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5 août 2025
L'ÉCO APRÈS 30 ANS DE TERGIVERSATIONS
Au-delà des polémiques sur un sujet complexe, plongée en profondeur sur les péripéties ddu projet de la maonnaie unique, vieux de trois décennies, et sur les faits historiques
Les quinze pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont convenu d’adopter en 2020 une monnaie unique appelée Eco. L’annonce a été suivie d’un débat houleux entre les «pro» et les «anti», souvent sur la base d’annonces faites ici et là, ignorant tout du processus ayant conduit à la décision. Au-delà des polémiques superficielles sur un sujet complexe, Ouestaf News revient sur la question, pour une plongée en profondeur sur les péripéties d’un projet… vieux de trois décennies, et sur les faits historiques.
Le projet d’union monétaire au sein de la Cedeao remonte à 1983. Alors réunis dans la capitale guinéenne, Conakry, les chefs d’Etats ont évoqué pour la première fois la nécessité d’une monnaie unique. La monnaie unique était considérée comme une solution aux problèmes de paiement qui touchaient les pays membres.
«Le président en exercice est mandaté pour prendre toutes les mesures nécessaires, notamment de prendre contact avec les organisations internationales appropriées qui peuvent aider à conduire les études nécessaires pour la création d’une union monétaire de la Cedeao», peut-on lire dans la déclaration finale publiée à l’époque.
Trois décennies d’errance
Ce n’est que 16 ans plus tard, en 1999 lors du 22è sommet de la conférence des chefs d’Etats et de gouvernement tenu à Lomé au Togo, que le projet est ressorti des tiroirs sur la base d’une «stratégie d’accélération de l’intégration». Le communiqué publié à l’issue de cette rencontre, mentionne l’adoption de critères de convergence qui fixaient «la limite supérieure du taux d’inflation à 5%».
Le 20 avril 2000 à Accra, il est décidé que les six pays Ouest Africain non membres de la Zone FCFA, à savoir (Gambie, Ghana, Guinée, Liberia, Nigeria, Sierra Leone) vont créer en 2003, une seconde zone monétaire dénommée ZMAO (Zone monétaire de l’Afrique de l’ouest) en vue de fusionner plus tard, cette zone avec l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) qui a déjà son union monétaire avec comme monnaie Franc CFA.
Le 15 décembre 2000 au cours d’un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, les pays de la ZMAO poursuivent dans leur lancée en adoptant plusieurs documents liés au cadre institutionnel, juridique et administratif. A Bamako, la décision fut prise de lancer la monnaie unique en 2003. Un rendez-vous manqué puisque le projet est reporté à 2005 puis à 2009. Entre temps, l’idée de la création de la ZMAO a été abandonnée parce qu’elle allait «prendre trop de temps».
La nouvelle échéance fixée en 2015 pour enfin mettre en œuvre la monnaie n’allait pas être honoré non plus. Comme explication, la Commission de la Cedeao soulignait le fait qu’aucun des pays membres à l’exception du Ghana, n’a rempli les critères de convergence économiques. Soit la même cause qui a présidé aux reports précédents.
Pour pallier cette difficulté des pays à respecter les critères retenus, la Commission des nations-unies pour l’Afrique (Uneca) dans une étude publiée en 2014 recommandait aux Etats de «recourir aux partenariats public-privé, afin de réduire la charge qui pèse sur les dépenses publiques, et atteindre ainsi les objectifs en matière de dette publique et de déficit budgétaire».
En octobre 2017 à Niamey, lors d’une réunion de la «task force» présidentielle sur la monnaie unique, le Béninois feu Marcel De Souza, alors président de la Commission de la Cedeao avait clairement exprimé son scepticisme quant à la mise en place de la monnaie unique.
De 2012 à 2016, «aucun de nos pays n’a pu respecter de manière continue les critères de premier ordre du programme de convergence macro-économique», avait-il souligné, ajoutant même que la monnaie unique n’est pas réalisable «avant cinq ou dix ans».
Toutefois, les dirigeants de la Cedeao, s’en tiennent résolument à l’année 2020 comme date d’entrée de la monnaie unique.
Le défi des critères de convergences
Lors de la 55è conférence des chefs d’Etats et de gouvernements de la Cedeao, tenu fin juin 2019 à Abuja, plusieurs actes «décisifs» vont être posés. Tout d’abord avec l’adoption définitive de l’Eco comme désignation de la monnaie unique et la fixation d’un processus d’adhésion graduelle. Passage obligé vers la mise en œuvre de l’Eco, le respect des critères de convergences demeure aussi le principal obstacle au regard du caractère non homogène des économies de la région.
D’après le communiqué final de la conférence d’Abuja, il est retenu une approche graduelle qui privilégie le démarrage de la monnaie unique avec les pays qui respectent les critères de convergences.
D’après les exigences, il faudra que tous les pays affichent entre autres exigences un déficit budgétaire inférieur à 3% du Produit intérieur brut. Une condition que remplissent à l’heure actuelle cinq pays seulement (Cap-Vert, Togo, Côte d’ivoire, Sénégal, Guinée), selon une analyse du cabinet Renaissance Capital.
«Pour beaucoup, le lancement de l’Eco, prévu en 2020, apparaît comme trop optimiste», souligne l’économiste et universitaire sénégalais, Chérif Salif Sy dans un article parue dans la revue alternative économique. Toutefois estime-t-il, «il reste aux chefs d’Etat de convaincre qu’ils sont capables de prendre le problème de la convergence à bras le corps et d’agir rapidement».
Les leaders anglophones sont-ils prêts ?
La Cedeao offre un tableau économique peu harmonieux avec un leadership du Nigeria qui représente 67% du Pib de la région. Ensuite vient le Ghana, qui avec son cacao, son pétrole et son secteur minier est aujourd’hui considéré comme la seconde économie de la zone.
A l’inverse du bloc composé des huit pays de l’Uemoa qui disposent déjà d’une union monétaire avec le Franc CFA, le reste des pays membres vont perdre avec l’Eco, leur « souveraineté monétaire » au profit de la future banque centrale ouest africaine. Autrement dit en cas de crise, ils ne pourront plus librement ajuster les taux de changes ou encore procéder à une dévaluation pour soutenir leurs économies.
Cette perte de souveraineté monétaire n’est pas sans dangers à moins qu’il y ait «une synchronisation des cycles économiques (récession, booms)», estime le Ghanéen Dr.Atsu Amegashie dans un texte d’opinion consulté par Ouestaf News. Selon cet économiste, mettre en place une monnaie unique suppose la combinaison de certains facteurs comme des «conditions macro-économiques homogènes et une une mobilité de l’emploi».
Avec un produit intérieur brut estimé à 375 milliards de dollars en 2017 par la Banque mondiale, le Nigeria représente à lui tout seul, 67% de la richesse produite dans la Cedeao. Des pays comme le Ghana et la Côte d’Ivoire affichent des Pib respectifs de 47 et 40 milliards de dollars en 2017, selon les données de la Banque mondiale disponibles en ligne.
Toutefois en dépit de leur statut de moteur économique de la région, le Nigeria et le Ghana sont fortement touchés par l’inflation qui tourne autour de 11%, souligne une étude du cabinet SBM Intel (basé à Lagos). Or parmi les critères de convergence, il est demandé aux pays membres de maintenir l’inflation en dessous de 10% d’ici la fin de l’année en cours.
Dans sa tribune Dr. Atsu Amegashie s’inquiète aussi sur la durabilité des performances demandées aux pays. «Qu’est-ce qui se passera si un pays remplit les critères de convergences en 2020 et les manque l’année suivante ?», se demande-t-il.
Cité par le Deutsche Welle (DW), le directeur de l’ONG nigériane Center for social justice (Centre pour la justice sociale, basée à Abuja), Eze Onyekpere est d’avis que beaucoup de questions doivent être réglées avant de parler d’union monétaire au sein de la Cedeao. «Vous ne pouvez pas introduire une monnaie unique sans avoir une politique commune en matière fiscale, industrielle, commerciale et aussi au niveau de l’emploi», souligne-t-il.
La fin du Franc CFA ?
En Afrique de l’ouest francophone, l’annonce de la naissance de l’Eco a remis au goût du jour le lancinant débat sur la question du Franc CFA. Cette monnaie léguée par l’ancien colonisateur est qualifiée par des critiques acerbes de «relique coloniale» tandis que des économistes de renom le juge responsable du retard économique des huit pays de l’Union économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.
Dans une précédente interview avec Ouestaf News, l’économiste Demba Moussa Dembelé soulignait que l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) est le principal problème du projet de monnaie unique car ses chefs d’Etats ne veulent pas réellement divorcer d’avec la France.
Le franc CFA, «franc des Colonies Françaises d’Afrique» est né le 26 décembre 1945, placé sous la tutelle du ministère français des Finances. En vertu d’un accord à travers lequel la France prétend «garantir la stabilité» de cette monnaie, les pays de la zone CFA ont l’obligation de déposer la moitié de leurs réserves de change auprès du Trésor français. Une obligation qui aux yeux de beaucoup d’économistes est à la base de la faiblesse structurelle des pays africains francophones, contrairement à leurs voisins anglophones.
Considéré comme un grand défenseur du Franc CFA, le président ivoirien a récemment souligné que la parité fixe avec l’Euro dont bénéficie le Franc CFA (1 euro équivalant à 655,99 FCFA) ne «changerait pas dans l’immédiat» avec l’entrée en vigueur de l’Eco. Ce qui a contribué à semer le trouble dans l’esprit de citoyens qui croyaient avoir affaire à une nouvelle monnaie, libérée du joug et des diktats de la France.
Toutefois, le communiqué final de la conférence des chefs d’Etats et de gouvernement du 29 juin 2019, sur ce point indique que la conférence adopte «un régime de change flexible». Une décision qui ne cadre pas avec la sortie d’Alassane Ouattara sur la parité de l’Eco avec l’Euro.
Même si la création de l’Eco est vue «comme un pari risqué par nombre d’analystes», il peut à terme sonner comme «un symbole politique fort», selon l’économiste Chérif Salif Sy.
par Fary Ndao
CE QUE JE SAIS DE L'HOMME
Des parents se déchirent pour la garde de leur môme, pendant que d'autres unissent leur chair...dans la chaleur d’une alcôve - Des frères s’entretuent pour l’héritage de leur père, pendant que d'autres s’attrapent la main pour aller enterrer leur mère
Les gens sont des entités que le temps ne change pas,
Nos sentiments, des torrents qu’on ne partage pas,
Ton choix de foi est libre, mais es-tu libre sans les livres
Kemit s’en interroge et avouons-le ça nous dérange.
Oui, ça nous démange de dire « Merde » à toutes les conventions,
S’affranchir de tous ces codes : ancestraux, rigides, ou noirs
Se battre pour la liberté, l’humain et l’ouverture,
Comme l’ont fait le grand Toussaint et tous ces haïtiens,
On veut vivre comme on le sent
Avec nos vœux, pieux ou pas,
De mettre au pas le Monde et qu’il marche à notre rythme,
S’adapte à nos vies et dise oui à nos envies.
Nous sommes...tellement convaincus d’être le centre de l’Univers,
Et pourtant depuis Copernic, tout le monde sait que cela est faux.
Ça fait tellement longtemps que les étoiles brillent dans l'ciel,
Si longtemps...que les années s'comptent en milliards
Et ici-bas sur Terre, le constat est sans appel
L’humanité...est née… plutôt tard qu’aux aurores,
Cependant assez tôt pour étaler toutes ses tares,
Se terrant dans sa forteresse pleine de certitudes
Criant à travers le temps... que l’autre avait tort...
On a levé des armées et fait trébucher des peuples,
Détruit tant de vies en étant…juché sur des préjugés,
Brûlé au bûcher, traqué et débusqué des « traitres »
On en a presque oublié…qu'la vie était un miracle,
Un moment admirable...dans cet espace infini…
Alors pour se justifier, nous sommes…devenus théologiens
Tué au nom de Dieux cyniques et d’idéologies.
Et on a dénié à d’autres, le droit de pouvoir faire de même,
En les traitant...de païens, de primitifs ou d’animistes.
Des siècles plus tard, le même cycle recommence,
Les opprimés d’hier deviennent les bourreaux d’autres hommes,
Tirant à coup de Kalach ou multipliant les frappes,
Tout cela au nom de Daesh ou tout simplement pour du cash.
La seule chose dont je suis sûr c’est qu’on ne peut être....sûr de rien,
Douter de soi est sain, car l’humain est sans notice,
Mieux vaut affronter ses vices que de passer pour un saint,
Alors moi...je doute...et interroge ce qui nous façonne,
Ce qui m'fascine...c’est que j’aime quand même ce que nous sommes,
Des êtres si complexes, qu’on dirait imaginaires,
Mais tout cela est réel et ne procède d’aucun calcul,
Car on a certes fait beaucoup de mal à tous les nôtres et la nature,
Mais on a inventé les Maths pour dialoguer avec les astres.
On a été des penseurs, des philosophes et des chamanes,
Des hommes de bien, des médecins…et des guérisseurs de l’âme
Ce que je sais de l’Homme, c’est qu’il est vraiment insondable,
Un être flou, qui se dédouble, moitié JeKill et Mr Aide.
Des parents se déchirent pour la garde de leur môme,
Pendant que d'autres unissent leur chair...dans la chaleur d’une alcôve,
Des frères s’entretuent pour l’héritage de leur père,
Pendant que d'autres s’attrapent la main pour aller enterrer leur mère,
Deux jeunes époux s'regardent et ne se comprennent presque plus,
Alors que peu de temps avant, ils pensaient s’aimer pour toujours.
Je vous l’avais dit…l’Homme est vraiment insondable,
Il est le bien, il est le mal, celui qu'on voit...dans le miroir,
Dans les mouroirs se meurent des hommes, qui ont parfois le cœur lourd,
Plein de regrets, de « si je savais » et de « je n’aurais jamais dû »
Que Dieu nous en préserve, et qu’on travaille sur nous-mêmes,
Pour devenir meilleurs qu’hier et guerir de nos colères.
Publication recueillie sur la page Facebook de l'auteur.
LES MUSULMANS DE LA RDC PRIVÉS DE VISA POUR LA MECQUE
Le ministre saoudien des Affaires religieuses explique sa décision par le risque de contamination de plusieurs millions de personnes qui vont se rendre à La Mecque. L'épidémie d'Ebola a fait des centaines de morts dans le pays
"Nous sommes attristés, mais c’est une décision juste".
C'est la réaction d'un délégué de la communauté musulmane congolaise au refus de l'Arabie Saoudite de délivrer des visas aux musulmans de la RDC désireux d'effectuer le pèlerinage à La Mecque.
Ce pèlerinage annuel prévu dans les prochaines semaines est le cinquième pilier de l'islam, derrière le jeûne du mois de ramadan, l'aumône faite aux pauvres et nécessiteux, la prière et la profession de foi.
Le ministre saoudien des Affaires religieuses explique sa décision par le risque de contamination de plusieurs millions de personnes qui vont se rendre à La Mecque. L'épidémie d'Ebola a fait des centaines de morts en RDC.
El Hadj Ali Mwanyi, représentant légal de la communauté musulmane de la RDC, est interrogé par Poly Muzalia.
XARAGNE, LE TEIGNEUX
En 13 ans de carrière, Modou Lo est parvenu a atteindre le sommet de sa gloire, entrant dans le cœur des amateurs de la lutte avec frappe - Réputé fin stratège, le Rock des Parcelles Assainies ne recule devant rien, même devant des adversaires plus forts
Il n’a pas suffit beaucoup de temps à Modou Lo pour se frayer un chemin vers dans la cour des grands de l’arène. En 13 ans de carrière, l’enfant des Parcelles Assainies est parvenu a atteindre le sommet de sa gloire, entrant dans le cœur de beaucoup d’amateurs et observateurs de la lutte avec frappe.
Avec un parcours étincelant, ses fans lui collent le surnom de Xaragne. Sa défaite devant Balla Gaye 2, au mois de janvier dernier, n’a pas eu beaucoup d’incident sur la popularité de Modou Lô. Il a l’occasion, dimanche prochain, face à Eumeu Sène d’être couronné Roi des arène.
Pourtant â première vue, Modou Lô n’a pas l’allure d’un lutteur racé. Il fait 1,78 m et n’est pas aussi costaud que la plupart de ses adversaires, mais il s’est taillé une solide réputation qui lui vaut le respect du monde de la lutte.
Décrit par ses adversaires comme un lutteur très provocateur, il se fait remarquer, lors des face-à-face par des gestes et petites piques qui provoquent l’ire de ses adversaires.
Né le 28 décembre 1985, le chef de file de l’écurie Rock énergie a disputé son premier combat le 4 février 2006. Et depuis lors, il ne cesse de grimper les échelons pour devenir aujourd’hui l’un des lutteurs les plus populaires de sa génération. Ses combats sont attendus par tous les amateurs de la lutte.
Réputé fin stratège, le Rock des Parcelles Assainies ne recule devant rien, même devant des adversaires coriaces a priori plus forts que lui tels que Bombardier, Balla Gaye 2 et Eumeu Séne.
Certains observateurs ne tarissent pas d’éloges à son endroit. Birahim Ndiaye est de ceux-là : «Modou Lo n’est pas un lutteur que l’on corrige. C’est un grand lutteur qui a fait ses preuves dans l’arène.»
En 24 combats, il totalise 19 victoires, 3 défaites et un nul, Modou Lô a réalisé l’un des meilleurs palmarès de l’arène. Il a écrit l’une des plus belles pages de la lutte sénégalaise. Malgré ses revers contre Balla Gaye 2 (deux fois) et Bombardier.
Ce dimanche, il doit faire face au Roi des arènes Eumeu Séne qu’il avait déjà battu lors de leur premier affrontement. Un succès lui permettra de prendre la couronne et d’oublier sa défaite contre Valls Gaye 2, lors de sa dernière sortie.
LA DÉPRIME DES VEILLEURS DE NUIT
Ils s’activent la nuit quand le sommeil s’empare des âmes besogneuses et s’accordent du répit le jour. Les veilleurs de nuit gravissent l’autre versant au péril de leur vie et de leur santé. Et la rétribution est loin d’être des plus motivantes
La nuit a fini de s’emparer des rues du « luxueux » quartier Mariste 2 qui, comme ses habitants, dort d’un sommeil paisible. Tout est à l’arrêt ou presque. Seuls quelques vrombissements désagréables de moteurs de voitures, des taxis « jaunes noirs » pour la plupart, viennent déchirer cette quiétude. Quelquefois, c’est un mouton bêlant, le frottement des feuilles d’arbre fouettées par un petit vent paresseux et de petites gouttelettes d’eau coulant d’une rigole qui brisent la routine ; ce silence et cette obscurité qui dopent les voleurs et autres aigrefins.
Comme trois « fantômes », Wouri Diallo, Lamine Sarr et Mansour Sano sont blottis tranquillement dans un petit coin entre une voiture 4×4 noire et un petit kiosque de fruits. Ces vigiles veillent à la sécurité d’une belle villa à la façade carrelée. Deux grands cocotiers se dressent, majestueux, devant la porte principale de la maison comme pour être en harmonie avec l’architecture.
Malgré la force de l’habitude, les nuits sont toujours « longues » pour les trois compagnons qui retrouvent la vitalité et se maintiennent en éveil après maintes palabres autour du thé. Inutile d’élever la voix pour se faire entendre ou raconter le bon vieux temps où l’on se prélassait dans les bras de Morphée sous des couvertures bien chaudes. « La belle époque ! » C’est Woury, le « pro », qui assure le thé. Le reste de la bande savoure ses services qui éveillent les sens.
La nuit creuse les ventres, on ne sait par quel moyen. Il faut tromper la « faim nocturne ». Des mangues bien mûres feront bien l’affaire. Gardées jalousement dans deux petits sachets jaunes, Lamine Sarr, le comédien du trio, aimant abonder en saillies joyeuses, ne manque pas d’y jeter un regard de temps à autre comme si un esprit invisible s’échinait à en prendre possession.
Payé avec des miettes à garder des milliards
Malgré sa grande taille, sa puissance digne d’un champion de boxe poids lourd et sa formation en garde rapprochée, Woury Diallo, père de trois enfants, prie tous les jours de revenir sain et sauf en laissant ses « petites amours » à sa maison sise à Boune. Les risques du métier le hantent, troublent le peu de sommeil dont il jouit. « Nous avons un pied au cimetière et l’autre en prison. Chaque jour que Dieu fait, nous surfons entre ces deux cauchemars », avoue-t-il, le visage sérieux, le regard aussi perçant que celui d’un aigle.
Son collègue Lamine Sarr a plus d’expérience que lui dans ce métier. Il en est à sa quatorzième année de service. L’homme déborde d’énergie à cette heure où les corps sombrent souvent dans l’apathie malgré les trois tasses de thé, les doses de café, les cigarettes grillées pendant des heures. Ses collègues étouffent difficilement les bâillements de plus en plus réguliers au fur et à mesure que la nuit avance. Paroles accompagnées d’une gestuelle presque mécanique, une « carcasse » bien musclée, sans doute les vestiges des années passées dans l’armée et un accoutrement contre les moustiques, Lamine Sarr soutient avec un humour qui lui est propre : « Ce qui est marrant dans ce métier, c’est dès qu’il y a un cas de vol dans nos lieux de travail, nous sommes les premiers suspects. Nos patrons n’ont aucune confiance en nous ».
Et comble d’infortune, il faut huit à 12 heures de garde par jour pour se retrouver avec des « salaires de misère » à la fin du mois ; entre 50.000 et 100.000 FCfa au maximum. « J’ai dit à mon chef que mes problèmes s’accroissent le jour où je perçois mon salaire car il ne résout absolument rien », plaisante Wouri, déchaînant l’hilarité collective.
Comme des zombies !
Jusque-là resté très calme, se balançant sur son pliant, les yeux rivés sur l’écran de son téléphone qui, avec la lueur, laisse entrevoir une peau noire et un nez pointu, Mansour lance d’une voix faible à peine audible : « Payer 60.000 FCfa à une personne à la fin du mois et lui demander de garder des choses qui valent parfois des milliards, c’est vraiment insensé ».
Un travail « extrêmement pénible », mal rémunéré et qui compromet la santé. « Si tu pesais 50 kg avant d’entrer dans ce métier, deux mois plus tard, tu en vaudras 45. A la longue, tu ressembles aux zombies que l’on voit dans les films d’horreur », se plaint Wouri. Las d’être assis depuis tout ce temps, il se lève pour se dégourdir un peu les jambes. A cela s’ajoute un manque de considération dont ils se plaignent tous : « Dans certaines maisons, nous n’avons pas le droit d’utiliser les toilettes. Ils ne vous donnent rien à manger et, pis, ils vous demandent parfois de laver leur voiture, de nettoyer l’enclos », peste Wouri, le ton grave, les yeux presque au bord des larmes. Dans ces moments de solitude, de communion avec la nuit, ils ne peuvent s’empêcher de penser à la famille. Leurs épouses leur manquent. « Dès fois, tu restes une semaine sans avoir d’intimité avec ta femme », lâche Lamine devant Wouri et Mansour, railleurs. La nuit avance. Elle cède la place petit à petit à l’aube. Mariste 2 sort de sa torpeur. Bientôt l’heure de rentrer chez soi, d’aller récupérer un peu pour revenir le soir et retomber dans la routine. « Nous ne pouvons baisser les bras. Nous avons des familles à nourrir». Vieille rengaine des « gens de la nuit » !
VIDEO
OMAR DAF, LA SYMPATHIQUE ANOMALIE SÉNÉGALAISE
Focus sur la trajectoire de l'ancien défenseur, seul entraineur sénégalais à ce jour à diriger un club professionnel en Europe
Omar Daf, ancien défenseur de l’équipe nationale de football est le seul entraineur sénégalais à diriger un club professionnel en Europe avec le FC Sochaux. « C’est une anomalie sympathique ». C’est ainsi que Pape Diouf qualifiait, ironiquement, son cas quand il était alors le seul noir président d’un club professionnel en dirigeant l’Olympique de Marseille. Pour le moment « l’anomalie Omar Daf » dure puisqu’il a entamé la saison 2019/2020 de L2 française, le 26 juillet, par un nul (0 -0) face à Caen qui vient de descendre de L1. Focus sur la trajectoire de Coach Omar Daf.
par Ousmane Sonko
RESPECT "GRAND TAM"
En frappant le commandant Tamsir Sané, les malfrats mettent au grand jour la déliquescence d'un État et de son autorité jusque dans ce qui la représentait le mieux : les forces de l'ordre et de sécurité
La violence aveugle, lâche et gratuite vient de faire encore une victime, le commandant de la brigade de gendarmerie de koumpentoum, Tamsir Sané.
Grand Tam, comme nous l'appelions affectueusement, est l'un de nos grands frères qui ont contribué à façonner notre enfance dans la ferveur et la convivialité du quartier des HLM Néma de Ziguinchor. Nous admirions un grand frère d'une force physique peu commune, toujours prompt à remettre à leur place les impétueux et autres arrogants, mais doté d'un grand cœur qu'il traduisait par une générosité et une disponibilité sans limite. La première chose qui frappait quand on le rencontrait, c'était ce large et éclatant sourire qui ne s'effaçait de son visage jovial que quand II s'endormait.
La dernière fois que je l'ai aperçu, c'était pendant la campagne électorale lorsque notre caravane déambulait dans les rues de Koumpentoum. Professionnel jusqu'aux ongles, il resta impassible quand je passais devant la brigade. Tout juste soufflera-t-il à un de mes compagnons restés à l'arrière : Sonko est mon "Boy”.
Oui, le crime lâche et crapuleux a fauché un grand frère. Mais le plus inquiétant c'est la propension que ce mal est en train de prendre au sein de notre société de jour en jour, révélant du coup l'absence et la faiblesse de la puissance publique.
En frappant le commandant Tamsir Sané, les malfrats mettent au grand jour la déliquescence d'un État et de son autorité jusque dans ce qui la représentait le mieux : les forces de l'ordre et de sécurité dont les appellations populaires de "takk dër”, "alkaati" renvoyaient tellement bien à la "force publique“ et à la peur qu'elle inspirait.
La responsabilité première de cette situation, lourde de dangers pour la stabilité sociale de notre pays, incombe aux pouvoirs publics dont le comportement de tous les jours face au bien public et à l'intérêt national a fini de désacraliser l'Etat.
Un sursaut s'impose avant qu'il ne soit trop tard.
Grand Tam, tu es tombé sur le champ de l'honneur, comme tu as vécu.
Puisse Allah te couver et te couvrir de sa miséricorde et de son pardon. Puisse-t-il t'ouvrir les portes de ses jardins célestes.
“On passe sa vie à dire adieu à ceux qui partent, jusqu'au jour où l'on dit adieu à ceux qui restent.”
MARIÈME FAYE SALL ET MOI
Papa Oumar Sakho, président du Conseil constitutionnel revient sur la dernière prestation du chef de l’Etat où il a essuyé des critiques pour avoir parlé de la première dame dans un discours solennel
Les «Sages» ouvrent le débat. Ils veulent circonscrire la désinformation en se rapprochant des populations. Papa Oumar Sakho, président du Conseil constitutionnel, l’a fait savoir lors d’un séminaire qui s’est tenu à Saly du 25 au 26 juillet, à l’intention des journalistes, en collaboration avec le Synpics. « L’organisation de la rencontre d’aujourd’hui traduit notre volonté de poursuivre le dialogue avec les médias, et, en même temps, de contribuer à apporter au débat médiatique un cachet technique et juridique plus substantiel», déclare Papa Oumar Sakho qui est revenu sur la dernière prestation du chef de l’Etat où il a essuyé des critiques pour avoir parlé de la Première Dame dans un discours solennel.
«L’ouverture du Conseil consti- tutionnel aux médias est en fait une ouverture de l’institution à la société. Elle est commandée par l’esprit du temps. Elle parti- cipe aussi de l’effectivité du droit à l’information plurielle que notre Constitution a érigé, en son article 8, en droit fondamen- tale. La passion des sénégalais
pour les sujets juridiques et politiques a souvent mis et mettra encore plus souvent le conseil constitutionnel au centre des débats où le faux se disputera toujours au vrai. C’est la rançon de la démocratie», souligne le Président du Conseil constitutionnel qui précise : «Que l’on ne s’y mé- prenne pas : le Conseil constitu- tionnel ne sera pas plus aujourd’hui qu’il ne l’a été hier un acteur du débat. Il lui appartient cependant, pour jouer plei- nement son rôle dans la consolidation de notre démocra- tie tout en préservant son iden- tité institutionnelle, de permettre aux populations un accès à la fois physique et intel- lectuel à l’information relative à ses compétences, à son proces- sus décisionnel et à son langage parfois jugé technique, voire ésotérique. »Dans cette perspective, plusieurs initiatives ont été entreprises par le Conseil constitutionnel. «On peut citer, sans être exhaustif, la création d’un site web, les séminaires à l’inten- tion de divers acteurs de l’uni- vers médiatique, une motivation des décisions plus tournée vers la pédagogie et soucieuse d’une plus grande intelligibilité pour les non- juristes, et l’ouverture
de certaines de ces procédures, notamment en matière électorale, à des personnalités indé- pendantes», énumère Papa Oumar Sakho. Dans un souci de circonscrire la désinformation, l’institution via les Professeurs Ndiaw Diouf, Babacar Kanté, les magistrats Madieyna Diallo, Adama Taoré, Birame Sène, est revenue au cours des débats sur l’organisation et le fonctionne- ment du Conseil constitutionnel, ses compétences, ses attribu- tions, le contentieux électoral, le cadre légal du parrainage, les candidatures à l’élection prési- dentielle, les aspects techniques de la vérification des parrai- nages et le contentieux des opé- rations électorales. Dans le même sillage, le président Sakho est revenu sur le reproche qu’on lui a fait lors de la prestation de serment du Président Macky Sall où il avait «prié» pour la Première Dame Marième Faye Sall. « Regardez dans les archives, vous verrez que ce n’est pas nou- veau(...). Mireille Ndiaye, en son temps l’avait fait et personne ne l’a relevé», dit-il.
Une manière de souligner que le Conseil est souvent l’objet de critiques injustes. «Nous avons la conscience tranquille. Quand on termine notre décision qui est bien motivée, on signe et on passe à autre chose. On ne se soucie pas de la cla- meur dès lors qu’on est sûr d’avoir fait correctement le travail conformément à la Loi», dit- il. Par ailleurs, les impairs notés, notamment sur le parrainage présent au Sénégal depuis 1963. «Le parrainage existait déjà au Sénégal depuis lors , mais il a évolué», a expliqué le magistrat Adama Traoré. En revanche, le Conseil a relevé ses limites notamment sur la vérification des signatures. «Cela ne relève pas des prérogatives du Conseil », a indiqué Pr Ndiaw Diouf qui a précisé à propos de sanctions pénales contre les auteurs de doublons. « Si par exemple, vous convoquez la personne et qu’elle vous dise qu’elle n’a parrainé personne. Vous faites comment ? Vous remontez la pente. Vous voyez là où je veux en venir. Le Conseil constitutionnel fait son travail conformément à la loi.. », dit-il insinuant les imper- fections du parrainage.
PAR Man Bene
LE (FAMEUX) RÈGNE FRANÇAIS N’EXISTE QUE POUR CEUX QUI Y CROIENT
Il faut cesser de prêter à la France un pouvoir qu’elle n’aurait jamais dû avoir. Un pays ne peut pas prendre en otage 14 Etats déterminés à veiller au grain de leur indépendance, pour peu qu’ils y croient fermement
Il y a deux choses essentielles auxquelles tout Africain doit croire fondamentalement : la liberté de penser et la constante vigilance à la digne autonomie. Sans ces deux paravents, il est difficile de s’envisager entier. C’est précisément dans cet ancrage paradigmatique que s’inscrit la logique de cet article au sujet de la polémique qu’attise la prise de parole de l’ambassadeur de France au Burkina Faso au sein de l’opinion publique.
L’Afrique est-elle vraiment indépendante, comme la revendiquaient les nationalistes de la première heure ? La réponse est sans appel : non ! Au-delà des drapeaux qui flottent au-dessus des palais à l’intérieur desquels trônent des assoiffés du pouvoir ad vitam aeternam, il va sans dire que la souveraineté des jeunes Etats africains, au sortir du tournant des années 60, a été biaisée. Le coupable n’est pas le bourreau ; puisque le crime aura été une collaboration d’avec la gent locale, héritière post-indépendance de la prétendue décolonisation.
En effet, il a manqué une forme de perpétuation de la résistance devant l’occupant qui feignait de lever l’ancre. On ne crache pas sur le bénéfice de facilité. La France (néo) coloniale était donc dans son rôle de veiller au maintien de ses intérêts sur le pré carré qu’elle avait douloureusement constitué depuis trois à quatre générations. Il revenait à l’Afrique des 14 Etats issus de ce terreau colonial d’affirmer sa foi en sa liberté, son attachement à sa dignité à retrouver et sa persistance à veiller à son autonomie réelle.
Pourtant, il faut s’en convaincre, des espèces de collabos (puisque malheureusement il y en a eu) indigènes cette fois-ci, ont cru bon de garder le lien d’avec le maître pour asseoir ce qu’il appelaient alors un transfert d’autorité réussi entre le colon et les nouveaux régimes dont la mise en place nécessitait, disaient-ils, l’encadrement, le suivi et l’accompagnement. La mise sur pied des idées telles que la Francophonie institutionnelle et la nébuleuse Françafrique naîtront sous l’instigation de Senghor et Houphouët Boigny. Ces deux présidents pensaient qu’une indépendance brutale de l’Afrique obligerait ce continent à une déroute assurée. Dès lors, la progressivité du désengagement de la France en Afrique s’imposait, pour eux, comme une garantie de sécurisation des jeunes institutions et de construction des jeunes nations.
Le rêve fou d’un tel postulat avait tôt fait d’embrigader les 14 Etats francophones dans une sorte de « servitude volontaire », telle que théorisée par Etienne de La Boétie. D’ailleurs, Cheikh Anta Diop voyait en une manœuvre pareille le refus qui serait celui d’un esclave affranchi de définir sa nouvelle existence en dehors de la tente de son ancien maître. Au lieu de s’en éloigner, parce que conscient des difficultés qui seront les siennes et face auxquelles il devra désormais apprendre à y réfléchir en termes de solutions à trouver, cet esclave opte plutôt pour un recours de fainéant : revenir se soumettre à l’autorité de son oppresseur auprès duquel il semble s’être accommodé d’actes humiliants.
Ce sont ainsi des Africains qui ont, historiquement, hésité à décider radicalement d’être effectivement indépendants. Le pain béni, quand en plus il nous vient de la personne la plus inattendue, on ne le rejette pas du revers de la main. On s’en sert et le consomme gloutonnement. Personne, en lieu et place de la France, n’aurait craché sur l’appel des 14 Etats africains à bénéficier de la continuité du tutorat français qui suppose ipso facto les bénéfices économiques et la gratuité quasi salope des ressources naturelles de chaque pays envisagé.
59 ans après les indépendances supposées des 14 Etats francophones, il demeure mal aisé, pour l’élite gouvernante en place et une certaine classe d’intellectuels africains, d’affirmer avec véhémence la responsabilité qui est celle des Africains eux-mêmes dans ce malheur, s’il convient de le nommer ainsi, qui leur arrive. On continue d’actionner l’attitude victimaire selon laquelle l’enfer (africain), c’est les autres (en l’occurrence la France). La pauvreté, le non décollage du continent, la mainmise ou l’ingérence, l’impérialisme économique via les institutions de Bretton Woods et le diktat monétaire à travers le franc CFAsont à attribuer à la France qui aurait ainsi libéré la chèvre en retenant par-devers elle la corde. Vue de cette façon, l’Afrique serait un innocent non actionnaire de sa misère multiséculaire.
C’est précisément contre ce type de discours passif, faux et pleurnichard que le docteur Elisée Coulibaly s’insurge. Le responsable en chef de la déroute de l’Afrique des 14 est bel et bien les 14. Si l’Afrique ne peut se défendre et défendre ses intérêts, nul ne le fera à sa place. Au contraire, sa crédulité devra assurer les intérêts des autres, car le monde mondialisé dans lequel on vit sera une opportunité pour ceux qui veillent et quêtent les privilèges de ceux qui sommeillent.
Au lieu donc que le nommé Larba Israël LOMPO, rédacteur de la « Lettre ouverte » à l’ambassadeur de la France au Burkina Faso, s’indigne devant la crudité des propos tenus par le diplomate (« que les leaders politiques dans votre pays et encore plus au Mali d’ailleurs arrêtent de raconter n’importe quoi sur mon pays »), il devrait plutôt entendre le son de cloche du docteur Elisée Coulibaly pour qui l’ambassadeur « fait son job, c’est-à-dire défendre les intérêts de son pays. Mais dans notre pays, le Burkina Faso, il y a aussi des Autorités mandatées par leur peuple pour défendre ses intérêts. Ces autorités du Burkina Faso ont le droit de mettre fin au mandat de l’Ambassadeur de France si elles le souhaitent. Alors, pourquoi ne prennent-elles pas leur responsabilité puisque les accords internationaux le permettent ? »
Cette question du docteur Coulibaly s’arme d’une verve ironique dans la mise à l’index des gouvernants de façade à la tête des Etats africains. En réalité, il a raison de conclure que « nos populations [sont] désorganisées par 60 ans de mauvaise gouvernance de la part de dirigeants indépendants mais inconscients et partisans du moindre effort. » ce qu’il y a lieu de dénoncer, c’est bel et bien, pour les dirigeants africains, ajoute-t-il, l’ « incapacité à assumer l’indépendance de nos pays ».
Voilà où il faut battre le fer, tant il chauffe encore. Alain Mabanckou pointait déjà du doigt l’instinct d’immobilisme africain à travers ce qu’il appelait le « sanglot de l’homme noir » dont la particularité est qu’il tend à justifier ses retards sous le prétexte d’un pouvoir hégémonique de la France sur son pré carré et qui empêcherait ce dernier non seulement de s’émanciper, mais aussi de penser positivement son essor. Non ! La France, si elle a colonisé les 14 Etats francophones, n’est pas en mesure de continuer de les maintenir collectivement sous sa coupole. Curieusement, les 14 continuent de lui accorder un pouvoir qu’elle n’a pas, qu’elle n’a plus. La liberté s’arrache et, une fois acquise, on se tâche de l’affirmer jalousement. Elle n’est pas un fait de simple proclamation. Elle se vit psychologiquement, matériellement, concrètement donc.
La qualité de la lettre de sieur LOMPO est d’avoir au moins le courage de demander la démission d’un ambassadeur français coupable de zèle diplomatique. On se souvient qu’effectivement du temps de Bongo père, ce dernier avait le pouvoir de choix et de renvoi des autorités françaises jugées indélicates ou non compatibles à son goût. Il est tout à fait légitime de démettre de ses charges un émissaire métropolitain mal inspiré, si les intérêts du cru sont soumis à rude épreuve. Toutefois, le propos de sieur LOMPO nous renvoie à une manière de raisonner qui déresponsabilise l’Afrique, ses dirigeants, ses intellectuels et ses populations de leur état d’esprit premier qui est de s’estimer autonomes.
Cette autonomie commence par la coupure du cordon ombilical colonial qui lie encore certains africains à la France ; et elle s’accompagne d’une « décolonisation de l’esprit », telle que recommandée par Ngugi wa Thiongo. Ce n’est qu’ainsi que se mettront en place les canons du développement intégral de l’Afrique qui vient. Chercher le coupable du piétinement de l’Afrique en dehors de l’Afrique, c’est militer vraisemblablement pour la politique de l’autruche.
Il faut cesser de prêter à la France un pouvoir qu’elle n’aurait jamais dû avoir. Un pays ne peut pas prendre en otage 14 Etats déterminés à veiller au grain de leur indépendance, pour peu qu’ils y croient fermement.
"À L'ORIGINE, BOKO HARAM ÉTAIT UN MOUVEMENT TRÈS POPULAIRE"
Cela fait 10 ans, que le groupe terroriste déstabilise le nord-est du Nigeria, mais aussi une bonne partie des rives du lac Tchad. Pour parler de ces racines, entretien avec Yan St-Pierre, directeur du cabinet Mosecon, spécialisé dans le contre-terrorisme
Cela fait maintenant 10 ans, que le groupe terroriste Boko Haram déstabilise le nord-est du Nigeria, mais aussi une bonne partie des rives du lac Tchad. Tout est parti de Maiduguri. À l'origine c'est une secte religieuse implantée dans le nord du Nigeria, où la charia est appliquée depuis le début des années 2000. Boko Haram, qui signifie « l'éducation occidentale est un pêché », était animé par plusieurs étudiants et parmi eux, un prédicateur religieux, Mohamed Yusuf. Pour parler les racines de ce mouvement, Bineta Diagne s'entretient avec Yan St-Pierre, directeur du cabinet Mosecon, spécialisé dans le contre-terrorisme.
À l’origine, Boko Haram était une secte religieuse, radicale, dirigée par Mohammed Yusuf, tué en juillet 2009 par l’armée nigeriane venue déloger les islamistes à Maidiguri. Qui était-il ?
Yan St-Pierre : Mohammed Yusuf était un prêcheur, un religieux très charismatique. Originaire de Maiduguri, il avait à l’époque des liens avec la secte Izala, une autre secte islamique radicale qui avait aussi ses racines dans le sud du Niger, dans la région de Diffa.
Quelles étaient ses idées à l’origine ? Que prônait-il ?
Il prêchait une approche très « orthodoxe » de l’islam, qu’on pourrait considérer aujourd'hui comme islamiste ou salafiste. Mais surtout, il se servait du discours religieux pour dénoncer les carences, les griefs et les problèmes du gouvernement nigérian et de l’armée. Il s’est servi du mécontentement populaire pour construire ses idées, sa structure idéologique et religieuse. Ainsi, en se servant des principes religieux, il est parvenu à transformer ou du moins à appliquer ses idées politiques fondées sur la charia, sur l’idée d’un islam pur pour contrer ce qu’il considérait comme la mauvaise gestion du gouvernement nigérian.
Nous sommes alors au début des années 2000. Qui était derrière cette secte et qui en faisait partie ?
C’était un mouvement très populaire, composé de personnes ayant du mal à toruver un emploi, de beaucoup de fermiers, des mal-aimés de la société nigériane, qui ont trouvé dans les discours de Mohammed Yusuf quelque chose qui leur plaisait beaucoup. C’est quelqu’un qui avait un grand charisme et il arrivait à relier les gens de différentes factions.
À partir du moment où les autorités ont commencé à remarquer son influence, son prestige, il a bénéficié d'un appui de structures formelles. Il y avait des accusations à l’époque de l’ancien gouverneur Kashim Shettima. Un ensemble de différentes personnes assez influentes dans l’est du Nigeria se sont mises à appuyer Boko Haram, semble-t-il, même si certaines d'entre elles avaient des craintes sur l’influence et la tendance du groupe. C’était néanmoins perçu comme un atout politique, et donc progressivement, ce mouvement très populaire est devenu un mouvement avec des figures de proue assez influentes au Nigeria.
Comment et pourquoi ce mouvement s’est-il rebellé ?
En raison de son influence grandissante, ce mouvement a souhaité instrumentaliser son action à des fins politiques. Plusieurs incidents ont révélé comment Boko Haram était utilisé pour la collecte de fonds, comme force, mais aussi comme facteur d’intimidation dans les campagnes électorales, à des buts politiques.
Peu à peu, cette influence-là s’est transformée en atout politique pour Boko Haram, un atout politique qui est devenu dangereux pour les autorités. Le mouvement s'est alors mis à se rebeller parce que ses appuis originels, ses appuis formels, ont commencé à se distancier de lui progressivement. Parce qu’il avaient grandi en influence, [ces appuis] sentaient que le mouvement était là pour commencer à imposer ses idées, commencer à dénoncer pleinement ce qu’il considérait comme une société impie et injuste. Et donc, il a tenté d’imposer ses propres idées. C’est le début du mouvement rebelle.
Quel a été le moment-clé qui a fait basculer ce mouvement non armé dans la violence ?
Le moment-clé, c’est juillet 2009. Cela commence essentiellement par un rassemblement organisé par Boko Haram à Maidiguri et à Bauchi. À partir de ce moment-là, des partisans de Yusuf ont tenté de s’organiser et ont voulu participer à cet événement. Le gouvernement intervient, donc la police du Nigeria intervient. Ce conflit cause plusieurs décès. S’ensuivent des émeutes pendant une journée. Finalement, l’armée décide d’arrêter Mohammed Yusuf trois jours plus tard, le 29 juillet, et l’exécute en public.
À partir de ce moment-là, le mouvement prend vraiment sa force. Il arrive à démontrer que les raisons pour lesquelles il se bat ou se rebelle sont justifiées. Et c’est à partir de ce moment-là qu’Abubakar Shekau prend le contrôle du groupe et lui donne une autre orientation.
Avec Abubakar Shekau, quel est ensuite le mode opératoire principal de ce groupe ?
C’est à partir de 2010 que l'action de Boko Haram devient plus « raffinée », plus sophistiqué. Le groupe organise des assauts avec des véhicules et des engins explosifs improvisés. Les attaques sont non seulement dirigées contre des civils, mais elles visent aussi les forces du gouvernement. C’est un modus operandi en pleine mutation. Car il y a un ajustement, une prise de conscience. C’est pour cela que ce modus operandi se transforme beaucoup en 2010 et 2011. Cela se termine justement par l’attentat à l'explosif contre un bâtiment des Nations unies à Abuja en 2011.