays le plus pauvre du monde, selon le Programme des Nations unies pour le développement, le Niger affronte de multiples menaces à ses frontières : Boko Haram au sud-est, les groupes armés maliens au nord-ouest, les milices touboues au nord... L’État dirigé par M. Mahamadou Issoufou, un allié de la France, a besoin d’argent et d’appui militaire. Le FFU lui a alloué, en trois ans, plus qu’à tout autre pays : 266,2 millions d’euros. Le discours officiel évoquant l’aide au développement ou encore la lutte contre la traite des êtres humains masque mal un objectif bien plus prosaïque : stopper, au besoin par la force, les flux de migrants vers l’Europe (lire « Le paradis des milices »).
Une partie des fonds doit servir à la reconstruction de l’État et au contrôle des frontières : développement des forces de sécurité nigériennes par la création d’une unité d’élite de lutte contre les migrations et mise en place d’une équipe conjointe d’investigation (ECI) pour traquer les « réseaux criminels liés à l’immigration irrégulière ». Lancée en 2012, la mission civile de renforcement des capacités de l’Union européenne (Eucap Sahel Niger) a également été mise à contribution via une antenne installée à Agadez. Depuis 2015, son unité migration organise des formations pour les forces de sécurité et distribue du matériel. Officiellement, les policiers venus des quatre coins de l’Europe n’interviennent pas sur le terrain : ils collectent des informations et transmettent un savoir-faire technique.
L’élaboration de l’agenda européen en matière de migration et l’adoption de la loi 2015-36 ont été quasi simultanées. Au sein du gouvernement nigérien, personne n’en disconvient : cette loi a été inspirée, sinon imposée, par l’Europe — elle a d’ailleurs été en partie rédigée par des fonctionnaires français. « Il y a eu des pressions, c’est vrai, admet le général Mahamadou Abou Tarka, président de la Haute Autorité à la consolidation de la paix (HACP), un organisme rattaché à la présidence et chargé de suivre la mise en œuvre de la loi. Mais nous y pensions depuis un moment. À partir de 2012, l’explosion des flux migratoires était devenue une préoccupation majeure pour nous. Nous l’avons tolérée au début, notamment parce que cela permettait à nos compatriotes de gagner leur vie. Mais c’était une source de nombreux trafics. Quand l’Europe nous a dit : “On va vous donner de l’argent”, nous avons sauté sur l’occasion. » « Lorsqu’on se trouve au fond d’un puits, on accepte tout ce qui vient d’en haut, même un serpent », dit un dicton local.
Dorénavant, quiconque permet à un migrant d’entrer illégalement sur le territoire, ou d’en sortir, en échange d’un avantage financier ou matériel risque de cinq à dix ans de prison et une amende pouvant aller jusqu’à 5 millions de francs CFA (7 630 euros). Celui qui l’aide durant son séjour — qui le loge, le nourrit, lui fournit des vêtements — encourt une peine de deux à cinq ans de prison. Depuis 2016, près de trois cents personnes, chauffeurs ou passeurs, ont été arrêtées, et plus de trois cents véhicules immobilisés.
Les partisans de la loi prennent soin de préciser qu’elle incrimine les passeurs, et non leurs clients. Mais, pour ces derniers, qui ont souvent tout quitté dans l’espoir de rejoindre la Libye, l’Algérie, voire l’Europe, cela ressemble bel et bien à une punition. Toute personne ne pouvant prouver sa nationalité nigérienne et voyageant au nord d’une ligne allant d’Agadez à Dirkou, soit à plusieurs centaines de kilomètres des frontières avec l’Algérie et la Libye, est considérée comme un candidat à l’immigration clandestine. Une simple présomption suffit désormais à vous faire refouler vers le sud du pays, parfois après un court passage en prison. « En réalité, l’application de la loi a entraîné une interdiction de facto de tout déplacement au nord d’Agadez (...). En outre, le manque de clarté du texte et sa mise en œuvre répressive — au lieu de chercher la protection des personnes — ont abouti à la criminalisation de toutes les migrations et ont poussé les migrants à se cacher, ce qui les rend plus vulnérables aux abus et aux violations des droits de l’homme »,constatait en octobre 2018 le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants, M. Felipe González Morales, à l’issue d’une mission au Niger (3).
Pour l’Europe, cette politique est un succès. Mais à quel prix ? Selon Eucap Sahel Niger, les arrivées en Italie ont chuté de 85 % en trois ans. Le nombre de migrants faisant halte à Agadez serait passé de 350 par jour en 2016 à moins de 100 en 2018. Au poste de Séguédine, une localité située dans le désert entre Dirkou et la frontière libyenne, le nombre de personnes enregistrées est passé de 290 000 en 2016 à 33 000 en 2017. Pourtant, comme souvent en temps de prohibition, l’activité n’a pas cessé. Les acteurs se sont simplement arrangés pour disparaître des radars. Ce qui rend incertain tout chiffrage des flux. Selon un chercheur vivant au Niger qui suit de près l’évolution des routes migratoires (et qui a requis l’anonymat), « ce sont surtout les “petits” transporteurs qui ont été touchés ; les “gros”, qui bénéficient de contacts politiques et qui ont les moyens de soudoyer les forces de sécurité, continuent ». Dans ce pays miné par la corruption, quelques dizaines de milliers de francs CFA par passager suffisent à acheter le silence des patrouilles.
Des passagers abandonnés dans le désert
Le visible est maintenant invisible, et donc incontrôlable : modifiées pour échapper aux contrôles, les routes sont plus dangereuses ; les « ghettos », ces grandes maisons où sont logés et nourris les migrants à Agadez, sont devenus clandestins, prenant parfois l’allure d’une prison dont les occupants ne peuvent sortir sans prendre le risque d’être repérés ; les prix ont triplé ; surpris par l’approche des policiers, les convoyeurs abandonnent des passagers, parfois des enfants, dans le désert (4). Pour les habitants de la région, la vie quotidienne s’est détériorée. Selon plusieurs études, plus de la moitié des ménages d’Agadez vivaient de la migration ; près de six mille emplois directs en dépendaient : passeurs, coxers(intermédiaires), propriétaires de « ghettos », chauffeurs... Et des milliers d’autres en tiraient des bénéfices indirects : cuisinières, commerçants, chauffeurs de taxi, ainsi que leurs familles.
M. Mohamed Abdoul Kader était l’un d’eux. Dans le quartier situé à deux pas du centre historique, on l’appelle « Boss ». Âgé de 48 ans, né à Agadez, il a vécu un temps en Libye. Il a commencé à héberger des migrants à la fin des années 1990. Le business était balbutiant. Les routes vers l’Europe passant par la Mauritanie et le Maroc via le Mali venaient d’être fermées en raison de la rébellion touarègue (5). Celle du Niger s’imposait donc d’elle-même : située à l’intersection de plusieurs voies commerciales, Agadez a de tout temps été un lieu de transit pour le sel, les esclaves, le bétail... « En 2002, j’ai créé une agence de voyages, raconte Boss. Nous avions un bureau à la gare. À l’époque, les migrants venaient en bus, puis ils partaient pour Dirkou dans des camions-bennes. De là-bas, ils prenaient un quatre-quatre pour la Libye. » Au fil des ans, les clients se sont faits de plus en plus nombreux. Boss a élargi son réseau : ses contacts l’appelaient du Nigeria, du Ghana, de Gambie, du Sénégal et du Burkina. Après avoir accueilli les voyageurs, il s’occupait de tout jusqu’au départ : papiers, logement, nourriture. « C’était une activité de transporteur assez banale. Il fallait établir une relation de confiance entre les clients, leur “parrain” au pays, qui nous avait contactés, et nous. Il fallait faire les choses proprement, s’assurer que les clients arrivaient à bon port et en bonne santé, si on voulait en avoir d’autres », explique-t-il, conscient que l’image des passeurs a bien changé...
Passeur, un métier respectable pour anciens rebelles
Tout était réglé comme du papier à musique. Lorsque les candidats à l’exil arrivaient à la barrière d’entrée de la ville, ils payaient une taxe informelle aux policiers. Une fois à la gare, ils étaient pris en charge par des agences. Des hommes les menaient dans leur « ghetto » (6). Lorsqu’ils partaient, ils payaient à nouveau une taxe à la sortie de la ville, laquelle revenait à la commune. À raison de 1 100 francs CFA (1,67 euro) par personne, cela représentait une petite fortune. Pour la municipalité, les recettes pouvaient aller de 3 à 7 millions de francs CFA (4 500 à 10 600 euros) par semaine. De quoi financer de nombreux projets.
Les règles étaient partout les mêmes, et les prix aussi : pour rejoindre la Libye, il fallait payer 150 000 francs CFA (230 euros). C’est cher pour un Africain. Pour un Nigérien, c’est une fortune. « J’ai gagné beaucoup d’argent, convient Boss. Quand ça marchait bien, quinze personnes travaillaient avec moi. Chaque semaine, on envoyait entre 400 et 450 migrants en Libye. On gagnait chacun 5 millions de francs CFA [7 630 euros] par semaine. » Tous les lundis, jours du convoi, les banques et les agences de transfert d’argent étaient pleines. Le marché était une fête.
À chaque départ, les agences étaient censées remettre à la police une feuille de route où figuraient les noms et les nationalités des passagers. Le gouvernement encourageait même les anciens rebelles touaregs et toubous, qui avaient pris les armes dans les années 1990, à se lancer dans cette activité pour tourner définitivement le dos à la guerre. « Ils avaient des véhicules, ils n’avaient pas de travail, ils connaissaient les routes... », argue M. Mohamed Anako. Devenu président du conseil régional d’Agadez, celui qui fut l’un des chefs de la première rébellion touarègue (1991-1995) a imaginé cette reconversion alors qu’il dirigeait la HACP. « Nous les avons donc poussés à se lancer dans cette activité. On a fait les démarches pour les aider à dédouaner leurs véhicules et à s’enregistrer. Tout était légal et en plus ils nous renseignaient sur ce qui se passait dans le désert. »
Les difficultés ont commencé après la chute de Kadhafi, en 2011. Le Guide libyen faisait le travail des gardes-côtes européens. Il était presque impossible de prendre la mer pour rejoindre le Vieux Continent. En revanche, on pouvait demeurer en Libye. Le travail n’y manquait pas et était bien rémunéré. « Quand Kadhafi est tombé, les portes vers l’Europe se sont ouvertes. Ce fut comme un appel d’air. On a vu arriver de plus en plus de candidats », se souvient Boss. Le nombre de migrants en transit aurait quadruplé entre 2013 et 2016. Cette année-là, la police d’Agadez avait dénombré près de soixante-dix « ghettos ».
Pour Boss, c’est le temps de la concurrence. De nombreux Nigériens qui vivaient en Libye ont fui la guerre et le chaos, puis se sont reconvertis dans le transport de migrants. Les nouveaux venus ne respectaient pas tous les règles établies par les anciens. Des « bandits sans foi ni loi », selon un médiateur social, qui n’hésitaient pas à racketter les migrants en plein désert, à les y abandonner au moindre pépin ou à les revendre à des milices — lesquelles les rackettaient à nouveau — une fois arrivés en Libye. Ce sont ces crimes, auxquels s’ajoutaient des trafics de produits illicites (drogue, tabac, armes), qui ont poussé les autorités à réagir et à coopérer avec l’Union européenne.
Tout comme la maison de Boss, le « ghetto » de M. Mohamed D., à la périphérie de la ville, s’est vidé. Sur les murs de la cour restent des traces du passage d’anciens clients : un nom, un numéro de téléphone... « Je n’ai plus rien, maugrée l’ancien passeur. Mes deux véhicules ont été saisis. J’ai passé six mois en détention. Je n’ai plus aucun revenu. » L’argent qu’il a gagné durant cette période d’abondance ? « Je l’ai mangé ; toute ma famille l’a mangé. »
La frustration est d’autant plus forte que la loi est arrivée sans prévenir. Personne, à Agadez, n’avait été mis au courant, pas même les élus locaux. « C’était un lundi, se souvient un passeur. Tous les véhicules chargés de migrants ont été arrêtés à la sortie d’Agadez. On pensait qu’il y avait un problème de sécurité dans le désert. Mais non. Les chauffeurs ont été jetés en prison et les véhicules ont été immobilisés. Ce n’est qu’après qu’on nous a expliqué la loi. »M. Anako, qui ne se dit pas opposé à l’interdiction des filières, regrette que les autorités n’aient pas tenu compte de la situation socio-économique de la région ni préparé sa reconversion. « Il aurait fallu une transition pour nous permettre de trouver une solution de rechange. Les projets financés par l’Union européenne donneront peut-être des résultats, mais dans combien d’années ? Le problème, c’est que les gens ont besoin d’un travail aujourd’hui. Et qu’il n’y en a pas. »
Dans les années 1980, Agadez accueillait des milliers de touristes venus d’Europe et d’Amérique pour découvrir le désert du Ténéré, les dunes de Bilma et le massif de l’Aïr. La ville vivait alors au rythme des avions gros-porteurs qui atterrissaient sur la piste de son aéroport international. Mais les visiteurs ont disparu après la deuxième rébellion touarègue, en 2007, puis le classement de la ville en zone rouge (« formellement déconseillée ») par le ministère des affaires étrangères français. Quant aux mines d’uranium, elles sont en déclin, comme l’ensemble de la filière (7).
À travers le FFU, l’Union européenne a bien financé un programme de réinsertion, doté de 8 millions d’euros (5 % des sommes disponibles), pour les anciens acteurs de la migration. Baptisé « plan d’actions à impact économique rapide à Agadez » (Paiera), il porte bien mal son nom. Chaque « ancien prestataire » recensé et dont le dossier de reconversion est validé perçoit une aide de 1,5 million de francs CFA (2 290 euros). Mais le processus est lent : à peine 400 dossiers sur 5 000 ont été traités. Près de 1 500 ont été retoqués, notamment ceux déposés par les propriétaires de « ghettos » et de véhicules. Bruxelles les considère en effet comme des privilégiés — il est vrai qu’ils ont gagné pendant des années des sommes colossales — ou, pis, comme des criminels. Pour les responsables d’Eucap Sahel Niger, il faut garder à l’esprit qu’il s’agit « avant tout du trafic d’êtres humains » et que ceux qui en profitent « boivent les larmes de leurs frères ». Mais la réalité vécue par les populations est bien différente, même si l’on compte des criminels parmi les anciens passeurs. Le chercheur déjà cité précise que les passeurs gagnaient certes beaucoup d’argent, mais que ces fortunes amassées résultaient de l’aggravation de la situation économique et politique dans le Sahel, et non d’une exploitation éhontée des migrants : « Les prix étaient corrects avant la loi. S’ils ont gagné autant d’argent, c’est en raison de l’ampleur du phénomène et du nombre élevé de clients. »
Ancien passeur, M. Bachir Amma préside désormais le Comité des ex-prestataires de la migration, une association qu’il a créée en 2016 pour faire l’interface entre les bailleurs, les autorités et les anciens acteurs de la migration. Dans son bureau, une loge du stade de football d’Agadez où s’entraînent chaque jour les équipes du club qu’il dirige, M. Amma reconnaît que des abus ont été commis dans la gestion des dossiers : « Certains demandeurs n’étaient même pas d’anciens prestataires. En revanche, ils avaient des relations, appartenaient à la bonne famille. Ils ont su profiter de la manne. »L’Union européenne a perturbé l’économie locale et suscité la frustration. « On nous a trompés, déplore-t-il. On nous avait promis de l’argent rapidement. Trois ans après, 371 projets ont été financés... Pour nous, ce n’est pas une reconversion qu’on nous offre ; c’est une simple aide d’urgence. On propose 1,5 million de francs CFA à des gens qui en gagnaient 5 millions par semaine ! C’est ridicule. Comment voulez-vous qu’ils acceptent ? »
Ouverture d’un camp des Nations unies
Que vont devenir ceux qui n’ont plus d’activité, en particulier les jeunes ? Déjà, le banditisme augmente : les coupeurs de routes rançonnent les migrants, d’anciens passeurs se reconvertissent dans le trafic — juteux — de la drogue ; d’autres vendent leurs services aux nombreux groupes armés qui écument la « zone des trois frontières » entre le Niger, le Tchad et la Libye. En 2016, une rébellion touboue, née dans la zone du Kaouar et du Manga, à l’est d’Agadez, réclamait la restitution des véhicules immobilisés dans le cadre de la loi.
Mais la « porte du désert » n’en a pas fini avec les migrations. Par un curieux effet de balancier, la ville, jadis plaque tournante des flux allant du sud vers le nord, est en passe de devenir le principal lieu de transit de ceux qui effectuent le voyage en sens inverse. En 2016, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a implanté à la périphérie nord d’Adagez un centre d’accueil des migrants expulsés d’Algérie et de Libye. En 2017, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a lui-même construit un camp, à douze kilomètres au sud de la ville, afin d’accueillir près de deux mille Soudanais demandeurs d’asile qui avaient fui les mauvais traitements en Libye. Leur arrivée soudaine a créé des tensions. « On fait beaucoup pour ces migrants-là, mais pour nous qui avons perdu notre travail, rien. Où est la justice ? »,déplore M. Mohamed El-Hadi, un ancien coxer.
Autrefois accueillis à bras ouverts, les migrants suscitent désormais convoitises et inquiétudes. Cercle vicieux : la loi les dissuade de passer en Libye tout en les empêchant de s’installer dans la région d’Agadez, car les populations locales craignent l’accusation de trafic. D’anciens passeurs pourchassent les migrants pour le compte de l’Union européenne. Comme en Libye, où l’Europe sous-traite la surveillance des frontières à des milices (8), la traque des clandestins devient au Niger une rente potentielle pour ceux qui, autrefois, les aidaient.